DEBAT CONSECUTIF A LA PRESENTATION DU RAPPORT
Réunion du 4 décembre 1997
M. Xavier de Villepin :
Je suis d'accord avec le rapporteur pour considérer que cette négociation n'en est qu'à ses prémices et qu'il nous faudra suivre de près son évolution. Je suis toutefois perplexe sur la proposition de la Commission pour maintenir l'avantage du fonds de cohésion aux Etats membres qui accéderaient à la troisième phase de l'union économique et monétaire, car il me semble légitime de considérer que, dans ce cas, le fonds de cohésion aura accompli sa mission. Par ailleurs, j'ai le sentiment que la France semble plutôt mal traitée dans ce projet : la Corse va perdre le bénéfice de l'objectif 1 alors que les Länder de l'ex-Allemagne de l'Est vont en conserver l'avantage, même si les réalisations passées n'ont pas prouvé l'efficacité des sommes considérables dont ils ont bénéficié jusqu'ici afin de leur permettre de rattraper le niveau moyen communautaire.
M. Denis Badré :
En tant que rapporteur spécial de la Commission des
Finances sur la contribution française au financement de l'Union
européenne, je souhaite souligner l'importance d'utiliser les fonds
disponibles -30 milliards d'écus par an- d'une manière exempte de
critiques et allant dans le sens du renforcement de la cohésion et de la
construction européenne. C'est pourquoi je trouve difficile de justifier
les retards pris dans la consommation des fonds structurels, qui correspondent
globalement à une année budgétaire. Il faut à la
fois simplifier les procédures et obtenir une bonne exécution de
ces opérations.
En outre, le taux de retour français n'est pas très satisfaisant
: il s'élève à 10 % environ, alors que notre participation
correspond à 17 % du budget communautaire. Si la réforme
proposée doit réduire encore ce taux de retour, il faut
être conscient que nous assisterons à une renationalisation de ces
politiques et il convient d'obtenir du gouvernement français qu'il
s'engage à assurer une transition, au niveau national, pour les fonds
qui ne viendront plus de l'Europe. Enfin, je suis partisan de ne financer sur
les fonds structurels que ce qui sert la cohésion européenne, les
projets de strict intérêt local devant relever des interventions
nationales en vertu de l'application du principe de subsidiarité. Il est
clair que le principe d'additionnalité et le principe de
subsidiarité sont antinomiques.
M. Pierre Fauchon :
Les politiques structurelles ont été
conçues pour permettre le rapprochement des niveaux de
développement au sein de l'Union, au nom d'une solidarité
communautaire.
Pour la France, les fonds structurels sont très utiles pour les cantons
qui accusent un certain retard, mais qui peuvent ainsi trouver l'occasion de
rattraper ce retard. J'ai l'exemple de mon propre canton, classé
actuellement en zone 5b, où les fonds européens ont permis de
financer des opérations lourdes qui ont amélioré son
potentiel d'activité. Il est vrai qu'il faudrait simplifier le
système, mais il est par nature complexe. Il y a en tout cas peu de
place pour le gaspillage en France, ce serait-ce que parce que l'exigence d'une
participation française en contrepartie constitue un frein. Il faut en
tout cas éviter l'émiettement car il n'entre pas dans la mission
de l'Europe de secréter des petits projets. Enfin, il me semble normal
que l'on ne renouvelle pas systématiquement l'attribution de fonds
européens : ils ne sont pas un dû, mais simplement une chance de
développement à saisir au moment adéquat ; et ils ne
doivent pas devenir une habitude.
M. Michel Barnier :
La réflexion engagée au sein de la Commission
est intelligente et construite. Il faut impérativement remettre à
plat notre dispositif entre 1999 et 2004, avant l'arrivée des nouveaux
adhérents, car c'est alors que les vraies difficultés
surviendront. Il n'est plus imaginable d'augmenter comme par le passé
les dotations structurelles, il faut faire plus avec moins d'argent. Ce que
j'ai retiré de mon expérience passée, c'est d'abord le
fait que les Etats sont très heureux de pouvoir bénéficier
de fonds extérieurs qui suppléent leurs propres lacunes. Les
fonds structurels ont un vrai effet de levier, même pour de petits
projets dans des cantons ruraux, où ils ont produit des effets
très bénéfiques. Il faut toutefois éviter le
saupoudrage et se fixer des priorités car il est normal que la dotation
française diminue après 1999. Il me semblerait utile de
procéder à l'audition de Mme Dominique Voynet pour faire le
point des projets d'aménagement du territoire dans cette étape
transitoire de la politique régionale européenne. Enfin, il faut
impérativement contrôler l'usage qui sera fait de ces fonds dans
les pays de l'Est pour qu'ils ne soient pas détournés de leurs
destinataires, ni utilisés pour financer certains projets
catastrophiques en termes d'environnement que l'on ne finance plus dans l'Union
actuelle. L'attribution des fonds devrait être soumise à une
conditionnalité reposant sur l'analyse de leur impact sur
l'environnement.
M. Pierre Lagourgue :
J'ai personnellement du mal à croire que l'Etat français
compensera, notamment pour les départements d'outre-mer, les fonds qui
ne seraient plus distribués par l'Europe. Je vous indique par ailleurs
que des procédures de contrôle ont été
instituées, par exemple à la Réunion, qui ont grandement
facilité la mise en oeuvre des dotations structurelles. Je serais
heureux que vous puissiez venir constater, dans mon département, le bon
usage que nous avons fait des fonds structurels européens depuis quinze
ans.
M. Christian de La Malène :
Les fonds structurels, que j'ai vu naître, avaient pour objectif premier
de permettre le développement de la construction européenne en
monnayant l'appui de certains Etats membres. Ce n'est que par la suite que la
Commission européenne leur a, très adroitement, assigné
une mission en faveur de l'aménagement du territoire. Je ne suis pas
très convaincu du bien-fondé de cette mission : il me semble que
chaque Etat peut aussi bien faire, voire mieux, que l'Europe en la
matière. Je considère qu'il faut conduire une réflexion
globale sur l'efficacité des politiques structurelles, en liaison avec
les autres politiques de l'Union, notamment en matière agricole.
M. Jacques Oudin :
La lecture du rapport m'a laissé les trois impressions suivantes :
d'abord, celle d'une prolifération de fonds structurels ; ensuite,
celle de la lourdeur et de la complexité des procédures qui
conduisent parfois à renoncer à faire appel aux dotations
communautaires ; enfin celle d'une dispersion des crédits souvent
excessive. Je considère que l'action régionale de l'Europe est
une chose utile. Elle peut permettre la mise en oeuvre d'actions horizontales
exemplaires, comme celle conduite en matière de zones humides
littorales. Mais je m'étonne qu'on puisse à la fois disperser
ainsi des sommes importantes et dire qu'on ne peut trouver les moyens de
financer les grands travaux européens, alors même que ceux-ci
seraient par nature structurants. J'ai le sentiment que la solidarité
européenne a plus vocation à s'appliquer à la
périphérie de l'Union où les besoins sont sans doute plus
perceptibles.
M. Yann Gaillard :
Compte tenu du fait que la négociation entre les Etats membres n'en est
encore qu'à ses balbutiements, je serai partisan, si vous en
étiez d'accord, de présenter une nouvelle étude de
l'évolution de la politique structurelle européenne, à un
stade plus avancé des discussions.
M. Jacques Genton :
Cette idée me semble très pertinente. J'y ajouterai celle du
dépôt d'une question orale européenne avec débat,
portant sur ce sujet, début 1998.
Après avoir approuvé les suggestions de son président,
la délégation a décidé d'autoriser la publication
du présent rapport.