- COIN FISCAL ET RIGIDITÉ SALARIALE
La relation entre le coût du travail et la pression des
charges sociales et fiscales portant sur les salaires est loin d'être
évidente. Pour comprendre les mécanismes de transmission des
charges fiscales sur les niveaux de salaires, il faut intégrer tous les
mécanismes d'ajustement sur le marché du travail. Pour poser le
problème en termes simples, on peut considérer qu'en
présence de très fortes rigidités à la baisse des
salaires réels, toute hausse des charges pesant sur les salaires vient
directement augmenter le coût du travail pour l'employeur. Dans ce cas,
la hausse du coût du travail se repercute sur le nombre de chômeurs
et pèse sur les négociations salariales.
De nombreuses études économétriques ont été
menées sur le sujet. Si on peut s'attendre à ce qu'un
relèvement de l'impôt entraîne une augmentation des
coûts de la main d'oeuvre, les avis sont assez divergents quant à
l'ampleur de cet effet et à ses conséquences, qu'il s'agisse du
moment où il intervient et de son impact sur le chômage. Il est
aussi important de voir s'il existe des effets non symétriques selon que
la majoration concerne les cotisations patronales, les cotisations salariales,
l'impôt sur le revenu ou la TVA.
Nous nous limiterons à donner les principaux résultats d'une
analyse menée par l'OCDE (
L'étude sur l'emploi,
Tyrväinen
) parce qu'elle répond tout à fait aux
questions que l'on peut se poser dans le cadre de notre étude.
L'étude de l'OCDE est une analyse économétrique qui a pour
objectif de mesurer l'impact d'une modification des divers impôts sur le
coût de la main-d'oeuvre. Cette étude est fondée sur des
informations concernant les systèmes fiscaux de dix pays : elle examine
les effets d'une hausse du taux moyen et du taux marginal d'imposition sur les
négociations salariales.
Les résultats de cette étude sont donnés en terme
d'élasticité des coûts de la main-d'oeuvre à une
modification des taux d'imposition. En Allemagne, l'élasticité du
coût du travail aux cotisations patronales est unitaire, ce qui signifie
que l'augmentation des cotisations sociales se transmet tout entière en
terme de coût pour l'employeur. Au contraire, aux Etats-Unis où le
marché du travail est très flexible, l'augmentation des
cotisations patronales n'affecte pas le niveau des salaires: les
salariés acceptent une baisse de leur salaire qui compense totalement
l'augmentation des charges.
Elasticité des coûts de la main d'oeuvre
Par rapport |
aux cotisations
patronales
|
aux cotisations salariales
|
Allemagne |
1 |
1 |
Canada |
0,8 |
0,8 |
Japon |
0,5 |
0,5 |
Finlande |
0,5 |
0,5 |
Australie |
0,5 |
0,5 |
France |
0,4 |
0,4 |
Italie |
0,4 |
0,4 |
Suède |
0 |
0 |
Etats-Unis |
0 |
1 |
Royaume-Uni |
0,25 |
0,25 |
Source : Tyrväinen, "Real wage resistance and
Unemployement : multivariate analysis of cointegration relations in 10 OECD
economies". L'étude sur l'emploi. OCDE
Les conclusions couvrant la France sont moins marquées : un
relèvement des charges sociales et fiscales portant sur les salaires
tend à augmenter le coût du travail mais la réduction des
salaires réels permet de compenser en partie.
Le poids des charges fiscales doit être interprété au
regard de son impact sur le coût du travail. Mais cet impact
dépend lui-même des mécanismes de régulation du
marché du travail dans chaque pays. Il peut se décomposer en deux
effets : d'une part l'élasticité du coût du travail aux
augmentations de prélèvements obligatoires, d'autre part
l'ampleur des chocs sur le taux de prélèvement. Concernant
l'élasticité du coût du travail, on peut tout de même
retenir, qu'aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, elle semble plus faible qu'en
Allemagne, la France restant dans une position intermédiaire. Mais la
succession de chocs sur les taux de prélèvements d'ampleur plus
importante en France pourrait nuancer l'effet précédent.