Rapport n° 214: Saisir les opportunités du numérique en Asie
M. Jean Cluzel, Sénateur
Commission des Finances. Rapport 214 - 1996/1997
Table des matières
-
INTRODUCTION
-
I. LES PAYSAGES AUDIOVISUELS EN ASIE : DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
-
A. LA MATURITÉ DU DÉVELOPPEMENT DE L'AUDIOVISUEL AU JAPON
- 1. Un paysage audiovisuel à la veille de mutations profondes
-
2. Une entrée prudente dans l'ère du numérique
- a) Le numérique, une défaite technologique pour le Japon
- b) Une démarche prudente
- c) La fin du monopole public de la diffusion directe par satellite
- d) Les nouveaux bouquets numériques
- e) Les programmes étrangers diffusés par satellite au Japon
- f) Le numérique, occasion d'une alliance entre la télévision et la presse écrite ?
- 3. Le câble : un support qui se développe difficilement
- B. LES ATTRAITS ET LES HANDICAPS DU MARCHÉ AUDIOVISUEL EN CHINE
- C. LES INCERTITUDES ET LES ATOUTS DE L'AUDIOVISUEL À HONG KONG
- D. TAÏWAN : UN MARCHÉ AUDIOVISUEL À NE PAS IGNORER
-
A. LA MATURITÉ DU DÉVELOPPEMENT DE L'AUDIOVISUEL AU JAPON
-
II. PROPOSITIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRÉSENCE AUDIOVISUELLE FRANÇAISE
EN ASIE
- A. NE PAS SOUS ESTIMER LES OBSTACLES
- B. LE DÉVELOPPEMENT DU NUMÉRIQUE OFFRE DES OPPORTUNITÉS PROPICES A LA PÉNÉTRATION AUDIOVISUELLE FRANÇAISE
- C. SAISIR LES OPPORTUNITÉS
-
I. LES PAYSAGES AUDIOVISUELS EN ASIE : DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 214
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1996-1997
Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 6
février 1997.
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12
février 1997.
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) à la suite d'une mission effectuée en Asie (Japon, Chine, Hong Kong, Taïwan) du 9 au 23 septembre 1996,
Par M. Jean CLUZEL,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM.
Christian Poncelet,
président
; Jean Cluzel, Henri Collard,
Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM.
Philippe Marini,
vice-présidents
; Emmanuel Hamel, René
Régnault, Alain Richard, François Trucy,
secrétaires
; Alain Lambert,
rapporteur
général
; Philippe Adnot, Denis Badré, René
Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse
Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy
Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin,
Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude
Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel
,
Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel
Sergent, Henri Torre, René Trégouët.
__________
Audiovisuel.
-
Asie - Chine - Hong Kong - Japon - Taïwan -
Rapports d'information.
INTRODUCTION
Pourquoi étudier l'audiovisuel de quatre pays d'Asie
orientale ?
Vue de cet océan d'hommes, de cultures, de ses possibilités de
croissance, l'Europe paraît bien reléguée à
l'arrière-plan.
Il est vrai que notre pays est bien lointain, culturellement,
économiquement, voire politiquement.
La présence française, humaine, dans les quatre pays où je
me suis rendu, le Japon, la Chine, Hong Kong et Taïwan, est faible, comme
l'indique le tableau ci-après :
Pays |
Population totale |
Population française (e) |
Population francophone (e) |
Chine |
1,2 milliard |
2 400 |
100 000 |
Japon |
125 millions |
5 000 |
800 000 |
Taiwan |
21 millions |
2 500 |
34 000 |
Hong Kong |
6,3 millions |
5 000 |
100 000 |
(e) Estimation
Pourtant, comme vient de le confirmer le dernier rapport du Haut Conseil de la
Francophonie, la progression de l'enseignement du français ne se
dément pas. La France intrigue et intéresse ; son cinéma
fascine une partie de l'intelligentsia japonaise ; ses fictions
destinées au public adolescent s'exportent convenablement. Ce sont
même des Français qui ont créé, sur le modèle
de celui de Cannes, l'un des plus importants marchés de programmes
audiovisuels.
·
Notre production audiovisuelle existe. Elle est diversifiée.
Elle parait cependant trop franco-française, et frileuse.
· Notre diplomatie culturelle est en croissance continue. De plan de
développement en plan quinquennal, l'action audiovisuelle
extérieure demande toujours davantage de crédits afin
d'améliorer la couverture mondiale et la qualité de ses grilles
de programmes.
Ces deux constats m'ont, depuis quelques années, amené à
m'intéresser davantage à l'action audiovisuelle
extérieure
1(
*
)
, puisque l'avenir de notre
identité culturelle se joue en ce moment même sur la scène
mondiale.
La présence audiovisuelle dans ces quatre pays d'Asie orientale se
réduit encore à quelques opérateurs principalement publics
et à quelques exportateurs de programmes. Mais elle est discontinue, et,
par conséquent, peu efficace.
Afin d'en évaluer la stratégie, votre rapporteur spécial
des crédits de la communication audiovisuelle a effectué une
mission de contrôle dans quatre pays profondément dissemblables.
Quoi de plus différent en effet qu'un Empire, la Chine , un
État-nation, le Japon, une Cité-État, Hong Kong, et un
État en marge de la scène internationale malgré ses
réalisations économiques et ses progrès politiques,
Taïwan. De plus, ces pays ont des systèmes économiques
industrialisés et développés, libéraux et une
économie encore officiellement dirigiste et planifiée, avec des
systèmes politiques libéraux, semi-libéraux et
communiste ?
Les analyses se veulent modestes. Il s'agit de tirer les conséquences
des insuffisances ou des dysfonctionnements les plus patents, de mettre en
lumière les réalisations les plus significatives, d'attirer
l'attention des pouvoirs publics sur quelques opportunités qu'il
faudrait saisir.
Ce rapport n'aurait pu être rédigé sans les contributions
et analyses de nos attachés audiovisuels, MM. François Truffart
à Tokyo, et Mathieu Béjot à Hong Kong. De même,
l'intérêt et la réussite de cette mission leur doit
beaucoup. Qu'ils en soient ici remerciés.
I. LES PAYSAGES AUDIOVISUELS EN ASIE : DES ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES
A. LA MATURITÉ DU DÉVELOPPEMENT DE L'AUDIOVISUEL AU JAPON
Le Japon est le second plus grand marché de
télévision
- plus de 25 milliards de dollars de
chiffre d'affaires en 1995 (0,5 % du produit national brut) -
après les États-Unis
.
Il est composé principalement d'opérateurs hertziens
privés et d'un opérateur public, reçus par presque la
totalité des 43 millions de foyers qui disposent d'un
téléviseur (99 % des Japonais).
Les opérateurs utilisent la technologie NTSC 525 lignes.
Avec 3,8 postes en moyenne par foyer, le téléspectateur
japonais est
un gros consommateur audiovisuel
.
En 1994, chaque Japonais a regardé en moyenne la
télévision pendant 3 heures et 55 minutes par jour en
semaine, 4 heures et 24 minutes, le samedi, et 4 heures et
56 minutes, le dimanche. Les hommes l'ont regardée deux fois moins
que les femmes, sauf pour les plus de cinquante ans où la tendance se
réduit en semaine pour s'inverser le dimanche, jour où les hommes
retraités sont le plus longtemps devant leur téléviseur
(6 heures et 51 minutes). En moyenne, les jeunes de 20 ans et
moins (21 ans étant l'âge de la majorité) regardent
deux fois moins la télévision (3 heures par jour) que les
plus de 50 ans et, en semaine, que les femmes adultes. Les actifs hommes
(20-50 ans) doublent leur temps passé devant la
télévision. Entre la semaine et le week-end : de 35 à
49 ans, ils passent de 2 heures et demie à 5 heures et
12 minutes. Sur la même tranche d'âge, les femmes ne modifient
pas leur comportement (un peu moins de 5 heures par jour).
Le paysage audiovisuel japonais est relativement restreint
. Les six
opérateurs hertziens captent l'essentiel de l'audience. Le câble
connaît certes un succès grandissant depuis une timide
déréglementation, en 1993, avec un taux de progression annuel de
50 %, mais seulement un quart des foyers sont actuellement raccordés.
Enfin, le satellite n'a pas vraiment réussi à s'implanter
malgré quatre opérateurs et 12 millions d'abonnés.
Paradoxalement,
pour la télévision numérique, le Japon
reste un marché à conquérir.
Le pays compte 125
millions d'habitants, au revenu disponible par habitant le plus
élevé du monde. De plus, les Japonais sont très sensibles
aux innovations technologiques.
1. Un paysage audiovisuel à la veille de mutations profondes
Paradoxalement, le paysage audiovisuel japonais paraît relativement proche de celui de la France. Il est dominé par la télévision hertzienne, et six chaînes généralistes, le câble n'ayant pu effectuer sa percée. Il suscite également des convoitises de la part d'opérateurs qui s'apprêtent à lancer des bouquets numériques concurrents.
a) Un paysage télévisuel pluraliste et équilibré
Comme en France, le paysage audiovisuel du Japon est
dominé par six chaînes hertziennes généralistes.
Ce cadre est doublement original, d'une part en raison du statut de la
chaîne publique Nippon Hoso Kyokai (NHK) et, d'autre part, en raison des
particularités de l'économie de l'audiovisuel.
(a) La NHK
Le secteur public est le monopole de la NHK avec deux
chaînes nationales GTV-NHK1 (généraliste) et ETV-NHK3
(éducative). Ces deux chaînes offrent des décrochages
régionaux (54 stations en province).
La chaîne publique japonaise bénéficie d'un statut unique
au monde. Elle peut être assimilée à
une ORTF qui aurait
réussi
...
En effet, outre le fait qu'elle réunit dans une même
entité, qui emploie 16 000 personnes, 4 chaînes de
télévision et 3 programmes nationaux de radio, elle finance des
orchestres, dont la réputation n'est plus à faire, ainsi que des
troupes de théâtre. Elle assure une activité
d'édition non négligeable sur tous les supports.
En terme d'audience, les programmes hertziens de la NHK ont
réalisé, en 1994, à Tokyo, en moyenne 27 % de la part
d'audience totale des chaînes hertziennes. Cette part se maintient en
1995, en raison de la couverture du séisme de Kobé et de
l'affaire de la secte Aoum.
MXTV, une chaîne culturelle et de proximité, semi-privée
(financée par la municipalité et la chambre de commerce de la
capitale) diffuse depuis novembre 1995 sur le Kanto (région de Tokyo).
C'est aussi le cas d'une chaîne universitaire financée par le
Gouvernement japonais et qui dispense des enseignements à
distance : Hosodaigaku ou " Université des ondes ".
La NHK reste le premier diffuseur de programmes étrangers notamment sur
ses chaînes satellite, même s'ils ne représentent que
5 % de son temps d'antenne.
L'audiovisuel public japonais est presque exclusivement financé par
la redevance
(97 %), payée par 35 millions de foyers. Pour
l'année fiscale 1995, elle représentait 570,78 milliards de
yens (28,5 milliards de francs). Le reste du budget provient des recettes
des filiales du groupe, dont la vente de programmes.
La NHK collecte
elle-même la redevance, mais son budget est approuvé par la
Diète.
Le budget total, nettement supérieur à celui du secteur de
l'audiovisuel public en France, à périmètre comparable,
s'élève à 588,43 milliards de yens en 1995, soit
29,4 milliards de francs. Il finance l'intégralité des
activités de la NHK : production, diffusion - deux chaînes
hertziennes nationales de télévision, quatre chaînes de
radio dont une pour la diffusion internationale, une chaîne de
télévision internationale (TV Japan) - 27 bureaux à
travers le monde, la recherche (notamment sur la haute définition) et
les études. En 1995, la NHK employait 13 110 personnes.
Aucune publicité ou émissions parrainées ne sont
admises sur ses écrans.
Par ce mode de financement et ses missions,
elle se rapproche fortement de la BBC.
La redevance annuelle moyenne (plusieurs tarifs sont proposés en
fonction de la durée de paiement) est de 710 francs pour un poste
de télévision couleur et de 1 280 francs avec
l'abonnement aux programmes satellite. La gestion de la redevance
représente une charge estimée en 1996 à
3,83 milliards de francs (13 % des dépenses totales).
Les responsables de la NHK craignent qu'à l'avenir ce système
fondé sur la confiance soit mis à mal par de nouveaux
comportements : croissance forte des foyers à un seul individu
difficilement contrôlable puisque souvent absent du domicile ;
concurrence des nouveaux services payants qui incitent à payer seulement
ce que l'on souhaite regarder.
(b) Le secteur de l'audiovisuel privé au Japon
Le
secteur privé hertzien est dominant
, tant en
terme de chiffre d'affaires (74 % au total) qu'en part d'audience
(73 % de part de marché sur Tokyo). Il est aussi le plus ancien au
monde après celui des États-Unis. La première diffusion
d'une chaîne commerciale (NTV à Tokyo) date du 28 août
1953, trois ans après le vote de la
Broadcasting law
, qui a
autorisé les diffuseurs commerciaux. En fait, le secteur est
organisé en cinq réseaux de chaînes commerciales
régionales selon le système de la syndication. La loi interdit,
en effet, la possession de plusieurs stations par une même personne ou un
même organisme. Chaque réseau dispose de " stations
clés " à Tokyo : NTV, Fuji TV, TV Asahi, TBS, TV Tokyo.
Depuis 1994, NTV, du groupe Yomiuri, est devenue la chaîne japonaise la
plus regardée.
La seconde chaîne de chaque réseau est située à
Osaka avec respectivement : Yomiuri TV, Kansai TV, ABC, MBS et
TV Osaka.
A l'origine, ces chaînes se sont constituées en réseaux
d'actualités. Leur collaboration a été ensuite
étendue aux autres programmes. 98 % des programmes de prime time
sont diffusés sur l'ensemble du réseau. Chaque station dispose
d'une autonomie financière et de structures de production propres.
Certaines chaînes régionales sont indépendantes de ces
réseaux comme TVK (station de Yokohama).
Actuellement, il existe 123 sociétés privées de
télévision terrestre au Japon (48 en VHF et 75 en UHF)
dont 36 sont à la fois opérateurs de radio et de
télévision. S'ajoutant aux diffuseurs commerciaux du satellite et
du câble, 198 opérateurs constituent le secteur privé
de la diffusion au Japon. Ils sont réunis au sein de la très
puissante association des diffuseurs commerciaux : la NAB.
Le financement du secteur audiovisuel privé japonais est assuré
par des ressources publicitaires abondantes.
En 1995, les recettes publicitaires de la télévision
privée ont procuré un chiffre d'affaires de
1 755,3 milliards de yens (87,7 milliards de francs), soit
32,3 % des investissements publicitaires au Japon. Ceux-ci se montaient en
1995 à 5 426 milliards de yens (271,3 milliards de
francs), soit 1,13 % du PNB qui se chiffrait alors à
479 755,5 milliards de yens (23 987 milliards de francs).
De janvier à juin 1996, les recettes publicitaires du marché de
la télévision ont atteint 8,933 milliards de dollars.
Entre avril et septembre 1995, les recettes commerciales ont
représenté 80,9 % du revenu total des chaînes
privées (dont 33,6 % provenant du parrainage et 47,4 % des
spots publicitaires). 18 % du revenu provenaient de la production et de la
vente de programmes.
Le volume de publicité ne doit en aucun cas dépasser 18 % du
total de la diffusion hebdomadaire d'une chaîne commerciale.
L'implication des annonceurs et des sponsors dans la production audiovisuelle
explique en partie la faible part des programmes audiovisuels étrangers
diffusés sur les chaînes commerciales terrestres japonaises.
Elle favorise en effet la réalisation et la diffusion de programmes peu
coûteux (programmes de flux) en " prime time " d'une
qualité souvent médiocre. Le risque est nul puisque le programme
est rentabilisé avant sa diffusion. Les annonceurs qui participent au
financement d'un programme s'engagent pour des périodes plus ou moins
longues (saisons), à l'issue desquelles ils choisissent, en fonction des
résultats d'audience, de se maintenir ou de se retirer. C'est ainsi que
la production d'un feuilleton à épisodes peut aussi bien
être interrompue que poursuivie. Tournés en vidéo peu de
temps avant leur diffusion, ils intégrent des éléments
d'actualité capables de capter l'attention des
téléspectateurs.
b) La régulation de l'audiovisuel au Japon
Selon des spécialistes
2(
*
)
,
l'esprit d'autocontrôle qui anime les
opérateurs audiovisuels au Japon "
reste le trait le plus
marquant d'une civilisation audiovisuelle particulièrement
policée et responsable
".
Il est vrai que la tutelle des télédiffuseurs japonais est encore
du ressort du
ministère des Postes et
Télécommunications
, lequel, malgré le discours
libéral de rigueur,
dispose encore de puissants moyens
d'intervention
, ainsi que votre rapporteur a pu s'en rendre compte au cours
d'une audience accordée par le vice-ministre, M. Yamaguchi.
(1) L'autorégulation du secteur audiovisuel privé
Comme dans la plupart des pays mûrs sur le plan
audiovisuel, l'autorégulation est particulièrement
développée au Japon.
Elle est assurée par une association privée, la NAB,
National
association of commercial broadcasters in Japan
, constituée en 1951,
qui compte aujourd'hui environ 165 diffuseurs, télévisions et
radios, en majorité hertziennes, ainsi que l'opérateur par
satellite Wowow. Elle s'est donnée pour objectif d'assurer
l'autorégulation des médias, en les dotant d'un code
professionnel, de défendre et régler les problèmes
communs, comme les droits d'auteur ou les problèmes technologiques. Elle
prépare également un rapport sur l'avenir des modes de diffusion
au Japon, axé sur les enjeux du numérique.
Les représentants du NAB que votre rapporteur a pu rencontrer se sont
déclarés persuadés que l'ensemble des vecteurs de
diffusion seront numérisés dans les prochaines années. La
numérisation de la diffusion hertzienne pourrait, pour certains,
intervenir d'ici 2007 ; pour d'autres en revanche, elle arriverait plus
tôt.
Toutefois, des représentants du groupe Sony ont, au cours d'un entretien
suivi d'une visite des locaux et de la démonstration des technologies
d'avant-garde (
notamment une télévision en relief, sans port
de lunettes spéciales
), jugé que le numérique
terrestre ne serait pas opérationnel avant dix ans.
2. Une entrée prudente dans l'ère du numérique
Aussi étonnant que cela puisse paraître,
le
Japon semble entrer dans l'ère du numérique avec
circonspection
. Les investissements très importants effectués
dans la technologie TVHD, en passe d'être abandonnée au profit du
numérique, expliquent sans doute une préparation à la
transition de l'analogique au numérique davantage inspirée par la
conscience du caractère inéluctable et irréversible de
cette évolution que par une adhésion enthousiaste et
mobilisatrice. C'est pourquoi, les principaux vendeurs de produits audiovisuels
NEC ou Sony essaient-ils toujours de vendre des appareils de réception
en TVHD.
Le numérique semble par ailleurs susciter moins de débats qu'en
Europe. Sur le plan audiovisuel, le Japon est très perméable aux
programmes étrangers, américains surtout, mais également
européens et français. Les programmes diffusés par des
satellites de réception directe sont étrangers dans une
proportion de 70 à 80 %.
a) Le numérique, une défaite technologique pour le Japon
Le Japon avait élaboré un système de
haute définition de 1 125 lignes (au lieu du NTSC à
525 lignes), à partir duquel avait été mise au point
une norme de transmission par satellite dite " MUSE ". Fort
de
l'appui de ses industriels et de sa puissante chaîne publique NHK, il
tenta de convaincre le monde entier d'adopter son procédé afin de
pouvoir dominer le marché de fabrication du matériel de
production et celui de la nouvelle génération de
récepteurs destinés à recevoir la TVHD. Devant la menace,
les Européens réagirent pour mettre au point leur propre norme.
La stratégie européenne consista alors à améliorer
le standard existant de la famille Mac Paquet, qui reste en 625 lignes
mais permet de diffuser une image de meilleure qualité et
d'émettre en sons stéréophoniques (4 à
6 pistes), en plusieurs langues avec possibilités de sous-titrage.
Les Européens voulaient ainsi adapter progressivement le matériel
de réception (postes et antennes) à l'évolution des
normes, tandis que les Japonais préféraient pouvoir changer
l'intégralité du parc de récepteurs devenu obsolète
grâce à " MUSE ".
L'enjeu était de taille pour l'industrie européenne de
l'électronique grand public, pour le commerce des images et des
programmes. Mais en se lançant dans le numérique, les
Américains modifièrent la donne en rendant cette approche
dépassée tout en obligeant Japonais et Européens à
changer de stratégie.
C'est pourquoi, en 1994, le Japon renonçait à la norme de
diffusion MUSE et se ralliait au numérique. La même année,
industriels et pouvoirs publics européens s'engageaient à
promouvoir une norme numérique européenne pour la TVHD ; le
programme européen Eurêka décidait d'investir
1,7 milliard de francs dans ces nouvelles technologies. Celles-ci
respectent les spécifications du projet DVB de diffusion
numérique (Digital Video Broadcasting).
Ce dernier projet, élaboré en 1993, réunit plus de
200 diffuseurs, opérateurs de satellites et industriels du monde
entier. Il travaille à la définition de normes de diffusion
numérique pour tous les supports. Le DVB a approuvé des normes de
transmission standardisées pour toute l'Europe concernant le câble
et le satellite. C'est la première fois depuis l'instauration des
procédés PAL et SECAM qu'il existe une norme valable à
l'échelle du continent européen.
Après s'être entendues sur des normes de transmission câble
et satellite communes à toute l'Europe, les 140 entreprises participant
au DVB ont conclu un accord en septembre 1994 sur les caractéristiques
du contrôle d'accès.
Cet accord doit permettre aux téléspectateurs européens de
recevoir potentiellement toutes les chaînes européennes. Cette
opération est un succès pour l'Europe puisque cette unification
des normes est la première du genre. Les États-Unis, le Canada et
le Japon s'apprêtent à imiter cette attitude.
b) Une démarche prudente
Le ministère japonais des Postes et des
Télécommunications devait préciser au mois d'avril 1996 le
calendrier de la numérisation des techniques de diffusion des programmes
audiovisuels japonais. A la demande de la NAB, association des diffuseurs
privés hertziens, cette annonce a été reportée
à 1997. S'il est acquis que les autorités japonaises souhaitent
la numérisation à terme de l'ensemble des moyens de diffusion, sa
planification fait encore l'objet de négociations avec l'ensemble des
opérateurs. Pour le Japon, le passage à l'ère du
multimédia et du numérique ne doit pas mettre en péril les
acteurs existants :
1. Les réseaux câblés seront
déséquilibrés et risquent d'être distancés en
raison de l'attrait de la réception directe. Les responsables de ce
secteur estiment donc nécessaire d'accélérer leur
modernisation et leur capacité à offrir des services
spécifiques de télécommunication.
