SOMMAIRE

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LISTE DES RECOMMANDATIONS DE LA MISSION D'INFORMATION 7

AVANT-PROPOS 13

I. L'ARCHITECTE DES BÂTIMENTS DE FRANCE, REMPART FRAGILISÉ DU PATRIMOINE PAYSAGER 17

A. LA PROTECTION DU PATRIMOINE PAYSAGER, UNE POLITIQUE PUBLIQUE EN RÉGULIÈRE ÉVOLUTION 17

1. Une ambition politique affirmée depuis plus de deux siècles 17

a) La progressive prise de conscience de la nécessité de protéger le patrimoine monumental 17

b) L'élargissement progressif de la protection des monuments à leurs abords 18

c) De grands principes toujours actuels mais d'application complexe 19

2. Une préoccupation largement partagée chez nos voisins européens 21

a) En Allemagne, en Espagne et en Suisse, une protection des abords appréciée in concreto 21

b) Le modèle de la « protection indirecte » italienne 23

(1) Dans les surintendances de l'archéologie, des beaux-arts et du paysage, des architectes aux missions proches de celles des ABF 24

(2) Des possibilités d'intervention limitées à proximité des zones protégées 24

(3) Les procédures de protection et de modification des abords 25

3. Au-delà des enjeux patrimoniaux, les politiques de protection présentent un intérêt économique et social majeur en France 27

a) Préserver le cadre et la qualité de vie de nos concitoyens 27

(1) Une prise de conscience progressive et tardivement traduite dans la loi 27

(2) Le rôle central des ABF 28

b) Protéger les atouts touristiques de la France 29

c) La préservation de savoir-faire traditionnels et respectueux de l'environnement 31

B. L'ABF, AGENT CENTRAL DE L'AMBITION PATRIMONIALE ET ARCHITECTURALE FRANÇAISE 33

1. L'ABF, l'homme aux avis 33

a) Une mission de contrôle devenue emblématique de la fonction 33

b) Le domaine étendu de l'avis conforme 36

c) Des décisions aux conséquences importantes pour les pétitionnaires 37

(1) Des accords pouvant être assortis de prescriptions obligatoires 38

(2) Des avis défavorables très minoritaires mais suscitant d'importantes critiques 38

2. Un pouvoir propre susceptible de recours 39

a) Des recours en faible nombre mais en forte augmentation 40

b) Une procédure complexe et susceptible d'amélioration 41

c) Des alternatives au recours encore sous-utilisées 44

(1) En amont, la conciliation ou le dernier recours avant le recours 44

(2) En aval, une médiation trop tardive 44

3. Une responsabilité centrale dans la conservation et la sécurisation des édifices protégés 45

a) La veille sanitaire 45

b) L'ABF, conservateur et maître d'oeuvre 46

c) L'ABF, responsable unique de sécurité des cathédrales 47

4. Un rôle de premier plan dans la diffusion de la politique patrimoniale de l'État auprès des élus et des administrés 49

a) Une fonction de conseil nécessaire et appréciée 49

b) La diffusion de la parole des ABF auprès des professionnels de l'architecture ou du patrimoine 50

C. L'ABF EST AUJOURD'HUI UN MAILLON FRAGILISÉ DE LA CHAÎNE PATRIMONIALE 51

1. L'ABF au bord de la saturation administrative 51

a) Un périmètre d'intervention qui s'étend 51

b) L'accumulation de nouvelles missions 52

c) Conséquence : la multiplication des avis 53

2. Des moyens budgétaires insuffisants 55

3. Des conséquences préoccupantes pour la protection patrimoniale 57

4. Le manque d'attractivité du corps des AUE 58

5. Un sous-effectif problématique 59

a) Des effectifs figés dans le temps ? 60

b) Une déconnexion entre la progression des effectifs et celle de l'activité 63

II. L'ABF, CENSEUR OU PARTENAIRE ? 64

A. LES CONDITIONS D'EXERCICE PAR LES ABF DE LEURS MISSIONS DE CONTRÔLE DONNENT LIEU À DES CRISPATIONS RÉCURRENTES 64

1. Des pouvoirs propres suscitant une appréciation contrastée 64

a) Un débat ancien 64

b) Un ressenti à mieux objectiver 65

2. L'avis conforme, éternel sujet de débat 65

3. Les principaux sujets de discorde entre les ABF et les élus locaux 67

a) La variabilité et le manque de prévisibilité des décisions rendues 67

b) L'absence de prise en compte du coût des travaux : des prescriptions inapplicables ? 69

c) Le manque de pédagogie 72

d) L'absence de prise en compte des enjeux de la transition écologique 73

4. Le risque de la non-déclaration 75

5. « L'équation personnelle » : l'ABF et le territoire 76

6. Une profession ou une protection en danger ? 78

B. UNE MISSION DE CONSEIL SOUS-INVESTIE FAUTE DE TEMPS 79

1. Les élus comme leurs administrés font face à des difficultés pour bénéficier d'un accompagnement de leurs projets 79

a) Une mission de conseil cruciale donnant lieu à de larges attentes 79

b) Une mission de contrôle accaparante au détriment du conseil 80

2. Une forte inégalité territoriale en matière de protection patrimoniale 83

a) Les petites communes rurales en manque d'expertise 83

b) Une inégale répartition géographique des ABF 84

3. Des instances de dialogue et d'ingénierie encore trop méconnues 91

a) Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) 92

b) Les commissions locales des SPR (CLSPR) 93

c) Des instructions uniformisées, jusqu'à quel point ? 93

III. ADAPTER LES MISSIONS DES ABF AUX DÉFIS DE DEMAIN 95

A. LA RATIONALISATION DU PÉRIMÈTRE DE CONTRÔLE DES ABF, ENCLENCHÉE PAR LA LOI LCAP DE 2016, DOIT PASSER À LA VITESSE SUPÉRIEURE 95

1. Les zones protégées et le domaine des ABF 95

a) Trois types d'espace qui obéissent à trois logiques 95

b) Une approche en termes de superficie qui ne rend pas compte de l'importance des ABF 98

2. Le PDA : une avancée majeure mais une procédure complexe 99

3. Innovation prometteuse, le PDA souffre cependant de deux limites 101

a) Première limite : une massification qui se fait attendre 101

b) Seconde limite : un contenu encore incomplet 103

4. L'an II des PDA 106

a) Faciliter l'adoption des PDA 106

b) Faire du PDA un outil plus adapté et complet 107

B. POUR UNE APPROCHE MIEUX HIÉRARCHISÉE, TRANSPARENTE ET COLLÉGIALE 109

1. Adapter les missions des ABF à l'évolution de leurs effectifs 109

a) Vers une meilleure hiérarchisation des missions confiées aux UDAP 109

(1) Un gain de temps administratif grâce au déploiement de l'outil Patronum 110

(2) Un coeur de métier à redéfinir 110

b) Détacher la sécurisation des cathédrales de la mission de conservation assurée par les ABF 112

c) Renforcer l'attractivité du métier d'ABF afin de préserver une expertise de haut niveau sur le long terme 114

(1) Recruter au moins un ABF supplémentaire par département 114

(2) Promouvoir la fonction d'ABF auprès des étudiants en architecture 115

(3) Développer la formation continue destinée aux ABF et aux personnels des UDAP 116

2. Améliorer la prévisibilité des avis 118

a) Renforcer la transparence de l'instruction des dossiers 119

(1) Éclairer le processus de décision de l'ABF en amont de la délivrance des avis 119

(2) En aval de la décision, assurer la publicité des avis 121

b) Développer l'information des citoyens, des pétitionnaires, des professionnels de l'urbanisme et des élus sur les problématiques patrimoniales 122

C. LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE EN ZONE PROTÉGÉE, UNE OPPORTUNITÉ POUR LE RENFORCEMENT DE LA MISSION DES ABF 124

1. Entre la préservation du patrimoine bâti et la poursuite de la transition énergétique, une aporie à dépasser 125

a) Deux objectifs également impérieux et apparemment inconciliables 125

b) Pour une réhabilitation écologique du bâti patrimonial 127

2. La place centrale de l'ABF dans la refondation des politiques de soutien à la rénovation énergétique du bâti ancien 129

a) Les premières mesures prises par l'administration sont encourageantes mais encore insuffisantes 130

b) Constituer l'ABF en pôle d'expertise au service d'une réhabilitation patrimoniale durable 132

EXAMEN DU RAPPORT DE LA MISSION D'INFORMATION 137

ANNEXES - LES COMPÉTENCES DES ARCHITECTES DES BÂTIMENTS DE FRANCE 149

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES 153

LISTE DES DÉPLACEMENTS 157

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE ET DE SUIVI DES RECOMMANDATIONS 161

LISTE DES RECOMMANDATIONS
DE LA MISSION D'INFORMATION

Premier axe

Faciliter la prise en compte de la problématique patrimoniale par les élus locaux

Alors que les élus locaux se trouvent en première ligne dans l'initiative, le suivi et l'instruction des dossiers d'urbanisme, il est essentiel de leur donner les moyens de s'approprier pleinement les problématiques spécifiques aux opérations portant sur les alentours des édifices patrimoniaux. La mission d'information souhaite à ce titre faciliter la généralisation des périmètres délimités des abords (PDA), créés par la loi en 2016 et qui permettent d'adapter la restriction générale d'urbanisme dans un rayon de 500 mètres à l'intensité patrimoniale constatée dans chaque collectivité. Elle souhaite également créer les conditions d'un dialogue plus apaisé entre les élus et les ABF.

· Quand la création d'un périmètre délimité des abords (PDA) n'est pas réalisée simultanément à l'élaboration, à la modification ou à la révision du PLU, supprimer l'obligation de conduire une enquête publique figurant à l'article L. 621-31 du code du patrimoine (recommandation n° 6, page 107).

· Supprimer, dans la procédure de création d'un PDA, la consultation obligatoire du propriétaire ou de l'affectataire domanial du monument historique concerné (recommandation n° 7, page 107).

· Encourager les élus locaux à adopter un règlement du PDA, en lien avec l'ABF et après consultation de la population dans le cadre d'une enquête publique réalisée de préférence à l'occasion de l'élaboration, de la révision ou de la modification des PLU et PLUi (recommandation n° 8, page 109).

· Faire passer de sept jours à un mois le délai du recours qui peut être exercé contre une décision de l'ABF par l'autorité compétente en matière d'urbanisme (recommandation n° 4, page 84).

· Développer la médiation et mieux la faire connaître auprès des élus (recommandation n° 2, page 45).

· Mettre en place au niveau départemental une commission de médiation composée d'élus, de représentants de l'État, de l'ABF du département, de professionnels de la construction comme les CAUE et des associations de défense du patrimoine. Sans préjudice des voies de recours, elle se réunirait périodiquement pour examiner les dossiers transmis par les maires faisant l'objet d'un désaccord avec l'ABF et proposer un règlement (recommandation n° 1, page 44).

· Adopter au niveau des DRAC et du ministère une gestion des ressources humaines plus dynamique en identifiant, par un dialogue avec les élus et les autorités préfectorales, les situations les plus conflictuelles, afin de proposer aux ABF éventuellement concernés des formations complémentaires et un accompagnement ou d'envisager un changement d'affectation (recommandation n° 3, page 78).

Deuxième axe

Améliorer la lisibilité et la prévisibilité des décisions des ABF

Afin d'améliorer la compréhension des décisions des ABF, la mission d'information souhaite créer un principe de transparence des décisions rendues, diffuser des guides méthodologiques partagés permettant aux élus et aux porteurs de projet de mieux anticiper les avis à venir, et plus généralement renforcer les temps de dialogue entre les ABF et les élus locaux.

· Encourager le développement de permanences régulières des ABF dans les communes de leur territoire de compétences (recommandation n° 18, page 123).

· Rendre obligatoire pour les ABF chefs de service la diffusion, dans l'année suivant leur entrée en fonction, d'un projet de service déterminant les priorités et les méthodes de travail de leur UDAP d'affectation, qui sera rendu public, adressé à l'ensemble des élus locaux, et présenté devant les intercommunalités du département. (recommandation n° 15, page 119).

· Assurer la publicité des avis rendus par les ABF dans le cadre d'un registre national en ligne mis gratuitement à la disposition du public permettant de retracer l'ensemble des avis par localisation (recommandation n° 17, page  122).

· Développer des guides, cahiers des charges et doctrines nationales en matière patrimoniale, sur le modèle du guide sur l'insertion architecturale et paysagère des panneaux solaires diffusé en décembre 2023 (recommandation n° 16, page 121).

