INTRODUCTION
Mesdames, Messieurs,
La gendarmerie n'est plus aujourd'hui une force principalement rurale . Il y a là un changement majeur dont les conséquences sont loin d'avoir toutes été tirées.
L'enracinement de la gendarmerie dans les campagnes a à ce point façonné cette institution, ses missions et ses méthodes d'action, que le rôle joué par l'Arme dans les zones périurbaines demeure en effet encore largement ignoré.
Certes, la tradition historique française avait clairement tracé la ligne de partage en matière de sécurité : aux villes, la police, aux campagnes, la gendarmerie. Le texte fondateur qui, en 1791, substitue la gendarmerie à l'ancienne maréchaussée, destine ainsi la nouvelle institution « à la sûreté des campagnes et des grandes routes » (art. 3 de la loi du 28 Germinal de l'an VI).
Toutefois, la gendarmerie ne pouvait rester étrangère aux métamorphoses du paysage rural : accroissement de la population de certaines communes rurales sous l'effet de l'industrialisation ou, plus souvent encore, intégration dans un même tissu urbain d'une ville en extension et des collectivités rurales voisines.
Du reste, selon les projections de l'INSEE, l'augmentation de la population dans les zones de compétences de la gendarmerie, de 27 millions en 1990 à 34,6 millions en 2015, soit un gain de 7,6 millions, concernera principalement les cantons périurbains ou en développement résidentiel.
Les pouvoirs publics ont-ils pris la mesure exacte de cette évolution ? On peut en douter si l'on en juge par la répartition territoriale des brigades territoriales de gendarmerie. Ainsi, selon une estimation d'une étude conduite à la demande de la direction générale de la gendarmerie nationale, 494 brigades sur un total de 3 637, soit seulement 13 % des unités , exercent une pleine compétence sur des zones périurbaines. En outre 177 brigades sur ces 494 unités recensées, opèrent dans des zones particulièrement sensibles, caractérisées par une augmentation des faits de violence urbaine. Aussi la disparité des charges de travail n'a-t-elle cessé de s'accuser au sein de la gendarmerie.
Le défi présenté par les zones périurbaines ne se pose pas seulement en termes d'effectifs mais aussi en termes de méthodes et de moyens d'action. C'est la capacité d'insertion de la gendarmerie dans le milieu urbain -indispensable pour la maîtrise de la délinquance et des violences urbaines- qui est ici en jeu.
Dans la période récente, la gendarmerie a pris conscience de l'effort d'adaptation requis par ces grandes évolutions démographiques et sociales. Le plan d'action gendarmerie 2002 , adopté en 1997, fixe parmi les orientations prioritaires de la gendarmerie, l'adaptation de l'arme au monde périurbain. Un remarquable travail de réflexion conduit sous les auspices de la direction générale de la gendarmerie a permis d'engager d'utiles aménagements. Toutefois, le succès de cette mobilisation ne dépend pas de la seule gendarmerie, il suppose également, dans un contexte budgétaire nécessairement contraint, une meilleure coordination des moyens disponibles, une répartition plus efficace des forces. A cet égard, bien des résistances restent à surmonter. En un mot, l'adaptation de la gendarmerie au défi des banlieues ne se fera pas sans soutien politique.
Aussi ce rapport n'a-t-il d'autre ambition, en éclairant les problèmes auxquels la gendarmerie se trouve confrontée, que de contribuer à une meilleure perception des adaptations et des évolutions nécessaires.
Votre rapporteur, dans le cadre des déplacements qu'il effectue régulièrement auprès des unités de la gendarmerie, s'est ainsi rendu cette année dans plusieurs brigades situées dans des zones périurbaines :
- Jouy-le-Moutier dans le Val d'Oise ,
- Blagnac près de Toulouse ,
- Fameck et Uckange dans le département de la Moselle . A cette occasion, il a pu rencontrer, outre les responsables de la gendarmerie, les préfets des départements concernés ou leurs proches collaborateurs ainsi que les représentants de l'Autorité judiciaire afin de porter une appréciation complète et diversifiée sur les questions posées. Il a pu compter, lors de son travail et de ses déplacements, sur le soutien constant de la Gendarmerie Nationale et de son Directeur général auquel il souhaite exprimer ici toute sa reconnaissance.