2. La NHK, qui dispose d'un parc de 10 millions de décodeurs
analogiques spécifiques, souhaite le maintenir et reste prudente face
à une numérisation trop rapide. A court terme, elle n'envisage
pas une offre numérisée de ses programmes satellite. Elle
continue de privilégier la Haute Définition et ses
capacités de réception en travaillant sur la mise au point de
nouveaux écrans plats.
3. Les chaînes commerciales hertziennes ne veulent pas que le passage au
numérique menace leurs ressources. Elles comptent sur la
généralisation des systèmes de réception analogique
pour maintenir leur part de marché. En conséquence, elles ne sont
pas opérateurs des nouveaux bouquets satellite, même si certaines
d'entre elles participent au financement de certains programmes.
La numérisation de l'audiovisuel au Japon devrait donc
s'opérer avec prudence et en douceur
avec une période de
transition pour chaque moyen de transmission, en analogique et en
numérique. S'il est certain que le processus de numérisation est
d'ores et déjà engagé pour le câble et les
satellites de télécommunication, il reste à définir
les dates de changement pour les satellites en diffusion directe et la
diffusion terrestre. Nul doute que
l'analyse des résultats de la
première expérience multi-chaînes par satellite (PerfecTV!)
comptera pour beaucoup dans le choix des experts du ministère.
c) La fin du monopole public de la diffusion directe par satellite
(1) Un monopole public depuis 1987
L'opérateur public NHK a conservé longtemps le
quasi-monopole de la diffusion directe par satellite, en offrant depuis juillet
1987 et après trois années d'expérimentation deux
chaînes :
BS1
(information internationale - dont le
journal télévisé de 20 heures de France 2 -
et sport),
BS2
(divertissement, musique et cinéma).
Au 1er novembre 1996, près de 7,9 millions de foyers
s'étaient abonnés (plus de 60 000 en un mois), dont
720 000 à Tokyo. NHK-BS a bénéficié durant
l'été 1996 de la retransmission 24 heures sur 24 des Jeux
Olympiques d'Atlanta.
Le secteur privé a accès à la diffusion directe par
satellite depuis avril 1991, grâce à la société JSB,
opérateur de la première chaîne cryptée japonaise
Wowow
construite sur le modèle de Canal + (sports et films).
L'opérateur JSB, conglomérat créé par les pouvoirs
publics, réunit 264 sociétés représentant des
opérateurs hertziens, des studios et des industriels de
l'électronique (Sony, Matsushita). Cependant, avec deux millions
d'abonnés, l'opérateur n'a toujours pas réussi à
rentabiliser son activité.
Depuis novembre 1994, une quatrième chaîne est venue
compléter ce bouquet :
BS9
. Il s'agit d'une chaîne en
haute définition (1 125 lignes) dont la programmation est
partagée par la NHK (47 heures hebdomadaires) et
7 chaînes terrestres privées (30 heures par semaine).
Elle répond à la nécessité de soutenir le
marché des téléviseurs construits selon la norme MUSE, qui
équipait 550 000 récepteurs en décembre 1996.
Ces quatre programmes de télévision sont complétés
par la diffusion de chaînes de radio thématiques en
numérique (PCM-Pulse Code Modulation) produites par la
société St GIGA (Satellite Digital Audio Broadcasting Co). Ce
mode de diffusion est aussi utilisé par deux autres satellites de
communication et proposé par abonnement en réception directe ou
sur certains réseaux câblés.
Ces programmes sont installés sur le satellite BS-3N qui, depuis 1994, a
remplacé le satellite BS-3B.
Une nouvelle génération de
satellites est programmée à partir de 1997
. Un premier
satellite BS 4 sera alors lancé, suivi entre 1998 et l'an 2000 par
un second. Il est prévu que la NHK et JSB transfèrent, dès
1997, leurs programmes satellite sur BS 4. Alors, BS 3 accueillerait
le signal de plusieurs chaînes commerciales terrestres, pendant une
période de transition. A terme, l'ensemble de ces opérateurs
devrait se retrouver sur les satellites BS 4. La gestion des satellites
est assurée par la société BSS (Broadcasting Satellite
Systems Corp.), filiale commune de la NHK et de JSB.
Le plan de développement de la télévision directe par
satellite pourrait être modifié en raison d'une évolution
rapide du marché des chaînes diffusées par satellite de
communication. C'est ainsi que, programmé à l'origine pour une
diffusion en analogique, le second satellite de la nouvelle
génération BS 4 retransmettrait les programmes en
numérique.
En septembre 1996, 2,202 millions de foyers disposaient d'un
décodeur pour regarder Wowow, soit 5 % de la population.
L'exclusivité des droits de retransmission de l'Euro 96,durant
l'été 1996, a permis à la chaîne d'enregistrer une
hausse importante du nombre de ses abonnés. Wowow espère attirer
2,34 millions d'abonnés en mars 1997, malgré la nouvelle
concurrence du bouquet numérique PerfecTV ! JSB a annoncé en
décembre 1996 son souhait de proposer, dès 1997, le
programme sur une des nouvelles plates-formes numériques, en
plaçant le signal sur un satellite de communication.
(2) La législation sur la diffusion par satellite au Japon
Comme en Europe, les opérateurs intéressé
par ce marché sont des ensembliers de programmes. Ils offrent des
capacités satellitaires à différentes chaînes et
assurent une cohérence commerciale et technique pour leur diffusion
auprès des téléspectateurs. Ils sont
rémunérés en percevant en moyenne 30 % du prix de
l'abonnement aux différents services, ce qui constitue une redevance
très élevée. La société J-SAT loue les
transpondeurs et négocie directement avec les opérateurs.
Une même société ne peut contrôler plus de 12
chaînes d'un bouquet. Cette limitation s'applique également
à toute société actionnaire de plus de 10 % des parts
d'un diffuseur. Chaque chaîne doit au préalable être
agréée par le Ministère des Postes et des
Télécommunications. Le capital de la société
opérateur de satellite doit être détenu à plus de 80
% par des ressortissants japonais.
d) Les nouveaux bouquets numériques
Trois grands projets de services multi-chaînes par
satellite, en compression numérique, visant le seul marché
japonais, sont annoncés pour 1997-1998 : PerfecTV !, DirecTV Japan
et JSkyB.
Une telle offre de programmes suppose une révolution du comportement des
consommateurs très fidèles aux chaînes hertziennes
existantes
. Elle suppose, également, d'autres changements
d'habitudes. En raison de la pénurie de programmes, le marché de
la location de cassettes vidéo est extrêmement
développé.
Le succès des nouveaux services de télévision payants
dépend en effet de leur attrait pour justifier des abonnements
supplémentaires, des transferts d'abonnement. C'est le cas de
téléspectateurs qui, jusqu'alors, se contentaient des programmes
des chaînes hertziennes publiques et privées, de la location
vidéo et, pour certains, des chaînes diffusées par
satellite en mode analogique. Les services interactifs et multimédia
devraient jouer un rôle décisif pour faciliter le succès
des nouveaux opérateurs. L'émiettement induit de l'audience
devrait aussi avoir des conséquences sur les ressources publicitaires du
secteur.
Une concentration des opérateurs est donc probable dans les
années à venir.
·
PerfecTV !
Le premier service de diffusion en numérique a été
lancé le 1er octobre 1996. Il proposait, dans un premier
temps, 62 chaînes de télévision, dont 9 en paiement
à la séance (en collaboration avec le studio
cinématographique Shochiku) et une centaine de programmes de radio. Pour
le moment, seules BBC World, une chaîne en coréen et une
chaîne en portugais constituent les programmes diffusés en langue
étrangère.
En avril 1997, le service offrira une centaine de programmes
télévisés.
Le capital de PerfecTV ! (550 millions de francs en août 1996)
est détenu par quatre sociétés de commerce japonaises et
la société Japan Satellite Systems (J-SAT) propriétaire du
satellite JCSAT-3, utilisé par le bouquet. Les cinq
sociétés possèdent chacune un peu moins de 14 % des
parts. On note la présence dans le capital de l'opérateur, outre
le propriétaire du satellite, Japan Satellite Systems, de grandes
entreprises du secteur des télécommunications, de l'audiovisuel
ou de l'informatique (Sony, NEC, NTT, Sharp, Toshiba), mais également
une vingtaine d'autres sociétés.
Le coût du matériel de réception
(décodeur/décompresseur et antenne) est de 3 850 francs
(2 750 francs jusqu'au lancement). Le coût d'abonnement de base
(21 programmes) sera de 2 990 yens par mois (150 francs).
Le boîtier de décompression/décodeur est fourni par sept
industriels. PerfecTV ! étudie l'utilisation à venir du
logiciel Open TV, développé par Sun Micro System et Thomson
multimédia, permettant d'introduire des services interactifs.
Le plan de développement prévoit d'atteindre 300 000
abonnés dès la première année, et un million trois
ans plus tard. Le point d'équilibre est fixé à
3 millions d'abonnés. Ils sont attendus d'ici cinq ans. Les
premiers résultats (début janvier 1997) sont conformes aux
prévisions. Le jour de l'inauguration, 20 000 foyers étaient
abonnés, et le cap des 100 000 avait été franchi
dès le 2 décembre 1996.
En juillet 1996, PerfecTV ! estimait le coût de location annuel d'un
transpondeur entre 60 et 70 millions de yens (environ 3 millions de
francs). Ce prix pourrait descendre après le lancement du bouquet car
des incertitudes règnent sur les capacités de programmation de
certains opérateurs inscrits. Par ailleurs, PerfecTV ! est d'ores
et déjà en concurrence avec le projet nippo-américain
DirecTV.
· Les représentants de PerfecTV ! que votre rapporteur
a rencontrés l'ont assuré qu'ils bénéficiaient du
soutien du Gouvernement nippon face à ce dernier concurrent. Pour
autant, ils n'excluent pas une alliance avec Murdoch, dont le groupe pourrait
apporter une douzaine de chaînes sur les 30 que le bouquet
numérique compte proposer au printemps 1997. Cette alliance pourrait
n'être que provisoire, PerfecTV ! cherchant dans le même temps
à conclure une alliance avec DirecTV.
· DirecTV Japan
Annoncé pour la fin de l'année 1997, soit un an après
PerfecTV !, DirecTV, version japonaise du bouquet américain, compte
sur son savoir-faire pour concurrencer le premier bouquet. Cent chaînes
de télévision doivent être proposées sur un nouveau
satellite Superbird, dont le lancement est prévu durant
l'été 1997.
Société nippo-américaine, DirecTV Japan, est un
joint-venture entre Hugues Communications, Culture Communication Club
(chaîne de magasins de location vidéo), Dai Nippon Printing
(édition), Matsushita et Space Communications Corp. du groupe
Mitsubishi, propriétaire des satellites Superbird. Ce groupe est aussi
associé au projet par sa filiale de programmes Mitsubishi Corp., qui a
acquis les droits de diffusion numérique sur le Japon des catalogues de
films étrangers de la MGM et de Turner communication.
Le bouquet devrait offrir une majorité de programmes américains
en paiement à la séance, mais aussi d'autres chaînes
japonaises et internationales, notamment européennes.
Au début de 1997, les responsables du bouquet numérique
maintenaient leur désir de produire leur propre décodeur,
malgré les propositions de PerfecTV! de mettre en place un
système d'accès commun.
Cette situation ne va pas sans rappeler l'étaut du marché
français de la télévision numérique...
·
Star TV - JSkyB
L'entrée de Rupert Murdoch sur le marché japonais constitue la
plus grosse offensive jamais réalisée par un investisseur
étranger au sein de l'audiovisuel japonais.
Votre rapporteur n'a pu qu'être frappé par les réactions
suscitées par l'arrivée du groupe Murdoch
sur un
marché audiovisuel en définitive assez protégé et
culturellement homogène.
Il est vrai que
la stratégie de l'opérateur
australo-américain a été particulièrement
habile.
Précisant ses atouts ("
Nous sommes les premiers et,
à ce jour
3(
*
)
, le seul diffuseur en
numérique au Japon et nous sommes déterminés à
conforter notre avance
"), il a rappelé qu'il disposait des
moyens financiers adéquats (l'investissement nécessaire à
son projet se situe entre 300 et 400 millions de dollars), que nul ne pouvait
s'opposer à ses visées ("
Les cieux au-dessus de l'Asie
fourmillent de satellites capables de fournir ce service
" - la
diffusion par satellite - et qu'un satellite "
peut être mis en
orbite en l'espace de 18 mois
"). Dans le même temps, il a
donné aux autorités japonaises des garanties culturelles (il a
assuré qu'il "
avait le plus profond respect pour la culture du
Japon et son marché télévisuel
" et a
indiqué qu'il sera "
le seul diffuseur étranger à
fournir un service spécialement conçu pour le spectateur
japonais
", les autres diffuseurs se contentant, selon lui, de
reformater les produits existants en ajoutant ici ou là un sous-titrage
ou un doublage) et économiques (après avoir rappelé que,
sur les 28 canaux proposés par sa filiale britannique BSkyB, seuls 6 lui
appartenaient, il a annoncé que son bouquet serait ouvert aux meilleurs
opérateurs de programmes au Japon, et que leur participation serait la
condition du succès de JSkyB).
Estimant que la déréglementation en cours du secteur des
télécommunications japonaises ne laissait planer aucun doute sur
le fait que le temps était venu d'investir dans un bouquet de programmes
numériques au Japon, M. Murdoch a effectué une visite à
Tokyo, en juin 1996.
Cette visite a vivement inquiété les opérateurs que
votre rapporteur a rencontrés.
Pourtant, le groupe Murdoch a déjà un pied sur l'archipel nippon.
Disponible sur le Japon grâce au satellite Asiasat 2, le bouquet de
programmes asiatiques de News Corp. est, en effet, d'ores et déjà
proposé aux câblo-distributeurs. En juin 1996, 60 d'entre eux
(400 000 abonnés) reprenaient déjà les
programmes de Star Plus Japan Channel, la version japonaise de Star TV. News
Corp. espère signer avec 150 sociétés de
réseaux câblés d'ici un an. Dès le mois de
décembre 1996, Star Movies, une chaîne thématique de
cinéma payante, axée sur le cinéma asiatique et
américain, a été lancée. Ces premiers programmes
spécifiques préparent l'organisation d'un bouquet
numérique spécifique au Japon.
La pénétration du marché japonais s'est effectuée
en quatre étapes.
· Première étape : News Corp. s'associe, au printemps
1996, avec le leader japonais de l'édition de logiciels Softbank pour
une prise de participation dans la chaîne hertzienne TV Asahi.
· Deuxième étape : la société JSkyB est
officiellement créée le 16 décembre 1996, (News Corp.
et Softbank se partagent à égalité le capital de
départ qui se monte à 20 milliards de yens - un milliard de
francs). Conformément à la loi, JSkyB n'est qu'une plate-forme de
commercialisation de programmes par satellite.
Le groupe Sony vient, en
janvier 1997, de rejoindre JSkyB, ce qui a renforcé la
crédibilité de ce bouquet
.
Cette prise de participation dans JSkyB répond ainsi au souhait de Sony
d'être un véritable opérateur de la
télévision numérique au Japon et non pas simplement un
fournisseur de programmes et de matériel. Certes, Sony mettra à
disposition de JSkyB ses différents catalogues (musique et
cinéma), par l'intermédiaire d'une nouvelle filiale
créée par Sony Corp., Sony Music Entertainment (SME) et Sony
Pictures Entertainment (SPE). Par ailleurs, l'industriel produira le
matériel de diffusion et de compression pour la plate-forme, mais aussi
pour le bouquet américain de Murdoch (ASkyB). Mais le président
de Sony souhaite avant tout participer directement à la gestion
financière de JSkyB, en ayant un rôle décisionnel.
Avec cette nouvelle alliance, la concurrence entre les projets JSkyB et DirecTV
Japan se précise, contrairement aux souhaits du ministère des
postes et télécommunications japonais, qui prône des
ententes favorables au consommateur. Jusqu'ici considéré comme un
" outsider " de la télévision numérique, le
projet développé par News Corp. et Softbank au Japon se renforce
et devient un concurrent dangereux de DirecTV Japan soutenu par Hugues Corp.,
Mitsubishi et Matsushita. Au moment où Sony annonçait sa prise de
participation dans JSkyB, les responsables de DirecTV Japan confirmaient leur
souhait de produire, dès ce printemps, un décompresseur
particulier pour la réception de leurs futurs programmes.
· Troisième étape : News Corp. et Softbank doivent lancer,
en avril 1997, par l'intermédiaire d'une nouvelle
société,
Sky Entertainment
(dont ils sont actionnaires
respectivement à hauteur de 19,9 % et 81,1 %),
12 chaînes sur le satellite JC Sat 3 : Sky Music, Sky PC
(chaîne du multimédia produite par Softbank), Foxnews (adaptation
des actualités de Fox TV), Sky News (adaptation des
actualités de BSkyB et informations japonaises), Star + (version
japonaise de Star TV), Star Movies (Films indépendants asiatiques
et internationaux), Sky Movies (films commerciaux), Sky Action Movies
(cinéma d'action), Sky Kids (animation internationale), Sky Sports
(sport international et japonais), Sky 1 (divertissement international en
partie issu de Fox TV), Sky 2 (divertissement japonais,
comédies japonaises).
Ces douze chaînes seront disponibles sur la plate-forme de
PerfecTV ! au moment de l'augmentation de son offre. Ce choix
stratégique permet à JSkyB de tester ses programmes en profitant
de l'expérience du premier bouquet, d'éviter une concurrence
suicidaire dans un contexte d'explosion du nombre des chaînes, et de
désigner un seul ennemi, non pas japonais, mais américain :
Hugues et son projet DirecTV Japan. C'est pourquoi JSkyB souhaite
développer un décodeur commun avec PerfecTV !
· Enfin, le lancement, en avril 1998, du bouquet JSkyB, sur le nouveau
satellite JC Sat 4 (prévision 150 chaînes) marquera la
quatrième étape. Autour des douze premiers programmes, plus de
cent chaînes produites par des sociétés japonaises seront
ajoutées. JSkyB n'investira qu'à hauteur de 10 % dans ces
programmes. Elle lance un appel à tous les producteurs locaux et compte
notamment profiter de sa participation dans TV Asahi. Les systèmes
d'encodage et de cryptage devraient être similaires à ceux de
PerfecTV ! Par ailleurs, une seule antenne suffira pour recevoir les
programmes des deux satellites JC Sat et même de BS. Dans
l'hypothèse d'un maintien du nombre de chaînes sur JC Sat, le
spectateur se verra offrir la possibilité de recevoir au moins
260 chaînes, en concurrence avec le bouquet de DirecTV sur Superbird.
Parallèlement JSkyB construit un centre de diffusion satellite
géré par une nouvelle filiale Sky Service Entreprise (39,9 %
JSkyB - 61,1 % Softbank) qui produira un programme d'information
électronique.
L'entrée de Rupert Murdoch sur ce marché constitue la
première grande offensive d'un investisseur étranger dans la
télévision japonaise. Elle est suivie de peu par celle du groupe
allemand Bertelsmann.
Bertelsmann au Japon
Alors que l'opérateur allemand a abandonné ses
projets de développement en Europe, il a conclu, en novembre 1996, une
alliance avec la maison de commerce Mitsui, portant sur des échanges de
catalogues de programmes audiovisuels et multimédia.
Mitsui, un des cinq actionnaires du premier bouquet de télévision
numérique japonais PerfecTV !, prévoit la diffusion des
programmes du catalogue Bertelsmann sur ce service multi-chaînes en
numérique. Les deux sociétés réfléchissent
à une stratégie commune pour se développer sur le
marché de la télévision numérique par satellite en
Europe.
Cette coopération illustre parfaitement l'ouverture du Japon aux
intérêts étrangers et l'esprit d'échange
souhaité par les acteurs économiques japonais.
Les diffuseurs analogiques ont diversement réagi à l'offensive
du groupe Murdoch.
· Depuis octobre 1996, les cinq chaînes de la plate-forme
analogique
CS Ban
sont reprises sur le bouquet numérique
PerfecTV ! Elles disposent donc de deux possibilités de
réception - analogique et numérique - grâce au
même satellite. CS Ban prévoit d'abandonner la diffusion
analogique en septembre 1998.
·
Skyport
, deuxième plate-forme analogique, disponible sur
le satellite Superbird B, a choisi d'apparaître comme un bouquet
numérique à part entière dénommé Sky D.
Celui-ci devrait offrir huit chaînes de Skyport ainsi que six programmes
déjà diffusés par le même satellite Superbird (Let's
Try, Green Channel...). Cette numérisation interviendra avant fin 1997
et le bouquet sera disponible à la fois sur Superbird et JS Sat. Chaque
chaîne aura toutefois la possibilité d'être
commercialisée parallèlement par des plates-formes
existantes : PerfecTV !, DirecTV ou JSkyB. Skyport ne souhaite donc
pas prendre le risque d'une exclusivité sur DirecTV compte tenu de la
concurrence qui sera très forte.
· Avec le lancement de la plate-forme PerfecTV ! en octobre
1996, JSB, l'opérateur de la chaîne cryptée
Wowow
,
diffusée par un satellite de communication, doit affronter une
concurrence sans précédent. Le " Canal +
japonais ", qui revendique 2,2 millions d'abonnés, a reconnu
qu'en octobre 1996, 11 000, puis au mois de novembre, 10 000
abonnés, ont résilié leur contrat. JSB, qui a perdu
78 milliards de yens depuis sa création, dispose d'une marge
d'action limitée pour fixer son prix d'abonnement, même si de
nouvelles formules de périodes gratuites sont proposées.
Récemment, une campagne a été lancée sur le
thème : "
Wowow : les meilleurs programmes
internationaux de cinéma, de sport et de divertissement sur une seule
chaîne
". La concurrence est d'autant plus vive que les
propriétaires d'une antenne permettant de recevoir les chaînes
diffusées sur les satellites BS peuvent aisément recevoir les
services de PerfecTV ! en ajoutant une tête sur la même
parabole.
Le président de JSB, M. Shoji Sakuma a annoncé en décembre
1996 que Wowow participerait à un bouquet numérique CS à
partir de l'automne 1997, sans préciser toutefois s'il s'agira de
PerfecTV !, DirecTV, ou JSkyB.
