Rapport d'information n° 256 : politique d'investissement dans le domaine des infrastructures routières
M. Jean BOYER, Sénateur
Commission des Affaires Economiques - Rapport d'information n° 256 - 1996/1997
Table des matières
-
Audition de M. Patrick Morin, Président-directeur général
de la Générale routière (18 février 1997) - Audition de M. Raymond-Max Aubert, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (19 février 1997)
- Audition de M. Guy Maillard, Président de Cofiroute (19 février 1997)
- Audition de M. Christian Leyrit, Directeur des routes au ministère de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme (19 février 1997)
- Audition de M. Henri Mouliérac, Président de l'Union des syndicats des industries routières françaises (USIRF) (19 février 1997)
-
Audition de M. Philippe Levaux,
Président de la Fédération nationale des travaux publics (19 février 1997) -
Audition de M. Alain Dupont
Président de l'Union routière internationale (19 février 1997) - Audition de M. Bernard Pons, Ministre de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme (19 février 1997)
N° 256
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 12 mars 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur la politique d' investissement dans le domaine des infrastructures routières ,
Par M. Jean BOYER,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis Minetti, vice-présidents ; Georges Berchet, William Chervy, Jean-Paul Émin, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Claude Billard, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Jacques Dominati, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut , Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis Grignon, Georges Gruillot, Claude Haut, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond Lauret, Jean-François Le Grand, Félix Leyzour, Kléber Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan, René Rouquet, Raymond Soucaret, Michel Souplet, André Vallet, Jean-Pierre Vial.
Routes . - Rapports d'information.
Avant-propos de M. Jean Boyer
A la suite d'une suggestion que j'avais émise au mois
de juin 1996, la Commission des Affaires économiques a pris
l'initiative d'organiser, à l'intention de ses membres, une série
d'auditions sur la politique d'investissement dans le domaine des
infrastructures routières, les 18 et 19 février dernier.
Les personnalités que nous avons entendues étaient certainement
les mieux placées pour nous aider dans notre réflexion. Sont
ainsi intervenus :
M. Patrick Morin
,
Président-Directeur général de la Générale
Routière (PME qui emploie malgré tout 3.000 personnes),
M. Raymond-Max Aubert
, Délégué à
l'aménagement du territoire et à l'action régionale,
M.
Guy Maillard
, Président de Cofiroute,
M. Christian
Leyrit
, Directeur des Routes,
M. Henri Mouliérac
,
Président de l'Union des Syndicats des industries routières
françaises,
M. Philippe Levaux
, Président de la
Fédération nationale des Travaux publics,
M. Dupont
,
Président de l'Union routière internationale, enfin,
M.
Bernard Pons
, Ministre de l'équipement, du logement, des transports
et du tourisme.
D'ores et déjà, soulignons que ces auditions nous ont permis de
dégager quelques idées majeures.
La route occupe désormais une position largement prédominante
(80 % pour le trafic de voyageurs ; 90 % pour le fret) et sa part ne
cesse de se renforcer au détriment des autres modes de transport. Il
serait trop long d'expliquer les raisons pour lesquelles les choses ont ainsi
évolué mais cette situation constitue désormais un fait
acquis et incontournable.
En second lieu, les grands choix géographiques sont d'ores et
déjà effectués en matière de politique
routière. L'objectif central a été fixé par
l'article 17 de la loi du 4 février 1995 sur
l'aménagement du territoire : en 2015, aucune partie du territoire
français ne devra être située à plus de cinquante
kilomètres ou de quarante cinq minutes en automobile, soit d'une
autoroute ou d'une route expresse à deux voies, soit d'une gare TGV.
Il ne faut pas se cacher que la logique du désenclavement peut se
heurter à celle de la rentabilité des investissements. Il est
pourtant essentiel de muscler notre programme routier afin d'assurer le
raccordement de nos petites communes rurales aux grands axes. C'est ce que l'on
appelle parfois " le maillage du territoire ".
La solution réside sans doute dans le développement
accéléré d'un réseau de voies rapides, à
deux fois deux voies, dotées de nombreux points d'entrée et de
sortie, ainsi que dans le nécessaire développement du
réseau routier secondaire et de son entretien.
A propos de la congestion de certaines zones urbaines ou périurbaines,
les solutions paraissent aujourd'hui clarifiées :
- des itinéraires routiers alternatifs ;
- des contournements routiers.
S'agissant des grands axes géographiques qui seront retenus, nous
devrons veiller, ainsi que l'a indiqué le Président Jean
François-Poncet, à ce que le futur schéma national
d'aménagement et de développement du territoire soit suffisamment
précis sur les orientations qui seront définies pour le
schéma directeur routier.
Les grandes priorités géographiques sont désormais
connues. On peut en distinguer quatre :
- le renforcement et la diversification de l'axe Nord-Sud en assurant la
fluidité de l'axe Lille-Paris-Lyon-Méditerannée. Cette
priorité suppose l'achèvement des autoroutes A 51 et A 75,
ainsi que la réalisation de contournements aussi bien routiers que
ferroviaires de l'Ile-de-France ;
- la mise en place d'un axe sud-européen de la Catalogne à
la zone du Piémont et à la Lombardie couvrant tout " l'arc
méditerranéen ". Ce futur grand axe qui constituera au
demeurant le débouché du couloir rhodanien, nécessitera,
notamment, de " fluidifier " le trafic de l'A9, d'améliorer
les traversées alpines et pyrénéennes, et de
réaliser les tunnels TGV Perpignan-Barcelone et Lyon-Turin ;
- un véritable réseau permettant de relier l'Espagne au
territoire national ;
- la création de grands axes Ouest-Est pour raccorder la
façade Manche-Atlantique aux grands axes européens.
En troisième lieu, le facteur économique joue un rôle
décisif.
Au cours des quarante dernières années, l'effort financier
consenti pour les infrastructures a placé notre pays à un bon
niveau européen, en lui permettant de répondre à la
croissance des trafics. Il nous a été rappelé que dans les
années soixante le réseau autoroutier ne comportait qu'une
soixantaine de kilomètres (7.346 kilomètres au
1er janvier 1996 dont 6.425 kilomètres
concédés).
Sur la période 1989-1993, les investissements de transport routier se
sont élevés à 140 milliards de francs, se
décomposant en 65 milliards de francs pour les autoroutes
concédées, et 74 milliards de francs pour les routes
nationales et les autoroutes non concédées.
Sur le réseau concédé, ce sont encore quelque
140 milliards de francs qui devraient être mobilisés sur la
période 1993-2003 avec la construction de 2.600 kilomètres
d'autoroutes.
A ces montants, il convient d'ajouter une enveloppe d'environ 35 milliards
de francs correspondant aux investissements des collectivités
territoriales sur les réseaux départementaux et communaux.
La simple mise en oeuvre de l'actuel schéma directeur routier
adopté en 1992 devrait permettre au secteur autoroutier
concédé, malgré un rythme d'investissements de l'ordre de
20 milliards de francs par an, de maintenir un équilibre financier
satisfaisant, sous réserve d'une croissance du trafic de l'ordre de
4 % par an, permettant d'accroître la capacité
d'autofinancement en proportion de l'augmentation prévisible de la dette.
Le secteur autoroutier reste très sensible à toute
altération des coûts, à la pression fiscale et,
évidemment, aux évolutions du trafic. Ses marges de manoeuvres
sont donc limitées.
Notons aussi que le rythme annuel de croissance de trafic sur le réseau
autoroutier a eu tendance à décroître ces dernières
années (de 8,7 % en 1990, moins de 4 % en 1995 et de 1
à 2 % en 1996).
Le problème de l'allocation de la ressource demeure donc une question
centrale ce qui concerne tant le réseau routier concédé
que le réseau non concédé.
Le souhait d'assurer rapidement une meilleure irrigation de l'ensemble du
territoire national ne doit pas conduire à un déséquilibre
de la situation financière des sociétés concessionnaires
d'autoroutes, débouchant sur une situation de surendettement dont la
charge incomberait en dernier lieu à l'Etat.
- un effort d'économie sur le coût actuel du réseau
routier. Les auditions montreront qu'on peut envisager la construction d'un
réseau autoroutier avec un coût inférieur de 20 % au
coût actuel. Par ailleurs, une translation des priorités du
réseau routier actuel vers un réseau à " deux fois
deux voies " voire un réseau à " deux fois une
voie " aux normes européennes devrait être
envisagée ;
- une réflexion sur un éventuel grand emprunt national de
financement de réseau routier et autoroutier non concédé.
Les modalités fiscales d'un tel emprunt dont la durée ne saurait
être inférieure à dix ans devrait être susceptible de
le rendre suffisamment attractif.
En conclusion, ne serait-il pas opportun de saisir l'Office parlementaire
d'évaluation des politiques publiques sur la politique routière
en France ? L'audit ou l'étude de cet Office pourrait porter sur des
questions que nous nous posons tous sans pouvoir dégager de
véritables réponses : quels sont le coût total (coûts
directs et coûts externes) et l'impact (en termes d'emploi,
d'aménagement du territoire) des décisions d'investissements de
la politique routière ?
Il apparaît que ces premières réflexions doivent absolument
se prolonger au sein de notre assemblée. Les services de l'État
paraissent d'ailleurs demandeurs en ce domaine.
Il convient donc maintenant de s'interroger sur la structure la plus
appropriée pour prolonger notre débat sur les grands choix de la
politique routière.
Audition de M. Patrick Morin, Président-directeur
général
de la Générale routière (18
février 1997)
M. Jean Huchon, président
-
Mes chers
collègues, la séance est ouverte. Nous accueillons
M. Patrick
Morin, président directeur général de la
Générale routière.
M. Jean Boyer
- Je remercie le président d'avoir
organisé des journées d'auditions sur la politique
d'investissement dans le domaine des infrastructures routières.
Ainsi, se concrétise une suggestion que j'avais émise à la
fin de juin 1996, lors de la synthèse des travaux du groupe de travail
sur l'espace rural et du sous-groupe " Transports " que j'y
anime.
J'ai rencontré, à cette époque, en compagnie de M. Michel
Ruffin, sénateur et de M. Jean François-Poncet, président,
les représentants de l'Union des syndicats de l'Industrie
routière française (USIRF).
Je salue la qualité des personnes que la commission va entendre, parmi
les mieux placées pour réfléchir sur la politique
d'investissement routier en France.
Je me réjouis que, par cette réunion, la commission prenne une
heureuse initiative sur ce sujet qui est au coeur de l'aménagement du
territoire.
M. Patrick Morin
- Monsieur le Président, Mesdames et
Messieurs les Sénateurs, tout d'abord, je vous remercie de votre
accueil. Dans le domaine des infrastructures routières, les entreprises
sont aujourd'hui tributaires de choix politiques et l'impact de la
concentration des grands groupes sur les perspectives d'activité des
entreprises indépendantes est incontestable.
Pour des raisons budgétaires, l'État s'oriente de plus en plus
souvent dans les marchés de travaux publics vers la formule de la
concession. S'agissant notamment des infrastructures autoroutières, les
montants peuvent porter sur plusieurs milliards de francs.
L'entrée dans la compétition qu'impliquent les offres dans ce cas
est difficile pour les petites et moyennes entreprises, ainsi qu'en
témoigne le succès des grands groupes, tous actionnaires
directement ou indirectement de COFIROUTE.
Les marchés de grands travaux de type autoroutier par appels d'offres
sont à l'origine de 60 % de l'activité des entreprises
indépendantes et de 10 % de celle des grands groupes. Les
entreprises maîtrisant la procédure de la concession
bénéficieront, à terme, d'avantages de situation.
A l'inverse, les entreprises qui ne parviendraient pas à s'accommoder
des règles de la concession seraient condamnées.
Je souhaite que le Sénat puisse réfléchir à ce
problème.
En l'absence de soutien financier, les appels d'offres réalisés
dans le cadre de concessions ne peuvent faire l'objet d'offres acceptables de
la part des petites et moyennes entreprises compte tenu de l'exigence d'apport
de capitaux propres. Prenons garde de ne pas condamner à terme ces
entreprises.
Il serait bon d'envisager soit leur intégration dans les groupements,
soit la réservation d'une part des travaux ou le soutien d'organismes
bancaires ou de l'ingénierie d'organismes de l'État comme la
Caisse des Dépôts.
Je déplore la frilosité des établissements de
crédit et je redoute une généralisation du recours
à la procédure de la concession pour la réalisation des
travaux publics.
Les quatre principaux groupes du secteur des travaux publics,
(Générale des Eaux, Lyonnaise des Eaux, Bouygues, Eiffage) et
leurs filiales ont un poids très important, tandis que les plus grosses
entreprises indépendantes regroupant près de la moitié des
effectifs de salariés du secteur réalisent un chiffre d'affaires
avoisinant les 500 millions de francs.
Je regrette l'influence quasi-totale des grands groupes, parfois excessive dans
les représentations syndicales qui sont aujourd'hui les partenaires
privilégiés des donneurs d'ouvrages.
De même je crains qu'il soit difficile à moyen terme de provoquer
un élargissement du cercle des opérateurs en matière de
travaux routiers si la réforme du Code des Marchés Publics devait
se traduire par un triomphe de la formule de la concession et par la mise en
oeuvre de dispositifs dits de " performance bond " inspirés
du
système américain de garantie de bonne fin dans la construction.
Imposant à l'entreprise d'obtenir la caution d'organisme financier, ce
système signifierait à terme la mort de beaucoup d'entreprises
indépendantes.
Ainsi, pour une entreprise indépendante comme la mienne
créée en 1955 avec six salariés et qui en compte
aujourd'hui plus de trois mille, a contrario, et dans le contexte actuel, le
Code des Marchés Publics n'a pas empêché ni n'empêche
son développement et sa croissance.
La législation sur les marchés publics peut conduire à une
question de survie pour des chefs d'entreprise qui, en difficulté,
seraient contraints à céder leur entreprise qui représente
pour beaucoup l'oeuvre de toute une vie.
Jean Huchon, président
-
L'éclairage que vous nous
avez apporté est assez sombre et j'appelle de mes voeux un retour de
l'espoir dans ce secteur d'activité.
M. Francis Grignon
- Pour être fortes à
l'étranger, les entreprises doivent être fortes en France, ce qui
peut justifier la recherche de l'effet de taille des grands groupes.
Le small business Act, voté aux États-Unis, en 1953, sous
administration républicaine fournit une piste pour le législateur
français. Je communiquerai le résultat de mes travaux sur ce
sujet à la commission en mars.
Existe-t-il des possibilités de recours à la sous-traitance de la
part des entreprises indépendantes ?
M. Patrick Morin
- Le paiement à 90 jours pose des
problèmes aux entreprises sous-traitantes. C'est pourquoi je
privilégie toujours la co-traitance à la sous-traitance.
Le capital de ma Société appartient à ma famille ainsi
qu'aux membres de mon personnel. La cascade de dépôts de bilans de
certaines entreprises avec lesquelles j'étais accoutumé à
travailler m'inquiète.
M. Bernard Hugo
-
La Générale routière, que
vous présidez, est-elle armée pour agir hors de sa zone
géographique habituelle ?
M. Patrick Morin
-
Je distingue les marchés de grands
travaux (à partir de 50 millions de francs) et les marchés
d'agences de niveau régional. Les grands travaux exigeant des
déplacements de matériel importants, échappent souvent aux
entreprises indépendantes. Quant aux entreprises
étrangères, elles se bornent en fait à des rachats
d'entreprises françaises comme le montre l'exemple récent de la
reprise de Razel par le Groupe allemand BILFINGER et BERGER.
M. Jean Bernard
-
Comme l'a montré le marché de
travaux de la plate-forme de Vatry, dans la Marne, les quatre grands groupes
sont souvent les mieux-disants grâce à leurs antennes
départementales, qui leur permettent d'analyser les besoins de la
clientèle, et de proposer des prix bas. Dans la procédure
d'adjudication, il est difficile de justifier le choix d'un autre que le
moins-disant.
M. Patrick Morin
-
La seule définition du prix aberrant
que je retienne est la suivante : " le prix aberrant est le prix du
premier quand je suis second ".
M. Fernand Tardy
- Quel est le sort des entreprises de 200
à 400 ouvriers ?
M. Patrick Morin
- La méthode la plus fréquente
consiste à co-traiter -et non pas à sous-traiter- avec cette
catégorie d'entreprises.
M. William Chervy
- Je suis préoccupé par la
question de la sous-traitance.
M. Patrick Morin
- Dans certains marchés, il y a des
demandes que ne savent pas satisfaire les entreprises et dans ce cas, celles-ci
recourent à une sous-traitance avec agrément et paiement direct
du donneur d'ouvrage.
M. Michel Souplet
- S'agissant de la future autoroute Rouen-Reims
et ses tronçons de réalisation, un recours aux entreprises
indépendantes pour de tels travaux est-il possible ?
M. Jean Bernard
- Dans le cas de la RN 10, quelles sont les
exigences des banquiers s'agissant des entreprises ?
M. Patrick Morin
- Il s'agit d'exigences en matière de
fonds propres.
M. Jean Boyer
- Des sociétés
étrangères interviennent-elles sur le marché routier ?
M. Patrick Morin
- Le plus souvent, il s'agit seulement
d'entreprises françaises reprises.
M. Jean Huchon, président
-
Je vous remercie.
Audition de M. Raymond-Max Aubert, Délégué à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (19 février 1997)
M. Jean François-Poncet, président
-
Nous commençons nos auditions sur le problème des
infrastructures routières. Cette question constitue certes une
préoccupation permanente pour tout élu local -et notre
collègue Boyer est celui qui est le plus directement à l'origine
de ces auditions, et je dois le remercier de sa suggestion-, mais s'inscrit
aujourd'hui dans la préparation du schéma national
d'aménagement du territoire. Conformément à ce qui avait
été prévu par la loi sur l'aménagement du
territoire, un nouveau schéma directeur est en préparation. Il
sera adopté par voie de décret, mais il faut en avoir
connaissance pour nous prononcer sur le schéma national.
C'est une bonne façon de l'éclairer que d'entendre le
délégué à l'aménagement du territoire.
Monsieur le Délégué, je ne sais pas dans quelle mesure
vous pouvez nous révéler les secrets du débat
interministériel, mais nous aimerions savoir quelles sont les
orientations que la DATAR a dans l'esprit, et si ces orientations se heurtent
ou non à des résistances de l'administration. Si vous me dites
qu'il n'y a aucune divergence de vue, je ne vous croirais pas ou je serais
très déçu, puisque nous comptons sur la DATAR pour
protéger les territoires enclavés, les zones oubliées, les
populations en décadence. Vous êtes donc notre porte-parole, notre
défenseur, parlez-nous du " combat héroïque " que
vous conduisez !
Avant de vous donner la parole, je vais demander à notre collègue
Boyer s'il a un mot à nous dire puisque c'est à sa demande que
nous avons organisé ces réunions.
M. Jean Boyer
. -
Alors que cette journée d'auditions sur
laquelle nous avons déjà pris un acompte substantiel, hier, sur
la politique d'investissements routiers en France, vient d'être ouverte,
je souhaite vous remercier, Monsieur le Président, d'avoir bien voulu
l'organiser très largement.
Ainsi se concrétise une suggestion que j'avais modestement émise
à la fin du mois de juin 1996, lorsque nous avions fait le point sur les
travaux du groupe de travail sur l'espace rural et sur le sous-groupe
" transports " que j'anime. Nous avons rencontré, à la
même époque, notre collègue M. Michel Rufin, le
Président Jean François-Poncet, et moi-même les
représentants de l'union des syndicats de l'industrie routière
française, l'USIRF, que nous allons d'ailleurs réentendre
aujourd'hui.
Je voudrais également vous remercier, Monsieur le Président, pour
la qualité des personnes que vous nous permettrez d'entendre et qui se
trouvent parmi les mieux placées pour nous aider à
réfléchir sur la politique d'investissement routière
française.
Cette journée, je me permets de l'affirmer, ne devra pas rester sans
suite. Aussi voudrais-je émettre une suggestion que j'avais
déjà esquissée en décembre dernier.
Nos travaux vont être denses et je propose qu'ils fassent l'objet d'une
publication sous la forme d'un rapport d'information du Sénat, à
couverture rouge. Si nos collègues en étaient d'accord, je serais
prêt à établir, sous la houlette du Président Jean
François-Poncet, la préface qui en serait en quelque sorte la
synthèse. Je vous soumets cette idée, il vous appartiendra d'en
prendre la décision.
Je me réjouis, quant à moi, que notre commission soit redevenue
pionnière sur ce sujet qui est au coeur de l'aménagement du
territoire. Personnellement, Monsieur le Délégué
général, je suis très heureux de vous voir, étant
donné que nous avons beaucoup travaillé ensemble. Nous allons
pouvoir vous poser des questions auxquelles vous répondrez certainement
avec toute la sincérité qui est la vôtre.
M. le Président
. -
J'avais oublié de vous dire
qu'à la suite de demandes qui nous ont été
adressées, nous avons invité l'ensemble des sénateurs
à nos réunions. Je voudrais ici saluer trois sénateurs qui
ne sont pas membres de notre commission : M. Henri Belcour de
Corrèze, M. Louis Souvet, et M. Marcel Lesbros.
Monsieur le Délégué, nous vous écoutons.
M. Raymond-Max Aubert
. -
Merci, Monsieur le Président. Je
vous remercie tout d'abord de m'accueillir devant votre commission. Vous avez
orienté les réflexions de votre journée sur le
problème des routes, mais puisque c'est le début de cette
journée, j'espère que vous me pardonnerez si, dans un premier
temps, je resitue ce problème important des routes dans un cadre plus
général d'aménagement du territoire. De ce point de vue,
si vous en êtes d'accord, je vais faire une présentation
très rapide et le mieux serait que je puisse répondre à
vos questions.
Dans cette présentation, je voudrais vous dire où en est la
réflexion du Gouvernement sur le schéma national puisque c'est au
fond le document de référence qui sera ensuite
décliné dans différents schémas sectoriels, dont
celui des routes, et peut-être également reprendre rapidement les
grandes priorités telles qu'elles sont arrêtées dans la
mouture actuelle du schéma national. A dire vrai, ces grandes
priorités ne vous étonneront pas beaucoup, Monsieur le
Président. Je dois vous dire que le texte que nous préparons
s'inspire largement des travaux des commissions thématiques mises en
place, dont l'une était présidée par M. Jean
François-Poncet et avait pour objet les réseaux et territoires.
Vous retrouverez largement, dans les priorités que je rappellerai tout
à l'heure, les suggestions et les propositions faites par M. Jean
François-Poncet et par certains d'entre vous.
Je voudrais simplement vous donner quelques principes et interrogations qui
pourraient inspirer notre dialogue.
Concernant la procédure elle-même, la loi d'orientation pour
l'aménagement du territoire a retenu le principe de la définition
d'un schéma national. La préparation de ce texte est maintenant
très avancée, puisque votre Président m'a invité
à vous dire toute la vérité. Après une phase
d'interrogation ou d'incertitude sur ce que devait être ce document, nous
en sommes aujourd'hui à une phase où les décisions
devraient être prises assez rapidement. Il ne s'agit d'ailleurs pas, dans
l'immédiat, de définir un projet de schéma national. C'est
une nuance que je voudrais introduire tout de suite : il s'agira d'un
simple avant-projet de schéma national. Comme vous le savez, ce texte,
dès qu'il sera adopté par le Gouvernement, fera l'objet d'une
concertation locale extrêmement poussée puisque le
législateur lui-même avait prévu 4 mois pour cette
concertation locale, sous la coordination des préfets de région.
Il s'agit bien d'un avant-projet qui, je l'espère, se nourrira des
suggestions, des critiques, des propositions faites pendant toute cette phase
de concertation.
Cela signifie aussi que lorsqu'il sera adopté, et j'espère
maintenant que l'on approche de son adoption, cet avant-projet ne se
transformera en véritable projet qu'au mois de septembre, octobre.
Ensuite, il fera l'objet d'un dépôt devant le Parlement. Ce texte
pourrait être éventuellement étudié par le Parlement
en fin d'année, et probablement pas avant.
Dans l'immédiat, le Gouvernement organisera un séminaire de
ministres, probablement vers la mi-mars, pour examiner le texte, tel qu'il lui
est proposé. En fonction des différentes orientations
arrêtées au niveau de ce séminaire gouvernemental, le texte
lui-même serait adopté en CIAT vers le début du mois
d'avril. Je suis toujours très gêné quand je donne ce genre
de prévision car j'ai toujours été démenti
jusqu'à présent. Vraiment, mon sentiment, aujourd'hui, est que
l'on approche du dénouement et que le Gouvernement proposera un
avant-projet à une large concertation aux alentours de début
avril. Voilà pour le calendrier.
Le schéma national sera un texte de portée assez
générale. Il ne sera pas accompagné de cartographie trop
précise. Cet exercice est renvoyé dans le cadre des
schémas sectoriels. De ce point de vue, il y a eu une interrogation sur
la méthode. Fallait-il d'abord définir des schémas
sectoriels et faire un schéma national qui soit la synthèse de
tous ces schémas sectoriels ? Les schémas sectoriels
interviennent dans le domaine des transports -route, fer, aéroports,
voies navigables, et ports-, mais ils interviendront également dans
d'autres secteurs comme les équipements culturels, l'organisation
sanitaire, l'éducation supérieure et la recherche. Est-ce que le
schéma national devait être la synthèse de ces
schémas sectoriels ou ces schémas sectoriels être des
déclinaisons du schéma national ?
Finalement, la méthode adoptée a été la
définition d'un schéma national qui serait décliné
en schémas sectoriels. C'est dire que les schémas sectoriels et
en particulier, celui des routes, à mes yeux, ne pourra être
envisagé qu'après l'adoption du schéma national. Vous
voyez que cela reporte la définition du schéma sectoriel des
routes à l'année 1998.
Bref, les schémas sectoriels découleront du schéma
national. Le schéma national, dans sa forme actuelle, celle qui sera
soumise au séminaire gouvernemental, est un texte général
avec une loi d'adoption. Dans cette loi d'adoption, nous avons proposé,
dans un premier temps, que certaines dispositions véritablement
normatives soient intégrées dans le corps de la loi. La loi ne
serait pas simplement une loi de deux articles disant "le schéma
ci-annexé est adopté et un article d'exécution", mais ce
serait une loi plus nourrie qui retiendrait dans une dizaine d'articles les
principes normatifs qui devraient présider à l'élaboration
des schémas sectoriels. C'est du moins la position actuelle. C'est une
proposition qui n'est pas forcément accueillie avec un enthousiasme
marqué par les différents ministères. Il n'est donc pas
impossible que l'on revienne à une forme plus simple,
c'est-à-dire une loi d'adoption de deux articles et une discussion
portant sur le texte lui-même.
Dans un premier temps, nous nous étions dit que le fait de réunir
quelques principes normatifs forts dans la loi d'adoption pouvait être
utile pour guider le débat. Je ne suis pas certain que cette solution
sera finalement retenue. A mon avis, on aura le choix entre cette solution et
la solution d'une loi d'adoption en deux articles.
Concernant les grandes orientations actuellement retenues, je vous les rappelle
pour nourrir notre débat.
Les grandes priorités géostratégiques pour ce qui concerne
les infrastructures de transport sont tout d'abord de renforcer et diversifier
l'axe nord-sud en assurant la fluidité de l'axe
Lille-Paris-Lyon-Méditerranée. Cela suppose l'achèvement
des autoroutes A51 et A75. Cela suppose probablement de réaliser des
contournements, aussi bien routiers que ferroviaires, de l'Ile-de-France.
Créer des corridors de fret ferroviaire est un élément qui
apparaît comme une demande assez forte pour l'avenir.
L'axe nord-sud est un problème essentiel, c'est un axe en danger qu'il
faut traiter. Il faut développer deux axes : l'axe atlantique et
l'axe Rhin-Rhône. Cela suppose d'achever la rocade des estuaires. Pour
l'axe Rhin-Rhône, cela signifierait le TGV Rhin-Rhône.
Troisième grande priorité géostratégique,
l'émergence de l'axe sud européen, de la Catalogne à la
zone du Piémont et à la Lombardie, couvrant donc tout l'arc
méditerranéen. C'est l'un des grands axes structurants pour
l'avenir avec d'ailleurs le débouché du couloir rhodanien. Cette
priorité suppose de fluidifier le trafic de l'autoroute A9,
améliorer les traversées alpines et pyrénéennes,
réaliser les tunnels TGV et fret Perpignan-Barcelone, Lyon-Turin, et
achever la percée du Mercantour.
Quatrième grande priorité géostratégique :
créer les grands axes ouest-est pour relier la façade
Manche-Atlantique aux grands axes européens. Vous connaissez la A89 qui
est une transversale de Bordeaux à Clermont-Ferrand et qui
intéresse beaucoup le Massif Central. Il y a aussi la route centre
Europe atlantique, mais vous avez d'autres axes très importants comme Le
Havre vers Metz avec le contournement nord de Paris, et Nantes vers Belfort.
Enfin, l'axe Nantes-Méditerranée pourrait faire l'objet d'une
disposition spécifique dans le cadre du schéma sectoriel.
Voilà les cinq grandes priorités géostratégiques.
Il faut dire que ces priorités sont renforcées par d'autres
principes qui ont un effet direct sur les routes. Si l'on veut conforter des
places portuaires et aéroportuaires, il ne s'agit pas simplement de
développer les infrastructures, il faut aussi assurer leur desserte.
Pour ce qui concerne les ports, le schéma national retiendra deux grands
pôles portuaires à développer en priorité, dans le
cadre d'une politique générale de reconquête de l'espace
maritime : Le Havre et Marseille. Ces deux places portuaires que nous
voulons privilégier dans l'avenir supposent des dessertes
intérieures très importantes, à longue distance. C'est un
élément essentiel de réussite du développement de
ces pôles portuaires. Pour Le Havre, cela conduit à
développer à la fois sur le plan ferroviaire et sur le plan
routier, l'axe Le Havre-Metz qui passerait par le nord de Paris, mais à
développer également un axe Le Havre-Tours avec le contournement
sud de l'Ile-de-France. Ce sont deux axes nécessaires pour le
développement du complexe portuaire Rouen-Le Havre.
Pour ce qui concerne Marseille, il y a le couloir rhodanien qui est un
élément essentiel, mais il y aura évidemment l'arc
méditerranéen.
Concernant les aéroports, vous savez qu'en dehors même des grands
aéroports de la région parisienne, et du fait qu'un site est
réservé en Eure-et-Loir, l'une des volontés du
Gouvernement est de mettre en place des plates-formes aéroportuaires
à vocation internationale, bien entendu à Lyon-Satolas, mais
aussi à Marseille, Bordeaux, Nantes, Toulouse, Strasbourg, Mulhouse. Le
principal problème, dans cette perspective, c'est la desserte
routière de ces aéroports à partir de
l'agglomération concernée. Dans la perspective du schéma
routier, l'affirmation de grands pôles aéroportuaires aura une
implication au niveau des infrastructures routières et
autoroutières d'accompagnement.
Pour conclure, dans toutes ces réflexions, quelques grands principes
s'imposent.
Pour ce qui concerne les routes, un premier grand principe est d'assurer une
bonne insertion dans un espace européen. Ceci dit, je suis souvent
étonné de voir à quel point, quand on discute, en France,
du réseau autoroutier, on ne vous donne qu'une carte de France. C'est un
problème de fond. Il faut avoir, me semble-t-il, le réflexe
européen qui est évident. Il faut intégrer toutes ces
priorités dans un espace européen et assurer la continuité
des maillages européens à travers l'exercice national que nous
faisons.
