B. DES PROPOSITIONS QUE LE GOUVERNEMENT REPREND PARFOIS À SON COMPTE
Faute de pouvoir fonder leurs propositions de façon objective, les parlementaires les voient souvent réfutées par le Gouvernement, sous les deux motifs précédemment décrits, et sans avoir la possibilité de porter la contradiction.
Cela étant, il arrive que leurs propositions soient ensuite reprises à son compte par le Gouvernement. Les exemples en sont multiples. Le groupe de travail a pour sa part choisi de se pencher sur une proposition de loi que votre commission avait adoptée, et qui a été mise en oeuvre aux trois quarts sans jamais être inscrite à l'ordre du jour 22 ( * ) . Le rapport de votre commission contenait pourtant déjà un effort d'évaluation.
La proposition de loi n° 269 rectifié présentée le 21 avril 1993 et signée par le rapporteur général Jean Arthuis, le rapporteur spécial Henri Collard, Alain Lambert et les membres de la majorité sénatoriale de la commission des Finances constitue ainsi un test en grandeur réelle.
La proposition de loi comportait quatre articles.
• L'article 1er tendait à majorer
temporairement (1er mai 1993-31 décembre 1994), les paramètres de
la réduction d'impôt sur le revenu pratiquée au titre des
intérêts des emprunts contractés pour l'acquisition, la
construction ou les grosses réparations de la résidence
principale du propriétaire occupant.
Cette proposition n'a pas été directement satisfaite puisque ni les plafonds des intérêts, ni le taux de la réduction, ni sa durée, n'ont été majorés. En revanche, la levée de l'impossibilité de bénéficier de cette réduction pour les contribuables aux revenus les plus élevés, qui était également demandée, a été obtenue dans la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier de l'été 1994.
Une satisfaction indirecte a été obtenue par le biais du relèvement à deux reprises du plafond de dépenses de grosses réparations prises en compte pour l'imposition du revenu. Ce plafond est ainsi passé de 8.000 à 15.000 francs pour une personne seule et de 16.000 à 30.000 francs pour un couple en deux étapes : la loi de finances rectificative du printemps 1993 puis la loi de finances initiale pour 1995. Le dispositif lui-même a été reconduit pour un an dans la loi de finances pour 1996.
• L'article 2 visait à permettre l'imputation
du déficit foncier sur le revenu global sous certaines conditions tenant
notamment à l'obligation pour le bénéficiaire de louer
l'immeuble pendant neuf ans et de pratiquer des loyers conférant le
statut de logements intermédiaires aux habitations ainsi
louées
23
(
*
)
.
Sur ce point, la commission a obtenu satisfaction. En effet, la loi de finances rectificative du printemps 1993 a rétabli l'imputation du déficit foncier sur le revenu global, sans condition, mais avec un plafond de 50.000 francs, et la loi de finances pour 1995 a porté ce plafond à 70.000 francs. La loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier de 1996 a porté à dix ans le délai de report d'imputation du déficit.
• L'article 3 tendait à relever de 8 %
à 15 % la déduction forfaitaire sur les revenus fonciers.
Sur ce point encore, la commission a partiellement obtenu satisfaction, à trois reprises :
- la loi de finances rectificative du printemps a relevé à 10 % le taux de la déduction forfaitaire ;
- la loi de finances pour 1995 a autorisé la déduction pour leur valeur réelle des primes d'assurance pour impayés de loyers ;
- la première loi de finances rectificative pour 1995 a relevé le taux à 13 %.
• Enfin, l'article 4 tendait à revenir sur une
disposition de la loi de finances pour 1991, qui avait allongé de
vingt-deux à trente-deux ans le délai nécessaire de
détention d'un immeuble pour bénéficier de
l'exonération des plus-values immobilières.
La commission a sur ce point obtenu satisfaction, puisque dès la loi de finances rectificative du printemps 1993, l'exonération après 22 ans a été rétablie.
Dans l'ensemble, la commission des Finances a joué un rôle relativement ingrat, puisque ses propositions n'ont pas été retenues, et pourtant reprises partiellement par la suite.
Contribuer à asseoir la crédibilité des propositions parlementaires, pour leur permettre d'aboutir lorsqu'elles sont justifiées est donc également un enjeu important de l'évaluation.
* 22 Proposition de loi n° 269 rectifié, enregistré à la présidence du Sénat le 11 avril 1993. Rapport n° 280, annexe au procès verbal du 28 mai 1993 (1992-1993).
* 23 L'étude du Crédit foncier (voir infra - chapitre deux-II-A) montre que l'idée de réserver l'avantage aux propriétaires qui prennent des engagements de nature sociale n'était peut-être pas si mauvaise