*
Après avoir analysé les difficultés particulières auxquelles la gendarmerie se trouve confrontée dans les banlieues, votre rapporteur avancera plusieurs propositions pour permettre à l'arme d'apporter des réponses à la mesure des enjeux de sa mission dans les zones périurbaines.
*
I. LES DIFFICULTÉS LIÉES À L'EXERCICE D'UNE NOUVELLE MISSION
La situation nouvelle à laquelle la gendarmerie se trouve confrontée dans les banlieues soulève pour l'Arme des problèmes dont il convient de mesurer la spécificité.
A. LES SPÉCIFICITÉS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE DANS LES ZONES PÉRIURBAINES
Les caractéristiques d'une population urbaine comme les formes de délinquance dont les banlieues sont le terreau, constituent pour la gendarmerie autant de contraintes auxquelles l'expérience du milieu rural ne l'a pas nécessairement préparée.
1. Des contraintes particulières
Au regard des nécessités de l'ordre public, les zones périurbaines présentent trois grandes contraintes, liées d'une part à la croissance démographique , d'autre part au mode de vie et à la sociologie de la population résidente et enfin, aux traits de l'urbanisme citadin.
. La contrainte démographique
D'après une enquête de l'INSEE publiée en 1996, la population urbaine a presque doublé entre 1936 et 1990, passant de 22 à 42 millions d'habitants. Cette évolution recouvre deux phénomènes : la concentration de la population dans les zones urbaines les plus anciennes et l'extension du périmètre des villes vers les banlieues et les communes rurales voisines. C'est ce dernier moteur de l'urbanisation qui, avec le développement des communes rurales périurbaines, apparaît aujourd'hui déterminant.
Comme le soulignait un analyste attentif de l'évolution de la gendarmerie, François Dieu 1 ( * ) : « Cette imbrication des territoires ruraux et des zones urbanisées se traduit par la croissance considérable de la population des communes proches des principales agglomérations. Dans ces zones hybrides, mi-rurales, mi-urbaines, s'est développé un habitat de type résidentiel qu'il s'agisse de pavillons industriels ou de logements collectifs, la majeure partie des habitants devant, en effet, se déplacer quotidiennement dans l'agglomération voisine pour leur activité professionnelle. Cette dilution de la substance urbaine qui aboutit à estomper la frontière physique et sociologique entre ville et campagne n'est pas sans conséquence pour la sécurité et l'organisation du système policier français ».
A titre d'exemple, la population du Val d'Oise (1 080 000 d'habitants au 31 décembre 1995) devrait s'accroître de 200 000 habitants d'ici l'an 2000. Cette évolution concernera principalement la zone relevant de la responsabilité de la gendarmerie autour de la ville nouvelle de Cergy-Pontoise et de la zone aéroportuaire de Roissy dans l'est du département.
Au-delà de cette poussée démographique, la population des zones périurbaines présente certains traits spécifiques qui rendent également nécessaire une adaptation des méthodes de la gendarmerie.
. La contrainte sociologique
La population des zones périurbaines se caractérise par sa mobilité . Cette mobilité se manifeste d'abord par un taux de rotation important des habitants : 70 % de renouvellement tous les dix ans 2 ( * ) . Cette mobilité se traduit ensuite par l'importance des mouvements pendulaires. De ce fait, le travail du gendarme, fondé sur un contact régulier avec les habitants et une bonne connaissance du milieu humain, est rendu particulièrement difficile.
Cette mobilité n'est sans doute pas étrangère à la fragilité du lien social , souvent observée dans les zones périurbaines, qui trouve également son explication dans plusieurs éléments :
- l'hétérogénéité de la population : les brigades visitées par votre rapporteur comportent souvent une importante population étrangère : ainsi, en Moselle, la brigade de Fameck regroupe 14 000 habitants dont 20 % d'étrangers, cette part est encore plus élevée à Uckange avec 25 % d'étrangers (dans les deux cas, une vingtaine de nationalités sont représentées) ;
- le développement des formes de précarité économique, même si naturellement les situations apparaissent très diverses selon les lieux (Jouy-le-Moutier se caractérise par l'absence d'une zone industrielle importante et, dans l'ensemble, la faiblesse du revenu moyen ; à Val de Reuil, « ville nouvelle », située à 25 km de Rouen, le taux de chômage dépasse 20 % de la population active...).
