3. Intégrer la dimension sociale dans le traitement du surendettement
Les secrétariats des commissions de surendettement sont
bien préparés à l'examen des aspects financiers des
dossiers, mais ce ne sont pas des juristes spécialisés et ils
sont mal informés sur l'accès à l'aide sociale ou son
rétablissement, ou encore sur le repérage des aides
financières possibles. Or, l'augmentation du nombre de dossiers à
forte connotation sociale rend indispensable une meilleure prise en compte de
cette dimension dans le traitement du surendettement.
Vos rapporteurs estiment que celle-ci doit intervenir à trois niveaux :
d'abord lors de l'instruction des dossiers, lors de la
délibération de la commission, enfin, pour le suivi de la mise en
oeuvre du plan.
La dimension sociale doit être prise en compte dès
l'instruction des dossiers.
Certes, il ne s'agit pas de tomber dans
l'excès inverse et vos rapporteurs regrettent l'attitude de certains
travailleurs sociaux qui se déchargent sur les commissions en incitant
des ménages qui n'ont que des retards de charges (loyer, impôt,
téléphone, EDF...) et pas de dette bancaire à
déposer un dossier de surendettement. Certes, la saisine de la
commission est alors perçue comme un moyen permettant à des
familles en détresse de "souffler" ; le secrétariat de la
commission devient dans ces occasions un lieu d'écoute sociale. Ce
dernier se voit cependant dans l'impossibilité d'établir un plan
de redressement faute d'obtenir la remise des créances, alors qu'une
demande d'aides effectuée par les travailleurs sociaux permettrait de
résoudre ce problème.
Toutefois, en raison de l'évolution du profil des surendettés, un
nombre croissant de dossiers ne peuvent être traités d'une
manière purement financière. C'est pourquoi le groupe de travail
est très favorable au développement d'une plus grande
collaboration entre les commissions et l'ensemble des acteurs sociaux.
En outre, l'existence d'un soutien personnalisé pendant la phase
d'instruction éviterait l'aggravation des situations des
surendettés et augmenterait les chances de réussite des plans
proposés par les commissions.
Le groupe de travail a remarqué
que plus le surendettement (voire le risque de surendettement) était
constaté et traité précocement, plus la réussite
des plans était assurée, à condition bien sûr
qu'aucun événement extérieur ne remette en cause la bonne
exécution de ce dernier (chômage, divorce...). Or, entre le moment
où le surendetté retire le dossier de surendettement et le moment
où le plan conventionnel est adopté, il s'écoule plusieurs
mois pendant lesquels la situation des débiteurs ne fait qu'empirer,
rendant l'application du plan plus périlleuse. Il semble donc
indispensable qu'avant même le dépôt du dossier, le
surendetté soit guidé vers un professionnel du secteur social qui
examine avec lui sa situation et prenne toutes les mesures existantes pour
empêcher ce dernier de s'enfoncer un peu plus dans le surendettement.
Le groupe de travail a d'ailleurs constaté que le passage
préalable devant un travailleur social peut avoir des
conséquences non négligeables. Ainsi, lors de leur entretien avec
le chef du bureau du logement de la Seine-et-Marne, vos rapporteurs ont appris
que dans ce département, le Fonds de Solidarité pour le Logement
avait conclu des conventions avec les bailleurs afin de permettre le maintien
dans les lieux du débiteur. Inversement, si le dossier est d'abord
déposé devant la commission de surendettement, celle-ci n'aura
pas les moyens d'imposer le renouvellement du bail. Or, seul un travailleur
social qui connaît les deux procédures pourra guider le
débiteur vers l'organisme à solliciter en priorité...
Par ailleurs, une collaboration plus systématique entre les travailleurs
et les commissions de surendettement permettrait la conclusion de plans plus
réalistes, qui tiendraient davantage compte de la capacité
réelle de remboursement des familles.
Or, cette plus grande rigueur
dans l'élaboration des plans aurait l'avantage de diminuer le nombre des
dossiers à réexaminer parce qu'ils ne laissent pas aux
débiteurs de sommes suffisantes pour subvenir à leurs besoins
courants et à ceux de leur foyer.
La présence d'un travailleur social disposant d'une voix consultative
dans la phase de délibération obéirait également
à cette volonté de vérifier que les sacrifices
demandés aux débiteurs ne sont pas exagérés. En
outre, lors de l'examen des cas les plus difficiles, leur avis sur la situation
des surendettés pourrait être déterminant pour persuader
les créanciers d'accepter la réduction des taux
d'intérêt, l'établissement d'un moratoire sur une longue
période ou encore la réduction du capital restant dû, voire
sa remise.
Enfin, le groupe de travail est convaincu de la nécessité
d'instaurer un suivi de la mise en oeuvre des plans et de le confier à
un travailleur social
23(
*
)
. En effet, l'effort demandé
dans une majorité de cas est long (la durée des plans varie de
cinq à dix ans) et douloureux. Ainsi, 30 % des surendettés
continuent à avoir des incidents de paiement et plus de la moitié
estiment ne pouvoir tenir le plan qu'avec difficulté. Or, une fois le
plan établi, ces personnes n'ont plus d'interlocuteur avec qui parler de
leurs problèmes et essayer de les résoudre. Certains se tournent
alors vers la Banque de France pour demander conseil ou solliciter son
intervention auprès d'un créancier irrité. Devant le
désarroi des intéressés, le personnel de la Banque de
France cède souvent à ces requêtes, mais la
généralisation de ce phénomène menacerait le bon
fonctionnement du secrétariat des commissions de surendettement. En
outre la Banque de France n'est pas un organisme à vocation sociale.
Les modalités du suivi social doivent varier selon l'ampleur des
difficultés des débiteurs. Réduit à un simple
entretien avec les ménages dont la situation financière laisse
penser que l'application du plan ne posera pas de problème, le suivi
social peut devenir un soutien personnalisé en faveur des personnes
nécessitant une aide pour organiser la gestion budgétaire des
ressources laissées à leur disposition. A cet égard, vos
rapporteurs soutiennent la proposition de l'ODAS qui vise à
instituer
une contractualisation du suivi dans les clauses annexes du plan
,
conformément d'ailleurs à l'article 331-6 du code de la
consommation qui dispose que "
le plan prévoit les
modalités de son exécution
".
Cette technique du contrat, très utilisée par les travailleurs
sociaux pour le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) ou le Revenu
Minimum d'Insertion (RMI), permet de responsabiliser et de mobiliser les
personnes en difficulté.