· Enfin, l'opérateur public
NHK
qui diffuse trois
programmes satellite BS, dispose d'un parc de dix millions de décodeurs
analogiques spécifiques. Il souhaite le conserver et reste prudent quant
à une numérisation trop rapide. La NHK n'envisage donc pas,
à court terme, une offre numérisée de ses programmes. Elle
continue de privilégier la haute définition et ses
capacités de réception en travaillant sur de nouveaux
écrans plats. Elle prépare, pour le printemps 1997, un document
de réflexion sur la numérisation de la diffusion, que ses
promoteurs souhaiteraient d'une portée comparable à celui
réalisé par la BBC au début de l'année 1996.
La NHK hésite encore sur la stratégie à suivre. Alors
qu'elle projette de lancer un quatrième satellite, elle n'a pas encore
choisi entre le mode analogique et le mode numérique, la décision
définitive revenant au ministère des Postes et des
Télécommunications. Ses investissements dans la TVHD, dans
laquelle 500 000 foyers ont investi, ne constituent pas un atout en faveur de
la numérisation.
e) Les programmes étrangers diffusés par satellite au Japon
Diffusés depuis octobre 1994 sur l'Asie, grâce au
satellite Apstar 1, les films et dessins animés du catalogue Turner
(
Turner Broadcasting System
) bénéficient d'emblée
d'une popularité importante auprès des Japonais, après une
diffusion régulière sur des chaînes nationales.
Déjà présent avec CNN, en diffusion directe ou en reprise
sur des réseaux hertziens, le groupe Turner compte utiliser ce capital
pour promouvoir TNT/Cartoon Network auprès des réseaux
câblés et du satellite. Cette implantation s'effectue au moment
où Time Warner investit dans de nouveaux réseaux
câblés avec le concours de sociétés japonaises.
Un
bouquet européen
est, par ailleurs, diffusé au Japon.
La double stratégie de reprise directe du signal depuis le satellite
asiatique (par les particuliers, les hôtels et les réseaux
câblés) et indirecte (rebond sur un bouquet japonais) s'offre
aussi aux cinq chaînes d'origine européenne, disponibles en
compression numérique depuis mai 1996 sur le satellite
Asiasat 2 : MCM, Deutsche Welle, TPE, RAI et TV5.
f) Le numérique, occasion d'une alliance entre la télévision et la presse écrite ?
Lors de sa visite dans les locaux de Fuji TV, votre
rapporteur a été vivement intéressé par
l'expérience du journal électronique de poche du quotidien
Sankei Shimbun
, qui lui a été présenté en
avant-première.
Depuis octobre 1996, les habitants de Tokyo et de sa grande banlieue peuvent
lire ce quotidien, l'un des grands journaux du Japon, dont le tirage
s'élève à 1,9 million d'exemplaires, sur un petit
récepteur électronique de poche de 180 g,
équipé d'un écran à cristaux liquides.
Les adeptes de ce " journal électronique " pourront le
consulter dans la rue, dans le train et où bon leur semble, le
récepteur offrant l'avantage de pouvoir être utilisé sans
passer chez son marchand de journaux et dans des endroits bondés
où déplier les pages d'un journal conventionnel sans
déranger son voisin tient d'une performance impossible.
Les nouvelles du jour sont automatiquement transmises au terminal de poche
chaque matin à 6 heures par l'intermédiaire d'un
décodeur relié à une chaîne de
télévision. L'utilisateur y trouvera également des
informations sur les spectacles, films, concerts, événements
sportifs et autres loisirs distribuées par le magazine
spécialisé Pia qui commercialise les billets.
La mise à jour quotidienne est effectuée par un opérateur,
Electronic News Service, par l'intermédiaire d'un décodeur au
domicile des abonnés qui reçoit les signaux nécessaires
sur la chaîne Fuji TV, elle-même filiale du groupe de presse Sankei
qui diffuse ces informations à Tokyo et dans six préfectures
voisines. Le décodeur les transmet alors au récepteur.
Tous les textes du journal
, soit quelque 500 000 caractères
chaque jour,
peuvent être consultés
sur le
mini-écran, mais pas les photos, lesgraphiques et la publicité.
Le récepteur mesure 18,5 cm de large et 16 cm de long. Il
coûte avec le décodeur 38 800 yens (350 dollars). Il
faut y ajouter 5 000 yens de frais de connexion au réseau et un
abonnement de 4 050 yens par trimestre. L'opérateur espère
vendre 50 000 récepteurs d'ici au printemps 1997 puis 50 000
autres au cours de l'année suivante.
Un service comparable a été lancé par le journal Mainichi
Shimbun. Il fait appel à la technologie des " organiseurs "
de
poche japonais dits " Zaurus " fabriqués par Sharp, dont les
fonctions de base sont de stocker des informations telles qu'adresses et
numéros de téléphone, mais dont les modèles les
plus récents sont équipés d'un écran couleur et
d'un modem intégré et qui peuvent même être
reliés sur Internet. La consultation quotidienne des nouvelles du
Mainichi est possible en reliant ces " organiseurs " par
téléphone à un serveur, mais la démarche est plus
complexe car il faut chaque jour procéder manuellement au transfert.
3. Le câble : un support qui se développe difficilement
Le bilan du câble est plus favorable lorsque l'on étudie la diffusion de la radio que lorsque l'on étudie la télévision.
a) Un échec relatif de la télévision par câble
Le Japon et la France partagent le même bilan pour
l'établissement et l'exploitation de réseaux
câblés.
Le câble au Japon accuse un retard important même si le nombre
d'abonnés augmente de façon régulière, en raison de
la création de nouveaux réseaux et d'une réglementation
plus souple : au 31 mars 1996, 3,01 millions de foyers
étaient abonnés aux 157 réseaux câblés
urbains (+ 36 % en un an). Le marché potentiel (foyers
raccordés) est estimé à 11,19 millions
(mini-réseaux compris).
On dénombre aujourd'hui 290 câblo-opérateurs, 60
chaînes câblées, 11 millions de foyers raccordés mais
seulement un tiers d'entre eux, abonnés. La moitié des foyers
sont équipés d'un décodeur spécial permettant de
décrypter les chaînes en option.
La plupart des hôtels ne sont pas encore reliés à un
réseau câblé urbain. Ils proposent à leur
clientèle qui reste majoritairement japonaise (hommes d'affaires
japonais), les programmes hertziens, en DBS, parfois quelques stations en
réception directe comme CNN, et un réseau interne en paiement
à la séance, le plus souvent pornographique.
La progression, lente, du nombre de prises s'explique, au Japon, par des
raisons proches de celles de la France. Les structures d'exploitations du
câble, privées, sont locales et les frais de raccordement du
câble sont à la charge des abonnés.
La situation du câble s'explique actuellement par la domination des
opérateurs terrestres
et, jusqu'en 1993, par une législation
défavorable qui
interdisait notamment à un même
opérateur de posséder plusieurs réseaux de diffusion
.
Les investissements importants nécessaires aux
câblo-distributeurs, la concurrence des programmes en diffusion directe
par satellite, et, jusqu'ici, le caractère peu attrayant des services,
continuent de fragiliser fortement le secteur.
La réglementation a été assouplie en 1993.
Désormais les opérateurs de télécommunication,
comme les chaînes de télévision hertziennes, les
sociétés de commerce ou les industries de l'électronique
peuvent investir dans le câble qui s'ouvre aussi plus facilement aux
investisseurs étrangers : alors qu'une société
étrangère ne peut détenir plus de 20 % du capital
d'un opérateur hertzien, cette part peut atteindre 30 % d'un
opérateur du câble.
Les zones d'exploitation sont étendues ; c'est ce qui explique qu'une
société peut exploiter plusieurs réseaux
géographiquement distincts. Les réseaux traditionnels en fibre
optique risquent néanmoins de souffrir de la nouvelle concurrence du
satellite.
Enfin, les opérateurs du câble sont autorisés à
diffuser des informations de télécommunication.
b) La forte diffusion de la radio par câble
D'une manière générale, le secteur de la
radio est organisé comme celui de la télévision. Sa
diffusion se fait en ondes moyennes (AM, 11 chaînes) et en modulation de
fréquence (FM, 47 stations).
La radio publique (NHK) dispose d'un réseau national en FM et de deux
réseaux en AM, ainsi que d'un programme international en ondes courtes
(radio Japon).
La radio privée est organisée en réseaux de chaînes
locales FM et AM. Certaines d'entre elles dépendent du même groupe
de communication. Quelques stations régionales sont indépendantes
comme les deux grandes stations FM de la capitale : J-WAVE ou
FM Tokyo. Les fréquences sont fortement
réglementées : en plus de la NHK, deux à trois
stations FM privées sont autorisées par région.
Exceptionnellement, en 1995 et 1996, le ministère des Postes et des
Télécommunications a octroyé trois nouvelles
fréquences FM pour des stations japonaises en langues
étrangères (principalement l'anglais) : radio Cocolo
à Osaka, Inter FM à Tokyo, ainsi qu'une station à
Sapporo.
La radio bénéficie au Japon de réseaux importants de
diffusion par câble sur l'ensemble du territoire, de programmes
numériques diffusés par satellites et de programmes
multi-chaînes diffusés en compression numérique (depuis
1996).
c) Le câble face au développement des bouquets numériques
A l'aube du lancement de bouquets pouvant offrir plusieurs
centaines de programmes, le Japon dispose d'ores et déjà de
chaînes thématiques (sport, news, cinéma, musique).
Certaines sont l'adaptation de programmes étrangers (BBC, CNN, MTV)
produits localement ou depuis le pays d'origine. Jusqu'en 1993, la loi
interdisait cependant la reprise directe des programmes diffusés par des
satellites de communication. Mais, depuis lors, les chaînes
diffusées par ces satellite et reprises sur les réseaux
câblés sont actuellement proposées en abonnement par deux
services de réception directe,
Skyport TV et CS Ban
. Le
taux d'abonnement reste faible.
Ces chaînes sont reprises par les satellites Superbird A & B,
gérés par SCC (Space Communication Satellite), filiale du groupe
Mitsubishi, et les satellites JC-SAT 1 & 2, gérés
par la société J-SAT (Japan Satellite System). La
réception directe de leurs programmes nécessite une antenne
parabolique de 60 à 75 cm. Ces deux sociétés sont
aussi en concurrence sur le marché des nouveaux bouquets
numériques.
La plupart des réseaux reprennent les chaînes hertziennes, par
ailleurs, proposées par les satellites, pour un coût bien moindre.
Au Japon, c'est donc le satellite qui paraît en mesure de gagner en se
développant en même temps que le câble et en proposant des
services comparables à des prix inférieurs.
L'opérateur local que votre rapporteur a rencontré, CTT-JCTA,
disposait d'un réseau de 75 000 foyers (140 000 personnes) dans le
quartier d'affaires de Minato-ku. Il présentait la particularité
de disposer d'un tiers d'abonnés étrangers, couvrant le secteur
où sont installées certaines ambassades. Particulièrement
inquiétant pour une société fondée à la fin
des années quatre-vingt (dont le capital est réparti entre des
maisons de commerce, des agences de voyage et...la NHK) et qui espère
être rentable prochainement est
l'échec de
l'expérimentation de la diffusion du téléphone sur le
câble
: alors que le seuil de rentabilité était
fixé à 80 %, seulement 30 % de demandes ont été
enregistrées.
Pour autant, les câblo-opérateurs ne s'avouent pas vaincus. Ils
considèrent irréalistes les perspectives d'abonnements
annoncées par les opérateurs de bouquets numériques,
compte tenu de la faiblesse du nombre d'abonnés aux bouquets
analogiques. Par ailleurs, les opérateurs qui diffusent sur satellite en
mode analogique devront gérer une phase délicate de transition et
convaincre leurs abonnés de changer de satellite, donc de
matériel de réception. Pour la NHK, il faudra choisir quelles
chaînes hertziennes seront diffusées sur le futur satellite
numérique. Enfin, le câble se numérise avec empressement
afin d'offrir dans les prochaines années plus de 300 chaînes.
La partie n'est donc pas encore jouée. En effet, alors qu'aux
États-Unis les satellites numériques reprennent des programmes
câblés, au Japon des programmes différents seront
présents sur le câble et sur le satellite. Cette configuration
inédite (l'Europe, et particulièrement la France semblant
s'orienter vers un troisième modèle, à mi-chemin, avec la
reprise des programmes hertziens et câblés, mais également
avec des chaînes spécifiques au satellite) rend difficile toute
prédiction sur la composition du paysage audiovisuel japonais au
début du siècle prochain...
Pour leur part, les autorités publiques se montrent toutefois
particulièrement optimistes en estimant que 60 % des foyers, soit 30
millions de personnes, seront abonnés d'ici à l'an 2010...
Pays parmi les plus développés, bénéficiant d'une
riche culture et d'une avance technologique incontestable, le Japon entretient,
avec l'Occident, des relations ambiguës où se mêlent
xénophobie latente et fascination pour l'étranger. L'audiovisuel
japonais, reflet de ces contradictions, n'est donc pas facile à
appréhender, donc à pénétrer...
B. LES ATTRAITS ET LES HANDICAPS DU MARCHÉ AUDIOVISUEL EN CHINE
Le développement de l'audiovisuel en Chine a
été fulgurant. Alors que le pays ne comptait que 3 millions de
récepteurs en 1978, on dénombrait en 1996 plus de 280 millions de
postes. Cette percée symbolise la mutation économique chinoise,
sa croissance effrénée et son désir d'ouverture
maîtrisée sur le monde.
Le public audiovisuel chinois est sans conteste le premier du monde
puisqu'en avril 1995, le nombre de téléspectateurs potentiels
était estimé à
852 millions de personnes
, soit
72 % de la population.
La couverture du territoire était assurée à 83,4 %
à la fin de 1994. Le territoire chinois est couvert par plus de
6 500 relais et stations émettrices de
télévision.
1. Un foisonnement d'opérateurs
Radio et télévision ont été
jusqu'au début des années quatre-vingt dix
contrôlées étroitement par le pouvoir politique. La
situation générale a changé depuis que le financement des
chaînes et stations est lié à un développement
économique et à des ressources propres.
L'audiovisuel n'a pas échappé à la mutation
économique de la Chine qu'un récent rapport de la commission des
Affaires économiques a qualifiée " d'expansion
sauvage "
4(
*
)
.
Le pouvoir contrôle différents types de produits : les
actualités, certains magazines, nomme les dirigeants et laisse certaines
activités se développer au gré des initiatives et des
besoins exprimés par le marché.
Les chaînes et stations sont donc en augmentation constante : outre
la chaîne nationale de télévision, CCTV, qui couvre
l'ensemble du pays, chaque province (Guangdong TV, BTV...) ou région
assimilée est dotée de sa station, de même que chaque
grande municipalité (Wuhan TV, Chengdu TV,...).
Cette croissance
crée d'énormes besoins de programmes audiovisuels que la
production nationale, voire régionale (Hong Kong, Taïwan) ne peut
arriver à satisfaire.
a) Les opérateurs de télévision
La Chine compte 766 télévisions diffusant
848 chaînes. Ce chiffre considérable cache des situations
très différentes. Il faut distinguer :
· le niveau national : CCTV (China Central TV) avec quatre
chaînes dont deux à diffusion nationale et internationale
(CCTV 1 et 2), une à diffusion régionale (CCTV 3),
une à diffusion internationale vers la diaspora chinoise
(CCTV 4) ;
La CCTV, fondée en 1958, émet en couleurs depuis 1973.
Par ailleurs, la CCTV a lancé en décembre 1995 quatre nouvelles
chaînes satellite, dont la CCTV 6, la chaîne cinéma qui
connaît un grand succès et présente deux films
étrangers par jour.
· le niveau provincial : chaque province dispose d'une
télévision avec plusieurs chaînes (ex. :
Shanghai : 5 ; Tianjin : 6 ; Sichuan : 2 ;
Guangdong : 4 ) ;
· le niveau municipal ou local : télévisions
créées par les municipalités ou les districts à
diffusion hertzienne.
Enfin le pays possède 1 054 chaînes câblées
locales d'importance diverse couvrant soit des agglomérations
entières, soit, de façon plus modeste un quartier, voire une
entreprise-unité de vie.
Cette multiplication des chaînes touche toutes les provinces, y compris
celles qui ne sont pas à la pointe du développement
économique. A titre d'exemple, la province du Heilongjiang (Nord-Est)
compte onze chaînes.
Toutes les chaînes sont publiques mais des chaînes privées
étrangères peuvent être reçues.
b) Une timide ouverture sur l'extérieur
L'accord annoncé par Rupert Murdoch entre Star TV et la
CCTV en vue de lancer une chaîne de télévision par
satellite en Chine a été démenti par le président
de la CCTV. Pourtant, l'une des chaînes du bouquet de Star TV,
Phoenix
, lancée le 31 mars 1996, qui émet en
mandarin, vise le marché chinois. Pour le conquérir,
l'opérateur a entrepris une vaste opération de séduction
des dirigeants chinois en mettant un bémol à son credo
libéral, en ne diffusant plus sur son bouquet la BBC, dont un
documentaire critique sur Mao a déplu à Pékin, en
éditant un livre de la fille de Deng Xiao Ping et, enfin, en signant un
accord de partenariat avec le Quotidien du Peuple.
L'autre chaîne est
CETV
, lancée en mars 1995, retransmise
par le câble. Avec des moyens financiers et techniques limités, la
chaîne a toutefois su forcer les portes de la Chine communiste en
adoptant une ligne éditoriale qui pourrait être aujourd'hui
considérée en Occident comme insipide avec l'absence de sexe, de
violence et d'informations.
Ces deux chaînes jouent donc la carte du
politiquement correct
, ce
qui leur permet d'être diffusées en Chine au prix de programmes
désuets. Correspondent-elles aux goûts des Chinois ? En
l'absence de mesures d'audience effective, il est impossible de
répondre. Toutefois le désir d'une grande partie des Chinois,
notamment ceux de la frange côtière, d'entrer de plain-pied dans
le monde consumériste moderne pourrait permettre d'en douter.
c) La radio
La Radio centrale couvre tout le territoire. Elle émet
aussi en de nombreuses langues étrangères par
l'intermédiaire de Radio Chine International qui présente en
38 langues dans le monde entier.
Au total, RCI diffuse 184,5 heures de programmes par jour dont des
informations grâce à son réseau de journalistes en province
et à l'étranger.
A l'identique du réseau des télévisions, on trouve des
radios à l'échelon régional et municipal. Parmi les
nombreuses radios locales, certaines ont signé des accords avec des
radios étrangères pour la diffusion d'émissions musicales.
Ainsi Easy FM, radio musicale à Pékin, est un joint-venture entre
la radio nationale chinoise et ABC (USA), sans oublier toutes les radios avec
lesquelles le studio du Consulat de France à Shanghai a collaboré
tant pour la diffusion d'émissions musicales que pour des cours de
français.
d) Des agences d'information
L'agence Xinhuashe (Agence Chine nouvelle),
créée en 1931, est l'agence d'information nationale. Elle
distribue des informations et des photographies à tous les journaux
ainsi qu'à toutes les radios, télévisions du continent.
Elle publie aussi des reportages dans plusieurs langues et possède des
correspondants dans de nombreux pays étrangers, soit un total de
106 agences.
L'agence Zhongxinshe (China News Service) fournit essentiellement les journaux
chinois d'outre-mer.
2. Un secteur de la diffusion et de la production audiovisuelles dynamique.
a) L'économie de la télévision chinoise
Pour surprenant que cela puisse paraître, les
téléspectateurs chinois ne paient pas de redevance et les
chaînes publiques sont essentiellement financées par la
publicité.
L'abonnement au câble est payant mais encore à un tarif
très bas, moins de 10 yuans par mois (6,50 francs).
La publicité est de plus en plus présente dans les programmes
audiovisuels. Sa diffusion fait l'objet d'un contrôle préalable
permettant de s'assurer qu'elle est "
conforme aux exigences de la
construction d'une civilisation socialiste
", comme le précise
la nouvelle loi sur la publicité entrée en application le
1er février 1995.
La majorité des télévisions chinoises vivent cependant de
leurs recettes publicitaires.
La CCTV, par exemple, qui exploite cinq chaînes, tire plus de 90 %
de son financement par la publicité.
L'essentiel de son chiffre d'affaires est réalisé par la
diffusion de messages publicitaires sur la première chaîne,
CCTV 1, sur laquelle une quinzaine d'écrans publicitaires sont
ouverts quotidiennement.
Pour la vente de ses espaces publicitaires, la CCTV a constitué une
régie intégrée qui définit la politique tarifaire
et fixe les conditions générales de vente. C'est avec la CCTV
qu'un accord a été signé par France Espace en
février 1996. En application de cet accord, la CCTV devait
concéder à France Espace Satellites la régie de ses
espaces de publicité et de parrainage pour l'Union européenne.
b) La production audiovisuelle en Chine
La Chine vit sous un régime de pénurie de
programmes.
Le nombre considérable de chaînes entraîne
d'énormes besoins très partiellement satisfaits. La
Télévision de Pékin (BTV), par exemple, ne présente
que 17 heures de programmes nouveaux qu'elle produit elle-même, sur
l'ensemble des 54 heures diffusées quotidiennement par ses trois
chaînes. Les deux tiers restants sont couverts par des achats ou par des
rediffusions.
Au cours des années quatre-vingt, la CCTV et les grandes
télévisions locales ont eu tendance à détacher le
secteur de la production du reste des chaînes en édifiant des
filiales commerciales. Ce sont, par exemple, à la CCTV, le Centre
national de production de téléfilms, Zhongguo dianshiju zhizuo
zhongxin, et la société de production de publicité Grande
Muraille Changcheng Yingshi gongsi, ou bien les quatre compagnies de la
télévision de Shanghai. Ces sociétés produisent les
programmes phares qui nécessitent des financements ou des moyens plus
importants : téléfilms, documentaires de qualité, etc.
Pour le reste - le gros des émissions : magazines divers,
reportages, jeux, etc., - les situations les plus diverses coexistent. La
CCTV continue, comme par le passé, à fabriquer l'ensemble de ses
émissions dans ses structures régulières. Les autres
télévisions font le plus largement appel à des
intervenants extérieurs. Les images sont sous-traitées par des
compagnies indépendantes ou à des
équipes - maisons qui, disposant des moyens des chaînes,
réalisent de façon privée. Il s'agit, en l'occurrence,
d'émissions qui n'ont pas d'existence légale mais sont cependant
déclarées comme émanant des propres services des
télévisions.
La Chine a produit chaque année plusieurs dizaines de milliers
d'heures d'émissions
. Elle a en particulier réalisé
plus de 6 000 épisodes de téléfilms (sans compter un
nombre non négligeable qui n'a pu être diffusé faute
d'avoir obtenu le visa de censure).
