N° 289

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 janvier 2025

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) portant avis sur le projet de Contrat d'objectifs
et de
performance (COP) de l'Institut français (2024-2026),

Par Mme Catherine DUMAS et M. Didier MARIE,

Sénatrice et Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Cédric Perrin, président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Mmes Hélène Conway-Mouret, Catherine Dumas, Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Jean-Baptiste Lemoyne, Claude Malhuret, Akli Mellouli, Philippe Paul, Rachid Temal, vice-présidents ; M. François Bonneau, Mme Vivette Lopez, MM. Hugues Saury, Jean-Marc Vayssouze-Faure, secrétaires ; MM. Étienne Blanc, Gilbert Bouchet, Mme Valérie Boyer, M. Christian Cambon, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Olivier Cigolotti, Édouard Courtial, Jérôme Darras, Mme Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Guillaume Gontard, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Joël Guerriau, Ludovic Haye, Loïc Hervé, Alain Houpert, Patrice Joly, Mmes Gisèle Jourda, Mireille Jouve, MM. Alain Joyandet, Roger Karoutchi,
Ronan Le Gleut, Didier Marie, Thierry Meignen, Jean-Jacques Panunzi, Mme Évelyne Perrot, MM. Stéphane Ravier,
Jean-Luc Ruelle, Bruno Sido, Mickaël Vallet, Robert Wienie Xowie.

L'ESSENTIEL

En application de l'article premier de la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, la commission a adopté, le 29 janvier 2025, l'avis suivant sur le projet de contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'Institut français pour les années 2024 à 2026.

Ce projet de document, qui fixe les grandes orientations de l'Institut français sur 3 ans, s'inscrit dans la continuité du COP précédent. Il réaffirme le rôle « d'opérateur pivot, bras armé de la diplomatie culturelle » de l'Institut français et en conforte les missions : soutien et animation du réseau, accompagnement des industries culturelles et créatives (ICC) françaises à l'international et modernisation et optimisation de l'organisation interne et des moyens de l'opérateur. Les rapporteurs approuvent les ambitions figurant dans ce projet de document qui permettront à l'établissement de demeurer un rouage essentiel de la diplomatie culturelle de la France.

Il est en revanche regrettable que ce projet de COP soit soumis au Parlement alors que la période qu'il est censé couvrir est déjà largement entamée. Il s'agit d'une pratique récurrente, maintes fois dénoncée par la commission. Les rapporteurs appellent par conséquent une nouvelle fois à ce que, à l'avenir, les contrats d'objectifs et de performance soient transmis avant le début de la période visée. Dans le cas présent, compte tenu de sa transmission tardive, ce projet de COP devrait être actualisé afin de couvrir la période 2025-2027.

La baisse du montant de la subvention pour charges de service public (SCSP) prévue en 2025 (- 1,7 M€) rend en outre déjà obsolètes certaines cibles assignées à l'opérateur qui ne pourront pas être atteintes.

Le volet relatif à la performance de ce projet de COP nécessiterait par ailleurs d'être renforcé, en prévoyant des indicateurs permettant une mesure des résultats plus que des moyens mis en oeuvre.

Au total, le présent COP fixe une feuille de route ambitieuse pour l'Institut français, laquelle devra s'accompagner d'un maintien du soutien financier de l'État, faute de quoi certaines actions structurantes de l'Institut français seront fragilisées, conduisant à un affaiblissement de notre diplomatie culturelle et d'influence.

1. UNE FEUILLE DE ROUTE AMBITIEUSE, DES FINALITÉS QUI POURRAIENT ÊTRE DAVANTAGE PRÉCISÉES

A. L'INSTITUT FRANÇAIS, OPÉRATEUR « PIVOT » DE LA DIPLOMATIE CULTURELLE FRANÇAISE

L'Institut français est un établissement public industriel et commercial (EPIC) qui a été créé par la loi du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État afin de concourir, en faisant appel au réseau culturel français à l'étranger, à la politique culturelle extérieure de la France. Il s'est substitué, au 1er janvier 2011, à l'association CulturesFrance, laquelle était chargée d'accompagner le développement des échanges artistiques et de soutenir le développement culturel des pays du Sud.

