TRAVAUX DE LA COMMISSION
I. SÉANCE DU MARDI 21 MAI 1996
Sous la présidence de
M. Jean-Pierre Fourcade,
président,
après un bref débat auquel ont notamment
participé
M. Charles Descours et Mme Marie-Madeleine
Dieulangard
, la commission a décidé de procéder
à la désignation, au cours de sa plus prochaine réunion,
d'une
mission d'information sur les conditions du renforcement de la veille
sanitaire et du contrôle de la sécurité des produits
thérapeutiques en France.
M. Jean-Pierre Fourcade, président
, a rappelé que le principe
d'une telle désignation avait été arrêté
à l'occasion de l'examen des dispositions tendant à encadrer le
développement des thérapies génique et cellulaire afin de
garantir leur sécurité sanitaire.
II. SÉANCE DU MERCREDI 5 JUIN 1996
Sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président , la commission a désigné M. Charles Descours, président, M. Claude Huriet, rapporteur, Mme Annick Bocandé, MM Jacques Bimbenet, Paul Blanc et Louis Boyer, Mmes Marie-Madeleine Dieulangard et Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Dominique Leclerc, Georges Mazars, Charles Metzinger et Bernard Seillier membres de la mission d'information consacrée à l'analyse des conditions du renforcement du contrôle de la sécurité des produits thérapeutiques en France.
III. SÉANCE DU MERCREDI 20 NOVEMBRE
Sous la présidence de
MM. Jacques Bimbenet
et Bernard Seillier, vice-présidents
, la commission a entendu deux
communications sur le
déplacement effectué aux Etats-Unis,
du 13 au 21 septembre dernier, par une délégation de la
mission d'information
sur les conditions du renforcement
de la veille
sanitaire et du contrôle de la sécurité des produits
thérapeutiques en France,
conduite par M. Jean-Pierre Fourcade
.
M. Claude Huriet, rapporteur,
a rappelé que si la mission avait
choisi d'examiner le modèle américain, c'est que ce dernier lui
était apparu comme le plus proche de celui qui lui paraissait devoir
être retenu pour la France. Il a estimé que le déplacement
n'avait pas remis ce jugement en cause.
Il a exposé que le système américain de santé
s'organisait autour de trois agences :
- la " Food and drug administration " (FDA), chargée du
contrôle et de l'autorisation des produits ;
- les " Centers for disease control " (CDC) en charge de la
veille
sanitaire ;
- la " Health policy agency ", dont la mission d'évaluation
médicale est définie par les autorités publiques
américaines, mais dont la compétence est mise à la
disposition du secteur privé.
Le secrétariat d'Etat à la santé définit la
politique de santé. Les moyens dont il dispose ont été
fortement réduits pour accroître parallèlement les moyens
des trois agences précitées.
La compétence générale d'autorisation et de contrôle
des produits thérapeutiques confiée à la FDA ne
reçoit qu'une seule exception, pour des raisons historiques, en ce qui
concerne la viande et les oeufs (à l'exclusion de la volaille) pour les
produits naturels issus directement de ces deux filières, qui sont
contrôlées par le ministère de l'agriculture.
La FDA emploie plus de 10.000 personnes et contrôle tous les
produits destinés à l'alimentation. Si chacune de ces
catégories de produits est contrôlée par un
département spécialisé, les procédures et la
déontologie sont définies par les instances dirigeantes de
l'agence et sont fondées sur des textes régulièrement
aménagés par le congrès des Etats-Unis.
