III. LA FRAGILITE D'INSTITUTIONS ADMINISTRATIVES ENCORE JEUNES
L'essoufflement de la dynamique créée par les
accords de Matignon n'est pas propre à la sphère
économique. Il affecte aujourd'hui aussi le coeur même du statut
de 1988, la provincialisation, ainsi que son corollaire, la
décentralisation communale :
- les collectivités calédoniennes présentent comme
caractéristiques des surfaces géographiques imposantes et une
forte dispersion de l'habitat qui induisent à elles seules des
coûts considérables ;
- tant les élus que le nouvel encadrement administratif
bénéficient d'une formation encore insuffisante ;
- enfin, hors de l'agglomération de Nouméa, les bases
financières des provinces, et singulièrement de la province Nord
et des communes, paraissent mal assurées.
A. DES SURFACES GÉOGRAPHIQUES IMPOSANTES ET UNE FORTE DISPERSION DE L'HABITAT QUI INDUISENT À ELLES SEULES DES COÛTS CONSIDÉRABLES.
Comparées à la moyenne des départements
métropolitains (environ 5.700 km²) les deux provinces de la
Grande Terre présentent des superficies importantes avec
7.000 km² pour la province Sud et 9.600 km² pour la
province Nord, qui fait ainsi presque jeu égal avec la Gironde, le plus
grand département français.
Toutefois, le décalage le plus saisissant avec la métropole peut
être observé en matière de surfaces communales : la
moyenne atteint en Nouvelle-Calédonie 563 km² contre 15
km² en France, soit un rapport de 1 à près de 40 ! La
presque totalité des communes calédoniennes figurent ainsi au
premier rang des plus grandes superficies communales de notre pays.
Ce handicap de la superficie est alimenté par
des densités
extrêmement faibles et une forte dispersion de l'habitat hors de
l'agglomération de Nouméa.
Superficie et densité par collectivité en 1996
|
Superficie
|
Densité hab/km² |
Province Nord
- Bélep
Total Nord |
69,5
|
13,3
|
suite du tableau de la page précédente |
||
Province Sud
- Boulouparis
Total Sud |
865,6
|
1,8
|
Province Iles Loyauté
- Lifou
Total Iles |
1.207,1
|
8,3
|
Total territoire |
18.575,5 |
10,6 |
Source : Recensement général de la population
d'avril 1996.
Les conséquences financières des faibles densités et de
la dispersion des populations ont déjà été
soulignées plus haut. Dans le cas particulier des collectivités
publiques, cette fragilité structurelle apparaît tout
particulièrement aiguë, huit ans après la signature des
accords de Matignon :
- Pour ne prendre que le champ d'action des communes, si les taux
d'électrification et de raccordement au réseau d'eau potable
apparaissent très satisfaisants,
le coût marginal des
dernières opérations à réaliser atteint des niveaux
très élevés
. Il s'agit, en effet, de connecter des
tribus, particulièrement isolées dans la chaîne centrale de
la Grande Terre, et ne comptant parfois que quelques dizaines d'habitants.
- En termes de charges d'entretien, le problème de l'étendue des
surfaces à gérer trouve une traduction très
concrète dans
le maintien en état des routes
.
L'interprétation assez stricte faite de la notion
"d'intérêt territorial" par la délibération
n° 19/CP du 15 novembre 1989 a en effet abouti à
transférer aux provinces environ les trois-quarts du réseau
précédemment à la charge du Territoire sur la Grande
Terre. Sur près de 1.270 kilomètres de routes, seuls les
272,5 kilomètres reliant la capitale territoriale (Nouméa)
à la capitale de la province nord (Koné) sont ainsi restés
de compétence territoriale
12(
*
)
.
La province Sud n'a récupéré dans son patrimoine
que 273,5 kilomètres (un peu plus de 20 % du total des
1.270 kilomètres), cependant que 692,6 kilomètres
(près de 55 %) revenaient à la province Nord, dont une
soixantaine de pistes.
Toutefois, l'essentiel des 5.800 kilomètres de routes
recensés en Nouvelle-Calédonie relève de
la voirie
communale
avec 2.570 kilomètres de chemins ruraux,
2.300 kilomètres de routes municipales et
874 kilomètres de voies urbaines.
Face à l'ampleur des défis financiers à relever, la
solution de l'intercommunalité semble en certains endroits ne devoir
trouver son chemin que très progressivement.
L'absence de ressources propres interdit l'extension à la
Nouvelle-Calédonie de formules de groupements à fiscalité
autonome. C'est donc la technique du syndicat intercommunal qui domine.
Dans le cadre de son déplacement en province Nord, votre rapporteur a
ainsi pu constater l'émergence, sur la côte est, d'un syndicat
à vocation multiple, en grande partie grâce à la forte
personnalité du maire de Poindimié, M. Néaoutyine.
Cette structure couvre environ 4.000 km², soit près de la
moitié de la province, et forme un ensemble continu et cohérent
de Pouébo à Houaïlou.
En revanche, la côte ouest semble encore tâtonner après une
première expérience malheureuse et en dépit d'un fort
besoin en matière de traitement des ordures ménagères et
de services d'incendie et de secours.