Troisième axe

Mieux informer le public et les élus sur les problématiques patrimoniales

La mission d'information souhaite promouvoir le développement d'une réelle culture patrimoniale auprès des élus comme des publics scolaires.

· Améliorer la connaissance du rôle des CAUE par les élus, et en constituer dans les départements qui n'en sont pas encore dotés (recommandation n° 5, page 93).

· Mettre en place, en particulier via les CAUE, des formations sur les enjeux associés au bâti patrimonial, à destination notamment des agents exerçant dans les services instructeurs des demandes d'autorisation d'urbanisme (recommandation n° 19, page 124).

· Développer la connaissance de l'architecture et du patrimoine auprès des publics scolaires afin de promouvoir une culture architecturale citoyenne (recommandation n° 20, page 124).

Quatrième axe
Mieux hiérarchiser les missions des ABF
pour leur permettre de renforcer leur fonction de conseil

Face au défi posé par l'accroissement de leurs missions conjugué à la stagnation de leurs effectifs, les missions des ABF doivent aujourd'hui être repensées et mieux hiérarchisées, afin notamment de renforcer leur fonction de conseil.

· Identifier les priorités d'action des UDAP dans le cadre d'une stratégie nationale déclinée au niveau local par chaque DRAC (recommandation n° 10, page 112).

· Définir et hiérarchiser les missions des UDAP en annexe au décret n° 2010-633 du 8 juin 2010, conformément aux orientations prises dans l'instruction n° 5399/SG du 1er juillet 2009 (recommandation n° 9, page 112).

· Retirer la mission de sécurisation des cathédrales du champ de compétences des ABF (recommandation n° 11, page 113).

Cinquième axe

Renforcer l'attractivité du métier d'ABF
afin de préserver un corps spécialisé de haut niveau sur le long terme

La préservation du patrimoine nécessite le renforcement du corps des ABF pour maintenir une expertise de haut niveau et améliorer l'accompagnement des élus dans les territoires.

· Recruter au moins un ABF supplémentaire par département en relevant le plafond d'emplois applicable aux UDAP dans les lois de finances pour 2025 et 2026 et en définissant un plan pluriannuel de renforcement des effectifs des UDAP (recommandation n° 12, page 115).

· Améliorer l'information sur les métiers du patrimoine dans les écoles d'architecture (recommandation n° 13, page 116).

· Renforcer et rendre plus accessible l'offre de formation continue destinée aux ABF, en renforçant le rôle de l'École de Chaillot (recommandation n° 14, page 118).

Sixième axe

Tenir compte de la spécificité du bâti ancien dans les politiques environnementales

L'adaptation du bâti patrimonial ancien aux contraintes nouvelles résultant du réchauffement climatique est un défi majeur ; elle constitue également une opportunité pour le renforcement du rôle de conseil et d'accompagnement des ABF. La mission d'information souhaite à cet égard que cet enjeu soit identifié comme une priorité d'action par les politiques culturelles comme par les politiques en faveur de l'environnement.

· Nommer un référent en matière de transition énergétique et environnementale au sein de chaque DRAC (recommandation n° 24, page  135).

· Accélérer l'évolution engagée par le ministère de la transition écologique sur l'adaptation du DPE aux spécificités du bâti patrimonial ancien, notamment en intégrant l'ensemble des matériaux et techniques pertinents pour ce type de bâti dans le guide d'accompagnement des diagnostiqueurs (recommandation n° 22, page 134).

· Refonder le dispositif d'aides publiques aux opérations de réhabilitation énergétique des logements de manière à développer le soutien financier aux techniques de rénovation énergétique respectueuses du bâti patrimonial, mais également à décourager le recours aux techniques potentiellement délétères pour le bâti ancien (recommandation n° 21, page  133).

· Compléter l'article 1er de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture pour faire figurer la réhabilitation des constructions parmi les activités architecturales d'intérêt public (recommandation n° 23, page 135).

AVANT-PROPOS

La France, première destination touristique mondiale, offre également un exceptionnel cadre de vie à ses habitants ; la beauté de ses paysages et la spectaculaire préservation de son architecture, qui témoignent au coeur de nos métropoles comme de nos villages de la richesse de notre histoire, font la légitime fierté de nos concitoyens.

Ces multiples atouts ne doivent rien au hasard ni à la chance. Parce que l'attachement aux contours architecturaux et paysagers de notre pays est indissociable d'une conscience aiguë de la nécessité de les protéger, ils résultent d'un engagement profond et persistant de nos pouvoirs publics pour la préservation de notre patrimoine. « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. Donc, le détruire c'est dépasser son droit », écrivait Victor Hugo en 1832 dans un manifeste intitulé « Guerre aux démolisseurs ». Dans le pays qui a érigé la propriété au rang de droit inviolable et sacré, cet engagement va jusqu'à la limitation du droit de propriété dans les lieux les plus spectaculaires et les plus emblématiques de notre patrimoine que constituent les alentours des monuments historiques.

Car, « en architecture, un chef-d'oeuvre isolé risque d'être un chef-d'oeuvre mort », déclarait André Malraux le 23 juillet 1962. Comment en effet imaginer la basilique de Vézelay sans sa colline éternelle, le château de Versailles amputé de sa grande perspective ou encore Saint-Malo privée de ses demeures corsaires ? La France a ainsi mis en place, depuis plus d'un siècle, un ensemble de protections qui se sont progressivement étendues des monuments remarquables eux-mêmes à leurs abords. La haute ambition patrimoniale française est ainsi assumée autant par les pouvoirs publics que par les propriétaires privés d'édifices situés aux abords de monuments historiques, qui voient leurs opérations de construction et de rénovation strictement encadrées.

Cet encadrement est en pratique assuré par le pouvoir d'avis conforme dévolu aux architectes des bâtiments de France (ABF) sur les demandes d'autorisation d'urbanisme. Agents territoriaux de l'État et experts de très haut niveau des questions patrimoniales et paysagères, les ABF personnifient ainsi la politique de protection de notre patrimoine architectural et paysager à l'échelle départementale. En première ligne face aux demandes émanant des porteurs de projet, ils constituent également un véritable contre-pouvoir des acteurs centraux de l'urbanisme que sont depuis 1983 les élus locaux.

La mise en oeuvre sur le terrain de ce pouvoir propre d'avis conforme, exercé en dehors de toute autorité hiérarchique, n'est cependant pas sans susciter des interrogations, voire des frustrations. Parce qu'il ne s'exerce que sur des cas d'espèce et, en un domaine qui fait la part belle aux questions d'esthétisme, comporte une nécessaire part de subjectivité, il arrive en effet que les contraintes et recommandations formulées soient mal acceptées. Parce que, comme tant d'autres services de l'État, les ABF font face à une charge de travail croissante qui, conjuguée à des moyens et des effectifs en stagnation, ne leur laisse pas le temps de l'accompagnement et de la pédagogie, leurs avis et préconisations sont parfois mal compris et génèrent des frustrations. En témoignent les multiples débats relatifs à une éventuelle limitation de leur pouvoir propre qui se sont tenus, au cours des dernières années, sur les bancs parlementaires.

Devant ce constat, le groupe Les Indépendants-République et Territoires a décidé, en application de l'article 6 bis du Règlement du Sénat, la création d'une mission d'information sur le périmètre d'intervention et les compétences des architectes des bâtiments de France. Au cours de sa réunion constitutive du mercredi 27 mars, qui a permis d'élire son bureau et de lancer ses travaux, Marie-Pierre Monier et Pierre-Jean Verzelen en ont respectivement été désignés présidente et rapporteur.

Ce rapport a été adopté à l'issue de six mois de travaux approfondis, au cours desquels la mission d'information a conduit une vingtaine d'auditions sous la forme de tables rondes1(*), ainsi que quatre déplacements sur le terrain - à la Cité de l'Architecture et du Patrimoine le 19 juin, dans le Lot les 9 et 10 juillet, dans le Rhône le 11 juillet et en Indre-et-Loire le 17 juillet. Elle a également souhaité recueillir la parole des élus locaux en organisant, entre le 23 mai et le 17 juin, une consultation en ligne qui a enregistré près de 1 500 contributions2(*).

Au terme de cet important travail d'écoute et d'analyse, qui a permis de prendre la pleine mesure de la difficulté de certaines situations locales ainsi que de la variété des jugements portés sur l'action des ABF, la mission d'information relève fondamentalement que la contestation de leur pouvoir constitue l'une des manifestations des difficultés auxquelles est aujourd'hui généralement confronté l'État dans ses relations avec les territoires et les citoyens. Unanimement saluée par les acteurs du patrimoine, l'ambitieuse politique française de préservation de nos sites remarquables se heurte en effet aujourd'hui aux nouveaux défis rencontrés par nombre de nos territoires, frappés de plein fouet par la désertification et le reflux des services publics.

Souhaitant ardemment préserver une politique de protection patrimoniale à la hauteur de notre héritage et de nos ambitions, la mission d'information a en conséquence souhaité formuler 24 propositions, réparties en six axes, visant à recréer les conditions d'un dialogue apaisé et constructif entre les ABF, les élus locaux et les administrés, condition fondamentale du consensus indispensable à la sauvegarde de l'exceptionnel cadre de vie français.

I. L'ARCHITECTE DES BÂTIMENTS DE FRANCE, REMPART FRAGILISÉ DU PATRIMOINE PAYSAGER

A. LA PROTECTION DU PATRIMOINE PAYSAGER, UNE POLITIQUE PUBLIQUE EN RÉGULIÈRE ÉVOLUTION

1. Une ambition politique affirmée depuis plus de deux siècles
a) La progressive prise de conscience de la nécessité de protéger le patrimoine monumental

La défense des vestiges du passé n'a pas toujours été une préoccupation largement partagée. En 1519, le peintre Raphaël écrivait ainsi au pape Léon X3(*) ses regrets de constater la disparition de nombreux vestiges romains dans la capitale italienne : « Je ne peux me rappeler sans grande tristesse que, depuis bientôt onze ans que je suis à Rome, une quantité de telles choses [...] ont été détruits. Il faut donc, Très Saint Père, qu'un des premiers soucis de Votre Sainteté soit de veiller à ce que le peu qui nous reste de cette antique mère de la gloire et de la grandeur italiennes - et qui témoigne de la valeur et de la vertu de ces esprits divins, dont encore aujourd'hui la mémoire exhorte les meilleurs d'entre nous à la vertu - ne soit pas arraché et mutilé par les pervers et les ignorants. » En France, sous l'Ancien régime, nombre de monuments ont été au fil du temps rasés et leurs matériaux réutilisés pour la construction de nouveaux édifices, sans que cette pratique très répandue ne suscite d'opposition particulière.

La première manifestation documentée d'une préoccupation patrimoniale dans notre pays date de la période révolutionnaire. Dans son Rapport sur les destructions opérées par le Vandalisme et les moyens de le réprimer présenté devant la Convention le 14 fructidor an II (31 août 1794), l'abbé Grégoire appelle au respect devant « entourer les objets nationaux, qui, n'étant à personne, sont la propriété de tous ».

Il faut cependant attendre la première moitié du XIXe siècle pour voir la mise en place progressive d'un système ambitieux de protection patrimoniale. Les lois du 3 mai 1841 et du 30 mars 1887 ont établi la première protection des monuments historiques, en rendant possible leur expropriation en cas de péril sur leur intégrité ; ces dispositions ont ensuite été complétées par la loi du 9 décembre 1905 sur la séparation des Églises et de l'État pour assurer la protection des édifices cultuels. Dès le XIXe siècle étaient ainsi prévues des sanctions pénales en cas d'atteinte au patrimoine monumental : une amende pour les travaux de restauration réalisés sans autorisation et un emprisonnement pour la destruction d'un immeuble classé.

b) L'élargissement progressif de la protection des monuments à leurs abords

Cette protection patrimoniale, initialement centrée sur la préservation de l'intégrité des monuments, a ensuite été élargie à celle de leurs abords. À l'initiative du sénateur Guillaume Chastenet de Castaing, l'article 118 de la loi de finances du 13 juillet 1911 a ainsi introduit la notion de « conservation des perspectives monumentales et des sites ».

L'arrêt « Gomel » du 4 avril 1914 :
un petit pas pour le patrimoine, un grand pas pour le droit

La première application de la notion de « perspective monumentale » date de 1914. L'administration avait refusé à M. Gomel la délivrance d'un permis de construire pour un immeuble qu'il possédait place Beauvau à Paris. Le Préfet de la Seine fondait son refus sur le fait que la place constituait une « perspective monumentale » au sens de l'article 118 de la loi du 13 juillet 1911. M. Gomel demandait au Conseil d'État l'annulation de cette décision et l'autorisation d'engager les travaux projetés.

