II. UN PROBLÈME DE SOCIÉTÉ : (RE)CRÉER LES CONDITIONS D'UN RAPPROCHEMENT ENTRE L'ARMÉE ET LA SOCIÉTÉ

A. AUGMENTER LA SURFACE DE CONTACT

1. L'engagement dans les armées reste une vocation très spécifique

Le recrutement dans les armées suit une tendance commune aux métiers de la sphère publique. Dans la fonction publique, le nombre de candidats pour un poste offert y est passé de 16 à 6 ces trente dernières années, et les flux de sorties grossissent depuis dix ans. C'est particulièrement le cas dans la sphère régalienne, la police et la gendarmerie concurrençant en outre directement les armées pour le recrutement. Partout, les viviers s'assèchent et la sélectivité se dégrade, ce qui témoigne d'une forme de crise de l'État de vaste ampleur.

Plus profondément, il faut reconnaître que peu d'éléments, dans la société moderne, prédisposent à s'engager dans l'armée. La valorisation dans les représentations communes de l'individualisme, de l'immédiateté et de la jouissance des bonheurs privés n'est pas facilement conciliable avec la spécificité militaire, et avec l'engagement extrême que représente le fait de pouvoir être amené à tuer ou à mourir sur ordre. Ce qui pose la question plus complexe de la place de la fonction militaire dans la société, qu'il faut à tout prix préserver de l'invisibilisation.

2. Refaire de l'armée un acteur important de la vie collective

Augmenter la surface de contact suppose de rendre les militaires à la fois plus audibles et plus visibles. La France paye à cet égard le prix de la réduction du format des armées après la chute du Mur. Aujourd'hui, 30 départements sont par exemple dépourvus d'implantations de l'armée de Terre, ce qui fait que les jeunes Français d'aujourd'hui, qui sont les enfants de la première génération qui n'a pas fait son service militaire, peuvent ne jamais croiser de militaires avant de parvenir à l'âge adulte.

Le HCECM a déjà fait des propositions visant à réintroduire le soldat dans la vie collective. Y contribuerait par exemple la banalisation du port de l'uniforme dans l'espace public, sur les trajets domicile-travail par exemple - il avait été interdit par le commandement après l'émergence du risque terroriste.

L'expression publique des officiers sur les questions stratégiques pourrait sans doute être davantage encouragée, ce qui suppose de soutenir ce champ disciplinaire, et de valoriser la production intellectuelle des militaires. Sur ce plan, les choses évoluent toutefois, comme en témoigne la création récente de l'Academ.

L'enseignement supérieur est le grand absent des politiques de lien armée-Nation. Pourtant, à l'heure où 60 % d'une classe d'âge est inscrit dans l'enseignement supérieur, où l'on change de métier plus souvent et où l'armée peut être une expérience parmi d'autres, et alors que l'on promeut l'hybridation du modèle d'armée avec la participation accrue de la réserve, les formations initiales militaires et civiles doivent être plus franchement décloisonnées et les échanges facilités à une plus vaste échelle.

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