Par ailleurs, et dans le même esprit, l'un des grands principes qui
oriente notre réflexion et qui avait d'ailleurs été
très précisément souligné par votre commission,
Monsieur le Président, est de privilégier la continuité
des axes plutôt que l'accumulation d'opérations ponctuelles.
Je dois dire que plus cette période de réflexion, pour aboutir au
schéma national et aux schémas sectoriels, se prolonge, plus les
décisions ponctuelles ont tendance à s'accumuler. Je ne suis pas
certain que ce soit le meilleur moyen de traiter le problème dans sa
cohérence, mais on ne peut empêcher le Gouvernement de fixer
quelques arbitrages sur des problèmes qui apparaissent chaque jour. Ces
arbitrages ponctuels ne sont cependant pas nécessairement la
méthode la plus satisfaisante pour aboutir à un schéma
général cohérent.
En outre, ces arbitrages ponctuels accaparent une partie des financements dont
vous savez mieux que quiconque qu'ils sont particulièrement
limités en ce moment.
Troisième grand principe. Quand on parle de désengorger les
grands axes comme ceux de Lille, Paris, Lyon, Marseille, il ne s'agit pas de le
faire en cumulant et en concentrant des infrastructures, mais de le faire par
des axes qui desserviront des zones moins bien irriguées. Le fait de
désengorger est aussi un moyen de mettre en place des infrastructures
d'aménagement du territoire.
De ce point de vue, il est évident qu'il faut compléter le
réseau et retenir les normes fixées par la loi,
c'est-à-dire assurer un maillage tel qu'aucun point du territoire ne
sera à plus de 45 minutes ou à plus de 50 kilomètres
d'une autoroute ou d'une deux fois deux voies. C'est un principe clairement
posé par la loi d'orientation qui doit être retenu dans la future
définition du schéma routier.
Quatrième principe. C'est un point que les commissions
thématiques avaient souligné. Les contournements urbains doivent
maintenant être conçus à une distance suffisante des
grandes agglomérations. Les contournements urbains qui ont
enserré les agglomérations, jusqu'à présent, ont eu
des effets pervers en terme de développement urbain. Cela a
contribué à accentuer le développement en tache d'huile
des agglomérations, et ce n'est sûrement pas le meilleur des
développements que l'on puisse souhaiter. Ils doivent être
conçus de façon à éviter les grandes concentrations
urbaines.
Cinquième principe. Un schéma autoroutier ne vaut que s'il est
accompagné d'un réseau secondaire de qualité. Cela ne
relève pas forcément exclusivement du schéma national,
mais c'est une mobilisation de toutes les collectivités pour concourir
à la complémentarité des réseaux secondaires, en
particulier départementaux, par rapport au schéma national des
routes. C'est par exemple ce qui a été fait en Corrèze,
où nous avons un plan routier qui a anticipé la venue des deux
autoroutes A20 et A89.
Dernier point, et bien entendu j'aurais peut-être pu le citer dans des
priorités plus avant : limiter les nuisances, intégrer la
notion de développement durable, la notion d'insertion paysagère.
Au point de vue des nuisances, un schéma autoroutier, aujourd'hui, doit
être accompagné des mesures nécessaires pour réduire
l'impact sonore dans les traversées des régions assez
peuplées, pour limiter les impacts sur des espaces sensibles. Nous avons
les franchissements alpins qui vont se développer et il faut porter une
attention très particulière à cette insertion et à
cette qualité d'environnement.
Cet exercice pose une ou deux interrogations de fond.
La première est évidente, c'est l'opposition entre la
rentabilité des grands réseaux routiers et les impératifs
de désenclavement ou d'aménagement du territoire. Ce sont deux
notions qui se contredisent souvent. La rentabilité supposerait la
concentration des équipements sur certains grands axes, au
détriment de l'aménagement du territoire et en concentrant
l'activité des hommes sur des espaces restreints. Comment concilier une
rentabilité et des principes plus sains d'aménagement du
territoire ? Il y a un principe que tout le monde admet : il faut
prendre en compte les coûts externes en terme d'environnement de ces
infrastructures. De même, il faut prendre en compte les avantages sociaux
et collectifs retirés de ces équipements. Une approche moins
strictement économique doit donc être privilégiée,
si l'on veut concilier la nécessité d'une vue en termes
d'aménagement et de desserte du territoire avec une approche purement
économique et de taux de rentabilité.
Deuxième interrogation : l'intermodalité. C'est une approche
importante. Quand on est confronté à cette idée et
à cette nécessité sur le plan pratique, on
s'aperçoit qu'il y a un assez faible taux de substitution entre les
modes de transport. Le choix entre une desserte aérienne et une
autoroute ou entre une autoroute et un TGV sont des choix assez
théoriques. En fait, il y a une assez faible substitution entre les
modes de transport. Dans certains cas, ces substitutions sont réelles
car on peut avoir le choix entre le rail et l'autocar. Dans nos
départements, on le sait. C'est d'ailleurs un problème
suffisamment douloureux, parfois, pour les élus locaux. On peut avoir
des choix entre les modes de transport pour tout ce qui concerne le fret et les
marchandises en conteneurs.
Même si ces effets de substitution sont marginaux, il faut quand
même les prendre en compte dans l'analyse générale des
différents modes de transport. La rentabilité économique
tient parfois à très peu de choses. Si vous interrogez les
responsables des sociétés autoroutières -et je crois que
vous avez invité le Président de la société
autoroutière, Cofiroute- ils vous diront qu'avec une évolution de
trafic de 4 %, ils n'ont pas de crainte particulière pour l'avenir
et leur équilibre financier n'est pas menacé, mais que si cette
évolution de trafic devait se limiter à une évolution de
l'ordre de 2 %, ils passent dans le rouge d'ici 3 ou 4 ans. Dans ces
domaines, de simples infléchissements ont parfois des effets très
importants.
En tout état de cause, l'intermodalité est une approche
absolument nécessaire. Là où elle a les effets les plus
intéressants en terme d'aménagement du territoire, c'est à
travers les plates-formes multimodales. Le Gouvernement a confié une
mission au député M. Marc-Philippe Daubresse pour
réfléchir sur ce problème. Les conclusions du rapport
M. Marc-Philippe Daubresse devraient être connues le mois prochain.
Il y a peut-être un chaînon manquant dans ce qui était
prévu dans la loi d'orientation : c'est justement le fait
d'anticiper sur la future carte des plates-formes multimodales qui assureront
le rôle de jonction et de complémentarité des
différents modes de transport. Dans le rapport, tel qu'il est
actuellement préparé par M. Marc-Philippe Daubresse, on parle
d'une dizaine de terminaux multimodaux de caractère européen qui
mailleront le territoire et des plates-formes multimodales
d'intérêt national, en nombre plus important, mais qui ne sont pas
définies par M. Marc-Philippe Daubresse.
Cette carte du réseau des terminaux multimodaux est vraiment un
élément essentiel pour assurer une cohérence
générale, dans l'avenir, aux différents modes de
transports et aux différents schémas sectoriels qui devront
être adoptés par le Gouvernement.
Le schéma national ne fixera que les grandes orientations. En revanche,
j'imagine mal un débat au Parlement avec simplement un schéma
national liminaire, sans que certaines indications ne soient données aux
parlementaires sur les principales options qu'envisage le Gouvernement pour les
différents schémas sectoriels. En dehors même du principe
de la primauté du schéma national sur les schémas
sectoriels, il y a un dialogue entre le schéma national et les
schémas sectoriels. J'espère que nous serons en mesure, au moment
du débat sur le schéma national, de donner des orientations sur
les différents schémas sectoriels qui éclaireront les
dispositions que vous aurez adoptées dans le cadre du schéma
national.
M. le Président
. -
Je vous remercie. Je ferai deux brefs
commentaires avant de donner la parole à mes collègues.
Le premier concerne le schéma national. Le pré-projet que j'ai vu
est d'une généralité telle qu'il laisse en
réalité les administrations totalement libres de faire n'importe
quoi dans les schémas sectoriels qui, ne nous y trompons pas, sont
l'essentiel. Le schéma national, c'est de la littérature, les
schémas sectoriels, c'est la réalité.
Par conséquent, soyez convaincu que si le Gouvernement nous
présente un texte comme celui que j'ai vu, le Sénat le
réécrira. On ne peut pas faire moins de 10 pages sur les
infrastructures routières pour savoir à peu près où
vous allez les mettre et ce que vous allez faire. Soit on a ces
précisions soit on se moque du Parlement. Je suis clair là-dessus
et je pense être suivi sur ce point. C'est ma première
observation.
Par conséquent, en réalité, les schémas sectoriels
doivent être " corsetés ", sinon commençons par
les schémas sectoriels et, ensuite, on fera la littérature
à partir d'eux.
Deuxième observation. Dans le pré-rapport, je constate ce que
j'ai déjà constaté dans le groupe de travail que nous
avons fait : au fond, la France a rayé l'Espagne de la carte de
l'Europe. On connaît les relations est-ouest, on connaît la
Méditerranée, mais on ne connaît pas l'Espagne. Or, c'est
un pays en plein développement. On aurait le plus grand tort de
considérer que des pays comme la République tchèque, la
Pologne ou la Hongrie, vers lesquels on a le regard tourné, se
développeront plus vite que l'Espagne. L'Espagne fera partie de l'Union
monétaire à mon avis avant l'Italie. C'est un pays tout à
fait fondamental. Vous avez mentionné les percées
pyrénéennes, mais pas la façon dont elles sont
raccordées au centre de la France et de l'Europe. J'avais attiré
à plusieurs reprises l'attention sur ce problème, mais dans le
schéma, cet axe avait disparu. Je vous mets en garde, nous y veillerons
le moment venu.
M. Raymond-Max Aubert
. -
J'ai bien conscience que l'avant-projet
de schéma national actuel est très général, mais
très sincèrement, j'attends beaucoup de la concertation locale
pour qu'il y ait des demandes et des remontées très fermement
exprimées. Dans notre réseau d'arbitrage interministériel,
on va nécessairement vers l'évacuation des problèmes. S'il
y a une remontée forte de demandes, ce sera un élément
très intéressant pour renforcer le texte au sortir de la
concertation.
Quand vous parlez de l'Espagne, il est vrai qu'aujourd'hui, nous avons retenu
l'arc méditerranéen, l'arc atlantique, mais pour l'instant, il
n'est pas retenu un axe de pénétration centrale. C'est un
thème qui doit remonter, en particulier lorsque le texte ira en
Midi-Pyrénées.
M. Francis Grignon
. -
Vous avez parlé de
développement durable et de plates-formes multimodales, mais vous n'avez
pas parlé de la possibilité de mettre des camions sur des trains.
Or, il est des axes où le problème se pose de façon
importante, par exemple, dans la vallée du Rhin. Est-ce que ces
possibilités sont examinées sérieusement ? A-t-on
fait des calculs globaux à ce niveau ?
M. Raymond-Max Aubert
. -
Le transport combiné est une
préoccupation très présente. Je vous indique d'ailleurs
que le FITTVN, le fonds créé pour ce qui concerne les transports
terrestres et les voies navigables, consacre une partie importante de ses
dotations au développement du transport combiné.
M. le Président
. -
Monsieur le
Délégué, il lui consacre une petite partie -ne dites pas
une partie importante- et il consacre la partie essentielle à compenser
les crédits budgétaires débudgétisés, ce
qui, en réalité, contourne la volonté du Parlement.
M. Louis Moinard
. -
Je me réjouis de l'importance
accordée dans le cadre de l'aménagement du territoire aux
infrastructures routières et autoroutières. On ne peut pas tout
faire en même temps, mais il ne faut pas faire d'abord des ronds-points
sans savoir où l'on va.
Comment le ministère de l'environnement est-il associé à
ces réflexions et à ces orientations ? Quelles sont vos
possibilités de lui faire passer la vitesse supérieure ? En
effet, j'ai connaissance d'un cas précis où l'on attend depuis
des mois un avis du ministère de l'environnement, alors qu'on sait
aujourd'hui la qualité et l'attention portées sur ces
schémas.
M. Jean-Pierre Vial
. -
J'interviens tout d'abord pour
déplorer que le schéma national ne donne pas suffisamment de
points forts.
Premier exemple : toute la partie sud semble non pas occultée, mais
ne pas faire apparaître suffisamment la partie Espagne et le raccordement
sur tout l'arc Méditerranée. Pour tous les grands
équipements autoroutiers et le TGV, c'est un réel problème.
Deuxième aspect : en ce qui concerne le transport combiné,
on semble manquer d'éléments et d'orientations sur le plan
national quand on travaille sur le plan régional. Je pense par exemple
au TGV Turin, dont on ne connaît pas les grandes orientations qui
permettront de prendre les décisions sur le plan local.
M. Roger Rinchet.
-
Mon collègue Vial a dit l'essentiel de
ce que je souhaitais dire, mais je voulais m'adresser à vous, Monsieur
le Délégué parce que cela m'est plus facile de le dire
à vous qu'aux personnalités qui viendront après.
On ne peut pas traiter le problème des transports par tranche. On ne
peut pas parler des autoroutes et des trains séparément. Il y a
des régions de France où l'on ne pourra faire passer d'autres
autoroutes et où il y aura saturation d'ici 5 ans. En Savoie,
l'autoroute qui va en Italie aura 1 million de camions par an, à la fin
du siècle. Il faudra vraiment traiter ce problème, mais si on
laisse faire, chacun défendra son point de vue et le fer sera battu. Il
faut une volonté ferme de l'Etat de rééquilibrer les
transports en France.
M. Fernand Tardy
. -
Vous avez beaucoup parlé des
infrastructures autoroutières dans le cadre de l'aménagement du
territoire. Il est vrai que c'est très important. On verrait mal que
l'A51 ne se termine pas, bien qu'il y ait beaucoup de difficultés. Mais
il y a quand même des infrastructures routières très
importantes, hormis les autoroutes : les GLAT, par exemple. Prenons
l'exemple de la GLAT qui, à partir de l'A51, doit rejoindre Nice et va
dégager toute la côte.
Tout cela forme un ensemble de travaux très important. Comment peut-on
financer cela ? Faudrait-il que les GLAT passent aussi avec des
concessions ? C'est possible, je ne le sais pas. Je ne vois pas comment,
dans les 20 ou 30 ans à venir, on va arriver à mailler
suffisamment correctement le territoire pour pouvoir dire que tout le monde est
desservi. C'est sur le plan financier que je voudrais quelques indications.
M. Bernard Hugo
. -
M. le Délégué nous a dit
que la priorité était dans un axe nord-sud et nous le savons fort
bien. Il y a donc l'autoroute A7, il y a maintenant l'A51, l'A75, mais il y a
une diagonale que vous n'avez pas mentionnée et qui est l'A79. Elle
apparaît sur les documents et passe par Satolas, Valence, Alès, et
dessert l'Ardèche. Ce projet d'autoroute assurera une liaison facile
avec l'Espagne. En effet, n'oublions pas que l'autoroute A7 va être
saturée. Elle est saturée à 60.000 véhicules par
jour et on prévoit 76.000 véhicules par jour dans 10 ans.
Par conséquent, c'est une autoroute importante qui rejoint les
préoccupations de l'aménagement du territoire puisque comme l'a
dit le Président Jean François-Poncet, il y a encore des
territoires enclavés et des zones oubliées. C'est le cas du
département de l'Ardèche et du Haut Gard. Est-ce un oubli ?
M. Jean Pépin
. -
Monsieur le Président, Monsieur le
Délégué, je ne vais pas revenir sur l'intérêt
soit des autoroutes soit des lignes ferroviaires, bref, tout ce qui concerne
les transports. La question que je voudrais poser est la suivante.
Pourrions-nous avoir une étude qui pose enfin le problème de la
rentabilité de l'aménagement du territoire ? Nous sommes
dans une phase où il faut tenir compte de la rentabilité des
équipements. A partir de là, c'est toujours le même
processus depuis 50 ans, mais on n'a jamais vu, de mémoire, une
volonté de renverser cette tendance ou de la corriger.
En raisonnant de la sorte -de façon très honnête mais
toujours inscrite dans la même logique que par définition,
l'aménagement du territoire n'est pas rentable- on concentre toujours
plus et on appauvrit toujours plus le tissu territorial. Or, au terme de
plusieurs décennies -cela peut paraître utopique, j'en conviens-,
est-on persuadé de la non rentabilité d'un aménagement du
territoire qui ne serait pas à caractère de concentration ?
L'un des problèmes qui nous est posé est celui des quartiers des
grandes villes, ces fameux quartiers si difficiles dans lesquels il faudra
casser les immeubles, reconstruire, redistribuer l'urbanisme, et pour lesquels
nous avons des problèmes sociaux et d'emploi posés d'une
façon majeure. Faisant le calcul du coût du chômage dans ces
secteurs, de ce qu'il faudra redistribuer en matière de logements et
reconstruire en matière d'urbanisme, est-on sûr que
l'aménagement du territoire qui serait mieux réparti dans le
tissu territorial ne coûte pas moins cher ?
J'aimerais qu'il y ait une étude assez étoffée sur cette
question, sinon avant, mais au moins pendant ou parallèlement à
un tel débat. Je travaille, en tant qu'élu local avec des
études mais aussi avec de l'intuition. Pourra-t-on avoir un jour un
grand rapport sur la rentabilité, sur trois décennies, de
l'aménagement qui consiste à concentrer les choses, tous
paramètres confondus ? Je ne suis pas persuadé de la
réponse et cette réponse m'intéresse.
M. le Président.
-
C'est une fort bonne question, mais
nous n'aurons pas le temps d'y répondre.
M. Jean Boyer.
-
Je voudrais simplement vous dire combien j'ai
partagé vos réactions brillamment musclées de tout
à l'heure. Si nous sortons de l'épure, il est
véritablement certain que dans cette maison, il y aura des
réactions aussi musclées que celles que vous avez faites,
Monsieur le Président.
On a beaucoup parlé de transfert des compétences de l'Etat vers
les régions en matière de transports routiers. Vous est-il
possible, Monsieur le Délégué, de nous dire si la
pensée évolue ou si au contraire elle est stagnante ?
M. Raymond-Max Aubert
. -
D'une manière
générale, toutes vos interventions vont dans le sens à la
fois des interrogations de la délégation à
l'aménagement du territoire, mais en même temps des idées
que nous essayons de faire passer dans un contexte interministériel qui
n'est pas toujours facile.
Je suis très heureux que vous exprimiez ces idées. D'une certaine
manière, je pense que vous pouvez nous aider à renforcer certains
aspects du schéma actuel qui vous paraissent insuffisants ou à
compléter les premières priorités envisagées par
les directions compétentes au niveau des schémas sectoriels. Vous
avez un rôle très important à jouer dans l'année qui
vient et qui devrait aboutir aux différents schémas sectoriels.
Pour ce qui concerne l'Espagne, il est difficile d'affirmer que les
débouchés sur l'Espagne ne sont pas pris en compte. Deux des
grands axes structurants qui seront clairement affichés au niveau du
schéma national sont d'une part, l'arc atlantique qui dessert toute la
côte atlantique espagnole, et d'autre part, l'arc
méditerranéen. Je comprends qu'il y a dans ce schéma une
défaillance au niveau central. C'est un message fort à faire
remonter au moment de la concertation au niveau des régions. Mais encore
une fois, l'Espagne en tant que telle n'est sûrement pas
négligée. Je vous indique que tous ces grands axes s'inscrivent
parfaitement dans la réflexion que nous menons actuellement au niveau du
programme de coopération européen.
Nous avons aussi une interrogation de fond sur l'évolution des fonds
structurels et l'infléchissement de l'utilisation des fonds structurels
avec la perspective de l'élargissement de l'Union aux pays de l'Europe
centrale et orientale. Ces grands espaces de cohérence, de
solidarité seront sûrement des éléments forts pour
la réorientation des fonds structurels. J'ai beaucoup de craintes sur le
maintien des objectifs 2 et 5B, à terme. Je vois mal comment ils
passeront le cap de l'élargissement, même s'il y a une phase de
transition de quelques années.
En revanche, l'Europe tiendra à maintenir des programmes de
solidarité au niveau des pays fondateurs, mais dans le cadre de ces
grands espaces de cohérence. C'est un exercice très important, y
compris pour l'évolution des actions et des financements
européens.
Vous avez évoqué l'environnement. J'ai eu l'impression que
beaucoup d'entre vous contestaient l'action du ministère de
l'environnement. Il m'a semblé que vous y voyiez plutôt un frein
à la mise en place des infrastructures nécessaires. Il faut
être quand même un peu mesuré et c'est en même temps
l'élu du Massif Central qui parle. Il me semble, malgré tout, que
l'on a fait beaucoup de progrès dans la bonne insertion des autoroutes
dans le paysage et dans l'environnement. On ne l'aurait pas fait s'il n'y avait
pas eu certaines administrations destinées à assumer le
rôle des "metteurs de bâton dans les roues", si j'ose dire. On a
maintenant une approche beaucoup plus complète de ce point de vue. Il
faut concevoir toutes nos grandes infrastructures, dans l'avenir, en
intégrant pleinement cette dimension de l'environnement et cette
nécessaire insertion dans les paysages.
Par exemple, l'autoroute A89 Lyon-Bordeaux sera l'autoroute du bois. Les
résultats seront très convaincants et porteront le
développement local de la filière bois du Massif Central. Je vous
signale que les préoccupations environnementales ne s'opposent pas
forcément à un développement économique sur des
pôles forts de certaines régions. Il est cependant vrai, dans
certains cas, qu'il ne faudrait pas que des querelles un peu trop exclusivement
environnementales bloquent les programmes nécessaires.
M. Fernand Tardy avait évoqué le problème des concessions
pour les grandes liaisons d'aménagement du territoire. Je ne me trompe
pas sur votre proposition : pourquoi ne pas concéder ? le seul
problème est qu'il est très difficile de concéder des
voiries de type grandes liaisons. Comment voulez-vous organiser ne serait-ce
que le péage ? Si vous commencez à organiser un
péage, vous aurez forcément des entrées limitées.
M. Fernand Tardy
. -
Comment les réaliser si l'Etat n'a pas
d'argent ?
M. Raymond-Max Aubert.
-
L'Etat n'a pas beaucoup d'argent, c'est
incontestable, mais il est exagéré de dire que l'Etat n'a pas
d'argent. Le gouvernement de M. Balladur avait, en 1994, pris les dispositions
pour accélérer la réalisation des programmes autoroutiers
de façon qu'ils soient terminés en 2004. Ceci supposait un
financement de 14 milliards de francs par an. On ne peut pas dire que nous
soyons totalement dénués de moyens. Concernant ces grandes
liaisons d'aménagement du territoire, on aurait pu penser à un
système concédé, mais pour l'instant, on n'a pas de
réponse technique à cette suggestion.
M. le Président
. -
Il faut conserver dans l'esprit la
question de notre collègue PEPIN car elle est au coeur de toute la
problématique de l'aménagement du territoire. Vous parlez du
développement durable, mais la durabilité est aussi dans les
coûts indirects reportés d'une urbanisation dont on n'a jamais
pris en compte les catastrophes qu'elle peut entraîner.
M. Raymond-Max Aubert
. -
Les coûts externes sont
malheureusement limités. Dans les coûts externes, il faudrait
considérer l'évolution du territoire avec la concentration
urbaine. C'est très difficile à définir, mais tout le
monde sent intuitivement qu'il y a là un véritable
problème.
M. le Président
. -
Je vous remercie. Nous aurons
sûrement l'occasion de vous voir souvent si le schéma sort.
Audition de M. Guy Maillard, Président de Cofiroute (19 février 1997)
M. Jean François-Poncet, président
-
Nous recevons à présent le Président Guy Maillard.
Je ne vais pas, si vous le permettez, développer votre curriculum vitae,
si ce n'est pour dire que vous avez fait une bonne partie de votre
carrière dans la " préfectorale ", à la fois
outre-mer et, ensuite, en métropole. Tout cela pour terminer
secrétaire général de la ville de Paris et, de là,
vous êtes devenu Président de Cofiroute.
Je suggère que vous nous disiez un mot de Cofiroute. Comment Cofiroute
se situe-t-il dans le paysage des sociétés concessionnaires
d'autoroutes ? J'aimerais bien que vous répondiez à la
question de M. Fernand Tardy, mais pas tout à fait comme il l'a
formulée. Lorsque nous avons eu notre commission thématique
organisée par la DATAR, il nous a été dit par des gens qui
donnaient le sentiment de savoir de quoi ils parlaient -puisqu'il y avait
là des représentants du ministère des travaux publics- que
l'on pouvait imaginer un type d'autoroute dont les spécifications
seraient simplifiées, les contraintes allégées, et par
conséquent, le coût diminué ; tout en restant des
autoroutes à péage. On pourrait ainsi, disait on, espérer
économiser de l'ordre de 20 à 25 % de l'investissement, ce
qui permettrait de gagner en longueur.
Le fait est que quand on se promène à l'étranger, je pense
par exemple à l'Italie, on voit des deux fois deux voies beaucoup plus
modestes. Elles me paraissent, comparées aux nôtres,
médiocres, mais quand on n'a rien, on se contenterait volontiers de
quelque chose qui serait moins luxueux. On a le sentiment que la France s'est
dotée, en matière d'autoroutes, " de Rolls Royce ". Un
certain nombre d'entre nous seraient relativement heureux si on avait des Clio
adaptées aux moyens et aux ressources de la France du début du
XXIème siècle.
M. Guy Maillard
. -
Je vous remercie, Monsieur le
Président. J'interviens aujourd'hui en tant que Président de
Cofiroute, compagnie financière et industrielle des autoroutes, qui est
l'un des opérateurs en charge de réaliser le schéma
directeur autoroutier en France, et qui est l'un des concessionnaires
autoroutiers de l'Etat parmi d'autres, mais avec une particularité sur
laquelle je met tout de suite le doigt : c'est une société
à capitaux privés.
Je vous rappelle que dans les années 1970, le Gouvernement a voulu faire
participer des capitaux privés à l'effort national de
réalisation du réseau autoroutier. A cette époque, quatre
sociétés privées se sont vu accorder des concessions.
Trois d'entre elles sont mortes, preuve que l'exercice n'est pas si facile, et
la quatrième a survécu, c'est Cofiroute.
Cofiroute, aujourd'hui, s'inscrit dans un cadre régional très
précis. Au départ de l'Ile-de-France, elle dessert trois
régions : centre, Pays de Loire, et Poitou-Charentes. Comme toutes
les autres sociétés d'autoroutes, elle a commencé par la
réalisation des axes radiaux convergeant vers Paris. Pour nous, ce fut
l'autoroute A10 Paris-Bordeaux que Cofiroute a réalisée
jusqu'à Poitiers, et l'autoroute A11 Paris-Nantes que Cofiroute a
réalisée pour la plus grande partie.
A une certaine époque, Cofiroute n'était pas en état de
supporter le coût de la construction de la section Le Mans-Tours qui a
été confiée à une société
d'économie mixte. Ces deux branches ont été
complétées par deux rameaux, l'un qui, au départ du Mans,
va jusqu'en Bretagne et se raccorde au réseau routier breton, libre de
péage, c'est l'autoroute A81, et un second rameau, au départ
d'Orléans, va vers le Massif Central et vers Clermont-Ferrand que
Cofiroute a construit et exploite jusqu'à Bourges.
Aujourd'hui, nous avons dépassé ce stade et nous sommes en train
de mailler le réseau. Ce sont des autoroutes que l'on pourrait qualifier
d'autoroutes d'aménagement du territoire parce qu'elles desservent en
profondeur le tissu régional. Ce sont particulièrement deux
autoroutes qui entrent d'ailleurs dans une problématique
générale de desserte du territoire national : d'une part,
A28 pour la partie Alençon/Le Mans/Tours, qui est un des
éléments du grand contournement à l'ouest du bassin
parisien et, d'autre part, A85 Angers/Tours/Vierzon qui est un
élément de la grande transversale est-ouest dont se
préoccupe l'association atlantique Rhin Rhône. Il ne faut pas
oublier une troisième autoroute en Ile-de-France, celle-là
d'esprit tout à fait différent, c'est l'achèvement du
deuxième périphérique, A86, dont la réalisation a
été confiée à Cofiroute.
Voilà la configuration de notre réseau à l'heure actuelle.
Cofiroute est donc impliquée dans l'achèvement du schéma
directeur autoroutier, tel qu'il a été conçu en 1992. M.
Raymond-Max Aubert rappelait tout à l'heure qu'en 1994, le Gouvernement
a décidé de terminer le réseau, tel qu'il était
prévu par le schéma de 1992, à l'horizon 2005, ce qui
représente un effort important, puisqu'à l'origine, il y avait
5 ans de plus pour le réaliser. Le montant des investissements
correspondant à ces 2.500 kilomètres d'autoroute
s'élève à 140 milliards de francs, ce qui est une charge
extrêmement lourde sur le schéma autoroutier. Cofiroute est donc
en charge de réaliser une part importante de ce programme.
Le gouvernement a pris des dispositions, en 1994, pour contractualiser les
relations entre les sociétés autoroutières et l'Etat, sur
la base de programmes dont les plans de 5 ans définissaient
l'échéancier et le montant, ainsi que des normes
d'évolution tarifaire. Cofiroute, au titre du seul premier programme,
celui qui s'étend de 1995 à 1999, doit réaliser à
peu près 17,9 milliards, soit 25 % du programme d'investissement de
l'ensemble national pour la période.
On peut se demander comment on peut parvenir à réaliser un tel
effort. En quelques mots, je souhaiterais retenir votre attention sur ce point
en rappelant mon propos initial : Cofiroute est une société
privée. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cofiroute ne peut pas avoir
recours à la caisse nationale des autoroutes pour le financement de son
programme réalisé essentiellement sur emprunt. Cofiroute doit se
présenter sur le marché financier sous sa propre signature. La
concession qui est la garantie que Cofiroute est en mesure d'offrir à
ceux qui lui prêtent de l'argent, doit être assez solide pour
supporter un niveau d'endettement important. Cofiroute est dont obligée
de se porter sur le marché obligataire pour des montants très
importants, et d'une manière répétitive, tous les ans et
jusqu'au-delà de l'an 2000.
Cofiroute peut le faire, tout d'abord parce qu'elle s'appuie sur une concession
déjà développée dont le produit de péages
est de 3,9 milliards de francs. Ensuite, elle dispose de fonds propres
importants : 2, 5 milliards de francs ; ce que n'ont pas les
sociétés d'économie mixte, à mon avis pas
suffisamment capitalisées. Mais surtout, Cofiroute s'appuie sur un
contrat passé avec l'Etat qui définit d'une manière
très claire, au moins pour les 5 premières années, la
loi d'évolution tarifaire, et qui définit par ailleurs le
programme d'investissement, année après année, en ayant
soin, à tout moment, de veiller à ce que les ratios d'endettement
que toute société privée soumet pour se présenter
sur le marché financier, ne dérivent pas. Ces ratios sont
très rigoureux pour ce qui concerne Cofiroute. Par conséquent, le
marché financier et nous-mêmes sommes très attentifs
à tout ce qui serait de nature à dérégler le
dispositif prévu dans le contrat de plan.
