B. UNE DIPLOMATIE DE RÉACTION PLUTÔT QUE D'INITIATIVE

Si la PESC a connu quelques succès qu'il ne faut pas mésestimer, elle s'est toutefois révélée impuissante à intervenir efficacement dans des situations de crise tandis qu'elle a privilégié une diplomatie déclaratoire.

1. Un rôle politique limité dans les situations d'urgence

Trois exemples illustrent à des degrés divers l'incapacité de l'Union européenne à faire prévaloir dans les crises le rôle de médiateur que l'aide communautaire dispensée la destinaient à assumer.

a) Le Rwanda

L'Union européenne n'a pu prévenir ni arrêter les massacres ethniques au Rwanda. Les divergences de nos partenaires ont conduit la France à engager seule l'opération Turquoise. De même, aujourd'hui l'analyse différente que les Etats-membres font de la situation dans la région des grands lacs et de la confiance qu'il convient d'accorder aux nouvelles autorités politiques rwandaises dominées par les Tutsis, condamne sans doute la position commune adoptée en octobre 1994 à recevoir une application limitée 4 ( * ) .

b) Le processus de paix au Moyen-Orient

Bien que son engagement en faveur de la paix au Moyen-Orient ne se soit pas démenti au cours des dernières années, l'Union européenne reste le témoin d'un processus sur lequel elle n'a finalement que peu de prise. Tenue en lisière de la Conférence de Madrid réunie en 1991 sous les auspices des Etats-Unis et de l'Union soviétique, et des étapes successives qui ont conduit à l'accord signé le 13 septembre 1993 à Washington, l'Union européenne a toutefois été invitée à signer le 28 septembre 1995, en tant que « témoin » l'accord intérimaire israélo-palestinien.

A la suite de la Conférence des donateurs internationaux (Washington, 1er octobre 1993) destinée à apporter un soutien économique au peuple palestinien, la Communauté s'engagea pour une assistance globale de 500 millions d'écus (sous forme de dons et de crédits) sur la période 1994-1998. Bien que l'Union européenne fournisse 45 % de l'aide internationale, elle n'assure pas la coordination de l'ensemble de l'assistance, à la différence de la reconstruction économique de l'Europe centrale.

Par ailleurs, sur la base des orientations générales arrêtées par le Conseil européen de Bruxelles le 10 décembre 1993, le Conseil «Affaires générales » en avril 1994 décida une « action commune à l'appui du processus de paix au Moyen-Orient ».

Dans ce cadre, le soutien de l'Union a principalement revêtu trois formes : programme d'assistance au développement des territoires occupés, aide à la création d'une force de police palestinienne, programme d'aide à la préparation et à l'observation des élections organisées en janvier dernier dans les territoires occupés.

La mise en oeuvre de cette action commune reste toutefois largement conditionnée par l'évolution de la situation dans la région. Ainsi, significativement, l'Union européenne ne s'est pas montrée en mesure de jouer de son cadre comme d'un levier pour accroître son rôle politique.

L'Europe paie ici sans doute la défiance suscitée en Israël par les positions équilibrées qu'elle a défendues par exemple dans la déclaration de Venise de juin 1980 5 ( * ) . L'Europe n'a pu ainsi se poser comme un médiateur acceptable par les deux parties.

Les réticences israéliennes se sont toutefois infléchies, les autorités de Tel Aviv comptant sans doute moins exclusivement sur leur partenaire américain. Le rôle de coordonnateur de l'observation des élections dévolu à l'Union européenne en janvier 1996 à la demande des parties, constitue à cet égard un signal encourageant. L'intérêt d'Israël pour le marché européen; le souci de mieux s'intégrer à l'économie du bassin méditerranéen, ne sont sans doute pas étrangers à cette évolution.

Le conflit du Proche-Orient manifeste ainsi tout à la fois l'insuffisance de la présence européenne et les perspectives favorables qu'ouvrirait à l'Europe sa puissance économique... si l'Union était réellement décidée à agir.

c) Le conflit dans l'ex-Yougoslavie

L'impuissance de l'Union à prévenir, puis enrayer la guerre dans l'ex-Yougoslavie, son incapacité à peser sur les positions et la conduite des parties au conflit ont discrédité les velléités affichées dans le domaine d'une politique étrangère commune. La crise s'est développée en effet ici au coeur du vieux continent dans une région promise sans doute à s'intégrer à l'Union ; elle intéressait directement la sécurité européenne et se présentait comme le champ d'intervention privilégié d'une action concertée.

