2. Une entrée prudente dans l'ère du numérique
Aussi étonnant que cela puisse paraître,
le
Japon semble entrer dans l'ère du numérique avec
circonspection
. Les investissements très importants effectués
dans la technologie TVHD, en passe d'être abandonnée au profit du
numérique, expliquent sans doute une préparation à la
transition de l'analogique au numérique davantage inspirée par la
conscience du caractère inéluctable et irréversible de
cette évolution que par une adhésion enthousiaste et
mobilisatrice. C'est pourquoi, les principaux vendeurs de produits audiovisuels
NEC ou Sony essaient-ils toujours de vendre des appareils de réception
en TVHD.
Le numérique semble par ailleurs susciter moins de débats qu'en
Europe. Sur le plan audiovisuel, le Japon est très perméable aux
programmes étrangers, américains surtout, mais également
européens et français. Les programmes diffusés par des
satellites de réception directe sont étrangers dans une
proportion de 70 à 80 %.
a) Le numérique, une défaite technologique pour le Japon
Le Japon avait élaboré un système de
haute définition de 1 125 lignes (au lieu du NTSC à
525 lignes), à partir duquel avait été mise au point
une norme de transmission par satellite dite " MUSE ". Fort
de
l'appui de ses industriels et de sa puissante chaîne publique NHK, il
tenta de convaincre le monde entier d'adopter son procédé afin de
pouvoir dominer le marché de fabrication du matériel de
production et celui de la nouvelle génération de
récepteurs destinés à recevoir la TVHD. Devant la menace,
les Européens réagirent pour mettre au point leur propre norme.
La stratégie européenne consista alors à améliorer
le standard existant de la famille Mac Paquet, qui reste en 625 lignes
mais permet de diffuser une image de meilleure qualité et
d'émettre en sons stéréophoniques (4 à
6 pistes), en plusieurs langues avec possibilités de sous-titrage.
Les Européens voulaient ainsi adapter progressivement le matériel
de réception (postes et antennes) à l'évolution des
normes, tandis que les Japonais préféraient pouvoir changer
l'intégralité du parc de récepteurs devenu obsolète
grâce à " MUSE ".
L'enjeu était de taille pour l'industrie européenne de
l'électronique grand public, pour le commerce des images et des
programmes. Mais en se lançant dans le numérique, les
Américains modifièrent la donne en rendant cette approche
dépassée tout en obligeant Japonais et Européens à
changer de stratégie.
C'est pourquoi, en 1994, le Japon renonçait à la norme de
diffusion MUSE et se ralliait au numérique. La même année,
industriels et pouvoirs publics européens s'engageaient à
promouvoir une norme numérique européenne pour la TVHD ; le
programme européen Eurêka décidait d'investir
1,7 milliard de francs dans ces nouvelles technologies. Celles-ci
respectent les spécifications du projet DVB de diffusion
numérique (Digital Video Broadcasting).
Ce dernier projet, élaboré en 1993, réunit plus de
200 diffuseurs, opérateurs de satellites et industriels du monde
entier. Il travaille à la définition de normes de diffusion
numérique pour tous les supports. Le DVB a approuvé des normes de
transmission standardisées pour toute l'Europe concernant le câble
et le satellite. C'est la première fois depuis l'instauration des
procédés PAL et SECAM qu'il existe une norme valable à
l'échelle du continent européen.
Après s'être entendues sur des normes de transmission câble
et satellite communes à toute l'Europe, les 140 entreprises participant
au DVB ont conclu un accord en septembre 1994 sur les caractéristiques
du contrôle d'accès.
Cet accord doit permettre aux téléspectateurs européens de
recevoir potentiellement toutes les chaînes européennes. Cette
opération est un succès pour l'Europe puisque cette unification
des normes est la première du genre. Les États-Unis, le Canada et
le Japon s'apprêtent à imiter cette attitude.