L'énorme volume de la production destinée à satisfaire la
boulimie des télévisions, combiné à la faible
qualification de la majorité des réalisateurs et des techniciens,
expliquent dans l'ensemble une qualité des programmes souvent
médiocre.
Les coûts de production sont dérisoires
au regard de ce que
nous connaissons dans nos pays. En 1996, le prix moyen de production des divers
types de programmes se présente ainsi :
- bulletins d'information : 1 600 yuans par minute, soit
32 000 yuans le journal (20 000 francs environ),
- magazines, documentaires, reportages : 3 150 à
6 300 francs par heure,
- téléfilms : 6 300 à 12 600 francs.
Certains films cependant disposent de financements beaucoup plus
importants : la série historique " Le Roman des trois
royaumes ", sortie dernièrement sur les écrans (84
épisodes), est revenue à 1,5 million de yuans par
épisode. La série présentée en 1994, " Ma
Chère Famille " (120 épisodes), ayant fait appel
à des interprètes très connus, a coûté en
moyenne 90 000 yuans l'épisode.
L'effet-volume est donc compensé par l'effet-prix. L'investissement sur
le marché chinois reste un investissement de long terme.
3. Une tutelle politique étroite sur la télévision et la radio
S'agissant d'un système public de
télévision et de radiodiffusion, la tutelle est exercée
directement par le ministère de la Radio, de la Télévision
et du Cinéma qui :
- définit les normes et les réglementations ;
- octroie les licences de diffusion (après un premier examen par les
instances décentralisées pour les chaînes et stations
régionales).
Les projets à moyen terme ou qui ont des implications technologiques
importantes sont approuvés par la Commission d'État pour la
Science et la Technologie.
Seule la réception des chaînes chinoises est
autorisée
. Elle n'est officiellement possible que dans les
hôtels internationaux, les résidences pour étrangers,
certains établissements publics dûment autorisés ou les
Chinois bien introduits.
En effet, un règlement de l'administration des équipements pour
la réception terrestre de la radiodiffusion et de la
télévision par satellite, publié le 7 octobre 1993,
interdit la production, l'importation, la vente et, bien sûr,
l'installation des équipements de réception sans autorisations
spéciales délivrées au cas par cas. Des amendes de
5 000 yuans pour les personnes et de 50 000 yuans pour les
sociétés sont prévues.
Pourtant, la réception par satellite, encore marginale, se
développe
rapidement et des équipements de réception
de Star TV sont vendus dans des grands magasins de Pékin, Shanghai
et Canton.
La participation au capital d'investisseurs étrangers est impossible
dans le domaine de la télévision.
De par sa sensibilité politique, le secteur audiovisuel demeure
étroitement surveillé. Il est encadré par une strate de
textes produits depuis le milieu des années 80. Un texte nouveau,
applicable depuis le 1er octobre 1994, a tenté d'harmoniser,
à défaut de l'alléger, la réglementation dans le
domaine de la production audio et vidéo. Dans ce secteur comme pour la
télévision, la production et la diffusion doivent respecter une
censure morale et politique rigoureuse qui se traduit par les contraintes
suivantes :
- éduquer et traiter d'une façon positive les sujets
abordés ;
- distraire mais sans que la Chine, les Chinois ou les autorités en
soient la cible ;
- éviter tous sujets violents ou érotiques.
Concernant plus spécifiquement la radio, la législation
n'autorise pas la rediffusion directe d'émissions en FM. Mais il n'est
pas impossible de coproduire des émissions avec des radios locales.
La tutelle du pouvoir s'applique également à la presse.
La tutelle de l'agence Chine nouvelle est le Département de la presse au
Conseil des affaires d'État.
L'administration de la presse et des publications est directement sous la
tutelle du Conseil des affaires d'État.
Certains journaux comme le quotidien Guangming Ribao (Clarté) et
Renmiribao (Quotidien du peuple) sont sous la tutelle du Département de
la propagande du Comité central du parti communiste.
Comme l'a montré - si besoin était - la " reprise en
main " de l'utilisation d'Internet, en 1996,
les médias restent
un secteur sensible
, étroitement placé sous la
surveillance
et la
tutelle politiques
du Parti communiste chinois.
Pourtant,
le développement de l'audiovisuel en Chine ne peut que se
poursuivre
en s'appuyant sur deux facteurs. Le premier, économique,
correspond aux
nécessités de l'économie de
marché
: la croissance de la consommation va de pair avec la
publicité, qui finance les chaînes hertziennes.
Le second facteur est la richesse du patrimoine culturel et de l'histoire,
multiséculaire, de la Chine, qui constituent une source
inépuisable pour les programmes audiovisuels et notamment les fictions.
C. LES INCERTITUDES ET LES ATOUTS DE L'AUDIOVISUEL À HONG KONG
La télévision à Hong Kong offre un
étonnant paradoxe : centre régional de communications, le
territoire est aussi l'un des marchés les plus fermés aux
nouveaux opérateurs.
Hong Kong abrite le siège de nombreuses chaînes transnationales
(Star TV, chaînes du groupe Turner, NBC, CETV, CTN, TVBI) et
d'opérateurs de satellites (Asiasat, Apstar). Ses chaînes locales
continuent d'exporter largement leur production vers le reste de l'Asie.
Pourtant, Hong Kong même, qui ne compte que 6 millions d'habitants,
mais des investissements publicitaires en télévision de presque
1 milliard de dollars américains, reste hermétiquement
fermée, contrairement à la plupart des pays de la région.
Deux diffuseurs hertziens et un câblo-distributeur en position de
monopole se partagent le marché de la télévision
. Un
tiers des foyers reçoit bien des signaux satellitaires, essentiellement
par antenne collective, mais aucun diffuseur ne propose des programmes
spécifiques pour le marché de Hong Kong. Star TV fait intervenir
présentateurs et chanteurs locaux sur ses chaînes, mais n'a pas
profité de l'autorisation de diffuser en cantonais qui lui a
été accordée en 1995, ne pouvant pas se lancer sur le
créneau de la télévision payante.
Le contexte politique explique en grande partie cet état de fait
.
En vertu des accords sino-britanniques de 1984, toute nouvelle licence
d'exploitation accordée à un opérateur doit en effet
recevoir l'aval des autorités de Pékin. Un projet de loi visant
à harmoniser la législation en vigueur et à
libéraliser le secteur a récemment été
abandonné pour des raisons politiques. A l'approche de la
rétrocession (le 1er juillet 1997), Hong Kong ne peut
procéder que très prudemment dans un secteur sensible aux yeux du
régime chinois.
Des raisons économiques ont aussi guidé le choix des
autorités de Hong Kong. Malgré des investissements initiaux
importants, l'unique câblo-distributeur a un nombre d'abonnés
très en deçà des prévisions, et ses
difficultés financières pèsent sur les résultats du
conglomérat auquel il appartient. L'une des deux
télévisions hertziennes continue de perdre de l'argent,
même si son audience ne cesse de croître. Dans ces conditions, il a
été jugé préférable de ne pas ouvrir trop
largement le marché afin de ne pas déstabiliser des
opérateurs à la recherche de l'équilibre financier.
1. Une réglementation tâtillonne
La télévision à Hong Kong est régie par trois catégories de textes et deux autorités, rendant assez complexe l'encadrement juridique de la communication audiovisuelle.
a) Un triple encadrement
(1) " Television Ordinance " et " Telecommunciation Ordinance "
Les télévisions hertziennes, les
télévisions par satellite et les radios sont régies selon
la loi sur la télévision de 1990 dite " Television
Ordinance " ; depuis le 8 janvier 1993, cette loi inclut la
télévision par câble, en tentant de tenir compte de sa
spécificité.
Les chaînes hertziennes ont vocation, d'après les textes, à
satisfaire les intérêts de l'ensemble de la population de Hong
Kong, en échange de l'exclusivité de la diffusion terrestre. La
télévision par satellite s'adresse à un public beaucoup
plus large, qui ne se limite pas aux Hongkongais et lui laisse donc plus de
liberté.
Enfin, les services en ligne et le multimédia devraient faire l'objet
d'une nouvelle réglementation.
(2) Les " Codes of Practices "
Ces textes, élaborés par le " Broadcasting Authority ", précisent la loi dans trois domaines : conditions techniques de diffusion, réglementation publicitaire et contenu des programmes.
(3) Les licences
Toute chaîne, quel que soit son mode de diffusion, a besoin d'obtenir une autorisation. Celle-ci est délivrée par le Conseil exécutif de Hong Kong, après avis du " Broadcasting Authority ", pour une durée de 12 ans ; elle est révisée tous les 6 ans. Cette autorisation donne lieu à la rédaction d'un texte, licence ou cahier des charges, qui varie en fonction du mode de diffusion utilisé.
b) Les organismes publics en charge de l'audiovisuel
(1) Le " Recreation and Culture Branch "
Ce service est responsable, entre autres, des orientations politiques en matière de diffusion radiophonique et télévisuelle ; il coordonne le travail de la Radio Television de Hong Kong (RTHK) et du " Television Entertainment Licensing Authority " ou TELA.
(2) La " Broadcasting Authority "
Celle-ci est chargée du contrôle de l'application
de la réglementation et peut émettre des avis de politique
générale. Mise en place en 1987, elle se compose de douze membres
dont neuf personnalités civiles désignées par le
Gouvernement et trois représentants de l'État. Elle est
chargée plus particulièrement d'élaborer les " Codes
of Practices " des chaînes et radios privées et de
vérifier que les sociétés respectent la
réglementation, en imposant des sanctions financières le cas
échéant.
La " Broadcasting Authority " a mis en place plusieurs
instances :
un comité chargé de recevoir et d'instruire les plaintes, un
groupe de travail chargé de la révision périodique des
" Codes of Practices ", auxquels il faut ajouter
19 comités chargés de visionner les émissions afin de
vérifier que les chaînes respectent leur cahier des charges. Le
bras exécutif du " Broadcasting Authority " est la
" Television and Entertainment Licensing Authority ", qui
s'occupe,
entre autres, de donner une classification des films pour le petit ou le grand
écran.
c) Les principaux points du cadre réglementaire
(1) La réglementation anticoncentration
Elle s'applique aux agences de publicité, qui ne peuvent prétendre à une licence d'exploitation. Le Gouvernement envisage d'autoriser les entreprises de télécommunications et les diffuseurs satellitaires régionaux à détenir ou contrôler des détenteurs de licences d'exploitation, ce qui était proscrit jusqu'à présent.
(2) Les restrictions en matière d'investissements étrangers
La loi limite les investissements étrangers à
10 % du capital d'une chaîne de télévision hertzienne
ou câblée (" Television Ordinance "), et 49,9 % du
capital des chaînes satellitaires ou des radios (" Telecommunication
Ordinance ").
Pearson a acheté 10 % des parts de TVB. Quant à Star TV,
elle est détenue à 100 % par Rupert Murdoch. Toutefois,
c'est Hutchvision, dont Murdoch ne détient que 48 % du capital, qui
est détenteur de la licence d'exploitation délivrée par le
Gouvernement.
(3) Les restrictions pour les prises de participations
Les télévisions hertziennes, au contraire des
télévisions par câble et par satellite, n'ont pas le droit
d'être des filiales d'un groupe. De même, leurs prises de
participation sont réglementées, même si l'amendement de
1993 a réduit les contraintes, les sociétés
propriétaires d'une licence ne pouvant détenir plus de 15 %
d'une société dont l'activité principale est directement
en relation avec la télévision et la radiodiffusion.
Les restrictions sont moins contraignantes dans la " Telecommunication
Ordinance ". On peut noter que, de façon générale,
dans les trois ans qui suivent la délivrance de l'autorisation, aucune
société ne peut acheter plus de 15 % des parts du
propriétaire de la licence, cette restriction pouvant être
levée dans certaines circonstances.
Toutefois, il n'existe pas de restrictions concernant les prises de
participations entre presse et télévision.
(4) Redevances ou " royalties "
Les chaînes hertziennes doivent verser à l'État 10 % de leurs revenus publicitaires, la télévision par câble, 7,5 % des recettes des abonnements (elle est autorisée à diffuser de la publicité) ; Star TV n'est pas astreinte à cette taxe.
(5) Règles relatives à la programmation
Les télévisions hertziennes subissent le plus
grand nombre de contraintes, avec des obligations concernant la programmation
(langues spécifiques, production et diffusion de programmes
particuliers, couverture de l'ensemble du territoire, etc.).
Elles sont relativement strictes et concernent :
- La censure
Les " Codes of Practices " définissent des règles assez
générales, insistant sur l'impartialité des informations,
la limitation de la violence, du langage grossier, de la nudité et du
sexe, et de tout élément pouvant porter atteinte aux bonnes
moeurs ou à l'ordre public. Une chaîne pour adultes ne peut pas
être proposée sur le service de base du câble. Selon les
tranches horaires, les indications données sont plus ou moins
contraignantes.
- Les obligations vis-à-vis de la RTHK
Les chaînes privées hertziennes ont l'obligation de diffuser deux
heures et demie de programmes par semaine, aux heures de grande écoute
et 8 heures de programmes éducatifs, tous produits par la RTHK et
ETV (Educational Television). La licence accordée à Wharf Cable
stipule que celle-ci doit mettre à la disposition du Gouvernement, qui
les laisserait en accès libre au public, 1 à 3 canaux. Cette
possibilité n'a cependant pas été utilisée.
- Les obligations concernant la langue utilisée
Les chaînes anglaises ne peuvent pas diffuser de programmes en cantonais
mais elles le peuvent dans une autre langue dans la limite de 20 % du
temps d'antenne. De plus en plus, elles diffusent leurs films américains
avec des sous-titres chinois (l'audience des chaînes anglaises est
chinoise à plus de 80 %).
2. Des programmes audiovisuels ouverts sur le monde
Les habitants de Hong Kong sont des
téléspectateurs assidus.
98 % des foyers (soit environ 2 millions) possèdent un
téléviseur et plus de 50 % un multi-systèmes.
Près de 90 % possèdent un magnétoscope (le nombre a
rapidement augmenté, d'autant qu'il existe sur le marché des
télévisions - magnétoscopes combinés).
Plus de 25 % disposent d'un lecteur de disques vidéo laser et plus
de 20 % peuvent recevoir des émissions diffusées par
satellite. Les Hongkongais regardent la télévision trois heures
par jour en moyenne.
Les programmes audiovisuels sont relativement ouverts sur
l'étranger.
Les programmes étrangers occupent 12 % du temps d'antenne et
18,5 % de part d'audience. Sur les chaînes en cantonais, les
programmes étrangers sont quasiment tous d'origine asiatique. Aucun
programme non asiatique, pas même les films américains les plus
populaires, ne figure traditionnellement parmi les cent meilleures audiences de
la semaine, même si, récemment quelques grands succès du
box-office (films d'action en général) ont pu arriver à
des audiences de 20 % sur les chaînes anglaises. Habituellement, les
programmes américains les plus regardés n'obtiennent que 3 ou
4 %, au maximum, de part d'audience.
Le secteur de la production indépendante est très
éclaté,
comptant une centaine de petites et moyennes
sociétés qui font de la publicité, des films de promotion,
des documentaires, voire des films de fiction. Cependant le secteur est
dominé par les chaînes qui produisent elles-mêmes la plupart
de leurs programmes locaux.
Les deux chaînes hertziennes TVB et ATV possèdent des
infrastructures de production relativement importantes.
TVB est le premier
producteur au monde de programmes en chinois
: plus de 5 000
heures de programmes en cantonais par an, plus de 1 000 heures en
mandarin. En 1994, TVB a produit 26 séries dramatiques (en
général de 20 heures) et 12 téléfilms de
90 minutes. Les ventes de programmes, notamment en Chine et en
Indonésie, lui ont rapporté 327 millions de HK$, soit plus
d'1,5 milliard de francs (15 % des recettes de TVB, dont 70 %
proviennent de la vente de cassettes). Dans le même temps, ATV produisait
20 séries, pour des revenus à l'exportation de
200 millions de HK$. Le marché le plus important est l'Asie, mais
l'Amérique du Nord et l'Europe, grâce aux " China
Towns " ne sont pas négligeables.
La part des programmes français n'est pas assez importante pour figurer
dans les statistiques. Les genres qui se vendent le mieux sont l'animation et
le documentaire, diffusés en anglais sur ATV World et
TVB Pearl, en chinois sur le câble (qui intéressent tout
particulièrement les programmes scientifiques et éducatifs). Pour
les documentaires, les genres les plus populaires sont la mode, la gastronomie,
le tourisme, l'exploration, la nature, l'histoire. Comme dans le reste de
l'Asie, les documentaires relevant du journalisme d'investigation ne sont pas
programmés par les chaînes. On compte environ deux films par mois
sur les chaînes hertziennes, mélange de vieux films, de
rediffusions à des titres plus récents.
3. De multiples opérateurs audiovisuels
a) Un secteur audiovisuel uniquement privé
Il n'existe pas à proprement parler de chaîne
publique à Hong Kong. Par contre, la RTHK, qui dispose de 7 stations de
radio, joue un rôle dans la télévision. Elle produit
certains programmes, principalement des magazines d'actualité et des
documentaires, et quelques émissions éducatives.
Même si le paysage audiovisuel évolue très vite, les deux
télévisions hertziennes généralistes continuent
à dominer le marché.
Television Broadcasts (TVB),
filiale du Shaw Brothers Group qui s'est
d'abord développé dans la production cinématographique
avant de se recentrer sur la production télévisée et la
distribution, a été créée en 1965 et diffuse deux
chaînes : JADE, qui émet en cantonais, et PEARL, qui émet
en anglais.
TVB est le principal diffuseur de programmes télévisés
avec une part de marché de près de 70 %. Cependant, le groupe
subit une concurrence de plus en plus vive de la part de l'autre réseau
hertzien ainsi que des chaînes satellitaires et du câble, ce qui
n'a pas empêché le groupe d'investir à Taïwan afin d'y
créer une chaîne, TVBS, une chaîne à péage,
TVBS Golden Channel, et d'y produire des programmes en mandarin. En effet, le
groupe est implanté en Chine du sud.
Ses responsables, que votre rapporteur a rencontrés, se sont
montrés très favorables à la reprise des programmes
européens à l'occasion de la constitution de bouquets
numériques.
L'autre réseau,
ATV
, dispose également d'une chaîne
en cantonais, HOME et d'une autre en anglais, WORLD.
b) Une base de diffusion pour une chaîne panasiatique
Hong Kong constitue une base de départ idéale
pour la diffusion de chaînes destinées soit à la Chine,
soit au continent asiatique.
La cité est, en effet, le siège
d'Asiasat
, filiale du
groupe américain Hughes, spécialisé dans les satellites de
communication, principalement audiovisuelle.
Utilisant, pour l'Asie, des lanceurs chinois (Longue Marche), puis russe
(Proton), l'opérateur de satellite couvre une vaste zone qui
s'étend du Moyen-Orient à la Nouvelle-Zélande, avec
plusieurs générations de satellites :
- Asiasat 1, lancé en 1990, utilisé par Star TV ;
- Asiasat 2, lancé en 1995, qui couvre 35 pays et près de 3,3
milliards d'habitants et accueille, notamment, un bouquet européen
composé de cinq chaînes. Le satellite était complet
à la fin de 1996 ;
- Asiasat 3, qui devrait être lancé en 1997 et remplacer Asiasat 1
sur sa position orbitale, ce dernier devant être légèrement
déplacé (de 5°). Les téléspectateurs
pourraient ainsi recevoir deux fois plus de chaînes avec une seule
parabole dotée de deux têtes. C'est pourquoi l'expérience
européenne, et notamment française, avec la double
réception Eutelsat et Astra intéresse vivement le groupe, ainsi
que sa responsable l'a précisé à votre rapporteur.
Ce dernier satellite devrait disposer de trois faisceaux, l'un dirigé
vers la Chine, l'autre vers l'Asie du sud, l'Inde et le Pakistan, le
troisième variable, et orientable soit vers l'Asie centrale, soit vers
l'Asie du sud-est, soit vers l'Australie, selon les études de
marché qui seront effectuées. La mise en service est
prévue pour 1998.
Un satellite Asiasat 4 devrait être lancé en 1999.
Ces satellites sont également utilisés comme satellites de
télécommunication, à hauteur de 30 % de leurs
capacités, et notamment par les agences de presse AP ou Reuter pour la
transmission de leurs données.
Ces satellites transportent des chaînes qui se lancent à la
conquête du marché chinois.
(1) CETV à la conquête de 800 millions de téléspectateurs chinois
Lors d'un entretien avec son président-fondateur, M.
Robert Chua, votre rapporteur a pu apprécier le dynamisme et les
ambitions de CETV. Lancée en mars 1995, il s'agit de la première
chaîne étrangère à être entrée, de
façon officielle
5(
*
)
, sur le marché
chinois, en étant reprise par des câblo-opérateurs,
grâce à une ligne éditoriale que certains qualifient
" d'incolore ", mais de nature à rassurer les autorités
chinoises. Son président ne craint pas l'après-1997.
Les programmes de CETV ne contiennent en effet ni sexe, ni violence, ni
information. Il convient toutefois de préciser que si les informations
locales et nationales sont absentes, l'information régionale et
internationale est présente.
La chaîne fonctionne avec un budget étroit, équivalent
à 100 millions de francs, et vise un public potentiel de 28 millions de
foyers.
Derrière ce timide premier pas sur le continent chinois,
l'opérateur ne cache pas ses ambitions pour le marché
publicitaire, estimé à 2 milliards de dollars américains.
(2) Star TV, base de départ du groupe Murdoch pour conquérir l'Asie
Fondée en 1991, achetée par Rupert Murdoch en
1993 (66,6 %) et juillet 1995 (les 33,4 % restants) au fils du
tycoon
6(
*
)
hongkongais Li Ka-shing pour, dit-on,
plus de 4 milliards de francs, Star TV est un
conglomérat de
chaînes diffusées par satellite pour des marchés
nationaux.
Star TV n'a pas de chaîne particulière pour Hong Kong, ses
principaux marchés actuels étant Taïwan et l'Inde. Par
ailleurs, Star TV investit dans
cinq marchés prioritaires
: en
Chine, en Indonésie, au Japon, en Thaïlande et aux Philippines,
notamment. Un grand nombre de foyers de Hong Kong ont toutefois accès
aux programmes de Star TV : Phoenix (chaîne de films en mandarin),
Channel V (chaîne musicale), Star Sports, Star Plus (séries
américaines) qui font souvent intervenir des présentateurs ou des
chanteurs de Hong Kong et attirent des annonceurs publicitaires de Hong Kong.
Sur cette chaîne, 70 % des programmes sont importés des USA,
du Royaume-Uni, de Chine, d'Australie, de Singapour, de Taïwan, ou d'Inde.