Placé depuis 2016 sous la tutelle conjointe du ministre des affaires étrangères et du ministre chargé de la culture, l'Institut français a, aux termes de la loi, les missions suivantes :

1° La promotion et l'accompagnement à l'étranger de la culture française ;

2° Le développement des échanges avec les cultures européennes, francophones et étrangères ;

3° Le soutien à la création, au développement et à la diffusion des expressions artistiques du Sud, ainsi que leur promotion et leur diffusion en France et à l'étranger ;

4° La diffusion du patrimoine cinématographique et audiovisuel, en concertation étroite avec les organismes compétents dans ces domaines ;

5° La promotion et l'accompagnement à l'étranger des idées, des savoirs et de la culture scientifique français ;

6° Le soutien à une large circulation des écrits, des oeuvres et des auteurs, en particulier francophones ;

7° La promotion, la diffusion et l'enseignement à l'étranger de la langue française ;

8° L'information du réseau culturel français à l'étranger, des institutions et des professionnels étrangers sur l'offre culturelle française ;

9° Le conseil et la formation professionnels des personnels français et étrangers concourant à ces missions, et notamment des personnels du réseau culturel français à l'étranger, en liaison avec les organismes compétents.

B. UNE SUBVENTION POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC EN DIMINUTION SUR LA PÉRIODE 2020-2025

Au cours de la période couverte par le précédent COP (2020-2022), la subvention pour charges de service public (SCSP) attribuée à l'Institut français a diminué de 2 %, passant de 28,8 M€ à 28,3 M€.

Entre 2020 et 2025, la baisse de la SCSP devrait atteindre 7 %, le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 prévoyant une diminution de 1,7 M€ par rapport à 2024.

Ces montants inscrits en loi de finances ne correspondent en outre pas aux crédits effectivement perçus par l'opérateur. En retenant les chiffres figurant dans les comptes financiers des années 2020 à 2023 et dans le budget rectificatif pour 2024, la baisse de la SCSP atteint 2,8 % entre 2020 et 2024.

Évolution du montant de la subvention à l'Institut français entre 2020 et 2025

Source : documents budgétaires et réponses au questionnaire des rapporteurs

Les crédits en provenance du ministère de la culture, autre tutelle de l'Institut français, demeurent quant à eux relativement marginaux dans le total des recettes de l'opérateur (entre 5 % et 6 %).

Or la part des financements de l'État dans le total des recettes de l'Institut français demeure élevée (entre 72 % en 2020 et jusqu'à 90 % en 2023), soulignant le caractère très fluctuant de ses ressources propres.

Au total, comme le montre le tableau ci-après, du fait de dépenses plus dynamiques que ses recettes, l'Institut français a affiché un déficit chronique sur la période 2020 à 2023. Si, dans ses réponses au questionnaire budgétaire, le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) indique que cette situation résulte notamment du « décalage entre l'encaissement des recettes fléchées avec les dépenses associées sur certains projets bailleurs, le versement en deux fois des subventions qui augmentait en conséquence l'enveloppe des restes à payer (le nouveau règlement des subventions voté lors du dernier CA devrait permettre d'y mettre fin) et la fin du rattrapage des répercussions de la Covid-19 », cette situation appelle à une certaine vigilance.

Évolution du solde budgétaire de l'Institut français

(en millions d'euros)

2020

2021

2022

2023

-6,8

-1,2

-0,5

-6,1

Source : Institut français, rapports annuels d'activité

C. UN PROJET DE CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE PERFORMANCE S'INSCRIVANT DANS LA CONTINUITÉ DES PRÉCÉDENTS

1. La mise en oeuvre du COP 2020-2022 laisse apparaître un bilan positif

Le COP 2020-2022 de l'Institut français s'articulait autour de 4 axes structurants rappelés dans le graphique ci-après.

