EXAMEN EN DELEGATION
La délégation s'est réunie le
18 mars 1997 pour l'examen du présent rapport.
Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.
Après s'être inquiété de l'absence de transmission
par le gouvernement du document de la Commission portant sur le système
commun de TVA dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution,
M. Michel
Caldaguès
a estimé que le système proposé par
la Commission aurait comme effet de créer " un désert
d'autonomie " pour les rentrées de TVA en France, mais que les
effets de ce système seraient cependant moins réducteurs que les
critères de convergence du traité de Maastricht, auxquels les
Etats devront se conformer en permanence, au-delà de l'entrée
dans la monnaie unique.
M. Denis Badré
, estimant que le nouveau système de TVA
aurait pour conséquence une limitation des marges de manoeuvre
budgétaire plutôt qu'un " désert d'autonomie "
pour la France, a précisé que les questions monétaires et
le système de TVA étaient totalement distincts, les
critères de convergence obligeant les Etats à des
résultats et non à des moyens pour atteindre l'objectif du
traité. Le nouveau système de TVA aurait pour effet d'ajouter une
obligation de moyens à cette obligation de résultats.
M. Alain Richard
a rappelé que, si les tentatives menées
depuis quarante ans en vue de construire un grand ensemble économique
butaient en permanence sur de nombreux détails pratiques qui
nourrissaient le débat politique dans chaque pays, il fallait toujours
garder à l'esprit l'objectif final. Et cela d'autant plus que d'autres
Etats en dehors de l'Europe se sont fixés le même but, comme les
Etats-Unis ou les pays d'Amérique latine ou d'Asie, qui semblent moins
précautionneux que les européens pour arriver à leurs
fins. L'argument selon lequel nous avons dix ans devant nous pour
résoudre ces problèmes pratiques est dès lors moins
valable aujourd'hui qu'il ne l'était il y a dix ou vingt ans. Le
Sénat, qui a vocation à réfléchir sur l'avenir,
doit s'interroger sur le rythme auquel nos Etats sont prêts à
réaliser ce grand ensemble économique face à nos
principaux compétiteurs mondiaux.
Reconnaissant que le régime définitif proposé par la
Commission est discutable, parce que " pas assez
définitif ",
M. Alain Richard
a estimé qu'un régime fiscal
unifié était une étape indispensable de la
réalisation de ce grand ensemble économique cohérent en
Europe. La critique doit donc moins porter sur le rythme que sur le contenu de
la proposition, car le régime définitif ne peut fonctionner sans
un très fort rapprochement des taux et des assiettes de la TVA. Il
serait par conséquent logique que l'impôt soit communautaire et
que son produit soit partagé entre le budget communautaire et les
budgets nationaux. Abordant la question du régime transitoire, il a
indiqué que, à son sens, ce régime était
très largement responsable des incertitudes des rentrées de TVA.
Rejoignant le rapporteur, il a ajouté que la mise en oeuvre du
régime définitif au moment même de la réalisation de
la monnaie unique n'était pas satisfaisante.
M. Christian de La Malène
, estimant qu'il ne convenait pas de
procéder par affirmation sur ce dossier, a soutenu la proposition du
rapporteur selon laquelle il ne fallait pas supprimer brutalement une des
dernières variables d'ajustement qui restaient entre les mains de
l'Etat. L'histoire n'étant pas terminée, il faudra à
l'avenir pouvoir faire face aux crises qui pourront se produire et l'on risque
un éclatement du système si les seules variables d'ajustement
sont l'emploi et les salaires. Il a également manifesté l'espoir
que la règle de l'unanimité en matière fiscale ne soit pas
remise en cause par la conférence intergouvernementale ni directement,
ni indirectement par le biais d'une éventuelle
" flexibilité " ou " coopération
renforcée " introduite dans le premier pilier du traité.
M. Daniel Millaud
craint que, implicitement, le projet de système
commun de TVA ne puisse être étendu aux territoires d'outre-mer,
dès lors que la TVA se substituera aux droits de douane. Il a alors
exprimé sa préférence pour un véritable
régime d'association des territoires d'Outre-mer plutôt que pour
la forme actuelle d'un " néocolonialisme ", dont le
gouvernement français se rendrait complice dans le cadre de sa politique
européenne.
M. Yann Gaillard
a regretté que la délégation n'ait
pu se saisir directement du document COM(96) 328, faute de sa transmission dans
le cadre de l'article 88-4 ; il a souhaité que la doctrine du Conseil
d'Etat en la matière évolue de telle sorte que la
délégation ne soit plus tenue à des " contorsions
juridiques " pour exprimer son sentiment sur les propositions de la
Commission européenne.
M. Pierre Fauchon
a déclaré qu'il souscrivait aux
conclusions du rapporteur sur le régime définitif de TVA ainsi
qu'aux observations de
M. Alain Richard
, estimant qu'il fallait
avant tout mener à son terme le processus difficile de la monnaie unique
et qu'il pourrait y avoir certains risques à vouloir mener
simultanément une réforme de la fiscalité
européenne et la mise en place de la monnaie unique. Considérant
que, pour faire progresser la fiscalité européenne, il faudrait
un jour renoncer à la règle de l'unanimité dans ce
domaine, il a déploré que le Gouvernement se soit
déclaré récemment en faveur du maintien de la règle
de l'unanimité en matière fiscale.
A l'issue du débat, la délégation a adopté le
présent rapport et a approuvé le dépôt, par
M. Denis Badré, d'une proposition de résolution.