Star TV produit certaines émissions en chinois et achète sur le
marché local les séries et les clips vidéo en
" canto-pop " qui composent 70 % de la chaîne musicale.
Le concept de
télévision panasiatique
en anglais, qui
était celui de la création de Star TV par Li Ka-Shing,
ayant
fait long feu
, la tendance est à la
localisation des
programmes
.
C'est pourquoi Star TV investit massivement non seulement dans l'adaptation
linguistique de ses programmes
7(
*
)
, mais surtout
dans la production locale, par le biais de rachat de sociétés de
production ou de joint-venture.
C'est le cas en Inde avec Zee TV, à Taïwan, en Chine, aux
Philippines avec la chaîne de films en tagalog Viva Films, en
Indonésie où Murdoch doit acheter 700 films en bahasa
indonesia, au Japon...
Ce n'est pas un des moindres paradoxes de l'aventure
de Murdoch dans Star TV. On pouvait en effet penser que l'intérêt
pour News Corp. de posséder un bouquet de chaînes satellitaires
résidait dans la possibilité de rentabiliser la masse de
programmes dont le groupe détient les droits (Fox notamment). Au
contraire, les programmes produits localement ne cessent de croître, et
sont toujours, de loin, les plus populaires, obligeant News Corp. à une
approche marché par marché
.
c) Les ambitions de Wharf Cable
Proposant, depuis mai 1993, un bouquet de 11 chaînes
thématiques,
WHARF CABLE
bénéficie de
l'exclusivité
de la câblo-distribution à Hong kong,
ce qui n'empêche pas l'opérateur de connaître des pertes
considérables, malgré des souscriptions importantes d'abonnement.
L'opérateur, qui revendique 200 000 abonnés, utilise la diffusion
par MMDS et un réseau câblé en fibre optique à large
bande.
Parmi le bouquet des 30 chaînes disponibles, on trouve 6 chaînes
d'informations, dont 3 locales et CNN, BBC World Service et une chaîne
internationale sur laquelle est diffusée plusieurs fois par jour le
journal de France 2 sous-titré en anglais. La programmation est
dominée par les informations, le cinéma et le sport.
Wharf Cable, de son côté, cherche à utiliser son
réseau câblé pour s'installer comme opérateur de
télécommunications via sa filiale New T&T. Wharf compte aussi
lancer des services interactifs dès l'achèvement de son
réseau en fibre optique. A l'heure actuelle, 1,1 million de foyers
sont raccordés au réseau MMDS, contre 100 000 à la
fibre optique (400 000 foyers sont prévus pour la fin de
l'année 1996). Wharf a déjà conclu un accord avec Sega
pour offrir des jeux pour la fibre optique.
4. Un avenir incertain
a) Les incertitudes liées à l'après juillet 1997
Jusqu'à présent, Hong Kong a
bénéficié, dans le domaine des médias et notamment
de la presse, d'un régime de liberté encore peu commun en Asie.
On prétend même que la loi à Hong Kong offre une meilleure
protection qu'en Grande-Bretagne contre la diffamation ou les atteintes
à la vie privée...
Le retour de la colonie britannique à la Chine populaire le
1er juillet 1997 peut remettre en question les développements
actuels du secteur audiovisuel, tant sur le plan politique
qu'économique
.
Les autorités chinoises ont certes donné toutes les assurances et
ont garanti que Hong Kong jouira d'une grande liberté en ce qui concerne
l'expression d'opinion et la presse, cette liberté devant toutefois
s'exercer dans le cadre de la loi.
L'article 27 de la loi fondamentale de la Région administrative
spéciale, qui servira de " texte constitutionnel " au
territoire à partir du 1er juillet 1997, prévoit certes
explicitement que les habitants de Hong Kong "
jouiront de la
liberté de parler et d'écrire; de la liberté de la
presse
".
On peut par ailleurs penser que
la liberté d'expression constitue
l'un des critères sur lequel les autorités chinoises seront
jugées, par les milieux économiques notamment, pour
apprécier l'effectivité du principe "
un pays, deux
systèmes
".
Il a toutefois fallu que le premier ministre Li Peng démente, le
28 octobre 1996, des propos du ministre chinois des Affaires
étrangères, M. Qian Qichen, évoquant de probables
restrictions de cette liberté.
Quoi qu'il en soit, l'audiovisuel est,
depuis un certain temps, cogéré par Hong Kong et la Chine.
Cette situation politique, où se mêlent attentisme et scepticisme,
explique le choix de Singapour par le groupe Publicis pour implanter ses
activités dans la zone Asie-Pacifique, alors que Hong Kong avait
été un moment envisagée.
Un projet de loi visant à harmoniser et unifier la législation a
ainsi été abandonné par le Gouvernement au mois de janvier
1996, officiellement pour se concentrer en priorité sur la
déréglementation des services de télévision payante
et de vidéo à la demande.
Les observateurs s'accordent à penser que le Gouvernement n'a pas voulu,
à l'époque, prendre le risque de débattre d'un projet de
loi de nature à provoquer l'irritation de Pékin. Le projet avait
pour objet de renforcer la liberté de la presse, de libéraliser
l'accès des capitaux étrangers au secteur audiovisuel et de
moderniser le secteur des télécommunications et des nouvelles
technologies. L'abandon du projet a desservi l'intérêt du
territoire dans son rôle de centre régional, certains
opérateurs étrangers ayant alors pris le parti de s'installer
à Singapour (Discovery, Disney ESPN et HBO), qui leur propose des
conditions financières et fiscales plus favorables, et offre plus de
souplesse pour les liaisons satellitaires.
Sur le plan économique, on peut s'interroger sur les facilités
qui seront laissées aux opérateurs hongkongais pour nouer des
alliances internationales.
Les télévisions hertziennes ATV et TVB, concurrencées par
le câble et le satellite, cherchent, en effet, des alliances (ATV avec
Star TV pour la production), ou se développent sur d'autres
marchés. Le cas de TVB est le plus typique.
Alors qu'elle avait une part de marché de 85 % il y a encore
quelques années, elle subit en effet la concurrence d'ATV. Ses revenus
ont baissé de 25 % en 1995. Elle se tourne donc de plus en plus
vers l'étranger : Taïwan (quatre chaînes
câblées, dont TVBS, la plus regardée sur le câble
à Taïwan, distribuée aussi à Singapour et aux
Philippines), Singapour (une chaîne spécifique, en plus de TVBS),
l'Inde (participation dans Home TV), l'Indonésie, la Thaïlande
(projets en cours), les États-Unis (chaînes en mandarin et
cantonais sur le câble de la côte ouest, chaîne satellitaire
en mandarin), le Canada (20 % de Fairchild TV), l'Europe (60 % de
Chinese Channel). Enfin en Chine du sud, les deux chaînes sont
reçues et extrêmement suivies, ce qui leur permet de vendre
l'audience de Hong Kong et de Canton aux annonceurs.
Pour les opérateurs de chaînes transnationales,
la localisation
des programmes est plus que jamais la condition de leur rentabilité
.
En raison de l'exiguïté d'un marché fermé et
pratiquant une langue particulière (cantonais),
Hong Kong n'a pas
suscité de programme propre ou d'adaptation locale de chaînes
internationales. Le territoire reste le point de départ de nombreux
opérateurs. Le retour à la Chine peut toutefois remettre ce
rôle en jeu
, même si le nouveau statut est perçu comme
un avantage par ceux qui souhaitent pénétrer le marché
chinois. La concurrence de Singapour ou de pays comme la Malaisie, Taïwan
ou la Thaïlande, qui cherchent activement à attirer des
opérateurs internationaux, risque de jouer en la défaveur de Hong
Kong.
b) Une avance technologique incontestable
Hong Kong dispose toutefois
d'un atout important, sa
capacité d'innovation technologique et la libéralisation
graduelle du secteur des télécommunications
, qui attire de
nouveaux protagonistes.
Par exemple, Hong Kong Telecom (contrôlé à 57 % par
Cable & Wirelesse, et à 14,5 % par la CITIC, holding de Chine
Populaire) a testé un service de vidéo à la demande,
Intermediary Media Service, qui a été présenté
à votre rapporteur.
Ce service a été lancé à la mi-1997, un an
après la date initialement prévue. Des raisons techniques et
commerciales ont retardé l'opération, Hong Kong Telecom
souhaitant offrir non seulement la vidéo à la demande mais
également des services interactifs (banque ou achat à domicile,
jeux...). Ses promoteurs tablent sur l'attrait de la population de Hong Kong
pour les nouveautés électroniques. Alors que les appels locaux
sont gratuits, on utilise en effet son téléphone portable pour
appeler d'un restaurant, malgré un coût de communication nettement
plus élevé...
En attendant, l'opérateur de télécommunication a
commencé à proposer un accès Internet (baptisé
Netvigator). Là encore, la situation politique peut avoir des
implications dans l'avenir de Hong Kong Telecom en général, et,
partant, dans le lancement de ce service, les autorités chinoises voyant
d'un mauvais oeil qu'une société de ce type reste aux mains d'un
groupe anglais. Il est vraisemblable qu'une recomposition du capital
interviendra tôt ou tard, à l'instar de ce qui s'est passé
pour Cathay Pacific, par exemple.
Par ailleurs, en mars 1996, le Gouvernement a annoncé que la
période de monopole de Wharf Cable sur la télévision
payante serait prolongée de deux ans, jusqu'en juin 1998, tout en
confirmant que deux licences de vidéo à la demande seraient
accordées (probablement à Hong Kong Telecom et Wharf).
Cette
décision permet de stabiliser le paysage audiovisuel existant,
empêchant des intervenants comme Star TV ou TVBI d'offrir des services de
télévision payante spécifiques pour Hong Kong. Des
chaînes internationales qui n'ont pu négocier une présence
sur le câble
(CETV, CNN, MTV, NBC, TNT & Cartoon Network, ABN)
voient également se fermer le marché de Hong Kong.
Il est donc probable que l'on va assister à un " gel " du
paysage audiovisuel de Hong Kong, rendant plus difficile la tâche des
opérateurs étrangers, qui pourraient être tentés de
se positionner sur l'autre " porte d'entrée " du marché
chinois : Taïwan.
D. TAÏWAN : UN MARCHÉ AUDIOVISUEL À NE PAS IGNORER
A Taïwan, 99 % des foyers (soit 5,5 millions) possèdent la télévision, et 60 % d'entre eux sont abonnés au câble (soit 2,9 millions de foyers). Autre fait intéressant, 75 % des foyers câblés possèdent deux télévisions couleur, dont une reçoit généralement une chaîne hertzienne et l'autre, une chaîne câblée.
1. Un monopole politique
a) Un réseau hertzien contrôlé par le Kuomintang
A Taïwan, le paysage audiovisuel est en pleine mutation.
L'explosion du nombre de réseaux câblés, la
réglementation pour lutter contre les opérateurs
" pirates ", le problème de la protection des droits,
rendent
la situation changeante et complexe.
Les trois grandes chaînes hertziennes sont publiques :
China
Television Company (CTV), Chinese TV System (CTS), Taiwan Television Enterprise
(TTE).
Elles sont respectivement contrôlées par le parti au
pouvoir (Kuomintang), l'armée et les gouvernements régionaux.
Une quatrième chaîne publique par satellite, Chinese Public TV
Station (CPTV), ne possède pas encore son propre canal de diffusion.
Elle est, pour l'heure, retransmise sur les trois grandes chaînes
nationales.
b) Un contrôle politique étroit
" The Government Information Office "
joue un
rôle primordial dans la réglementation du secteur.
La programmation doit, pour les trois chaînes publiques, satisfaire aux
exigences suivantes :
- 80 % des programmes diffusés doivent être produits
localement,
- quant aux 20 % restants, fournis par des sociétés
étrangères, ils doivent être sous-titrés en mandarin,
- le contenu des programmes est également strictement
contrôlé : toute émission de divertissement doit
promouvoir la culture chinoise ; sont interdits tous programmes
susceptibles de contrevenir à l'ordre public et certains sujets traitant
des relations entre Taïwan et la Chine populaire.
2. L'anarchie du câble
Le câble est un marché très dynamique
à Taïwan. A Taïpeh, il est possible qu'un appartement soit
câblé dans les 24 heures, alors que plusieurs semaines sont
nécessaires à Paris...
On estime à au moins 40 le nombre de chaînes reçues par
câble dans un foyer câblé type à Taïwan. Ce
nombre semble même s'accroître de plus de trois chaînes par
mois ! Ces chiffres sont cependant difficiles à préciser car
les chaînes sont diffusées illégalement par des
opérateurs souvent individuels.
On compte près de 400 câblo-opérateurs, des individuels aux
plus grands. Les abonnés à ces multiples réseaux
câblés seraient déjà près de 1,5 million
pour un nombre de foyers câblés d'environ 2,6 millions. La
situation évolue cependant en fonction de la première loi sur le
câble, adoptée en 1992.
Parmi les grandes chaînes, il convient de citer Star Mauvaise,
lancée début 1994 en anglais et en chinois, TVBS, joint-venture
entre le groupe hongkongais TVB et ERA (un grand groupe taïwanais de
production et distribution vidéo), lancée également en
1993. Cette société a signé un accord avec 50
chaînes du câble ayant ainsi accès à 1,2 million
de foyers. HBO et ABN sont également présentes via TVBS.
Les chaînes par câble ne représentent que 3 à
4 % des ressources publicitaires à la télévision qui
s'élèvent à NT$
8(
*
)
26 milliards. Près de 90 % de la population regardent les
télévisions hertziennes pour les informations, mais 70 % les
considèrent comme progouvernementales.
La mise en application de la loi sur le câble, adoptée en janvier
1992, a considérablement modifié l'environnement des
chaînes par câble : elle doit aboutir à la mise en
place de réseaux légaux en lieu et place des nombreux
opérateurs " pirates ", souvent individuels, qui servent
actuellement les 2,6 millions de foyers. Des licences seront
données à un opérateur pour chacun des 51 districts de
diffusion. Les premières stations émettront en 1996. Ce sera donc
l'occasion pour les câblo-opérateurs " illégaux "
de régulariser leur situation.
Cependant, cette loi sur le câble n'a véritablement
été appliquée qu'à partir de juillet 1993, en
raison de la volonté marquée par le Gouvernement de
réglementer et légaliser la télévision par
câble. Aussi des licences ont-elles été accordées,
par district, à des câblo-opérateurs. L'investissement
étranger ne pourra dépasser 20 %. Par contre, seuls
20 % des programmes devront être produits localement.
Chaque district n'aura qu'un seul opérateur. Chaque station devra
investir un minimum de NT$ 1,7 milliard (US$ 68 millions) dans les
zones urbaines et NT$ 800 millions (US$ 31 millions) dans les zones
rurales. L'ensemble des programmes seront soit produits localement, soit
achetés légalement, preuve de la volonté du Gouvernement
d'assainir le système et de lutter contre le piratage des droits. Les
opérateurs sans licence sont passibles d'amendes de US$ 45 000 ou
de peines de prison allant jusqu'à 7 ans.
Cette loi, destinée à assainir le marché et à
supprimer le piratage, que les chaînes étrangères
dénoncent, n'est pas toujours bien acceptée par les
câblo-opérateurs. En effet, ceux-ci se voient contraints de payer
ce qu'ils avaient jusqu'alors gratuitement ou à faible coût. Ils
ont cependant renoncé à brouiller les signaux et l'un d'entre eux
a même signé un accord exclusif avec Star Mauvaise.
Tous les diffuseurs étrangers, voyant les problèmes de piratage
disparaître, souhaitent être présents à
Taïwan ; les plus nombreux sont les Américains comme HBO,
ESPN, CNN et Discovery. Par ailleurs, la télévision payante a
été légalisée.
Le marché est cependant moins facile qu'il n'y paraît en raison de
pratiques commerciales peu définies
: les chaînes
passent par des distributeurs locaux qui vendent aux
câblo-opérateurs et versent en échange aux fournisseurs de
programmes une somme souvent assez réduite. Ils font souvent baisser les
prix pour des programmes sans sous-titres chinois ou trop marqués par la
culture occidentale.
De plus, Taïwan n'a jamais signé aucune des grandes conventions
internationales pour la protection des droits d'auteur. Par contre, le principe
de la réciprocité est généralement admis. C'est le
cas des États-Unis (accord signé en juillet 1993), et du
Royaume-Uni, qui a promulgué dès 1985 le " Copyright Taiwan
Order ", assurant aux producteurs taïwanais un traitement
équivalent aux nationaux.
Or, pour la France, il existe un vide
juridique,
dans la mesure où notre pays n'a jamais donné de
garantie expresse pour la protection des oeuvres taïwanaises.
Comme conséquence à la loi sur le câble de janvier 1992, le
marché devrait progressivement s'assainir. Les nouvelles chaînes
ainsi réglementées ont commencé à émettre en
1996. Le nombre de leurs abonnés devrait rapidement atteindre les
4 millions. Beaucoup de majors d'Hollywood prévoient
d'émettre ; TVBS envisage de créer une chaîne
inspirée de Play-Boy et également une chaîne d'information.
La démarche pour un diffuseur désirant s'implanter à
Taïwan sera peut-être plus longue et plus coûteuse que
prévu si l'on en croit les déclarations de TVBS affirmant :
"
nous essayons de survivre jusqu'à ce que le
marché soit plus transparent
" ou de HBO, plus optimiste :
"
au moins, je suis là et je progresse
".
3. Les prémices du numérique
La diffusion directe par satellite demeure encore marginale,
en raison de l'avance des réseaux câblés.
Seules les petites antennes paraboliques sont autorisées. L'utilisation
de la bande C est interdite.
La première télévision par satellite
DSTV
,
détenue par des groupes d'affaires taïwanais, a été
lancée en 1996. DSTV est le fruit d'une coopération entre Sing
Man Technical et Zuh Don Group. Elle est diffusée par le nouveau
satellite GALS, qui arrose toute l'Asie et nécessite une parabole de
45 cm. GALS compte proposer d'autres chaînes, une vingtaine, pour la
plupart étrangères. Les programmes de DSTV devraient être
en partie étrangers ; la chaîne s'intéresse
particulièrement aux nouveaux films et programmes de qualité
produits par les États-Unis, le Japon et l'Europe. GALS couvre le Japon,
la Corée du Sud, Taïwan, Hong Kong, la Chine.
Le paysage audiovisuel taïwanais reflète donc bien la situation
économique et politique du pays.
L'extrême dynamisme du
câble
côtoie un paysage
audiovisuel hertzien figé
et les ambitions taïwanaises pour concurrencer, voire supplanter Hong Kong
comme pôle économique régional et porte d'entrée de
la Chine, ouvrent de
réelles possibilités
, à
condition que
l'environnement juridique des échanges audiovisuels
soit précisé
.
II. PROPOSITIONS POUR LE DÉVELOPPEMENT DE LA PRÉSENCE AUDIOVISUELLE FRANÇAISE EN ASIE
Le marché audiovisuel de l'Asie orientale constitue
- pour notre pays - l'un des enjeux les plus importants des
prochaines années. Or, l'audiovisuel français est, dans cette
région, beaucoup trop peu présent
.
La diffusion numérique y démarre lentement en raison d'un pouvoir
d'achat encore faible (sauf au Japon) et des problèmes de
compatibilité de normes. Mais
l'explosion de la demande de programmes
est prévisible à très court terme. Il est cependant
à craindre qu'en l'état actuel de son industrie audiovisuelle, la
France soit, au sein de ce marché, exclue pour longtemps de la bataille
des images.
A. NE PAS SOUS ESTIMER LES OBSTACLES
Les obstacles au développement de la présence
audiovisuelle française en Asie sont nombreux.
Le paysage audiovisuel asiatique est suffisamment riche et fourni pour ne pas
attendre les opérateurs ou les fictions françaises, qui doivent,
au contraire, s'imposer. Dans bien des cas, les chaînes ou les programmes
français sont demandeurs. L'humilité s'impose. Il faut
impérativement nous adapter aux spécificités des
marchés asiatiques.
1. Une forte concurrence
Le premier obstacle au développement de la
présence audiovisuelle française en Asie tient à la
concurrence très efficace des opérateurs anglo-saxons qui sont de
rang international. Ils sont partout présents, même dans des pays
qui dénoncent l'impérialisme culturel américain.
Ce sont
CNN
et
CNBC
. L'offre de programmes des bouquets du groupe
Murdoch,
Star TV,
est également attractive. On annonce une
présentation asiatique de
DirecTV.
Le projet japonais
PerfecTV !
- qui comprend une chaîne en espagnol, une en
portugais et
BBC-World -
, est aussi très séduisant.
Le contrôle des bouquets numériques et des systèmes
d'accès par quelques grands groupes, peu disposés à
accepter de diffuser nos images, demeurera un obstacle important pour le
développement de notre présence audiovisuelle en Asie orientale.
Ces obstacles ne doivent pas être sous-estimés car ils ont
parfois influencé la stratégie de nos opérateurs
nationaux
. Ainsi, il aurait été logique que TV5, chaîne
non commerciale et qui obéit à une logique de promotion
culturelle, soit diffusée en mode analogique et en libre accès.
Or, d'après les entretiens que votre rapporteur a conduits avec les
dirigeants d'Asiasat, le principal client de leurs satellites, le groupe
Murdoch, ne voulait nullement de la présence d'un bouquet
européen qui ne lui aurait rien rapporté et aurait
concurrencé ses propres chaînes. Cet élément
explique, en partie, pourquoi TV5 est diffusée en numérique, donc
en crypté...
2. Des marchés difficiles
a) La langue
Plus que tout autre partie du monde, le lancinant débat
entre la langue et le message connaît une acuité
particulière en Asie.
Celle de la communication et des affaires est, dans ces pays,
incontestablement, l'anglais. Contrairement à une idée
répandue, elle n'est cependant parlée ou comprise que par une
minorité de personnes, qui l'utilisent avant tout pour le commerce. Le
français est donc très peu utilisé. Par ailleurs, les
programmes des chaînes nationales en Asie orientale sont avant tout
nationaux.
La plupart de ces pays ont même adopté une
législation imposant aux diffuseurs - dans les licences autorisant
l'émission - un quota d'oeuvres nationales, mais cette contrainte
est, la plupart du temps, superflue.
Avec courage, le rapport Balle a cité la langue parmi les contraintes de
l'action audiovisuelle extérieure "
qui ne permet pas d'accéder
aux marchés les plus dynamiques
" et "
impose de prévoir des
moyens de diffusion mondiaux, couvrant tous les continents quand bien
même la taille des communautés francophones est extrêmement
réduite
"
9(
*
)
, ce qui est hélas
le cas pour l'Asie.
