B. LA POSSIBILITÉ OFFERTE AUX COMMUNES D'EXERCER DES COMPÉTENCES NOUVELLES ET DE FINANCER L'EXERCICE DE CES COMPÉTENCES PAR LA CRÉATION DE TAXES NOUVELLES
1. Des conventions permettant aux communes d'exercer certaines compétences de l'Etat, de la région ou du département
Les amendements qui avaient été adoptés
par l'Assemblée nationale prévoient la possibilité pour
les communes de Saint-Barthélémy et de Saint-Martin de passer des
conventions avec l'Etat, la région de la Guadeloupe ou le
département de la Guadeloupe pour exercer des compétences
relevant de l'Etat, de la région ou du département "
dans
les domaines de l'aménagement du territoire, de l'éducation et de
la formation professionnelle, de l'environnement, de l'exploitation des
ressources de la mer, de la santé, des transports, du tourisme et de
l'urbanisme
".
Les conventions, dont la durée serait limitée à dix ans
mais qui seraient renouvelables, fixeraient les conditions administratives et
financières du transfert de compétences.
Dans le cadre de l'exercice de ces compétences, les communes pourraient
en outre édicter des réglementations dérogeant à
celles de l'Etat, de la région et du département, sous
réserve de l'approbation de l'Etat ou de la collectivité
concernée, avec un accord tacite au bout de deux mois destiné
à éviter tout risque de blocage.
2. La création de nouvelles taxes locales
Le financement de l'exercice de ces nouvelles
compétences serait assuré grâce au produit de nouvelles
taxes locales que les communes seraient autorisées à créer.
Ces taxes, dont la création resterait facultative, seraient, selon le
dispositif adopté par l'Assemblée nationale sur la proposition de
M. Pierre Mazeaud, les suivantes :
· à Saint-Barthélémy :
- une taxe sur les consommations de carburants (dans la limite de 1,5 F
par litre de carburant consommé) ;
- une taxe sur les hébergements touristiques, ainsi qu'une taxe sur les
locations de véhicules de tourisme ou sur les locations de bateaux
à usage touristique et de loisir (dans la limite de 7,5 % du
montant des prestations d'hébergement ou de location) ;
- une taxe sur les débarquements de passagers non résidents par
voie aérienne ou maritime (dans la limite de 100 F par passager) ;
- une taxe annuelle sur les véhicules (dans la limite de 500 F pour les
véhicules de tourisme et de 1.000 F pour les véhicules
utilitaires).
· à Saint-Martin :
- une taxe sur les hébergements touristiques, ainsi qu'une taxe sur les
locations de véhicules de tourisme et les locations de bateaux à
usage touristique ou de loisir (dans la limite de 7,5 % du montant des
prestations d'hébergement ou de location)
27(
*
)
;
- une taxe annuelle sur les véhicules (dans la limite de 500 F pour les
véhicules de tourisme et de 1.000 F pour les véhicules
utilitaires)
28(
*
)
.
Pour Saint-Barthélémy comme pour Saint-Martin, le dispositif
adopté par l'Assemblée nationale prévoit une
répartition du produit de ces nouvelles taxes entre la commune, à
hauteur de 80 %, et l'État, à hauteur de 20 %.
En ce qui concerne Saint-Barthélémy, la commune a
procédé à une évaluation prévisionnelle du
produit annuel de ces éventuelles taxes. Elle est la suivante :
taxe sur les hébergements touristiques 7,355 MF
taxe sur les locations de bateaux 0,375 MF
taxe sur les débarquements par voie aérienne 8 MF
taxe sur les débarquements par voie maritime 6,750 MF
taxe sur les locations de véhicules 1 MF
taxe sur les véhicules de tourisme 6 MF
taxe sur les carburants 21,723 MF
TOTAL
51,183 MF
*
* *
Réunion de la commission des Lois
du mercredi 11 décembre
1996
~~~
La commission a procédé mercredi 11
décembre 1996, sur le rapport de M. François Blaizot,
à l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi n° 122
(1996-1997) portant ratification de l'ordonnance n° 96-782 du
5 septembre 1996 prise en application de la loi n° 96-87 du
5 février 1996 d'habilitation relative au statut
général des fonctionnaires de la collectivité
territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte et
relatif au statut administratif, douanier et fiscal de
Saint-Barthélémy et de Saint-Martin.
M. François Blaizot, rapporteur,
a indiqué que
l'Assemblée nationale, après avoir adopté conformes les
articles 2 à 10, avait ajouté deux articles additionnels 11 et 12
à l'initiative de M. Pierre Mazeaud, pour préciser le statut
administratif, douanier et fiscal des communes de
Saint-Barthélémy et Saint-Martin (Guadeloupe).
