B. LES RELATIONS POLITIQUES FRANCO-NÉO-ZÉLANDAISES
1. Le " coup d'envoi " de la normalisation bilatérale
Comme en Australie, mais avec un léger décalage
dans le temps pour des raisons de politique intérieure
néo-zélandaise -le nouveau gouvernement, issu des
dernières élections générales, n'a pu être
constitué qu'en décembre 1996-, l'arrêt définitif
des essais nucléaires a permis l'apurement des relations politiques
entre Paris et Wellington.
L'accueil que votre délégation puis celle du CNPF fin
février ont reçu de la part des autorités
néo-zélandaises peut ainsi être clairement
considéré comme le
" coup d'envoi " de la
normalisation des relations bilatérales
franco-néo-zélandaises
.
A plusieurs reprises, en effet,
au cours des dix dernières
années
notamment,
divers contentieux
ont troublé,
voire durablement détérioré, la relation
bilatérale, qu'il s'agisse de la situation en Nouvelle-Calédonie,
des questions agricoles et des négociations du GATT, de l'affaire du
" Rainbow Warrior " -qui a eu un impact très négatif-,
ou de la question des essais nucléaires elle-même.
a) La fin de la crise des essais
Si la
crise
des essais est ainsi terminée, elle
n'en a pas moins été
aiguë
, dans un pays
viscéralement antinucléaire. Le gouvernement dirigé par M.
Bolger a toutefois, au plus fort des tensions, tenté de
préserver les intérêts
bilatéraux
à
long terme
tout en ménageant les
susceptibilités
antinucléaires de l'opinion.
Après avoir pris des mesures de
rétorsion relativement circonscrites (gel des relations militaires et
interruption des contacts ministériels) le 17 juin 1995, Wellington a
activement participé, à l'automne suivant, à la campagne
internationale contre la France : devant la Cour internationale de justice, aux
Nations unies, au Forum du Pacifique sud et au Commonwealth.
C'est ensuite avec soulagement que Wellington a tiré les
conséquences de l'annonce par Paris de la fin des essais, de notre
signature du traité de Rarotonga, de la fermeture du Centre
d'expérimentations du Pacifique et de notre signature du CTBT. Si cette
satisfaction n'a pu s'exprimer aussi clairement et rapidement que l'on pouvait
l'espérer, c'est néanmoins dès le
27 mars 1996
-
deux jours après notre approbation des protocoles du traité
de Rarotonga- que les
sanctions
décidées en juin 1995 ont
été
levées
, avant que soit rétablie, en
juillet, l'autorisation permanente de survol et d'escale dans les mêmes
conditions qu'avant juin 1995.
Si, en période électorale, le gouvernement
néo-zélandais ne pouvait ignorer les réactions de
l'opinion et des médias- où la crise avait fait remonter à
la surface les vieux griefs du " Rainbow Warrior "-, le
changement
de ton
a toutefois été sensible dès la fin des essais
: participation d'un ministre néo-zélandais à un colloque
organisé à l'Assemblée nationale en mai 1996,
décision d'achat de missiles Mistral qui mettait un terme au gel des
relations militaires. Surtout, le Pacifique sud est demeuré perçu
par Wellington, comme par Canberra, comme un enjeu d'intérêt
commun. L'acceptation de la présence et du rôle de la France dans
le Pacifique et le soutien de la Nouvelle Zélande aux accords de
Matignon n'ont jamais été remis en cause. Cette communauté
d'intérêts français et néo-zélandais a
motivé le soutien de Wellington -comme celui de Canberra- au
rétablissement de notre statut de partenaire du dialogue post-Forum du
Pacifique sud.
b) Le contexte : une relation bilatérale complexe
Les difficultés engendrées par notre
dernière campagne d'essais nucléaires en Nouvelle-Zélande
-comme d'ailleurs en Australie- ne doivent pas conduire à
considérer que l'image de la France y est mauvaise. La
réalité est plus complexe.