Axes structurants du COP 2020-2022

Au bilan, l'Institut français a su confirmer son rôle clé dans le soutien à la création et aux industries culturelles à l'international. Il a mené à bien des initiatives phares, telles que les saisons Africa 2020 et France-Portugal, et assuré la présence française dans des événements culturels de premier plan. En parallèle, il a renforcé ses partenariats internationaux et soutenu le réseau culturel français à travers des dispositifs renouvelés.

Le numérique a occupé une place centrale, permettant de surmonter les restrictions de mobilité durant la pandémie et d'assurer la continuité des projets artistiques. L'Institut français a accompagné la transition numérique du réseau culturel en collaboration avec le MEAE et proposé des formations adaptées pour maintenir les activités culturelles et linguistiques.

L'opérateur a également intensifié le dialogue avec les sociétés civiles, en particulier en Afrique, avec des forums organisés dans le cadre du programme « Notre Futur - Dialogues Afrique-Europe ».

Enfin, l'année 2022 a marqué l'achèvement de sa réorganisation stratégique et le lancement de son projet immobilier, tout en intégrant pleinement des priorités sociétales comme la transition écologique et l'égalité femmes-hommes.

2. Des missions confortées, qui devraient utilement concourir à la diplomatie culturelle de la France

Le présent projet de COP s'inscrit dans la continuité des axes structurants du COP 2020-2022.

Objectifs du COP 2024-2026

Le soutien et l'animation du réseau - qui figurent désormais au premier rang des priorités de l'opérateur - l'accompagnement des industries culturelles et créatives (ICC) françaises à l'international et la modernisation et l'optimisation de l'organisation interne et des moyens de l'opérateur demeurent ainsi des axes forts de ce nouveau COP.

Plusieurs évolutions semblent particulièrement bienvenues, telles que le renforcement des coopérations entre l'Institut français et ses homologues européens ou encore avec les collectivités territoriales.

L'axe 4 relatif à l'organisation interne de l'Institut français comprend en outre certains objectifs louables tels que la recherche et la diversification des ressources propres et le déploiement d'une culture de la performance par le contrôle interne et l'évaluation. Les rapporteurs saluent, à cet égard, l'effort important mené par l'opérateur pour rationaliser ses dépenses, notamment immobilières, avec le déménagement de son siège du carré Suffren vers la rue de la Folie-Regnault qui permettra de dégager une économie de 9 M€ sur la durée totale du bail (9 ans renouvelable).

Ils considèrent en outre que le développement de l'évaluation est indispensable au regard de la situation de nos finances publiques afin de concentrer l'effort sur les actions à fort impact au détriment de celles dont les résultats ne sont pas probants. Ils recommandent en particulier qu'une évaluation des évènements organisés autour du débat d'idées, qui occupe une place de plus en plus importante au sein des actions menées par l'Institut français, soit rapidement réalisée.

Enfin, les rapporteurs observent que la promotion de la langue française ne fait plus l'objet d'un axe structurant à part entière mais est reléguée au rang de simples objectifs (objectifs 1.3.3 « Accompagner les centres de cours de français du réseau dans leur adaptation aux enjeux actuels » et 3.3 « Promouvoir la langue française, la francophonie et le plurilinguisme »). Si, en audition, la direction générale de la mondialisation a souligné que la promotion de la francophonie imprégnait l'ensemble des actions menées par l'Institut français, notamment dans l'accompagnement du réseau, qui constitue sa mission principale, il aurait été souhaitable que la promotion de la langue française demeure un axe structurant du COP.

La promotion de la langue française devrait demeurer un axe structurant du COP.

3. Des priorités géographiques qui devront être affinées

Outre l'Afrique, qui était définie comme prioritaire dans l'ensemble des domaines d'action de l'Institut français, le COP 2020-2022 identifiait 37 pays vers lesquels l'opérateur devait déployer en priorité son action pour favoriser l'exportation des industries culturelles et créatives (ICC). 11 pays étaient, par ailleurs, considérés comme prioritaires au titre de la coopération et du développement. Le précédent COP mettait également en place des « zones à coopérations régionales renforcées » afin de créer des synergies dans les actions de l'opérateur, sur la base de thèmes prioritaires définis avec les ministères de tutelle. Enfin, le contrat précédent reprenait les dispositions d'un protocole d'accord signé en juillet 2019 entre l'Institut français et ses deux ministères de tutelle pour soutenir des coopérations sectorielles dans certains pays et zones (États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni, Chine, Amérique du sud hispanophone et Europe du Sud Est).

