COMPTE RENDU DU DÉPLACEMENT EFFECTUÉ AUX ETATS-UNIS DU 13 AU 21 SEPTEMBRE 1996
La réputation faite au système de
sécurité sanitaire américain, particulièrement
à la Food and Drug Administration (FDA), en charge presque exclusive du
contrôle des produits destinés à l'homme, a conduit la
mission à choisir d'y accomplir un déplacement du 13 au 21
septembre dernier.
La délégation, conduite par
M
.
Jean-Pierre Fourcade,
président de la commission des Affaires sociales
, était
composée de son président, M.
Charles Descours
, de
son rapporteur, M.
Claude Huriet
ainsi que de M.
François
Autain
, Mme
Jacqueline Fraysse-Cazalis
, MM.
Dominique
Leclerc
et
Bernard Seillier
.
Le système américain de sécurité sanitaire
s'organise autour de trois grandes missions :
- le contrôle et l'autorisation de la mise sur le marché des
produits, qui sont assurés pour l'essentiel par la FDA, à
l'exclusion de la viande, de la volaille et des oeufs dont la tutelle est
assurée, pour des raisons historiques, par le département du
ministère de l'agriculture ;
- la mission de veille sanitaire qui est assurée par les Centers for
disease control (CDC) établis principalement à Atlanta ;
- l'évaluation des activités médicales et
thérapeutiques qui est assurée par la Health policy agency (HPA),
établie à Washington.
Il appartient au secrétariat à la santé de définir
pour sa part la politique de santé. Les autorités
américaines ont récemment réduit fortement ses moyens pour
accroître parallèlement ceux des outils qui viennent d'être
décrits.
Les développements qui suivent ont pour objet :
- d'abord, de rendre compte des entretiens de la délégation dans
l'ordre chronologique de leur déroulement ;
- de décrire l'organisation générale du système de
santé américain ;
- de préciser enfin le rôle et les compétences respectives
de chacune des trois agences dont les missions ont été
brièvement décrites ci-dessus.
I. LES ENTRETIENS DE LA DÉLÉGATION
Lundi 16 septembre 1996 Washington DC
10 heures
: Entretien avec
Terri Modley, administrator- Animal
Plant Health Inspection Service
Trois administrations concourent au contrôle des produits issus de la
biotechnologie végétale : le Food and Drug administration (FDA),
l'agence de l'environnement et les services d'inspection du ministère de
l'agriculture.
Trois concepts fondent l'organisation de ce contrôle :
- le concept de précaution : le risque est toujours présent ;
- le concept de familiarité : les informations sur le risque doivent
être recherchées et constamment entretenues ;
- le concept de transparence : le public doit être informé,
consulté et, le cas échéant, associé au processus
de décision.
Il a été précisé par ailleurs que les risques
induits par les produits issus de la biotechnologie végétale ne
présentent pas une différence de nature avec ceux nés des
produits agricoles traditionnels, mais seulement une différence de
niveau résultant de la complexité des techniques
utilisées
.
11 heures
: Entretien avec
M. Mike Taylor, secrétaire
d'Etat adjoint, Department of agriculture
Mike Taylor, responsable de la sécurité alimentaire du
département de l'agriculture, ancien agent de la FDA, a rang de
secrétaire d'Etat adjoint.
Pour des raisons historiques, le contrôle de la viande et des oeufs,
à l'exclusion de la volaille, échappe à la
compétence de la FDA et est assuré par le ministère de
l'agriculture. Les produits transformés ou les produits concourant
à cette transformation sont cependant de la compétence de droit
commun de la FDA.
Le contrôle des produits placés sous la juridiction du
département de l'agriculture est, du fait de leur nature, fondé
sur les concepts de prévention et d'accompagnement. Il s'agit moins, en
effet, de contrôler la qualité et la sécurité des
produits finis que de contrôler et d'inspecter les différents
stades de la production.
Le département affecte 10.000 agents à l'exercice de ces
contrôles, qui sont effectués sous la tutelle d'une commission de
sécurité alimentaire garantissant la transparence de son
activité et l'information du public.
14 heures 30
: Entretien avec
M. Carl Feldbaum, président
de l'association BIO et plusieurs de ses collaborateurs
L'association est chargée de défendre, auprès des
administrations fédérales, les intérêts des
entreprises de biotechnologie établies aux Etats-Unis.
L'association compte 650 membres, répartis dans 47 états :
- 70 % développent leurs activités dans le secteur
médical, qu'il s'agisse du génie génétique, de la
médecine moléculaire, ou des thérapies géniques et
cellulaires et sont contrôlés par la FDA ;
- 20 % appartiennent à la filière agricole et sont
contrôlés par la FDA ou le Ministère de l'agriculture ;
- 10 % produisent des organismes génétiquement
modifiés et sont contrôlés par l'agence de l'environnement.