Le Conseil d'État a tout d'abord estimé que le raisonnement juridique de l'administration était correct : elle avait bien le droit de refuser les travaux. Cependant, et pour la première fois, la haute juridiction est allée plus loin en s'intéressant également à la validité de la qualification juridique des faits. Le Conseil a ainsi considéré que la place Beauvau ne constituait pas une perspective monumentale, et annulé à ce titre la décision de l'administration.

Si l'arrêt du Conseil d'État est une déception pour les défenseurs du patrimoine de l'époque, il marque donc une avancée juridique majeure pour le droit de l'urbanisme.

Cette protection a été renforcée par la loi du 31 décembre 1913, dont l'article premier a permis de classer « des immeubles dont l'acquisition est nécessaire pour isoler, dégager ou assainir un immeuble classé ».

C'est ensuite la loi du 2 mai 1930 « ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque » qui a défini les grands principes de notre actuel régime de protection des abords, en autorisant l'administration à délimiter autour des sites et monuments une zone dans laquelle une protection spéciale s'exerce, ce qui se traduit par des obligations imposées aux constructeurs.

Complétant la loi de 1913, une loi du 25 février 1943 a ensuite permis deux avancées majeures pour la protection des abords :

- son article premier prévoyait que le périmètre de protection autour des immeubles classés, jusque-là laissé à la discrétion de l'administration, couvrait une zone de 500 mètres autour du site. L'administration a très tôt interprété cette formulation assez vague comme le rayon d'un cercle dont le monument serait le centre, soit une emprise de 78,5 hectares. S'y ajoutait un critère cumulatif de « covisibilité » avec le monument, qui a donné lieu à une riche jurisprudence ;

- elle insérait dans la loi du 31 décembre 1913 un article 13 bis, qui disposait qu'« aucune construction nouvelle, aucune transformation ou modification de nature à affecter l'aspect d'un immeuble ne peut être effectuée sans une autorisation préalable [de l'État] si la construction nouvelle ou si l'immeuble transformé ou modifié se trouve situé dans le champ de visibilité d'un immeuble classé ou inscrit ».

Le principe d'une autorisation préalable pour les travaux dans un rayon de 500 mètres autour d'un immeuble classé était ainsi posé dès le milieu du XXe siècle, et la fonction de contrôle correspondante confiée à un corps spécialisé, les architectes des bâtiments de France (ABF).

La protection patrimoniale, une compétence partagée au-delà des seuls ABF

La protection des sites remarquables n'est pas de la seule compétence de l'ABF. L'article R. 111-27 du code de l'urbanisme, introduit en 1955, prévoit qu'un projet « peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. »

Sur le fondement de cet article, et même en cas d'accord de l'ABF, le maire a la faculté de s'opposer aux travaux ou de prescrire des modifications, de même que toute personne concernée peut s'en prévaloir pour contester un permis.

c) De grands principes toujours actuels mais d'application complexe

S'ils ont connu des transformations et ajustements successifs au fil du temps, les grands principes législatifs définis depuis le milieu du XXe siècle pour la protection des abords des monuments historiques sont pour la plupart toujours d'actualité.

• Près de 20 ans après la loi de 1943, André Malraux, alors ministre de la culture, présente un projet de loi « complétant la législation sur la protection du patrimoine historique et esthétique de la France et tendant à faciliter la restauration immobilière », que la postérité retiendra sous le nom de « loi Malraux ». Dans la lignée de la loi de 1943, ce texte visait notamment à moderniser la gestion des « abords ».

Extrait du discours d'André Malraux le 23 juillet 1962 devant l'Assemblée nationale

André Malraux détaillait ainsi les objectifs de son projet de loi lors d'une intervention devant l'Assemblée nationale le 23 juillet 1962 :

« Au siècle dernier, le patrimoine historique de chaque nation était constitué par un ensemble de monuments. Le monument, l'édifice, était protégé comme une statue ou un tableau, ouvrage majeur d'une époque.

« Mais les nations ne sont plus seulement sensibles aux chefs-d'oeuvre, elles le sont devenues à la seule présence de leur passé. Ici est le point décisif : elles ont découvert que l'âme de ce passé n'est pas faite que de chefs-d'oeuvre, qu'en architecture un chef-d'oeuvre isolé risque d'être un chef-d'oeuvre mort ; que si le palais de Versailles, la cathédrale de Chartres appartiennent aux plus nobles songes des hommes, ce palais et cette cathédrale entourés de gratte-ciel n'appartiendraient qu'à l'archéologie ; que si nous laissions détruire ces vieux quais de la Seine semblables à des lithographies romantiques, il semblerait que nous chassions de Paris le génie de Daumier et l'ombre de Baudelaire. »

La principale innovation de cette loi du 4 août 1962 résidait dans la mise en place de « secteurs sauvegardés » allant au-delà des abords des monuments pour englober un ou plusieurs quartiers, dans le cadre tracé par un document de planification urbaine spécifique, le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). L'objectif de ces dispositions, partagé par le ministère de l'Équipement de l'époque, était de préserver les centres historiques des villes et villages face à l'avancée de l'urbanisation.

L'ambition portée par cette loi s'est cependant heurtée à la très grande complexité de sa mise en oeuvre. Quinze ans après son adoption, quatre PSMV seulement avaient été mis en place. Dans les cas de Bordeaux, du 7ème arrondissement de Paris et de Versailles, vingt ans ont été nécessaires entre le lancement du projet de secteur sauvegardé et l'entrée en vigueur du PSMV.

À compter de 1983 et du transfert des compétences d'urbanisme aux collectivités, le mécanisme est devenu plus efficace, même si les objectifs fixés par la loi Malraux de 1962 n'ont jamais été atteints. À la date de l'adoption de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (dite « LCAP »), seuls 105 des 400 secteurs sauvegardés prévus avaient été créés.

• La délimitation du périmètre de 500 mètres fixé par la loi de 1943, ensuite, a suscité de nombreuses et régulières critiques en raison de son caractère arbitraire. L'ancien sénateur Paul Séramy, dans un rapport4(*) de 1982, le qualifiait ainsi de « rond bête et méchant ».

• Les zonages de protection patrimoniale définis par la loi, enfin, ont connu plusieurs métamorphoses jusqu'en 2016. Les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) créées par la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 ont été remplacées à partir de 2010 par les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP). La loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) a ensuite créé des périmètres « adaptés », avant que la LCAP de 2016 ne procède à une simplification générale de ces dispositifs, devenus trop nombreux et complexes, au profit de zonages élaborés en meilleure concertation avec les collectivités territoriales. L'évaluation de cette réforme est l'un des objets du présent rapport.

• Plus d'un siècle après le vote de la loi fondatrice de 1913, le système français de protection des abords s'est donc constitué de manière autonome par rapport à la conservation des monuments en eux-mêmes. Il repose encore sur les deux grands principes fondateurs que sont :

- la délimitation de certaines zones, abords de monuments ou secteurs sauvegardés, faisant l'objet de servitudes particulières ;

- l'obligation d'obtenir, pour la réalisation de travaux dans ces zones, une autorisation préalable délivrée par l'ABF, dont la jurisprudence a précisé qu'il n'était pas subordonné dans ses avis à une quelconque autorité hiérarchique.

2. Une préoccupation largement partagée chez nos voisins européens

Ainsi que l'a souligné Fabien Sénéchal, président de l'Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF) devant la mission d'information le 14 mai, la politique patrimoniale française suscite un fort intérêt à l'international : « [...] il existe des raisons objectives d'être fiers de notre patrimoine et de nos paysages et d'être la première destination touristique dans le monde. Notre réponse administrative est à la hauteur de l'enjeu et de l'ambition portée, ainsi qu'à la hauteur du regard que les autres pays du monde portent sur nous. En tant que président de l'ANABF, je peux en témoigner, mais vous aussi certainement, car nous sommes régulièrement sollicités pour des interventions et des auditions par des pays européens et extraeuropéens qui souhaitent comprendre comment nous travaillons et qui souhaitent s'enrichir du dialogue et de la compréhension du système français qui fait référence. »

L'attention accordée à la protection des patrimoines n'est cependant pas le propre de la France : de nombreux pays ont également mis en place des règles spécifiques. Les membres de la mission d'information ont ainsi souhaité disposer d'une vision comparative en observant les pratiques de quelques-uns de nos voisins européens. Au-delà de variations procédurales et organisationnelles, tous partagent la volonté de protéger leur patrimoine paysager at architectural et considèrent que la zone de protection ne se limite pas aux murs du bâtiment.

a) En Allemagne, en Espagne et en Suisse, une protection des abords appréciée in concreto

L'Allemagne, l'Espagne et la Suisse ont défini une politique de protection patrimoniale étendue aux abords de leurs monuments remarquables. Si le fonctionnement concret de cette protection n'est bien entendu pas identique au modèle français, elle présente de nombreuses similitudes avec celle qui a cours sur notre territoire, parmi lesquelles l'existence de structures dédiées à la protection du patrimoine. En ce qui concerne spécifiquement le traitement des abords, il faut observer qu'aucun de ces trois pays n'a défini un périmètre strict et applicable par défaut, lui préférant une approche au cas par cas.

• En Allemagne, il revient à chaque Land de définir ses propres principes dans le cadre de sa législation patrimoniale. La loi relative à la protection du patrimoine de Bavière dispose en son article 6 que « sont également soumises à autorisation les personnes qui souhaitent construire, modifier ou supprimer des installations à proximité de monuments historiques, si cela peut avoir des répercussions sur l'existence ou l'aspect de l'un des monuments historiques »5(*).

Si le sujet n'est donc pas porté au niveau fédéral, des autorités chargées de la protection patrimoniale sont présentes dans chaque Land. Celles-ci sont décisionnaires en matière d'octroi des autorisations si des travaux sont susceptibles de porter une atteinte visuelle au monument protégé. Dans certains Länder, les autorités peuvent s'appuyer sur des conservateurs du patrimoine (Heimatpfleger), lesquels sont entendus lors de l'instruction des demandes d'autorisation touchant des monuments classés.

• En Espagne, la loi du 16 juin 1985 relative au patrimoine historique encadre expressément la protection des abords. Elle prévoit, dès la déclaration d'intérêt culturel, la prise en compte d'un abord (entorno) des monuments historiques, c'est-à-dire « ses relations avec la zone à laquelle [le monument] appartient ainsi que la protection des caractéristiques géographiques et des sites naturels qui constituent son environnement »6(*).

La déclaration d'intérêt culturel, qui définit le monument historique et ses abords, entraîne l'obligation pour la municipalité d'établir un plan spécial de protection de la zone couverte par la déclaration d'intérêt culturel. À compter de l'approbation de ce plan spécial de protection de la zone, les communes concernées sont compétentes pour délivrer les autorisations. Les constructions réalisées sur la base d'autorisations contraires au plan étant considérées comme illégales, leur destruction peut être ordonnée aux frais de la commune qui a délivré l'autorisation.

Les régions espagnoles peuvent également adopter des lois en matière de protection du patrimoine. La loi n° 14 du 26 novembre 2007 sur le patrimoine historique d'Andalousie7(*) précise ainsi en son article 28 que « l'environnement des biens inscrits comme présentant un intérêt culturel est constitué par les bâtiments et les espaces dont l'altération pourrait affecter les valeurs du bien en question, sa vue, son appréciation ou son étude, et peut être constitué aussi bien par les biens immédiatement adjacents que par ceux qui ne sont pas adjacents ou qui sont éloignés ». Par conséquent, toute action menée dans l'environnement est soumise à autorisation, afin d'éviter une altération du bien protégé.

• En Suisse, la commission fédérale des monuments considère que « tout monument s'inscrit dans un espace avec lequel il interagit sur différents plans. Le périmètre entourant un monument constitue par conséquent une partie essentielle de celui-ci. Il est déterminant pour l'impact visuel et la perception du monument ; d'où l'attention particulière qu'il faut lui porter »8(*). Partant du principe que le périmètre d'un monument est par nature dynamique et susceptible de transformation rapide, et prenant en compte l'importance des abords pour l'aspect et la valeur du monument, la commission en déduit qu'il est indispensable d'associer les services des monuments historiques aux procédures et aux décisions les concernant. Ainsi, « protéger les abords signifie préserver, voire améliorer, l'interaction entre le monument et l'espace qui l'entoure. Tout changement apporté aux abords devrait préserver et en aucun cas dégrader la substance et la singularité du monument et de ses abords ».