Pourtant, il nous faut assumer un certain nombre de risques. En disant ceci, je
recoupe un certain nombre de choses que vous avez dites au cours de l'audition
de M. Raymond-Max Aubert. Quels sont les risques à assumer ?
Le premier, à mon avis, est celui du coût des travaux. Je rejoins
là ce que vous disiez, Monsieur le Président, c'est un risque
très sérieux, les autoroutes sont devenues très
sophistiquées. Y ont concouru des réglementations et des
législations nombreuses qui se surajoutent les unes aux autres. La
légitime préoccupation de l'environnement a conduit, par exemple,
dans le domaine de l'eau, et dans d'autres domaines, à raffiner en
introduisant des procédures qui interviennent postérieurement
à la déclaration d'utilité publique. Les élus
locaux savent bien que ce caractère répétitif des
enquêtes, générateurs d'ailleurs d'allongement des
délais d'exécution, donc de renchérissement des
coûts, crée un état permanent d'énervement autour de
la réalisation de ces grands équipements. C'est une chose dont
nous avons tous à souffrir et qui a des conséquences sur le
coût de la réalisation. Je ne pense pas qu'il puisse en être
autrement, mais il y a là une difficulté à assumer, et en
tout cas, un risque de coût important.
Vous évoquiez tout à l'heure, Monsieur le Président, la
possibilité d'avoir des autoroutes à géométrie
réduite. Je préfère dire des autoroutes à
géométrie évolutive. On peut parfaitement concevoir que
l'autoroute s'ajuste au flux de trafic prévu et, par conséquent,
adopte des caractéristiques géométriques
réduites : par exemple, la suppression de la bande d'arrêt
d'urgence. Faut-il en attendre des augmentations de l'importance que vous
dites ? Je ne me prononcerai pas sur ce point, mais cela va dans le bon
sens.
On peut parfaitement concevoir, pour les autoroutes qui n'ont pas et qui ne
sont pas susceptibles d'atteindre un niveau de rentabilité à un
terme proche, d'adapter la configuration au trafic et, par conséquent,
d'avoir des autoroutes à caractéristique réduite. Nous y
travaillons, c'est l'une de nos préoccupations.
Deuxième risque : le risque d'évolution du trafic. Certes,
sur le long terme, l'évolution du trafic ne nous paraît pas
être menacée, mais nous avons affronté des mouvements
conjoncturels. L'année 1996, à cet égard, a
été très révélatrice. Nous terminons
l'année 1996 avec un niveau d'intensité kilométrique sur
l'année, au niveau de l'année précédente. Nous
avons une courbe d'évolution plate, voire même
légèrement négative. L'exécution du schéma
autoroutier sur de si nombreuses années nous expose à des
incertitudes sur l'évolution du trafic. C'est l'un des risques que le
concessionnaire doit courir.
Troisième risque : le risque de l'instabilité fiscale.
L'équilibre de la concession est affecté par des
prélèvements fiscaux spécifiques. Je parle de
prélèvements spécifiques qui visent le secteur autoroutier
concerné. Nous en avons vu la manifestation très évidente
avec la fameuse taxe que nous appelons taxe d'aménagement du territoire,
alias taxe Pasqua, qui, pour l'année 1996, a imposé à
Cofiroute une charge de 288 MF. C'est un prélèvement très
important sur la société. Ce qui nous a encore plus
alarmés, c'est qu'à peine cette taxe avait-elle été
créée que l'année suivante, elle a été
doublée. Nous sommes donc très vigilants sur les risques de
dérives que ce dispositif est susceptible de générer.
Il existe d'autres risques fiscaux, celui de la TVA en particulier. Nous avons
une TVA qui n'en est pas une puisqu'elle n'est pas récupérable.
Elle est spécifique aux sociétés d'autoroutes. L'Europe
fait actuellement pression pour l'application d'une TVA de droit commun.
Grâce à un coefficient modérateur qui s'applique à
la TVA actuelle, le taux pour notre société est de l'ordre de
10 %. Ce taux pourrait être appelé à doubler si, sous
la pression des transporteurs européens, la TVA de droit commun est
appliquée au secteur autoroutier.
Il y a également la prise en charge des dépenses de gendarmerie
sur le réseau autoroutier ; mesure d'ailleurs condamnée et
annulée par le Conseil d'Etat, mais que l'Etat se propose de remplacer
par un autre dispositif.
Il existe donc tout un champ d'incertitudes fiscales que nous sommes
obligés de prendre en considération pour vérifier
qu'à tout moment, les fameux ratios ne divergent pas par rapport
à ce que le marché financier est disposé à
accepter.
J'en aurais terminé, si je ne devais me porter vers l'avenir. Il est
certain que le schéma autoroutier de 1992 n'est pas en soi
définitif. D'ailleurs, la loi d'aménagement du territoire a
prévu que ce schéma serait révisé et vous allez
bientôt en délibérer. Ce que je viens de dire sur la
sensibilité du secteur autoroutier à un certain nombre de
paramètres difficiles permet de dire qu'à l'heure actuelle, nous
ne sommes pas certains de pouvoir assumer de grosses charges nouvelles. Celles
que nous assumons à l'heure actuelle définissent un profil pour
l'équilibre des concessions très tendu.
Si les trafics augmentent d'une manière plus importante qu'en 1996 et
retrouvent la pente générale d'évolution du trafic que
nous avons connue dans le passé, et si les risques fiscaux ne sont pas
confirmés, on peut espérer assumer quelques
éléments supplémentaires. En effet, le schéma
directeur mérite sans doute quelques compléments.
Pour ne prendre que l'exemple de Cofiroute -et je parlais tout à l'heure
de la transversale est-ouest-, dans l'état actuel des choses, notre
transversale butte à Vierzon, c'est-à-dire à Bourges, mais
l'ambition finale est de poursuivre cette transversale jusqu'à l'axe
rhodanien, l'axe de la Somme et du Rhône. Il y a un certain nombre de
compléments, au-delà de Bourges, d'ores et déjà
intégrés dans la réflexion du ministère de
l'équipement. Je dis cela pour illustrer le fait que le schéma
directeur de 1992, même s'il est terminé par rapport à ce
qu'il était en 1992, mérite à présent quelques
compléments.
C'est là qu'intervient un grand débat dont je ne dirai qu'un
mot : le débat de l'intermodalité. Est-ce que le
développement de l'intermodalité est de nature à
infléchir sensiblement le dessin du schéma autoroutier
futur ? Franchement, pour ma part, je ne le pense pas. Bien que souhaitant
que se développent des conditions plus harmonieuses de
répartition du trafic de marchandises et de voyageurs entre l'autoroute
et le rail, le poids relatif de ces deux moyens de déplacement, à
l'heure actuelle, la supériorité écrasante de la route que
nous constatons aujourd'hui fait qu'il est difficile d'imaginer qu'un transfert
massif puisse changer les données de l'équilibre ou du
déséquilibre actuel.
Je vous rappelle qu'à l'heure actuelle, en ce qui concerne le trafic de
marchandises, 75 % du marché sont captés par la route dans
son ensemble.
Par ailleurs, concernant le trafic voyageurs, la répartition est environ
pour 80 % au bénéfice de la route. Tout ceci est
mesuré en tonnes kilométriques pour les marchandises et en
voyageurs/kilomètre pour la route. On pourrait concevoir d'autres moyens
de calculer la part respective dans le marché de la route et du rail,
mais toute autre méthode ne fait qu'alourdir la part de la route. Si
à la place des tonnes/kilomètre, on met la valeur
transportée, le chiffre d'affaires, on approche davantage des 90 %.
La part de la route est donc écrasante par rapport à la part du
rail. Cela ne veut pas dire qu'il ne faut rien faire pour développer
d'autres moyens d'acheminer le flux des marchandises. On peut penser aux
transports combinés, mais il ne faut pas en attendre un changement de
fond de l'équilibre modal entre la route et le rail.
A l'horizon du prochain schéma directeur autoroutier qui devra
être préparé dans une optique intermodale, la part du rail
n'est pas de nature à diminuer les perspectives de développement
du réseau autoroutier.
M. le Président
. -
Merci beaucoup. Vous nous avez
éclairé de façon très intéressante.
Evidemment, j'avais conscience du fait que Cofiroute était la seule
société privée. C'est un élément important
du dispositif. Ce que vous nous avez dit, à la fois de la situation, du
caractère relativement tendu de l'équilibre, mais avec l'espoir
que la reprise économique entraînera une reprise du trafic, est
important.
Je voudrais vous faire une demande. Dans la perspective des travaux que nous
aurons à faire et des positions que nous aurons à prendre sur le
schéma national, j'aimerais bien que vous poussiez aussi rapidement que
possible vos études sur un axe deux fois deux voies
concédé mais simplifié, de façon que nous ayons une
idée des économies qu'il est possible de faire, en essayant
d'aller aussi loin que possible, étant entendu que l'adaptation
ultérieure de la voie à un trafic croissant représente
quelque chose de très intéressant.
Je pense, par exemple, à la possibilité de créer, entre
deux ou trois villes moyennes, une université éclatée.
Cette université ne peut vivre que si elle est reliée par des
voies rapides. A l'heure actuelle, ce n'est pas le cas.
Par conséquent, on peut rattacher toute une série de projets de
développement territorial à partir d'axes rapides, mais encore
faut-il qu'ils soient les plus économiques possible, sinon ils ne seront
pas réalisés.
Si vous pouviez nous aider dans cette évaluation, vous nous rendriez un
grand service.
M. Marcel Lesbros
. -
Je voudrais apporter un exemple pratique.
Concernant l'autoroute A51, la grande discussion était le passage de
l'autoroute par la vallée du Rhône et par Gap. Le ministre a
tranché pour le passage par Gap. Il s'agit d'une autoroute de
"montagne", mais on n'a eu le bénéfice de cette autoroute, dont
la réalisation est en cours, que parce que le Ministre Pons a
tranché en disant : nous allons faire avec les moyens que nous
avons ; nous avons une autoroute avec les caractéristiques de montagne,
c'est-à-dire moins onéreuse avec un tunnel au lieu de deux. C'est
une autoroute d'aménagement du territoire.
Je trouve qu'il est anormal de prélever systématiquement des
taxes fiscales, en matière d'aménagement du territoire, pour
renflouer d'autres transports, alors que les autoroutes ont d'abord pour
mission de faire des bénéfices pour investir. Le Gouvernement
devrait y réfléchir à deux fois.
M. Guy Maillard
. -
Nous sommes tout à fait à votre
disposition pour vous fournir les quelques idées que nous
élaborons sur les caractéristiques géométriques
qui, à la limite, ne seront pas perçues par les utilisateurs. Il
ne s'agit pas d'avoir des autoroutes au rabais, mais des autoroutes
susceptibles d'évoluer en fonction du trafic. Nous y travaillons
actuellement sur l'A28 Alençon/Le Mans/Tours. Je suis tout à fait
disposé à vous faire bénéficier de notre
expérience.
M. le Président
. -
L'expression "autoroute au rabais" ne
me gênerait pas, à partir du moment où les
précautions nécessaires auraient été prises pour
une adaptation ultérieure, et que ce ne soit pas une fois pour toutes.
Il existe des axes où il y a aujourd'hui 4.000 ou
5.000 véhicules/jour, bien loin des 10.000 véhicules/jour
considérés comme le plancher, et qui sont pourtant des axes
d'aménagement du territoire absolument vitaux.
M. Désiré Debavelaere
. -
Monsieur le
Président, je voudrais vous faire une remarque. Je suis toujours
effrayé quand j'arrive sur une autoroute car cela me donne l'impression
d'être en claustrophobie : canalisé d'un côté,
enfermé de l'autre avec du béton au milieu et, de l'autre
côté, des rambardes. J'habite le nord et on a souvent du
brouillard. Or, quand vous entrez sur l'autoroute A1, vous vous demandez
toujours si vous allez en sortir vivant. Avec le trafic de camions belges et
hollandais qui ne se privent pas d'aller vite, on est enfermé, il n'y a
aucune échappatoire possible vers la droite. Vous ne pouvez
peut-être même pas sortir, en cas de danger, sans franchir des
rambardes et des obstacles. Est-ce que l'autoroute est devenue un rail
fermé ? Est-ce qu'on peut faire abstraction, sur de longs parcours,
de l'enfermement que comportent ce genre de rambardes utilisées ?
M. Guy Maillard
. -
L'enfermement que vous percevez et que je
comprends est aussi la rançon de la sécurité parce que
l'autoroute est protégée des débouchés de toute
nature dont doit s'accommoder la route nationale. Je sais bien qu'il y a un
sentiment d'enfermement lorsqu'on circule avec un camion à sa droite ou
à sa gauche. Mais je le répète, la définition
même de l'autoroute est un itinéraire protégé, donc
d'une certaine manière, enfermé. S'il ne l'était pas, cela
créerait des dangers autrement plus graves, dangers qu'il nous arrive
d'ailleurs d'avoir à assumer. Par exemple, les traversées de
gibiers nous obligent à prévoir des grillages et des
clôtures sur des espaces assez longs.
Je n'ai malheureusement pas de réponse à la question que vous
posez.
M. Hilaire Flandre
. -
Peut-on espérer avoir un jour un
système de péage harmonisé sur l'ensemble du réseau
autoroutier ?
M. Guy Maillard
. -
Les sociétés d'autoroutes,
à la demande et à l'instigation du ministère de
l'équipement, développent actuellement une étude qui doit
déboucher sur un télé-péage
généralisé sur l'ensemble du réseau. Avec les
cartes de péage que vous acquérez sur le réseau de la
SANEF, vous pourrez sortir à n'importe quel point du réseau
national, que ce soit un réseau géré par Cofiroute ou par
un autre. C'est une recherche très longue et très difficile qui a
de multiples aspects, notamment l'aspect humain. Notre personnel des
péages est très inquiet de voir automatiser ce qui est son
métier actuel. Il y a donc des précautions à prendre. La
technique permet beaucoup de choses, mais le facteur humain est à
prendre en compte.
M. Jean Boyer
. -
Dans 20 ou 30 ans, je pense que le réseau
d'autoroutes sera complet car il faudra peut-être inventer du terrain
pour en faire d'autres. Que vont devenir les sociétés
autoroutières privées ou non privées ? Vont-elles
employer leur réserve à améliorer les réseaux
départementaux ?
M. Guy Maillard
. -
Je pense que les sociétés
d'autoroutes ont pour première ardente obligation de rembourser les
emprunts qu'elles ont contractés. Le problème que vous
évoquez est à une échéance assez lointaine.
Les sociétés d'autoroutes sont capables d'apporter un
savoir-faire très important dans la manière de manipuler les flux
qui parcourent les autoroutes. Cet aspect de l'exploitation, la
nécessité de l'exploitation du réseau autoroutier est un
problème qui ne finira pas avec les concessions actuelles. C'est quelque
chose de permanent pour lequel le savoir-faire des sociétés
d'autoroutes sera mobilisé.
Le terme des concessions a été étudié pour
permettre à chacune des sociétés de rembourser tous ses
emprunts au terme de sa concession. Quant à savoir ce que l'on fera
après, c'est un problème auquel je ne peux pas répondre.
Va-t-on maintenir le péage au-delà des concessions
actuelles ? C'est une question sur laquelle je ne peux avoir que des
idées mais pas plus que n'importe lequel d'entre nous. C'est d'ailleurs
une question sur laquelle j'ai envie de me tourner vers notre tuteur, M. le
Directeur des routes.
M. Bernard Joly
. -
Je voudrais justement profiter de la
présence du Président Maillard et de M. le Directeur des routes
pour demander comment se fait ce schéma autoroutier national. Est-ce que
l'aménagement du territoire y trouve davantage son compte que dans les
comptages futurs ?
M. Guy Maillard
. -
C'est une question à laquelle M.
Christian Leyrit répondra sûrement mieux que moi. La loi de
l'aménagement du territoire a prévu qu'au terme du schéma
autoroutier, chaque partie du territoire national ne devra pas être
éloignée de plus de 50 kilomètres d'un échangeur
autoroutier ou d'une gare TGV. Je suis moins orfèvre en la
matière pour répondre sur ce point. Le schéma autoroutier
a été taillé pour assurer une bonne desserte du territoire.
M. Jean Huchon
. -
Je fréquente assidûment Paris/Le
Mans/Angers où il y a un travail permanent de passage à trois
voies. Est-ce une décision de Cofiroute seule qui améliore et
finance son investissement ?
M. Guy Maillard
. -
C'est une décision prévue par le
traité de concessions de Cofiroute : à partir d'un certain
seuil, Cofiroute élargit. Je dois dire que Cofiroute anticipe aussi sur
les élargissements.
Actuellement, nous avons terminé l'élargissement à deux
fois quatre voies du tronc commun en Ile-de-France. Les autoroutes ont
été élargies à deux fois trois voies jusqu'à
Orléans en direction de Tours, et nous allons continuer. De même,
nous élargissons au-delà de Chartres.
M. le Président.
-
Merci beaucoup. J'aurais bien
aimé savoir si vous commercialisez ce savoir-faire à
l'étranger. Je pense notamment à des pays comme la Chine ou comme
l'Inde.
M. Guy Maillard
. -
Nous sommes présents dans beaucoup
d'endroits : en Californie, au Brésil, en Argentine, en Angleterre,
non pas comme investisseurs mais comme consultants.
M. le Président
. -
Est-ce que cela vous procure des
rentrées substantielles ?
M. Guy Maillard
. -
Cela nous permet de couvrir les frais de notre
action à l'international. C'est surtout un renvoi d'image remarquable
pour la France.
Audition de M. Christian Leyrit, Directeur des routes au ministère de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme (19 février 1997)
M. Jean François-Poncet, Président
-
Mes chers collègues, Madame le sénateur, nous avons le
privilège d'entendre M. Leyrit, Directeur des routes au ministère
de l'équipement. Il fait la pluie et le beau temps -en ce qui me
concerne, davantage la pluie que le beau temps- et il va donc nous parler de
ses projets et de ses perspectives. Nos auditions d'aujourd'hui sont le
résultat d'une demande que l'un de nos collègues, le
sénateur Boyer, a faite à la commission. Elles se situent
naturellement aussi dans le contexte du prochain schéma national
d'aménagement du territoire.
Ce que j'ai vu du pré-projet est extraordinairement loin de ce que nous
avons dans l'esprit. Les quelques généralités que j'ai
vues, dans ce schéma, ne sont absolument pas susceptibles de satisfaire,
à mon avis, le Parlement, en tous les cas le Sénat, qui demandera
à en savoir beaucoup plus, et probablement, à voir le
schéma directeur. Faute de quoi les quelques
généralités que peut contenir le schéma national ne
donneront pas le sentiment que le Sénat peut peser sur ce qui est quand
même au coeur de l'aménagement du territoire. Qui n'a pas
d'infrastructures, qui est isolé, est condamné. Le
désenclavement, c'est déjà le développement.
Par conséquent, attendez-vous à ce que l'on vous demande de
revenir.
M. Christian Leyrit
. -
Merci, Monsieur le Président. Je
dirai simplement, avant de commencer mon exposé, que le schéma
national, si nous y collaborons, n'est pas de la responsabilité du
ministère de l'équipement, du logement, des transports et du
tourisme, mais du ministère de l'aménagement du territoire. Je
crois que cette question s'adresse essentiellement à la DATAR.
Bien entendu, je serai tout à fait prêt à répondre
à vos questions.
Je vous propose de traiter quatre ou cinq grands points : la
réalisation du schéma directeur autoroutier actuel, la place du
réseau concédée dans le réseau national, la
situation financière du secteur autoroutier à péage, les
perspectives et la révision du schéma directeur routier national.
Au préalable, je voulais dire quelques mots sur la réalisation du
schéma directeur routier national. Vous voyez ici la carte du
schéma qui a été publié le 1er avril 1992 et qui
est en cours d'exécution. Je rappelle que ce schéma actuel
prévoit, à l'horizon 2005, la réalisation de
12.000 kilomètres d'autoroutes, au total, en France, dont à
peu près 9.000 kilomètres d'autoroutes à
péages. Les trois-quarts du réseau autoroutier seront à
péage, ce qui est une particularité française.
Quelle est la situation ? En 1993, 1994, le Gouvernement a
décidé d'accélérer la réalisation de ce
schéma autoroutier. Il a aussi décidé de passer des
contrats de plan entre l'Etat et le secteur autoroutier. Sur cette carte, ce
qui figure en vert est l'ensemble des autoroutes lancées entre 1995 et
1999, c'est-à-dire les opérations du contrat signé entre
l'Etat et les différentes sociétés. Vous voyez quelle sera
la situation à l'horizon 2000. Ce qui est en noir est tout ce qui est
concédé, ce qui est en bleu représente les infrastructures
en cours d'aménagement progressif, donc réalisées
progressivement sous forme d'autoroutes gratuites.
Entre la situation d'aujourd'hui et celle de l'an 2000, il y aura une
différence très importante et qui commence à peine
à apparaître : aujourd'hui encore, tout est radial vers Paris
et vous voyez que commencent à se dessiner de grandes transversales
est-ouest, comme Le Havre-Amiens-Saint-Quentin qui sera achevée à
l'horizon 2000, comme Nantes-Angers-Tours-Vierzon qui sera en voie
d'achèvement, et la transversale Bordeaux/Clermont-Ferrand qui sera bien
amorcée en l'an 2000. Vous voyez apparaître de grands
itinéraires qui contournent la région Ile-de-France avec la route
des estuaires qui sera pratiquement achevée à l'horizon 2000, et
également un grand itinéraire
Rouen-Alençon-Le Mans-Tours.
La décision prise en 1993, 1994 porte sur l'engagement en travaux sur 10
années, c'est-à-dire d'ici 2003, des 2.600 kilomètres
d'autoroutes concédées dans le schéma directeur actuel, ce
qui représente 140 milliards de francs. Vous voyez le diagramme, depuis
1980, de tous les lancements des nouvelles autoroutes concédées.
Ceci s'est situé entre 100 et 300 kilomètres. En 1997, c'est
un record absolu : plus de 400 kilomètres d'autoroutes
concédées nouvelles seront engagées en travaux.
Vous voyez les investissements des sociétés concessionnaires
d'autoroutes, depuis 1980. Ce qui est en violet est le montant total des
investissements qui était de l'ordre de 9 milliards de francs en 1980,
qui est descendu à 5 milliards dans les années 1983, 1984, et qui
augmente de manière importante depuis les années 1990,
1992 : entre 1988 et 1993, nous étions sur un rythme de l'ordre de
10 à 11 milliards de francs, en 1996, nous étions à
près de 20 milliards, et en 1997, nous serons à près de 22
milliards de francs. C'est un record absolu qui montre l'effort et la place
pris par le secteur autoroutier dans le développement du réseau
routier dans sa globalité.
Les contrats de plan signés entre l'Etat et les sociétés
concessionnaires sont parfaitement respectés. En 1997, nous sommes au
rythme qui devrait rester stable jusqu'en 1999. Nous avons eu une forte
croissance sur 1995, 1996, 1997. Pour respecter ces contrats, nous devons
atteindre un palier aux alentours de 22 milliards de francs. Sur le lancement
des opérations nouvelles, nous sommes sur un rythme parfaitement
cohérent avec les décisions prises par le gouvernement.
J'en viens aux zones d'ombre du schéma directeur actuel. A gauche,
figurent les zones à plus d'une demi-heure d'une autoroute ou d'une
route express. Vous voyez à droite quelle serait la situation, à
l'issue du schéma directeur actuel. Vous voyez qu'il y a encore un
certain nombre de zones d'ombre, notamment dans le sud-ouest.
Pour illustrer l'importance de ce schéma directeur en cours de
réalisation, j'ai pris l'exemple de la desserte du port du Havre. Cette
carte montre la modification du temps d'acheminement des marchandises, pour le
port du Havre, à l'horizon 2005 par rapport à 1995. Ce qui est en
blanc représente les zones où il n'y a aucun gain de temps parce
que le réseau existe déjà, ce qui est en rose pâle
est entre un quart d'heure et 1 heure 30, en rouge plus foncé entre 1
heure 30 et 3 heures 15, et ce qui est en violet est un gain de plus de 9
heures. Au-delà de 9 heures, cela veut dire que l'on passe d'un jour
à deux jours.
Vous voyez l'importance, pour une majeure partie de la France, de
l'efficacité du schéma directeur pour le port du Havre.
Je m'empresse de dire qu'il faut voir l'attractivité nouvelle de
certaines liaisons que l'on pourrait envisager d'inscrire au schéma
directeur pour améliorer, par exemple, la desserte de Hambourg, ou de
ports étrangers dont on sait que les pays en cause prennent des mesures
importantes pour étendre l'hinterland de ces grands ports.
On avait un retard très important dans le domaine de la desserte des
ports en France. Il faut aussi veiller à ne pas privilégier la
desserte d'autres grands ports.
En 1960, il y avait, en France, 60 kilomètres d'autoroutes, alors qu'il
y en avait plusieurs milliers en Allemagne, en Italie, et en Angleterre. Vous
voyez le réseau autoroutier en 1970, 1980, 1990, et à l'horizon
2005. Le système français à péages a permis de
rattraper une partie très importante du retard. C'est un système
autoroutier qui suscite beaucoup d'intérêt de la part de tous les
pays du monde. Nous recevons des délégations aussi bien
d'Amérique du Sud, d'Amérique du Nord, que d'Extrême-Orient
ou d'ailleurs. Dans la plupart des pays, seul le financement par l'usager
permettra de répondre à ces grands investissements, alors que
dans tous les pays, les problèmes de déficit public et
d'impôts se posent comme chez nous.
Quelques éléments factuels sur l'évolution des longueurs
et des trafics. On voit apparaître que les routes nationales, depuis
1975, ont tendance à être réduites : près de
30.000 en 1975, 27.000 aujourd'hui. En revanche, les autoroutes
concédées se développent de manière assez rapide.
Voici l'évolution des parcours sur l'ensemble des autoroutes et des
routes nationales, depuis 1970 jusqu'en 1995. La courbe du bas, qui
représente le total des kilomètres parcourus sur autoroutes, est
à un niveau très faible. En 1995, pour la première fois,
le nombre de kilomètres parcourus sur autoroute est supérieur et
dépasse le nombre de véhicules/kilomètres parcourus sur
les 30.000 kilomètres de routes nationales.
Vous voyez la relation entre le PIB et le trafic concédé. On peut
superposer à cette courbe, l'évolution du trafic sur le
réseau à péages. Depuis 1981, vous voyez une
corrélation très nette, notamment dans la période
1987-1990, où il y avait une forte progression du PIB et une forte
progression du trafic.
Une autre hausse importante, en 1995, s'est traduite par une hausse plus
modérée des trafics sur autoroute. En 1986-1988, 9 % par an
d'augmentation du trafic. En 1996, cette hausse a été très
réduite, puisqu'elle était seulement de l'ordre de 1 ou 2 %.
Tout ceci pour montrer que sur une longue période, on peut tout de
même penser que le PIB va évoluer. Beaucoup prédisent que
la hausse du trafic sur le réseau autoroutier va chuter. Je pense que
cette corrélation montre de manière assez claire que sur une
longue période, on peut s'attendre à des hausses de trafic
importantes, d'ici 2015, sur le réseau autoroutier.
Concernant l'évolution des moyens financiers consacrés à
l'ensemble des routes et des autoroutes, vous avez deux courbes depuis 1972. Ce
sont des chiffres en volume. La courbe en rouge est l'ensemble des budgets
exécutés par l'Etat : indice 100 en 1972, indice 75 en 1997.
L'état, globalement, dépense aujourd'hui un quart de moins qu'il
ne dépensait en 1972 pour les routes. La courbe bleue est l'ensemble des
moyens consacrés au réseau autoroutier national qui est
extrêmement important puisque 1997 sera le plus haut niveau jamais
atteint. Cela tient aux participations des collectivités dans le cadre
des contrats Etat-région qui ont augmenté de façon
importante depuis 1985, et surtout au développement formidable du
réseau autoroutier concédé, puisque les investissements
ont augmenté dans des proportions très importantes.
D'autres intervenants, dans la journée, vont indiquer qu'il y a des
problèmes d'emplois dans le BTP. On ne peut pas dire que ce soit
globalement le fait de l'Etat, dans son ensemble, puisque les moyens financiers
globaux consacrés n'ont jamais était aussi forts qu'ils le sont
depuis 2 ou 3 ans.
Sur le diagramme suivant, on voit apparaître, de 1989 à 1997,
comment se décompose l'ensemble de ces moyens. Tout ce qui est en jaune
représente les autoroutes concédées. Elles
représentaient, en 1989, 40 % de l'ensemble de ces moyens, et
représentent aujourd'hui presque les deux tiers de l'ensemble de ces
moyens. Ce qui est en vert représente les fonds de concours des
collectivités locales qui tournent entre 5 et 7 milliards, bon an mal
an, depuis 7 ou 8 ans. Vous voyez le budget de l'Etat investissement, et les
crédits d'entretien du budget de l'Etat qui restent à peu
près stables, aux alentours de 3 milliards de francs. Vous constatez
donc la montée en puissance du secteur autoroutier.
J'en viens maintenant à la situation financière de ce secteur
autoroutier concédé. Après la réforme du secteur
autoroutier de 1994, six sociétés autoroutières se sont
regroupées en 3 pôles, sociétés publiques dont
l'Etat détient entre 95 et 99 % du capital. Il y a une
société privée, Cofiroute, et deux sociétés
de tunnels : la société du Mont-Blanc et la
société du tunnel de Fréjus.
La situation financière de ces sociétés d'autoroutes
dépend de quatre grands paramètres. Elle dépend du niveau
de trafic et de la situation économique du pays ou de l'Europe. Elle
dépend également du niveau de péage, des charges et des
taxes qui leur sont imposées, et enfin, du rythme d'investissement
puisque plus le rythme d'investissement est important, plus l'endettement
progresse.
Sur cette courbe, les études les plus récentes montrent
l'endettement de ces six sociétés publiques, entre 1996 et 2020.
L'endettement qui était d'un peu plus de 100 milliards en 1996 va
évidemment croître de manière importante pour atteindre,
vers l'horizon 2005, près de 180 milliards de francs, et
décroître ensuite. Ceci prend comme hypothèse le
schéma directeur actuel et non sa future version révisée.
Le diagramme suivant montre la sensibilité très importante des
divers prélèvements de l'Etat sur l'endettement du secteur public
autoroutier. La deuxième courbe correspond à la décision
du gouvernement en 1994, liée à l'accélération du
programme autoroutier. Voilà la courbe d'endettement que nous avions. La
courbe jaune montre l'impact sur l'endettement des sociétés de
l'instauration de la taxe d'aménagement du territoire de deux centimes
par kilomètre, décidée par la loi de janvier 1995, qui
n'avait pas fait l'objet d'une compensation tarifaire, mais simplement d'un
allongement de la durée de concession. Cette taxe s'est traduite,
à la période de pointe maximale, c'est-à-dire vers 2004,
par un endettement supplémentaire que l'on peut chiffrer à 30 ou
40 milliards. Cette taxe a été doublée en 1996.
La courbe bleue montre l'évolution de l'endettement. Le Gouvernement a
décidé une compensation tarifaire qui s'étale sur quatre
années et qui permet de rejoindre la courbe verte, c'est-à-dire
la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui. Les hausses de
péages différentielles que le Gouvernement a accordées aux
sociétés autoroutières pour compenser le doublement de la
taxe permet de réduire de manière significative l'endettement des
6 sociétés d'autoroutes.