Bien que ces articles n'aient pas de lien direct avec le projet de loi, le
rapporteur a estimé souhaitable de les examiner car ils devraient
permettre de clarifier la situation de ces deux îles en confirmant leur
régime fiscal de fait ; en les autorisant à exercer dans certains
domaines, limitativement énumérés, des compétences
du département, de la région et de l'Etat au travers de
conventions leur permettant, le cas échéant, d'établir des
réglementions dérogatoires ; et, enfin, en leur donnant la
possibilité de créer des redevances propres dont 20 % du
produit serait reversé à l'Etat.
S'agissant de régler des difficultés anciennes,
M.
François Blaizot, rapporteur
, s'est prononcé pour le
dispositif initialement prévu par M. Pierre Mazeaud, qui
prévoyait l'exonération de l'impôt de solidarité sur
la fortune. Il a donc proposé à la commission d'adopter deux
amendements revenant à cette exonération en considérant
que la cohérence de l'ensemble du dispositif exigeait de traiter
l'impôt de solidarité sur la fortune comme les autres impôts
directs. Il a estimé que cet ensemble pouvait permettre
d'améliorer le bilan des transferts actuels à l'égard de
ces deux communes.
M. Jacques Larché, président
, a précisé que
ces dispositions se présentaient comme une alternative à la
transformation de ces communes en collectivités territoriales à
statut particulier.
Répondant aux questions de
MM. Daniel Hoeffel
et
Raymond
Courrière, M. François Blaizot, rapporteur
, a confirmé
la difficulté de mesurer le rendement du dispositif fiscal actuel et
l'intérêt d'y substituer une fiscalité largement
décidée localement avec reversement partiel à l'Etat. Il a
également confirmé les difficultés particulières
existant dans l'île de Saint-Martin compte tenu de son partage entre la
France et les Pays-Bas.
M. Jean-Jacques Hyest
a estimé qu'un débat sur ces
questions, qui engagerait l'avenir de ces îles, trouverait une meilleure
place dans le cadre de l'examen d'une proposition de loi spécifique.
M. Germain Authié,
faisant état d'un déplacement
effectué à Saint-Barthélémy au nom de la commission
en 1984, a partagé cette analyse en se préoccupant de la
vérification de la condition de résidence.
M. Georges Othily
s'interrogeant sur l'étendue de possibles
transferts de compétences au bénéfice de ces communes, a
estimé que seule une loi spécifique pouvait en faire des
collectivités territoriales à statut particulier.
En réponse à une question de
M. Patrice Gélard
sur
les raisons pour lesquelles ce problème n'avait pas été
réglé par la voie d'un projet de loi,
M. Jacques
Larché, président
, a estimé peu opportun de brider
l'initiative parlementaire.
M. Robert Badinter
, après avoir partagé l'avis de
MM.
Jean-Jacques Hyest
et
Georges Othily
, s'est préoccupé
de la situation particulière de Saint-Martin en raison des
difficultés de contrôle entre la partie hollandaise et la partie
française de l'île et au regard des conventions fiscales dont
l'application pourrait favoriser indirectement des opérations de
blanchiment.
En réponse à
M. Jacques Larché, président
,
M. François Blaizot, rapporteur
, a précisé que
seuls les biens situés et les activités exercées à
Saint-Barthélémy et Saint-Martin seraient susceptibles d'ouvrir
aux résidents dans ces deux îles le bénéfice des
dispositions fiscales prévues aux articles 11 et 12.
M. René-Georges Laurin
a demandé si la commission des
finances était saisie pour avis.
Après que
M. François Blaizot, rapporteur,
et
M.
Jacques Larché, président
, eurent indiqué que le
dispositif pouvait permettre de remédier au désordre fiscal
constaté à l'heure actuelle, la commission, sans préjuger
du fond de la question, a constaté qu'elle n'était pas en mesure
de statuer dans le cadre du présent projet de loi sur les articles 11 et
12 et a exprimé le souhait que la commission des finances accepte
d'émettre un avis sur les aspects douaniers et fiscaux des articles 11
et 12 du projet de loi.
Elle a adopté trois amendements tendant à disjoindre les articles
11 et 12 et à en tirer les conséquences sur l'intitulé du
projet de loi.
La commission
a approuvé l'ensemble du projet de loi ainsi
modifié.
Réunion de la commission des Lois
du jeudi 19
décembre 1996
~~~
La commission a procédé jeudi 19 décembre
1996, sur le rapport de M. François Blaizot, à l'examen des
amendements au projet de loi n° 122 (1996-1997), modifié par
l'Assemblée nationale en première lecture, portant ratification
de l'ordonnance n° 96-782 du 5 septembre 1996 prise en application de la
loi n° 96-87 du 5 février 1996 d'habilitation relative au
statut général des fonctionnaires de la collectivité
territoriale, des communes et des établissements publics de Mayotte et
relatif au statut administratif, douanier et fiscal de
Saint-Barthélémy et de Saint-Martin.