Au niveau fédéral, l'Inventaire des sites construits d'importance nationale à protéger en Suisse (ISOS) est le principal instrument de protection des abords des monuments. En plus des périmètres et des ensembles construits, il distingue des « périmètres environnants » et des « échappées dans l'environnement » (ou « parties de sites »), qui entretiennent des relations avec les constructions à protéger.

Au niveau cantonal, la plupart des législations reconnaissent la notion d'abords et prévoient des mesures pour les protéger. La loi sur la protection des monuments du canton de Saint-Gall9(*) dispose ainsi en son paragraphe 29, d'une part, que les modifications de constructions dans l'environnement immédiat d'un monument protégé ne doivent pas porter atteinte de manière significative à la valeur du monument, d'autre part, que les communes saisissent pour avis l'Office des monuments historiques et de l'archéologie sur les modifications dans l'environnement immédiat des monuments avant l'octroi du permis de construire. La délimitation des abords est donc mouvante et fait l'objet d'une appréciation in concreto. Si le point de départ est « ce que peut voir un observateur depuis tous les points de vue déterminants de l'espace public », les différentes zones (aire effective, périmètre déterminant) font l'objet d'une analyse précise. Tout projet de modification aux abords d'un monument doit en conséquence comprendre, outre une présentation de l'existant, une étude des incidences des modifications prévues sur le monument et ses abords.

b) Le modèle de la « protection indirecte » italienne

Compte tenu de l'ampleur de son patrimoine historique, la mission d'information a également souhaité examiner la doctrine de l'Italie en matière de préservation patrimoniale. L'ambassade italienne en France lui a adressé une contribution très complète, dont les principaux enseignements sont développés ci-après.

(1) Dans les surintendances de l'archéologie, des beaux-arts et du paysage, des architectes aux missions proches de celles des ABF

À l'échelle nationale, la protection du patrimoine culturel relève de la compétence du ministère de la culture italien, qui exerce cette mission via des mesures d'identification, de recensement et de classement, de conservation et de prévention, de contrôle des activités menées sur les biens culturels, de soutien économique, et enfin de conseil technico-scientifique et administratif.

À l'échelle locale, cette protection est assurée par les surintendances de l'archéologie, des beaux-arts et du paysage, bureaux déconcentrés du ministère à l'échelon régional ou sous-régional. Leurs missions consistent à connaître, répertorier et identifier les biens culturels, proposer des mesures de protection et de sauvegarde, délivrer les permis, les autorisations et les avis obligatoires pour les zones et les biens soumis à protection, contrôler l'application de la loi et des interdictions, accompagner les propriétaires de biens protégés dans la conduite de leurs travaux, et enfin initier et exécuter des procédures de sanction administrative.

Ces surintendances emploient des architectes aux missions proches de celles des ABF français. Ceux-ci assurent en effet à la fois des missions de contrôle (surveillance des biens culturels soumis à protection, contrôle de la conformité des interventions sur les zones voisines faisant l'objet d'une protection indirecte et signalement éventuel des violations en vue de l'application de sanctions, etc.), de conseil et d'information (aide à la connaissance des dispositions législatives, des procédures d'obtention des autorisations, des bonnes pratiques ainsi que des possibilités de soutien financier, activités de formation pour les professionnels, etc.), et enfin de conservation (contrôle de l'état de conservation du patrimoine culturel national public et privé, coordination des procédures, de la conception ou de la direction des travaux de restauration des bâtiments reconnus comme biens culturels publics, assistance gratuite en cas de travaux sur des biens privés relevant du patrimoine architectural culturel, etc.).

(2) Des possibilités d'intervention limitées à proximité des zones protégées

Le code du patrimoine culturel et du paysage fixe le principe d'une autorisation d'intervention sur le patrimoine reconnu comme étant d'intérêt culturel. Il prévoit en outre la possibilité de « prescrire des distances, des mesures et d'autres règles visant à éviter que l'intégrité d'un bien culturel immobilier ne soit mise en danger, que sa perspective ou sa lumière ne soit endommagée, ou que ses conditions environnementales et ses décorations ne soient altérées ».

Les zones limitrophes d'un bien culturel peuvent donc être soumises à des règles spécifiques d'utilisation et de transformation. Cette forme de protection, appelée « protection indirecte » ou « mesure de respect des zones protégées » (« zona di rispetto » ou « area di rispetto »), vise à garantir la conservation matérielle du bien culturel, sa bonne jouissance visuelle (sans interférence nuisible), la présence d'un cadre décoratif à proximité du bien lui-même et la permanence des liens des relations consolidées (paysagères, urbaines, architecturales) que le bien entretient avec son contexte d'origine ou d'appartenance actuel. Ces relations du bien avec son milieu environnant sont en effet considérées comme faisant partie du sens et de la valeur du monument ; leur altération entraînerait à la fois une perte de valeur et une plus grande difficulté de compréhension du bien culturel par les utilisateurs.

Ces zones limitrophes relèvent d'un périmètre précis, à l'intérieur duquel les interventions autorisées sont limitées - la limitation pouvant aller jusqu'à l'interdiction de construire. Les règles ainsi applicables sont précisées dans une mesure de protection indirecte publiée par l'organe territorial du ministère de la culture. Cette mesure administrative est notifiée aux propriétaires ou aux personnes en possession et en jouissance à l'intérieur du périmètre, mais également aux administrations communales en vue de leur insertion dans leur plan d'urbanisme.

Si l'exécution des interventions dans les zones de protection indirecte adjacentes aux biens culturels n'est pas soumise à l'autorisation du ministère proprement dit, elle est contrôlée par les municipalités, qui vérifient la conformité des interventions projetées avec les prescriptions énoncées dans la mesure de protection indirecte. Il est néanmoins d'usage qu'une copie des projets d'intervention envoyés aux municipalités pour autorisation ou vérification soit également adressée aux bureaux territoriaux du ministère de la culture (surintendances), afin qu'ils puissent en vérifier la conformité.

(3) Les procédures de protection et de modification des abords

La protection des abords des biens culturels donne lieu à deux types de procédures portant respectivement sur leur identification, qui emporte leur protection, et sur leur modification.

• En ce qui concerne tout d'abord l'identification du périmètre devant faire l'objet d'une protection indirecte, l'article 46 du décret législatif du 22 janvier 200410(*) précise que « le surintendant engage la procédure de protection indirecte également à la demande motivée de la région ou d'autres organismes publics locaux intéressés, en informant le propriétaire ou le détenteur du bien visé par les prescriptions (...) ».

Les mesures d'information relatives à l'ouverture de la procédure doivent contenir, outre l'identification du bien, les raisons de la demande de protection et les prescriptions devant être imposées. Elles peuvent prendre la forme d'une publication sur les sites institutionnels et d'un affichage dans la municipalité où se trouve la zone à protéger, notamment quand le nombre de personnes à informer est très important ou lorsqu'ils ne peuvent pas tous être identifiés avec certitude dans un délai raisonnable. À compter de l'ouverture de la procédure et jusqu'à sa conclusion, les zones couvertes par le périmètre ne peuvent être modifiées : les mesures d'information emportent en effet « l'immuabilité temporaire du bien, limitée aux aspects auxquels se réfèrent les dispositions contenues dans la communication elle-même ».

La demande ainsi formulée est ensuite évaluée par la commission régionale pour le patrimoine culturel, organe collégial réunissant les directeurs des bureaux territoriaux du ministère situés dans la région concernée, qui dispose de 120 jours pour statuer. La mesure ainsi adoptée est notifiée aux propriétaires des biens concernés puis transcrite dans les registres fonciers par la surintendance.

Toute personne concernée par la procédure peut présenter des observations au cours de la phase d'examen de la demande ; après publication de la décision, un recours peut être déposé devant les instances supérieures du ministère ou le juge administratif. Ce recours n'ayant pas d'effet suspensif, les effets de la protection restent en vigueur tant que le litige n'est pas tranché.

• Les demandes de modification portant sur les abords des biens protégés sont adressées aux bureaux techniques des communes - en informant, selon l'usage, les bureaux de la surintendance -, qui vérifient que les travaux de transformation prévus correspondent aux prescriptions de la mesure de protection indirecte. Le dossier présenté doit contenir, outre un formulaire de soumission, la demande d'autorisation accompagnée des documents permettant de démontrer l'étendue et les caractéristiques de la modification.

La protection indirecte : une mesure administrative qui doit être équilibrée et justifiée11(*)

Une décision du Conseil d'État italien du 8 janvier 2024 sur la protection indirecte a rappelé qu'une mesure de protection indirecte, dès lors qu'elle représente une contrainte, doit être équilibrée et justifiée.

En l'espèce, la commune de Santa Cesarea Terme avait demandé auprès du tribunal administratif régional des Pouilles l'annulation d'une mesure de la surintendance, laquelle prévoyait des dispositions de protection indirecte sur les biens relevant du territoire de la municipalité au profit du bien d'intérêt culturel appelé Villa Sticchi, arguant d'un manque d'instruction et de motivation de la mesure de contrainte indirecte. Le tribunal de première instance ayant suivi la commune, la surintendance a fait appel auprès du Conseil d'État.

Dans son délibéré, celui-ci rappelle que le ministère de la culture, via ses organes locaux, a pour mission de « prescrire des distances, des mesures et d'autres règles visant à empêcher que l'intégrité des biens culturels immobiliers ne soit mise en danger, la perspective ou la lumière est endommagée ou les conditions de l'environnement et du décorum sont altérées », sans perdre de vue des critères de congruence, de raisonnabilité et de proportionnalité.

Un équilibre doit donc être recherché entre, d'une part, le soin et l'intégrité du bien culturel et, d'autre part, son utilisation et sa mise en valeur dynamique.

Ainsi, si l'imposition de contraintes est le résultat d'une appréciation largement discrétionnaire de l'administration, elle est soumise à des limites précises telles que le principe de proportionnalité, l'appréciation spécifique de l'intérêt public particulier poursuivi et la nécessité pour la motivation provisoire d'exprimer clairement l'impossibilité de choix alternatifs moins onéreux pour la partie privée soumise à la contrainte indirecte.

En l'espèce, le Conseil d'État a estimé, comme le tribunal administratif, que la surintendance n'a pas respecté l'obligation d'indiquer clairement les raisons pour lesquelles il était nécessaire d'adopter de telles mesures de protection indirecte. La décision de la surintendance indiquait en effet une série de parcelles, sans préciser de quelle façon chacune d'entre elles est ou serait inséparable de la Villa Sticchi, et à quel égard toute intervention sur celles-ci pourrait affecter l'intégrité, la perspective, la lumière et le décorum de la propriété protégée.

De plus, la surintendance n'a pas pris soin de réfuter les arguments illustrés par la municipalité de Santa Cesarea dans les observations infraprocédurales présentées à la suite de l'avis d'ouverture de la procédure. Le Conseil d'État rappelle ainsi que s'ils ont l'obligation de les évaluer et d'expliquer les raisons pour lesquelles ils ont été jugés non pertinents, c'est également pour mettre en évidence le caractère non déraisonnable de la décision. « Il est donc clair que les évaluations techniques et discrétionnaires effectuées par les administrations requérantes ne semblent pas tenir compte du contexte de référence, car la voie logico-juridique qui a conduit à l'application de la contrainte n'est pas claire, et la mise en balance des intérêts publics et privés opposés aux exigences imposées ne semble pas évidente ».

3. Au-delà des enjeux patrimoniaux, les politiques de protection présentent un intérêt économique et social majeur en France

Loin de se réduire à une volonté parfois caricaturée de muséification de nos territoires, la politique de protection du patrimoine architectural et paysager française contribue à la satisfaction d'au moins trois autres objectifs de politiques publiques : la préservation du cadre de vie et donc de la qualité de vie de nos concitoyens, la protection des atouts touristiques majeurs que représentent pour la France la beauté de ses paysages, et enfin la défense des multiples savoir-faire de nos territoires en matière de bâti patrimonial.

a) Préserver le cadre et la qualité de vie de nos concitoyens
(1) Une prise de conscience progressive et tardivement traduite dans la loi

Au cours des années 1960, les pouvoirs publics se sont engagés, sous les effets conjugués du développement de l'automobile et des aspirations nouvelles de la population en matière de confort et d'hygiène, dans une politique d'urbanisme massive destinée à adapter le bâti aux nouvelles conditions de vie de la population. En raison de leur ampleur et de la volonté de constituer un cadre entièrement nouveau, les travaux de rénovation et de construction menés à cette époque, qui ont pu être qualifiés de « bulldozers » 12(*), ont conduit à la dégradation de certains centres anciens et à l'édification de quartiers nouveaux, ou « cités », en périphérie des villes. Ces opérations ont mis en péril la conception traditionnelle de la ville comme lieu de sociabilité et d'échanges autour de commerces et d'activités communes.