Les diffuseurs présents dans cette région devraient utiliser
trois vecteurs linguistiques selon la nature de l'émission
:
- pour la reprise des journaux nationaux français, et pour les
émissions destinées aux communautés françaises de
ces pays, notre langue et la langue locale sous-titrée,
- pour les émissions pédagogiques et linguistiques, le
français avec la langue locale,
- pour les émissions d'information spécialisée sur un
sujet économique, l'anglais,
- pour un documentaire d'information générale destiné
à présenter notre pays, la langue locale.
b) Les obstacles politiques
Il faut enfin tenir compte du contexte politique qui n'est
pas
toujours favorable à la diffusion directe de programmes, à la
coproduction ou au développement des échanges.
Il est donc
illusoire, même à moyen terme, de tenter une diffusion directe de
TV5, ou d'un bouquet de programmes européens, sur certains
marchés,
comme la Chine ou la Birmanie. Tout au plus peut-on y
espérer la diffusion sur le câble dans les quartiers diplomatiques
ou dans les grands hôtels.
Dans certains pays de la région,
la censure est autant politique que
morale
. Ainsi, au Vietnam, les réseaux câblés
seraient-ils prêts à reprendre TV5, sous réserve d'un mois
de délai, nécessaire au visionnage des émissions par la
censure. Par ailleurs,
à Singapour, une émission du jeu
télévisé " Fort Boyard " a été
jugée "
quasi-pornographique
"...
3. Une offre dispersée et trop peu continue
L'audiovisuel français ne se présente pas, en
Asie, de manière suffisamment cohérente. Les opérateurs
publics envoient des représentants en Asie sans se concerter, de
manière autonome, en ignorant la stratégie des autres acteurs et,
ainsi, en ne permettant pas de créer des synergies.
Votre rapporteur a ainsi été conduit, lors de sa mission,
à mettre en relations des professionnels de l'audiovisuel
présents dans des capitales asiatiques et qui ne s'étaient jamais
rencontrés...
Ensuite, quand ils existent, les accords bilatéraux entre diffuseurs
français et diffuseurs nationaux demeurent difficiles à
appliquer.
Les opérateurs audiovisuels étrangers doivent, la plupart du
temps, réaliser des
joint-ventures
avec des investisseurs
nationaux, dans lesquels ils sont souvent minoritaires (Eu égard au
caractère sensible de l'audiovisuel, leur participation est parfois
limitée à 20 % du capital de ces sociétés). En
outre, la valeur des accords contractuels n'a pas la même force en Asie
orientale qu'en Europe et le respect de l'écrit n'est pas aussi
intangible, ce qui peut expliquer certaines mésaventures
récentes.
Cette attitude rend nécessaire la présence
physique et continue de représentants
(persévérants)
des opérateurs audiovisuels sur les
marchés convoités.
Ceci explique donc en grande partie l'échec de la mise en oeuvre de
l'accord conclu le 6 mars 1995 - à grand renfort de
publicité - entre France Télévision, France Espace et
la chaîne publique nationale chinoise CCTV.
Il existe souvent une profonde méconnaissance du comportement des
Asiatiques en affaires, qui repose sur une confiance établie dans le
long terme. Elle implique une présence physique, continue, de nos
représentants.
4. Du bricolage
L'insuffisance de professionnalisme des exportateurs de
programmes audiovisuels prête parfois à sourire, tels ces
représentants de sociétés de production audiovisuelle se
présentant au MIP Asie avec des brochures luxueuses, en quadrichromie,
de leurs catalogues, mais rédigées uniquement en français,
et donc incompréhensibles pour la quasi totalité des acheteurs...
On peut également s'interroger sur certaines pratiques
d'opérateurs publics qui, tels RFI, font réaliser le doublage de
leurs émissions en Japonais par une association, TMF, qui l'effectue
bénévolement.
A de nombreuses occasions, votre rapporteur a pu apprécier les
qualités de " débrouillardise " des diffuseurs
français opérant en Asie, mais il aurait parfois
préféré constater davantage de professionnalisme.
5. Des incohérences
Comme votre rapporteur a pu le constater, entre les
décisions stratégiques du CAEF et leur mise en oeuvre sur le
terrain, un certain hiatus peut exister. A l'ancienne spécialisation
géographique
(CFI Afrique et Asie, TV5 Europe et Amérique
Latine), devrait se substituer une spécialisation
fonctionnelle.
CFI
qui demeurera une banque d'images devrait également devenir
une véritable chaîne, au centre du dispositif
télévisuel extérieur, diffusant des programmes
destinés aux publics les plus larges. Elle doit devenir la
chaîne de l'image de la France
, y compris dans d'autres langues
que la nôtre,
TV5
restant le
véhicule
privilégié de la francophonie
destiné aux
réseaux câblés du monde entier et à la
réception satellitaire directe.
Pour les opérateurs étrangers, le subtil distinguo entre CFI
et TV5, entre la chaîne française et la chaîne francophone,
entre la banque d'images et la diffusion directe, est parfois difficile
à comprendre.
En outre, sur le terrain, cette logique TV5-diffusion directe / CFI-diffusion
numérique n'est pas rigoureusement respectée : CFI diffuse en
analogique et son signal est piraté par de nombreux
câblo-opérateurs, notamment à Taïwan ou aux
Philippines, alors que TV5 est diffusée en numérique et
nécessite, outre une parabole très importante qui empêche
la réception directe par la majorité des particuliers (une
antenne de 1,8 - 2 mètres est en effet
nécessaire), un décodeur-décompresseur d'une valeur de 10
000 francs. Ces conditions techniques restreignent ipso facto la diffusion de
TV5 aux réseaux câblés, aux hôtels et au
réseau culturel français (Instituts culturels, Alliances
françaises...).
En Asie du sud-est, la large couverture du satellite Palapa et le coût
relativement faible d'un équipement de réception satellitaire
amis de facto CFI dans une situation d'opérateur de diffusion directe.
On s'oriente dans les faits, vers une nouvelle - et peu claire -
distinction, CFI fournissant en " blocs de programmes " ou
en
" flux continus " des programmes français auprès des
télévisions étrangères, tandis que TV5 doit
alimenter les réseaux câblés, les autres institutionnels et
les hôtels.
Sans être hostile au pragmatisme indispensable pour s'implanter dans
cette région, votre rapporteur s'interroge sur la stratégie
menée par les deux opérateurs qui risque de déconcerter
les partenaires étrangers et le public francophile qui aura au moins,
à cette occasion, un premier aperçu du cartésianisme
français
...
CFI et TV5, à la recherche de l'harmonisation
Une télévision souhaite accéder à
la " banque de programmes " CFI mais n'est pas couverte par
l'empreinte satellitaire adéquate, TV5 transporte alors les programmes
pour CFI.
Un câblo-opérateur reprenant les programmes de CFI de longue date
et ne souhaite pas modifier son équipement de réception, CFI joue
le rôle logiquement attribué à TV5 afin de ne pas priver le
public d'émissions françaises (cela pourrait être le cas
à Taïwan).
Un câblo-opérateur entend reprendre TV5 et CFI, ce cas de figure
renforce le concept de " bouquet français " et la
cohérence de l'offre française à l'étranger. CFI,
avec une grille complémentaire à celle de TV5, s'installe lui
aussi sur ce réseau câblé (ce cas est à envisager en
Indonésie, aux Philippines, à Taïwan et en Thaïlande).
Source : CFI
En outre, proposer gratuitement TV5 aux réseaux câblés revient à persister dans la politique de l'offre, qui a été dénoncée avec pertinence par le rapport Balle, et que votre rapporteur a toujours critiquée. TV5 devrait demander aux câblo-opérateurs une rémunération au moins symbolique - un dollar - en contrepartie de la traduction des programmes en langue locale, l'édition et le marketing étant à leur charge.
Les obstacles à la pénétration des
programmes audiovisuels au Japon
analysés par l'Ambassade de France
La diffusion brute de programmes étrangers se heurte
souvent à la réticence des annonceurs et différents
sponsors qui achètent les temps d'antenne. La rentabilisation
immédiate d'un programme diffusé est la règle de
financement de la télévision commerciale japonaise.
Aucun
programme produit ne peut être diffusé, s'il n'est pas
parrainé.
Naturellement des programmes locaux susceptibles d'attirer
le plus grand nombre seront privilégiés.
Le principe du suspense entre chaque coupure publicitaire est
systématique, quel que soit le genre de programme diffusé. Il va
de soi qu'un programme étranger permet plus difficilement de
répondre à ce principe.
La régionalisation de la diffusion accentue le
phénomène : sauf quelques films hollywoodiens, les
programmes étrangers sont exclus du " prime time " commun
aux
différentes chaînes d'un même réseau, qui suppose de
forts taux d'audience sur l'ensemble du territoire. En même temps, chaque
station aura tendance à privilégier des émissions de
proximité pour sa propre programmation. La recherche de l'audience
s'appuie ainsi sur une identité culturelle forte.
·
Une identité culturelle forte
La télévision est plus qu'ailleurs un reflet de la
société japonaise qui aime s'identifier à ses héros
(présentateurs, acteurs, mais aussi et surtout l'homme de la rue qui
occupe très majoritairement les écrans, sollicité pour
faire part à la collectivité de ses expériences).
L'identité culturelle japonaise est la première source
d'intérêt pour une audience majoritairement composée de
femmes au foyer et de retraités.
·
Une autre façon de faire de la télévision
La réalisation des programmes de télévision au Japon
diffère par bien des aspects des formats occidentaux.
Quel que soit le genre d'émission, les coûts de production sont
réduits au minimum pour une rentabilisation immédiate. Puisque au
Japon la masse salariale est protégée, la compression des
coûts a des conséquences directes sur la qualité du
tournage et du montage (souvent sommaire et peu esthétique notamment
pour les nombreuses émissions de plateau en faux direct). L'usage
à outrance du zoom des caméras ou des incrustations de titres
dans l'écran tentent de dissimuler ces faiblesses en donnant l'illusion
du rythme. Le téléspectateur japonais est aussi habitué
à des séries d'animation faiblement animées... ou à
des fictions systématiquement tournées en vidéo.
Dès lors, la diffusion d'un programme européen ou même
américain peut paraître incohérente dans le cadre du format
général d'une grille.
·
Une industrie nationale puissante
La production domestique japonaise repose sur une industrie
développée et intégrée. Un programme
étranger concurrence directement plusieurs sociétés de
production qui tentent de faire admettre leurs projets par les programmateurs.
·
Un système de programmation contraignant
Le formatage nécessaire des programmes étrangers doit aussi
répondre à une contrainte spécifique. La modification des
grilles a lieu deux fois par an (avril et octobre). La diffusion d'une
série (fiction ou documentaire) suppose que le programmateur et les
sponsors soient assurés de son succès, ce qui constitue un
facteur supplémentaire de réticence aux programmes
étrangers qu'il faut adapter en conséquence. Par ailleurs, une
chaîne choisira une série dont le nombre d'épisodes
correspond exactement au nombre de semaines séparant deux changements de
grille (26 semaines).
·
Une méconnaissance des catalogues des programmes
étrangers
L'activité d'acquisition internationale restait jusqu'ici peu
développée. Les départements internationaux des
chaînes se consacrant naturellement à la vente. De plus, seules
les chaînes de Tokyo avaient une activité internationale. Enfin,
hormis l'anglais, les Japonais chargés des acquisitions ne parlent pas
le français, à quelques exceptions près.
Source : Les marchés de l'audiovisuel au Japon,
janvier 1997,
Attaché audiovisuel français à Tokyo
Les 14 conseils pour vendre
la production audiovisuelle française au Japon
1. Bien se faire connaître des Japonais, en
investissant à long terme. Plusieurs voyages au Japon entre les
marchés permettront un suivi des relations avec vos partenaires. En
général, la signature de contrats n'interviendra qu'après
plusieurs rencontres, voire plusieurs années. Plusieurs professionnels
français sont étonnés de voir combien les Japonais sont
sensibles à un déplacement au Japon. Plus qu'ailleurs, les
relations d'affaires reposent sur la confiance. Les relations humaines sont
essentielles pour rassurer vos partenaires.
2. Ne jamais donner l'impression de forcer la vente. Les premières
rencontres doivent être l'occasion de faire découvrir un catalogue
de la façon la plus précise possible et de montrer un
intérêt à la demande japonaise, voire à son offre.
3. Donner l'impression d'être dans une relation d'échange. Ne pas
hésiter à informer le client de la situation de la
télévision en France. Vos informations seront
considérées comme des cadeaux et une marque de confiance.
4. Ne jamais donner l'impression de mettre le client en concurrence sur une
vente.
5. S'exprimer en anglais et ne communiquer que des éléments en
anglais ou en japonais. Des résumés en japonais sont très
appréciés.
6. Envoyer des cassettes en NTSC et en version internationale. Les
éléments en français ne sont ni regardés, ni lus,
sauf s'il s'agit d'une demande particulière.
7. Seul un programme qui correspondra aux attentes potentielles du public et
des annonceurs suscitera l'intérêt. Ne pas hésiter à
adresser une information importante (présentation de plusieurs
épisodes, description précise des contenus, ...) qui facilitera
l'étude de faisabilité.
8. Cette correspondance nécessite souvent une adaptation du programme
aux critères de diffusion japonais. Être souple dans l'utilisation
du programme vendu. La vente de rushes est une pratique possible.
9. Répondre systématiquement aux demandes de votre client. Les
nombreuses sollicitations par fax ou par téléphone avant un achat
éventuel démontrent un intérêt potentiel fort de
votre client. Avec le décalage horaire, celui-ci n'hésitera pas
à vous " harceler " à toute heure. Cette pratique
courante, qui peut heurter, doit être supportée, afin de ne pas
décevoir. Ce harcèlement se poursuivra après la vente.
Dans ce cas, l'attention particulière que vous porterez à ces
demandes (promptitude dans les réponses ...) contribuera à
d'autres contrats.
10. Envoyer très régulièrement des informations (au moins
une fois par mois) par fax après la première rencontre.
11. Ne jamais donner l'impression d'oublier votre client. La carte de voeux
envoyée avant le 1er janvier est fortement conseillée.
Même si aucune affaire n'est en cours, ne pas hésiter à
inviter votre partenaire pour un dîner ou un déjeuner lors des
marchés.
12. Prendre vos rendez-vous très longtemps à l'avance.
13. Être toujours ponctuel aux rendez-vous. Lors d'un séjour au
Japon, prévoir au minimum 45 minutes entre les rendez-vous. Se
faire faxer les plans d'accès aux rendez-vous pour les présenter
au chauffeur de taxi.
14. Ne jamais se présenter à un Japonais pour la première
fois sans carte de visite. Prévoir une version anglaise et (si possible
japonaise) de votre carte de visite. Ces adaptations sont aisément
réalisables depuis Paris. Lors de l'échange, tendre sa carte tout
en se présentant oralement. Prendre la carte de son interlocuteur, en
la lisant devant lui, et, en cas de négociations, la conserver devant
soi sans la ranger.
Source : Les marchés de l'audiovisuel au Japon,
janvier 1997,
Attaché audiovisuel français à Tokyo
Malgré ces obstacles, qu'il ne faut ni ignorer, ni sous-estimer, ni surestimer, le développement de la présence audiovisuelle française doit saisir les opportunités que lui offrent les progrès du numérique.
B. LE DÉVELOPPEMENT DU NUMÉRIQUE OFFRE DES OPPORTUNITÉS PROPICES A LA PÉNÉTRATION AUDIOVISUELLE FRANÇAISE
Les télévisions d'Asie orientale et d'Asie du
sud-est sont en croissance très rapide. C'est pourquoi elles sont
à la recherche d'un troisième fournisseur qui ne soient ni les
États-Unis, ni le Japon. La France devrait savoir profiter de cette
opportunité.
Telle est la suggestion essentielle qui peut, à la suite de cette
mission, être présentée aux plus hautes autorités de
l'État.
En effet, l'Asie orientale ne va pas rester à l'écart de la
révolution numérique : elle la prépare et, dans
certains pays, elle l'anticipe
10(
*
)
.
L'audiovisuel français peut profiter de l'explosion numérique qui
va multiplier les chaînes, ce qui aura pour conséquence
immédiate d'accroître de façon brutale et
considérable la demande de programmes, d'accélérer la
circulation des oeuvres, voire de contribuer à ouvrir les paysages
audiovisuels nationaux aux programmes et aux opérateurs étrangers.
Il serait, par exemple,
prioritaire qu'une chaîne française
soit présente, au Japon, sur le bouquet numérique de
PerfecTV !
, lors de l'élargissement de ses capacités de
diffusion, en avril 1997 : il n'en coûterait que 3 millions de francs par
an.
1. Les atouts de la présence française sur les marchés audiovisuels en Asie
Nous possédons quelques atouts pour assurer notre
présence.
Le principal atout de la France est de représenter aux yeux des
Asiatiques un autre Occident, comme une alternative culturelle, linguistique et
artistique aux États-Unis.
Nous pourrions faire prendre conscience aux télévisions publiques
asiatiques - en perte de vitesse - de l'atout que représente
la diversité culturelle (secteur public en compétition avec le
secteur privé) et de la nécessité de défendre
(comme la France) leur identité culturelle et nationale par
l'audiovisuel.
Même si la France est peu présente dans cette zone, les
professionnels français de l'audiovisuel, peu nombreux, sont
néanmoins
très actifs
. Le soutien de leurs initiatives est
assuré par un
dispositif institutionnel
important, dense et de
qualité, grâce notamment aux attachés audiovisuels des
services culturels de nos ambassades.
Le service culturel de l'ambassade de France au Japon met, par exemple,
à la disposition de tous les professionnels une étude de
synthèse détaillée de ce nouveau marché ainsi qu'un
annuaire des sociétés japonaises de l'audiovisuel. Il a par
ailleurs organisé, avec TV France International, une mission de
prospection du marché audiovisuel, du 24 au 27 novembre 1996, avant le
MIP Asia.
Cette dernière manifestation, en passe de devenir le rendez-vous
obligé des producteurs et des diffuseurs audiovisuels en Asie, comme le
MIP de Cannes l'est pour les marchés européens et internationaux,
dont la troisième édition a été organisée
à Hong Kong au mois de décembre 1996, est une initiative
française, dont la première édition remonte à 1994,
due aux attachés audiovisuels régionaux en poste dans cette ville.
2. Mieux assurer la présence audiovisuelle française en Asie
Des initiatives pourraient donc être prises afin de
renforcer notre présence en Asie :
· une adaptation de notre offre audiovisuelle,
· une meilleure "visibilité" de l'audiovisuel français,
· une réorientation des aides publiques à l'audiovisuel au
bénéfice de l'exportation,
· une réorganisation de notre stratégie audiovisuelle en
Asie.
a) Adapter l'offre audiovisuelle
Il faut, tout d'abord
, porter notre effort sur
l'amélioration des contenus
autant que se préoccuper des
"tuyaux" qui les diffuseront.
1°/ Il faudrait tout d'abord dépasser l'obstacle de la langue.
Les diffuseurs présents dans cette région devraient utiliser
trois vecteurs linguistiques selon la nature de l'émission
: le
français, l'anglais, et la langue locale.
2°/ Il serait indispensable que nos opérateurs (TV5 et CFI)
connaissent mieux leur audience
afin d'affiner leur stratégie de
programmation en fonction du public visé et des résultats
à obtenir.
3
°/ Notre offre audiovisuelle devrait être regroupée
et plus cohérente
. En effet, les opérateurs publics envoient
des représentants en Asie sans se concerter, de manière autonome,
en ignorant la stratégie des autres acteurs et, ainsi, en ne profitant
pas des synergies possibles.
Cette situation devrait cesser et le plus
tôt serait le mieux
. De plus, ce qui apparaît séduisant
sur le papier, à Paris, s'apparente souvent, sur place, à du
bricolage
. Entre les décisions stratégiques du Conseil
audiovisuel extérieur de la France et leur mise en oeuvre sur le
terrain, un hiatus existe souvent. Tout d'abord, le distinguo entre CFI et TV5,
entre la chaîne française et la chaîne francophone, entre la
banque d'images et la diffusion directe, tout cela est souvent difficile
à comprendre pour les opérateurs étrangers. En outre, sur
le terrain, la logique TV5-diffusion directe / CFI-diffusion
numérique n'est pas toujours respectée.
4°/ L'offre audiovisuelle devrait être
adaptée au
marché international
.
Le secteur audiovisuel ne saurait constituer une exception à la
règle de base du commerce international : pour être
exportable, un produit doit avoir été conçu et
réalisé selon certaines règles ou normes établies
en fonction des besoins du marché.
Cette maxime est encore plus valable pour l'Asie.
Notre action audiovisuelle extérieure devrait donc être au moins
régionalisée
, sans pour autant se limiter à une
stratégie panasiatique ; le groupe Murdoch a fait les frais d'une
telle stratégie, et il a échoué. Or,
la France est
encore très en retard par rapport à un objectif qui devrait
constituer une priorité absolue, comme le Conseil audiovisuel
extérieur de la France de 1994 l'avait décidé.
L'offre audiovisuelle doit ensuite être
adaptée au format
international
. Les handicaps des programmes audiovisuels français
sont bien connus, et votre rapporteur les a souvent dénoncés :
les formats sont inadaptés au marché international, qui demande
des fictions de 52 minutes alors que nous produisons du 90 minutes, les
fictions que nous proposons ne comptent que 5 ou 6 épisodes alors que
les séries s'achètent par 100 ou plus, les scénarios sont
franco-français, voire "franchouillards", les fictions françaises
sont trop chères, car les cachets sont trop élevés, les
droits d'auteur et les droits voisins handicapent nos exportations de
programmes.
A ces défauts s'ajoutent, s'agissant du marché asiatique,
certaines spécificités : culturellement, il est plus difficile de
montrer des scènes dénudées et certains sujets sont
politiquement sensibles, voire tabous, dans certains pays.
Elle doit ensuite être au moins
régionalisée
. Les
chaînes américaines CNN et NBC diffusent désormais un
programme asiatique depuis Hong Kong. Mais, de même que le concept de
chaîne panasiatique a échoué, il faut se garder de proposer
une offre unique pour toute la région et il conviendrait d'affiner
celle-ci.
En effet, comme l'a vu Star TV, du groupe Murdoch, basée à Hong
Kong a dû abandonner son concept initial de bouquet de programmes
panasiatiques et régionaliser celui-ci en utilisant, dans un premier
temps, deux faisceaux séparés sur AsiaSat 1 : un pour le
sous-continent indien, l'autre pour l'Asie. Dans un second temps, le groupe
envisage de "localiser" davantage ses programmes avec
Star +
destinée au marché japonais, depuis avril 1996,
Chinese
Channel
pour Taïwan ou
Viva Cinema
aux Philippines.
Or,
la France est encore très en retard sur cet objectif qui devrait
constituer une priorité absolue.
