DEUXIÈME PARTIE -
LE MÉMORANDUM INTERPRÉTATIF :
UNE LECTURE FRANÇAISE DE LA DIRECTIVE 92/43/CEE HABITATS
NATURELS
I. LES OBLIGATIONS EUROPÉENNES DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
A. LA QUASI-IMPOSSIBILITÉ DE RÉVISION DE LA DIRECTIVE
Certains interlocuteurs auditionnés par le groupe de
travail ont suggéré d'obtenir de la Commission européenne
qu'elle élabore un projet de modification de la directive
elle-même ou de ses annexes.
S'agissant de la directive elle-même, nos partenaires européens,
notamment ceux d'Europe du Nord n'accepteront jamais de voir remettre en cause
un texte auquel ils sont profondément attachés. L'avis du
Parlement européen serait également très certainement
défavorable à une modification des termes de la directive allant
vers plus de souplesse ou moins de contraintes.
En ce qui concerne les modifications qui pourraient être demandées
sur le contenu des annexes, l'article 19 de la directive 92/43/CEE
Habitats naturels précise que les modifications envisagées aux
annexes I, II, III, V et VI sont arrêtées par le Conseil, statuant
à la majorité qualifiée sur proposition de la Commission,
et que pour celles portant sur l'annexe IV relative aux espèces animales
et végétales d'intérêt communautaire qui
nécessitent une protection stricte, le Conseil statue à
l'unanimité sur proposition de la Commission.
Force est de convenir que toutes les précautions sont prises pour
empêcher des révisions intempestives ou répondant à
des intérêts immédiats ou corporatistes de la directive et
on ne peut que se féliciter de ce dispositif. Mais, on peut
également s'interroger sur les conséquences néfastes d'une
excessive rigidité des textes communautaires, et l'exemple du cormoran
évoqué plus haut en est une parfaite illustration.
B. L'OBLIGATION POUR L'ÉTAT FRANÇAIS DE METTRE EN OEUVRE LA DIRECTIVE
1. Le recours en manquement devant la Cour de justice européenne
La Commission européenne a adopté le
22 octobre 1996 une communication relative à la mise en oeuvre
du droit communautaire par les États membres, domaine dans lequel elle
souligne d'importantes faiblesses. Outre une réflexion prospective sur
de nouveaux moyens lui permettant de faire respecter l'application du
traité ainsi que celle des quelques deux cent directives et
règlements qui composent le droit communautaire, la Commission a
souligné qu'elle entendait faire pleinement et
régulièrement application de la procédure du recours en
manquement prévue par les articles 169, 170, 171 du traité
instaurant la Communauté européenne " afin d'obtenir un
effet dissuasif puissant ".
Selon cette procédure, tout État membre ou la Commission peut
saisir la Cour de justice contre un autre État membre qui aurait
manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu du
traité et du droit dérivé. Avant tout recours, le
traité prévoit " le filtre " de la Commission,
gardienne des traités. Celle-ci doit émettre un avis
motivé après que l'État membre incriminé ait
été mis en mesure de présenter contradictoirement ses
observations. Si la Cour de justice reconnaît le manquement d'un
État membre, celui-ci est tenu de prendre les mesures prévues par
l'arrêt de la Cour.
Cependant l'autorité de la chose jugée n'étant pas
toujours respectée dans la pratique par les États membres, le
traité de Maastricht prévoit la possibilité pour la Cour
de justice d'infliger contre l'État membre récalcitrant une
amende forfaitaire ou une astreinte. La Cour ne peut recourir aux sanctions
financières sur requête de la Commission que dans le cas où
l'État membre n'a pas pris les mesures édictées par un
premier arrêt.