La prise de conscience de ce phénomène et de ses effets néfastes a incité l'État et les élus locaux, en charge de l'urbanisme depuis 1983, à mieux prendre en compte l'aspect patrimonial des centres-villes, non seulement par respect pour le passé, mais également pour améliorer la qualité de vie des habitants. Les effets du cadre de vie sur la santé ou sur le bien-être sont en effet largement reconnus et documentés, dans ses composantes environnementales comme esthétiques.

Lors de son audition par la mission d'information le 21 mai 2024, Gilles Alglave, président de l'association Maisons paysannes de France (MPF), a souligné en ce sens que « tous les habitants sont sensibles à leur cadre de vie et ont besoin de nature, d'équilibre et de beauté. L'architecture dont nous sommes passionnés fournit un modèle de ce à quoi chacun devrait avoir droit. » Ce point a également été mis en avant lors du déplacement effectué par la mission d'information dans le département du Lot les 9 et 10 juillet 2024. André Mellinger, maire de Figeac, a ainsi relevé que si la ville jouissait d'une forte renommée pour la qualité de son architecture urbaine et attirait des touristes du monde entier, elle devait également s'attacher à attirer et fixer les populations. L'ancien maire de Cahors, le Sénateur Jean-Marc Vayssouze-Faure, également président de l'Association des Maires du Lot, a pour sa part évoqué la « fierté » pour la population de vivre dans un cadre préservé et reconnu.

Cette évolution des perceptions s'est traduite dans la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture, qui a reconnu une valeur d'intérêt général à l'architecture, définie en son article premier comme « une expression de la culture. La création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine sont d'intérêt public ».

(2) Le rôle central des ABF

À cet égard, l'exercice par les ABF de leur mission de préservation du patrimoine bâti, notamment au travers de leur pouvoir d'avis conforme, a historiquement agi comme un frein à une urbanisation désordonnée, excédant le champ de la seule protection de l'intérêt patrimonial. C'est en effet le coeur de la mission des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (UDAP) auxquelles ils sont rattachés, ainsi que l'a rappelé lors de son audition Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture : « d'une manière générale - les élus le savent très bien -, les Udap relaient, dans chaque département, les politiques relatives au patrimoine et à la protection de la qualité architecturale, urbaine et paysagère ».

Raphaël Gastebois, vice-président de l'association Vieilles maisons françaises, a ainsi mis en avant l'existence de fortes différences de qualité architecturale entre les différentes zones urbaines selon qu'elles sont ou non couvertes par le pouvoir d'avis des ABF : « Les entrées de ville sont parfois décrites comme « la France moche » et les efforts que font certains propriétaires sont parfois ruinés par les zones « blanches » situées entre le rural et les centres anciens. À moins qu'un monument historique ne soit miraculeusement positionné au milieu d'une zone d'activité, on est dans un vide. » L'évocation de la présence « miraculeuse » d'un monument historique fait bien entendu référence à l'existence d'un périmètre de protection bénéficiant d'un niveau d'exigence plus élevé que les « zones blanches ».

Le maire de Versailles, François de Mazières, a dans le même sens souligné devant la mission d'information que « la ville de Versailles est préservée aujourd'hui grâce aux ABF. En tant qu'élus, lorsque nous sommes en outre parlementaires, nous sommes très sollicités sur le thème des ABF, en ce qu'ils seraient catastrophiques et empêcheraient de vivre et d'agir. Or, si les ABF n'existaient pas, la France serait plus laide que ce qu'elle est aujourd'hui. Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes et architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France, a quant à elle estimé que « les ABF sont les gardiens du temple : sans eux, les intérêts particuliers, économiques, feraient que les projets réalisés ne seraient pas à la hauteur de l'espérance culturelle française - c'est essentiel, les ABF protègent la qualité architecturale française. »

Si les ABF sont donc en première ligne dans la défense de la qualité architecturale et du cadre de vie de nos concitoyens, il faut souligner que ces sujets constituent également une préoccupation quotidienne des élus locaux.

b) Protéger les atouts touristiques de la France

• Avec 98 millions de visiteurs internationaux pour 63,5 millions de recettes, le tourisme, qui représentait 7,5 % du PIB français et près de deux millions d'emplois sur l'ensemble du territoire en 2023, est un secteur essentiel de l'économie française. De l'avis général des personnes entendues par la mission d'information, la beauté des paysages, des monuments et des sites de notre pays y est pour beaucoup.

Martin Malvy, président de l'association Sites & Cités remarquables de France et auteur en 2017 du rapport intitulé 54 suggestions pour améliorer la fréquentation touristique de la France à partir de nos patrimoines13(*), a ainsi fait le lien entre l'objectif de défense du patrimoine porté par son association et ses débouchés touristiques : « Notre objectif est d'abord la protection du patrimoine, puis sa mise en valeur, ses usages et, en bout de piste, l'économie touristique (qui, dans certains cas, tient grâce à la présence du patrimoine). [...] l'importance du patrimoine est évidente, à la fois sur le plan de l'Histoire, des traditions, des métiers et du développement économique ». L'impact réel de la protection patrimoniale sur les recettes économiques issues du tourisme est cependant difficile à évaluer, d'autant qu'il existe de fortes disparités à ce titre entre les territoires ; le rapport précité de Martin Malvy relève à ce titre que « la part du tourisme culturel est en réalité difficilement évaluable compte tenu du très large spectre qu'il embrasse. Elle est évidemment très variable d'une destination à l'autre ce qui explique en partie la fragilité des estimations. »

On peut en tout état de cause distinguer les zones de forte attraction touristique traditionnelle, comme Paris et quelques grandes métropoles ou sites mondialement connus - indépendamment de leur valeur patrimoniale dans le cas des stations de montagne et du littoral -, du tourisme qui irrigue les territoires de manière plus diffuse : tel village pittoresque, point de vue remarquable ou lieu symbolique draine son lot de touristes. Lors de son audition par la mission d'information, Françoise Gatel, président de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat et de l'association Petites Cités de caractère, a ainsi mis en avant le développement de flux touristiques dans certains territoires situés à l'écart des circuits traditionnels : « À titre d'exemple, en Loire et Haute-Loire, certaines petites cités de caractère peinent à attirer des habitants. Elles rénovent actuellement tous leurs centres-bourgs, car elles conjuguent leur tourisme patrimonial avec un tourisme fluvial ».

La préservation du patrimoine en zone rurale constitue ainsi un atout pour le développement de nouvelles activités économiques respectueuses de l'environnement. La mission d'information relève cependant à cet égard que, dans son rapport consacré à la politique de l'État en faveur du patrimoine monumental14(*), la Cour des comptes a déploré la faiblesse de l'action publique en faveur de la mise en valeur du tourisme patrimonial, en dépit de la signature d'une convention-cadre en 2018 passée entre le ministère de la culture et le ministère du tourisme.

La télévision comme vecteur de promotion du patrimoine

La renommée atteinte par certains villages, notamment par le biais de l'émission de télévision Le village préféré des Français15(*), constitue un fort accélérateur de développement. La fréquentation de Saint-Cirq-Lapopie dans le Lot a ainsi augmenté de 87 % après sa victoire dans l'édition inaugurale de 201216(*).

Si la totalité des villages participants n'a pas bénéficié d'un effet aussi spectaculaire, par ailleurs porteur de nouvelles problématiques comme l'accès ou l'hébergement, le succès depuis plus de dix ans de l'émission et du label correspondant témoigne d'un fort intérêt pour ce type de tourisme et ouvre des perspectives à de nombreuses communes.

• Ici encore, l'action des ABF joue un rôle central dans ce mouvement. C'est le constat dressé lors de son audition par Valérie Charollais, directrice de la Fédération nationale des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (FNCAUE) : « En ce qui concerne la mission des ABF, nous faisons le constat suivant, en qualité de témoins de ce qui se passe dans les territoires et en qualité d'acteurs de ces territoires puisque nous accompagnons les particuliers, les professionnels, les élus et le grand public : la France est une destination touristique majeure et ce ne sont pas tellement les zones commerciales ou les espaces « banalisés » que les touristes viennent visiter ; l'une des dimensions expliquant le succès touristique de la France concerne la qualité de certains sites et de certains ensembles. Il doit donc exister un lien entre la protection qui a été mise en place à travers différentes lois autour du patrimoine et ce succès. »

Christophe Leribault, président de l'établissement public du château, du musée et du domaine national de Versailles, a ainsi complété ces éléments : « On voit en France de nombreuses communes qui ont été à moitié massacrées par le passé. Elles n'y ont pas gagné. C'est autant de perte d'attractivité pour elles en termes de tourisme. Si l'on veut qu'une ville grandisse et qu'elle n'est pas au bord de la mer, il faut qu'elle soit agréable à vivre, pour faire venir des jeunes, des ingénieurs ou des cadres qui contribueront à développer la cité. Montpellier, Aix-en-Provence, Bordeaux ou Nantes bénéficient d'un cadre de vie préservé, qui leur donne une très belle image. Au-delà des revenus du tourisme, cela participe à la bonne image de la ville, comme à son attractivité économique. »

c) La préservation de savoir-faire traditionnels et respectueux de l'environnement

La préservation du patrimoine contribue enfin à celle des savoir-faire traditionnels et au développement de techniques de construction et de rénovation plus respectueuses de l'environnement.

Si l'impact économique de cet aspect n'a pas pu être mesuré, il est souvent mentionné, notamment par les jeunes générations. Éric Le Devéhat, artisan tailleur de pierre en Ille-et-Vilaine et administrateur national de la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), a ainsi souligné devant la mission d'information que « nous avons réalisé un travail sur la « génération Z » et nous avons constaté un réel intérêt de cette génération que nous avons quand même parfois du mal à comprendre au sein de nos entreprises. Il existe un réel intérêt pour ces sujets et le patrimoine est plutôt porteur sur ces sujets en termes de matériaux et de techniques employées. » Hugo Franck, président du syndicat de l'architecture, a confirmé cet intérêt : « Nous constatons une demande forte de formation en lien avec le bâti existant, ainsi qu'une demande grandissante de formation sur des techniques constructives qui étaient bien connues et appliquées auparavant, et qui le sont moins aujourd'hui. »

Lors de sa visite de la ville de Figeac, la mission d'information a ainsi été informée de la présence d'une économie de la menuiserie très active, encouragée par l'obligation faite dans la ville de respecter certaines contraintes lors des opérations de réhabilitation du bâti. Il existe donc un marché potentiel pour le maintien de savoir-faire anciens, en particulier dans les opérations de rénovation à l'identique, mais également pour le développement de solutions techniques novatrices visant à conjuguer les impératifs de l'aménagement du territoire et la protection des paysages.

Conséquences de la fin de l'avis conforme de l'ABF 
et développement de solutions techniques novatrices
Extrait de l'audition du 10 avril 2024

Les obligations, parfois lourdes, imposées par l'ABF peuvent contraindre à imaginer des solutions techniques novatrices, comme en témoigne l'exemple suivant.

L'article 56 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi « ELAN ») a transformé l'avis conforme de l'ABF sur tout projet situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou aux abords des monuments historiques en avis simple pour l'installation d'antennes relais de radiotéléphonie mobile et des locaux nécessaires à leur fonctionnement. Lors de son audition par la mission d'information, Patrick Brie, adjoint à la sous-direction de la qualité du cadre de vie de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) du ministère de la transition écologique, a développé un exemple précis des conséquences de cette évolution :

« Je cite le cas, dans le département de l'Hérault, d'un préfet qui soutenait très vigoureusement l'installation d'une antenne relais dans des conditions qui nous paraissaient inacceptables du point de vue du site classé. Nous avons été conduits à opposer un refus, malgré nos échanges avec le préfet qui a finalement accepté que l'on retravaille avec l'opérateur de télécommunications. Ce dernier a bien voulu - ce qui se produit rarement - embaucher un paysagiste concepteur, à savoir une personne diplômée ayant suivi cinq ans d'études dans une des cinq écoles du paysage habilitées à délivrer ce titre. Nous l'avons fait dialoguer avec notre équipe d'inspecteurs des sites, l'ABF ainsi qu'un paysagiste-conseil de l'État ayant pour mission d'être proactif à l'égard des projets qui lui sont présentés.

Ensemble, ces personnes ont travaillé et injecté une ingénierie complémentaire dans ce projet.