Le présent projet de COP identifie 3 zones prioritaires : l'Afrique, qui demeure au coeur des missions de l'IF, l'Europe et l'Indopacifique.

Si les actions à destination du continent africain et, dans une moindre mesure, de l'Europe sont clairement identifiées (organisation de forums régionaux de débat d'idées associant les sociétés civiles et les jeunesses africaines et européennes, accompagnement de la structuration des acteurs et des secteurs culturels, accompagnement de la mise en place de la Maison des mondes africains, etc.), cela n'est pas le cas concernant l'Indopacifique. Seul le co-pilotage du programme de la Villa Kujoyama est ainsi mentionné dans le projet de COP. Dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, l'Institut français indique que « les pays de la zone sont éligibles à l'ensemble des dispositifs de l'Institut français » et que « des appuis plus particuliers sont mis en oeuvre en fonction des nécessités ». Une stratégie plus explicite pour cette zone aurait été bienvenue, au regard des enjeux qu'elle concentre.

Par ailleurs, à la différence du précédent COP, et à l'exception de l'Allemagne et du Japon, aucun pays n'est identifié comme pays cible.

L'Institut français justifie ce choix en indiquant ne pas souhaiter arrêter une liste de pays figée dans un contexte international fluctuant et au risque d'exclure certains pays pouvant présenter un intérêt croissant. Les rapporteurs recommandent toutefois, au regard du caractère très large des zones géographiques prioritaires retenues dans le présent projet de COP, d'affiner celles-ci dans le cadre du dialogue de gestion avec les tutelles.

D. UN COP RELEVANT CEPENDANT DAVANTAGE D'UNE FEUILLE DE ROUTE OPÉRATIONNELLE QUE D'UNE VÉRITABLE STRATÉGIE

Si le présent projet de COP indique à juste titre, bien que dans des termes très généraux, qu'il est « aujourd'hui indispensable de maintenir les conditions d'un dialogue entre les cultures, de soutenir la diversité culturelle et linguistique et d'imaginer des projets qui nous unissent, tout en nourrissant le “ désir de France ” », les enjeux identifiés dans ce document sont essentiellement internes : « confirmer l'Institut français comme un acteur incontournable de notre diplomatie de coopération culturelle tout en adaptant ses missions aux enjeux actuels » et « poursuivre sa mutation », alors que l'ensemble des actions mises en oeuvre par l'opérateur devrait précisément permettre de répondre à des enjeux internationaux.

Bien que resserré par rapport au précédent COP, le nombre d'objectifs (15) et de sous-objectifs (41), qui sont, le plus souvent, la déclinaison des missions assignées par la loi sous la forme d'une liste d'actions plutôt qu'à des objectifs en matière de diplomatie culturelle et d'influence, nuit en outre à l'identification d'une stratégie d'ensemble qui devrait guider l'action de l'opérateur.

En d'autres termes, le présent projet de COP se concentre quasi exclusivement sur les moyens que l'opérateur devra déployer plutôt que sur les finalités qui devraient être les siennes.

Les rapporteurs appellent par conséquent à ce que dans les futurs COP, voire dès le présent contrat, une finalité claire en termes de politique publique soit systématiquement associée à chaque objectif.

2. UN DOCUMENT DÉJÀ EN PARTIE OBSOLÈTE 

A. UNE PÉRIODE COUVERTE PAR LE COP LARGEMENT ENTAMÉE

Les rapporteurs constatent tout d'abord que l'année 2023 n'a été couverte par aucun COP, le précédent contrat arrivant à échéance fin 2022. En conséquence, il a été décidé de faire de 2023 une « année blanche », selon les termes de la direction générale de la mondialisation. Une telle situation n'est pas satisfaisante dans la mesure où l'opérateur ne peut se référer à aucun document-cadre validé par ses tutelles dans lequel inscrire son action.