L'Europe toutefois n'a pas été absente de la scène yougoslave. Mais le paradoxe déjà observé lors du règlement de la paix au Proche-Orient s'est reproduit. Malgré l'importance de la participation humaine (les Etats-membres ont fourni près de 40 % des personnels des missions de l'ONU) et une contribution financière qui place l'Union, et de loin, au premier rang des donateurs, l'Europe ne s'est pas révélée capable de transformer cet engagement en moyen d'influence sur les belligérants.

Dès l'origine du conflit l'Union européenne s'est trouvée paralysée par les divergences en son sein. Faut-il les rappeler ? Elles manifestent la pérennité de traditions diplomatiques ou d'alliances héritées de l'histoire ou de la géographie. Ainsi de la position pro-serbe défendue par la Grèce, ainsi encore de l'appui donné aux Croates par les Allemands. La reconnaissance unilatérale de la Croatie et de la Slovénie par l'Allemagne en décembre 1991 augurait mal des capacités de l'Union à s'accorder sur un conflit qui réveillait les brasiers mal éteints des passions dont l'Europe avait déjà été la victime.

Aussi l'intervention de l'Europe s'est-elle bornée principalement au domaine humanitaire . Encore la première action commune concernant l'aide communautaire prévoyait-elle d'engager « tous les moyens » pour assurer le soutien à l'acheminement de l'aide humanitaire en Bosnie-Herzégovine, sans exclure en principe une action militaire. Toutefois, les Etats membres n'ont pu s'entendre pour conduire l'opération sous l'égide de l'Union de l'Europe occidentale (UEO). Les autres actions communes entreprises dans ce domaine se limiteraient donc à préciser le cadre budgétaire d'une aide qui devait se pérenniser. Le soutien couvre plusieurs volets alimentaire, social, sanitaire, médical. C'est ainsi que depuis 1991, 1,5 milliard d'écus ont été consacrés à l'ex-Yougoslavie, dont 951 millions d'écus au titre du budget des communautés. La coordination des différentes aides relève d'un organisme mis en place fin 1992 et situé à Zagreb.

Au-delà de l'assistance humanitaire, l' administration européenne de la ville de Mostar s'est voulue une contribution exemplaire de l'Union à la reconstruction politique, à l'échelle d'une ville, d'une fédération problématique. Cette initiative a suivi les combats intenses qui opposèrent populations croate et musulmane à partir de mai 1992. Quatre actions communes ont été adoptées dans ce cadre, destinées notamment à préciser l'enveloppe budgétaire (32 millions d'écus en 1994, 80 en 1995, 32 prévus pour le premier semestre 1996) et le rôle de l'administrateur européen. Les déboires rencontrés par le plan de réunification de la ville témoignent de la difficulté de l'entreprise.

La reconstruction apparaît toutefois désormais comme le champ privilégié d'une politique étrangère commune au risque, une fois de plus, de faire peser sur l'Union une part accrue du fardeau sans garantir quelque influence politique que ce soit.

L'effacement de la PESC a laissé place à l'action du groupe de contact mis en place en avril 1994 (France, Royaume-Uni, Allemagne, Russie et Etats-Unis), plus conforme au modèle traditionnel d'une diplomatie conduite par les « grands » mais considérée par certains de nos partenaires, non représentés au sein de ce groupe, comme une atteinte aux modes de représentation de l'Union européenne (art. J5).

Cependant, même dans ce cadre plus restreint, les Etats-Unis se sont imposés comme un partenaire incontournable du processus de paix alors même que certaines initiatives décisives revinrent en fait aux européens et singulièrement à la France (création de la force de réaction rapide -juin 1995). Le cadre même du règlement de paix avait été conçu par les européens avant de recevoir sa consécration à Dayton sous les auspices des Etats-Unis.

En conclusion sur ce point, si l'absence de capacité militaire autonome a hypothéqué la portée d'une action concertée, l'absence d'une réelle volonté commune avait dès l'origine, altéré la capacité d'initiative de l'Union européenne.