La solution technique qu'ils ont trouvée a été de masquer l'antenne relais en l'installant dans une fausse cheminée sur un bâtiment historique, en imitant le style de la cheminée existante. Cette solution, bien préférable à la pose d'une antenne relais sur une falaise qui aurait porté atteinte au paysage, a été autorisée alors qu'elle n'avait pas été imaginée initialement par l'opérateur. Les tensions ont ainsi disparu.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Vous semblez trouver dommage d'avoir supprimé l'avis conforme de l'ABF.

M. Patrick Brie. - Tel n'est pas le mot que j'emploierai car le Parlement a voté cette disposition. Je constate simplement l'effet induit : il nous est extrêmement difficile d'imposer à un opérateur téléphonique de s'adjuger, à côté de ses techniciens parfaitement compétents en matière de radiotéléphonie, les compétences complémentaires d'un paysagiste concepteur qui lui permettrait, dès le départ, de concilier les deux objectifs.

Loin de ne représenter qu'un hommage au passé, la préservation du patrimoine paysager participe ainsi très directement de l'attractivité des territoires, de la qualité de vie de ses habitants et du développement économique. Selon les mots employés par Françoise Gatel, on peut ainsi considérer que « le patrimoine n'est pas un caprice. C'est une fierté pour les habitants des campagnes. Fournir du beau aux habitants permet de changer la société. »

B. L'ABF, AGENT CENTRAL DE L'AMBITION PATRIMONIALE ET ARCHITECTURALE FRANÇAISE

Agent central de l'ambition patrimoniale et architecturale française, l'ABF exerce de larges missions de contrôle, de conseil et de conservation, qui se sont sédimentées au fil du temps et sont aujourd'hui retracées par le décret statutaire des architectes et urbanistes de l'État (AUE) du 2 juin 2004.

Celui-ci définit le cadre général de son action en précisant que les AUE « concourent à la conception et à la mise en oeuvre des politiques publiques relatives à l'urbanisme, la construction, l'architecture et le patrimoine, l'habitat et le logement, l'aménagement du territoire et l'environnement. Ils contribuent au développement de la qualité architecturale, urbaine et environnementale ».

1. L'ABF, l'homme aux avis
a) Une mission de contrôle devenue emblématique de la fonction

L'ABF a pour principale mission de rendre des avis sur les demandes d'autorisation d'occupation du sol - c'est-à-dire les permis de construire, les permis d'aménager, les permis de démolir, les déclarations préalables de travaux ainsi que les autorisations spéciales (mobiliers, vitrines, enseignes17(*), etc.) - affectant les espaces protégés. Le contrôle des travaux en zone protégée permet en effet de garantir la compatibilité des modifications projetées avec la préservation des monuments historiques, afin de prévenir toute atteinte à l'intérêt d'art ou d'histoire ayant justifié leur inscription ou leur classement.

L'ABF peut émettre deux types d'avis :

- avis simple

- ou avis conforme (dit « accord »).

Un avis simple de l'ABF peut ne pas être suivi par l'autorité compétente qui délivre l'autorisation, contrairement à l'avis conforme qui s'impose à celle-ci.

La nature « simple » ou « conforme » de l'avis est déterminée par la zone protégée (abord d'un monument historique, SPR ou site inscrit) et la nature de la demande d'autorisation (déclaration préalable, permis de construire, de démolir, etc. ) (Cf. tableau ci-après). Ainsi, un projet situé dans le périmètre de protection d'un monument historique classé ou inscrit, sans covisibilité ne requiert qu'un avis simple de l'ABF, dépourvu de portée obligatoire. En revanche, l'avis doit être obligatoirement suivi en cas de covisibilité ou lorsque le projet se situe dans SPR ou en site inscrit pour les permis de démolir.

Ces avis, auxquels la fonction est parfois identifiée et résumée, sont recueillis par l'administration lors de l'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme.

Leur portée juridique varie en fonction de la sensibilité de l'espace protégé ou de l'objet de la demande d'autorisation : selon les cas, les ABF rendent ainsi un avis simple ou un avis conforme liant le pétitionnaire. Plus de la moitié des avis émis par l'ABF concernent une zone dans laquelle son accord est nécessaire ; 48 % sont à l'inverse des avis simples qui n'engagent pas le demandeur.

L'avis conforme constitue bien entendu la procédure la plus contraignante pour les porteurs de projets. Ce pouvoir propre de l'ABF fait de lui le garant indépendant et incontournable de la protection du patrimoine : non seulement l'autorité compétente pour délivrer l'autorisation d'urbanisme est tenue de le respecter, mais le supérieur hiérarchique de l'ABF ne peut le modifier18(*).

Portée juridique des avis rendus par les ABF

* Exceptions à l'avis conforme listées ci-après.

Source : Direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture

Quelques exceptions importantes à l'avis conforme ou « accord », mentionné dans le tableau ci-dessus, devenu avis simple, concernent :

l'installation d'antennes relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et des locaux nécessaires à leur fonctionnement ;

les opérations relatives à l'habitat dans des installations insalubres ou impropres (Article L. 522-1 du code de la construction et de l'habitation) ;

les mesures prescrites pour les immeubles à usage d'habitation déclarées insalubres à titre irrémédiable (Article L. 1331-28 du code de la santé publique) ;

- et les mesures prescrites pour des immeubles à usage d'habitation menaçant ruine ayant fait l'objet d'un arrêté de péril et assorti d'une ordonnance de démolition ou d'interdiction définitive d'habiter (article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation).

La portée contraignante de l'avis conforme étant source d'éventuels conflits, la mission a choisi d'y consacrer un développement spécifique.

b) Le domaine étendu de l'avis conforme

Un avis conforme de l'ABF est nécessaire pour l'autorisation des projets de travaux touchant à trois types de zones protégées : les abords d'un monument historique, les sites patrimoniaux remarquables et les sites inscrits.

· Projets de travaux aux abords d'un monument historique

En ce qu'elle impose la délivrance d'une autorisation préalable à la réalisation d'un projet de construction, de démolition ou de modification d'un immeuble, la protection des abords des monuments protégés constitue une servitude d'utilité publique au sens du code de l'urbanisme. En application de l'article L. 631-32 du code du patrimoine, un avis conforme est alors requis avant toute réalisation de « travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords ».

Cet espace patrimonial protégé correspond par défaut à la zone définie par le tracé d'un rayon de 500 mètres autour du monument19(*), associé à un critère optique, la covisibilité. En application de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, les collectivités ont également la possibilité de définir elles-mêmes un zonage de manière plus fine dans le cadre d'un périmètre délimité des abords (PDA).

Dans le cas où un PDA a été adopté, l'ensemble des travaux sur les immeubles situés dans la zone ainsi définie sont soumis à l'avis conforme de l'ABF ; en l'absence de PDA, seuls les travaux touchant aux immeubles situés dans le champ de visibilité d'un monument historique à moins de 500 mètres de celui-ci sont soumis à cet accord.

La complexe notion de covisibilité

La notion de covisibilité a fait l'objet d'une très abondante jurisprudence du Conseil d'État, qui a permis de la préciser. Plusieurs principes ont ainsi été définis par le juge :

ü la covisibilité depuis le monument s'apprécie depuis tout point normalement accessible de l'édifice, conformément à sa destination ou son usage (arrêt du 20 janvier 2016, Commune de Strasbourg) ;

ü depuis un tiers point, la co-visibilité s'apprécie à l'oeil nu, à partir de tout point normalement accessible au public. Ce tiers point peut être situé à plus de 500 mètres du monument (arrêt du 5 juin 2020, Sociétés M2B et Villa Bali) ;

ü la covisibilité peut être temporaire, un écran végétal composé de plantes à feuilles caduques ne fait ainsi pas obstacle à la détermination du champ de visibilité d'un monument (arrêt du 11 février 1976, Union des assurances de Paris) ;

ü les travaux sur un immeuble situé en abord de monument historique n'ont pas forcément à être eux-mêmes en situation de covisibilité avec le monument historique (arrêt de la Cour administrative d'appel de Paris du 7 décembre 2023).

· Projets de travaux dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables (SPR)

Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables (SPR) constitue également une servitude d'utilité publique garantissant la protection, la conservation et la mise en valeur du patrimoine culturel (article L. 630-1 du code du patrimoine).

Dans le cadre d'un SPR, le principe d'un avis conforme de l'ABF portant sur les travaux relevant d'une déclaration préalable, permis de construire, de démolir ou d'aménager visant à modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis ou non bâtis (cour ou jardin par exemple), y compris les éléments d'architecture et de décoration, est posé par l'article L. 632-2 du code du patrimoine20(*). Il revient alors à l'ABF de s'assurer « du respect de l'intérêt public attaché au patrimoine, à l'architecture, au paysage naturel ou urbain, à la qualité des constructions et à leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant » ainsi que « du respect des règles du plan de sauvegarde et de mise en valeur ou du plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine ».

· Projets de travaux de démolition dans un site inscrit

Un espace naturel ou bâti de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque peut également être protégé en tant que site inscrit. L'avis rendu par l'ABF21(*) sur les projets de travaux dans ces sites est dans la plupart des cas un avis simple ; un avis conforme est cependant requis en cas de projet de démolition22(*).

c) Des décisions aux conséquences importantes pour les pétitionnaires

Sur chaque dossier d'avis conforme, l'ABF peut émettre trois types d'avis emportant des conséquences différentes pour les pétitionnaires : un accord, un accord assorti de prescriptions ou un refus.

Sens des avis rendus par les ABF en 2023

Source : Direction générale des patrimoines et
de l'architecture du ministère de la culture

(1) Des accords pouvant être assortis de prescriptions obligatoires

Les avis favorables rendus par les ABF peuvent être assortis :

- de recommandations, qui n'ont pas de portée obligatoire et consistent généralement en des conseils techniques et architecturaux ou des observations de méthode ;

- en cas d'atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du monument historique, de ses abords ou du site patrimonial remarquable, de prescriptions devant obligatoirement être mises en oeuvre par les pétitionnaires.

(2) Des avis défavorables très minoritaires mais suscitant d'importantes critiques

Les ABF ont également la possibilité de rendre une décision de refus fondée sur une solide motivation, telle que l'absence de qualité architecturale du projet présenté.

Alors que la figure de l'ABF est souvent identifiée à ces refus, ceux-ci ne représentent que 7 % des décisions rendues sur l'ensemble des demandes qui leur parviennent - ce taux étant stable depuis 2010. Selon les données fournies par la direction générale des patrimoines et de l'architecture (DGPA) du ministère de la culture, 34 230 avis défavorables ou refus d'accord ont ainsi été rendus en 2023 sur 489 000 demandes d'autorisation. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture, a ainsi souligné que « ces avis défavorables [...] représentent une part très limitée de leur activité [...]. À l'inverse, personne ne les remercie pour les milliers d'avis favorables rendus, soit 90 % des avis, ou pour les avis rendus afin d'éviter la mise en oeuvre de projets qui dégraderaient notre patrimoine ».

Il faut par ailleurs noter que le risque d'avis défavorable est amplifié par l'absence de recours à un architecte sur une large partie des dossiers soumis à accord. Le recours à un architecte n'étant pas obligatoire pour les projets de moins de 250 m2, 80 % de la production de logements français intervient sans l'intervention d'un architecte.

Les décisions de refus donnent en tout état de cause lieu à la formulation de critiques nombreuses et parfois violentes, notamment quand sont en jeu le renouvellement urbain et la mutation des quartiers. Ces critiques sont généralement fondées sur l'impression d'une variabilité et d'un manque de cohérence dans les avis rendus à des dates ou sur des périmètres différents, et qui sont dès lors reçus comme des sanctions ; les porteurs de projets et certains élus regrettent également des analyses empreintes de subjectivité ou un manque de dialogue en amont de la décision.

Indépendamment de la légitimité de ces contestations, celles-ci peuvent se résoudre dans le cadre du dialogue. Jean-François Hébert a ainsi souligné devant la mission d'information que l'émission d'un avis défavorable « ne revient pas à mettre un point final à un projet. Les plus engagés des ABF souhaitent trouver des compromis en amodiant, en modifiant le projet initial pour qu'il respecte le patrimoine. » Ce dialogue peut être fluidifié par l'intervention, à la demande de la DRAC, de l'un des 160 architectes-conseils de l'État (ACE)23(*).

En cas d'échec, les porteurs de projet ont la possibilité de s'engager dans la voie du recours.