Dès 1994, le Conseil audiovisuel extérieur de la France demandait
à TV5 de "
mettre au point sur des satellites régionaux des
grilles de programmes destinées à des publics
différenciés
"
11(
*
)
. Or, fin
1996, seule la montée du signal de TV5 sur un satellite régional,
Asiasat 2, a été obtenue, au sein d'un bouquet de programmes
européens, et celle-ci pose encore de nombreux problèmes
techniques de reprise.
De même, le rapport Balle note que CFI est critiqué en Asie pour
le caractère trop africain de ses programmes.
Il importe, par ailleurs, que les opérateurs fassent des efforts pour
mieux appréhender leur audience réelle.
Il n'existe aucune raison pour que Star TV, bouquet de programmes du groupe
Murdoch, puisse produire des données concernant son audience
réelle - et non potentielle, comme le font TV5 ou CFI - ce qui
lui permet de justifier ses tarifs publicitaires auprès de ses
annonceurs, alors que les opérateurs français continuent à
se contenter de publier des mesures d'audience potentielle.
Connaître son audience devrait être, pour une chaîne, une
priorité afin d'affiner sa stratégie de programmation en fonction
du public qu'elle vise et des résultats qu'elle obtient.
A cet égard, le début d'implantation de la SOFRES en Chine est
une initiative très intéressante.
b) Diffuser des journaux télévisés spécifiques au marché international
Pour développer la présence audiovisuelle
française, il manque à l'évidence une pièce dans le
dispositif de notre action audiovisuelle extérieure. Au sein de la
chaîne francophone TV5 et de la banque de programmes CFI,
il existe
une place pour un module de journaux télévisés
internationaux
en multidiffusion qui ponctueraient la diffusion de ces
chaînes.
L'Asie orientale pourrait constituer le banc d'essai de cette nouvelle
formule.
Compte tenu de la situation de nos finances publiques, celle-ci ne devrait pas
être financée par le budget de l'Etat, ni par la redevance.
Ce journal télévisé international pourrait être
réalisé pour moitié à partir des images provenant
de toutes les chaînes publiques et privées françaises, et
le cas échéant d'Euronews. Cette partie aurait pour mission de
faire le point de l'actualité en France et en Europe. Ce journal
pourrait également être réalisé pour moitié
par les correspondants locaux des chaînes publiques et privées
françaises afin de faire part du point de vue français sur
l'actualité nationale et régionale en Asie.
Cette
formule offrirait aux téléspectateurs une vision moins
franco-française de l'actualité internationale
et permettrait
de faire disparaître des journaux télévisés les
plaisanteries vaseuses d'un tel, la suffisance de tel autre, le narcissisme et
le nombrilisme de la plupart, ce que ne comprennent absolument pas et ne
supportent pas les téléspectateurs de ces pays. Mais, pour qu'il
en soit ainsi, il faudrait que nos journalistes visent un public habitant
au-delà de quelques arrondissements intrapériphériques
parisiens....
Le journal pourrait être
multidiffusé dans la journée,
par TV5 et CFI, chaînes généralistes
, avec un
renouvellement du journal d'information le matin et le soir, afin de viser une
clientèle active et mieux répondre aux attentes d'un public de
plus en plus exigeant. Les frais de diffusion pourraient être couverts
par la technique du bartering, qui associe dès l'origine la production
d'une émission et la vente d'une partie de l'espace publicitaire qu'elle
supporte, l'offrant ensuite aux diffuseurs gratuitement ou en contrepartie
d'une compensation modique, justifiée par la valeur des espaces
laissés à leur disposition
12(
*
)
.
Cette technique permettrait la promotion des grandes marques françaises,
mais également des collectivités locales, qui pourraient y
recourir pour favoriser les investissements asiatiques en France.
Le rapprochement entre les opérateurs de l'action audiovisuelle
extérieure et France Télévision, grâce à la
création du holding "TéléFI" (Télévision
France Internationale) pourrait fortement contribuer à accroître
les synergies entre audiovisuel public national et audiovisuel public
international.
L'utilisation des ressources
d'Euronews
valoriserait l'investissement du
secteur public dans cette chaîne, qui rencontre des difficultés
financières sérieuses, mais dont l'audience n'est plus
négligeable. Ce rapprochement favoriserait également "l'arrimage"
de cette chaîne au pôle public, au moment où la
pérennité de la participation de son principal actionnaire
privé n'est plus assurée...
Outre cette diffusion "directe",
la reprise de nos programmes par
des
opérateurs étrangers devrait être activement
recherchée sur tous les supports
. Il faudrait jouer la carte
européenne pour la diffusion par satellite, qui permet aux chaînes
françaises ou francophones d'assurer une bonne
complémentarité. Cette stratégie européenne
pourrait également être adaptée pour la radio, comme
à Taïwan.
Il faudrait associer dans cet effort secteur public et secteur privé,
même si l'on doit, jusqu'à présent, regretter une trop
grande discrétion de la part des opérateurs audiovisuels
privés.
c) Réformer les aides à la production audiovisuelle
Les sociétés dont les programmes audiovisuels
s'exportent devraient bénéficier en priorité des aides
à la production ;
ce qui serait nouveau en France ; la
subvention au résultat et non la subvention à
l'intention
!
Cette nouvelle approche pourrait permettre de créer, sans augmentation
de la dépense publique, un
nouveau fonds d'aide à
l'exportation de programmes audiovisuels
, qui pourrait être
financé dans le cadre de l'enveloppe actuelle du COSIP (compte de
soutien de l'industrie cinématographique). Même si
le
marché audiovisuel asiatique n'est pas encore rentable
(une fiction
ou un documentaire se négocie en effet parfois à 10 000, 5 000,
voire 2 500 francs...), nous ne pouvons nous permettre d'être absents. En
refusant de vendre des productions amorties financièrement, les
sociétés françaises de production manquent l'occasion de
s'implanter sur un marché pourtant prometteur et, en tous cas,
indispensable à la présence de la France, maintenant, certes,
mais, encore plus, au siècle prochain.
La présentation de programmes audiovisuels français devrait
être conçue dans une optique globale et l'audiovisuel devrait
constituer un élément de stratégie économique
nationale
.
Les États-Unis l'ont parfaitement compris. Les chaînes
privées transnationales américaines, comme CNN ou CNBC, servent
de support et de relais aux produits américains, essentiellement
à destination des hommes d'affaires : compagnies aériennes,
chaînes d'hôtels...
De même, au Japon, les sociétés de commerce, les
célèbres shosha, qui ont beaucoup contribué à la
réussite économique japonaise, ont fait une entrée
remarquée dans la télévision par satellite en multipliant
les prises de participation, en créant des sociétés de
diffusion et en constituant des catalogues de programmes.
Ainsi, quatre sociétés de commerce ont-elles partagé le
capital de PerfecTV ! ; la maison de commerce Sumitomo s'est
alliée avec le câblo-opérateur américain TCI afin de
lancer une nouvelle chaîne de divertissement, Japan Entertainment
Television, basée à Singapour et destinée à
être diffusée par le satellite Panamsat 2 sur les
réseaux câblés et les hôtels de l'Asie ; la maison de
commerce Nissho Iwaï a créé une société
chargée d'adapter des programmes étrangers de la BBC ou des
télévisions brésiliennes au Japon ; enfin, la maison de
commerce Mitsui s'est alliée, en novembre 1996, avec Bertelsmann.
La politique économique extérieure se devrait
d'intégrer totalement l'audiovisuel.
d) Adapter la stratégie audiovisuelle extérieure
Il faut, enfin et surtout, choisir des priorités.
La France ne peut, sur le plan audiovisuel, être partout
présente dans le monde. Notre pays doit donc faire des choix entre les
différentes parties du monde.
L'Asie a, jusqu'à présent, été moins bien
traitée, par notre action audiovisuelle extérieure, que
l'Afrique. Or, le poids économique et politique de l'Asie est bien
supérieur à celui de l'Afrique... Pouvons-nous encore nous
permettre une politique de l'offre généreuse sans souci de
l'audience ? A l'évidence, la situation de la France en cette fin
de siècle impose d'assurer le meilleur usage de l'action audiovisuelle
extérieure.
Mais la France ne peut, sur le plan audiovisuel, être présente
partout en Asie
: il nous faut définir des priorités et une
stratégie.
Ces choix font encore défaut. Il semble
- à la suite de cette mission - nécessaire
d'affirmer des priorités et de concentrer l'action audiovisuelle
extérieure sur les pays qui compteront le plus au siècle
prochain.
Il faudrait, au contraire,
hiérarchiser nos priorités
et
que ce choix soit proposé à un prochain Conseil audiovisuel
extérieur de la France afin de faire respecter cette stratégie
par les opérateurs audiovisuels publics.
On pourrait distinguer
:
· Les pays qui représentent un
intérêt
prioritaire
pour l'action audiovisuelle extérieure. Ces pays
seraient, dans l'ordre décroissant, le Japon, Taïwan, la
Corée du Sud, Hong Kong et Singapour. Ils devraient
bénéficier de toute l'attention des opérateurs publics et
les postes d'attachés audiovisuels pourraient recevoir des moyens
accrus, par un redéploiement interne.
· Les pays émergeants, sur le plan audiovisuel, pour lesquels une
action de
veille active
devrait être menée : cette action
ne rend pas nécessaire la présence d'attachés audiovisuels
et/ou de représentants des opérateurs publics, mais elle justifie
des crédits pour des actions ponctuelles de promotion de l'audiovisuel
français. Il s'agit de la Chine, des Philippines, de la Thaïlande,
de la Malaisie, de l'Indonésie et du Viet Nâm.
· Les autres pays, qui présentent un moindre intérêt
pour le moyen terme, au titre de l'action audiovisuelle extérieure, ne
devraient plus faire l'objet de crédits ouverts à ce chapitre.
Pour renforcer la cohérence de l'offre audiovisuelle publique, les
différents opérateurs de l'action audiovisuelle extérieure
publique devraient bénéficier d'un
représentant
unique
qui pourrait ainsi proposer à ses différents
interlocuteurs une palette élargie de programmes, francophones ou
français, et de formules : reprise des programmes nationaux
français, canadiens, suisses ou belges, ou de programmes
créés spécialement pour la diffusion internationale. Ce
représentant pourrait également proposer non seulement des
programmes mais également le
savoir-faire
français en
matière audiovisuelle afin de favoriser la coopération technique.
Cette représentation pourrait certainement intéresser les
opérateurs privés.
Comme votre rapporteur l'avait constaté en Europe centrale et orientale
dans la précédente mission qu'il y effectua en 1995, les
diffuseurs privés nationaux sont très absents sur les
marchés extérieurs, à l'exception notable, dans cette
région, de Canal + en Pologne.
Il en est, hélas, de même en Asie.
Ni Canal+, absorbé par son développement dans la diffusion
numérique par satellite et par sa nouvelle alliance avec Nethold, ni TF1
ne sont présents dans cette région. La chaîne a ainsi
fermé les bureaux de son correspondant régional basé
à Hong Kong en 1995. Alors que le groupe Bouygues a remporté de
nombreux contrats en Asie
13(
*
)
, la
première chaîne privée ne profite pas de ces contacts pour
prospecter des partenaires et conclure des accords de diffusion. Ce manque de
dynamisme international est regrettable.
A ces obstacles régionaux peuvent s'ajouter des obstacles nationaux,
spécifiques à un marché particulier.
C. SAISIR LES OPPORTUNITÉS
1. Saisir les opportunités du numérique au Japon
Quelques opportunités ponctuelles pourraient être
saisies, afin d'améliorer notre présence audiovisuelle en Asie.
Elles se situent dans le domaine d'amélioration de la diffusion de
programmes audiovisuels, davantage que dans la vente de programmes.
A cet égard, le marché japonais demeure encore fermé, en
raison des goûts du grand public : les chaînes japonaises ne
diffusent que 5 % de programmes étrangers et, sur les 200 millions de
dollars environ par an qu'elles dépensent pour leurs importations de
programmes, 80 % vont vers les productions américaines...
a) Développer la diffusion de programmes télévisés
Jusqu'en 1996, et hormis la reprise quotidienne du journal
télévisé de France 2 sur BS 1, dans le cadre
d'un accord commercial entre France Télévision et la
NHK
14(
*
)
, les chaînes de
télévision françaises étaient absentes du Japon.
NHK3 et la chaîne éducative Hosodaigaku diffusent cependant
quotidiennement des cours de français coproduits par France 3.
Contrairement à l'Allemagne (ZDF), ou à la Grande-Bretagne (BBC),
elles ne disposent même plus de bureaux de correspondants. Certains
opérateurs privés étudient néanmoins
l'opportunité d'investir sur ce marché.
Les nouveaux développements du paysage audiovisuel japonais offrent
des opportunités aux opérateurs tant publics que
privés.
Après autorisation du ministère des Postes et
Télécommunications (août 1996), les programmes de TV5 et de
MCM sont désormais disponibles au Japon en réception directe
(diffusion en compression numérique (MPEG2) depuis le satellite
Asiasat 2). La réception nécessite une antenne parabolique
(1,20 m à 1,80 m) ainsi qu'un boîtier de
décompression. Des importateurs de matériels et des installateurs
assurent déjà la promotion de cette réception (Moubic,
Mitsubishi Electric).
TV5 peut profiter de l'intérêt d'une grande partie du public pour
la culture française et viser en particulier les Japonais francophones
(500 000 à un million de Japonais étudient ou ont
étudié le français). MCM, fortement concurrencée
par des chaînes japonaises et anglo-saxonnes de même format, peut
intéresser le public consommateur de musiques européennes.
L'offensive commerciale du groupe Murdoch pour atteindre les réseaux
câblés (fourniture " gratuite " du matériel
d'Asiasat 2) peut servir les deux opérateurs français
disponibles sur le même satellite. Un effort commun similaire est d'ores
et déjà nécessaire (offre du décompresseur) pour
convaincre les câblo-distributeurs dont la capacité de diffusion
reste limitée à 27 chaînes en moyenne.
Parallèlement, les deux chaînes doivent étudier la
possibilité
d'une participation aux nouveaux bouquets
numériques japonais
. Ces deux démarches doivent être
poursuivies afin que les programmes ne se limitent pas à une simple
réception directe.
Loin de porter préjudice à l'activité d'exportation de
programmes au Japon, TV5 et MCM, diffusées en français, peuvent
constituer une vitrine pour la production française.
Une reprise du signal d'opérateurs français (publics et
privés) par un satellite local, dans le cadre d'un bouquet
multi-chaînes japonais correspond à une demande facilitée
par la spécialisation accrue des programmes, et l'attirance de plusieurs
publics pour notre culture. De plus, le rôle que semble jouer aujourd'hui
PerfecTV ! pour l'approvisionnement des réseaux câblés
laisse penser que l'accès à ces derniers se fera en
priorité par l'intermédiaire d'un satellite japonais.
Sans être un opérateur direct, il est aussi possible de se placer
sur ce nouveau marché comme fournisseur régulier de programmes,
si on dispose de catalogues suffisamment attrayants pour le public japonais.
Ainsi le géant allemand de la communication Bertelsmann a-t-il
annoncé, en novembre 1996, un partenariat avec la société
de commerce Mitsui qui participe au capital de très nombreuses
sociétés audiovisuelles japonaises et notamment celui de
PerfecTV ! En contrepartie d'une participation de Mitsui aux
intérêts de Bertelsmann en Europe, cet accord permettra au groupe
allemand de diffuser ses programmes au Japon sans pour autant y investir.
D'autres opérateurs japonais comme JIC, Nissho Iwai, Dainichi,
souhaitent collaborer avec des fournisseurs de programmes français pour
le satellite.
Les deux types de développement, opérateur direct (comme
Murdoch), fournisseur de programmes dans le cadre d'un accord de partenariat
plus général (Bertelsmann), sont des exemples à suivre
d'urgence pour des opérateurs français. Des partenariats sont
alors nécessaires avec des investisseurs japonais actionnaires des
nouveaux bouquets.
Le choix de Mitsui par Bertelsmann est judicieux pour deux raisons : comme
société de commerce, elle participe activement au capital des
nouveaux opérateurs numériques tout en recherchant des catalogues
de programmes et un savoir-faire dans le domaine de la diffusion.
Ce sont autant d'atouts qu'un groupe de communication français
d'envergure internationale devrait exploiter rapidement.
Cette association souligne aussi l'urgence d'un accord entre un
opérateur français et une société japonaise pour
une coopération croisée, avant que les places ne soient
complètement occupées.
b) Améliorer la réception des programmes radiophoniques
Deux chaînes de radio sont déjà
présentes sur le marché japonais :
- NRJ
La chaîne commerciale française est diffusée
24 heures sur 24, en direct et en stéréo sur le
réseau câblé Usen 440, depuis février 1996. Le
signal est acheminé par les États-Unis grâce à deux
câbles numériques et deux satellites.
- RFI
15(
*
)
Le signal de RFI est actuellement disponible sur deux réseaux
câblés nationaux :
- Can System, qui bénéficie du signal en ondes moyennes
acheminé pour une rediffusion vers le continent asiatique (accord
d'échange d'émetteurs avec la NHK). Le réseau
câblé local de Minato-Ku à Tokyo, CTT, offre le signal dans
les mêmes conditions.
- Usen 440 (environ 2,5 millions d'abonnés) qui reprend le
signal en numérique depuis l'Europe, via les États-Unis.
Ces reprises " détournées " ont été mises
en place avant que le Japon autorise la réception directe de programmes
étrangers, comme ceux actuellement disponibles sur Asiasat 2.
La reprise de RFI doit et peut être améliorée.
Can System s'est équipé à l'automne 1996 d'un
matériel de réception des programmes d'Asiasat 2, avec la
collaboration du service culturel de l'ambassade de France. La diffusion
numérique des signaux améliorerait naturellement la
qualité de réception de RFI qui s'est fortement
dégradée sur ce réseau depuis quatre mois. Cette
dégradation est d'autant plus remarquable, que Can System rediffuse
déjà, par l'intermédiaire d'Asiasat 2, les programmes
numérisés de Deutsche Welle.
De plus, Can System proposerait à ses auditeurs une qualité de
son similaire à celle du concurrent Usen 440. Ce deuxième
réseau pourrait lui aussi profiter de cette réception directe.
Mais il convient d'aller plus loin.
Pour la radio, RFI pourrait également profiter des opportunités
qu'offre le satellite Asiasat 2.
La présence de RFI en sous-porteuse de TV5 sur Asiasat 2
favoriserait, d'une part, sa reprise sur de nouveaux réseaux locaux et,
d'autre part, l'offre de ses nouveaux programmes aux opérateurs :
- Aucun réseau ou opérateur du satellite au Japon ne peut
investir dans un matériel de réception des satellites Intelsat,
dont les empreintes ne couvrent l'archipel qu'à la marge. Ce n'est pas
le cas d'Asiasat 2. Avec ce satellite, RFI pourrait de plus
bénéficier du travail de promotion déjà
entamé pour la reprise de TV5 et s'associer à la chaîne
francophone, pour sa commercialisation sur des réseaux
câblés ou sur un bouquet satellitaire numérique.
- Le troisième programme musical de RFI peut susciter un vif
intérêt du public, déjà habitué à des
formats musicaux thématiques, mais aussi des opérateurs, qui
disposent de capacités accrues d'offre de services et recherchent des
programmes spécialisés " clé en main ".
Afin d'approfondir les relations culturelles franco-japonaises, RFI pourrait
organiser, grâce à l'appui des services compétents de
l'ambassade de France, une opération particulière de promotion de
ses programmes, dès lors qu'ils seront disponibles sur le nouveau
satellite panasiatique.
2. Profiter de la volonté de Taïwan d'être un centre régional
Les autorités de Taïwan se sont fixé
l'ambitieux objectif d'être un centre d'activités régional,
offrant des avantages matériels et fiscaux afin d'attirer des
opérateurs étrangers. Le but des autorités
taïwanaises est de
ravir à Hong Kong le rôle de centre
régional commercial du monde chinois
.
Dans ce but, outre des ajustements macroéconomiques, il est prévu
de créer six centres d'activités spécifiques, dont un
serait affecté à l'audiovisuel. Outre une amélioration et
une libéralisation de la législation sur les média,
Taïwan compte produire des programmes audiovisuels, en chinois, de
qualité, et d'investir dans la post-production, les images de
synthèse, le numérique, afin de créer une industrie de
l'image à destination du marché chinois.
Compte tenu des perspectives de ce marché, estimées à 14
milliards de dollars américains en l'an 2000, contre 2,8 milliards
actuellement, l'ambition paraît attractive.
Les opérateurs audiovisuels français devraient donc
prêter une particulière attention à ce
marché
, notamment dans la perspective où
l'établissement ou le développement des activités à
Hong Kong devenaient plus difficiles. Toutefois, vouloir prendre pied dans le
monde chinois à partir de Taïwan demeure une entreprise
risquée. Si le pays possêde des atouts, notamment une bonne
maîtrise des technologies audiovisuelles et un début d'appareil de
production tout à fait satisfaisant, il demeure un marché
difficile, notamment pour établir des relations contractuelles solides
et durables.
3. Conforter l'implantation française à Hong Kong
Nonobstant la perspective du retour à la Chine et des
incertitudes sur l'exacte application au secteur audiovisuel et de la presse du
principe "
un pays, deux systèmes
", Hong Kong
demeure
une plaque tournante pour le marché de l'audiovisuel dans cette partie
de l'Asie, à laquelle Singapour aspire à succéder.
Hong Kong jouit d'avantages indéniables. La cité
bénéficie d'infrastrucures technologiques de bonne qualité
; elle abrite le siège de la plus importante production audiovisuelle en
langue chinoise. Les principaux opérateurs de chaînes satellites
panasiatiques opèrent à partir de cette ville. De nombreux
correspondants permanents, et les directions régionales des grandes
organisations de presse internationales, agences, publications ou
télévisions y sont établis, car tout ce qui se dit
à Pékin s'entendrait à Hong Kong...
Notre implantation audiovisuelle est ancienne et dynamique. Hong Kong constitue
une excellente base d'observation et d'action, notamment à destination
de la Chine du sud et des régions côtières, les plus
dynamiques. La France doit
consolider les atouts qu'elle a su y
développer
, notamment avec le MIP-Asia, marché
régional des programmes de télévision.
4. Mieux gérer la présence audiovisuelle française en Chine
Compte tenu des perspectives politiques, il est illusoire de
compter sur un développement important de la diffusion directe de
programmes audiovisuels en Chine. Même la vente de programmes reste
difficile en raison de la distance culturelle et des obstacles tant politiques
qu'économiques. Compte tenu des moyens des chaînes, les prix
proposés pour l'achat de programmes sont en effet peu attractifs.