Concernant les impôts, taxes et prélèvements sur les
sociétés d'autoroutes, j'ai parlé de la taxe
autoroutière. Il y a évidemment la TVA, mais c'est une
particularité qui soulève quelques problèmes au niveau
européen, puisque les sociétés ne peuvent pas
récupérer la TVA sur les investissements autoroutiers. Sur ce
diagramme, vous voyez, depuis 1993, la part des impôts et les fonds de
concours divers. Les sociétés autoroutières payent un
fonds de concours à la gendarmerie, de l'ordre de 600 MF. Il a
d'ailleurs été annulé par le Conseil d'Etat et le
Gouvernement essaye de voir quelle solution trouver pour maintenir cette
ressource acquise depuis cinq ans. Vous voyez les remboursements des avances de
l'Etat. Dans les années 1960-1975, pour démarrer le programme
autoroutier, l'Etat avait fait des avances au secteur autoroutier, à peu
près de l'ordre de 11 milliards de francs. Progressivement, l'Etat a
demandé aux sociétés autoroutières de rembourser
par anticipation ces différentes avances.
Entre 1993 et 1996, le secteur autoroutier a remboursé à l'Etat,
sous des formes diverses de taxes ou de prélèvements, à
peu près 27 milliards de francs, c'est-à-dire le chiffre
d'affaires d'une année.
Il est évident que chaque fois que l'Etat prélève plus sur
les sociétés d'autoroutes, c'est une capacité
d'autofinancement en moins, et donc de l'endettement supplémentaire.
Depuis un certain nombre de mois, dans bon nombre d'articles, on indique que le
secteur autoroutier est en pleine dérive et que l'on va avoir un
endettement qui va prochainement dépasser celui de la SNCF. Vous
connaissez bien les deux dossiers, la situation est très
différente. Il est cependant vrai qu'on ne peut sans doute pas, compte
tenu du niveau de trafic constaté depuis quelques temps, augmenter
à l'infini l'endettement du secteur autoroutier et les
prélèvements qui lui sont imposés.
Sur les problèmes des tarifs de péage, vous avez une courbe qui
part de 1980 à 1997. Vous avez la courbe de l'indice des prix et
l'évolution des prix de péage en moyenne. Pendant longtemps, les
hausses de tarifs de péage étaient inférieures à
l'inflation. On constate, depuis 1995, que les éléments se
croisent et les hausses de tarifs sont aujourd'hui plus fortes que l'inflation.
Ceci tient pour l'essentiel à la compensation tarifaire liée au
doublement de la taxe d'aménagement du territoire, puisque cette
compensation se traduit par 1 % de plus, chaque année, jusqu'en
1999. Le 1er février 1997, nous avons eu une hausse moyenne d'un peu
plus de 3 % pour les véhicules légers et de 4 % pour
les véhicules lourds. Ces hausses sont différenciées selon
les axes et les sociétés.
Sur certaines autoroutes, on commence à percevoir l'impact des hausses
de tarifs des péages sur la fréquentation des autoroutes.
L'utilisation des autoroutes, c'est la sécurité. Par exemple,
depuis 3 ans, on a une hausse, sur le réseau de Cofiroute, de 5 %
par an. Cela commence à poser des problèmes de
fréquentation.
Nous avons effectué une enquête auprès de l'ensemble des
Français pour voir comment évoluaient les déplacements
afin de mieux connaître les comportements de mobilité des
Français. C'était entre 1984 et aujourd'hui. On constate que le
nombre de déplacements à plus de 100 kilomètres a beaucoup
progressé, puisqu'il est passé de 5,5 % à 9 %
par an. Cette évolution a principalement porté sur la voiture
individuelle, beaucoup plus que sur les autres modes de transport.
L'accroissement des déplacements profite essentiellement au
véhicule particulier.
J'en viens à la dernière partie de mon intervention qui concerne
la révision du schéma directeur routier national. Avant de parler
du schéma directeur routier, je voudrais dire que dans le cadre de
l'élaboration du schéma national, un travail tout à fait
nouveau a été réalisé par l'ensemble des directions
du ministère de l'équipement afin d'avoir une perspective
cohérente, pour l'ensemble des modes de transport, de l'évolution
de la mobilité, à partir d'un certain nombre de critères.
Bien entendu, nous avons pris en compte les résultats des travaux de
votre commission, Monsieur le Président, sur les quatre priorités
géographiques que vous aviez mentionnées : renforcer l'axe
nord-sud, contribuer à l'émergence d'un axe sud européen
de la Catalogne à la partie sud de la France au Piémont et
à la Lombardie, relier la péninsule ibérique au territoire
national, et relier la façade atlantique à l'axe nord sud et au
centre de l'Europe par la réalisation des liaisons est-ouest.
A partir de ces données, nous avons réfléchi, depuis 2
ans, dans une approche totalement multimodale, pour essayer de définir
un cadrage macro-économique commun à tous les transports. Il faut
réfléchir à des scénarios de politique du transport
présentant des alternatives très contrastées avec un
volontarisme plus ou moins fort pour protéger l'environnement, reporter
le transport de marchandises sur le fer au détriment de la route,
prévoir des demandes de transport global, à la fois pour les
voyageurs et les marchandises, et prendre en compte les contraintes
financières globales, ce qui est une nécessité. Nous avons
travaillé avec des organismes de prévision, sur le plan
économique, afin de prévoir la sensibilité aux
différentes hypothèses à long terme.
Vous voyez apparaître ces évaluations globales. Vous voyez les
résultats auxquels on arrive sur l'évolution des trafics
interurbains de voyageurs, depuis 1970, pour le transport routier, le mode
ferroviaire et le mode aérien. Vous voyez apparaître la
fourchette, d'ici 2015, liée à la croissance économique et
l'impact sur les marges d'une politique de transport plus ou moins
volontariste. Ces résultats montrent que pour le transport interurbain
de voyageurs, même dans l'hypothèse où l'on aurait une
politique très volontariste pour reporter les trafics sur le fer, et
dans les hypothèses les plus pessimistes, on constate une croissance du
trafic.
C'est la même chose en ce qui concerne les trafics interurbains de
marchandises. On peut penser que le volontarisme politique peut être plus
fort. Vous voyez d'ailleurs que pour les franges que j'évoquais tout
à l'heure, l'impact est un peu plus fort. Néanmoins, compte tenu
de sa souplesse et des nombreux avantages que recouvre le transport routier par
rapport aux transports combinés ou ferroviaire, il est évident
que le mode routier va continuer à se développer.
En ce qui concerne la révision du schéma directeur routier
national, depuis un peu plus d'un an, nous avons lancé un certain nombre
d'études sur des compléments qu'il paraîtrait souhaitable
d'ajouter au schéma directeur routier national. On peut regrouper ces
thèmes en cinq grandes familles.
Le premier thème concerne les zones enclavées. Nous avons
lancé des études pour citer l'exemple le plus significatif du
désenclavement du Cantal ou du bassin Aurillac-Figeac. Cette zone est au
centre d'un quadrilatère avec l'autoroute A75, l'autoroute A20,
l'autoroute A 89, et, plus au sud, la liaison entre Toulouse et Lyon. La
problématique des études que nous avons menées n'est pas
une problématique de tracé, mais d'intérêt
socio-économique. Qu'est-ce qui est plus intéressant pour le
bassin d'Aurillac-Figeac ? Est-ce de se raccorder vers Clermont-Ferrand ou
vers Toulouse ? Il existe d'autres études de ce type.
Le deuxième thème est la desserte de ports ou d'aéroports
à renforcer. Je prendrai l'exemple de la perspective de
l'aéroport de Beauvilliers. Quelles sont les infrastructures nouvelles
que l'on peut envisager ?
Ensuite, il faut apporter des compléments au maillage autoroutier. On
peut prendre pour exemple la liaison Limoges-Tarbes, ou Nantes-Limoges,
où il existe des risques de saturation à traiter. Comment traiter
de façon plus complète la vallée du Rhône, avec
l'éventualité d'une nouvelle liaison à travers
l'Ardèche ?
Enfin, les relations internationales sont à renforcer, notamment entre
Nice et Cunéo.
Toutes ces études sont relativement avancées et pourront, selon
un calendrier qui reste à définir, faire l'objet d'un
débat public, avant même que la procédure officielle de
révision du schéma directeur ne soit amorcée. Le ministre
avait indiqué à plusieurs reprises qu'avant que ces
procédures soient engagées, il paraissait souhaitable de lancer
des débats à l'échelle régionale afin de
connaître le sentiment de l'ensemble des acteurs et éclairer le
Gouvernement.
M. le Président
. -
Merci de vos indications. Je suis
persuadé qu'il va y avoir énormément de questions, puisque
vous avez ici à la fois les membres de la commission des affaires
économiques, mais aussi un certain nombre de sénateurs membres
d'autres commissions et qui ont tenu à assister à notre
réunion.
Je voudrais vous poser une question de méthode. Quel est le rapport
entre le réseau trans-européen adopté l'année
dernière et le nouveau schéma directeur que vous
préparez ? Est-ce que tout ce que vous préparez est dans le
schéma trans-européen ? Y a-t-il des choses que l'on ne
retrouvera pas dans le schéma national ?
Deuxième question. Vous mesurez bien qu'au moment où le
schéma national va venir devant le Parlement, la sensibilité que
vous allez rencontrer est celle de l'aménagement du territoire. Un
certain nombre d'axes ont pour raison d'être d'alléger, de
soulager certaines autoroutes existantes mais saturées et qui tournent
autour de grandes agglomérations plus ou moins bien desservies. Puis,
vous avez des autoroutes d'aménagement du territoire, qui ne sont pas
celles que les comptages de trafic désignent à l'attention des
pouvoirs publics. Vous vous souvenez que dans la loi Pasqua, un membre de
phrase prévoit que le prochain schéma directeur devra comporter
un certain nombre d'axes qui ne se justifient pas seulement par le trafic
constaté, mais par des considérations de développement
économique.
Cela conduit à se poser la question suivante. Est-ce que il n'y a pas la
possibilité d'imaginer une deux fois deux voies simplifiée avec
moins de contraintes, moins de luxe, allons jusqu'à dire "au rabais",
et
la possibilité, si le trafic suit, de prévoir des
améliorations, des élargissements ultérieurs ?
Dans bien des cas, des régions enclavées ou insuffisamment
désenclavées opteraient pour ce type de route. Tout le monde ne
demande pas d'avoir la plus luxueuse des autoroutes. A quel type
d'économie peut-on espérer aboutir ? Dans la commission
thématique aux travaux de laquelle vous faisiez allusion, des personnes
qui paraissaient compétentes ont avancé la possibilité
d'avoir des autoroutes avec 25 % de coût en moins. Est-ce
excessif ? Ne peut-on pas imaginer que dans le schéma national, on
établisse une distinction entre les autoroutes de catégorie A et
les autoroutes de catégorie B ?
M. Fernand Tardy
. -
En même temps, on pourrait
répondre sur la question des GLAT.
M. le Président
. -
Comment va-t-on financer les
GLAT ? Est-il imaginable d'avoir des GLAT à péage ? Ma
question sous-entend qu'on ne peut pas avoir des GLAT à péage,
mais qu'on pourrait avoir des autoroutes simplifiées à
péage. Nos questions sont liées.
M. Christian Leyrit
. -
Concernant votre première question
sur le réseau trans-européen, il reprend pour l'essentiel,
actuellement, le schéma directeur routier national actuel. Il n'y a
pratiquement pas de différence entre le schéma directeur actuel
et le réseau trans-européen. En effet, il y a quelques nuances,
mais pour l'essentiel, c'est celui-là. Dans le réseau
trans-européen pour la France, il y a des autoroutes gratuites ou
à péage et la plupart des grandes liaisons d'aménagement
du territoire, à une ou deux exceptions près.
Concernant votre deuxième question, il est vrai qu'il y a un
problème de financement des routes et des autoroutes. On peut d'ailleurs
se demander s'il ne serait pas bon de réfléchir à la
meilleure utilisation de l'argent, de manière globale, quelles que
soient les différentes sources de financement. En réalité,
aujourd'hui, on a trois sources de financement du réseau routier et
autoroutier : le budget de l'Etat, plus les fonds de concours des
collectivités locales, les emprunts, et le fonds d'investissement des
transports terrestres et des voies navigables.
Sur la mise à péage de liaisons, aujourd'hui gratuites, on a un
certain nombre de demandes. Par exemple, sur la route centre Europe atlantique,
une première partie est financée sur le crédit
budgétaire à deux voies, et beaucoup de responsables politiques
nous disent : est-ce qu'on ne pourrait pas financer le doublement plus
tard en le mettant à péage ?
Entre les intentions et la réalisation concrète, il y a tout de
même un pas assez important. Nous avons une ou deux expériences en
cours et dont je puis vous dire quelles sont extraordinairement difficiles. Il
y a l'exemple de la nationale 10, dans les Landes, à deux fois deux
voies, mais pas du tout aux normes autoroutières, et dont le coût
de transformation en véritable autoroute est de l'ordre de 1,5 milliard.
Comme au contrat de plan précédent et actuel, nous n'avons pas
réussi à inscrire cette opération de 1,5 milliard,
nous avons pris la décision de la transformer en autoroute à
péage.
J'ai demandé un avis officiel au Conseil d'Etat pour tenir compte de
cette spécificité. Il a bien voulu accepter notre proposition qui
consiste simplement à mettre deux barrières de péage
pleine voie et à laisser tous les échangeurs gratuits pour
éviter d'avoir une nouvelle route parallèle gratuite dans la
forêt des Landes. On a apporté des démonstrations selon
lesquelles il y avait des itinéraires parallèles gratuits.
Nous avons lancé une enquête publique sur cette hypothèse.
L'avis de la commission d'enquête était favorable sur le principe
de l'autoroute mais défavorable au péage. Il y a des mouvements
d'opinion très hostiles. Quand vous avez des gens qui utilisent une
infrastructure, même mal aménagée depuis 30 ans, et que
l'on met un péage au moment de son aménagement, ceci n'est pas
simple.
A Toulouse, on a demandé à une société
concessionnaire de financer 600 MF pour aménager un tronçon au
sud de Toulouse. Depuis que le péage est instauré, il y a des
manifestations d'une coordination qui lève les barrières de
péage. Depuis un an, on a d'énormes difficultés pour faire
accepter que l'on doive payer 3 francs pour aller de
l'agglomération sud de Toulouse à Toulouse.
Je pense qu'il est tout de même politiquement difficile de mettre
à péage des infrastructures existantes, même si on fait des
aménagements.
Sur le coût, je considère qu'aujourd'hui, existent des
infrastructures dont le trafic est relativement limité et qui sont un
peu trop luxueuses. Avec M. le Ministre, nous avons écrit aux
sociétés d'autoroutes pour dire qu'il était
nécessaire de faire des économies. Il est vrai que pour
l'environnement, les demandes de l'opinion publique sont de plus en plus
fortes, ce qui est légitime, et il y a donc des surcoûts
importants. Le Ministre me dit souvent que l'on fait les autoroutes les plus
luxueuses du monde.
Par exemple, sur l'autoroute A29, entre Amiens et Saint-Quentin, nous avons
décidé de faire des économies en réduisant le type
de bande d'arrêt d'urgence, en regroupant les aires de repos avec les
échangeurs, en réduisant les terre-pleins centraux. Bref, tout
une série de mesures nous permet de faire de l'ordre de 10 à
15 % d'économie. Nous y sommes tout à fait favorables.
Faut-il aller jusqu'à avoir une catégorie A et une
catégorie B, c'est un peu délicat. En effet, à partir du
moment où l'autoroute est payante, je ne suis pas certain que cette
notion d'autoroute "au rabais" soit bien perçue par l'opinion
publique.
J'ai plutôt tendance à dire qu'il faut adapter l'objet autoroutier
au type de trafic qui existe.
M. le Président
. -
Je disais " autoroute au
rabais ", mais je n'imagine pas une seconde que l'on va utiliser ce
vocabulaire. Il s'agit en effet d'adapter l'autoroute aux besoins. Il s'agit de
demander aux zones concernées : combien d'années voulez-vous
encore attendre ? Allez-vous encore attendre 25 ou 30 ans ou peut-on
imaginer une liaison moins coûteuse mais qui viendra plus
rapidement ?
De plus, si on leur dit que si le trafic augmente, des acquisitions de terrains
suffisantes ont été faites pour élargir, à mon
avis, cela ne pose aucun problème.
M. Gérard César
. -
Je ferai une remarque par
rapport à votre première carte sur laquelle on ne voit pas les
autres pays. Or, il serait intéressant d'avoir une vue par rapport
à notre pays afin de voir si on communique avec d'autres pays.
Concernant les ports, je regardais celui de Bordeaux et je voyais que pour
aller de Bordeaux au Havre, il fallait 9 heures. Le problème se pose du
désenclavement de certains ports. Je pense au port du Verdon où
la nationale 215 est complètement hors normes. Aujourd'hui, le trafic du
port de Bordeaux est en partie tourné vers le port du Havre, ce qui est
aberrant.
Mon autre question concerne la route de Bordeaux-Pau. Quand la
verra-t-on ?
Une route qui nous importe est celle de la route Bordeaux-Bergerac-Sarlat.
Pourquoi ne pas essayer de faire une autoroute "allégée" ?
Etant donné qu'il y aurait un parcours autoroutier très court,
pourquoi ne pas faire des études ?
M. Bernard Hugo
. -
Ma question complète celle que j'ai
posée tout à l'heure. Quel est le poids des critères
d'aménagement du territoire et de saturation sur certains
itinéraires ?
Je suis un représentant de l'Ardèche. Vous avez pour la
première fois, dans cette enceinte, prononcé le mot
Ardèche. L'année dernière, vous avez reçu
l'ensemble des parlementaires avec M. le Ministre. J'imaginais que cela irait
beaucoup plus vite et on m'a dit : "attention, une autoroute, c'est 10
ans, et si elle n'est pas concédée, c'est beaucoup plus long".
Or, on en parle déjà depuis 10 ans. Il est certain que la
saturation de l'A7 est considérable puisqu'elle est admise à
60.000 véhicules/jour et qu'en l'an 2010, il en passera en moyenne
76.000.
En Ardèche, bon nombre de lieux sont à plus de 50
kilomètres et à plus de 45 minutes de l'accès à
l'échangeur. Quel est le poids de vos critères ? Certes, la
décision est prise en commun, mais on a l'impression que dans vos
services, vous avez déjà beaucoup travaillé et que nous
sommes toujours à la recherche d'informations.
Ceci dit, Monsieur le Directeur, félicitations pour la qualité
pédagogique de votre exposé.
M. Jacques de Menou
.-
Votre exposé m'a fait
découvrir que le transport marchandises route va continuer à se
développer.
Vous avez bien voulu rappeler les priorités que la commission avait
annoncées. Vous avez conclu en disant "enfin, la liaison est-ouest".
J'ai envie de vous dire "surtout la liaison est-ouest" car le grand
ouest est
très enclavé. Nous avons une association qui s'appelle
" autoroute atlantique Rhin-Rhône " et nos projets qui sont
fortement défendus devraient se faire entendre. Je pense surtout
à ces liaisons Le Mans-Orléans et Troyes qui vont permettre de
déboucher plus directement sur les liaisons avec le grand marché
allemand. Nous considérons actuellement que la liaison sur Nantes-Niort
sera réglée : elle est prioritaire car plus on est
excentré, plus il est important d'être proche de l'autoroute.
Je voudrais vous parler d'un autre point : le problème de la
transformation de voies expresses en autoroutes.
Concernant l'autoroute arrivant dans le Finistère, on peut
peut-être accepter que ce fleuve ait un delta et, par conséquent,
plus de ramifications que dans les grands tracés où il y a
beaucoup plus d'échangeurs. Je vois des désenclavements bien
réalisés à partir d'échangeurs existants. Si vous
les fermez, on va dépenser beaucoup d'argent et réengorger des
points déjà engorgés pour, à mon avis, une
sécurité bien faible.
M. Christian Leyrit
. -
Monsieur Gérard César, je
pourrais vous communiquer la comparaison avec les autres pays, sachant que
cette comparaison est un peu fragile. Nous avons une comparaison pour tous les
pays d'Europe : par exemple, le nombre de kilomètres d'autoroutes
par rapport à la superficie ou à la population. Quand on compare
les Pays-Bas ou la France, ce n'est pas tout à fait pertinent. On peut
dire que la densité autoroutière française, de
manière générale, est encore plus faible que celle de
beaucoup de pays. En d'autres termes, on n'est pas suréquipé.
M. Gérard César
. -
Ma question concernait les
raccordements des autoroutes d'autres pays qui se trouvent en face des
nôtres.
M. Christian Leyrit
. -
La coordination existe. Pour un certain
nombre de projets, nous avons eu quelques difficultés. Je pense à
la nouvelle liaison sur le doublement de Metz Nancy où, en Allemagne,
pour des raisons d'environnement, il y a un blocage total. Ce sont des
contraintes à prendre en compte.
Vous avez évoqué le problème du Verdon et la nationale
215. Bordeaux-Pau, cette opération n'est pas encore inscrite au
schéma directeur, mais la décision est prise. Au-delà du
schéma directeur actuel, depuis trois ou quatre ans, des
décisions ont été prises et concernent
1.000 kilomètres d'autoroutes supplémentaires, dont
Bordeaux-Pau. La bande de 1.000 mètres a été
arrêtée, et l'on peut s'attendre à lancer une enquête
publique en 1998.
Concernant Bordeaux-Bergerac, vous parliez d'autoroutes allégées.
De manière plus générale, et pour des raisons de
sécurité ou de lisibilité, nous avons dit qu'il ne devait
y avoir en France que quatre objets routiers. Ils sont les suivants :
l'objet autoroute, qu'il soit à péage ou en route expresse, les
artères interurbaines à deux fois deux voies, la route ordinaire,
et la route expresse à deux voies, où l'on pourrait,
parallèlement à la route nationale existante, avoir une route
totalement en tracé neuf avec des carrefours dénivelés,
des déviations en agglomération, et des créneaux bien
placés qui permettraient de résoudre beaucoup de questions. On
pourrait d'ailleurs imaginer qu'elle puisse être concédée.
C'est quelque chose que j'essaie de promouvoir.
M. Gérard César
. -
Il y a quand même beaucoup
d'accidents.
M. Christian Leyrit
. -
En France, les seuls exemples sont de
mauvais exemples. Cela existe dans d'autres pays. Les exemples que l'on a sont
des contre-exemples parce qu'il n'y a pas de créneaux. Si on avait une
infrastructure de ce type, bien adaptée, avec des créneaux bien
placés, il y aurait un niveau de confort et de service presque du
même niveau qu'une autoroute.
M. le Président
. -
Comment est-ce qu'elle peut être
à péage ? Combien de sorties avez-vous ?
M. Christian Leyrit
. -
Pour l'instant, elle n'existe pas avec un
péage. Ceci impliquerait certaines modifications. Mais je pense qu'il
faut innover.
M. le Président
. -
Je vous pose la question parce que ces
problèmes vont se poser au moment du schéma et cela vaudrait la
peine que vous fassiez progresser vos études et vos réflexions
sur ce point. Si, par exemple, vous disiez : "nous allons faire une
deux
voies avec des créneaux, à péage", et que vous ouvrez la
possibilité, par les acquisitions de terrains que vous avez faites, de
la développer ultérieurement à deux fois deux voies, vous
pourriez trouver, dans certaines régions, des candidats.
M. Jacques de Menou
.-
C'est très dangereux.
M. Hilaire Flandre
. -
A partir du moment où l'on fait une
deuxième route parallèle à une première route
existante, pourquoi ne pas mettre chacune des routes en sens unique, dont l'une
passera par des agglomérations ?
M. Louis Althapé
. -
Je suis un peu sceptique concernant le
niveau de sécurité. Selon moi, une route moderne est une deux
fois deux voies. C'est la seule réponse au problème de
sécurité et de fluidité. Lorsqu'il y a un trafic routier
important, surtout de poids lourds, vous roulez à la vitesse du poids
lourd.
M. Jean Pépin
. -
Je voudrais saluer la prestation de M. le
Directeur. Il peut se trouver des cas de figure où la proposition est
intéressante. Il s'agirait tout d'abord d'avoir un itinéraire de
réseau national préexistant et qui aurait ses usages de
commodité locale. Ce réseau serait donc doublé par une
deux fois une voie avec quelques zones de dépassement, si possible, mais
il aurait pour mission de faire une transmission rapide de qui ne serait pas
concerné pas la desserte de première proximité.
Personnellement, je serais assez preneur pour un cas de figure auquel je suis
très attaché, à savoir le désenclavement du pays de
Gex. Je serais volontiers le cobaye expérimental d'un tel dossier.
M. Jacques de Menou
.-
Nous avons une grande expérience de
ce problème en Bretagne. Il est évident qu'une route à
deux voies dans les deux sens, sur un trafic autoroutier, est très
dangereuse parce que les gens, la nuit, se croient sur autoroute : ils
doublent et se tuent.
Le trafic sur Quimper et Brest a été très meurtrier
pendant des années.
M. Christian Leyrit
. -
Il s'agit, dans mon esprit, de voies tout
à fait nouvelles. Ce ne sont pas des voies anciennes et elles ont un
séparateur central pour éviter les collisions.
Pour l'instant, ce que nous suggérons est sous forme gratuite.
En revanche, quant à l'idée de mettre chacune des routes en sens
unique, effectivement, les expériences sont très mauvaises. Dans
un sens comme dans l'autre, il est nécessaire d'avoir le même type
de conduite.
La question de M. Bernard Hugo est celle du poids des différents
critères d'aménagement du territoire. Tout est une question de
pondération. Nous pensons qu'il faut un certain nombre d'études
et de prévisions en termes d'impact socio-économique, d'impact
sur l'environnement, de rôle de l'infrastructure pour le
développement économique régional. Il y a également
des évaluations financières. Ensuite, il doit y avoir un
débat. Enfin, il y a une décision politique. Cette notion
d'aménagement du territoire a progressé dans les esprits depuis
un certain nombre d'années. La question qui se pose toujours est de
savoir, entre le souhaitable et le possible, comment fixer les
priorités. Cette question se pose dans tous les domaines.
La dernière question de M. Jacques de Menou concerne les
problèmes de marchandises. Vous avez été surpris du faible
impact du transport combiné. Le Gouvernement souhaite le
développer au maximum. En réalité, l'impact à moyen
terme est relativement limité. Quant à l'idée parfois
avancée d'autoroutes ferroviaires, nous avons fait des études
poussées entre Dijon et Avignon. On constate un coût
d'investissement de 23 milliards de francs pour enlever 5.000 poids lourds par
jour, dans la vallée du Rhône. C'est important, mais il en
resterait encore 10.000, parce que les poids lourds assurent la desserte de
proximité. Il faut savoir que la distance moyenne des poids lourds est
d'environ 60 kilomètres.
Enfin, sur les transformations en routes express, en Bretagne, il est vrai que
notre objectif est de ne pas maintenir des routes à deux fois deux voies
où l'usager a la perception qu'il est sur une autoroute, alors qu'il y a
des carrefours à niveau ou des accès riverains. Les
impératifs de sécurité imposent que de plus en plus,
l'usager perçoive immédiatement sur quel type d'infrastructure il
se trouve. S'il est sur une deux fois deux voies, il ne doit pas s'attendre
à trouver un véhicule sur la voie de gauche pour tourner à
gauche, au carrefour suivant. En Bretagne, c'est à peu près
terminé.
M. Jacques de Menou
.-
On ferme des échangeurs.
M. Christian Leyrit
. -
Il est effectivement très difficile
de fermer ce qui existe. Notre objectif n'est pas de fermer pour le plaisir de
règles ou d'une vision parisienne des choses. Simplement, on n'envisage
de fermer que lorsqu'on a le sentiment que ceci est incompatible avec des
conditions de sécurité suffisantes. Si vous avez des exemples,
venez me voir. Ce sont des problèmes de sécurité.
M. Marcel Bony
. -
Je proposerai maintenant de changer de
région et de partir en Auvergne. Vous savez mieux que moi que
l'autoroute A89, tant attendue, est enfin une réalité puisque les
travaux ont commencé à l'ouest et également à
l'est. A partir de Saint-Julien, ce tracé va obliquer sur Cambron.
Il reste donc le tronçon RN 89 de Saint-Julien à Clermont-Ferrand
qui cause beaucoup d'inquiétudes. Cette route nationale 89 constitue un
axe vital. La première estimation de trafic sur ce tronçon est de
11.000 véhicules/jour pour les jours les plus bas et de
20.000 véhicules/jour pour les mois de juillet et août. Sur
une petite route comme celle-là, c'est très embêtant. Vous
savez qu'il existe un trop grand nombre d'accidents souvent mortels.
Par ailleurs, il y a une forte probabilité qu'un grand nombre de poids
lourds et de véhicules sortent de Saint-Julien pour emprunter cette
nationale, une fois que l'autoroute sera réalisée. Des
engagements ont été pris par l'Etat, en 1994. Ils
prévoyaient une mise à deux fois deux voies ou à quatre
voies, entre Saint-Julien et Clermont-Ferrand. Or, j'ai appris
dernièrement que cette décision serait remise en question. Cela
suscite encore de fortes inquiétudes de la part des élus.
J'aimerais que vous me rassuriez sur ce point.
M. Fernand Tardy
. -
Je ferai simplement une réflexion
générale. Depuis ce matin, nous parlons de sujets
intéressants, mais ce sont toujours des sujets autoroutiers. Or,
l'aménagement du territoire, ce n'est pas uniquement
l'aménagement autoroutier. J'ai à l'esprit un sujet qui me
préoccupe beaucoup : par exemple, la liaison par GLAT de l'A51 sur
Nice. Si on va à Nice par l'A51, par Manosque, et par le barreau du Var,
cela veut dire que tout le trafic va encombrer la rive de la
Méditerranée, alors que si on coupe par la nationale 85, on va
directement à Nice et cela désengorge énormément.
Cette voie qui n'est pas autoroutière est extrêmement importante
pour l'aménagement du territoire qui intéresse cette
région.
A partir du moment où l'on est axé sur les autoroutes et que l'on
connaît les prix, on se demande comment on va pouvoir mener cela de
front. A quel moment va-t-on faire un choix et dire que deux tiers de l'argent
reviennent aux autoroute et un tiers aux routes, par exemple ? C'est un
peu comme pour le TGV : on fonce sur le TGV et on laisse tomber tout le
reste.
Comment va-t-on faire pour organiser des routes qui ne sont pas des autoroutes
et qui sont indispensables pour l'aménagement du territoire ?
M. Hilaire Flandre
. -
Nous sommes tous soucieux de
l'aménagement du territoire, mais nous nous heurtons très vite
à la difficulté financière.
Je ferai deux suggestions. Premièrement, dans un souci
d'aménagement du territoire, pourquoi ne pas mettre un péage, non
pas sur les autoroutes de province mais aux portes de Paris, et d'un montant
suffisamment dissuasif pour que les gens laissent leur voiture à la
maison ou sur des parkings aménagés ?
Deuxièmement, quand des collectivités territoriales sont d'accord
pour prendre en charge les investissements nécessaires pour
améliorer les routes, comment se fait-il que l'on se voie proposer une
fin de non-recevoir ? Le conseil général des Ardennes avait
suggéré l'idée d'emprunter 500 MF pour terminer l'A34,
qu'il s'est vue refuser par le Gouvernement. Le conseil général
de la Marne suggère de faire une seconde voie parallèle à
la nationale 4 qui pourrait faire par la suite l'objet d'une deux fois deux
voies. Or, le conseil général connaît la même
réticence de la part de l'Etat.