L'Association s'assigne trois missions :
- adapter le droit des brevets aux exigences des technologies nouvelles ;
- adapter les instruments capitalistiques aux mêmes exigences ;
- favoriser l'élaboration de règles bioéthiques.
L'Association développe une action de communication auprès des
pouvoirs publics et de l'opinion. Elle dispose d'un système
d'informations sur l'environnement international.
Les reproches adressés par l'Association au fonctionnement de la FDA
tiennent essentiellement aux délais d'examen des dossiers qui lui sont
soumis.
16 heures 30
: Entretien avec
M. Philip Lee, Assistant secretary
for Health
Philip Lee, qui a été secrétaire d'Etat adjoint du
président Lyndon Johnson, est l'un des plus anciens responsables de la
politique de la santé pour le parti démocrate.
Selon lui, au-delà de sa complexité apparente, le système
de santé américain repose sur trois piliers importants :
- la FDA, en charge de l'autorisation et du contrôle de la
sécurité des produits ;
- les CDC, en charge de la veille sanitaire ;
- la HCPR Agency, en charge de l'évaluation médicale.
Ces trois piliers mettent à la disposition du secrétaire d'Etat
à la santé les instruments propres à définir la
politique de santé des Etats-Unis.
Les National Institut of Health sont, pour leur part, en charge de la recherche
publique médicale. Leur mission s'apparente à celles de l'INSERM.
Trois remarques sur cette organisation :
- si elle peut induire des chevauchements de compétences, elle garantit
qu'aucune activité n'échappe au contrôle d'une ou de
plusieurs agences ;
- le chevauchement de compétences n'entraîne aucune concurrence
entre les instances et conduit l'administration de la santé à
exercer un rôle de coordination ;
- le secrétariat d'Etat doit respecter l'indépendance des agences.
Trois remarques à propos de la compétence de la FDA :
- le congrès a récemment confirmé la compétence du
ministère de l'agriculture pour le contrôle de la viande et des
oeufs ;
- " si c'était à refaire ", Philip Lee distinguerait
le contrôle des produits thérapeutiques de celui des produits
alimentaires ;
- la FDA est critiquée moins pour ses méthodes et sa
compétence scientifique, unanimement reconnue, que pour la bureaucratie
de ses procédures et les délais excessifs que celle-ci induit.
Mardi 17 septembre 1996 Washington
Journée à la Food and Drug Administration
9 heures
: accueil par
Dr. Sharon Smith Holston
Deputy Commissioner for External Affairs
9 heures 15
:
Dr. Randolph Wykoff
Diane Thompson
Associate Commissioner for Legislative Affairs
Walter Batts
Director, Office of International Affairs
Office of External Affairs
Linda Horton, Esq
.
Director, international Policy Staff
Office of Policy
Patrick Wilson
Acting Associate Director
10 heures 30
:
Kathryn Zoon
Director, Center for Biologics Evaluation and Research
Elaine C. Esber, MD
Associate Director for Medical and International Affairs
13 heures 30
:
John Venderveen
, Director
Office of plant and Dairy Food ans Beverage, Center for Food
Safety and Applied Nutrition
James Maryanksi
Biotechnology Strategic Manager
Robert Teske
Deputy Director, Center for Veterinary Medicine
14 heures 30
:
Elizabeth Jacobson
Deputy Director
Center for Devices and Radiological Health
Steve Unger
Deputy Ombudsman
Office of the commissioner
15 heures 45
:
Michael Friedman
Deputy Commissioner for operations
La compétence générale d'autorisation et de
contrôle des produits thérapeutiques confiée à la
FDA ne reçoit qu'une seule exception, pour des raisons historiques. Elle
porte sur les produits naturels issus directement des filières de la
viande et des oeufs (à l'exclusion de... la volaille), qui sont
contrôlées par le ministère de l'agriculture.
La FDA emploie plus de 10.000 personnes et contrôle tous les produits
destinés à l'alimentation. Si chacune de ces catégories de
produits est contrôlée par un département
spécialisé, les procédures et la déontologie sont
définies par les instances dirigeantes de l'agence et sont
fondées sur des textes régulièrement
aménagés par le congrès des Etats-Unis.