La commission a tout d'abord entendu
M. Michel Mercier, rapporteur pour avis
de la commission des finances.
Le
président Jacques
Larché
a rappelé que la commission avait souhaité
connaître le sentiment de la commission des finances sur les dispositions
fiscales et douanières des articles 11 et 12 du projet de loi, relatifs
au statut administratif, fiscal et douanier de Saint-Barthélémy
et Saint-Martin.
M. Michel Mercier
a détaillé la situation fiscale actuelle
des deux îles en précisant que le droit et le fait ne s'y
accordaient pas et en confirmant que pour l'essentiel les articles 11 et 12
s'attachaient à porter remède à cette discordance.
En matière d'impôts indirects, il a estimé que les textes
actuels excluaient déjà l'application de l'octroi de mer, de la
TVA, sauf en matière immobilière, et des contributions indirectes
; sur les droits de douane, il a précisé que ces îles du
nord de la Guadeloupe appartenaient au territoire douanier de la
communauté européenne et que, bien que les droits de douane n'y
soient pas actuellement perçus, il conviendrait de s'interroger sur la
conformité au droit européen de l'exclusion du paiement de ces
droits. Il s'est également préoccupé du sort au regard de
la TVA des produits entrant à la Guadeloupe, en provenance des
îles du nord, et de la rédaction de l'article 12 semblant
réduire le champ d'application de la TVA à Saint-Martin.
Sur les impôts directs, il a constaté que, bien que les textes et
la jurisprudence constante du Conseil d'Etat les considèrent comme
applicables dans les deux îles, seule Saint-Martin pouvait être
considérée comme réellement fiscalisée avec sans
doute un taux de recouvrement faible. Il a donc estimé que les articles
11 et 12 allaient au-delà de la pratique en ce qui concerne Saint-Martin
et, reprenant les arguments du Conseil d'Etat, pourraient être
considérés par le Conseil constitutionnel comme contraires au
principe de l'égalité devant l'impôt.
Il a fait état du risque de la multiplication de sociétés
" boîtes à lettres " au travers des activités
bancaires, financières et d'assurances, habituellement exclues du
bénéfice des zones franches, et des difficultés, au regard
des conventions fiscales et du blanchiment, à isoler en pratique le
territoire fiscal de deux îles incluses dans un département
d'outre-mer. Il a enfin rappelé qu'à ce titre elles
bénéficiaient d'ores et déjà des mécanismes
de défiscalisation applicables à la Guadeloupe.
En conclusion, il a indiqué que la commission des finances avait
émis un avis défavorable à l'adoption des paragraphes I
des articles 11 et 12 du projet de loi.
En réponse à
M. Philippe de Bourgoing, M. Jacques
Larché, président,
a précisé que la commission
des finances de l'Assemblée nationale n'avait pas émis d'avis sur
ces dispositions. Il a tenu à féliciter M. Michel Mercier pour la
très grande qualité de son exposé.
M. François Blaizot, rapporteur,
a estimé que l'avis de la
commission des finances confirmait que les articles 11 et 12 étaient
pour l'essentiel conformes à la réalité actuelle qu'il a
estimé préférable de consacrer législativement dans
la mesure où les articles adoptés par l'Assemblée
nationale lui apparaissaient apporter une solution équilibrée.
Il a précisé que les impôts locaux de droit commun
n'étaient pas appliqués à Saint-Barthélémy
faute d'établissement des bases par l'administration fiscale.
Il a approuvé la possibilité donnée par les articles 11 et
12 à ces deux communes d'administrer elles-mêmes certaines
compétences et a estimé que la levée d'impôts
spécifiques dont 20 % du produit serait reversé à
l'Etat serait un progrès par rapport à la situation de fait
actuelle.
Enfin, considérant que le principal problème soulève par
la commission des finances avait trait au risque de création d'un
" paradis fiscal ", il a proposé à la commission
d'exclure les activités bancaires, financières et d'assurances du
bénéfice du régime fiscal instauré par les articles
11 et 12.
En réponse à
M. Jacques Larché, président
,
le rapporteur a indiqué que, pour la cohérence du dispositif, il
demeurait favorable à l'exonération de l'impôt de
solidarité sur la fortune qui ne s'appliquerait en tout état de
cause qu'aux résidents et aux biens effectivement situés à
Saint-Barthélémy et à Saint-Martin.