M. Christian Leyrit
. -
La route nationale 89 est un sujet assez
délicat. En effet, ce projet a suscité beaucoup de débats
dans la traversée du parc des volcans. Il a été
nécessaire, pour éviter cette zone sensible et symbolique, de
passer beaucoup plus au nord. Le trafic est alors plus faible et on dessert
moins bien Clermont-Ferrand. La commission d'enquête a donné un
avis défavorable sur l'autoroute, arguant de la façon
suivante : "Ce projet est incohérent parce que vous faites une
autoroute à péage au nord et vous envisagez d'aménager la
nationale 89 à deux fois deux voies. N'est-ce pas surabondant ?"
Toutes les délibérations disant que l'une est aussi
nécessaire que l'autre vont nous conduire à des
difficultés non négligeables, au Conseil d'Etat. Or, il est
difficile d'arrêter la grande transversale est-ouest
Bordeaux-Genève, à Saint-Julien. Il est nécessaire de
boucler l'autoroute A89.
M. Marcel Bony
. -
La logique voulait que cette autoroute passe
par dessus. Ce n'est plus l'autoroute Bordeaux-Clermont-Ferrand, mais
l'autoroute Bordeaux-Combronde. Il faut se mettre à la place des gens de
Clermont-Ferrand.
M. Christian Leyrit
. -
Je ne pas pense pas que ce soit
l'autoroute Bordeaux-Saint-Julien.
Sur votre question, Monsieur Fernand Tardy, vous avez tout à fait
raison, personne n'envisage d'abandonner les grandes liaisons de
l'aménagement du territoire. Ceci doit être financé dans le
cadre des contrats Etat-région. Cela implique de financer de
manière progressive.
M. Fernand Tardy
. -
Quand il s'agit de crédits d'Etat, on
attend longtemps. C'est cela, le problème. Les concessions vont plus
vite.
M. Christian Leyrit
. -
Il est vrai que dans la région
PACA, on a eu de grosses difficultés parce qu'il y a des projets
très coûteux dans les agglomérations de Marseille, Toulon,
et autres. En effet, il n'y a sans doute pas suffisamment de crédits
pour ce type d'infrastructures très importantes pour le tissu local.
La question de M. Hilaire Flandre concerne le péage en Ile-de-France.
Nous avons réussi à mettre en service la première
autoroute à péage en Ile-de-France, l'A14. Cela marche
très bien, le péage est cher puisqu'il est de 30 F pour 15
kilomètres. Mais, nous avons mis en place des abonnements qui divisent
le prix de base par trois. Nous avons proposé que l'on fasse du
covoiturage (pas de péage si l'on est trois dans le véhicule). Il
y a une grande sensibilité au développement d'un péage
Ile-de-France.
Il existe aujourd'hui six projets à péage en Ile-de-France. Le
premier était absolument capital. Cela va montrer que pour gagner une
demi-heure ou trois quarts d'heure, matin et soir, et économiser de
l'essence, dépenser 30 francs ou 10 francs, c'est
intéressant pour beaucoup. Pour tous les projets en Ile-de-France, il
existe une opposition au péage extrêmement forte.
M. Hilaire Flandre
. -
Quand vous prenez n'importe quelle
autoroute, le dernier péage payant est à 30 ou 40
kilomètres de Paris. Il devrait être aux portes de Paris avec un
parking à côté.
M. Christian Leyrit
. -
Mettre à péage l'autoroute
entre Fontainebleau et l'A86, et l'autoroute A4 jusqu'à l'A86, est
très difficile. Aujourd'hui, il y a des demandes très fortes pour
repousser le péage de Coutevroult sur l'autoroute A4. Des études
sont menées pour reculer le péage.
M. le Président
. -
Ce qu'a dit M. Christian Leyrit, le
Sénat en a fait l'expérience à ses dépens. Je vous
signale que dans le projet de loi sur l'aménagement du territoire, nous
avions fait inscrire une disposition avec d'ailleurs le sénateur
Gérard Larcher, ce qui, pour un sénateur de la région
parisienne vaut un coup de chapeau. Nous l'avions fait voter par le
Sénat pour les autoroutes nouvelles. Nous n'avions pas du tout
imaginé qu'il était politiquement possible de mettre un
péage sur une autoroute, où il n'y en a pas. En commission mixte
paritaire, nous avons été obligés de faire sauter cette
disposition, sinon nous n'avions pas d'accord. Ne sous-estimez pas le poids du
lobby parlementaire de la région parisienne. En l'espèce, c'est
le Parlement qui n'a pas voulu. Il y a beaucoup de sénateurs et de
députés parisiens.
M. Christian Leyrit
. -
La deuxième question concerne les
Ardennes. Le Premier Ministre vient d'autoriser les collectivités
territoriales qui le souhaitent à préfinancer les crédits
dans le cadre contrat Etat-région, jusqu'à une enveloppe de 800
MF.
(M. Jean Huchon, Vice-Président, remplace M. Jean
François-Poncet à la présidence).
M. Louis Althapé
. -
vous connaissez le problème des
liaisons entre la France et l'Espagne. A l'est et à l'ouest, il y a un
passage autoroutier et, au milieu, un tunnel. Ce tunnel va être
bientôt terminé. Par contre, la RN134 n'a pas les crédits
suffisants pour que cette voie soit aménagée en même temps
que l'ouverture du tunnel. Pourriez-vous me dire si l'Etat à l'intention
d'accélérer les choses ?
Je voudrais savoir si vous aviez réfléchi sur un autre type
d'aménagement dans la traversée des Pyrénées. Quand
on sait que la péninsule ibérique est un marché aussi
important que le marché italien, n'y avait-il pas la place, dans les
Pyrénées, pour un passage autoroutier ?
M. Jean Boyer
. -
Monsieur le Directeur, je voudrais vous poser
deux séries de questions. La première concerne la A51. J'aimerais
que vous puissiez faire le point.
On a évoqué pendant de nombreuses années le doublement de
la A7. On se pose toujours la question de savoir si ce doublement se
réalisera ou s'il est resté dans les limbes.
La deuxième série de questions est d'ordre général.
Suggérez-vous de concevoir, de modifier le système de financement
du réseau routier ? Concernant le comité du FDES, vous
paraît-il remplir sa mission ? Peut-on améliorer le
fonctionnement de ce comité ?
M. Christian Leyrit
. -
En ce qui concerne le tunnel, les travaux
avancent bien. Les Espagnols sont un peu en retard, il ne sera pas en service
avant 1999. Sur la route d'accès, il s'agit d'aménagements de la
route actuelle avec des déviations. Des travaux sont déjà
faits et d'autres sont en cours. Notre objectif est de les poursuivre. Il est
évident qu'il doit y avoir une cohérence entre l'ouverture du
tunnel et une route d'accès qui dessert les petites
agglomérations se trouvant sur son parcours. Nous sommes tout à
fait d'accord pour que cela se poursuive normalement.
Est-il nécessaire d'y avoir d'autres passages ? Il y a les deux
traversées autoroutières côtières. D'ici l'an 2000,
il y aura une autoroute continue entre Paris et Pamiers vers le Puymorens. Il y
a un autre accès routier, une liaison transfrontalière importante
entre Toulouse et Lerida qui sera aménagée avec une antenne
autoroutière à Montréjeau.
Il existe de nombreux autres projets mais dont on ne pense pas, avec nos
collègues espagnols, qu'ils doivent faire l'objet d'une liaison de type
autoroutier.
Concernant l'Isère, pour l'A51, l'enquête publique, entre Grenoble
et Sisteron, doit être lancée vers le mois d'avril. Toutes les
dispositions sont prises pour que ce dossier soit prêt.
M. Marcel Lesbros
. -
Est-ce que vous autorisez le préfet
à lancer l'enquête publique prochainement ?
M. Christian Leyrit
. -
Absolument. Je lui ai écrit en lui
indiquant de prendre toutes les dispositions pour saisir le tribunal
administratif et désigner la commission d'enquête. Je lui ai
indiqué que l'enquête publique pourrait être lancée
à compter du 28 mars 1997.
Concernant le doublement de l'autoroute A7 jusqu'à Orange, ce n'est pas
du tout envisagé. Tout montre d'ailleurs que ce doublement serait
irréaliste. On a vu, déjà, le passage du TGV qui n'a pas
été simple. Il y aurait une concentration inacceptable de
problèmes sans que cela apporte quoi que ce soit, en terme de
développement.
C'est la raison pour laquelle notre objectif était de délester la
vallée du Rhône par des itinéraires éloignés,
mais qui désenclavent de nouvelles régions.
En revanche, pour rejoindre la question posée par M. Bernard Hugo, il
est vrai que dans les études que nous menons d'une nouvelle liaison,
à long terme, qui passerait par l'Ardèche, nous avons une
réflexion entre Lyon et un contournement ouest de Lyon. C'est la
question du raccordement ouest de Lyon avec cette autoroute. Pour l'instant, ce
sont des études.
Sur l'aspect du financement du réseau routier, c'est un sujet
évidemment complexe. Nous avons dit tout à l'heure qu'il y avait
peut-être des autoroutes à péage un peu coûteuses
parfois. Par ailleurs, on constate que les crédits budgétaires de
l'Etat sont souvent insuffisants. Je n'ai pas de solution toute faite dans ce
domaine, mais je pense que c'est un sujet de préoccupation que l'on peut
avoir.
Sur le fonctionnement du FDES, des réflexions importantes ont
été menées et correspondent à certains de nos
objectifs. Pour les grands investissements, il faut des programmations
pluriannuelles. Pour de grandes infrastructures, nous sommes favorables au
contrat de plan entre l'Etat et le secteur autoroutier. La vision annuelle est
insuffisante.
M. Jean Pépin
. -
Je voudrais évoquer deux
questions.
Il existe un maillon qui n'est pas satisfaisant entre les deux Savoie et la
région parisienne : le maillon de la 504, dans le
département de l'Ain, est de plus en plus saturé de camions. Nous
sommes plusieurs départements à poser la question de
l'itinéraire de la A48 dans l'Isère : est-il possible de
tirer la A48 qui va vers le sud, le plus possible à l'est, afin de faire
une sorte de double emploi avec la 504, ou du moins un itinéraire
relativement parallèle qui pourrait, sous certaines conditions,
délester cette nationale 504 ?
Toute la difficulté est que les deux départements sont
extérieurs au tracé proprement dit. Par contre, nous sommes sur
le flux de l'itinéraire.
Ma deuxième question est de savoir si, pour le dossier du
désenclavement du pays de Gex, il est nécessaire de l'inscrire
dans le schéma directeur ou si c'est un dossier dont le
kilométrage est inférieur à de telles exigences.
Je reviens sur l'intervention que j'ai faite tout à l'heure pour
répondre à la proposition de M. Francois-Poncet qui souhaitait
que nous intervenions sur les fameux itinéraires. Je reprends ce dossier
en vous disant, Monsieur le Directeur, que si vous cherchez quelqu'un pour
l'expérimenter, le département de l'Ain répond
présent.
M. François Gerbaud
. -
Je voudrais vous poser deux
questions.
Dans l'approche prospective du réseau, il y a apparemment trois
variables. La première est le volume du budget que l'on consacre chaque
année. La deuxième est le partenariat par les contrats de plan au
niveau des régions. La troisième est l'intermodalité.
Quelles préoccupations d'intermodalité inscrivez-vous dans le
futur prospectif, à partir du moment où les régions vont
probablement avoir à faire des choix qui vont conduire à des
modifications de moyens de transport, en particulier des possibilités de
passer sur la route beaucoup de transports ? Quel sera le
côté variable de la politique du schéma directeur
routier ? Quel rendez-vous lui donnez-vous, à chaque moment, pour
l'adapter aux réalités ?
Deuxième question. A l'heure actuelle, nous assistons à la
naissance d'une chimère, celle du troisième aéroport de
Paris. Le second est un luxueux aéroport coûteux qui est
l'aéroport de Vatry. Qui va payer les liaisons routières ?
S'il est exact que Vatry va nécessiter une liaison très
particulière entre l'aéroport éventuellement en fonction
et Roissy, qui va payer cette route qui n'est apparemment pas née d'une
conception de l'aménagement du territoire ?
Enfin, comment allez-vous harmoniser la liaison avec Roissy, où la
circulation est chaque jour plus intense ?
M. le Président
. -
Deux autoroutes de section seraient
terminées : Nantes-Niort, et Angers-Tours. Mais pour des raisons
procédurières, rien n'est terminé et on ne peut toujours
pas passer. Quand cela va-t-il s'arrêter ?
M. Christian Leyrit
. -
Monsieur Jean Pépin, concernant
l'A48 et la nationale 504, c'est un sujet assez délicat qui va
d'ailleurs réunir demain M. Millon et M. Pons. Un tracé a
été arrêté. C'est un tracé relativement
direct. La question se pose de savoir si l'on peut le remettre en cause,
après un débat qui a duré pas mal d'années. Si on
le remet en cause, on va arrêter tout cela pendant 3 ans, et les
mêmes causes produisant les mêmes effets, dans 3 ou 4 ans, je
crains que l'on ne revienne à la situation actuelle.
Je ne vois pas ce qui peut conduire le ministère de l'environnement
à changer sa position. La question véritable est de savoir si
l'on peut faire quelque chose pour la nationale 504.
J'ajoute que pour le délestage des poids lourds, l'écart n'est
pas si important que cela. Si cette autoroute A48 se fait, on peut imaginer de
prendre des mesures réglementaires dures pour limiter la circulation des
poids lourds sur la RN 504 et réglementer le trafic de transit. On peut
envisager des solutions qui permettent de traiter ce cas-là.
C'est un point de vue personnel, je ne veux pas préjuger de ce que dira
le M. le Ministre à M. Millon, demain.
La desserte du pays de Gex est l'une des études que nous menons
actuellement. La règle est que doivent être inscrits au
schéma directeur routier les projets de plus de 25 kilomètres
d'autoroute et de plus de 560 MF à peu près. Je ne sais pas
si cela impliquera une inscription au schéma directeur. Y seriez-vous
favorable ?
M. Jean Pépin
. -
Je suis favorable à une deux fois
deux voies, à terme, puisque le département construit une deux
fois deux voies sur toute la longueur du pays de Gex, mais c'est le
problème qui consiste à relier le pays de Gex par le nord de
Bellegarde, sur le réseau autoroutier de l'A40.
Nous serions très satisfaits d'un premier temps qui serait simplement la
moitié. Vous avez la A406 qui dessert Bellegarde par le sud dans d'assez
mauvaises conditions, mais qui jouerait tout de même le rôle d'une
desserte de proximité, dans cette hypothèse.
M. Christian Leyrit
. -
Nous aurons tous les
éléments d'ici quelques semaines.
Concernant les questions de M. François Gerbaud, sur le schéma
directeur routier national, nous nous sommes toujours efforcés de faire
des cartes qui correspondent aux perspectives financières raisonnables.
Notre souhait est de faire en sorte, notamment sur la partie
concédée, qu'il y ait un réalisme de capacité
financière du secteur autoroutier à financer un schéma tel
qu'il est projeté. Ceci pose des problèmes car cela nous conduit
à avoir une attitude jugée restrictive, ici ou là, par
rapport aux demandes locales tout à fait justifiées.
Concernant le non concédé, Il existe des volumes financiers
très importants. Au 11ème plan, ceux-ci représentent plus
de 60 milliards de francs contractualisés entre l'Etat et les
collectivités. En 1993-1994, beaucoup de régions voulaient faire
plus. Ceci peut évoluer au plan suivant, compte tenu des charges
nouvelles ou différentes que les régions auront. Là aussi,
il faudra adapter les ambitions aux réalités concrètes,
aux capacités financières de l'Etat et des collectivités.
Il y a encore, dans certaines régions, des capacités
financières non négligeables. En revanche, on voit bien que ce
sont souvent les départements qui se trouvent dans des situations plus
difficiles.
Vous avez ensuite évoqué le problème des aéroports.
Pour l'aéroport de Vatry, il n'y a pas de projet autoroutier
spécifique prévu. Il y a simplement des projets
d'aménagement de la route nationale 4.
Concernant l'aéroport de Beauvilliers, des réflexions sont
menées. Concernant la liaison entre Paris et Roissy, c'est un
problème très important. Il y a tout une série d'actions.
Avec un milliard de francs, on pourrait améliorer de manière
importante les choses sur le plan routier. Malheureusement, ce milliard de
francs n'est pas financé au plan actuel.
Par ailleurs, des réflexions sont menées sur différents
projets de liaisons souterraines réservées aux véhicules
légers. Un projet nouveau présente un certain
intérêt. Personnellement, je pense qu'il faut envisager des
liaisons à péage entre Paris et Roissy, même si le tarif
est élevé car on sait que la valeur du temps est
différente, pour un même individu, en fonction des circonstances.
La fiabilité du temps de parcours est à mon avis un
élément encore plus important que le gain de temps moyen.
Sur Nantes-Niort, on va s'en sortir, après bien des
péripéties. L'autoroute va arriver jusqu'à Oulmes. Ce sera
totalement achevée vers 2001.
M. le Président
. -
C'est-à-dire avec cinq ans de
retard.
M. Christian Leyrit
. -
Quant à Angers-Tours, l'autoroute a
été mise en service en Maine-et-Loire, il y a quelques semaines,
et va être prolongée assez rapidement.
La déviation sur Angers, compte tenu du retard, ne sera pas mise en
service avant 2001.
M. le Président
. -
Avec également cinq ans de
retard. Monsieur le Directeur, merci.
Audition de M. Henri Mouliérac, Président de l'Union des syndicats des industries routières françaises (USIRF) (19 février 1997)
M. Jean François-Poncet,
président
.- Je rappelle qu'Henri Mouliérac est
Président de la SACER qui fait partie du groupe COLAS, entreprise
employant près de 5000 personnes. Par conséquent, il va nous
parler, non pas du côté de l'administration des
sociétés concessionnaires, mais du côté des
constructeurs de son point de vue sur les infrastructures routières.
Il est accompagné de M. Jean-Claude Roudé, Président de
l'entreprise Jean Lefebvre, ainsi que de Jacques Saint-Raymond,
délégué général de l'USIRF dont M. Henri
Mouliérac est par ailleurs président.
M. Henri Mouliérac
.- Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je vous remercie de nous avoir
permis de nous exprimer devant vous. Je suis sûr que vous nous
écouterez, mais j'espère aussi que nous serons entendus. C'est
sans doute la première fois que notre profession peut s'exprimer devant
les représentants de la nation. J'espère en profiter pour vous
exposer les préoccupations sérieuses de notre profession toute
entière.
Au tout début de ce siècle, on pouvait encore écrire
:
" Vous nous voyez marcher sur cette route droite, tout poudreux, tout
crottés, la pluie entre les dents, sur ce large éventail ouvert
à tous les vents. La route nationale est notre porte
étroite ".
Depuis cette évocation de Charles
Péguy, on pourrait penser que l'essentiel a été fait sur
nos routes, qu'il ne reste plus qu'à gérer et à entretenir
le réseau existant.
Pourtant ce constat, ou plutôt cette hypothèse mérite un
examen que je vais essayer de réaliser devant vous.
1) D'abord l'augmentation de la circulation, certes beaucoup plus faible que
dans la précédente décennie, mais dont la croissance se
poursuit, tout en se ralentissant. Il n'y aura jamais plus de voitures que
d'habitants en âge et en état de conduire. Nous tendons donc vers
une diminution.
2) Mais toutefois l'augmentation de la circulation nécessite des travaux
de voirie, en particulier aux abords des villes dans le péri-urbain,
sous peine d'aggraver fortement une congestion existante.
3) L'aménagement du territoire suppose le désenclavement de
régions fort mal desservies. C'est le cas de toute une partie du Massif
Central.
4) Par ailleurs, si l'on veut que la France ne reste pas à
l'écart du dynamisme de l'arc lotharingien de la mer du Nord aux rives
adriatiques, il faut développer des liaisons est-ouest adaptées
au trafic lourd et rapide, continuer et améliorer les liaisons
sud-européennes, en particulier les communications avec la
péninsule ibérique.
Pour toutes ces raisons, l'effort de construction des infrastructures
routières doit se poursuivre, selon le schéma directeur
autoroutier et ses prolongements, au rythme compatible avec les
possibilités de son financement.
5) La sécurité suppose, entre autres actions que nous verrons
peut-être ensuite, le contournement de nombreux villes ou villages
aujourd'hui traversés par des voies à grande circulation.
6) Enfin l'entretien des voiries existantes est notoirement insuffisant. La
Direction des routes estime à 1 % de la valeur du patrimoine le bon
niveau d'entretien, c'est-à-dire le niveau minimum pour éviter
des réfections lourdes. Or nous en sommes aujourd'hui à moins de
la moitié sur la voirie nationale non concédée. Je citerai
seulement un exemple actuel et récent : les barrières de
dégel qui paralysent aujourd'hui beaucoup d'industries de l'Est, en
particulier en Alsace, ont un coût économique sans aucune commune
mesure avec la mise hors gel des chaussées.
Alors que la circulation continue de croître régulièrement,
d'environ 2,3 % par an, les dépenses de chaussées
régressent en francs constants d'environ 2 % par an jusqu'en 1995,
et en 1996 probablement beaucoup plus -je n'ai pas encore les chiffres
précis- tandis que les recettes des administrations restent à peu
près constantes.
Il faut souligner que cette constance est due à de très nombreux
facteurs. Les recettes spécifiques attachées à l'usage de
la route ont connu quelques diminutions, par exemple la suppression de la
majoration de la TVA sur les véhicules. Par contre la TIPP, elle,
continue de progresser à peu près de 4 % par an.
On peut évidemment arguer que ces taxes sont un impôt, mais alors
pourquoi les autres modes de transport n'y seraient-ils pas soumis ?
Aussi, lorsque l'on compare recettes et dépenses, on voit que les
produits de la fiscalité spécifique routière couvrent
près de deux fois les dépenses directes liées à la
route (entretien, sécurité, police, éclairage, etc..).
Vous ne serez donc pas étonnés qu'il nous apparaisse
indispensable de poursuivre la construction et l'entretien des routes à
un rythme raisonnable, d'autant que les routes ont un impact économique
indéniable sur le développement industriel et touristique. Ces
investissements correspondent à une attente beaucoup plus forte que ce
que l'on aurait pu croire en écoutant ou en lisant les médias,
comme nous le montre un sondage récent que l'IFOP a
réalisé à notre demande et dont nous publierons
bientôt les résultats.
Enfin, ces travaux essentiellement d'entretien sont à mener sur
l'ensemble du territoire. Entretenir nos routes est un moyen efficace de
maintenir l'emploi dans les petites unités, les entreprises locales
présentes dans chacun de nos départements.
Aujourd'hui, notre industrie routière est en panne. Elle ne peut plus
embaucher et former de jeunes. Le tissu des entreprises qui s'occupe de les
insérer dans la vie active est en train de se déliter. Je ne
pouvais manquer de le rappeler parce que la situation de nos entreprises est
aujourd'hui préoccupante. De très grandes sociétés,
comme des entreprises locales, ont disparu ces derniers mois, avec un
coût social et un coût économique très lourds.
J'ouvre une parenthèse : ceci est d'ailleurs le résultat de la
baisse de l'activité qui a entraîné des remises de prix
anormalement bas incompatibles avec une gestion équilibrée des
entreprises.
Au moment où le code des marchés doit être revu -je
rappelle qu'il concerne à peu près les ¾ de notre
activité- je me permets d'attirer votre attention sur le fait que cette
réforme pourrait être très efficace si elle incluait la
mise en place d'un certificat de garantie de bonne fin.
Cette garantie de bonne fin est utilisée depuis longtemps dans les pays
anglo-saxons. Elle est aujourd'hui étendue un peu partout dans le monde,
et particulièrement en Europe. On peut même se demander si l'Union
européenne ne la mettra pas en pratique et ne la rendra pas pratiquement
obligatoire.
Cette garantie protège nos clients des conséquences des
défaillances d'entreprise, mais elle a une conséquence
secondaire, à savoir qu'elle dissuade ces mêmes entreprises de
pratiquer des prix anormalement bas, auquel cas ces dernières
n'obtiendraient plus les garanties de leur banquier ou de leur assureur.
Je tenais tout de même à souligner ce point, parce que cette
réforme du code des marchés publics est aussi une de nos
préoccupations.
Si le réseau autoroutier et le maillage ne sont évidemment pas
encore terminés, par contre, le développement inéluctable
de nos villes entraîne une croissance anarchique des banlieues. Les
réseaux péri-urbains sont souvent incomplets, incohérents
et donc inefficaces.
Enfin, l'aménagement et l'entretien des itinéraires, leur
sécurité, leur confort, leur économie mêmes sont en
retard sur les besoins.
Alors quoi faire ? Que suggérons-nous ?
Je voudrais donner une piste parmi d'autres. Je crois qu'elle répondrait
beaucoup aux besoins de nos entreprises, mais surtout à ceux des
usagers. Il serait intéressant de mieux étudier les
problèmes posés par le transport routier pour adapter nos moyens
aux besoins prioritaires. Descartes, dans son Discours de la méthode,
deuxième précepte, proposait " de diviser chacune des
difficultés en autant de parcelles qu'il se pourrait et qu'il serait
requis pour les mieux résoudre ".
Si nous appliquons ce principe à nos routes, nous pourrions examiner
tour à tour les besoins de chaque catégorie d'usagers :
piétons, vélos, motos, voitures, bus, autocars, tracteurs
agricoles, transports légers, poids lourds, et j'en oublie bien
sûr. Or tous ces véhicules roulent ensemble quasiment sur les
mêmes voies, avec des usages, une fréquence, une destination, une
longueur du parcours, des interconnexions... Par exemple, la fréquence
d'utilisation d'une infrastructure peut aider à définir son
urgence. Nous avons vu quelques exemples récents dans les deux sens,
avec une structure qui soudain dépasse largement les prévisions
de trafic, et une autre qui, au contraire, était moins utilisée
qu'on ne pouvait l'imaginer.
Il y a un flux des ressources créé directement et indirectement
par ces transports d'hommes et de marchandises. L'éclatante
réussite du plan breton en est la meilleure expression tant les plans
ont été éloquents. C'est un plan ancien qui a
été voulu par le Général de Gaulle, à une
époque où il l'a quasiment imposé, et où l'on a vu
une progression très supérieure à la moyenne nationale du
développement des industries, de la population et du trafic dans toute
la Bretagne. Aujourd'hui, le plan routier breton est vraiment une
réussite éclatante et montre ce que peut faire un plan routier
dans l'aménagement du territoire.
Enfin, il y a la nature des liaisons routières : urbaines,
péri-urbaines, intercités, maillage fin, capillarisation. Point
n'est besoin d'insister sur les difficultés de déplacement de
banlieue à banlieue, dans les grandes villes. C'est vrai de toutes les
grandes métropoles des grandes villes de France.
Monsieur le Directeur des routes ne me contredira pas si je dis que bien des
études ont été menées sur chacun de ces sujets. Je
ne crois pas que nous ayons aujourd'hui, sur les projets, une matrice de
résultat qui permettrait sans doute de justifier, d'ajuster, de donner
des priorités aux crédits d'investissement et d'entretien
consacrés aux routes de notre pays, le seul réseau qui
évite toute rupture de charge. En effet, il n'y a que la route qui va
d'un point à un autre en totalité ; aucun autre moyen de
transport ne se fait sans une rupture à un moment ou un autre.
De ce fait, un audit des itinéraires en fonction de leur utilisation
devrait permettre de leur donner une cohérence favorable à la
sécurité et à la fluidité du trafic et donc un
meilleur usage de l'investissement public. Aujourd'hui, on voit des
itinéraires de ville à ville qui, parce qu'ils ont des
maîtres d'ouvrage différents, sont très
hétérogènes. Ceci est très néfaste, tant
pour la sécurité que pour la fluidité du trafic et le
confort des usagers.
Si l'on prenait l'exemple de la sécurité routière sur ces
différents points, on pourrait constater que près de 40 % des
victimes sont des piétons ou des conducteurs de deux roues. A-t-on
toujours, lorsque c'est possible, mis une séparation effective des
trafics qui est pourtant souvent peu onéreuse entre le trafic deux roues
et le trafic automobile ? A-t-on traité différemment une route
touristique d'une voie consacrée essentiellement aux trajets
domicile/travail ou aux transports lourds ?
Quand on parle de voie romaine, on voit une route dallée avec de
superbes dalles. Mais la voie romaine, ce n'était pas seulement ce qui
reste aujourd'hui, c'est-à-dire les dalles de la voie, mais aussi une
allée cavalière ensablée sur le côté
réservée aux chars rapides et une voie dont les charrois lourds,
traînés par des boeufs, marchaient au pas des piétons. A
cette époque-là, ils avaient déjà
séparé les trafics.
Je ne suis pas exhaustif -je ne saurais y prétendre- mais si notre
technique de construction est excellente -et l'on peut rendre hommage aux
ingénieurs de l'administration qui ont su mettre à la pointe du
progrès les techniques françaises, ainsi qu'à nos
entreprises, et je rappelle que les entreprises routières
françaises sont présentes dans le monde entier- la coordination,
la cohérence des itinéraires, la spécialisation des voies
n'ont peut-être pas forcément suivi le progrès des
études qui ont pu être réalisées sur ce sujet.
C'est un bien grand dessein qui devrait être notre ambition pour le
début du prochain siècle et pourrait contenter sans doute bien de
nos concitoyens qui, comme Michel Tournier, estiment que l'un des drames de
notre civilisation est que la roue et le pied ont des exigences incompatibles.
M. le Président
.- Merci de cette conclusion. Je ne sais
pas s'il faut choisir le pied ou la roue, mais nous sommes un certain nombre
à avoir un faible pour la roue.
Ouvrons le débat. Ce matin on nous a montré que les
crédits routiers avaient atteint un plafond qu'ils n'avaient jamais
dépassé dans le passé, à condition naturellement de
faire le total des crédits publics et des crédits
mobilisés par les sociétés concédantes. Or ce n'est
pas ce que paraît révéler votre diagramme. D'après
vous les dépenses chaussées baissent, tandis que ce matin on nous
a dit qu'elles augmentaient.
M. Henri Mouliérac
.- Les crédits qui ont dû
vous être présentés incluaient, sur le budget 1996, 21,9
milliards de francs correspondant aux travaux autoroutiers.
Sur cette somme, la part qui revient aux chaussées est de l'ordre de
15 %. Nous ne le saurons que lorsque les travaux seront terminés.
Cette part varie selon la nature de l'autoroute : selon qu'il s'agit d'une
autoroute de plaine, de montagne ou urbaine, les coûts ne sont pas les
mêmes, mais la moyenne est de 15 %.
Pour ce qui nous concerne, le total de ces crédits est ramené
à un montant de l'ordre de 4 milliards de francs. La variation dans le
temps fait que la totalité de nos crédits -il ne s'agit pas
seulement de l'Etat, mais de l'ensemble de notre activité- a
également baissé. Deuxième explication : les
collectivités locales, qu'il s'agisse des départements ou des
villes, ont vu chuter les crédits consacrés à la route du
fait essentiellement des dépenses sociales dans les départements
qui en ont absorbé une large part.