2. Une diplomatie déclaratoire

Impuissante à agir dans les situations de crise, la diplomatie européenne a procédé à un double ajustement. Elle s'est repliée sur la défense des valeurs seules capables de réunir l'unanimité : les principes démocratiques et le respect des droits de l'homme. Elle a privilégié une approche déclaratoire que manifeste la multiplication des prises de position sur une situation donnée.

Réduite à ces dimensions plus modestes, les ambitions d'une politique étrangère commune connaissent naturellement un large champ d'application. La diversité géographique des intérêts de la PESC apparaît en ce sens inversement proportionnelle à la substance même de la politique défendue.

a) La dispersion géographique des interventions de l'Union européenne

. L'Afrique : le soutien au processus démocratique

En Afrique, l'inertie européenne devant les massacres au Rwanda contraste avec une activité déclaratoire qui aura couvert presque tous les pays du continent. Le Nigeria et le Soudan ont été rappelés au respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le soutien au processus de réconciliation nationale, promis au Rwanda, au Burundi, en Angola, au Liberia, au Niger, a accompagné l'appui accordé à la transition démocratique en Afrique du Sud, en Guinée-Bissau, au Togo, en Ouganda, à Sao Tome, au Mozambique, en Malawi, en Namibie.

La seule action commune conduite en Afrique a porté sur l'assistance à la préparation et au déroulement des élections en Afrique du Sud (envoi d'observateurs). Mais l'organisation et le financement de cette action s'inscrivaient dans le cadre du programme d'assistance à la transition et restaient donc principalement de nature communautaire.

L'échec rencontré au Rwanda a toutefois conduit l'Union européenne à engager une diplomatie plus active à l'égard du Burundi confronté lui aussi à de vives tensions entre Hutus et Tutsis. Cependant la mission conjointe de la présidence et de la commission (février 1995) et la visite de la troïka ministérielle (mars 1995) n'ont pas suffi à calmer les esprits

Outre le développement d'une diplomatie déclaratoire, la politique étrangère menée à l'égard de l'Afrique révèle une autre tendance de la PESC : l'intensification du dialogue avec les institutions régionales . Le dialogue politique poursuivi avec l'Organisation de l'Unité africaine (OUA), les relations établies avec la Communauté de développement de l'Afrique australe (Southern African Development Community - SADC) témoignent de cette évolution.

. Russie et Communauté des Etats indépendants (CEI) : priorité à la stabilisation politique

Le renforcement des liens avec la Russie figure parmi les priorités de l'Union. Celle-ci s'emploie à favoriser l'objectif de stabilisation de la Russie. L'effort porte principalement à cet égard sur le soutien à la transition économique qui relève d'ailleurs des instruments communautaires classiques (tous programmes confondus, l'aide communautaire à la CEI s'élève à près de 5 milliards d'Ecus sur la période 1990-95). Mais le volet politique n'a pas été ignoré : une action commune a ainsi permis l'envoi d'une mission d'observateurs afin de superviser en coordination avec les organisations internationales concernées (Conseil de l'Europe et Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) les élections législatives de décembre 1993 dans la Fédération russe. Le rapport global établi par l'ensemble des observateurs internationaux dont, bien sûr, ceux de l'Union européenne, n'a pas été rendu public.

Que l'objectif de stabilisation prime ainsi sur toute autre préoccupation, la signature d'abord différée de l'accord intérimaire , le 17 juillet 1995, malgré la poursuite du conflit en Tchétchénie, en a apporté le clair témoignage.

Excepté l'Ukraine avec laquelle les relations ont été renforcées, les autres pays de la CEI ne sont pas réellement entrés dans le champ de la PESC. Sans doute des accords de coopération et de partenariat, au titre du premier pilier, ont-il été signés avec la Moldavie, la Biélorussie, le Kazakhstan, le Kirghizistan tandis que des négociations sont en cours avec d'autres républiques d'Asie centrale. Toutefois, sur le plan politique, hors l'habituelle diplomatie déclaratoire, l'Union reste absente en particulier du cadre de règlement des crises de la région : Nagorny-Karabakh, Géorgie (où est impliquée l'OSCE) et Tadjikistan (où intervient l'ONU).