M. Jacques Larché, président
, a constaté que la
commission des finances serait sans doute défavorable à une telle
exonération.
M. Daniel Hoeffel
s'est déclaré très proche de la
position de la commission des finances et a rappelé que l'objet des
articles 11 et 12 constituait un " cavalier législatif " par
rapport au projet de loi initialement limité à la ratification
d'une ordonnance concernant les fonctionnaires de Mayotte. Il a estimé
que le rôle du législateur devait être de fixer des
règles de droit et non d'entériner des situations de fait.
M. Jean-Paul Delevoye
, en une période d'interrogation sur
l'équilibre des droits et obligations des citoyens et des
collectivités locales vis-à-vis de l'Etat et compte tenu de
l'importance des relations entre la métropole et les départements
d'outre-mer situés dans des régions dont le développement
économique est un enjeu international, a estimé
préférable d'examiner la situation de
Saint-Barthélémy et de Saint-Martin dans le cadre d'une
réflexion plus large et plus approfondie sur l'outre-mer.
M. Michel Dreyfus-Schmidt
s'est prononcé contre la greffe
d'amendements sans lien avec un texte de ratification d'une ordonnance, qu'il
s'agisse des paragraphes I ou des paragraphes II et III des articles 11 et 12.
Il a par ailleurs estimé souhaitable que la loi soit appliquée en
l'état.
M. Jacques Larché, président
, a indiqué que la
commission des lois pourrait utilement engager une réflexion sur la
situation institutionnelle et juridique des départements d'outre-mer.
M. Jean-Paul Delevoye
, faisant état de son récent
déplacement à la la Réunion, a indiqué que la
cristallisation des situations actuelles pouvait parfois nuire au
développement de ces départements.
M. Lucien Lanier
a regretté l'insertion de ce dispositif dans un
texte relatif à Mayotte, s'est interrogé sur les risques
d'extension d'un tel régime à d'autres collectivités
d'outre-mer et s'est prononcé en faveur d'une réflexion
approfondie.
M. Philippe de Bourgoing
a rejoint la même conclusion après
s'être interrogé sur le taux de recouvrement effectif
d'éventuels nouveaux impôts applicables à ces îles.
M. Pierre Fauchon
a refusé de souscrire à la validation
d'une situation de fait résultant de la non application des textes, en
estimant notamment qu'un texte non appliqué jouait un rôle
dissuasif. Sur le fond, il s'est interrogé sur le fondement
économique des exonérations dès lors qu'il existerait une
matière imposable.
M. Jean-Paul Delevoye
s'est préoccupé de l'effet
d'entraînement dans les départements et territoires d'outre-mer et
a souhaité que la réflexion élargie au cadre des
départements d'outre-mer prenne en compte les dispositifs d'urbanisme et
de contractualisation qui pourraient également favoriser le
développement économique.
M. Jacques Larché, président
, rappelant que le dispositif
des articles 11 et 12 constituait une alternative à la demande locale de
transformation de ces communes en collectivités territoriales à
statut particulier, a souhaité que la commission se prononce sur le
principe du maintien des deux amendements de suppression.
M. Jean-Jacques Hyest
a évoqué l'hypothèse d'une
saisine du Conseil constitutionnel.
En réponse aux différents orateurs,
M. François
Blaizot, rapporteur,
a précisé que l'exonération de
l'impôt de solidarité sur la fortune ne porterait que sur les
biens implantés sur place et permettrait d'éviter que les
habitants propriétaires de terrains ne soient contraints de les vendre
quand ils ne disposent d'aucun revenu ; il s'est en outre déclaré
défavorable à un examen global de la situation des
départements d'outre-mer estimant préférable de
régler au cas par cas des situations aussi particulières.
M. Lucien Lanier
n'excluant pas qu'à terme une étude
approfondie conduise à la création de collectivités
territoriales à statut particulier, a indiqué que la suppression
des articles par le Sénat ne devait pas être
interprétée comme un rejet de toute évolution.
M. Jacques Larché, président,
rappelant la genèse
de ces articles, a indiqué qu'à ses yeux, la position de la
commission reposait en effet sur l'absence de lien avec le texte en discussion
et sur la volonté de ne pas cristalliser prématurément la
situation actuelle.
La commission a décidé le maintien de ses deux amendements de
suppression des
articles 11 et 12
et a, en conséquence,
donné un avis défavorable aux amendements n° 5 de
MM.
Jean Faure
et
Jacques Machet
, tendant à rétablir
l'exonération de l'impôt de solidarité sur la fortune
à Saint-Barthélémy et n° 4 de
Mme Lucette
Michaux-Chevry
rétablissant, outre cette exonération,
l'assujettissement de cette île à la taxe sur les certificats
d'immatriculation des véhicules.