M. le Président
.- Vous parlez de 15 % pour la
chaussée. A quoi se rapportent les 85 % qui restent ? Aux ouvrages
d'art ?
M. Henri Mouliérac
.- Aux terrassements, aux ouvrages
d'art, à la signalisation, à l'achat des terrains, aux murs
antibruits, à l'éclairage...
M. le Président
.- Vos sociétés font bien
aussi les ouvrages d'art ?
M. Henri Mouliérac
.- Non, pas les sociétés
routières proprement dites. D'ailleurs l'une des caractéristiques
un peu particulière à la France est que les
sociétés routières en France font essentiellement de la
chaussée. Elles appartiennent souvent à des groupes qui font
autre chose.
M. Jean-Claude Roudé
.- Nous connaissons maintenant les
chiffres d'affaires consolidés des principales entreprises
routières françaises. En 1996 les chiffres d'affaires en France
ont baissé de 9 %. C'est un chiffre très difficile à
supporter pour les entreprises.
M. le Président
.- Comment cela s'explique-t-il ? Comment
peut-on faire plus d'autoroutes ? Vous avez dit que cette année nous
étions arrivés à un niveau que nous pourrions
difficilement dépasser. En même temps, les entreprises qui
construisent des autoroutes font la grimace.
M. Christian Leyrit
.- Comme l'indiquait M. Mouliérac, dans
le chiffre d'affaires des sociétés routières, la part du
budget de l'Etat, y compris des sociétés autoroutières,
est tout à fait minoritaire -de l'ordre de 20 %. Pour le reste, ce sont
les départements, les communes et l'investissement privé.
Deuxième facteur : les chiffres que j'évoquais concernent
l'ensemble des projets. Il y a de plus en plus, notamment en zone urbaine,
d'ouvrages d'art, de tunnel, etc. et la part de chaussées a tendance
à se réduire. Sur 100 F de projet autoroutier aujourd'hui, le
pourcentage affecté à la chaussée est moindre qu'il y a
dix ou vingt ans.
Troisième facteur : lorsque les projets autoroutiers prennent une place
aussi importante, cela se répercute sur les effectifs. Le nombre
d'emplois est très différent, probablement dans un rapport de 1
à 3 ou 4, voire plus, selon que l'on dépense 100 MF pour
l'entretien des routes nationales ou pour construire uniquement une
chaussée d'autoroute.
M. Jean-Claude Roudé
.- J'attire votre attention sur le
point suivant : puisque nous nous intéressons aux problèmes
économiques de la route, il y a une différence très forte
de comportement actuellement entre le marché routier en France et
à l'étranger.
Le Président Mouliérac nous a dit que les entreprises
françaises avaient une technique qui se vendait bien à
l'étranger. Plusieurs groupes sont fortement implantés. Pour ce
qui concerne mon entreprise, nous aurons cette année presque 40 %
d'activités à l'étranger.
Sur le marché français, nous avons constaté une diminution
en 1996 de l'ordre de 9 % du marché, alors qu'à
périmètre constant, sur les sociétés à
l'étranger, nous avons un accroissement d'activité à deux
chiffres, c'est-à-dire qu'il y a une différence de conjoncture
assez parlante entre ce qui se passe entre le marché routier
français et les secteurs où nous sommes concernés à
l'étranger (en gros l'Amérique du Nord et l'Europe).
M. Le Président
.- Notez-vous une diminution des
crédits de la part des départements et des villes ?
M. Jean-Claude Roudé
.- Oui.
M. Henri Mouliérac
.- Ce sont des chiffres très
difficiles à collecter. La collecte est quelquefois faite par la
Direction régionale de l'Equipement de façon très
efficace, mais malheureusement pas partout. C'est de l'ordre de 4 à 5 %
pour chacun. C'est important, puisque le total de notre activité villes
et départements est de l'ordre de 60 %.
M. Jean-Claude Roudé
.- On connaît assez bien les
chiffres pour les départements. A part les exceptions de ceux qui se
trouvent en face d'un projet très particulier, ils ont une attitude soit
d'être sensiblement stable, soit d'être en diminution, laquelle
diminution peut être parfois forte. La moyenne de l'attitude stable,
faible diminution, ou forte diminution est forcément un résultat
en diminution sensible, mais vraiment variable suivant les départements.
M. Georges Berchet
.- Il est difficile de faire autrement puisque
chacun demande aux maires ou aux conseillers généraux de baisser
la pression fiscale. On ne peut pas faire porter le chapeau par les uns ou par
les autres.
Notez-vous vraiment une baisse ? Vous parlez des crédits
départementaux, mais dans mon département ils sont liés
aux crédits d'Etat, du moins à 50 %.
M. Jean-Claude Roudé
.- Il y a certainement des
départements qui versent des fonds de concours à des routes
nationales, mais en gros il y a des plans Etat Régions qui concernent
les régions et l'Etat et il y a des départements qui votent des
fonds de concours sur d'autres réseaux. La plupart du temps, les
crédits départementaux sont affectés au réseau
départemental et sont des crédits propres du département.
Il y a des exceptions à cela, mais la généralité
des cas est celle-ci.
Celà dit, nous connaissons très bien en effet l'origine de cette
attitude des départements qui n'est probablement pas une volonté
d'ordre politique ou économique, mais le constat qu'ils sont
" coincés " en quelque sorte entre la nécessité
de ne pas augmenter les recettes fiscales et les autres types de
dépenses auxquelles ils sont amenés à faire face.
M. Georges Berchet
.- Est-il normal que l'Etat
récupère la TVA sur 100 % des travaux alors qu'il n'en fait
que la moitié ? Nous en avons parlé aux uns et aux autres. C'est
de l'argent que les départements pourraient mettre ailleurs.
Quand on prend la participation réelle de l'Etat dans
l'aménagement ou l'entretien des routes nationales sous contrat, on
s'aperçoit que l'Etat doit amener quelque 15 à 20 %.
M. Fernand Tardy
.- Non, 9 à 10 % seulement.
M. Georges Berchet
.- Il faut faire une révolution pour
cela. Après on dit qu'il y a des impôts locaux... A-t-on une
chance de faire supprimer cela ?
M. le Président
.- Vous pouvez sûrement essayer. Vous
aurez probablement le soutien d'un certain nombre de vos collègues. Que
vous gagniez la sympathie du gouvernement reste à démontrer, mais
il ne faut jamais désespérer.
Autre question : travaillez-vous beaucoup à l'étranger ?
M. Jean-Claude Roudé
.- En France, deux entreprises
réalisent des chiffres d'affaires de l'ordre de 35 % à
l'étranger. Notre entreprise est implantée aux Etats-Unis, au
Canada, en Espagne, en Angleterre, en République tchèque pour une
implantation principale, en Afrique, dans des pays d'Afrique francophone, et
pour de petites implantations secondaires en Lituanie.
La moyenne de la profession est 17 %.
M. Georges Berchet
.- N'avez-vous pas d'impayés ?
M. Jean-Claude Roudé
.
- Une entreprise qui n'a
jamais d'impayés est certainement une entreprise très heureuse.
Sur l'Afrique, nous avons eu de gros problèmes avant la période
de dévaluation du franc CFA. Sans que l'on puisse considérer que
la situation soit parfaite aujourd'hui et qu'elle ait atteint le niveau de
fiabilité occidental, la situation s'est très fortement
améliorée.
M. Georges Berchet
.- Bénéficiez-vous de la garantie
de la COFACE ?
M. Jean-Claude Roudé
.- En général, non,
parce que nous travaillons pour une part significative de l'activité sur
des crédits internationaux qui présentent des garanties
suffisantes. Mais mêmes les crédits locaux, qui sont une part
maintenant modeste de l'activité, sont beaucoup plus fiables qu'ils ne
l'étaient avant la dévaluation.
M. Georges Berchet
.- Avez-vous des couvertures de la Banque
mondiale ?
M. Jean-Claude Roudé
.- Sur les chantiers qu'elle finance,
mais pas sur les autres. Mais cela passe toujours par l'Etat. C'est un vaste
problème. Il y a des crédits de type occidental (Banque mondiale,
fonds européen de développement, etc...) qui transitent par les
Etats, avec des règlements directs par l'organisme international
correspondant.
Donc au niveau du règlement il n'y a pas de problème, mais si un
conflit surgit entre l'Etat et l'organisme en question -on l'a vu au moment de
la dévaluation du CFA- il peut entraîner une interruption des
paiements de l'organisme international, alors que l'entreprise au-dessous est
complètement piégée par la situation correspondante.
Par contre, quand le règlement intervient, il est direct et donc sans
problèmes significatifs.
M. le Président
.- Messieurs, je vous remercie, vous avez
admirablement tenu votre horaire. Nous vous souhaitons une année 1997
plus prometteuse.
Audition de M. Philippe Levaux,
Président de la
Fédération nationale des travaux publics (19 février
1997)
M. Jean François-Poncet,
président
.- Nous accueillons le Président Philippe
Levaux, Président directeur général de l'entreprise
Levaux, mais aussi Président de la Fédération nationale
des travaux publics et du syndicat professionnel des entrepreneurs de travaux
publics de France et d'Outre-Mer et qui a, en dehors du fait qu'il est membre
du Conseil économique et social, une autre qualité qui à
l'égard de certains de nos amis, membres de la commission, l'emporte sur
toutes les autres : il est maire de Lumigny, commune située en
Seine-et-Marne dont le Président de l'Association des maires n'est autre
que notre collègue Philippe François.
Je tenais à souligner ce fait. Etre Président de la
Fédération des travaux publics n'est pas rien, mais être
maire en Seine-et-Marne, c'est ce dont chacun d'entre nous rêve, sans
avoir l'ombre d'une possibilité d'y parvenir !!...
Par conséquent, à toutes sortes d'égards vous êtes
un personnage attendu. Nous vous écoutons parler de ce grand secteur des
investissements routiers, de ce que vous en pensez. Dans quel sens
va-t-on ? Est-ce que les choses se passent bien ? Ce n'est pas parce que
le Directeur des routes est là que vous devez retenir vos
vérités. Ayant siégé avec vous il y a peu de temps,
j'ai eu le sentiment que vous avez une grande liberté de parole, et
même d'écriture. Apportez-nous en une nouvelle fois la
démonstration.
M. Philippe Levaux
.- Messieurs les Présidents, Messieurs
les Sénateurs, Mesdames et Messieurs, c'est un grand honneur de passer
quelques minutes parmi vous pour vous parler de mon secteur. C'est
également un honneur que le Président ait rappelé que je
suis maire d'une commune qui subit la tutelle amicale et agréable de
notre collègue Philippe François.
En même temps, j'ai appris ce qu'étaient des communes
fusionnées, puisque j'ai fusionné ma commune de Lumigny avec deux
autres communes en 1972, à la suite des propositions de M. Marcellin.
Nous n'avons pas divorcé depuis et nous savons ce qu'est
l'intercommunalité.
M. Philippe François
.- Je me permets d'ajouter
qu'au-delà de la particularité de notre ami Philippe Levaux
d'être maire, il fait partie des meilleurs parmi les 514 maires de
Seine-et-Marne.
M. Philippe Levaux
.- Notre collègue Philippe
François est arrivé le premier lorsque nous avons voté
pour le renouvellement. Il a fait des jaloux parmi ses collègues.
Je rappelle que notre profession des travaux publics concernant le secteur en
France comporte 5800 entreprises, puisque je ne parlerai que du marché
intérieur, et que nous avons 230.000 collaborateurs qui travaillent en
France. Nous avons réalisé en 1996 130 milliards de francs de
chiffre d'affaires dont environ 40 % sont directement liés aux travaux
routiers et voiries. Dans les consultations que vous lancez, messieurs les
Sénateurs, dans nos départements, on ne fait pas toujours la
liaison entre les canalisateurs et les routiers.
Prenons tout le secteur voirie et à ce moment-là c'est 50 % du
chiffre d'affaires du marché intérieur. Ceci pour vous indiquer
quel poids peut avoir ce secteur en ce qui concerne la branche travaux publics.
Nous projetterons l'activité TP sur le marché intérieur et
vous pourrez constater qu'après des années d'embellie, nous
sommes depuis quelques années en réduction progressive
d'activité au niveau des travaux publics, dans lesquels entrent les
travaux routiers.
Pour cette année 1995 c'est 139 milliards de francs et pour 1996 nous
sommes encore en réduction de l'ordre de 7 %. Les travaux routiers sont
en réduction de 10 %.
Comment se répartit notre clientèle de travaux routiers en
1995 ? A tout seigneur tout honneur : les maires sont nos premiers
clients. Ensuite nous passons au secteur privé, puis nous glissons vers
les Départements. Enfin cela se répartit entre les SEM
autoroutières (4 %) et l'Etat (8 %). Il y a quand même lieu de
souligner que dans le cadre des cofinancements Etat - Régions -
collectivités locales, lorsque l'Etat se replie il y a un effet de
levier extrêmement important.
Enfin, je reviens à la raison principale de mon audition :
l'évolution du volume des travaux routiers. Vous constaterez qu'un peu
comme l'ensemble du secteur des travaux publics, en 1991, nous avons atteint
une pointe et que nous sommes en très forte réduction du volume
des travaux routiers. Voilà pour le constat sur l'ensemble des
activités du secteur travaux publics sur le marché
intérieur.
Je vais décomposer cela en trois volets. Je ne parlerai pas des
autoroutes, mais de l'Etat, des départements et des communes, car des
personnes plus compétentes que moi ont dû parler du secteur
autoroutier.
En ce qui concerne l'Etat, nous constatons que depuis trois ans les ressources
du budget général ont diminué de plus de 9 %, alors
que les crédits routiers en provenance du fonds pour
l'aménagement de la Région Ile-de-France, la fameuse taxe sur les
bureaux, et du fonds d'investissement pour les transports terrestres et les
voies navigables (le fameux FITTVN) progressaient de 72 %.
Il est extrêmement important de constater qu'en effet il y a un
désengagement de l'Etat. En 1985, pour les travaux routiers, 56 %
étaient financés par l'Etat, tandis qu'en 1997 nous constatons au
travers du réseau routier national qu'il n'y a plus que 48 %.
S'agissant des ressources extrabudgétaires en provenance de comptes
d'affectation spéciale qui complètent les crédits de
l'État, je ne ferai pas l'historique, avec le fameux fonds
spécial de grands travaux car cela nous mènerait trop loin, mais
j'indiquerai que dans la période 1990-1994 où seul le fonds pour
l'aménagement de la région Ile-de-France existait, on a
démarré avec des crédits routiers de l'ordre de 150
à 200 millions de francs par an. Depuis 1995, année de
création du FITTVN, l'ensemble des crédits routiers
extrabudgétaires (FARIF + FITTVN) progresse régulièrement.
Ces crédits étaient de 1,2 milliards en 1995 et devraient
s'établir à 2,1 milliards en 1997.
Quant aux fonds de concours en provenance des collectivités locales et
de Bruxelles, ils ont progressé régulièrement jusqu'en
1991. Ils ont atteint 6,8 milliards de francs avant d'amorcer une baisse
régulière pour atteindre à l'heure actuelle 5,8 milliards
de francs.
Les moyens d'engagement pour 1997 devraient se décomposer en
5,3 milliards de francs pour l'investissement routier travaux neufs et 3
milliards de francs pour l'entretien. Mais ces crédits sont en baisse,
respectivement de 8,6 % pour les travaux neufs et de 5,7 % pour les
travaux d'entretien.
Avec les 3 milliards consacrés actuellement à la politique
d'entretien et de sécurité, nous sommes très loin des
montants investis dans les années 1985 à 1988, puisqu'à
cette époque ils atteignaient environ 4 milliards de francs.
Je tiens à souligner dans ce domaine qu'il est très
préoccupant de savoir que pour notre patrimoine, des efforts nettement
moins importants sont réalisés pour les travaux d'entretien. Nous
avons eu peu d'hivers douloureux, quoique au début du mois de janvier
nous en ayons subi un. De ce côté-là, en ce qui concerne la
voirie nationale, nous pourrions avoir de mauvaises surprises.
Enfin, tant au niveau de la sécurité qu'au niveau de l'emploi,
les travaux d'entretien routiers sont bien plus riches en emplois que les
travaux neufs.
En ce qui concerne les départements, je suis très méfiant.
Vous connaissez tous mieux que moi les problèmes départementaux.
Les quelques chiffres que je vais vous donner sont tirés des comptes
administratifs.
Il y a lieu de constater que depuis la décentralisation, il y a eu un
transfert de fiscalité indirecte. Tout cela a eu pour effet, entre les
vignettes et les droits de mutation pour les départements, les cartes
grises pour les Régions, de modifier la donne en ce qui concerne les
crédits budgétaires.
On constate que les ressources n'ont pas suivi les dépenses liées
au transfert de compétences et qu'au niveau des départements, des
conseils généraux, cela a eu une relation directe avec la baisse
de leurs investissements.
En ce qui concerne l'évolution des montants consacrés à la
voirie par les départements, de 1990 à 1996, les travaux
d'entretien sont là aussi -et c'est tout à fait regrettable- en
diminution, et les investissements qui étaient au plus bas dans les
années 1993-1994 remontent légèrement en ce qui concerne
les départements.
L'année 1996 a été marquée par une hausse des
dépenses sociales dans nos départements liée aux
problèmes du chômage que nous connaissons dans les divers lieux
où nous intervenons. Cela a eu pour conséquence des
dérapages de dépenses au niveau social et dans les
départements, soit un maintien du budget d'investissement, notamment le
budget d'investissement consacré à la voirie, soit une baisse.
Il y a un phénomène pour lequel nous sommes en train d'effectuer,
avant d'avoir les comptes administratifs, une étude à travers
toutes nos fédérations départementales et
régionales : en ce qui concerne les dotations faites aux communes pour
les travaux de voirie, il semblerait que les communes n'aient pas
demandé les versements de ces subventions. De ce fait, cela a fortement
réduit les travaux d'investissements consacrés à la voirie
par les communes. Celles-ci en général obtiennent pratiquement
toutes de leur Conseil général une participation plus ou moins
importante selon les départements aux travaux qu'elles engagent.
Les chiffres sont les suivants : depuis 1991, dans le cadre de l'investissement
consacré à la voirie, nous notons une chute très
progressive. Si nous prenons 1991 comme année de
référence, en 1992 nous obtenons - 0,4 %, en 1993 -
4,9 %, en 1994 un effort avait été fait et la santé
économique du pays était peut-être moins mauvaise
qu'à l'heure actuelle avec - 0,1 %, en 1995 nous notons une
chute de 8,7 %. En 1996 c'est la descente aux enfers, puisque nous sommes
à - 11,8 %. En ce qui concerne les investissements consacrés
par les communes pour les travaux de voirie, ce sont des chiffres nationaux.
Certains départements sont exemplaires et n'ont pas les mêmes
ratios.
Voici Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs, les quelques
informations que j'ai pu vous donner très brièvement. Je suis
prêt à répondre aux questions des membres de votre
commission et de vous-mêmes.
M. le Président
.- Vous avez laissé de
côté les autoroutes. Vous avez eu raison de dire que nous en avons
plus qu'abondamment parlé avant que vous n'arriviez. Je comprends qu'une
société comme la vôtre ne participe pas à la
construction des autoroutes.
M. Philippe Levaux
.- Je n'ai pas l'habitude, dans des
problèmes concernant ma profession, de parler de ma propre entreprise,
mais puisque vous me posez la question je peux indiquer que je suis
implanté depuis 40 ans. Je n'étais donc pas encore aux affaires
en Provence Côte d'Azur. J'ai des chantiers très
régulièrement avec la Société d'autoroute de
l'Esterel qui continue à investir pour remodeler son réseau,
faire une troisième voie, restaurer certaines gares de péages,
etc...
L'activité qui est donnée par les Sociétés
d'économie mixte est très importante et dans les
déclarations que j'ai pu faire, en tant que Président de la
Fédération des travaux publics, j'ai toujours dit que sur le
marché intérieur, le seul secteur qui n'enregistre pas de chute
d'activité est celui des travaux liés aux travaux autoroutiers,
puisque grâce à l'action du ministre concerné, de monsieur
le Directeur des routes, et de beaucoup de personnalités, le FDES n'a
jamais autorisé les sociétés d'autoroutes à
consentir des emprunts aussi importants que ce qu'ils doivent avoir.
Nous devons en être à l'heure actuelle près de 22 milliards
de francs. Je me souviens du temps de M. Michel Delebarre ou de celui de
Bernard Bosson où nous étions en dessous des 20 milliards de
francs.
Mme Anne Heinis
.- Toutes ces courbes montrent une progression
assez lente, mais régulière jusque vers 1991 et tout s'effondre
à partir de là. Je suppose qu'il y a plusieurs explications.
Quelles sont les vôtres ? Il est très inquiétant de
voir en 1997 que depuis six ans, la chute est générale et a
tendance à s'accélérer dans tous les domaines.
Je n'ai pas très bien compris si l'on observait le même
phénomène pour les autoroutes ou pas, ou si au contraire les
autoroutes semblent avoir progressé considérablement. Y a-t-il un
lien entre les deux ou pas ?
M. Philippe Levaux
.- Les ressources ne sont pas du tout les
mêmes. Pour ce qui concerne les autoroutes -je ne parle pas des
autoroutes financées à 100 % par l'Etat sur quelques dizaines de
kilomètres, je parle des sociétés d'économie mixte
du temps où M. Bérégovoy ou Mme Cresson était
Premier ministre, on a réalisé de l'ordre de 100 à 150 km
d 'autoroute par an. Il se trouve que dans le cadre de
l'aménagement du territoire, et également du développement
économique lié à cet aménagement, le fameux
schéma autoroutier établi par M. Méhaignerie en 1987
prévoyait de réaliser 300 km d'autoroutes par an.
Après 1988, les gouvernements de l'époque ont
décidé que ce serait fait sur 15 ans, ce qui a eu pour effet de
ralentir à 110 ou 130 kilomètres le lancement des projets
autoroutiers.
M. Bérégovoy d'une part et M. Balladur ensuite, et maintenant
notre Premier ministre actuel ont poussé de façon à garder
le rythme qui avait été à nouveau mis en place, de
réaliser l'ensemble du schéma autoroutier, c'est-à-dire
à peu près 300 km par an pour faire les 3000 km du schéma
directeur en 10 ans.
Voilà où nous en sommes. C'est ce qui vous explique pourquoi
Bercy a été obligé, sous la pression des politiques,
d'accorder des autorisations pour que le FDES puisse s'ouvrir. Voilà les
raisons pour lesquelles il y a une accélération du programme
autoroutier.
Pour l'autre volet, je crois qu'au niveau des départements, mais surtout
au niveau de l'Etat, les charges de fonctionnement ont été telles
qu'il a fallu prélever sur des ressources que l'on aurait pu mettre sur
l'investissement. Ces prélèvements ont servi à financer le
fonctionnement et il est plus facile de réduire l'investissement que de
réduire le fonctionnement. Ce sont nos entreprises et les habitants de
ce pays qui voient moins de réalisations d'équipement, dans
l'ensemble, plutôt qu'une réduction des effectifs ou une
réduction des prestations sociales.
Quand on allonge les contrats de plan de 5 à 7 ans, cela
" tousse " un peu, et puis finalement cela passe.
M. Philippe François
.- Le Président Levaux a fait
allusion à un point qui me paraît très important à
propos des voiries communales. Il nous a dit qu'une grande partie des
subventions accordées par l'Etat, les départements et les
régions n'étaient pas appelées par les communes. Nous
avons eu l'occasion de constater en Seine-et-Marne, département que nous
connaissons bien tous les deux, qu'une somme gigantesque n'a jamais
été appelée par les communes.
Il serait intéressant de dresser un inventaire de cette contre
disposition pour inviter nos élus locaux -et ici au Sénat nous
sommes mieux placés que quiconque pour ce type de démarche-
à au moins utiliser ce qu'on leur accorde, plutôt que de se
plaindre de ce qu'ils ne prennent pas.
M. le Président
.- Je ne me souviens pas, si cela existe en
Seine-et-Marne, mais ailleurs...
M. Fernand Tardy
.- Je ne comprends pas très bien la
question posée par notre collègue François. Cela
dépend des systèmes. Les conseils généraux ne
fonctionnent pas tous de la même façon. Chez moi, cela se fait par
canton. Le conseiller général dispose d'une somme suivant son
canton et je vous assure que cette somme est investie totalement. Les maires
trouvent bien entendu que c'est insuffisant. Alors vous m'étonnez
beaucoup quand vous dites que les maires n'appellent pas ces sommes. C'est
peut-être un manque d'information.
M. Philippe François
.- Il y a une carence quelque part.
M. Fernand Tardy
.- J'aimerais que nos collègues des autres
départements disent comment cela se passe chez eux. Chez nous il n'y a
aucun problème.
M. le Président
.- La Seine-et-Marne étant un
département très riche, toutes les routes sont en parfait
état.
M. François Gerbaud
.- Les conseillers
généraux ont fait dans les départements ruraux ou à
vocation rurale très évidente, des efforts considérables
et à la mesure de leurs faibles moyens.
Nous avons été pénalisés par deux choses.
La première a été la loi Marcellin qui nous a
confié l'option d'achat des routes départementales dites
secondaires. Effectivement, les financements d'accompagnement n'ont duré
que l'instant d'un printemps.
Deuxième point : les dépenses d'aide sociale sont dans les
départements d'une telle lourdeur qu'elles nous amènent à
diminuer nos investissements routiers.
Je voudrais insister sur un point : pour les entreprises en
général, il semble qu'à l'heure actuelle il y ait un
certain gitanisme dans les offres de marché et je voudrais
connaître votre sentiment sur l'approche qui se fait en matière
d'adjudication routière du code des marchés publics. Comment
envisagez-vous de répondre à une mobilisation plus importante des
flux d'argent qui vont résulter des contrats de plan futurs, dans un
schéma dont M. le Directeur des routes a bien voulu évoquer
à la fois la flexibilité et l'ambition ?
M. Philippe Levaux
.- Qu'entendez-vous par gitanisme adapté
à la dévolution des marchés ?
M. François Gerbaud
.- Nous allons assister à
l'irruption sur le marché national, par le jeu des adjudications
européennes, de concurrences qui ne sont pas nécessairement
compatibles avec nos possibilités nationales. Non pas que je veuille
faire un particularisme exacerbé, mais vos entreprises, et en
particulier celle que vous dirigez, sont des éléments essentiels
dans l'économie.
M. Philippe Levaux
.- Il n'y a obligation de faire la
publicité européenne qu'au-dessus de 6 millions d'écus, ce
qui grosso modo représente 135 MF. La majorité de nos petites et
moyennes entreprises (sur les 5800 entreprises, environ 5000 sont des
petites et moyennes traitant des travaux en-dessous de 36 MF) ne seront pas
visées dans cette affaire, pour peu que les maîtres de l'ouvrage,
bien qu'étant européens, aient un esprit aussi chauvin que nos
collègues espagnols, italiens, belges ou allemands qui font en sorte
que, sauf pour quelques entreprises frontalières (je pense notamment
à des Alsaciens et à des Lorrains) on ne puisse jamais aller
travailler de l'autre côté quand il s'agit de travaux en-dessous
du plancher européen.
J'encourage donc tous les politiques à avoir la même façon
de concevoir le problème, sauf quand il s'agit naturellement de travaux
avec des techniques de pointe pour lesquels on a besoin de faire appel à
un spécialiste qui soit aussi bien d'un côté ou de l'autre
des frontières. Voilà comment au niveau du gitanisme on peut
faire en sorte de préserver le tissu économique local des
moyennes et des petites entreprises.
Il n'y a pas que le département de Seine-et-Marne qui constate qu'il n'a
pas mandaté au 31 décembre le montant de ce qui était dans
son budget prévisionnel pour les communes. J'en veux pour preuve le
département de l'Hérault qui pour plus d'un tiers n'a pas
mandaté ce qui avait été prévu.
Si, au niveau de certains cantons, des conseillers généraux sont
extrêmement dynamiques, par contre dans d'autres cantons, au niveau
d'autres départements, il y a beaucoup de systèmes de blocage, de
recours, de gens qui posent problème aux élus de façon
très variée.
Le Président a dit que j'avais un discours très direct. Je
constate que même si vous voulez réaliser vos projets,
systématiquement on vous empoisonne la vie et vous prenez des mois de
retard. Si jamais vous décidez de passer outre, à ce
moment-là, il y a un refus au niveau du contrôle de
légalité. Jamais à ce niveau les gens n'ont
été aussi tatillons, compte tenu malheureusement des affaires
pour lesquelles quelques hauts fonctionnaires sont passés devant la
justice. Maintenant, on se heurte à une grève du zèle
systématique.
S'il y a des départements où tout se passe bien, pour d'autres
cela n'avance pas. C'est un phénomène qui existe et qui fait que
les travaux ne s'exécutent pas.
M. François Gerbaud
.- Dans la perspective de vos
ingénieurs, quelle est la possibilité de baisser les coûts
de rénovation des routes par des procédés nouveaux, ce qui
permettrait autant d'investissements supplémentaires ? Je pense à
des routes départementales, à des grattages, à des
réutilisations de voiries....
M. Philippe Levaux
.- Juste après moi doit intervenir le
Président de la Colas qui est la première entreprise mondiale,
à la pointe de la technique. Il pourra mieux répondre à
cette question. Je ne suis pas " routier ", je suis plutôt
" bétonnier ".
M. le Président
.- A propos, de ce que vous avez dit des
difficultés que l'on rencontre sur les travaux routiers, nous avons
naturellement tous beaucoup d'exemples à l'esprit, mais je les vois
rarement au niveau des communes.
Il y a peut-être des communes urbaines au niveau desquelles on peut les
trouver, mais sinon la plupart de nos communes rurales ne créent plus de
routes ; elles entretiennent plus ou moins bien un patrimoine existant.
Par conséquent, le problème que vous posez n'explique pas
à mon avis la non-consommation au niveau des communes. Celles-ci se
plaignent toutes parce qu'elles n'ont pas assez de subventions.
Encore faut-il savoir quelle est l'importance de la subvention. Elle est
relativement minime pour la voirie communale, parce que le Conseil
Général utilise l'essentiel de son argent sur la voirie
départementale. Sur celle-ci, on peut trouver des problèmes,
encore que là aussi je ne connais pas beaucoup de départements
qui créent des routes nouvelles. Il y a des déviations, mais pour
le reste nous avons déjà du mal à entretenir la voirie
existante. J'entendais ce matin qu'il fallait consacrer 1 % des crédits
à l'entretien. La plupart des départements y consacrent davantage
et n'y parviennent pas.
Dans mon département on a fait faire par le CETE de Bordeaux une
étude. On est arrivé à la conclusion qu'il fallait y
repasser tous les trente ans pour maintenir à peu près dans
l'état la voirie, et que si on ne le faisait pas il y avait une
dégradation qui entretenait des effets boule de neige.
M. Philippe François
.- Justement, il faut essayer de
mettre l'accent sur le fait que la part de subvention de l'Etat, de la
Région et du Département diminuant, la charge pour la commune
devient insupportable et par conséquent elle ne fait pas suffisamment
appel aux crédits qui lui sont accordés. C'est extrêmement
important car l'effet est à contre-pied et exponentiel. Un peu de
diminution de la part des pouvoirs publics fait une diminution très
importante de la part d'investissement.
On va très mal comme cela. Il faut augmenter le taux ou le maintenir.