La FDA définit les conditions de sa réussite autour de dix
commandements sans lesquels elle estime ne pas pouvoir s'assurer la confiance
du public :
1°) sa mission doit être définie et ses règles de
fonctionnement clairement codifiées ;
2°) l'indépendance de ses autorités de décision
doit être totale ;
3°) cette indépendance doit être justifiée par la
qualité scientifique incontestable des expertises ;
4°) toutes les données scientifiques doivent être
connues par l'agence qui doit partager tout son savoir ;
5°) le pouvoir scientifique doit s'adosser à une
autorité statutaire et réglementaire, fédératrice
et compétente ;
6°) le budget de l'agence ne doit pas contraindre la liberté
et la qualité de son expertise ;
7°) les produits semblables doivent être soumis à des
règles semblables ;
8°) le dialogue avec l'industrie doit être fondé sur le
respect des droits des personnes privées ;
9°) le processus d'expertise et de décision doit être
transparent et compris par l'opinion publique ;
10°) la réglementation doit être flexible et souple dans
son application.
Trois agents de l'agence sur quatre sont des scientifiques. 42 comités
consultatifs contribuent à l'instruction scientifique de ses dossiers.
Les critiques généralement adressées à la FDA ne
portent ni sur la qualité de son expertise, ni sur l'efficacité
de ses procédures, mais sur le caractère bureaucratique de ses
méthodes, qui allongent indûment les délais d'examen des
demandes qui lui sont adressées par les industriels.
Quant aux industriels français, si les avis sont partagés, nombre
d'entre eux, habitués à une administration très
réglementée, veulent voir dans la flexibilité dont se
vante l'agence une source d'arbitraire.
Quelle conclusion tirer, pour la France, d'un tel déplacement ?
La question du champ de compétences de l'agence est d'abord
décisive. A cet égard, le secrétaire d'Etat adjoint
à la santé, M. Philip Lee, qui a reçu la
délégation, estime que " si cela était à
refaire ", il distinguerait volontiers le contrôle des produits
alimentaires de celui des produits thérapeutiques. Il reste que les
produits " frontières " posent question, qu'il s'agisse, par
exemple, des produits cosmétiques ou encore des produits
diététiques. Il semble que l'efficacité et le
réalisme imposeront, au moins dans un premier temps, un champ de
compétences restreint aux seuls produits thérapeutiques.
L'intérêt d'une agence unique pour tous les produits
thérapeutiques tient, ensuite, à l'unité des principes et
de la méthode, qui n'interdit évidemment pas la diversité
des procédures pour tenir compte de la variété des
produits.
Il ne faut pas, enfin, confondre le contrôle de l'autorisation des
produits avec la veille sanitaire, dont le champ est plus large et souvent
différent.
Les CDC aux Etats-Unis et le réseau national de la santé
publique, même embryonnaire, en France, sont en charge de cette veille,
qui doit constituer le deuxième pôle du système de
santé.
Le troisième pôle doit être enfin, comme aux Etats-Unis,
celui de l'évaluation médicale.
Dès lors, le ministère de la santé doit fonder la
définition de la politique de santé sur les expertises de ces
trois agences.
C'est sommairement la base du système américain qui,
malgré sa bureaucratie, apparaît, à cet égard, comme
un modèle remarquable ; il convient désormais pour la mission,
qui a engagé un très long programme d'auditions, de
définir les modalités de son adaptation à la
réalité française.
M. Bernard Seillier
est alors intervenu, pour rendre compte du
déplacement effectué à Saint-Louis à l'invitation
de la compagnie Monsanto, puis à Atlanta où se trouvent
établis les CDC.
L'analyse des cadres dirigeants de la compagnie Monsanto sur les agences
d'autorisation et du contrôle des produits thérapeutiques est
sévère :
- le système américain d'autorisation des produits est flexible
mais ses délais sont excessifs ;
- le système japonais d'autorisation des produits est très
rigide, mais ses délais sont convenables ;
- la flexibilité de l'un tient à la qualité d'une
expertise scientifique qui manque cruellement à l'autre ;
- les systèmes européens empruntent au Japon la rigidité
des méthodes et aux Etats-Unis l'incertitude des délais ;
- les procédures européennes étant ainsi définies,
l'expertise scientifique française se distingue par sa qualité.
Ce jugement tranche avec les réactions de certains industriels
français.