. La contrainte de l'urbanisme
L'espace urbain présente également des contraintes nouvelles pour la sécurité publique. Souvent, en effet, les villes nouvelles dissocient les voies de circulation automobile et piétonne et rendent ainsi plus difficiles les modalités d'intervention des forces de l'ordre.
Un officier de gendarmerie 3 ( * ) soulignait ainsi, à propos de Val de Reuil, l'antinomie entre l'architecture et la sécurité : « Les habitations, individuelles ou collectives, les équipements administratifs, commerciaux ou culturels, possèdent tous un accès sur la voie piétonne reliée à la voirie par des escaliers extérieurs ou intérieurs. Ces multiples communications dans les trois dimensions forment un dédale qui facilite l'exfiltration ou l'infiltration de délinquants ». A Jouy-le-Moutier, les interlocuteurs de votre rapporteur ont fait état d'observations comparables : la multiplication des allées et des contre-allées dessine un réseau de communications d'une complexité extrême où le malfaiteur peut aisément échapper aux représentants de l'ordre.
Le milieu urbain ne présente pas seulement des contraintes qui lui sont propres, il constitue également le cadre d'une délinquance dont les formes -leur diversité et leur nouveauté- constituent un véritable défi pour la gendarmerie.
2. De nouvelle formes de délinquance
Dans certaines zones périurbaines, les difficultés économiques, le malaise social qu'elles provoquent, forment un terreau favorable à l'insécurité dont les flambées de violence que connaissent de temps à autre les banlieues sont l'aspect le plus spectaculaire.
En effet, le plus souvent, le phénomène de marginalisation économique et sociale se traduit par la montée d'une petite délinquance, la répétition des déprédations, des actes d'incivilité -violences verbales et provocations à l'encontre notamment des forces de l'ordre. Tous ces éléments contribuent à créer un climat quotidien d'insécurité, suscitent l'exaspération des habitants et impliquent une adaptation des méthodes de surveillance.
Votre rapporteur a été particulièrement frappé par trois types d'évolution :
- le rajeunissement des auteurs de délinquance et la constitution de bandes. A Uckange ce phénomène se rencontre depuis trois ou quatre ans et, selon les témoignages recueillis sur place, il n'est pas rare que les gendarmes se fassent entourer par une bande de vingt personnes généralement dissimulées par des foulards ou des capuches ;
- le développement de la délinquance liée à la drogue ;
- la banalisation du recours aux armes .
Enfin, cette délinquance s'inscrit dans un cadre géographique élargi. Ainsi, les autorités chargées du maintien de l'ordre à Blagnac ont souligné le phénomène de « capillarité » entre les formes de délinquance observées à Toulouse et celles constatées dans la périphérie. En outre, des violences d'abord très localisées peuvent connaître un risque de contagion du fait de la proximité de banlieues « chaudes ».
Le développement de ces nouvelles formes de délinquance, de même que l'adaptation aux contraintes propres au milieu urbain, placent la gendarmerie dans une situation souvent difficile.
B. UN DISPOSITIF ENCORE INSUFFISANT
La gendarmerie n'est pas mal placée pour assurer la sécurité face aux défis des banlieues. La proximité, la disponibilité, la polyvalence : ces principes, au fondement même de son action et mis à l'épreuve dans les campagnes, peuvent se révéler très adaptés à la situation des zones périurbaines.
Tenus de résider dans les communes auxquelles les attachent leurs brigades, les gendarmes sont appelés à vivre dans les quartiers difficiles. C'est là un atout décisif pour nouer des contacts et prendre une connaissance approfondie du terrain, mais aussi pour garantir cette présence de proximité propre à sécuriser les habitants.
Cependant, toujours plus sollicitée par la sécurité publique dans les zones périurbaines, la gendarmerie ne dispose pas encore des moyens nécessaires pour répondre à cette charge accrue.
1. Une sollicitation croissante
Plusieurs indices concordants soulignent la pression accrue qui s'exerce sur la gendarmerie dans les zones périurbaines.