M. Bernard Hugo
.- J'ai entendu avec intérêt qu'un
certain nombre de départements n'avaient pas réussi à
dépenser dans une année les crédits qu'ils avaient
réservés pour la voirie communale. Cela prouve qu'ils avaient de
l'argent pour cela, à tort ou à raison.
Deuxième remarque : c'est que dans une commune la population en
général distingue mal la voirie communale de la voirie
départementale, au point que j'ai été obligé de
faire inscrire au-dessous des plaques portant le nom des rues la mention de la
qualité de cette voirie : nationale, communale ou départementale.
Ne pourrait-on -c'est une idée un peu en l'air- dans certains cas ne pas
transférer tout simplement quelques voies communales au
département, lequel pourrait dépenser convenablement l'argent
dont il disposerait, ce qui rendrait service à tout le monde ? D'autant
plus si l'on sait que c'est grâce au conseiller général du
canton que cette voie a été remise en état, bien que
devenue départementale, ce dont les habitants ne se préoccupent
pas... on a bien fait l'opération en sens inverse, en transférant
de la voirie nationale à la voirie départementale dans des
conditions pas très convenables.
Je crois me souvenir que les Hauts-de-Seine ont été l'un des
derniers départements de France à accepter ce transfert.
De temps en temps, est-ce qu'un département ne pourrait pas prendre dans
telle ou telle une commune une voirie appropriée ? Si l'on n'est
pas juriste, on ne peut distinguer dans certains cas une voie
départementale d'une voie communale. N'y a-t-il pas là une
espèce de piste qui permettrait au département de dépenser
cet argent ?
M. Philippe François
.- C'est une question pertinente.
M. le Président
.- Saint-Jean Bouche d'Or n'aurait pas
mieux parlé que vous. Nous savons bien comment les départements
réagissent. A partir du moment où vous mettez sur une plaque
" voirie départementale " et où cette voirie n'est pas
en bon état, vous savez bien qui on va " flinguer ".
Cela arrive dans certains cas rarissimes, quand vraiment une voirie communale
permet de rejoindre deux voiries départementales.
M. Bernard Hugo
.- Il y a le cas inverse. J'ai repris une rue qui
était, pour des raisons absolument inconnues, départementale et
j'en ai fait une voie communale. Ce qui peut être fait dans un sens peut
être fait dans l'autre.
M. le Président
.- Nous pourrions peut-être proposer
à M. Leyrit de reprendre quelques voiries nationales qu'il a
repassées au département. J'en ai plusieurs à lui proposer.
M. Jean Peyrafitte
.- En Haute-Garonne on appelle cela le pool
routier et il y a eu des transferts de voies communales en
départementales. Dans la plupart des cas, cela a été
réglé.
Par ailleurs, vous avez évoqué un rapport que vous aviez fait
à Bordeaux concernant les 30 ans. Je ne suis pas du tout d'accord avec
vous. Cela dépend des situations géographiques. Par exemple, dans
les montagnes ce n'est pas 30 ans. Dix ans c'est bien beau.
M. le Président
.- Je vous parlais de moyens. Bien entendu
il y a le gel et les terrains qui s'affaissent. Mais c'est autre chose.
M. Philippe Levaux
.- En conclusion, je voudrais souligner que
pour nos entreprises sur le terrain, nous avons eu quelquefois des
problèmes avec le parc des Ponts et chaussées. Je me permets de
dire aux élus qu'il faut veiller de très près à ce
qu'il y ait une concurrence saine entre les entreprises installées
localement et le parc des Ponts et chaussées.
Par ailleurs, sans peut-être atteindre le libéralisme de nos
voisins britanniques, je pense que les entreprises privées sont
susceptibles de faire nombre de tâches qui sont réalisées
par les Ponts et chaussées avec des moyens peut-être un peu plus
modernes, puisque les entreprises, en d'autres périodes, peuvent
effectuer certains travaux.
Je me permets donc d'attirer votre attention car il y a eu certains cas qui,
grâce à la sagesse des uns et des autres, n'ont pas eu à
être réglés devant le tribunal puisque ce n'est pas la
façon de procéder.
S'agissant d'un message global, j'ai dit au Premier ministre, lorsqu'il a
clôturé nos Assises de l'équipement public à la
Maison de la Chimie au mois d'octobre 1996, que c'était une erreur de
faire passer le message suivant, notamment à l'association des maires,
que partout l'Etat doit être exemplaire et réduire les
dépenses publiques ; à tort, les communes ont repris ce discours
et de fait tous les maires -et 40 % d'entre eux ont changé au cours de
l'été 1995- ont reçu ce message nouveau :
" Messieurs, réduisez la dépense publique, il n'y a que
comme cela que vous serez exemplaire ".
Finalement, un certain nombre de maires, avec leur équipe municipale,
qui contrairement à ce que l'on peut dire pour les communes de moins de
10.000 habitants sont peu endettés par habitant, ont
décidé que pour être un bon gestionnaire il ne fallait
surtout plus dépenser.
C'est ainsi que vous constatez, Messieurs les élus, en 1995 et 1996, une
chute d'activité de l'ordre de 9 % et 12 % pour les communes et que le
message n'a pas été bien passé. M. Juppé
lui-même a dit qu'il allait redresser la barre, mais j'attends toujours
qu'il encourage les maires des communes de moins de 10.000 habitants à
investir.
Je rappelle que 1 MF de travaux ce sont trois emplois installés au
niveau local. Quand il s'agit de petites affaires de 1 ou 2 MF, tout cela se
traite avec des structures implantées localement. Pour les grands
chantiers, de temps en temps des équipes se déplacent.
Mon message sera donc le suivant : nos communes en-dessous de 10.000 habitants
sont peu endettées en général et sont susceptibles de
lancer des petits programmes. Cela peut correspondre à des emplois. Pour
ma part, je préfère voir des emplois actifs avec des fonds
publics plutôt que de voir ces gens indemnisés dans les structures
au niveau du département.
Enfin, au niveau des banquiers, je me permets de dire qu'il a été
proposé d'utiliser une partie des CODEVI, en accord avec le Premier
ministre, pour faire des prêts aux communes, mais les banquiers ne jouent
pas le jeu. Pour les prêts à 15 ans à taux fixe,
systématiquement, au niveau des communes de moins de 10.000 habitants,
les taux sont voisins de 6 % et c'est tout à fait scandaleux. On
pourrait avoir des taux voisins de 5 % à partir du moment où on
limite les frais et que l'on prend des communes qui n'ont pas de risque.
Cela dit, si on disait aux Maires de profiter de taux à 5 % pour
investir, on pourrait peut-être faire repartir la machine au cours de
l'année 1997 ou de l'année 1998. C'est le dernier appel que
je fais auprès de vous, Messieurs, qui êtes pour la plupart
Maires. Les communes génèrent entre 25 et 30 % de
l'activité Travaux publics et cela peut même atteindre 50 %
dans certaines régions comme en Auvergne alors même que notre
patrimoine en France a besoin d'être entretenu, surtout au niveau de la
voierie communale.
Audition de M. Alain Dupont
Président de
l'Union routière internationale (19 février 1997)
M. Jean François-Poncet,
président
.- M. Alain Dupont est Président de l'entreprise
Colas dont on vient de nous dire qu'elle était la plus grande entreprise
de construction d'infrastructures routières du monde. Il est
également administrateur de la Fédération nationale des
travaux publics et Président de l'International Route Federation.
M. Alain Dupont
.- Je parle aujourd'hui en tant que
Président de l'IRF qui a eu pour Président le Sénateur
Jean Clouet bien avant moi, pendant de longues années. Le rôle de
l'IRF est de tracer des routes où s'en aillent les gens de toutes races.
N'est-il pas vrai que sans la route, l'humanité n'aurait probablement
fait que piétiner ?
Je voudrais vous parler du réseau européen, qui est important et
diversifié, et vous donner un certain nombre de tendances mondiales en
ce qui concerne les évolutions de la route.
D'une façon générale, on peut constater un peu partout
dans le monde la montée rapide de la demande des usagers, et c'est un
fait massif et irréversible. En longue période, la croissance de
la demande de transports routiers a constamment dépassé celle du
réseau routier, surtout pour les voies autoroutières et voies
rapides dont vous a certainement parlé le Directeur des routes.
Si nous partons de l'année 1970, la demande totale, tous modes
confondus, de transports terrestres sur toute l'Europe aura doublé d'ici
à l'an 2000, passant de 900 milliards de tonnes/km à près
de 1800 milliards de tonnes/km pour les marchandises et de 2100 à 4800
milliards de voyageurs au km pour les passagers.
En l'an 2000, la route assurera environ 80 % du transport des
marchandises, 90 % en ce qui concerne les passagers.
Nos pronostics sont que de 1990 à l'an 2000 la seule croissance de cette
demande routière, qui sera d'environ 35 %, aura représenté
plus de deux fois la capacité du réseau ferroviaire
européen.
Tous les discours tenus sur le multimodal -et Dieu sait s'il est
nécessaire qu'ils soient tenus- et tout l'argent qui sera investi dans
le transport combiné ne pourront rien y faire.
Tous les dirigeants des Compagnies de chemin de fer européens le savent
pertinemment et le démontreront, s'ils le souhaitent, mieux que moi.
A tout cela s'ajoute un phénomène politique, culturel et social
de première importance qui est la mobilité individuelle, tant
privée que professionnelle, découverte par toute l'Europe de
l'Est. La chute de l'empire soviétique et la privatisation rapide des
économies ont entraîné une ruée
générale sur l'automobile, une multiplication très forte
des entreprises de camionnage et une croissance que je souhaite de plus en plus
grande dans notre pays des échanges Est-Ouest ou Ouest-Est, en
contrepoint d'un déclin important du transport collectif.
On peut le regretter ou s'en réjouir, mais les faits sont là.
Je donnerai simplement deux exemples : en 1994 le ministre tchèque des
transports, pourtant très favorable au chemin de fer, signalait que le
nombre de camions qui traversaient la frontière tchéco-allemande
avait été multiplié par 5 depuis 1988. Et plus
généralement, les experts allemands de toutes tendances ont
annoncé une multiplication par 8 à 10 du transport routier entre
l'Allemagne et la Pologne. Les files interminables de poids-lourds et de
voitures aux frontières orientales en témoignent.
Il y a donc un problème européen, massif et urgent, d'adaptation
du réseau routier. Nos amis allemands ont axé toutes leurs
orientations d'investissement sur tout l'axe Europe centrale et URSS.
Je crois réellement que si nous n'arrivons pas à recréer
ce couloir à l'Ouest de la France, de façon à pouvoir
prendre une bonne partie du trafic qui vient depuis le Nord du
Bénélux, d'une façon imagée si nous n'arrivons pas
à faire la route des cap -du cap Nord jusqu'au cap de Bonne
espérance- en passant par tout l'Ouest de la France, une quantité
de flux continuera de passer par le sillon rhodanien. Je ne vous apprends rien,
vous connaissez cette tendance.
Voilà pourquoi l'IRF a créé ce que l'on appelle un
schéma directeur que nous avons proposé à toute l'Europe,
qui consiste à reprendre et à recréer tout un
réseau autoroutier. Celui-ci est maintenant parfaitement accepté
par la totalité des décideurs de l'Europe. Il ne restera donc
plus qu'à mettre en oeuvre les financements.
C'est là où la France ainsi que l'Europe ont leur mot à
dire.
L'IRF prône la mise en place rapide de cela.
Une autre tendance à souligner, qui est actuellement très
importante, et que l'on remarque sur l'ensemble des pays, est une
évolution majeure : en Amérique du Nord, en Angleterre, en
Irlande, mais aussi en république Tchèque et en Pologne, de plus
en plus de compagnies obtiennent des contrats d'entretien de routes pour une
durée de cinq à dix ans. C'est ainsi que les
sociétés que ma compagnie achète actuellement, aussi bien
en Pologne qu'en République Tchèque, sont d'anciens parcs de
l'Equipement privatisés.
De la même façon, en Alberta nous venons d'obtenir 2000 km
d'entretien de routes, avec création d'une joint-venture sur laquelle
vient l'ensemble du personnel qui avait auparavant la charge de cet entretien.
On voit donc que la privatisation des entretiens de route est commencée
dans de nombreux pays. Il est vrai que mettre aux
" intempéries " les ouvriers des compagnies privées,
laisser dormir les matériels dans les dépôts, alors que les
agents de la voirie travaillent et que le matériel des entreprises
privées ne travaille pas ne semble pas être économiquement
la chose la plus rentable.
En ce qui concerne ce fameux lobby routier dont on parle de façon
permanente comme s'il était absolument extraordinaire, je constate
simplement que le lobby routier de l'IRF qui défend les routes à
travers le monde est composé de 25 personnes : 24 permanents et
moi-même. A la Direction de la communication de la SNCF, ils ne sont pas
loin de 70. Tout cela pour dire que je ne sais pas très bien où
est le lobby routier.
J'ai déposé un rapport plus complet qui parle des
externalités générées par le réseau
autoroutier.
M. le Président
.- Je vous remercie. Je propose de passer
aux questions.
M. François Gerbaud
.- Ne soyez pas offensé du mot
lobby qui est intervenu dans certaines discussions s'agissant des chemins de
fer. Dans l'énorme besoin que vous venez d'exprimer, vous semblez
dresser une sorte de conflit entre le rail et la route. Comment, dans
l'intérêt de tous, peut-on arriver à cette
complémentarité nécessaire, dans la mesure où les
besoins routiers sont si considérables et les financements si
compliqués ?
Ma deuxième question a trait à une technique : nous avons
préalablement, avec M. Levaux, évoqué sur les graphiques
qui nous furent projetés la diminution des investissements en
matière de route et en particulier les faiblesses d'investissements des
collectivités locales, ce qui a ouvert un débat.
Il y a deux solutions : soit on fait avec ce que l'on a et il faut que ce soit
moins cher... Quelles sont les technologies modernes auxquelles votre
société a recours qui permettent d'abaisser singulièrement
les coûts de rénovation des routes sur ce fameux réseau
départemental que chacun des départements a acceptés
à la suite de la loi de M. Marcellin et qui constituent, dans les
difficultés financières des départements, un poids
considérable ?
Par ailleurs, je vous rejoins pleinement sur les grands axes qui vont nous
reconnecter avec l'Allemagne. Il y a un point sur lequel je me permets de vous
dire que je ne suis pas complètement en harmonie avec vous, quelque
amitié qui nous lie l'un à l'autre. Quand vous dites que les
Allemands ont privilégié la route, l'exemple précis de la
révolution qu'il viennent de faire dans la Deutsch bahn semble indiquer
qu'ils ont un certain sens de la complémentarité.
M. Alain Dupont
.- Loin de moi l'idée d'opposer, mais
actuellement beaucoup plus d'argent est investi sur le rail que sur la route.
C'est tout ce que je fais ressortir. Je ne vais pas contester le transport sur
eau. Il a existé avant que le rail ne vienne. Puis le rail est venu,
puis la route est venue. Nous sommes dans une évolution tout à
fait logique et il faut harmoniser ces trois modes de transports.
Mais 80 % du transport se fera toujours par route pour plusieurs raisons dont
certaines économiques. De toutes les façons, la production n'a
pas intérêt à être stockée, ni sur une
péniche ni sur un wagon de chemin de fer. Quand elle est stockée
sur la route, elle ne coûte rien. Quand elle est stockée dans un
wagon ou dans une péniche, elle coûte.
D'autre part toutes les recherches en cours actuellement se rapportent à
des gains de productivité. Ceux-ci passent par des stocks qui sont
complètement réduits. Nous voulons absolument travailler à
flux tendu. Plus nous travaillerons à flux tendu, moins nous pourrons
être amenés à accepter des ruptures de charge.
Ceci ne veut pas du tout dire que tout ce qui est pondéreux, à
faible valeur ajoutée, ne passera pas soit par le rail, soit par la voie
d'eau ou par le transport maritime. Je crois aussi que vous pourrez mettre un
stockage sur route nettement supérieur à celui que vous pourrez
mettre sur une ligne de chemin de fer.
M. Philippe François
.- En réalité, on se
rend bien compte qu'il y a une difficulté majeure intégrée
au problème de l'aménagement du territoire. Lorsque l'on fait une
autoroute avec une prévision de rentabilité négative, on
tarde dans le temps. Peut-il exister des moyens de financement indirects ? Vous
avez dit à propos des pays de l'Est une chose très importante
à notre sens : la reprise des réseaux d'état d'entretien.
N'y a-t-il pas des moyens de donner aux collectivités locales de quelque
nature que ce soit, à travers ce que vous représentez, la
possibilité d'aider à l'investissement par des relais bancaires,
faisant ainsi en sorte que les banques qui ne jouent pas complètement le
jeu pourraient le jouer par votre intermédiaire ?
M. Alain Dupont
.- A travers les METP, il y a quelques exemples.
D'ailleurs le Président du Sénat a défendu un METP. Il a
simplement sollicité le Crédit Agricole pour que celui-ci
intervienne et fasse en sorte que les taux ne soient pas trop
élevés.
Nous sommes tout à fait à même de proposer toutes sortes de
solutions de ce type. Mais il ne faut pas oublier que l'on se superpose chaque
fois aux services de l'Etat et que vous aurez toujours cette dualité
entre ce que proposent les services de l'Etat, ce que proposent les parcs
départementaux qui disposent d'hommes, de matériel, que
finalement vous êtes obligés de faire travailler, ne serait-ce que
pour avoir une plus grande rentabilité. Comme vous les faites
travailler, il y aura moins d'investissements pour nous-mêmes. Vous
même avez la possibilité de réguler cela, et je ne l'ai
pas.
M. le Président
.- Je serai tenté de faire une
observation sur le rapport entre les parcs et le secteur privé ; c'est
un problème qu'à ma connaissance tout Conseil
général se pose. Pourquoi les parcs n'ont-ils pas
complètement disparu ? Non parce qu'on les juge efficaces, mais parce
qu'on a le sentiment, peut-être à tort, qu'il pourrait y avoir
entre les entreprises privées des accords que l'existence même
d'un parc rend plus hasardeux.
A partir du moment où l'on ne dispose d'aucun moyen d'agir par
soi-même, on est entre les mains d'un éventuel cartel entre
entreprises. Je sais que cela n'existe pas, mais cela existe dans la tête
d'un certain nombre d'élus.
M. Alain Dupont
.- Vous avez raison de souligner ce
problème. La Société, d'une façon
générale, n'a jamais su fonctionner sans accords, à
quelque niveau que ce soit.
Je n'ai pas le sentiment qu'il y ait énormément de groupes de
travaux publics qui aient gagné beaucoup d'argent. Il y a
peut-être eu, au niveau de la promotion immobilière, plus de
gains, mais actuellement, si nous arrivons à avoir des profits
raisonnables, c'est en grande partie par nos travaux internationaux, et
certainement pas par la baisse d'activité en France.
Actuellement, les parcs ne subissent pas de diminution d'effectifs comme nous
en subissons. Or si l'industrie routière a perdu l'année
dernière 10 % d'activité, nous avons fait partir 10 % de
personnels, alors que les parcs sont toujours à peu près les
mêmes. Actuellement, en France, près de 70.000 personnes
travaillent pour l'industrie routière et près de
8.000 personnes travaillent pour les parcs. Ceux-ci ont des usines
d'émulsion, ils sont concurrentiels, ils achètent du bitume. Dans
tout l'Ouest de la France, près de 8 usines appartiennent aux
parcs.
M. le Président.-
Les parcs existent, en grande partie,
pour les raisons que je viens d'indiquer. Je le sais d'expérience.
M. Alain Dupont
.- Avant, il n'y avait personne pour entretenir
les routes. Il est vrai qu'il y a quelques décades, il n'y avait pas
d'entreprises capables de faire le curage des fossés et d'entretenir les
accotements. Il me semble maintenant que c'est possible.
Je ne pense pas non plus que le fait de mettre nos ouvriers aux
intempéries et de faire travailler les gens des parcs durant le
même temps soient d'une bonne efficacité économique.
M. le Président
.- La plupart des départements que
je connais ne sont pas satisfaits de leur parc. S'ils les gardent, c'est parce
qu'ils pensent qu'un minimum d'indépendance facilite la
négociation avec les entreprises privées.
Encore une fois, j'estime qu'ils ont tort. Je me suis simplement permis de vous
donner l'explication. J'aimerais bien que vous répondiez à
l'intéressante question de M. François Gerbaud sur la
productivité du travail routier.
Depuis 20 ans on a incontestablement assisté à de très
grands progrès, parfois saisissants pour celui qui connaît mal la
profession, mais pensez-vous que ces progrès ont atteint un plafond ?
Peut-on espérer des croissances encore dans l'avenir ? De quel ordre est
le taux de croissance annuel de la productivité dans ce secteur, en
moyenne ?
M. Fernand Tardy
.- L'ordre de baisse des prix aussi ?
M. Alain Dupont
.- En matière autoroutière, nous
sommes quasiment arrivés au maximum de la productivité.
D'ailleurs, il n'y a plus personne sur ces chantiers. Si vous voulez
créer de l'emploi, il ne faut pas faire d'autoroute, puisque sur un
kilomètre d'autoroute il n'y a que des machines : c'est
entièrement automatisé.
Donc l'emploi est réellement maintenu grâce à l'entretien.
Sur ce point, nous avons fait des progrès considérables au niveau
de l'entretien superficiel et des réparations. C'est ce que l'on appelle
les points à temps automatique qui se travaillent à travers la
France et qui font de tous petits carrés. Il est bien évident que
nous avons obtenu des gains de productivité.
Après, il n'y a pas de mystère : c'est en ayant des programmes
d'auscultation des chaussées et des programmes d'entretien
réguliers et permanents que vous arriverez à diminuer.
En plus de cela, il y a aussi le gel. Jusqu'à présent, nous avons
été protégés par des conditions climatiques
exceptionnelles. Il n'y a pas eu de gel depuis 15 ans. Il n'y a pas très
longtemps, cette année, dans l'Est, il y avait des barrières de
dégel, ce qui, sur le plan économique montre que les
chaussées n'ont pas tout à fait la qualité
nécessaire.
M. le Président
.- Je vous remercie de votre prestation.
Nous espérons que notre intérêt pour les routes nous
permettra de vous retrouver.
Audition de M. Bernard Pons, Ministre de l'Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme (19 février 1997)
M. le Président
.- Merci monsieur le
Ministre d'être à nouveau devant nous. Nous vous voyons souvent et
avec notre collègue Gerbaud plus particulièrement dans une
circonstance -le texte de loi sur la SNCF- qui s'est bien
déroulée. Je pense que vous êtes satisfait de la
manière dont les choses se sont passées.
Nous vous accueillons, monsieur le Ministre, pour que vous nous parliez du
nouveau schéma directeur routier. Comment va-t-il apparaître dans
le schéma national d'aménagement du territoire ? Quels sont
vos projets dans le domaine routier ? Existe-t-il des limites aux
problèmes financiers que rencontrent les entreprises concessionnaires
d'autoroutes ? Pouvez-vous, en somme, nous présenter un secteur,
qui pour nous tous est un des plus fondamentaux ?
M. Bernard Pons
.- Merci monsieur le Président, mesdames et
messieurs les Sénateurs. Effectivement, c'est un sujet important qui
s'inscrit dans une politique beaucoup plus globale de développement
économique et d'aménagement du territoire, tout en essayant de
respecter les principes d'un développement durable
particulièrement soucieux de l'environnement.
Pour l'avenir, l'élaboration d'un schéma national
d'aménagement et de développement du territoire prévu par
la loi de février 1995 doit fixer les orientations fondamentales dans
ces domaines. Dans ce cadre, le travail de la Commission réseau et
territoire que vous présidez, monsieur le Président, contribue
fortement à mettre en exergue les quatre priorités
géographiques de notre réseau routier national.
Aujourd'hui, je ne m'attarderai pas sur les efforts considérables que
nous faisons en matière de protection de l'environnement, de
valorisation des paysages, auxquels nous attachons tous une grande importance.
Je voudrais centrer mon intervention sur la politique routière au regard
du développement économique et de l'aménagement du
territoire.
Avant d'en développer les éléments pour l'avenir, il
m'apparaît nécessaire de faire le point sur la situation actuelle,
sans revenir sur les précisions qu'a pu vous apporter monsieur le
Directeur des routes.
Où en sommes-nous ? L'action de l'Etat pour l'aménagement du
réseau routier national s'appuie à la fois sur le réseau
autoroutier concédé et sur le réseau non
concédé dont le développement est en général
cofinancé par les régions et les autres collectivités.
Sur le réseau concédé, le montant des investissements
atteindra en 1997 un chiffre record sans précédent : 21,9
milliards. C'est ainsi qu'en 1997 nous allons engager 412 km d'autoroutes
nouvelles. Ceci est tout à fait conforme aux engagements qui avaient
été pris en 1993 et 1994 d'accélérer la
réalisation d'un programme d'autoroutes concédées, en
engageant, d'ici 2003, 2600 km d'autoroutes, ce qui correspond à un
investissement de 140 milliards de francs.
Sur le réseau non concédé, l'Etat finance à 100 %
depuis 1988 trois grands axes du Massif central, l'A20 entre Vierzon et
Brive-la-Gaillarde, projet cher à mon coeur depuis longtemps, l'A76
entre Clermont-Ferrand et Béziers, ainsi que la route nationale 7 dans
la Nièvre, l'Allier et la Loire.
Les moyens qui y sont consacrés sont de l'ordre de 1,400 milliard
à 1,600 milliard de francs par an avec le concours du FITTVN
institué par la loi que vous connaissez bien.
Ces trois programmes - A20, A76 et route nationale 7- se développent
parfaitement normalement. L'A20 sera achevée fin 1998 début 1999
et nous tablons sur 2001 pour l'A76.
En 1994, l'Etat a également contractualisé de très
importants programmes d'investissements routiers avec les Régions et les
autres collectivités. L'engagement s'élève à plus
de 64 milliards de francs, dont près de 45 % à la charge de
l'Etat. Il est bien vrai que compte tenu de l'objectif du Gouvernement de
réduire les déficits publics, il a été
décidé d'étaler, sur un an ou plus, la durée des
contrats de plan Etat Région qui s'étendront donc jusqu'en 1999.
Mais cela ne remet nullement en cause les engagements de l'Etat : les
réalisations seront simplement étalées.
Fin 1997, le taux d'exécution des contrats de plan Etat Régions
sera de l'ordre de 60 % en moyenne. Cette année, les paiements devraient
s'élever à plus de 12 milliards de francs pour les
investissements non concédés, y compris les fonds spéciaux
du Trésor. Ces prévisions comprennent également environ
800 MF que les collectivités locales souhaitent avancer à
l'Etat. Cet accord est intervenu après l'arbitrage du Premier ministre.
Cette procédure a été acceptée par le Premier
ministre -elle est exceptionnelle- pour soutenir le secteur des travaux
publics.
Ainsi ces paiements seront globalement au même niveau qu'en 1996,
sensiblement plus élevés qu'en 1994 et 1995. En 1997 enfin, j'ai
souhaité que l'entretien du réseau routier national, qui
représente plus de 700 milliards, soit sauvegardé, notamment
parce que l'état de la route est un facteur déterminant pour la
sécurité routière.
Ainsi, l'ensemble des moyens consacrés au réseau national,
concédé et non concédé, atteindra en 1997 le niveau
de 42 milliards de francs. Je signale, monsieur le Président, que c'est
le niveau le plus élevé jamais atteint. Il faut rappeler qu'entre
1988 et 1993 ces moyens étaient compris entre 25 et 30 milliards de
francs.
Parlons maintenant de l'évolution du réseau
concédé. Bien sûr, le réseau concédé
est une pièce maîtresse de notre dispositif. Mais sa situation
financière doit être regardée avec attention et son
évolution fait l'objet d'un suivi régulier. En effet, si les
résultats d'exploitation sont globalement satisfaisants, la structure
financière des neuf sociétés concessionnaires est
très fortement marquée par le volume des investissements à
réaliser et par les transferts financiers vers l'Etat. Il faut que vous
sachiez que ceci représente, pour les trois dernières
années, l'équivalent du chiffre d'affaires réalisé
par l'ensemble du secteur en 1996. C'est dire toute leur importance.
La taxe d'aménagement du territoire instaurée en 1995 autour de
2 centimes par kilomètre parcouru, puis de 4 centimes en 1996,
pèse très lourdement sur la situation financière des
sociétés, en dépit de l'allongement des concessions, et
nous ne pourrons pas aller plus loin dans l'allongement des concessions. Ainsi
en 1996, les impôts, taxes et prélèvement ont
représenté 17 % des recettes de péage et 29 % si l'on
inclut la TVA non récupérable payée sur les
investissements.
Compte tenu de la compensation tarifaire liée à la taxe sur
l'aménagement du territoire, les hausses de tarif de péage sont
depuis deux ans sensiblement supérieures à l'inflation - 3,1 % en
1997- et elles commencent à avoir une répercussion sur leur
fréquentation. Nous devons donc être très vigilants sur ce
point, d'autant que la sécurité sur les autoroutes est quatre
fois supérieure à celle des voies normales.
J'ajoute que les transporteurs routiers commencent à s'inquiéter.
Nous sortons d'un conflit grave, difficile, et j'ai dû demander aux
entreprises de transport des efforts considérables que nous compensons
par une diminution des charges sociales qui pèsent sur ces entreprises.
Mais il est bien évident que l'augmentation des péages, en
particulier pour les poids lourds, devient l'extrême limite et que nous
ne pourrons pas aller au-delà.
Regardons l'avenir. Au-delà de la réalisation du schéma
directeur routier national actuel, les décisions déjà
prises depuis 1993, c'est-à-dire les engagements Balladur sur de
nouvelles liaisons, portant sur 1.000 km d'autoroutes concédées
supplémentaires, pour un montant supérieur à
60 milliards de francs, à raison de 300 km en moyenne par an,
l'achèvement de toutes les liaisons qui sont déjà
prévues, avec le programme que nous avons, nous amènent en 2010.
C'était 2003 avant les décisions Balladur, c'est maintenant 2010
et un peu plus si l'on ajoute la liaison Langres - Belfort qui est un arbitrage
du premier ministre Alain Juppé il n'y a pas très longtemps.
Pour l'avenir, compte tenu des contraintes budgétaires, diverses
questions se posent : faut-il encore développer notre réseau
autoroutier ? Des doutes et des oppositions s'expriment sur cette question. Ils
portent sur les besoins encore à satisfaire qui pour certains seraient
moins importants, moins urgents qu'autrefois, mais surtout sur la place
à donner à chaque mode de transport.
Une enquête récente du CREDOC montre cependant que la route reste
pour nos compatriotes un moyen tout à fait essentiel. Je veux bien que
l'on me dise qu'il faut changer les modes de transports, mais ceux-là
qui me le disent se rendent aux réunions au volant de leur propre
véhicule et n'ont jamais utilisé les transports en commun.
Il faut savoir qu'aujourd'hui, nous sommes dans une société
où le véhicule automobile est le prolongement du domicile. C'est
une réalité. On peut rêver, mais la réalité
est là et le CREDOC la confirme.
Près de 80 % des personnes interrogées considèrent que les
autoroutes favorisent le développement économique régional
et sont satisfaites. Seules 15 % jugent le développement trop rapide.