En outre, pour les compagnies américaines, l'Europe constitue un tout et
il n'y a pas de législation nationale qui se distingue d'une autre.
Cependant, ainsi que l'a souvent rappelé M. Claude Huriet, rapporteur,
le système européen d'homologation qui reste, pour l'essentiel,
à construire, sera ce que le pays européen le plus dynamique
voudra qu'il soit. La France a, à cet égard, sa carte à
jouer.
Présentant alors les CDC, établis à Atlanta,
M. Bernard
Seillier
a rappelé qu'il n'existait à l'origine qu'un seul
centre chargé de surveiller l'évolution des maladies
transmissibles. Ce cadre initial a été progressivement
élargi à l'environnement, à la promotion de la
santé, à la médecine du travail, aux maladies chroniques,
et, d'une manière générale, à tout ce qui peut
contribuer à l'amélioration de la santé des
Américains.
Les CDC emploient 9.000 personnes, dont 3.800 sont établies à
Atlanta, et disposent d'un budget de 10 milliards de francs. Ils sont
considérés comme le modèle international dans le domaine
de la santé publique et de l'épidémiologie et sont, de
fait, le bras séculier de l'Organisation mondiale de la santé
(OMS).
Il est important de souligner que les CDC n'ont ni mission d'inspection, ni
fonction de contrôle. Ils ne réglementent pas davantage. Il
appartient aux administrations compétentes de l'Etat
fédéral ou le plus souvent à celles des Etats
fédérés de s'acquitter de ces missions.
Les CDC s'en tiennent seulement à des recommandations dont
l'autorité scientifique est telle que le secteur privé comme le
secteur public les mettent spontanément en oeuvre, sachant que, dans le
cas contraire, leur responsabilité serait engagée.
Le réseau national de santé publique de Saint-Maurice est , en
France, l'ébauche d'un tel dispositif. Il n'emploie cependant que
quelques dizaines de personnes. Son directeur a été formé
à Atlanta. Il existe en revanche, dans notre pays, une multitude
d'organismes, publics ou privés, qui accomplissent, dans leur champ de
compétences, les missions des CDC.
La France doit donc rechercher les moyens de coordonner ces efforts et de les
fédérer afin qu'en matière de veille sanitaire, comme pour
le contrôle des produits, la diversité des investigations s'adosse
sur l'unité des principes et des méthodes.
M. Charles Descours, président de la mission
, a observé
que si le déplacement avait permis de mieux percevoir les imperfections
du système américain, les auditions engagées depuis lors
ont révélé les insuffisances des instances
françaises liées, pour l'essentiel, à la
médiocrité de leurs moyens. Il a souhaité qu'une
volonté fédératrice traverse les institutions en charge de
la veille sanitaire.
Mme Marie-Madeleine Dieulangard
, après avoir souligné la
fiabilité, au plan de la sécurité sanitaire, de l'agence
du médicament, a fait observer que les instances américaines
étaient financées par le budget fédéral.
M. Claude Huriet
a confirmé que l'insuffisance des moyens de
l'agence du médicament ne remettait pas en cause l'efficacité et
l'indépendance de son expertise.
M. Bernard Seillier
a ajouté que la rigueur était
également le fondement de l'autorité des instances
américaines.
M. Gérard Roujas
a voulu voir une forme de protectionnisme, dans
les délais excessifs d'examen des dossiers par la FDA.
M. Claude Huriet
a souligné le caractère anecdotique des
critiques adressées à la FDA pour ces délais excessifs et
M. Bernard Seillier
a précisé que ces critiques
émanaient surtout d'une partie des membres du Congrès des
Etats-Unis.
M. Dominique Leclerc
a exprimé la crainte que la création
de l'agence du médicament n'ait affaibli la qualité de certaines
expertises dans le domaine de la biologie.
M. Claude Huriet
a alors rappelé que les conclusions de ce
déplacement seront publiées en annexe du rapport qui sera
présenté prochainement par la mission d'information.