2. Un pouvoir propre susceptible de recours

En effet, si l'avis défavorable de l'ABF n'est pas modifiable par l'autorité hiérarchique de l'ABF ou par l'autorité compétente en matière d'autorisation d'urbanisme, il est en revanche, depuis la loi 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (dite « LCAP »), susceptible de recours administratif dans le cadre tracé par l'article L. 632-2 du code du patrimoine, préalablement à une éventuelle saisine du juge administratif24(*). Il revient alors au préfet de région de confirmer l'avis de l'ABF ou d'y substituer le sien.

a) Des recours en faible nombre mais en forte augmentation

• 930 recours seulement ont été introduits en 2022, ce qui correspond à 0,2 % des avis rendus par les ABF. Selon les informations fournies par la DGPA, une part significative d'entre eux a été déclarée irrecevable, principalement pour des raisons de procédure25(*) ou de non-respect des délais26(*).

Le nombre de recours présentés a cependant fortement augmenté au cours des dix dernières années (+ 1 140 % depuis 2012), avec une accélération depuis 2019.

Évolution du nombre d'avis et de recours
contre les décisions des ABF depuis 2020

Source : Direction générale des patrimoines et
de l'architecture du ministère de la culture

Dans environ 80 % des cas, l'avis de l'ABF a été confirmé, comme l'illustre le cas particulier de l'Île-de-France en 202127(*).

Issue des 117 recours formulés en 2021 en Île-de-France

Source : Direction régionale des affaires culturelles
d'Île-de-France et Préfet de la région d'Île-de-France

Les contentieux introduits devant le juge administratif sont quant à eux très limités et se comptent en unités.

• La mission d'information observe ici que le recours administratif contre la décision de l'ABF, qui donne en cas de contestation le dernier mot au préfet de région, a été initialement pensé comme une manière pour ce dernier de mettre en balance les différentes politiques publiques qu'il a la charge de mener sur le territoire. Ainsi la défense du patrimoine paysager peut-elle devoir céder, dans certains cas précis, devant un objectif économique ou environnemental.

Dans le cadre de ses déplacements, la mission a cependant pu constater que l'outil du recours, parce qu'il peut être perçu comme un désaveu du choix de l'ABF et donc participer d'une remise en cause de son autorité, est parfois sous-utilisé. Tel ne devrait pas être le cas, la faculté pour le préfet de région de substituer son avis à celui de l'ABF, au terme d'une procédure spécifique, étant la simple manifestation de sa faculté d'arbitrer entre différents objectifs sur un cas d'espèce.

b) Une procédure complexe et susceptible d'amélioration

• L'initiative de la procédure appartient conjointement à l'autorité compétente en matière d'urbanisme (le plus souvent le maire) et au demandeur de l'autorisation.

La procédure de recours varie selon la nature de son initiateur :

- tandis que l'autorité compétente peut contester l'avis de l'ABF quel que soit son sens (accord, accord avec prescription ou refus), le recours du demandeur de l'autorisation ne peut porter que sur une décision négative de l'autorité compétente motivée par un refus de l'ABF. Cette restriction est parfois mal comprise, comme en a attesté la Fédération Patrimoine-Environnement devant la mission d'information ;

- tandis que les pétitionnaires disposent, à compter de la réception de la notification émise par l'autorité compétente, d'un délai de deux mois pour introduire leur recours, ce délai n'est que de sept jours à compter de la réception de l'avis de l'ABF pour l'autorité compétente ;

- seul le demandeur de l'autorisation a la possibilité de faire appel à un médiateur désigné par le président de la commission régionale du patrimoine et de l'architecture (CRPA) parmi les membres de cette commission titulaires d'un mandat électif. Ce médiateur remet son avis au préfet de région dans un délai d'un mois à compter de sa saisine ;

- l'examen du recours de l'autorité compétente est effectué par la section 2 de la CRPA, qui statue dans le délai maximal de deux mois, tandis que celui du demandeur de l'autorisation est instruit par les services de la DRAC, avec l'intervention du médiateur, si sollicitée par le demandeur, et celle de la CRPA, si souhaitée par le préfet de région ;

- l'absence de réponse du préfet au recours de l'autorité compétente contre l'avis de l'ABF vaut décision implicite d'acceptation de ce recours, tandis qu'elle constitue un rejet du recours porté par le demandeur.

Dans les deux cas, c'est le préfet de région qui est saisi28(*) afin de confirmer l'avis de l'ABF ou d'y substituer le sien dans un délai de deux mois à compter de la date de réception du recours29(*) :

- si ce dernier est validé, l'autorité compétente clôt l'instruction en l'état ; le demandeur de l'autorisation peut alors saisir le tribunal administratif contre la décision de l'autorité compétente ;

- le préfet de région a également la possibilité de modifier ou d'invalider la décision de l'ABF. Le principal motif d'infirmation30(*) est la réévaluation de l'impact des travaux sur la conservation et la mise en valeur du site patrimonial concerné. L'auteur du recours peut alors être réorienté vers l'UDAP afin de s'assurer du maintien de la qualité architecturale du projet. Si le recours émane du demandeur de l'autorisation31(*), l'autorité compétente prend une nouvelle décision dans un délai d'un mois.

Cette procédure administrative peut se poursuivre par la saisine du tribunal administratif dans le cadre d'un recours contentieux pour excès de pouvoir ou mettant en cause la responsabilité des services de l'État ou des collectivités territoriales dans le cadre de leurs missions.

Schéma de la procédure de recours en cas de désaccord avec l'avis de l'ABF

Source : Direction générale des patrimoines et
de l'architecture du ministère de la culture

• Sans revenir sur cette procédure, la mission d'information jugerait cependant pertinent de permettre un examen des dossiers litigieux au niveau départemental, dans un cadre qui permettrait d'exposer sereinement les préoccupations des parties prenantes. Plusieurs exemples informels de cette pratique ont été portés à la connaissance de la mission, avec des résultats très satisfaisants. Il est donc proposé d'instaurer une commission de médiation, qui se réunirait sous l'autorité du préfet ou de son représentant, et qui examinerait sur une base périodique les dossiers transmis par les maires afin de proposer un règlement. Cette commission réunirait des représentants des élus, de l'État, les associations de défense du patrimoine, l'ABF et des professionnels de la construction comme les CAUE.

Recommandation n° 1 : Mettre en place au niveau départemental une commission de médiation composée d'élus, de représentants de l'État, de l'ABF du département, de professionnels de la construction comme les CAUE et des associations de défense du patrimoine. Sans préjudice des voies de recours, elle se réunirait périodiquement pour examiner les dossiers transmis par les maires faisant l'objet d'un désaccord avec l'ABF et proposer un règlement.

c) Des alternatives au recours encore sous-utilisées
(1) En amont, la conciliation ou le dernier recours avant le recours

Le faible nombre de recours peut donc s'expliquer aussi bien par la crainte de désavouer l'ABF que par la qualité de ses avis ; souvent, un ultime dialogue noué avec l'ABF permet également d'éviter l'introduction d'un recours.

Les contestations peuvent en effet bien souvent être résolues de manière informelle après échange téléphonique, mail ou rendez-vous. Selon les informations fournies par Françoise Gatel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de l'association des Petites cités de caractère, une forme de conciliation est ainsi systématiquement proposée par la région Bretagne, ce qui permet de réserver l'examen des CRPA aux seuls dossiers n'ayant pas fait l'objet d'un dialogue fructueux.

(2) En aval, une médiation trop tardive

En dépit d'une certaine dynamique, l'intervention du médiateur lors de la saisine du préfet de région par le porteur de projet est encore trop peu développée. En effet, même si leur nombre a doublé par rapport à l'année précédente, 110 recours seulement ont fait l'objet d'un examen par un médiateur en 2022, selon les informations fournies par l'ANABF.

Cette possibilité, qui constitue une amélioration certaine, n'a donc pas encore pleinement atteint ses objectifs. Comme le rapporte l'ANABF, elle « demande beaucoup de temps et d'investissement à l'administration et aux médiateurs eux-mêmes, qui sont des élus locaux, et qui peinent encore à trouver un fonctionnement adéquat - le médiateur peut se sentir démuni pour aborder des sujets techniques que sont les avis des ABF et la valeur architecturale d'un projet. Il peut également rencontrer des difficultés à se rendre disponible pour exercer cette fonction qui intervient en plus de ses autres mandats d'élus, et demande souvent du temps de préparation pour comprendre sereinement tous les enjeux d'un projet. »

Enfin, si l'objet de la médiation est louable en ce qu'elle vise à remédier à l'absence de dialogue avec l'ABF en amont des projets, elle intervient par essence trop tardivement, après l'engagement d'une procédure de recours par le demandeur d'autorisation, selon l'avis de la plupart des personnes auditionnées.

Il n'en reste pas moins que l'intervention d'un médiateur élu constitue une étape utile, et généralement perçue de manière très positive par ceux qui ont pu en bénéficier. La médiation permet en effet d'ouvrir un espace de dialogue apaisé, et peut désamorcer des situations en apparence compromises. La mission d'information juge donc utile d'en améliorer non pas le fonctionnement, mais la connaissance auprès des élus locaux et des pétitionnaires, via les DRAC.

Recommandation n° 2 : Développer la médiation et mieux la faire connaître auprès des élus.

3. Une responsabilité centrale dans la conservation et la sécurisation des édifices protégés

Les ABF assurent également la veille sanitaire et la conservation des 43 000 monuments répartis sur l'ensemble du territoire32(*). Ils participent à ce titre au contrôle scientifique et technique de l'ensemble des monuments historiques de leur département d'affectation ; ils sont également chargés de l'entretien et de la conservation des monuments historiques de l'État affectés au ministère de la culture ou à ses établissements publics. Les travaux de restauration ne relèvent en revanche pas de leur compétence.

a) La veille sanitaire

Le contrôle scientifique et technique exercé par l'État33(*) sur la totalité des monuments historiques classés et inscrits, lui appartenant ou non, est destiné à assurer leur conservation dans les meilleures conditions. Il permet également que les interventions éventuellement réalisées ne portent pas atteinte « à l'intérêt qui a justifié leur protection, en vue d'en assurer la transmission aux générations futures dans le meilleur état possible ».

Cette vérification périodique de l'état sanitaire des monuments historiques et de leurs conditions de conservation consiste à « établir leur état sanitaire, identifier et prévenir les risques, réaliser les synthèses territoriales et la comparaison dans le temps et mettre à jour les données existantes et la protection juridique ».34(*)

b) L'ABF, conservateur et maître d'oeuvre

Le contrôle de l'état sanitaire du monument historique permet de préconiser soit des travaux immédiats ou courants de maintenance et d'entretien, soit des travaux de réparation. Deux décrets du 22 juin 2009 relatifs respectivement à la maîtrise d'oeuvre des immeubles classés au titre des monuments historiques (n° 2009-749) et à l'assistance à maîtrise d'ouvrage des services de l'État chargés des monuments historiques (n° 2009-748) encadrent ces travaux.

Ces missions de maîtrise d'oeuvre se déclinent différemment selon que le monument historique appartient ou non à l'État. En effet, les ABF avaient précédemment la maîtrise d'ouvrage pour l'entretien de tous les monuments classés de leur circonscription, publics et privés. Une ordonnance relative aux monuments historiques et aux espaces protégés de 200535(*) restreint leurs interventions aux seuls monuments appartenant à l'État. En effet, l'article L. 621-29-2 du code du patrimoine dispose que « le maître d'ouvrage des travaux sur l'immeuble classé ou inscrit est le propriétaire ou l'affectataire domanial si les conditions de la remise en dotation le prévoient ».

Deux cas doivent donc être distingués :

· Les biens appartenant à l'État

L'ABF est le conservateur des immeubles appartenant à l'État et affectés au ministère de la culture ou à un établissement public placé sous sa tutelle, aux termes de l'article R. 621-69 du code du patrimoine. À ce titre, il assure la maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation de ces immeubles avec le suivi de la réalisation des travaux d'entretien et de réparation ordinaire ou de réparation d'entretien de ces monuments historiques.

L'ABF assure également la maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation des immeubles classés, appartenant à l'État, qu'ils soient ou non mis à la disposition d'établissements publics, aux termes de l'article R. 621-25 du code du patrimoine. Les travaux de réparation constituent « des interventions limitées, destinées à remédier à des altérations en cours, sans modification de l'aspect général ni de la nature des matériaux et qui ne nécessitent pas de réflexion conceptuelle préalable36(*) ».

· Les biens n'appartenant pas à l'État

Concernant les immeubles classés n'appartenant pas à l'État, l'ABF n'est en charge de la maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation des immeubles, que dans les cas, soit de situation de péril ou de danger imminent, soit de carence de l'offre privée ou publique, aux termes de l'article R. 621-26 du code du patrimoine.

Il peut également offrir son assistance pour la maîtrise d'ouvrage des travaux sur un immeuble classé ou inscrit, en raison soit de l'insuffisance des ressources du propriétaire ou de la complexité du projet de travaux, soit de la carence de l'offre publique et privée (articles L. 621-29-2 et R. 621-70 du code du patrimoine)37(*).