Une autre enquête menée auprès des chefs d'entreprise a
montré que 8 chefs d'entreprise sur 10 estimaient la qualité de
la desserte autoroutière comme le premier critère
d'appréciation pour l'implantation et le développement de leurs
activités. Vous pouvez leur raconter ce que vous voulez, mais si vous
n'avez pas d'autoroute, vous ne les maintiendrez pas chez vous.
Au-delà de cette opinion si largement répandue, la question du
développement autoroutier ne peut s'apprécier que sur le long
terme. Ceci ne peut être fait que dans une approche qui vise à
utiliser au mieux la ressource financière, toujours limitée, pour
développer au mieux nos différents réseaux de transport,
afin de rendre les meilleurs services. Cette approche ne peut qu'être
intermodale.
Je vais vous citer un exemple : celui de la région Provence Alpes
Côtes d'Azur, avec le projet qui était celui de l'A8 bis et qu'on
appelle maintenant l'A 58.
On m'a expliqué que les forces économiques du département
des Alpes-Maritimes la voulaient. J'ai donc décidé de faire un
projet d'intérêt général. Moyennant quoi on
développe l'enquête autour de ce projet d'intérêt
général : tout ceux qui sont contre s'expriment et tous ceux qui
sont pour ne disent plus rien.
Je vais réunir l'ensemble des élus nationaux, les maires, et
s'ils n'en veulent pas, je le remettrai ailleurs. Ce n'est pas l'Etat qui est
demandeur pour réaliser des autoroutes dans tel ou tel secteur et dans
telle ou telle région. J'ai en portefeuille suffisamment de demandes
pour mettre la priorité sur tel axe plutôt que sur tel autre.
Qu'il soit bien clair que nous ne sommes absolument pas demandeurs.
Diverses études prospectives sur les besoins de transport à
l'horizon 2015 ont donc été conduites. Il en ressort que la
croissance des trafics de voyageurs devrait se ralentir en termes relatifs,
mais qu'elle ne serait cependant pas inférieure à celle de notre
économie. Ainsi, pour une croissance moyenne de 2,4 % du produit
intérieur brut, proche de celle enregistrée ces 20
dernières années, le trafic intérieur de voyageurs, tous
modes de transports confondus, croîtrait également de 2,4 % pour
le seul domaine routier. L'accroissement des déplacements devrait
être encore très important, mais à mon avis
inférieur à celui des 20 dernières années.
Quant au transport intérieur de marchandises, il devrait croître
de 2,1 %, taux très proche de celui qui a été
enregistré ces 20 dernières années, et de celui
enregistré pour la production industrielle qui se situe aux environs de
2,2 %. L'essentiel sera le fait des transports internationaux.
Pour conclure sur ce point, il faut encore s'attendre à une augmentation
importante du volume de la circulation routière, notamment sur les
grands axes interrégionaux et internationaux, et nous devons nous y
préparer.
A défaut d'accompagner cette croissance par une augmentation des
capacités du réseau, la qualité de service se
dégraderait et il s'ensuivrait une augmentation des coûts de
transport qui directement pénaliserait notre économie.
L'attractivité de notre pays au plan aussi bien touristique qu'à
celui des nouvelles implantations d'activités en dépend aussi
considérablement. J'ajoute qu'une telle situation d'encombrement n'irait
pas non plus dans le sens de la qualité de la vie, de la
sécurité et de la maîtrise des routes.
Comment développer notre réseau ? Tout d'abord il faut que nous
nous efforcions de combler les lacunes du schéma actuel au plan
fonctionnel et au plan géographique. Si les programmes actuellement en
cours permettront à moyen terme de réduire la plus grande partie
de notre déficit de liaisons transversales, notamment Est-Ouest, notre
effort devra être poursuivi pour mieux relier entre elles les capitales
régionales voisines et améliorer les raccordements au
réseau autoroutier européen.
Une attention particulière doit être portée à
l'ouverture de notre économie vers l'Europe et le monde. Outre de
nouvelles liaisons routières et ferroviaires, ceci requiert aussi une
meilleure desserte terrestre de nos ports, de nos aéroports qui sont
autant de portes d'entrée dans notre pays et de vecteurs de nos
échanges extérieurs.
Je suis frappé de voir que dans les précédents
schémas, on a implanté nos ports sans réaliser que s'ils
étaient en relation avec la mer, il fallait qu'ils soient aussi en
relation avec les grands axes autoroutiers et ferroviaires. Il y a là
une lacune importante.
Les situations d'enclavement résiduels doivent être
réduites, à condition bien sûr que les moyens
nécessaires ne soient pas disproportionnés au regard des enjeux.
La prospective en la matière doit s'appuyer sur un diagnostic de la
situation prévisible en termes d'évolution du trafic, et
respecter des priorités aussi bien fonctionnelles que
géographiques.
* Au plan fonctionnel, à mon avis doivent être
privilégiés les itinéraires alternatifs qui permettent de
délester les axes en voie de congestion, tout en desservant de nouvelles
régions et en complétant le maillage du réseau. Le
problème du doublement de l'A1 se pose dans ces termes. C'est un exemple
parlant.
* Quant aux grandes priorités géographiques, elles
déclineront dans les orientations du schéma national
d'aménagement et de développement du territoire. Dans le domaine
routier, il s'agira notamment de maintenir la fluidité des grands axes
européens que sont l'axe nord-sud Lille-Marseille et l'axe
méditerranéen, grâce à des itinéraires
alternatifs qui permettront en outre d'irriguer de nouvelles régions.
Monsieur Leyrit a dû vous en parler, il est très attentif à
ce problème.
Les régions de l'Ouest sont déjà remarquablement bien
reliées entre elles -l'Ouest de la France est dans une situation
privilégiée grâce à deux axes autoroutiers nord-sud-
et seront également mieux arrimées à l'Europe avec le
prolongement des liaisons Est-Ouest déjà prévues. Des
contournements du bassin parisien doivent être réalisés et
une attention particulière portée à la fluidité des
trafics, au droit de nos grandes régions urbaines.
Sur la région parisienne, nous avons pris des décisions
importantes. Nous avons décidé de boucler l'A 86. Ce dossier
était enterré depuis longtemps. Nous avons mis en service l'A14
dans des conditions parfaites, avec le co-voiturage pour la première
fois, qui est un exemple remarquable, et avec une fréquentation qui
augmente de jour en jour. Nos prévisions sont dépassées
très largement, malgré tous les avis négatifs que nous
entendions. Et puis nous avons décidé du tracé,
après les fuseaux décidés par mes
prédécesseurs, de l'A 104.
Dans la région parisienne, nous avons pratiquement terminé. Il
restera l'A 16, mais c'est un dossier très sensible. L'une de vos
collègues est très attentive aux décisions que nous serons
amenés à prendre.
Voilà les principaux axes, mesdames et messieurs les Sénateurs,
d'une politique routière pour notre pays.
On peut en conclure que notre pays est bien parti pour réaliser un
programme autoroutier à la hauteur de ses besoins de
développement économique et permettant de valoriser sa position
européenne.
Rappellons-nous un instant que dans les années 1960 le réseau
autoroutier ne comportait que 60 km. Ce que nous avons su faire dans le
passé, il faut que nous le poursuivions dans l'avenir. Le
développement de notre économie et de nos échanges,
au-delà de l'horizon de l'actuel schéma directeur, le souci
d'équilibrer les chances des régions, qui est votre
préoccupation essentielle monsieur le Président, et de
répartir harmonieusement les activités sur le territoire, les
délais très importants de mise au point des projets
d'infrastructures rendent obligatoirement nécessaire de prévoir
dès maintenant le réseau autoroutier à l'horizon 2015.
Contrairement à ce que pensent certains, la France n'est pas
suréquipée et aucune région ne doit être à
l'écart des grands courants porteurs de développement
économique.
Les nouveaux projets doivent être conçus dans le cadre d'une
vision d'ensemble des différents systèmes de transport qui sont
complémentaires. Il nous faut aussi conserver au schéma directeur
routier le réalisme qui lui a jusqu'ici donné sa pleine
efficacité, tenant compte de la limitation inévitable des
ressources financières.
Cette nécessaire sélectivité ne doit pas être un
obstacle à l'indispensable transparence des choix publics. C'est
pourquoi, pour les nouvelles liaisons correspondant aux grandes orientations
que je viens de présenter, je soumettrai aux débats publics les
résultats des travaux préparatoires dès que ceux-ci seront
achevés. Ces débats seront suivis par les consultations
prévues par la loi pour l'approbation du schéma directeur
routier.
L'ensemble des dispositions que je viens d'évoquer devant vous
s'inscrivent dans la volonté du Gouvernement de renforcer la position de
notre pays en Europe. Je souhaite que notre politique volontariste
d'investissement, malgré le contexte budgétaire difficile, puisse
se poursuivre afin de développer en harmonie avec la nécessaire
protection de l'environnement le réseau routier et autoroutier de la
France de demain.
Un dernier mot sur l'équilibre entre cette politique autoroutière
et l'environnement. Depuis 18 mois que je suis arrivé au
ministère, j'ai une vision tout à fait différente du
travail de la Direction des routes et ce n'est pas parce que M. Leyrit est
là que je ne le dirai pas, au risque de le faire rougir, mais je suis
impressionné par le travail de nos ingénieurs, sous
l'autorité de M. Leyrit, pour intégrer notre réseau
autoroutier dans l'environnement, dans le paysage, et même pour faire que
l'autoroute mette en valeur les paysages.
Je dois dire qu'un effort et un bouleversement des politiques ces
dernières années ont complètement changé les
données.
J'ai parlé du tracé de l'A104. Le travail conduit par M. Leyrit
est tout à fait remarquable et il nous arrive d'avoir à passer
dans des sites urbains sans créer de nuisances importantes et en
apportant des améliorations considérables au système
actuel.
M. Philippe François
.- C'est vrai pour l'A 20 aussi.
L'effort a été considérable par rapport au paysage.
M. le Président
.- Je vous remercie, monsieur le Ministre,
pour ces précisions. Vos propos rencontrent certainement
l'adhésion de la très grande majorité des membres de notre
commission. Comme vous, nous considérons que, quels que soient les
efforts à fournir pour le transport combiné et pour la remise sur
pied de notre chemin de fer -auquel nous sommes tous très
attachés-, l'infrastructure routière est la clé du
développement économique. Vous l'avez dit et on ne peut le dire
avec davantage de force.
Cela étant dit, laissez-moi formuler deux ou trois observations.
Vous avez, dans votre propos, mis l'accent sur la nécessité de
relier entre elles les capitales régionales. Personne ne vous contredira
sur ce point. Simplement, l'ensemble des efforts qui ont été
effectivement fournis en ce sens depuis plusieurs années ont souvent
laissé de côté les villes moyennes qui n'ont pas la chance
d'être sur un axe qui relie deux capitales régionales.
Quand une ville moyenne est sur un axe régional, la Direction des routes
ne peut pas faire autrement que de la desservir. Quand tel n'est pas le cas, la
situation devient beaucoup plus problématique. Or les villes moyennes
qui rencontrent beaucoup de difficultés et sans lesquelles l'espace
rural restera à l'abandon n'ont-elles pas besoin de développement
?
L'espace rural ne vit qu'à travers un maillage de villes et certaines
agglomérations qui ont entre 50 et 100.000 habitants, sans liaison
autoroutière suffisante, sont extraordinairement difficiles à
développer.
Cela me conduit naturellement à faire les observations suivantes souvent
reprises d'ailleurs avant que vous n'arriviez. Nous en sommes encore
globalement à fixer les itinéraires en fonction des comptages du
trafic. C'est la loi et les prophètes. Quand les comptages sont
insuffisants, on disparaît dans une trappe. On plaide mais on n'est pas
entendu, et c'est assez logique. Il y a le coût et la façon dont
il peut être utilisé dans telle localisation ou dans telle autre.
Cela nous conduit, monsieur le ministre, à revenir sur une idée
à laquelle je crois que vous souscrivez. Il s'agirait de prévoir
pour ces axes, moins rentables que d'autres, des investissements autoroutiers
allégés. N'excluez pas les villes moyennes, mais adaptez les
spécifications. Il ne s'agit pas de fabriquer des autoroutes au rabais,
-si on faisait cela, ce serait mauvais- mais serait-il choquant qu'il y ait des
autoroutes A et des autoroutes B aux spécifications adoptées aux
trafics.
Il convient de faire un effort majeur et je souhaiterais beaucoup qu'il puisse
être achevé avant la sortie du schéma directeur afin que
cela ne soit pas reporté aux calendes grecques. Il faudra en passer sans
doute par un certain nombre de modifications réglementaires, mais je
suis convaincu que vous auriez le soutien d'un grand nombre de parlementaires
si vous faisiez cette proposition.
Ma seconde observation concerne ce que vous avez dit des grands axes. Nous
souscrivons totalement à vos propos. Aller d'Ouest en Est est absolument
fondamental. Si l'on veut sauver l'Ouest, je pense en effet qu'il faut
favoriser les possibilités d'aller rejoindre le coeur de l'Europe.
Il y a une destination que nous avons cependant beaucoup de mal à faire
entrer dans les réflexions et dans les discussions : c'est la
péninsule ibérique. L'Espagne existe et je crois que l'on se
trompe en pensant que la République tchèque, la Pologne ou la
Hongrie se développeront plus vite que l'Espagne et le Portugal dans les
cinquante années à venir. Il ne faut pas oublier la
" polarisation " sur le soleil.
Un grand rattrapage vers l'Est est indispensable et je crois bien
engagé. C'est en Europe de l'Est que les taux de croissance sont les
plus élevés, mais après la période de
difficultés que l'Espagne a connu, après une période de
très forte croissance, j'ai le sentiment que la Péninsule
ibérique va connaître elle aussi un important développement.
Par conséquent, il ne suffit pas de la relier par la côte
méditerranéenne et atlantique, il convient aussi d'envisager des
passages centraux, en dépit des difficultés de construction des
tunnels. Ceci est, selon moi, tout à fait essentiel.
Dernière observation : vous avez parlé de la consultation. Vous
nous annoncez l'envoi de propositions dans les différentes
régions qui vont en débattre. Tout le monde en France va-t-il
donc en débattre, à l'exclusion du Parlement ? Est-il
provoquant de considérer qu'il n'est pas suffisant pour un schéma
directeur routier, de faire débattre les seules régions ?
Plusieurs régions étant d'ailleurs concernées par un
même itinéraire, je ne vois pas comment, en dehors du Parlement,
on pourra rassembler les différentes régions qui sont
intéressées par un axe vertical ou horizontal.
Par conséquent, quand et comment le Parlement sera-t-il consulté
?
M. Bernard Pons
.-
Je réponds très rapidement
à vos interrogations. S'agissant des capitales régionales, cela
va de soi, je ne les ai citées que pour mémoire. Il est bien
évident qu'il existe un problème de développement des
villes moyennes, et vous avez tout à fait raison, mais ce
développement des villes moyennes est déjà pris en
considération dans le schéma qui existe aujourd'hui,
c'est-à-dire dans le premier schéma qui se terminait à
l'horizon 2003, ou dans le schéma revu avec 1000 kilomètres qui
se termine à l'horizon 2010. Il peut y avoir telle ou telle ville
moyenne, ici ou là, qui n'a pas été intégrée
et qui peut se sentir oubliée. Nous le regardons de très
près.
Prévoir des normes autoroutières adaptées et
différentes est une idée à laquelle je souscris tout de
suite, puisque je l'ai déjà mise en application. En effet, pour
l'Autoroute A51 qui doit passer à l'Est de Gap, nous avons
décidé, en raison des coûts très importants, de
prévoir dans certains passages une structure d'autoroute de montagne qui
ne sera pas la structure traditionnelle et habituelle.
Nous irons peut-être moins vite à ces endroits-là, mais il
y aura des indications et tous les moyens nécessaires. Nous pouvons
très bien envisager une mesure simplement réglementaire. La
Direction des routes travaille à cela depuis longtemps. Il ne faut pas
croire que nous sommes en France les plus chers sur les autoroutes. Quand on
considère le prix au kilomètre dans les pays voisins, on
s'aperçoit que l'idée largement répandue selon laquelle
nous ferions du somptuaire, du complètement développé et
affiné n'est pas tout à fait exacte. Nous arrivons à tirer
des prix intéressants, mais nous devons pouvoir mieux faire, et la
Direction des routes y travaille. Nous en tenons donc compte.
Vous avez dit, monsieur le Président, que pour préparer nos
schémas nous nous basions sur les comptages. A partir du moment
où l'on envisage la réalisation dans le cadre du réseau
concédé, il faut bien que l'on envisage la rentabilité de
l'investissement. Pour les sociétés qui seraient candidates,
l'élément du comptage joue beaucoup.
Mais le comptage n'est pas le seul à être pris en compte, car nous
savons très bien que l'organe crée la fonction et que là
où il n'y a pas de structure autoroutière, si l'on en crée
une, quelles que soient les prévisions de comptage et même si on a
mis un correctif, très souvent, il y a un appel d'air et l'utilisation
de l'autoroute est beaucoup plus importante. Donc nous l'intégrons dans
notre réflexion.
S'agissant des grands axes, je suis parfaitement d'accord avec vous et lorsque
j'ai parlé des axes Ouest-Est, c'était bien sûr dans une
perspective européenne, et dans celle-ci je n'exclus pas du tout la
péninsule ibérique. Comme vous, je suis un grand défenseur
de la politique qui doit nous lier à l'Espagne et à l'Italie,
d'ailleurs dans le grand arc méditerranéen. C'est notre chance
dans l'Europe et je le dis aussi bien sur le plan ferroviaire que sur le plan
autoroutier.
Sur ce dernier plan, les liaisons avec l'Espagne ne sont pas
négligeables, mais nous devons les améliorer. Elle ne le sont pas
obligatoirement. Il est bien vrai que l'Espagne et le Portugal sont des pays
qui vont se développer beaucoup plus vite qu'un grand nombre des pays de
l'Est.
Je souscris donc tout à fait à votre analyse, et nous
l'intégrons parfaitement dans nos schémas.
Enfin, en réponse à votre troisième question, les
régions vont en débattre, c'est normal, mais on ne peut pas
envisager de parler du schéma national sans que le Parlement puisse en
connaître, en débattre et en décider.
M. le Président
.- Je vous remercie. C'est un point qui
devra être tranché par le Gouvernement.
M. Bernard Pons
.- En fonction de l'avis donné par le
Parlement.
M. le Président
.- Je n'en doute pas. Tout le
problème est de savoir si ce débat pourra avoir lieu avant
l'adoption du schéma national qui est supposé encadrer le
schéma directeur routier.
M. Bernard Pons
.- Ma réponse est non. On nous parle
à l'heure actuelle d'un schéma national qui est en quelque sorte
le cadre, dont vous avez dit d'ailleurs vous-même il y a peu de temps
qu'il ne signifiait pas grand chose si ce n'est un certain nombre d'intentions.
M. le Président
.- J'ai dit que je regrettais qu'il en soit
ainsi. Mais ce n'est pas ce que je souhaite. Je ne suis pas sûr que cela
convienne.
M. Bernard Pons
.- Vous auriez préféré que
l'on fasse des schémas sectoriels avant, bien sûr.
M. le Président
.- Si on ne les fait pas avant, il faut en
tout cas être suffisamment éclairés sur leur contenu.
M. Bernard Pons
.- Mon collègue ministre de
l'aménagement du territoire et de la ville, qui travaille beaucoup sur
un dossier difficile, parce que la loi de février 1995 n'est pas simple,
a pris depuis qu'il est au Gouvernement -je parle de Jean-Claude Gaudin, vous
l'avez tous reconnu- une trentaine de décrets. Tous les jours il
travaille sur des décrets nouveaux. Il y a dans cette salle quelqu'un
qui connaît bien cette loi, qui en a été le porteur au
titre du Gouvernement et avec le Président de la commission. Donc vous y
avez tous participé et il est bien évident que c'était une
grande chose.
J'entends dire, ici ou là, que le gouvernement actuel et le Premier
ministre ne s'intéressent pas assez à cette notion
d'aménagement du territoire. C'est totalement faux. Il ne peut pas tout
faire en même temps. Il a dû mettre en place toute une série
de décrets. Il faut qu'il passe à la vitesse supérieure,
mais je ne crois pas que le schéma routier puisse se faire ainsi du jour
au lendemain. En tous les cas, personnellement, je ne le lancerai pas sans la
consultation dont je vous ai parlé au niveau des régions et du
Parlement.
M. le Président
.- Sur le plan du financement, pourquoi ne
pas s'inspirer de ce que l'on a fait pour le transport aérien : sur des
trajets réputés non rentables, il existerait une aide de l'Etat
bénéficiant aux sociétés concédées,
au même titre que celle du fonds de péréquation
auprès des compagnies aériennes qui ne prennent en charge une
ligne que parce qu'elles savent qu'elles vont bénéficier de
l'aide de l'Etat ?
A partir de ce moment-là, un mixage de crédits permet à
des liaisons routières aussi importantes que les liaisons
aériennes de s'organiser.
M. Bernard Pons
.- Sur le principe, je n'ai pas d'observation
à formuler, mais peut-être sur la mise en pratique.
M. le Président
.- On pourrait imaginer dans le
schéma national d'aménagement du territoire la création
d'un fonds de ce type, les modalités de son financement étant
à déterminer.
M. Bernard Pons
.- Il y a déjà une certaine
péréquation. Des liaisons sont déjà amorties et
payent pour les autres.
M. Fernand Tardy
.- Il y a aussi des autoroutes qui ne sont pas
payantes.
M. Bernard Pons
.- Déclarer celles-ci payantes aujourd'hui
poserait un certain nombre de problèmes sur le plan politique. En tous
les cas, je ne serai pas le ministre qui prendra cette décision.
M. Félix Leyzour
.- Je me suis souvent interrogé sur
la situation de la France du point de vue circulation par rapport à
d'autres pays comme l'Espagne, l'Italie, l'Angleterre. Nous avons quand
même notre propre trafic et en même temps tout le trafic de transit
qui va du nord au sud. Cela nous pose des problèmes tout à fait
particuliers par rapport à d'autres pays. Je ne sais pas si cette
réflexion est fondée.
M. Bernard Pons
.- Cette réflexion est fondée. C'est
valable pour la Suisse, l'Autriche et d'autres pays.
M. Félix Leyzour
.- Sur le problème des liaisons
entre les villes moyennes soulevé par le Président, je suis tout
à fait d'accord avec cette idée qu'il faut trouver des liaisons
qui ne soient pas forcément du type autoroutier classique. Nous en avons
fait l'expérience en Bretagne et 4 voies n'ont pas tout à fait le
caractère d'autoroute. Leur réalisation coûte moins cher et
cela permet de les réaliser dans de bonnes conditions et d'avoir un bon
maillage à partir des axes de caractère autoroutier.
Je ne connais pas la différence de coût entre une 4 voies et
l'autoroute de type classique.
M. Bernard Pons
.- Je ne peux pas répondre sur la
différence de coût. Le vrai problème est celui de la
sécurité. L'infrastructure autoroutière est 4 fois
plus sûre que l'infrastructure normale. A l'heure actuelle, nous
travaillons sur des structures autoroutières qui seraient moins
coûteuses et qui respecteraient les normes de sécurité
indispensables. Dans le plan routier breton, qui remonte à de nombreuses
années, qui fait que vous êtes une des régions les plus
privilégiées de France...
M. Félix Leyzour
.- Et les plus péninsulaires...
M. Bernard Pons
.- ... même si vous ne le reconnaissez pas
toujours, la Bretagne est toujours bien servie, alors qu'elle a une avance
considérable. Mais tant mieux pour elle.
M. Félix Leyzour
.- Elle a elle-même fait un effort
considérable.
M. Bernard Pons
.- Tout à fait. A l'époque où
nous avons fait ces deux fois deux voies, les normes de sécurité
n'étaient pas tout à fait ce qu'elles sont aujourd'hui. Je
rendais compte ce matin au Conseil des ministres du bilan de la
sécurité routière pour 1996. Nous avons obtenu en 1996 le
bilan le meilleur depuis 25 ans. Nous avons beaucoup moins d'accidents,
beaucoup moins de blessés, beaucoup moins de tués. Nous avons
épargné 323 vies, mais nous sommes encore au-dessus de 8.000
morts.
On s'aperçoit que si les accidents diminuent sur les autoroutes, s'ils
diminuent en ville, ils augmentent en rase campagne et en particulier sur les
routes départementales la nuit : ce sont les véhicules seuls et
les deux causes principales sont l'alcool bien sûr et la vitesse
excessive.
Pour en revenir au problème que vous posez, sur les grands axes
autoroutiers, à l'heure actuelle notre priorité est d'essayer de
faire des choses à moindre coût, mais en respectant les
problèmes de sécurité.
M. Félix Leyzour
.- Je suis tout à fait d'accord,
mais parfois des 4 voies bien aménagées, en mettant l'accent
sur la sécurité, permettent de mieux irriguer les territoires. Il
ne suffit pas de passer dans une région.....
M. Bernard Pons
.- C'est comme la circulation sanguine...
M. le Président
.- Le seul problème c'est qu'elle
doit être aussi à péage. Sinon, compte tenu des
problèmes budgétaires, vous risquez de ne pas les voir avant
longtemps, et le problème consiste à mettre au point un
système d'autoroutes concédées allégées, de
façon à relier ces villes moyennes que sinon, nous aurons
beaucoup de mal à faire entrer dans le schéma.
M. Bernard Hugo
.- Vous avez dit, monsieur le Ministre, qu'il
fallait combler la lacune du schéma actuel. J'ai bien entendu aussi que
les enclavements résiduels devaient être réduits. Ces deux
phrases ont fait tilt.
Vous connaissez la vallée du Rhône et la saturation du trafic,
saturation qui va atteindre un nombre de jours de plus en plus grands. Il y a
une alternative que vous connaissez, qui va de la région Lyonnaise
à Narbonne, reliant l'Espagne à la Suisse et le Sud de
l'Allemagne, et qui passe à travers le département de
l'Ardèche. C'est l'A 79, puisqu'elle relie l'A 7 et l'A 9. Nous y sommes
très attachés.
J'ai retenu dans votre exposé que toutes les consultations vont se faire
relativement lentement. Je croyais que cela irait un peu plus vite. Pouvez-vous
donner des précisions sur le fait que cette autoroute pourrait
être aussi dans vos cartons ?
M. Bernard Pons
.- Elle l'est.
M. Christian Leyrit
.- Effectivement, comme je l'indiquais ce
matin c'est l'un des sujets très important. Actuellement, dans le cadre
du schéma actuel, il y a deux grands itinéraires nord-sud en
cours de réalisation. Clermont-Béziers est financé
à 100 % par l'Etat et sera terminé vers 2001 et Grenoble-Sisteron
sera terminé beaucoup plus tard.
Nos études intermodales montrent qu'effectivement à l'horizon
2010-2015 ces deux itinéraires ne seront pas suffisants et qu'il sera
probablement nécessaire de réaliser une infrastructure de ce
type. Ceci doit être vu dans la continuité, même si les
problèmes sont totalement distincts du problème de
l'agglomération lyonnaise où le ministre a décidé
un contournement Ouest de Lyon. Actuellement est en cours d'étude un
grand itinéraire qui passe à l'ouest de Lyon, desservant
l'Ardèche, Alès, pour aller vers Narbonne.
Les études socio-économiques sont bien avancées et le
dossier qui pourrait permettre de soutenir un débat sur les avantages et
inconvénients de cette solution sera prêt vers le mois de juin de
cette année. Ensuite, la question se posera de savoir à quel
moment ce débat pourra être lancé. Mais les études
progressent bien.
M. François Gerbaud
.- J'ai été votre
prédécesseur à l'endroit où vous êtes. Vous
indiquez les orientations européennes sur notre territoire. J'ai
notamment donné le chiffre du dépassement de ce qui était
prévu en matière de circulation de marchandises. On a
parlé de 900 milliards de tonnes l'an passé et de 1800 milliards
pour les passagers.
A l'évidence, et quels que soient les efforts considérables que
vous venez de souligner, sans aucune comparaison avec le passé, nous
n'allons pas dans l'immédiat courir après la satisfaction d'un
besoin qui pourra priver les besoins connexes de rabattement que l'on pourrait
appeler, ceux qui vont se trouver dans le réseau routier et non pas
autoroutier de ce que l'on peut appeler la bretelle, c'est-à-dire cette
partie de la France qui se trouve entre la " Banane bleue "
comme
disent les aménageurs du territoire et l'arc atlantique.
Il y a une zone qui risque, parce qu'elle n'est pas encore suffisamment
irriguée, de rester à côté des besoins qui
s'expriment et de leur priorité. N'y a-t-il pas un risque à terme
à ce que la satisfaction des urgences contredise quelque peu, quel que
soit le volume des efforts, la politique d'aménagement du
territoire ?
M. Bernard Pons
.- Je n'ai pas très bien compris.
M. François Gerbaud
.- En matière de fret, comme en
matière de transports de personnes, les besoins vont être
considérables. Vous avez mis les moyens en place pour répondre
à ces besoins, mais ils vont aller plus vite en croissance que nos
possibilités d'y répondre. De ce fait vont subsister des
priorités sur les parties déjà équipées par
rapport aux parties qui ne le sont pas.
Comment dans cette affaire, et dans la perspective d'une mobilité du
schéma directeur autoroutier, pouvoir intégrer les zones qui
peuvent être effectivement laissées pour compte par rapport
à la réalité des besoins à satisfaire ?
M. Bernard Pons
.- Dans les travaux qui se sont déjà
déroulés dans le passé, la préoccupation qui vous
anime a été prise en compte. Le maillage qui va exister sera
suffisamment dense et poursuivi obligatoirement. C'est la loi. Elle
prévoit qu'aucune partie du territoire ne doit se trouver à plus
de 50 km d'un axe autoroutier.
M. Jean Bernard
.- Je trouve anormal que l'on paie les frais de
surveillance et de gendarmerie. Si nous prenons les voies banalisées,
nous sommes rappelés à l'ordre par les gendarmes, mais quand nous
prenons l'autoroute il y a une surtaxe au bénéfice de la
gendarmerie.
M. Bernard Pons
.- Vous venez d'obtenir satisfaction. Le Conseil
d'Etat vient de casser la décision.
M. Christian Leyrit
.- Le Conseil d'Etat a annulé le mode
de perception. La dépenses ou la recette correspondante pour la
gendarmerie est de l'ordre de 600 MF. Le Gouvernement
réfléchit au moyen de la rétablir sous une forme un peu
différente, mais juridiquement plus correcte.
M. Bernard Pons
.- Cette affaire nous donne satisfaction.
Jusqu'à nouvel ordre, c'est nous qui payions. Nous payions 600 MF et
nous n'avions aucun moyen -nous ministère de l'Equipement, et donc la
collectivité- pour donner des instructions pour que les forces de
gendarmerie soient plus présentes ici ou là. Cela nous
échappait totalement.
Dans ce cas, autant que cela nous échappe financièrement.
M. le Président
.- Il ne vous reste plus qu'à
satisfaire la majorité. Monsieur le ministre, merci. Vous avez fait
passer un souffle. Nous avions eu l'impression que votre coeur était
dans un wagon. En vous écoutant, nous avons le sentiment que votre coeur
est aussi dans un camion. Ce qui nous a rassurés.
Mesdames et messieurs, je saisis cette occasion pour remercier Monsieur le
Directeur des routes qui a été avec nous toute la journée.
Nous avons eu le sentiment que la Direction des routes avait la situation bien
en main.