Ils ne peuvent en outre que regretter le fait que ce projet de COP n'ait été transmis aux assemblées parlementaires que le 20 décembre 2024 alors qu'il est censé couvrir la période 2024-2026.

Si le contexte politique a pu avoir des conséquences sur le calendrier d'adoption de ce document, il est à noter que le projet a été validé dès le mois de juillet 2023, soit près d'un an avant la dissolution de l'Assemblée nationale. Par ailleurs, plus qu'une exception, la transmission extrêmement tardive des projets de contrats d'objectifs et de moyens ou de contrats d'objectifs et de performance est désormais la règle. Cette situation, qui n'est pas respectueuse des prérogatives du Parlement, n'est efficiente ni du point de vue des opérateurs ni de celui de ses tutelles, et a d'ailleurs été maintes fois dénoncée par la commission.

Les rapporteurs demandent par conséquent qu'à l'avenir les COP soient transmis au Parlement suffisamment en amont de la période visée. La procédure d'adoption du COP pourrait par exemple être allégée via la suppression du Conseil d'orientation stratégique dont l'existence est prévue à l'article 10 de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'État, présenté unanimement en auditions comme source de lourdeur sans véritable plus-value.

Dans le cas présent, l'exercice 2024 étant déjà clos, ils considèrent que, sans rouvrir les discussions entre les tutelles sur ce texte pour ne pas retarder encore sa mise en oeuvre, le présent projet de COP devrait être actualisé afin de couvrir la période 2025-2027.

Compte tenu de sa transmission tardive, le projet de COP devrait couvrir la période 2025-2027 plutôt que 2024-2026.

B. UNE AMBITION EN PARTIE OBÉRÉE PAR LA BAISSE DE LA SUBVENTION POUR CHARGES DE SERVICE PUBLIC PRÉVUE EN 2025

Le budget 2025 prévoit une diminution de 1,7 M€ de la subvention pour charges de service public versée à l'Institut français alors que le COP est construit sur une hypothèse du maintien de ses ressources à un niveau constant.

La baisse des crédits dédiés à l'opérateur prévue en 2025 a conduit ce dernier à effectuer une revue de ses programmes, qui aura des répercussions sur les actions dont la mise en oeuvre est inscrite dans le présent projet de COP.

Dans le détail, si l'accompagnement du réseau, tant pour la formation que pour les programmes servant le plus fortement le réseau (comme les appels à projets dans le domaine de l'accompagnement des créateurs et des industries culturelles et créatives notamment), devrait être globalement préservé, plusieurs dispositifs devraient voir leurs moyens diminuer. Cette baisse affectera notamment le soutien au cinéma (fin des financements à destination de l'aide aux cinémas du monde à compter de 2026), la politique en faveur des résidences et des mobilités (baisse des crédits affectés à la Fabrique des résidences ou la suppression de la quasi-totalité des crédits du programme de Mobilité internationale de recherche artistique), ou encore l'accompagnement à la structuration des acteurs et des secteurs culturels dans les pays du Sud. De même, le budget des partenariats européens devrait être légèrement revu à la baisse (notamment le fonds culturel franco-allemand), ainsi que le budget consacré aux conventions avec les collectivités territoriales.

En audition, la présidente de l'Institut français a admis que, sans remettre fondamentalement en cause les axes structurants du COP, la diminution de la SCSP prévue en 2025, combinée aux incertitudes budgétaires actuelles, rend les cibles inscrites dans ce projet de contrat en partie caduques.

La diminution de la SCSP prévue en 2025, combinée aux incertitudes budgétaires, rend les cibles affichées dans le COP en partie caduques.

Les rapporteurs considèrent en outre que la SCSP ne pourra pas faire l'objet de coupes supplémentaires sans remettre en cause des actions structurantes de l'Institut français. La création de structures ad hoc, à l'instar de la Maison des mondes africains, dont les missions peuvent recouper, au moins pour partie, celles de l'Institut français, devrait en outre être limitée afin d'éviter une dispersion des ressources.

