N° 256
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 mars 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la politique d' investissement dans le domaine des infrastructures routières ,
Par M. Jean BOYER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut , Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, André Vallet, Jean-Pierre Vial.
Routes . - Rapports d'information.
Avant-propos de M. Jean Boyer
A la suite d'une suggestion que j'avais émise au mois
de juin 1996, la Commission des Affaires économiques a pris
l'initiative d'organiser, à l'intention de ses membres, une série
d'auditions sur la politique d'investissement dans le domaine des
infrastructures routières, les 18 et 19 février dernier.
Les personnalités que nous avons entendues étaient certainement
les mieux placées pour nous aider dans notre réflexion. Sont
ainsi intervenus :
M. Patrick Morin
,
Président-Directeur général de la Générale
Routière (PME qui emploie malgré tout 3.000 personnes),
M. Raymond-Max Aubert
, Délégué à
l'aménagement du territoire et à l'action régionale,
M.
Guy Maillard
, Président de Cofiroute,
M. Christian
Leyrit
, Directeur des Routes,
M. Henri Mouliérac
,
Président de l'Union des Syndicats des industries routières
françaises,
M. Philippe Levaux
, Président de la
Fédération nationale des Travaux publics,
M. Dupont
,
Président de l'Union routière internationale, enfin,
M.
Bernard Pons
, Ministre de l'équipement, du logement, des transports
et du tourisme.
D'ores et déjà, soulignons que ces auditions nous ont permis de
dégager quelques idées majeures.
La route occupe désormais une position largement prédominante
(80 % pour le trafic de voyageurs ; 90 % pour le fret) et sa part ne
cesse de se renforcer au détriment des autres modes de transport. Il
serait trop long d'expliquer les raisons pour lesquelles les choses ont ainsi
évolué mais cette situation constitue désormais un fait
acquis et incontournable.
En second lieu, les grands choix géographiques sont d'ores et
déjà effectués en matière de politique
routière. L'objectif central a été fixé par
l'article 17 de la loi du 4 février 1995 sur
l'aménagement du territoire : en 2015, aucune partie du territoire
français ne devra être située à plus de cinquante
kilomètres ou de quarante cinq minutes en automobile, soit d'une
autoroute ou d'une route expresse à deux voies, soit d'une gare TGV.
Il ne faut pas se cacher que la logique du désenclavement peut se
heurter à celle de la rentabilité des investissements. Il est
pourtant essentiel de muscler notre programme routier afin d'assurer le
raccordement de nos petites communes rurales aux grands axes. C'est ce que l'on
appelle parfois " le maillage du territoire ".
La solution réside sans doute dans le développement
accéléré d'un réseau de voies rapides, à
deux fois deux voies, dotées de nombreux points d'entrée et de
sortie, ainsi que dans le nécessaire développement du
réseau routier secondaire et de son entretien.
A propos de la congestion de certaines zones urbaines ou périurbaines,
les solutions paraissent aujourd'hui clarifiées :
- des itinéraires routiers alternatifs ;
- des contournements routiers.
S'agissant des grands axes géographiques qui seront retenus, nous
devrons veiller, ainsi que l'a indiqué le Président Jean
François-Poncet, à ce que le futur schéma national
d'aménagement et de développement du territoire soit suffisamment
précis sur les orientations qui seront définies pour le
schéma directeur routier.
Les grandes priorités géographiques sont désormais
connues. On peut en distinguer quatre :
- le renforcement et la diversification de l'axe Nord-Sud en assurant la
fluidité de l'axe Lille-Paris-Lyon-Méditerannée. Cette
priorité suppose l'achèvement des autoroutes A 51 et A 75,
ainsi que la réalisation de contournements aussi bien routiers que
ferroviaires de l'Ile-de-France ;
- la mise en place d'un axe sud-européen de la Catalogne à
la zone du Piémont et à la Lombardie couvrant tout " l'arc
méditerranéen ". Ce futur grand axe qui constituera au
demeurant le débouché du couloir rhodanien, nécessitera,
notamment, de " fluidifier " le trafic de l'A9, d'améliorer
les traversées alpines et pyrénéennes, et de
réaliser les tunnels TGV Perpignan-Barcelone et Lyon-Turin ;
- un véritable réseau permettant de relier l'Espagne au
territoire national ;
- la création de grands axes Ouest-Est pour raccorder la
façade Manche-Atlantique aux grands axes européens.