. Moyen-Orient et Golfe : le souci de se démarquer des Etats-Unis

L'Union européenne a certainement une carte à jouer dans une région où elle peut se prévaloir d'une approche sensiblement différente de celle des Etats-Unis. Cependant le « dialogue critique » prôné avec l'Iran malgré l'hostilité des Etats-Unis tarde à donner des résultats. Ainsi, dans l'affaire Rushdie, l'initiative européenne d'avril 1995 destinée à obtenir des garanties pour la sécurité de M. Salman Rushdie n'a pas rencontré beaucoup d'écho auprès des autorités de Téhéran.

S'agissant de l'Irak, la position européenne souffre des divergences entre les Etats-membres ; le Royaume-Uni notamment défend une ligne dure et reste, avec les Etats Unis, le tenant d'une interprétation sévère des résolutions adoptées par les Nations Unies à l'encontre de l'Irak.

Enfin, les relations avec les Etats du Golfe répondent au souci manifesté par ces derniers de diversifier une diplomatie encore largement dominée par les rapports avec le partenaire américain.

Cependant, les contacts, à travers le dialogue noué avec le Conseil de coopération des Etats membres (Arabie saoudite, Koweit, Qatar, Emirats arabes unis, Bahreïn, Oman), ont longtemps manqué de substance. La récente relance du dialogue politique par des rencontres ministérielles ou de hauts fonctionnaires va dans le bon sens, mais ne saurait pallier l'absence de vision commune.

. L'Asie : des relations où l'économie prime sur la politique

Les relations entre l'Europe et l'Asie revêtent principalement une dimension économique. Encore l'Europe reste-t-elle un acteur de second plan, dans cette région, par rapport aux Américains. Ainsi l'Union européenne n'a pas été admise, malgré son souhait, à participer aux sommets de l'APEC (Coopération économique de la zone Asie-Pacifique) qui réunit l'Asie et les Etats-Unis. Sans doute les pays du sud-est asiatique sont-ils soucieux d'éviter une influence américaine excessive, et le sommet Asie-Europe de mars 1996 répond d'ailleurs à ce souci de diversification.

Il faut toutefois, comme l'a d'ailleurs souhaité le Président de la République, développer la dimension politique d'un dialogue qui, compte tenu du dynamisme économique et démographique de cette région, mais aussi de son importance géostratégique et des tensions que les ambitions chinoises font naître dans la région, ne saurait se borner au seul volet économique.

Les structures du dialogue existent d'ailleurs notamment avec l'Association des nations du Sud-Est asiatique, l'ASEAN, (une rencontre ministérielle des Quinze avec les sept pays membres de l'ASEAN tous les deux ans et, dans l'intervalle, une réunion de la troïka et des sept de l'ASEAN ; la représentation de l'Union par la présidence à l'occasion du forum de sécurité de l'ASEAN). En outre, une première réunion du sommet Europe-Asie (ASEM) s'est tenue à Bangkok en mars dernier. Toutefois, au delà des déclarations de bonnes intentions, la priorité accordée par l'Union européenne aux questions des droits de l'homme heurte une partie des Etats de la région. Le débat a pu se cristalliser sur quelques dossiers particuliers, le Timor, par exemple, dans le cas de l'Indonésie. Par ailleurs, l'Union devra davantage prendre en compte les aspirations de cette région dans le domaine de la sécurité (zones dénucléarisées, non-prolifération, désarmement).

Un contact régulier sur le plan politique a été noué avec le Japon et la Chine, et pourrait l'être avec la Corée du Sud.

Quand la PESC déborde du seul cadre déclaratoire et engage des questions d'ordre financier, les divergences des Etats membres retrouvent droit de cité. L'illustration en est fournie par l'engagement de l'Union à participer au financement de l'Organisation pour le développement de l'énergie coréenne (KEDO : « Korean Energy Development Organisation »), structure mise en place en mars 1995 à l'initiative des Etats-Unis, du Japon et de la Corée du Sud, et destinée à assurer la reconversion du programme nucléaire des autorités de Pyongyang. Les Etats-membres ont eu du mal à s'accorder sur les modalités de la participation financière européenne, la Finlande et le Danemark, en particulier, souhaitant en limiter l'utilisation aux livraisons de pétrole. Cependant l'Union européenne a fini par convenir lors du Conseil Affaires générales des 26-27 février dernier d'une contribution immédiate de 5 millions d'écus au titre du budget PESC 1996.