En premier lieu, les brigades situées en milieu urbain connaissent une augmentation des appels adressés aux centres opérationnels de la gendarmerie (COG) -chargés, en principe, de centraliser les appels téléphoniques de 19 h à 7 h et de diriger l'intervention des gendarmes sur le terrain- et des interventions. L'exemple de Jouy-le-Moutier apparaît à cet égard éloquent :
Les appels du COG
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
|
Nombre d'appels |
3 467 |
3 986 |
4 604 |
4 784 |
Interventions |
532 |
690 |
778 |
774 |
De 1993 à 1996, le nombre des appels de nuit au COG par le déviateur de la brigade de Jouy-le-Moutier, a augmenté de 38 %. En conséquence le nombre des interventions s'est également beaucoup accru. Cette progression est de 45 % à Jouy-le-Moutier sur la période 1993-1996. A Blagnac la journée de travail dépasse dix heures et les gendarmes sont soumis à deux astreintes de nuit par semaine.
Les zones périurbaines se caractérisent en troisième lieu pour la gendarmerie, par l'importance des crimes et délits constatés. Tandis que le nombre de crimes et délits constatés par gendarme s'élève en moyenne à 25 par an, ce niveau apparaît nettement plus important dans certaines banlieues. A Jouy-le-Moutier, l'activité judiciaire conduit chaque gendarme à constater 66 crimes et délits faisant l'objet d'une procédure par an (contre 40 en moyenne pour l'ensemble des brigades territoriales du département du Val d'Oise). La brigade de Blagnac a enregistré 2 500 plaintes par an, soit l'équivalent de l'ensemble des plaintes enregistrées par le département du Gers. Cette disparité des charges souligne combien la pression s'exerce sur un nombre réduit de brigades.
Déséquilibre des charges des brigades territoriales
Critères |
Brigade la moins chargée |
Brigade la plus chargée |
Moyenne (chiffres estimés) |
POPULATION nombre d'habitants par gendarme |
19 |
2 355 |
970 |
CRIMES ET DÉLITS nombre constaté par gendarme et par an |
1 |
250 |
25 |
ACCIDENTS CORPORELS nombre par gendarme et par an |
0 |
8,2 |
3 |
2. Des moyens trop réduits
Une analyse très intéressante conduite par la direction générale de la gendarmerie nationale dans le cadre de la commission nationale de réflexion sur l'action de la gendarmerie dans les zones périurbaines, a permis de mieux mesurer la répartition de la charge de tra vail entre les brigades territoriales.
Cette étude répartit les brigades installées dans les zones périurbaines en trois catégories :
- les brigades de type A exerçant « une pleine compétence sur des espaces urbanisés, souvent contigus ou proches des centres urbains, et qui subissent d'importants transferts de population ou d'activités (centre commercial, zone industrielle), lesquels transforment un paysage autrefois rural en agglomération »- 206 brigades entrent dans cette catégorie ;
- les brigades de type B au nombre de 177 apparaissent quant à elles confrontées à une situation particulièrement difficile évaluée à partir d'une série d'indices :
« - des problèmes de contact avec une population plus difficile d'origine urbaine ;
- une plus grande insécurité d'interventions ;
- une augmentation des faits de violence urbaine ;
- un ratio effectif/population insuffisant au regard de la norme de 1 gendarme pour 1 000 habitants et se dégradant ;
- une nécessaire adaptation des méthodes traditionnelles d'action de la gendarmerie » ;
- enfin, les brigades de type C -soit quelque 111 brigades- doivent faire face à « une forte fréquentation touristique draînant des populations urbaines à risque » ».
. Des effectifs trop limités
Sur 3 637 brigades, 494 (soit à peine plus de 13 % des unités ) sont confrontées directement aux questions soulevées par la sécurité dans les zones périurbaines. Ces brigades comprennent 19,5 % de la totalité des sous-officiers affectés en brigades territoriales. Elles assurent la surveillance de 24,5 % de la population habitant en zone exclusive de gendarmerie. Enfin ces unités constatent près de 33 % des crimes et délits constatés au niveau national.
Ces données le montrent, compte tenu de la charge qui leur incombe, les effectifs des brigades situées dans les zones périurbaines demeurent insuffisants.
. L'insuffisance des moyens
En outre, les moyens dont elles disposent ne répondent pas toujours aux besoins du service. Le parc des véhicules n'est parfois ni suffisant, ni adapté. Ainsi la brigade de Blagnac ne dispose que de deux Renault trafic, d'une Clio et d'une 4L ; l'emploi intensif de ces véhicules (25 000 km par an) justifierait un remplacement rapide et pourtant toujours différé. L'inadaptation des véhicules traditionnels a également été relevée en Moselle alors même que l'intervention en zone urbaine requiert des garanties en matière de rapidité, de capacité d'emport et de protection.