3. UN DISPOSITIF DE MESURE DE LA PERFORMANCE INSUFFISAMMENT CONCENTRÉ SUR L'ÉVALUATION DES RÉSULTATS

Le bilan de la précédente contractualisation figurant dans ce projet de COP est très succinct. Il conviendrait, à l'avenir, de développer cette partie afin de permettre au Parlement comme au citoyen d'évaluer les résultats enregistrés par l'opérateur au regard des objectifs stratégiques qui lui étaient assignés. A minima, un rappel des résultats enregistrés pour chaque indicateur au cours de la période couverte par le précédent contrat devrait figurer en annexe de chaque COP.

Le dispositif de mesure de la performance prévu dans ce projet de COP comprend 16 indicateurs et 45 cibles, un indicateur (« production (annuelle) de statistiques fiables et lisibles sur la répartition géographique et sectorielle des programmes de l'IF ») n'étant doté d'aucune cible.

D'une manière générale, le lien entre les indicateurs et l'impact en matière de rayonnement culturel ou diplomatique de la France n'est pas évident. À titre d'exemple, et même si les rapporteurs sont conscients de ce que les résultats enregistrés ne dépendraient pas uniquement de l'action de l'opérateur, des indicateurs relatifs à la fréquentation des évènements organisés par l'Institut français, aux reprises dans les médias étrangers des projets et artistes accompagnés par l'opérateur ou encore au nombre de vues, de téléchargements ou de consultations de contenus édités par l'Institut français auraient pu utilement figurer dans le volet relatif à la performance du présent projet de COP.

Cette maquette ne comprend en outre qu'un seul indicateur qualitatif visant à mesurer le « taux de satisfaction du réseau », les 15 autres indicateurs n'étant que quantitatifs. Dans ses réponses au questionnaire des rapporteurs, l'Institut français indique qu'« un certain nombre d'indicateurs ont été envisagés, notamment pour les sous-sous-objectifs, et parmi eux des indicateurs plus qualitatifs comme, par exemple : taux de satisfaction des participants aux formations (pour le réseau) ou aux Focus (pour les professionnels étrangers), mise en oeuvre d'un plan d'action recommandé par l'audit RGPD, etc. ». Il aurait été souhaitable que ces indicateurs figurent dans le document final.

Par ailleurs, l'identification de cibles spécifiques adaptées à chaque région prioritaire, voire certains pays au sein de ces régions, aurait pu être envisagée.

Le volet performance du COP devrait être revu afin d'offrir une vision plus précise des résultats enregistrés par l'opérateur.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 29 janvier 2025, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport d'information de Mme Catherine Dumas et M. Didier Marie, rapporteurs : « Institut Français : un contrat d'objectifs et de performance ambitieux, un soutien étatique à pérenniser ».

M. Cédric Perrin, Président. - Nous allons maintenant examiner le rapport d'information de Catherine Dumas et Didier Marie sur le projet de contrat d'objectifs et de performance de l'Institut français pour la période 2024-2026.

Mme Catherine Dumas, rapporteure. - En préambule, j'excuse Didier Marie pour son absence liée à un autre impératif. Je présente donc ce rapport au nom de Didier Marie et en mon nom sur le projet de contrat d'objectifs et de performance de l'Institut français pour 2024-2026. L'Institut français, établissement public créé en 2010, est l'opérateur pivot de la diplomatie culturelle française. Ses missions incluent la promotion de la culture française à l'étranger, le soutien à la création artistique, et la promotion de la langue française.

Le bilan du précédent COP (2020-2022) est positif. L'Institut français s'est imposé comme un acteur essentiel de notre diplomatie culturelle et d'influence, menant des initiatives comme les saisons Africa 2020 et France-Portugal, renforçant ses partenariats internationaux et soutenant le réseau culturel français. L'Institut français a également intensifié le dialogue avec les sociétés civiles, en particulier africaines.

Le nouveau projet de COP s'inscrit dans la continuité du précédent, avec des priorités telles que le soutien au réseau, l'accompagnement des industries culturelles et créatives françaises à l'international, et la modernisation de l'organisation interne. Nous regrettons cependant que la promotion de la langue française ne soit plus un axe structurant à part entière. Nous recommandons également d'affiner les zones géographiques prioritaires pour une action plus pertinente de l'Institut.