La FDA définit les conditions de sa réussite autour de dix
commandements sans lesquels elle estime ne pas pouvoir s'assurer la confiance
du public :
1°) sa mission doit être définie et ses règles de
fonctionnement clairement codifiées ;
2°) l'indépendance de ses autorités de décision doit
être totale ;
3°) cette indépendance doit être justifiée par la
qualité scientifique incontestable des expertises ;
4°) toutes les données scientifiques doivent être connues par
l'agence qui doit partager tout son savoir ;
5°) le pouvoir scientifique doit s'adosser à une autorité
statutaire et réglementaire, fédératrice et
compétente ;
6°) le budget de l'agence ne doit pas contraindre la liberté et la
qualité de son expertise ;
7°) les produits semblables doivent être soumis à des
règles semblables ;
8°) le dialogue avec l'industrie doit être fondé sur le
respect des droits des personnes privées ;
9°) le processus d'expertise et de décision doit être
transparent et compris par l'opinion publique ;
10°) la réglementation doit être flexible et souple dans son
application.
Trois agents de l'agence sur quatre sont des scientifiques.
42 comités consultatifs contribuent à l'instruction
scientifique de ses dossiers.
Les critiques généralement adressées à la FDA ne
portent ni sur la qualité de son expertise, ni sur l'efficacité
de ses procédures, mais sur le caractère bureaucratique de ses
méthodes, qui allongent indûment les délais d'examen des
demandes qui lui sont adressées par les industriels. Or, ces
délais sont précisément, selon la FDA, la
conséquence du niveau d'exigence qu'elle s'est fixée.
L'intérêt d'une agence unique pour tous les produits
thérapeutiques tient à l'unité des principes et de la
méthode, qui n'interdit évidemment pas la diversité des
procédures pour tenir compte de la variété des produits.
Il ne faut pas, enfin, confondre le contrôle de l'autorisation des
produits avec la veille sanitaire, dont le champ est plus large et souvent
différent.
Les CDC sont en charge de cette veille, qui doit constituer le deuxième
pôle du système de santé.
Mercredi 18 septembre 1996 Washington DC
8 heures
:
Rencontre avec
M. Sam Gejdensen,
représentant républicain du Connecticut
M. Sam Gejdensen appartient manifestement au courant ultra-libéral de
son parti. Au-delà des critiques généralement
adressées à la bureaucratie de la FDA et aux délais
excessifs qu'elle induit, il a plaidé pour une forte
déréglementation du système d'autorisation et de
contrôle des produits commercialisés aux Etats-Unis.
9 heures
: Rencontre avec
M. Ron Wyden, sénateur
démocrate de l'Orégon
Délégué par le parti démocrate pour les
questions de sécurité sanitaire, Ron Wyden est à l'origine
de l'un des projets de réforme de la FDA. Son objectif est de renforcer
la mission de sécurité sanitaire confiée à l'agence
en incitant cette dernière à réduire ses délais par
une remise en cause de ses procédures, jugées trop
bureaucratiques.
Si aucune réforme n'a pu être votée avant les
élections, le débat sur les propositions déposées
par les membres du congrès a, par lui-même, permis d'exercer une
pression suffisante sur la FDA pour l'inciter à amender fortement ses
pratiques.
Le Sénateur Wyden estime ainsi que ses propositions ont, à 80 %,
été prises en compte par la FDA entre avril et novembre 1995.
Soucieux de respecter l'indépendance de la FDA, il a toutefois
rappelé que la nomination de ses principaux responsables
dépendait du bon vouloir du congrès, estimant que cet
équilibre était profitable au bon fonctionnement de l'agence.
Le sénateur Wyden a enfin plaidé pour une harmonisation des
procédures américaines et européennes.
10 heures
: Rencontre avec le
Docteur Paul Brown
,
spécialiste des prions et de la maladie de Creutzfeld-Jacob,
National
Institutes of Health
.
Cet entretien a permis d'apprécier concrètement l'implantation
des NIH et de mesurer ainsi physiquement l'importance de la recherche publique
américaine.
Paul Brown a principalement évoqué les problèmes
liés à l'encéphalite spongiforme bovine. Il a, pour
l'essentiel :
- estimé qu'il était difficile d'apprécier la
réalité américaine de la diffusion de l'infection, et
considéré que les Etats-Unis, comme la France, avaient su se
préserver d'une contamination à l'anglaise ;
- que les Etats-Unis avaient interdit les farines animales d'origine
britannique d'autant plus aisément qu'ils n'en importaient pas ;
- que la situation franco-américaine était en partie due
à la faible importance, dans ces deux pays, du cheptel ovin ;
- que l'hypothèse d'une transmission à l'homme
n'était pas confirmée.
12 heures
: Rencontre avec des représentants de
Meed,
Smiker, Show and Mc Clay,
cabinet de consultants spécialisés
en homologation auprès de la FDA et avec
JP Bartin
, fabricant
français, établi aux USA, de matériels endoscopiques et
orthopédiques.
