8. Transports
Proposition E 819
Com (97) 707 final
(Réunion de la délégation du 24 juin 1997)
Présentation du texte par M. Jacques Genton
Mes chers collègues,
Nous devons évoquer maintenant la proposition d'acte communautaire E 819
qui m'a paru justifier que nous l'examinions au cours d'une réunion de
la délégation.
Cette proposition vise à modifier la procédure de consultation
en ce qui concerne les relations entre Etats membres et pays tiers dans le
domaine des transports maritimes et à instituer une procédure
d'autorisation pour les accords entre Etats membres et pays tiers portant sur
les transports maritimes.
Le texte, en apparence anodin, se compose d'une communication sur les relations
extérieures dans le domaine des transports maritimes et d'une
proposition de décision du Conseil. Dans sa communication, la Commission
européenne indique que " l'objectif fondamental de la politique
extérieure communautaire dans le domaine des transports maritimes est de
servir avec efficacité les intérêts du secteur
concerné et les intérêts commerciaux de la
Communauté européenne en garantissant sa liberté
d'accès et des conditions de concurrence équitables sur le
marché mondial ".
Elle estime que, pour l'avenir, la politique communautaire en cette
matière devrait avoir pour objectifs :
·
de consolider l'évolution vers la libération du
transport maritime et l'abolition des restrictions existantes dans les pays
tiers ;
· de remédier aux problèmes spécifiques qui se
présentent avec les pays tiers, en particulier en ce qui concerne
l'accès au marché ;
· de remédier au problème de la concurrence déloyale.
La Commission fait en outre valoir que la politique communautaire devrait
également oeuvrer pour la mise en place d'un système
européen de transports intégré et efficace, tout en
soutenant les pays d'Europe centrale et orientale dans leur processus de
transition vers une économie de marché.
Quatre règlements relatifs aux transports maritimes internationaux ont
été adoptés en 1986, portant notamment sur les pratiques
tarifaires déloyales et l'application de la libre prestation des
services aux transports maritimes entre Etats membres d'une part, entre Etats
membres et pays tiers d'autre part.
Pour l'avenir, la Commission estime que le cadre législatif
communautaire doit être complété. Elle fait en effet valoir
que " pour que la Communauté européenne puisse conduire une
politique extérieure globale dans le domaine des transports maritimes,
il est nécessaire d'établir des règles relatives à
la reconduction des accords existants sur les transports maritimes et à
la faculté des Etats membres de conduire des négociations
bilatérales ".
Elle propose donc d'améliorer la procédure de consultation - en
vigueur depuis 1997 - entre la Communauté et les Etats membres en
matière de transports maritimes. Les Etats membres et Communauté
seraient en particulier tenus de se consulter sur la négociation, la
conclusion et le fonctionnement des accords bilatéraux ou
multilatéraux conclus dans ce domaine.
Toutefois, la proposition va beaucoup plus loin, puisqu'elle tend à
mettre en oeuvre un mécanisme d'autorisation, par la Commission
européenne, de la négociation et de la conclusion d'accords
bilatéraux entre les Etats membres de l'Union et les Etats tiers.
Ainsi l'article 3-3 de la proposition de décision dispose que
" tout Etat membre qui souhaite conduire des négociations avec un
pays tiers ou procéder à la conclusion d'un accord qu'il a
négocié et qu'il a paraphé ou signé, mais qui,
à la date d'entrée en vigueur de la présente
décision, n'a pas mené à leur terme les procédures
destinées à assurer l'entrée en vigueur dudit accord,
adresse une demande à la Communauté et informe les autres Etats
membres. Dans sa demande, l'Etat membre expose les raisons qui justifient
l'accord envisagé, en indique les objectifs et joint à la demande
un projet de l'accord envisagé ".
A la fin des négociations d'un accord, l'Etat membre concerné
devrait communiquer à la Commission le résultat des
négociations. Si cette dernière soulevait une objection, l'Etat
membre concerné devrait reprendre les négociations en tenant
compte de cette objection ou sur la base des conditions imposées par la
Commission.
Cette proposition de décision appelle deux remarques :
·
En premier lieu, la Communauté européenne ne dispose
pas d'une compétence exclusive en matière de transport maritime ;
il s'agit d'un domaine de compétences partagées entre la
Communauté et les Etats membres. Les accords bilatéraux que les
Etats membres concluent avec des pays tiers contiennent en
général de nombreuses dispositions qui ne relèvent
aucunement de la compétence communautaire. Ces accords contiennent
très souvent des dispositions consulaires, des dispositions relatives
aux services portuaires, des dispositions fiscales pour éviter les
doubles impositions... Il serait singulier que la Commission européenne
exerce un véritable droit de veto sur ces accords. Certains Etats, dont
la France, ont d'ores et déjà demandé au service juridique
du Conseil de rappeler et de clarifier l'état des compétences
respectives de la Communauté et des Etats membres en matière de
transport maritime ;
· en second lieu, la Commission fait valoir, à propos de l'action
communautaire dans le transport maritime international, que " les
résultats obtenus montrent clairement que la Communauté est
capable d'assurer une défense efficace des intérêts de
l'ensemble des Etats membres. Il est certain que l'influence que la
Communauté exerce sur les pays tiers peut être utilisée
pour les convaincre de faire des concessions que les Etats membres, en agissant
isolément, ne pourraient pas obtenir ".