En troisième lieu, le facteur économique joue un rôle
décisif.
Au cours des quarante dernières années, l'effort financier
consenti pour les infrastructures a placé notre pays à un bon
niveau européen, en lui permettant de répondre à la
croissance des trafics. Il nous a été rappelé que dans les
années soixante le réseau autoroutier ne comportait qu'une
soixantaine de kilomètres (7.346 kilomètres au
1er janvier 1996 dont 6.425 kilomètres
concédés).
Sur la période 1989-1993, les investissements de transport routier se
sont élevés à 140 milliards de francs, se
décomposant en 65 milliards de francs pour les autoroutes
concédées, et 74 milliards de francs pour les routes
nationales et les autoroutes non concédées.
Sur le réseau concédé, ce sont encore quelque
140 milliards de francs qui devraient être mobilisés sur la
période 1993-2003 avec la construction de 2.600 kilomètres
d'autoroutes.
A ces montants, il convient d'ajouter une enveloppe d'environ 35 milliards
de francs correspondant aux investissements des collectivités
territoriales sur les réseaux départementaux et communaux.
La simple mise en oeuvre de l'actuel schéma directeur routier
adopté en 1992 devrait permettre au secteur autoroutier
concédé, malgré un rythme d'investissements de l'ordre de
20 milliards de francs par an, de maintenir un équilibre financier
satisfaisant, sous réserve d'une croissance du trafic de l'ordre de
4 % par an, permettant d'accroître la capacité
d'autofinancement en proportion de l'augmentation prévisible de la dette.
Le secteur autoroutier reste très sensible à toute
altération des coûts, à la pression fiscale et,
évidemment, aux évolutions du trafic. Ses marges de manoeuvres
sont donc limitées.
Notons aussi que le rythme annuel de croissance de trafic sur le réseau
autoroutier a eu tendance à décroître ces dernières
années (de 8,7 % en 1990, moins de 4 % en 1995 et de 1
à 2 % en 1996).
Le problème de l'allocation de la ressource demeure donc une question
centrale ce qui concerne tant le réseau routier concédé
que le réseau non concédé.
Le souhait d'assurer rapidement une meilleure irrigation de l'ensemble du
territoire national ne doit pas conduire à un déséquilibre
de la situation financière des sociétés concessionnaires
d'autoroutes, débouchant sur une situation de surendettement dont la
charge incomberait en dernier lieu à l'Etat.
- un effort d'économie sur le coût actuel du réseau
routier. Les auditions montreront qu'on peut envisager la construction d'un
réseau autoroutier avec un coût inférieur de 20 % au
coût actuel. Par ailleurs, une translation des priorités du
réseau routier actuel vers un réseau à " deux fois
deux voies " voire un réseau à " deux fois une
voie " aux normes européennes devrait être
envisagée ;
- une réflexion sur un éventuel grand emprunt national de
financement de réseau routier et autoroutier non concédé.
Les modalités fiscales d'un tel emprunt dont la durée ne saurait
être inférieure à dix ans devrait être susceptible de
le rendre suffisamment attractif.
En conclusion, ne serait-il pas opportun de saisir l'Office parlementaire
d'évaluation des politiques publiques sur la politique routière
en France ? L'audit ou l'étude de cet Office pourrait porter sur des
questions que nous nous posons tous sans pouvoir dégager de
véritables réponses : quels sont le coût total (coûts
directs et coûts externes) et l'impact (en termes d'emploi,
d'aménagement du territoire) des décisions d'investissements de
la politique routière ?
Il apparaît que ces premières réflexions doivent absolument
se prolonger au sein de notre assemblée. Les services de l'État
paraissent d'ailleurs demandeurs en ce domaine.
Il convient donc maintenant de s'interroger sur la structure la plus
appropriée pour prolonger notre débat sur les grands choix de la
politique routière.