Le projet de COP manque d'objectifs clairs en termes de politique publique et se concentre trop sur les moyens plutôt que sur les finalités. La partie relative à la performance devrait davantage mesurer les résultats concrets.

Nous déplorons le retard dans la transmission de ce COP aux assemblées parlementaires, ce qui n'est pas respectueux des prérogatives du Parlement. Nous suggérons d'actualiser le projet de COP pour couvrir la période 2025-2027.

La diminution de 1,7 million d'euros de la subvention pour l'Institut français dans le budget 2025 risque d'impacter certaines actions prévues, notamment le soutien au cinéma. Nous demandons solennellement qu'il n'y ait pas de coupes supplémentaires.

Concernant la création de la Maison des mondes africains, nous exprimons des réticences quant à son intérêt et son implantation potentielle à la Monnaie de Paris.

En conclusion, malgré ces observations, nous proposons d'émettre un avis favorable à ce projet de COP.

M. Olivier Cadic. - Je souscris à l'analyse du rapport sur l'Institut français. Le travail réalisé est très positif, en grande partie grâce à la personnalité de la directrice de l'Institut français. Depuis son arrivée, un nouvel élan s'est créé. Face à la réduction budgétaire, elle a fait des choix stratégiques, notamment concernant le cinéma, plutôt que de réduire l'ensemble des activités. Cette approche mérite d'être encouragée. C'est la première fois que l'Institut français propose un budget excédentaire, ce qui est un signal fort. Je suis d'accord avec la remarque sur la francophonie, bien que ce ne soit pas simple à mettre en oeuvre. Il faut noter que l'Institut a réalisé des économies importantes en déménageant, ce qui renforce sa crédibilité.

Mme Hélène Conway-Mouret. - Je vous remercie pour ce rapport qui montre l'énorme travail réalisé par l'Institut français. Sa directrice a joué un rôle important dans ces résultats. Concernant les ambitions de l'Institut, même si le budget est excédentaire, il faut veiller à préserver l'équilibre financier car les rentrées d'argent ne sont pas garanties. Je m'interroge sur l'ambition planétaire affichée, qui ne me semble pas réaliste avec nos budgets actuels. Nous devrions nous concentrer sur nos priorités, qui ne sont peut-être pas clairement définies. Le Contrat d'Objectifs et de Performance (COP) 2024-2026 présenté en 2025 me semble tardif. Ne faudrait-il pas l'actualiser en tenant compte de ces points ?

Mme Catherine Dumas, rapporteure. - Je remercie Olivier d'avoir souligné le bon travail de la direction de l'Institut français. Il est important de le reconnaître quand cela fonctionne bien. Les deux tutelles soutiennent également ce travail, ce qui n'est pas toujours le cas. Concernant la territorialité, j'ai bien noté qu'il y avait parfois un éparpillement avec 37 pays prioritaires lors du COP précédent. Nous sommes passés à trois grandes zones géographiques, dont l'Europe qui reste une priorité. Pour les financements, il est difficile pour l'Institut français de trouver des ressources propres car il ne développe pas une expertise monnayable. Cependant, un projet d'accréditation pour obtenir des financements européens est en cours, ce qui pourrait être très positif.

M. Cédric Perrin, Président. - Merci beaucoup. Je vous propose d'aborder le vote.

Le rapport d'information est adopté à l'unanimité.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 14 janvier 2025

Institut français : Mmes Eva Nguyen Binh, Présidente.

Jeudi 16 janvier 2025

Ministère de la culture : M. Yannick Faure, chef du service des affaires juridiques et internationales au Secrétariat général, Mme Valérie Mouroux, sous-directrice des affaires européennes et internationales, M. Damien Roger, adjoint à la sous-directrice et Mme Zoé Simard, chargée de mission ;

- Ministère de l'Europe des affaires étrangères : MM. Emmanuel Lebrun-Damiens, directeur de la diplomatie culturelle, éducative, scientifique et universitaire et Raphaël Malara, chef de pôle à la sous-direction culture et médias.

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