On peut s'interroger sur la réalité de ces considérations
optimistes. Dans ce secteur, l'application des règles communautaires de
la concurrence a obligé les Etats membres de l'Union à limiter
fortement les aides qu'ils accordaient à leurs chantiers navals. Il
semble en revanche que certains pays tiers, et particulièrement les
Etats-Unis, continuent à mettre en oeuvre une politique
extrêmement protectionniste. La signature des accords OCDE en
matière de construction navale, que les Etats-Unis refusent aujourd'hui
encore de ratifier, peut difficilement être considérée
comme un succès pour l'Union européenne.
La Commission européenne indique d'ailleurs dans sa communication que
les " causes principales du recul sensible de la flotte sous pavillon
communautaire par rapport au tonnage mondial ont été
l'érosion des avantages comparatifs des transports maritimes de la
Communauté, la concurrence déloyale et les pratiques de plus en
plus protectionnistes auxquelles se sont livrés des pays tiers au cours
des années 70 et 80, et les opérations à bas prix
réalisées par certains armateurs des pays tiers ".
Dans ces conditions, il est difficile de percevoir en quoi le fait de
reconnaître à la Communauté le droit de contrôler
tous les accords bilatéraux que pourraient être amenés
à conclure des Etats membres avec des pays tiers pourrait à lui
seul améliorer la situation du transport maritime en Europe.
Lors du premier examen de ce texte auquel a procédé le Conseil de
l'Union européenne, la plupart des Etats ont fait valoir que la
décision de 1977 instaurant une procédure de consultation en
matière de relations extérieures dans le domaine du transport
maritime pouvait être mieux appliquée, mais qu'il ne paraissait
pas indispensable d'adopter une nouvelle décision sur ce sujet.
Alors que la session va s'arrêter dans moins d'une semaine, il me semble
que le dépôt d'une proposition de résolution est une
procédure trop lourde pour un tel sujet.
En revanche, il nous serait possible d'attirer l'attention du ministre des
affaires européennes sur ce texte, afin d'exprimer nos plus vives
réserves sur cette proposition.
*
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
s'est
déclarée en accord avec la proposition du président. Elle
a toutefois estimé qu'un droit de regard de la Commission
européenne sur les accords bilatéraux pourrait être
justifié s'il s'expliquait par des considérations liées au
respect de normes de sécurité. Elle a souligné que le
non-respect des normes de sécurité était l'un des moyens
permettant d'exercer une concurrence déloyale en matière de
transport maritime.
M. Jacques Genton
,
président,
a alors proposé
d'évoquer cette question dans sa lettre au ministre afin que la
délégation puisse être pleinement informée des
motivations de cette proposition et de l'évolution des
négociations.
La délégation a alors décidé d'attirer par
courrier l'attention du ministre des affaires européennes sur la
proposition d'acte communautaire E 819 et a reçu, en retour,
l'assurance du ministre que le Gouvernement partageait ses craintes sur ce
texte et qu'elle serait tenue informée de l'évolution des travaux
sur le sujet
(voir lettres ci-jointes).
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DELEGATION
PARLEMENTAIRE
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Paris, le 26 juin 1997
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LE PRESIDENT |
Monsieur le Ministre,
Au cours de sa réunion du 24 juin 1997, la délégation du
Sénat pour l'Union européenne a examiné la proposition
d'acte communautaire E 819. Il s'agit d'une proposition de décision du
Conseil
" instituant une procédure de consultation en ce qui
concerne les relations entre Etats membres et pays tiers dans le domaine des
transports maritimes ainsi que les actions relatives à ce domaine au
sein des organisations internationales et une procédure d'autorisation
pour des accords portant sur les transports maritimes ".
Ce texte se compose en fait d'une longue communication présentant les
objectifs de la Communauté en matière de relations
extérieures dans le domaine des transports maritimes et d'une
proposition de décision en apparence anodine qui tend à modifier
la procédure de consultation entre la Commission européenne et
les Etats membres instituée en 1977.
Toutefois, la Commission européenne propose également que tous
les accords bilatéraux que pourraient conclure les Etats membres avec
des pays tiers soient soumis à son autorisation. Un Etat membre
souhaitant conclure un accord bilatéral avec un pays tiers devrait
obtenir l'autorisation de la Commission avant l'ouverture des
négociations ; à l'issue de ces négociations, l'accord
devrait être soumis pour approbation à la Commission. Or, les
accords bilatéraux en matière maritime comportent en règle
générale de multiples stipulations qui ne relèvent en rien
de la compétence communautaire (par exemple des stipulations consulaires
ou fiscales...). Dans ces conditions, il serait singulier que la Commission
européenne puisse exercer un véritable droit de veto sur
l'ensemble des accords bilatéraux conclus par les Etats membres. Il
s'agirait en fait d'une communautarisation subreptice de matières
relevant à l'évidence de la compétence nationale.
Monsieur Pierre MOSCOVICI
Ministre délégué aux affaires européennes
37, quai d'Orsay
75007 PARIS
C'est pourquoi la délégation m'a chargé de vous faire part
de ses plus vives réserves à l'égard de cette proposition
d'acte communautaire. Au cours des débats qu'a tenus la
délégation, il est apparu qu'un droit de regard de la Commission
européenne sur les accords bilatéraux passés par les Etats
membres pourrait se justifier s'il était motivé par des
considérations liées au respect des normes de
sécurité des navires. Tel ne semble cependant pas être le
cas si l'on s'en tient à la lecture de la communication de la Commission
européenne. Je vous serais très reconnaissant s'il vous
était possible de me faire part des informations dont vous disposez
à ce sujet ainsi que de l'évolution des négociations sur
ce texte afin que la délégation puisse, le cas
échéant, approfondir sa réflexion sur ce dossier.
En vous remerciant, je vous prie de croire, Monsieur le Ministre, à
l'assurance de ma vive considération.
Jacques GENTON