E. LES FORMULES ENVISAGEABLES
Les formules envisageables pour parvenir à corriger au moins en partie les inconvénients de la pondération actuelle ont été examinées par la présidence irlandaise dans le document intitulé " cadre général pour un projet de révision des traités " qu'elle a présenté en décembre 1996 :
Les éventualités envisagées par la présidence irlandaise
A. Nouvelle pondération des voix au sein du Conseil
Si l'on se mettait d'accord sur une nouvelle pondération, cela pourrait
se faire, essentiellement, de trois manières :
1) proportionnellement à la population de chaque Etat membre ;
2) en classant les Etats membres dans un certain nombre de grandes
catégories en fonction de l'importance de leur population, chacune de
ces catégories disposant d'un certain nombre de voix ;
3) en adaptant les chiffres de manière plus ou moins arbitraire -par
exemple en retirant une voix à chaque Etat membre, ce qui jouerait en
faveur des Etats membres les plus grands en tant que groupe.
B. L'instauration d'une certaine forme de double majorité
Certains ont suggéré une autre formule, qui consisterait à
instaurer un système de double majorité dans le processus de
décision du Conseil. Selon la présidence, cela pourrait se faire
de deux manières :
1) exiger, pour qu'une décision soit adoptée par le Conseil, en
plus d'une majorité qualifiée de voix pondérées,
que les votes positifs aient été émis par des membres
représentant un certain pourcentage de la population de l'Union ;
2) exiger, pour qu'une décision soit adoptée par le Conseil, le
soutien d'Etats membres représentant un certain pourcentage de la
population, ainsi que le soutien d'un nombre déterminé de membres
du Conseil.
Si cette formule devait être retenue, il faudrait examiner quels
devraient être ce pourcentage de la population et ce nombre d'Etats
membres.
A titre de variante, on pourrait prévoir qu'une minorité de
blocage puisse consister soit, comme actuellement, en un nombre
déterminé de voix pondérées, soit en un nombre
déterminé d'Etats membres représentant un certain
pourcentage de la population.
La question du seuil
La deuxième question évoquée -le seuil nécessaire
pour atteindre une majorité qualifiée (avec son corollaire, le
nombre de voix requis pour constituer une minorité de blocage)- a fait
l'objet d'un accord à Ioannina en mars 1994. Si cette question a
été mentionnée au cours des discussions, la
conférence ne l'a pas encore examinée en détail. Selon
certains, le seuil pour atteindre une majorité qualifiée doit
être relevé dès maintenant, même dans la
Communauté à quinze, et cela sera d'autant plus nécessaire
dans le contexte de l'élargissement. D'autres considèrent que, si
l'on veut avoir une procédure de décision qui fonctionne
efficacement, le seuil actuel, ou son équivalent dans une Union
élargie, devrait être conservé, voire
légèrement abaissé.
Calendrier
Il reste à examiner la question de savoir si une éventuelle
décision sur une modification de la pondération des voix ou
l'instauration d'un système de double majorité, en cas d'accord
sur l'une de ces formules, devrait prendre effet au moment de la ratification
du résultat de la conférence ou seulement à mesure que se
produisent les élargissements successifs.
Dans les discussions, la France s'est opposée au système de la
" double majorité ".
Dans ce système, le seuil actuel de la majorité qualifiée
(approximativement 71 % des voix) est conservé, de même que la
pondération actuelle, mais s'y ajoute une condition de majorité
démographique (55 % ou 60 % de la population de l'Union) ; une variante
de ce système consiste à prévoir que la majorité
qualifiée est constituée par un nombre minimum d'Etats membres
(toute pondération disparaissant) et une condition de majorité
démographique (là encore, de l'ordre de 55 ou 60 %).
Le système de la " double majorité " présente
certains avantages : il permet de contourner la difficulté
politique d'une repondération, puisqu'aucun " petit " Etat
ne
voit sa représentation relative diminuer ; par ailleurs, il permet,
malgré l'élargissement, de conserver toujours le même seuil
démographique. On peut rappeler, à cet égard, que la
majorité qualifiée représentait de fait au minimum 63 % de
la population de l'Union lorsque celle-ci comportait 12 Etats membres, et
qu'elle n'en représente plus que 58 % dans l'Union à quinze.
Ainsi, fixer une fois pour toutes une condition démographique de l'ordre
de 60 % permettrait d'éviter toute nouvelle dégradation de la
légitimité du Conseil quels que soient les nouveaux
élargissements, et même de réaliser un léger
progrès par rapport à la situation actuelle.
Toutefois, le Gouvernement a estimé qu'un tel système
présentait deux inconvénients majeurs, pesant plus lourds que ses
avantages.
Tout d'abord, un mécanisme de " double majorité "
romprait la règle de l'égalité entre " grands "
Etats, qui a été déjà battue en brèche dans
le cas du Parlement européen : l'Allemagne, avec 81 millions
d'habitants, pèserait dans un tel système sensiblement plus lourd
que la France, l'Italie ou la Grande-Bretagne, toutes trois autour de 58
millions d'habitants ; elle pèserait par ailleurs plus de deux fois plus
lourd que l'Espagne (39 millions). Il y aurait là une atteinte aux
équilibres politiques de l'Union.
Ensuite, un mécanisme de double majorité serait difficile
à mettre en oeuvre. Il compliquerait le processus de décision et
pourrait donner lieu, dans certains cas, à des contestations.
Ces arguments ont eu un écho certain, et il paraît aujourd'hui
assez improbable qu'un système de " double majorité "
soit retenu, même si dans un tel domaine, c'est manifestement le Conseil
européen d'Amsterdam qui effectuera les arbitrages.