19 heures
: Saint-Louis (Missouri)
Première rencontre avec une partie de l'équipe dirigeante de la
société MONSANTO
Hendrick
A. Verfaillie
, Corporate Executive Vice President
(Member of the Monsanto Corporate Management Board and responsible for all
Monsanto agriculture related business units)
Robert T. Frayley
, President, Ceregen
(Monsanto's plant sciences/biotechnology business unit)
Robert L. Harness
, V.P. Registration & Regulatory Sciences
(Responsible for corporate regulatory affairs)
Toby Moffett
, V.P. International Government Affairs
(Responsible for corporate relations with governments)
Jerry Knock
, President Europe (France), Benevia
(Responsible for the Benevia food additives and artificial sweetners business
unit in Europe)
Holly Vene
, Executive Director, Europe/Africa Operations
(Responsible for planning and development of pharmaceutical business in
Europe/Africa)
Herve Henaff
, President Europe/Africa, Searle (France)
(Responsible fort the G.D. Searle pharmaceutical business unit in Europe)
Michael Dykes
, Director, International Affairs
(Responsibilities include international registrations of bioengineered products)
James Enyart
, Director, International Affairs
(Responsibilities include international matters concerning the crop
agricultural business unit)
Le groupe Monsanto, né de l'industrie sucrière, fortement
implanté dans la région de Saint-Louis, développe de
très nombreux produits issus des biotechnologies végétales
et détient une part déterminante du marché mondial des
édulcorants (Canderel en France). Il commercialise enfin quelques
médicaments à travers sa filiale, Searle, établie en
France.
Jeudi 19 septembre 1996 Saint-Louis (Missouri)
9 heures 30
: Présentation des activités de Monsanto
-
David Stark
-
Philippe Castine
- (Hybritech Europe)
11 heures 30
: Entretien sur les systèmes
américains, japonais et européens de réglementation
-
Bob Harness
12 heures
: Débat
L'analyse des cadres dirigeants de la compagnie Monsanto sur les agences
d'autorisation et du contrôle de produits thérapeutiques est
sévère :
- le système américain d'autorisation des produits est flexible
mais ses délais sont excessifs ;
- le système japonais d'autorisation des produits est très
rigide, mais ses délais sont convenables ;
- la flexibilité de l'un tient à la qualité d'une
expertise scientifique qui manque cruellement à l'autre ;
- les systèmes européens empruntent au Japon la
rigidité des méthodes et aux Etats-Unis l'incertitude des
délais ;
- les procédures européennes étant ainsi
définies, l'expertise scientifique française se distingue par sa
qualité.
Ce jugement tranche avec les réactions de certains industriels
français.
En outre, pour cette compagnie, l'Europe constitue un tout et il n'y a pas de
législation nationale qui se distingue d'une autre.
Vendredi 20 septembre Atlanta (Georgie)
Journée aux Centers for disease control
9 h 30 - 10 h 00
: -
Elena Belansky
Chief, bilateral health agreements and international visitors activity
international health program office
10 h 00 - 11 h 00
: -
Richard Ehrenberg,
MD
Senior medical epidemiologist
Office of extramural activities national institute for occupational safety
and health
11 h 00 - 11 h 30
: -
Ronald Valdiseri,
MD
Deputy director, national center for HIV, STD and TB prevention
11 h 30 - 12 h 00
: -
Claire Broome
, MD
Deputy director, office of the director CDC
15 h 00 - 16 h 00
: -
David Ross
, ScD
Assistant director for information and communication services, public
health practice program office and director, information network for public
health officials
Il n'existait à l'origine qu'un seul centre chargé de
surveiller l'évolution des maladies transmissibles. Ce cadre initial a
été progressivement élargi à l'environnement,
à la promotion de la santé, à la médecine du
travail, aux maladies chroniques, et, d'une manière
générale, à tout ce qui peut contribuer à
l'amélioration de la santé des Américains.
Les CDC emploient 9.000 personnes, dont 3.800 sont établies à
Atlanta, et disposent d'un budget de 10 milliards de francs. Ils sont
considérés comme le modèle international dans le domaine
de la santé publique et de l'épidémiologie et sont, de
fait, le bras séculier de l'Organisation mondiale de la santé
(OMS).
Il est important de souligner que les CDC n'ont ni mission d'inspection, ni
fonction de contrôle. Ils ne réglementent pas davantage. Il
appartient aux administrations compétentes de l'Etat
fédéral ou le plus souvent à celles des Etats
fédérés de s'acquitter de ces missions.
Les CDC s'en tiennent seulement à des recommandations dont
l'autorité scientifique est telle que le secteur privé comme le
secteur public les mettent spontanément en oeuvre, sachant que, dans le
cas contraire, leur responsabilité serait engagée.