. L'Amérique latine : la relance récente des relations contractuelles

Dans les objectifs suivis à l'égard du continent latino-américain, point de surprise : la défense des droits de l'homme, le soutien au processus de transition politique résument le contenu de l'essentiel des démarches et des déclarations. Le soutien à la lutte contre la drogue figure cependant ici au premier rang des orientations arrêtées par le Conseil. Le cadre institutionnel du dialogue politique -conférences annuelles ministérielles UE/groupe de San José (Amérique centrale) et UE/groupe de Rio (Amérique du Sud)- pêche par une lourdeur excessive au point que l'Union a proposé à ses partenaires de renoncer à l'annualité de leurs rencontres.

Le souci d'alléger les structures du dialogue doit pourtant compter avec la relance des relations contractuelles décidées au moment de la dernière présidence espagnole -accords de coopération renforcée présentant un volet politique, signés avec des Etats de la zone (Chili, Mexique) ou une organisation régionale comme le Mercosur.

Comment concilier une réelle volonté de coopération avec des procédures efficaces ? Les relations avec l'Amérique latine posent avec une singulière acuité un problème que l'analyse de la PESC soulève de façon récurrente.

. Les relations transatlantiques : un dialogue ambigu

Une actualité nouvelle a été donnée aux relations entre l'UE et les Etats-Unis avec l'adoption du « nouvel agenda transatlantique » et du plan d'action conjoint lors du sommet de Madrid du 3 décembre 1995.

Du reste, la déclaration transatlantique de 1990 avait déjà posé le cadre d'un dialogue politique poursuivi à différents niveaux (chefs d'Etat et de gouvernement, ministres, directeurs politiques, experts des groupes de travail). L'enjeu pour l'Union européenne apparaît clair : il s'agit d'obtenir de son partenaire la reconnaissance d'un rôle politique à la mesure de son poids économique. Pour les Etats-Unis, les perspectives demeurent plus ambiguës. Si un accord est recherché, c'est bien souvent pour obtenir des Européens un appui aux positions et thèses défendues par Washington.

Le scepticisme relatif que peuvent inspirer les relations transatlantiques se trouve conforté par une double observation. D'une part, les Etats-membres n'ont pas en partage une approche commune des relations à nouer avec les Etats-Unis. D'autre part Washington privilégie, quand il s'agit de traiter des questions essentielles, les relations bilatérales au détriment du cadre institutionnel classique dont se trouvent également exclues les questions de sécurité réservées à l'Alliance atlantique.

Les rapports avec le Canada suivent quant à eux suivre un schéma institutionnel comparable à celui mis en place avec les Etats-Unis.

Les consultations régulières pourraient déboucher sur un plan d'action éventuellement assorti d'une déclaration politique avant la fin de la présidence italienne en juin prochain.

b) Une visibilité encore insuffisante des actions horizontales :

Trois domaines où la coopération à quinze a connu des succès inégaux méritent ici d'être distingués.

. La sécurité : un bilan inégal

Trois actions communes ont été adoptées dans ce domaine.

La première, adoptée par le Conseil en juillet 1995 dans la perspective de la préparation de la Conférence de 1995 des Etats parties au traité de non-prolifération (TNP), visait d'une part à susciter de nouvelles adhésions à ce traité et, d'autre part, à parvenir à un accord pour la prorogation indéfinie du traité. Les démarches entreprises par les Quinze ont porté leurs fruits. Elles semblent avoir joué un rôle décisif dans la prorogation indéfinie décidée à New York en mai 1995. Mais cette action est restée sans doute trop discrète car le résultat n'a pas été réellement porté au crédit de l'Union européenne. Par ailleurs, l'application de l'action commune est restée inachevée puisque l'assistance de l'Union aux Etats tiers pour favoriser leur adhésion au traité ne s'est pas concrétisée.