Il convient donc de rationaliser notre présence en Chine et d'assurer la
bonne exécution des contrats.
a) Rationaliser la présence audiovisuelle française en Chine
De par la réglementation en vigueur, la place
occupée par les médias français est encore timide et
devrait le rester assez longtemps. C'est pourquoi ce marché ne peut,
selon votre rapporteur, constituer une priorité.
CFI est reçu par un très petit nombre de foyers autorisés
à installer une parabole, TV5 sera visible dans les mêmes
conditions (et avec un décodeur) à la fin de l'année, RFO
Tahiti est reçue à Pékin dans les mêmes conditions.
Quelques magazines français sont disponibles dans les kiosques des
grands hôtels.
La présence audiovisuelle française a été
très réduite, voire absente des ondes jusque vers la fin de
l'année 1992. Ce constat est à mettre en relation avec la
situation politique et économique du pays.
Depuis le réchauffement des relations franco-chinoises,
opéré sous le Gouvernement de M. Edouard Balladur, la France a
développé une forte politique de présence dans les
médias, principalement pour :
· des émissions de radio qui connaissent un vif succès, le
cap des 25 millions d'auditeurs est atteint dès la rentrée
1994,
· des chaînes de télévision, dont la chaîne
nationale, présentant des émissions régulières sur
la France.
Des cellules ont été implantées au sein de l'ambassade
(Pékin et Shanghai) afin de pénétrer davantage et
régulièrement les médias. Cette politique volontariste a
donné de bons résultats :
· en radio
La cellule " contact production " implantée au consulat de
Shanghai réalise les émissions et les diffuse dans tout le
pays : cours de français, magazines et émissions musicales.
Les émissions sont à caractère général et
privilégient séquences informatives rapides, à contenu
varié (28 stations diffusent des émissions pour un public
estimé à environ 50 millions d'auditeurs chaque semaine).
· en télévision
La cellule audiovisuelle créée en 1994 a instauré un
partenariat régulier avec les télévisions chinoises et les
opérateurs français. Elle répond aux demandes d'images et
de programmes des télévisions auxquelles sont fournis, sur leur
demande, des documents libres de droits : 13 chaînes de
télévision sont des partenaires réguliers pour des
émissions en chinois hebdomadaires d'une durée de 30 minutes
(Regards sur le monde - Wuhan TV ;
Kaléidoscope - BTV ou quotidiennes, Bonjour Pékin
- Shandong TV - Autour du Monde ; Hangzhou
TV - Toi et moi...).
Cette fonction est complétée par des actions de promotion des
produits français par :
- la fourniture des catalogues,
- le visionnage de cassettes (une centaine d'heures en 1995),
- la facilitation de contacts entre producteurs français et acheteurs
chinois (CCTV et France Télévision...).
Une fréquentation des marchés des programmes par les
délégations françaises a débuté en
septembre 1995, avec la présence d'un stand de TVFI à Chengdu.
Les opérateurs français bénéficient d'une bonne
implantation dans le pays :
· CFI sera représenté à Pékin par le bureau
d'IP Network. Après des tentatives infructueuses en Chine,
l'opérateur a en effet donné la priorité à une
action en Indonésie et en Inde.
· L'INA a ouvert en février 1996 un bureau de
représentation. Il devrait, à terme, se transformer en agence
commerciale. Les objectifs sont diversifiés :
- ventes de programmes,
- développement d'actions de formation,
- vente d'ingénierie informatique et de gestion d'archives.
· RFI est au troisième rang des radios internationales et la
réforme de l'automne 1996 n'a pu que renforcer son écoute en
Chine.
· TV 5 : la diversification des opérations tient compte des
possibilités offertes par le satellite Asiasat 2, qui
fonctionne depuis décembre 1995 et appelle, comme on l'a vu, à la
régionalisation de la grille de programme de la chaîne.
Enfin, différentes actions permettent aux gestionnaires des
chaînes de télévision ou stations de radio une meilleure
connaissance des lieux de production française et de la
spécificité des produits :
- attribution de bourses,
- participation à des stages spécifiques pour une gamme de
métiers toujours plus large (réalisateurs, journalistes,
techniciens).
b) Assurer l'exécution des accords
France Télévision Distribution entretient des
relations commerciales avec de nombreux pays d'Asie. Il s'agit, après
l'Europe centrale et orientale, de la zone sur laquelle les rapports
commerciaux sont les plus suivis et réguliers. En terme de chiffre
d'affaires, l'Asie dépasse même l'Europe centrale et orientale,
compte tenu de l'importance des contrats avec le Japon.
Avec la Chine, cette politique s'est traduite concrètement par un
certain nombre de faits ou réalisations :
· Ainsi France 3 a-t-elle " parrainé " le premier
magazine d'information en français que la 2e chaîne de la CCTV a
créé en 1990.
Ce magazine, entièrement réalisé par les Chinois, est
diffusé, pendant 30 minutes, chaque dimanche par le 2e
réseau de la CCTV. Les présentateurs et son rédacteur en
chef ont été accueillis pendant trois mois à
France 3, avant le lancement de ce programme. Ils ont suivi un stage
à Paris et ont visité plusieurs stations régionales. Ce
magazine hebdomadaire contribue à la diffusion du français en
Chine. Pendant plusieurs années, des extraits de ce magazine ont
été diffusés sur France 3, dans le cadre de
l'émission " Continentales ", animée par Alex Taylor,
jusqu'à la fin de cette émission en 1994.
Plusieurs stations régionales chinoises ont signé des accords de
coopération avec des stations régionales de France 3. Ces
accords, qui ont connu au début des applications effectives, ont peu
à peu périclité, faute de moyens et d'un nombre suffisant
de sujets d'intérêt commun.
France 3 compte maintenir sa présence dans les festivals
asiatiques, débouchés potentiels,
malgré la
difficulté à pénétrer les grilles de programme dans
cette zone. L'investissement sera surtout d'ordre relationnel. Il est vrai que
les structures des télévisions chinoises ne permettent pas
d'espérer des résultats immédiats.
Toutefois, en application de cet accord, France Télévision a
ouvert un bureau permanent à Pékin en août 1995. Il faut,
hélas, constater que les images en provenance de Chine et de cette
région ne sont pas assez fréquentes : la
responsabilité en incombe moins aux journalistes en poste à
Pékin, dont votre rapporteur a pu apprécier le talent et le
sérieux, qu'aux conférences de rédaction parisiennes qui
semblent trop négliger ce qui se passe dans le premier État
- au plan humain - du monde.
· France 2 a choisi de mener avec les télévisions
chinoises une collaboration étroite, qui s'est concrétisée
en 1995, lors d'une visite du Président et du directeur de
développement de France Télévision à Pékin,
par deux accords. L'un entre la CCTV et le groupe
France Télévision portant sur les échanges de
programmes, l'assistance technique et les droits de retransmissions et l'autre,
entre France Espace et la régie publicitaire de CCTV, portant sur l'aide
que France Espace peut apporter aux chaînes chinoises pour moderniser la
gestion de leurs ressources publicitaires et pour développer leurs
ventes d'espaces au sein de l'Union européenne.
Aux termes de cet accord, France Espace aurait dû mettre à la
disposition de la régie publicitaire de la CCTV les experts capables de
mettre en place ou de modifier la gestion informatique, la construction des
écrans, le média planning et le planning ainsi que tout autre
système et aurait dû assurer la formation à Paris et/ou
à Pékin des personnels nécessaires au transfert de
technologie.
A ce jour, aucun fait n'est venu concrétiser ces accords.
France Espace s'interroge sur l'opportunité de relancer la CCTV, dans le
strict cadre de la coopération technique.
Il serait dommage de
laisser passer une occasion inespérée de prendre pied sur le
marché audiovisuel chinois
. Pourtant, aucun progrès ne
semblait accompli à la date de rédaction de ce rapport...
CONCLUSION
La diplomatie culturelle, dont la France a su se doter, a,
certes, un coût élevé, mais elle a le mérite
d'exister, de bien fonctionner et d'appuyer nos investissements
économiques et notre diplomatie traditionnelle. Elle pourrait le faire
davantage, si la politique audiovisuelle extérieure était
davantage intégrée au sein de la politique
étrangère et de la politique du commerce extérieur en
particulier.
Dans les batailles planétaires, que se livrent désormais les
économies des pays développés, l'image est un atout autant
économique que culturel.
La France a la chance de disposer à cet égard d'un riche
patrimoine culturel, mais également d'un outil de production
audiovisuelle et cinématographique qui a pu résister aux
États-Unis, et qui est l'un des rares à subsister en Europe.
Cependant, cet outil reste encore trop tourné vers lui-même, trop
frileux, trop habitué aux subventions assurées de l'État
sur le marché national, pour s'engager résolument dans l'aventure
incertaine mais prometteuse de l'exportation sur le marché international
et notamment vers la zone la plus dynamique de l'économie mondiale :
l'Asie-Pacifique.
Face à un marché en pleine expansion, mais aux moyens financiers
encore limités, les producteurs européens cherchent à
vendre sans toutefois brader leurs programmes. Le marché de la
production audiovisuelle reste une affaire d'asiatiques, avec des pays encore
peu perméables aux productions occidentales.
Si l'Europe a sans doute perdu la bataille de la distribution de l'image
- seul les majors d'Hollywood peuvent assurer la promotion et la vente de
leurs productions sur la planète entière et les seules
chaînes de dimension véritablement internationale sont
américaines -,
elle doit relever le défi de la la
production audiovisuelle, en s'engageant dans la révolution
numérique
. Celle-ci, en réduisant les coûts et en
offrant de nouveaux espaces, favorise la multiplication des chaînes et
leur appétit insatiable de programmes.
L'immense appêtit d'images peut et doit être satisfait par les
programmes internationaux, occidentaux, ou français.
L'Asie peut donc constituer une chance pour l'audiovisuel
français
, déjà présent, mais de manière
encore insuffisante. Tous les efforts doivent donc être poursuivis, mais
avec discernement, pour compléter notre réseau de diffusion
audiovisuelle dans cette région, pour favoriser la vente de nos
programmes et pour ouvrir ainsi une petite fenêtre sur la culture et
l'économie françaises.
Il n'y a pas d'action diplomatique - surtout lorsqu'il s'agit du secteur
de l'audiovisuel - sans acceptation de l'autre, ni de proposition de ses
produits sans accepter ceux des pays avec qui l'on veut contracter.
Surtout lorsqu'il s'agit de relations entre Européens et Asiatiques...
La carte de la réciprocité doit donc être jouée ;
par exemple, en invitant nos partenaires d'Asie orientale à créer
des chaînes thématiques, diffusées à partir de la
France, et proposées au reste de l'Europe.
L'audiovisuel permettra ainsi de poser un nouveau jalon sur la voie du
dialogue franco-asiatique.
LES PRINCIPAUX CONTACTS DE CETTE MISSION
JAPON
Tokyo
9 - 11 septembre
s
- Entretien avec des représentants de la NAB
- M. ISHIKAWA, président de l'association des
câblo-opérateurs et de CTT (opérateur du câble)
- Visite de la NHK
- M. KASAHARA, président-directeur général de PERFECTV
- Mme Marie-Christine DENAVACELLE, directrice de l'Institut franco-japonais de
Tokyo
- M. Laurent ALLARY, représentant au Japon d'UNIFRANCE FILM
- Visite de FUJI TELEVISION
- Visite de NIHON TV
- M. YAMAGUCHI, vice-ministre des Postes et Télécommu-nications
CHINE
Pékin
13-14 septembre
- M. YANG Weiguang, président de la
Télévision Centrale
- M. LIU Diyi, président de la Télévision de Pékin
- M. DAI Jie, vice-président de la Commission des Finances et des
Affaires économiques de l'Assemblée nationale populaire
HONG KONG
16-18 septembre
- Dr William LO, Directeur, Hong Kong Telecom IMS
(Interactive Multimedia Services)
- Mme Sabrina CUBBON, General Manager Marketing, Asiasat
- Mme Man Yee CHEUNG, directrice de la radiodiffusion, RTHK (Radio Television
Hong Kong)
- Mme Jannie POON, Corporate Affaires Manager, STAR TV
- M. Stephen LI, Deputy Chief Executive Officer, ATV (Asia Television limited)
- M. Robert CHUA, CETV (China Entertainment Television Broadcast)
- Mme Rita LAU, Government Secretary (Broadcasting, Culture and Sports)
- M. Stephen NG, Chairman and Managing Director, WHARF CABLE
- French Business Association
- M. Hon Christopher PATTE, Gouverneur de Hong Kong
- M. Alex YING, General Manager, TVB (Television Broadcast Limited)
TAÏWAN
Taïpeh
20-23 septembre
- M. Jiang FENG-CHYI, président de CTV (China
Television Company)
- M. Hoang SIEOU-JE, vice-ministre des Affaires étrangères
- M. Paul CHIOU, ministre des Finances
- Dr. Charles Chung-Lih WU, directeur général adjoint du Bureau
d'information du Gouvernement
- Visite de la chaîne de radio ICRT (International Community Radio
Taïpeh)
Entretien avec la direction :
- M. George CHU, directeur de la station
- M. Carleton BAUM, directeur des opérations
- M. Nicholas GOULD, directeur du marketing
- M. Paul MEADOR, directeur de l'information
- M. Danny CHUANG, directeur des relations publiques
- Entretien avec M. Jacques PERPERE, secrétaire
général d'Europe Développement International (Europe 2)
Nombreuses séances de travail ou entretiens avec :
- chaque chef de mission diplomatique ou de représentation,
- le conseiller culturel,
- l'attaché audiovisuel,
- les journalistes français,
- des représentants :
· de la chambre de commerce française,
· de la Communauté française.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 5 février 1997 sous la
présidence de
M. Christian PONCELET
,
Président
, la
commission des finances a tout d'abord entendu une communication de
M. Jean
CLUZEL, rapporteur spécial des crédits de l'audiovisuel,
sur
la mission qu'il a effectuée dans certains pays
d'Asie
, du
9 au 23 septembre 1996, pour y étudier le
développement
de
l'audiovisuel français
.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial,
a tout d'abord
rappelé le poids démographique de la Chine, du Japon, de Hong
Kong et de Taïwan et la faiblesse, d'une part, du nombre des
expatriés français et, d'autre part, de la population francophone
dans ces pays. Il s'est interrogé, dans ces conditions, sur la
nécessité de la présence d'opérateurs audiovisuels
français sur ces marchés, et a relevé l'insuffisance de
leur audience. Il a toutefois précisé que les chaînes
locales avaient besoin de programmes audiovisuels, compte tenu de l'explosion
de la demande de programmes prévisible en raison de l'utilisation de
satellites diffusant des chaînes en mode numérique, qui en diminue
le coût.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial
, a ensuite analysé les
obstacles qui freinent le développement de la présence
audiovisuelle française en Asie.
Outre la concurrence très efficace des opérateurs anglo-saxons,
il a mentionné l'obstacle de la langue, la difficulté de conclure
des accords bilatéraux et enfin, le contexte politique qui n'est pas
toujours favorable à la diffusion directe de programmes.
Le rapporteur spécial a ensuite fait part de ses suggestions pour
développer la présence audiovisuelle française en Asie. Il
a souligné que les télévisions locales recherchaient un
troisième fournisseur, en plus des Etats-Unis et du Japon et que la
France devait saisir cette opportunité. Il a jugé indispensable
que les chaînes françaises ou francophones soient présentes
sur les bouquets numériques qui se constituent. Il a estimé
nécessaire d'améliorer le contenu des programmes audiovisuels
autant que de se préoccuper des "tuyaux" qui les diffuseront. A cet
égard, il a suggéré d'utiliser trois vecteurs
linguistiques selon la nature de l'émission, le français,
l'anglais et la langue locale. Il a souhaité un renforcement de la
cohérence de notre stratégie audiovisuelle, les opérateurs
publics envoyant des représentants en Asie sans se concerter et ignorant
la stratégie des autres acteurs publics.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial
, a suggéré que
l'offre audiovisuelle française soit mieux adaptée au
marché international. Il a rappelé les handicaps des programmes
audiovisuels et a proposé la création d'un module de journaux
télévisés internationaux qui serait multidiffusé
sur la chaîne francophone TV5 et la banque de programmes Canal France
International (CFI ), en utilisant notamment les images
réalisées par Euronews. En conclusion, il a estimé que les
pouvoirs publics devaient accorder la plus grande attention au
développement du secteur audiovisuel en Asie et que la France ne
pouvant, sur le plan audiovisuel, être partout présente dans le
monde, devait faire des choix et affirmer des priorités entre les
différents marchés asiatiques.
Déclarant partager l'analyse du rapporteur sur l'insuffisance de la
présence française en Asie,
M. Christian Poncelet,
président
, a estimé que la tenue du sommet de la francophonie
à Hanoï, en novembre 1997, pourrait donner à la France
l'occasion de "rebondir"' dans cette région du monde qui connaît
une forte croissance économique. Il a de même jugé qu'il
était nécessaire de diffuser davantage de programmes en
français mais a toutefois souligné la part de
responsabilité des français lorsqu'ils utilisent l'anglais comme
langue de travail à l'étranger.
M. Maurice Schumann
a rappelé que le dernier rapport du Haut
Conseil de la Francophonie avait relevé des progrès
considérables de l'enseignement du français en Asie.
Déclarant que la francophonie était inséparable du
multilinguisme, il a considéré que l'avenir du français se
jouerait sur les nouveaux vecteurs de diffusion et notamment dans l'espace
interstellaire. A cet égard, il a rappelé que M. Gérard
Théry, constatant que les langues européennes n'avaient pas leur
place sur Internet, avait proposé de lancer un concurrent de ce
réseau mondial, utilisant la technologie ATM et utilisant les langues
européennes. Il a suggéré l'audition de M. Gérard
Théry devant la commission.
M. Alain Lambert, rapporteur général
, s'est
interrogé sur l'articulation entre la stratégie audiovisuelle de
l'Etat et celle des chaînes.
M. Jean Cluzel, rapporteur spécial
, a rappelé que le
rôle d'harmonisation de l'action des opérateurs audiovisuels TV5,
CFI et Radio France Internationale, était dévolu au Conseil
pour l'Audiovisuel Extérieur de la France. Il a estimé qu'il
appartenait à l'Etat de hiérarchiser les priorités, de
choisir des marchés et d'annoncer une stratégie claire. Il s'est
félicité à cet égard de la création d'un
holding regroupant TV5, CFI et RFI, dénommé
Télé France International. Il a jugé que, dans le respect
des priorités fixées par l'Etat, il appartenait aux chaînes
chargées de l'action audiovisuelle extérieure de faire diffuser
les programmes audiovisuels des chaînes publiques et privées
françaises sur les chaînes hertziennes, les réseaux
câblés et les bouquets numériques étrangers. Il a
souhaité que cette mission soit complétée, à
l'avenir, par la vente ou l'échange de programmes audiovisuels issus de
la production indépendante, rappelant toutefois qu'il existait une
différence de prix importante entre le marché français et
le marché international.
Invité par
M. Christian Poncelet, président
, à
donner des précisions sur ce point,
M. Jean Cluzel, rapporteur
spécial
, a rappelé que la France produisait pour son seul
marché national, alors que les programmes audiovisuels en provenance des
Etats-Unis étaient déjà amortis sur le marché
intérieur, et étaient financés par la publicité. Le
prix de vente des programmes audiovisuels américains ne prend donc en
compte que leurs frais de commercialisation. De surcroît, les
chaînes locales asiatiques achètent des séries
déjà largement diffusées sur le marché
international à très bas prix, compte tenu de leurs faibles
ressources, notamment en Chine.
M. Maurice Blin
s'est interrogé sur les obstacles culturels aux
exportations de programmes audiovisuels ou cinématographiques non
américains. Rappelant que le cinéma était une invention
technique française, il a noté que les Etats-Unis
s'étaient appropriés culturellement la production
cinématographique. Il s'est demandé pourquoi le cinéma
à vocation universelle était quasi exclusivement d'origine
américaine, alors qu'il s'agit d'un peuple au passé encore
récent. Il a attribué cet état à la faculté
pour les Etats-Unis d'assimiler les mythes étrangers, notamment
européens, citant comme exemple le roman de Victor Hugo "Notre Dame de
Paris", dont les studios Disney ont fait un dessin animé, et la
maîtrise de la technique du mouvement par les producteurs
américains.
La commission a
alors décidé de faire publier cette
communication
sous la forme d'un
rapport d'information.
1
L'audiovisuel au Canada, Rapport
d'information n° 301, 1994-1995, L'audiovisuel en Europe centrale et
orientale, Rapport d'information n° 322, 1995-1996.
2
Philippe Berthet et Jean-Claude Redonnet,
" L'audiovisuel au
Japon ", Presses universitaires de France, mai 1992.
3
En juin 1996.
4
Mission d'information effectuée en Chine du 5 au 18
septembre 1994, Rapport Sénat n°66, 9 novembre 1994.
5
La chaîne était, en septembre 1996, sur le point
d'obtenir une " permission " (et non une licence) de la
part des
autorités chinoises.
6
Désigne les riches hommes d'affaires, d'origine chinoise,
de Hong Kong.
7
La postproduction des programmes diffusés en direction du
sous-continent indien a été délocalisée de
Hong Kong en Inde pour des raisons d'économies.
8
New Taïwan Dollar = 5,20 FF environ.
9
Rapport Balle sur la politique audiovisuelle extérieure de
la France, 1996, p. 77.
10
Dans bien des cas, il devient incongru que les services culturels
proposent des actions de formation, au demeurant fort coûteuses, à
des professionnels qui n'ont rien à apprendre de nous, sur le plan
technique...car ce serait plutôt le contraire.
11
Rapport Balle précité, p.63.
12
Il faudrait néanmoins convaincre les journalistes de se
prêter à cette nouvelle forme de diffusion audiovisuelle, qui est
actuellement discréditée car assimilée à du
parrainage, et leur faire prendre conscience de la contribution de cette
pratique au développement de la présence audiovisuelle
française dans le monde.
13
Dont, au beau milieu de la baie de Hong Kong, le centre de
conférences internationales où aura lieu en 1997 la passation de
pouvoir entre le gouverneur britannique et le représentant de la
République Populaire de Chine.
14
La société NHK diffuse le journal de
20 heures de France 2 sur sa chaîne satellitaire depuis la
signature d'un protocole d'accord en 1977, reconduit en 1992. Un nouvel accord
signé en 1994 a permis d'étendre les relations entre
France Télévision et la NHK en particulier dans le domaine
des nouvelles technologies.
15
RFI produit aussi une émission quotidienne
diffusée sur la station FM japonaise J-Wave.