L'exiguité des locaux ne répond pas davantage aux besoins liés à l'accueil du public et à la qualité du travail des gendarmes. Ici ce sont des usagers contraints d'attendre patiemment à la porte des brigades, là des délinquants dont les propos perturbent le public et le travail des enquêteurs car il n'est pas toujours facile d'isoler les personnes gardées à vue les unes des autres.
La brigade territoriale de Jouy-le-Moutier est abritée dans un local conçu en 1976 pour 12 gendarmes alors qu'elle compte aujourd'hui 30 sous-officiers et 8 gendarmes auxiliaires. Les modalités de décision relatives aux investissements immobiliers, caractérisées par une excessive centralisation au niveau de la direction générale de la gendarmerie nationale devraient sans doute être révisées surtout lorsqu'elles concernent des agrandissements mineurs.
. Le « moral » des hommes
Dans certaines brigades, l'inadaptation des moyens et l'insuffisance des effectifs conspirent à la dégradation des conditions de travail et, il faut le reconnaître, un certain malaise chez les sous-officiers de la gendarmerie . A cet égard, le taux de rotation des effectifs dans les unités périurbaines (40 % par an dans certaines brigades) constitue un indice préoccupant alors même que les difficultés des interventions requièrent des personnels expérimentés et dotés d'une bonne connaissance de terrain. Il faut d'abord relever que les gendarmes sont confrontés personnellement aux risques d'agression. Dans les unités situées dans les zones les plus sensibles, 45 % des commandants de brigade ont déjà été victimes d'actes d'incivilité. Le commandant de la brigade de Blagnac, a ainsi indiqué à votre rapporteur qu'il avait été agressé à trois reprises avec des membres de sa patrouille alors qu'ils intervenaient sur des rixes ou procédaient à des interpellations.
Par ailleurs, l'éclatement des logements des gendarmes rendu nécessaire par l'insuffisance des casernements, constitue un risque supplémentaire pour les gendarmes et leurs familles. Ainsi dans les brigades relevant du groupement de Moselle, plus de 43 % des gendarmes sont logés à l'extérieur de l'enceinte réservée aux unités.
En outre, votre rapporteur a pu constater que les gendarmes s'interrogeaient parfois sur l'efficacité de leur action compte tenu de la lenteur des procédures judiciaires . Dans certains cas, les délais d'audiencement (entre la garde à vue et la convocation devant le tribunal) dépassent deux mois. En outre, l'exécution des décisions après jugement n'est pas toujours probante. Les petits délinquants en arrivent à éprouver un sentiment d'impunité qui ne peut qu'encourager la récidive.
Quelles que soient les difficultés rencontrées par les unités situées dans les zones périurbaines, votre rapporteur a été particulièrement frappé par la mobilisation des hommes au service de leur mission et leur profond sens des responsabilités. Nul ne songe ici à compter son temps ou à épargner ses efforts. Un exemple parmi beaucoup d'autres le montrera : à Blagnac, faute de crédits suffisants pour équiper l'ensemble de l'unité en matériel informatique, les sous-officiers ont investi à titre personnel dans des micro-ordinateurs dévolus à titre principal à l'exercice de leurs missions de police judiciaire et de sécurité. Ce dévouement dans un contexte particulièrement difficile s'inscrit dans la tradition la plus haute de l'Arme.
*
Les contraintes spécifiques auxquelles la gendarmerie se trouve confrontée dans les banlieues justifient une attention particulière des pouvoirs publics et, aux yeux de votre rapporteur, la mise en oeuvre de moyens renforcés. Cet effort s'inscrit dans une politique de sécurité déterminée à ne pas autoriser l'apparition de zones de non-droit au coeur de nos cités, mais aussi, plus largement, dans le cadre d'une politique de la ville mobilisée contre la « fracture sociale ».
* 1 François Dieu, « La gendarmerie et le défi de la périurbanisation » in Revue de défense nationale, mai 1997.
* 2 D'après les données citées par le chef d'escadron Pagès-Xatart-Pares, Le gendarme dans la cité in Revue de la gendarmerie nationale, n° 179, 4e trimestre 1995.
* 3 Colonel Marc Watin-Augouard, Val de Reuil, Un enjeu pour la gendarmerie in Revue de la gendarmerie nationale, n° 179, 1995.