Les deux autres actions communes ont connu une fortune plus inégale. Le contrôle des biens à usage civil et militaire a fait l'objet d'un règlement et d'une action commune. Le dispositif juridique ainsi mis en place a illustré cependant la complexité de la répartition des compétences respectives du Conseil et de la Commission.

Enfin dans le domaine du désarmement, l'Union a adopté, à l'initiative de la France, une action commune relative aux mines antipersonnel , s'assignant trois objectifs : la lutte contre l'usage des mines terrestres antipersonnel, la préparation de la conférence de révision de la convention de 1980, le soutien accordé à l'effort de déminage. A cette fin, un moratoire sur l'exportation des mines constituait une première étape. De plus, l'Union européenne a versé 3 millions d'écus au fonds d'affectation volontaire des Nations Unies pour financer des opérations de déminage en Angola et au Mozambique.

. Drogue et terrorisme : les difficultés de coordination inhérentes à la structure d'un traité en trois piliers

Dans ce domaine, les efforts de deux groupes de travail créés à l'heure de la coopération politique européenne se prolonge aujourd'hui dans le cadre de la PESC.

Ces questions intéressent cependant les trois piliers et posent des problèmes de cohérence non résolus. Aussi bien le bilan apparaît décevant et se limite à la coordination des positions des Quinze au sein des instances internationales et à des démarches diplomatiques auprès des pays tiers.

. Le rapprochement des représentations diplomatiques et consulaires

Une position commune avait fixé le cadre d'un éventuel regroupement des missions diplomatiques des Quinze et des délégations de la Commission dans les pays tiers. Le projet Abuja au Nigeria constitue une première ébauche dans ce sens. Un mémorandum a été signé entre les Etats parties tandis que la Commission, maître d'oeuvre du projet, a procédé à une expertise sur place.

S'agissant des affaires consulaires, les obstacles liés à des pratiques et des conceptions juridiques différentes rendent problématiques les tentatives de rapprochement. Il faut cependant mentionner les efforts entrepris pour coordonner les opérations d'évacuation des ressortissants européens dans les pays tiers.

*

* *

Bien que la mise en oeuvre de la PESC ait favorisé une intensification des échanges entre les Etats membres, elle n'a pas réellement permis un saut qualitatif par rapport à l'ancienne coopération politique européenne.

Deux constats s'imposent au terme de trois années de pratique.

En premier lieu, malgré l'existence d'instruments nouveaux, les positions et les actions communes, les outils classiques de la CPE, déclarations et dialogue politique restent privilégiés. Ces méthodes, en effet, qui n'impliquent pas un réel engagement de la part des Etats membres, paraissent adaptées à une diplomatie principalement déclaratoire.

Enfin, la diversification des champs d'intérêts géographiques, l'organisation institutionnelle d'un dialogue politique ont beaucoup alourdi les conditions de gestion de la PESC. Les obligations de la présidence, même épaulée par deux Etats membres dans le cadre de la troïka, se sont ainsi multipliées sans lui permettre toujours de se concentrer sur l'essentiel.

La dispersion du champ d'intérêt, la multiplication d'une diplomatie déclaratoire apparaissent les symptômes d'un même mal : l'incapacité, aujourd'hui, des Etats membres à s'accorder sur une politique étrangère qui engage davantage que les bonnes intentions.

Le dispositif institutionnel mis en place dans le second pilier visait pourtant à dépasser ce constat d'impuissance relative auquel avait conduit la CPE. Il n'y est guère parvenu, le bilan dressé par votre rapporteur a tenté de le souligner. Il convient maintenant d'en comprendre les raisons. Car seule une analyse claire des insuffisances de la PESC permettra de méditer sur les conditions d'une politique étrangère commune plus efficace et d'avancer des propositions dans ce sens.

*

* *

* 4 Décision 94/697/PESC du 24 octobre 1994 fixant les « objectifs et priorités de l'Union européenne à l'égard du Rwanda, parmi lesquels figurent la réconciliation nationale, l'élargissement de l'assise du nouveau gouvernement et le retour des réfugiés ».

* 5 La déclaration de Venise reconnaissait le droit à l'existence et à la sécurité d'Israël mais aussi les droits légitimes du peuple palestinien représenté notamment par l'OLP.

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