Il faut d'abord prendre en considération
l'extrême
sensibilité des Néo-Zélandais à tout ce qui
concerne le nucléaire
. Ce sentiment antinucléaire, quasi
viscéral, s'exprime sur un mode émotionnel, voire passionnel,
ainsi qu'en témoignent les médias locaux. Le gouvernement
néo-zélandais ne peut pas ne pas en tenir compte et votre
délégation a pu mesurer, lors de son séjour à
Wellington, que le
souci de tourner la page
du nucléaire dans les
relations bilatérales, était plus net au niveau gouvernemental
qu'au niveau des médias, toujours prompts à s'enflammer à
nouveau sur les thèmes antinucléaires -en l'occurrence la
question du transport des déchets nucléaires recyclés.
Le gouvernement néo-zélandais s'est ainsi efforcé, durant
la période des essais, à la fois d'en tirer le
bénéfice sur le plan intérieur, mais aussi de limiter
l'ampleur de ses réactions pour
ne pas compromettre à long
terme des relations bilatérales
franco-néo-zélandaises
dont Wellington souligne les aspects positifs, notamment dans le domaine de la
coopération régionale.
Les Néo-Zélandais font par ailleurs preuve de sentiments
d'
amitié
et d'
attachement
à l'égard de la
France dont ils admirent l'histoire, la culture et la technologie. Ils
rappellent ainsi volontiers -pour l'anecdote- que si les Français
étaient arrivés trois semaines plus tôt, en 1840, à
Akaroa, l'île du sud aurait pu être française. Les
Néo-Zélandais, comme les Australiens, combattirent aussi à
nos côtés durant les deux conflits mondiaux. La culture
française y reste très appréciée, au même
titre que notre " art de vivre " chaleureusement décrit par
Katherine Mansfield. Enfin, la haute technologie française est
jugée remarquable et contribue à corriger l'image traditionnelle
de notre pays dans un sens plus moderne et plus positif.
Pour toutes ces raisons, la nouvelle page, désormais ouverte, des
relations franco-néo-zélandaises doit reposer sur une base
d'amitié et de communauté culturelle solide qui doit engager les
échanges bilatéraux sur la voie du développement et de
l'approfondissement.
2. Les relations militaires bilatérales
Les
relations militaires bilatérales
, dont le
gel avait constitué la principale mesure de rétorsion
décidée par le gouvernement néo-zélandais durant la
crise des essais, doivent désormais -l'hypothèque
nucléaire étant levée- retrouver un cours normal. La
normalisation entreprise depuis mars 1996 ouvre la voie à la reprise des
liens antérieurs à juin 1995, tels que des manoeuvres communes ou
l'échange de sections d'infanterie avec la Nouvelle-Calédonie.
La coopération militaire bilatérale, basée sur une
communauté d'intérêts dans la région, est,
quoique modeste,
favorisée par plusieurs
facteurs
:
l'attitude traditionnellement favorable de la France
à cette coopération, l'isolement stratégique de Wellington
depuis sa mise à l'écart de l'ANZUS, et la présence
militaire française dans le Pacifique.
Diverses activités ont déjà été
lancées et devraient se développer : le commandant
supérieur des forces françaises stationnées en
Nouvelle-Calédonie doit se rendre en Nouvelle-Zélande en avril
1997 ; Wellington a renouvelé l'autorisation permanente de survol et
d'escale accordée à nos aéronefs militaires ; le principe
d'une participation française à l'exercice naval
interallié " Tasmanex 98 " est acquis ; et l'échange
d'une section d'infanterie avec la Nouvelle-Calédonie, prévu en
1995, devrait pouvoir être organisé en 1997.
Par ailleurs, dans le domaine de
l'industrie de défense
, la
Nouvelle-Zélande, si elle représente un marché mineur par
sa taille, permet la conclusion de quelques ventes de matériel militaire
d'ampleur modeste. C'est ainsi qu'un contrat de
27 missiles et postes de tir
Mistral
de la société Matra, dont la conclusion avait
été différée à une date postérieure
à la fin des essais, a été signé le 23 octobre
1996. D'autres contrats avaient précédemment été
conclus par Thomson-CSF et plusieurs de ses filiales. Des perspectives
s'offrent enfin aujourd'hui, compte tenu des besoins des forces armées
néo-zélandaises, dans les domaines des systèmes de
communications tactiques et des radars.
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