B. LA PROGRESSIVITE NECESSAIRE
1.°Une restructuration incomplète et inégale
Dans la plupart des PAECO, malgré une tendance au ralentissement du processus de privatisation, le secteur privé assure d'ores et déjà plus de la moitié du PIB. Cependant les progrès sont lents dans la réforme de l'administration, dans la mise en place d'un cadre juridique stable et effectivement appliqué, et dans la création d'un système financier efficace.
• Sur ce dernier point, indispensable à
l'intégration au marché communautaire, les faiblesses sont
particulièrement nombreuses :
- les structures bancaires sont fortement concentrées et, dans presque tous les cas, le crédit bancaire reste largement orienté vers le secteur public ;
- le système bancaire est sous-capitalisé et se trouve fragilisé par le niveau élevé des créances douteuses sur des entreprises non rentables ;
- le contrôle prudentiel reste insuffisant, en raison des lenteurs dans l'acclimatation des procédures de gestion des risques, qui étaient absentes de l'économie planifiée ;
- les lenteurs des privatisations entravent le développement des marchés financiers.
• Même si le degré d'évolution
des administrations et des systèmes juridiques est plus difficile
à cerner, il convient de souligner que la capacité à
transposer et à faire respecter les normes communautaires est une des
conditions de réalisation de l'intégration, l'exécution
des règles étant, dans le système communautaire, de la
responsabilité des États membres ; au demeurant, la
définition d'un cadre juridique et administratif suffisamment stable est
nécessaire pour encourager l'apport de capitaux extérieurs.
A cet égard, la situation de la plupart des PAECO en ce qui concerne la mise en oeuvre effective des législations sur les investissements étrangers ou sur les faillites d'entreprises ne peut être considérée comme satisfaisante.
2. La nécessité d'une période de transition post-adhésion
L'écart considérable qui sépare les PAECO et l'Union européenne en termes de PIB moyen par habitant ne pourra se résorber que lentement. Compte tenu des caractéristiques socio-culturelles des PAECO et des pesanteurs spécifiques aux économies en transition, on ne peut envisager que les pays candidats obtiennent des taux de croissance analogues à ceux observés aujourd'hui en Asie du Sud-Est ; le rattrapage qui semble engagé devrait certes conduire ces pays à conserver durablement une croissance plus rapide que celle de l'Union européenne, mais, même dans les hypothèses les plus favorables, une vingtaine d'années devrait être nécessaire pour que la moyenne des PAECO rejoigne celle des pays les moins favorisés de l'Union à Quinze.
On ne peut donc envisager d'appliquer intégralement l'ensemble des normes communautaires aux nouveaux adhérents dès leur adhésion, dans la mesure où certaines de ces normes supposent atteint un niveau de développement qui ne soit pas trop sensiblement éloigné de la moyenne communautaire, et où l'application des mêmes normes à des pays de niveau de développement trop différent pourrait entraîner certaines distorsions économiques.
Des mesures transitoires seront donc nécessaires plus encore que ce ne fut le cas lors des élargissements précédents : en particulier, non seulement écart de développement entre les PAECO et l'Union européenne est bien plus marqué que ne l'était celui séparant la Communauté et la Grèce, l'Espagne et le Portugal, mais encore l'acquis communautaire s'est considérablement renforcé par rapport à la période où la Communauté s'est élargie aux pays méditerranéens.
Le document de la Commission européenne déjà cité (CSE (95) 605) indique à cet égard que l'adoption intégrale des règles de l'Union par les nouveaux membres pourrait « poser des problèmes d'ordre économique, social et budgétaire, notamment dans les domaines tels que l'agriculture, la libre circulation des travailleurs, la libre circulation des capitaux et le secteur des services financiers, l'énergie, les transports. l'environnement, la politique sociale et la protection des consommateurs » .
Toutefois, la Commission européenne précise à juste titre que reconnaître la nécessité de ménager des transitions n'est pas admettre la possibilité de dérogations permanentes, c'est-à-dire d'une adhésion à la carte. Dans chaque domaine, les mesures provisoires devront être enfermées dans des délais définis.
La reconnaissance de la nécessité d'une période de transition post-adhésion est importante pour apprécier la possibilité d'une adhésion des PAECO dans des délais raisonnables. La définition des mesures transitoires sera un élément-clef des négociations d'adhésion : une définition trop restrictive risquerait de faire peser des contraintes trop fortes sur les économies des PAECO, et par là d'entraver leur adaptation ; une définition trop large pourrait retarder les restructurations ou introduire des distorsions de concurrence.