Plusieurs ABF rencontrés par la mission d'information ont regretté de ne plus être en charge depuis 2009 de l'ensemble des opérations dites de « petit entretien ».

Une pratique plus régulière sur les monuments permettrait en effet d'apporter une réponse de proximité à l'érosion de ce parc immobilier notamment dans les petites communes faiblement dotées, d'éviter des investissements plus importants grâce à des interventions précoces, de valoriser la fonction d'ABF par des actions plus positives et d'utiliser pleinement leurs compétences en retrouvant un exercice pratique du métier qui conforte leurs crédibilité et autorité pour les missions de conseil et de contrôle.

c) L'ABF, responsable unique de sécurité des cathédrales

Enfin, aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 15 septembre 2006 relatif à la protection contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public relevant du ministère chargé de la culture, l'ABF est désigné responsable unique de sécurité (RUS) des monuments historiques appartenant à l'État, affectés au culte et ouverts au public.

Cela concerne en particulier les 87 cathédrales appartenant à l'État, classées au titre des monuments historiques, dont neuf d'entre elles sont inscrites sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco. En effet, outre leur affectation légale au culte, ces édifices accueillent de nombreuses activités culturelles ouvertes au public. En conséquence l'ABF, conservateur de l'édifice, devenu également le « référent sécurité », est désigné par arrêté du préfet de région comme « conservateur-RUS » pour les travaux et aménagements divers ainsi que pour les manifestations ayant lieu dans l'édifice.

Cette nouvelle mission aux enjeux primordiaux entraîne une charge de travail conséquente pour l'ABF, accentuée à la suite de l'incendie de Notre-Dame de Paris survenu le 15 avril 2019. Le Président de l'ANABF soulignait ainsi le 14 mai la complexité de cette mission par les propos suivants : « Autant la conservation des monuments historiques relève de notre métier, autant le fait d'être RUS constitue la limite du métier ».

En effet, l'ABF « RUS » délivre un avis sur le respect des normes de sécurité pour toutes les activités qui s'y déroulent, quelle que soit leur nature. Il doit s'assurer de la réalisation du Plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC) et élaborer un règlement interne de sécurité de la cathédrale (RISC) comportant notamment le cahier des charges d'exploitation (évènements culturels à caractère occasionnel), le registre de sécurité et, le cas échéant, un schéma directeur pluriannuel d'amélioration de la sécurité incendie de l'édifice38(*).

Afin de s'acquitter de cette mission, l'ABF « RUS » doit réaliser de nombreuses tâches souvent jugées chronophages, telles que la préparation des commissions de sécurité. Celles-ci entraînent une surveillance constante de l'édifice en particulier de chaque décor sculpté pour éviter leur chute ou des installations électriques qui sont dans 80 % des cas, la cause des départs de feux.

Cette mission soulève également des enjeux importants, dont celui des astreintes. L'ensemble de ces nouvelles tâches s'ajoutant aux missions inhérentes de conservateur et requérant des compétences particulières en matière de sécurité et de sûreté, il est apparu nécessaire d'apporter un soutien et accompagnement à chaque ABF-RUS avec le recrutement, dans chaque DRAC, d'un ou plusieurs assistants à maîtrise d'ouvrage AMO.

Cette gestion des risques faisant intervenir d'autres acteurs que l'ABF (le coordinateur SSI, la commission de sécurité incendie, l'architecte en chef des monuments historiques de « sécurité des cathédrales », la conservation régionale des monuments historiques ...), leurs participations respectives sont coordonnées dans le cadre d'un plan d'action « sécurité des cathédrales », mis en place par le ministère de la culture39(*).

Étendue de la mission de conservation et de RUS des monuments de l'État en Île-de-France

Rouge et rougeâtre : SPR - Abords de monuments et sites classés - Jaune : Sites inscrits

Source : Direction régionale des affaires culturelles
d'Île-de-France et Préfet de la région d'Île-de-France

4. Un rôle de premier plan dans la diffusion de la politique patrimoniale de l'État auprès des élus et des administrés
a) Une fonction de conseil nécessaire et appréciée

Les ABF protègent non seulement le patrimoine, mais visent également à promouvoir un urbanisme, des paysages et une architecture de qualité40(*). À ce titre, ils exercent une mission de conseil auprès des collectivités territoriales et des particuliers. Ils peuvent notamment échanger avec les élus préalablement à l'élaboration de leurs projets d'urbanisme et d'architecture.

Ainsi, les ABF et leurs services, les UDAP, formulent chaque année environ 200 000 conseils dans le cadre d'avant-projets, en amont du dépôt des demandes d'autorisation de travaux soumises à leur contrôle.

Certains avant-projets peuvent faire l'objet d'une concertation entre l'ensemble des acteurs concernés afin de trouver un équilibre entre les enjeux de conservation du patrimoine, de développement urbain et les objectifs environnementaux. Cette concertation est encouragée par le ministère de la culture, afin que les demandeurs, les particuliers comme les collectivités territoriales, puissent saisir les UDAP de manière dématérialisée.

Le site thématique du ministère de la culture « Mes travaux en site protégé »41(*) guide les maîtres d'ouvrage dans la localisation de leur projet, dans sa préparation, sur les personnes à contacter, puis sur le dépôt de la demande d'autorisation de travaux. Ainsi, le site propose de prendre l'attache du conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) du département concerné, quand il existe, afin de recevoir un avis sur la qualité globale du projet, celle du service d'urbanisme de la commune pour s'assurer du respect de la réglementation locale ainsi que celle de l'UDAP, s'agissant de la qualité patrimoniale. En ce qui concerne le dépôt de la demande, une fois le formulaire complété et les pièces téléchargées, l'ensemble du dossier est transmis à l'UDAP. Selon la DGPA, cette démarche en cours d'expérimentation dans certaines UDAP a reçu de nombreux retours positifs.

Par ailleurs, dans le cadre du patrimoine non protégé, subventionné ou labellisé par la Fondation du patrimoine, les ABF peuvent également émettre des avis consultatifs et des conseils préalables à la constitution d'un projet de travaux, tels que des observations sur les compétences nécessaires par rapport à la technicité des travaux envisagés42(*). Ces dernières années, 3 % à 5 % des dossiers de communes, instruits par les UDAP, concernaient des projets situés hors sites protégés43(*). La Fondation du patrimoine a délivré 1 780 labels en 2022 et 1 681 labels en 2023, après avis de l'ABF.

b) La diffusion de la parole des ABF auprès des professionnels de l'architecture ou du patrimoine

Les ABF diffusent leur savoir et expertise dans le cadre de leur participation aux jurys de concours d'architecture ainsi qu'aux rencontres et animations liées au cadre de vie, dans les aspects liés à l'urbanisme, à l'architecture, au patrimoine ou au développement durable... L'expertise recherchée des ABF peut donner lieu à des partages de culture patrimoniale. Ceux-ci sont organisés à l'initiative d'organismes divers tels que le Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA)44(*), qui a installé une conseillère « architecture » dans les Hauts-de-France afin d'animer un réseau composé des ABF et des architectes de terrain, pour échanger sur les réussites architecturales, notamment en matière d'isolation du patrimoine historique ou d'implantation de panneaux solaires.

L'ABF peut également être appuyé par un des 160 architectes-conseils de l'État (ACE), dans ses missions de conseil en amont de certains projets, avant le dépôt de la demande d'autorisation. Ces derniers étant recrutés parmi les architectes praticiens depuis au moins 15 ans, ils peuvent accompagner l'ABF ainsi que l'architecte du projet afin de trouver un compromis entre les contraintes de la protection patrimoniale et les exigences économiques de revitalisation de centres-villes, notamment45(*).

C. L'ABF EST AUJOURD'HUI UN MAILLON FRAGILISÉ DE LA CHAÎNE PATRIMONIALE

Les conditions de travail des ABF sont devenues plus complexes ces dernières années, traduction non seulement des difficultés inhérentes à leurs missions mais également d'un effet de ciseau, avec une progression des effectifs qui n'a pas suivi celle de leurs tâches.

Cette dégradation de leurs conditions de travail met aujourd'hui en péril la protection des monuments et sites, transformant l'ABF en « maillon fragilisé »46(*) de la chaine patrimoniale.

1. L'ABF au bord de la saturation administrative

Le terme de « saturation administrative » pour qualifier la situation des ABF a été mentionné à plusieurs reprises devant la mission d'information. Elle résulte de l'extension du périmètre géographique de leur compétence ainsi que de l'accumulation de leurs missions. La conséquence en est la progression très substantielle du nombre de dossiers à traiter.

a) Un périmètre d'intervention qui s'étend

Le large périmètre sur lequel interviennent les ABF ainsi que le nombre croissant de monuments historiques constituent des facteurs structurels cumulatifs de leur surcharge administrative. Albéric de Montgolfier, président de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA), relevait ainsi le 3 avril : « La mission de l'ABF est presque une mission impossible. [...] 8 % du territoire français sont potentiellement concernés par un avis de l'un des 189 ABF, souvent en zone rurale avec des déplacements ».

Effets cumulatifs de l'augmentation des protections patrimoniales
relevant de la compétence des ABF

NB : ACR : Architecture contemporaine remarquable

MH : Monument historiques

SPR : Site patrimonial remarquable

Les barres vertes représentent le nombre des autres SPR dotés d'un document de gestion ayant valeur de servitude d'utilité publique.

Les barres rouges représentent le nombre de PSMV (plan de sauvegarde et de mise en valeur).

Source : Direction régionale des affaires culturelles
d'Île-de-France et Préfet de la région d'Île-de-France

Les zones couvertes par les ABF ont ainsi connu une très forte expansion, avec un point d'inflexion majeur dans les années 1960 et 1970. Le nombre de monuments historiques couverts connait ainsi une croissance régulière et continue, avec une multiplication par plus de deux depuis 1975.

b) L'accumulation de nouvelles missions

En plus d'une extension géographique de leur champ d'action, les ABF ont également dû absorber de nouvelles missions.

Dans sa réponse écrite au questionnaire adressé par le rapporteur, la DGPA note ainsi : « La réalisation des missions des ABF se heurte principalement aux évolutions de leur champ d'action et de leur charge de travail, dans un contexte général où leurs missions sont régulièrement interrogées. Le renforcement des exigences en matière de sécurisation des cathédrales, l'extension progressive du corpus patrimonial, l'inscription des enjeux patrimoniaux dans les politiques urbaines et paysagères, la désaffection des centres-bourgs, la difficile adaptation du bâti ancien aux normes liées aux enjeux climatiques sont autant de sujets urgents et fondamentaux qui nécessitent une disponibilité forte et un engagement soutenu des services ». 47(*)

En effet, l'ampleur des missions constitue un facteur dirimant de nature structurelle de cette accumulation de la charge de travail des ABF dans la plupart des départements, en particulier les nouvelles missions concernant les projets d'énergies renouvelables, « dont le nombre croît exponentiellement » selon Albéric de Montgolfier, président de la CNPA, et la sécurité incendie dans les cathédrales.

c) Conséquence : la multiplication des avis

La conjugaison du territoire à couvrir, du nombre de monuments et de SPR, d'une part, et de l'ampleur des missions de l'ABF, d'autre part, produit un effet de saturation et conduit à une multiplication des avis, indépendamment du contexte post-covid, ainsi que l'a relevé la DGPA dans sa contribution : « Leur situation est encore fragilisée par une très forte augmentation des demandes d'autorisation d'urbanisme, qui s'est confirmée au-delà de la sortie de la crise sanitaire ».

Évolution du nombre total en France d'avis rendus par les ABF

Source : d'après les données de la direction générale des
patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture

Le nombre total d'avis instruits en 2023 représente une augmentation de 71,8 % depuis 2010, la hausse étant particulièrement forte depuis 2020. Ces dossiers représentent près de 32 % de l'ensemble des demandes d'autorisation d'urbanisme déposées en France par an48(*).

En 2023, les ABF ont ainsi instruit 488 974 dossiers, donnant lieu à 538 893 avis.

Répartition régionale du nombre d'avis rendus en 2023

Source : d'après les données du ministère de la culture

La surcharge administrative de l'ABF s'est non seulement aggravée avec la multiplication des avis mais également avec les réformes successives de l'État qui ont fait des ABF le dernier expert en termes de droit du sol depuis que les directions départementales des territoires (DDT) n'ont plus le rôle d'instruction des permis de construire. Les ABF ont donc été particulièrement sollicités, notamment dans les zones rurales.

En moyenne, chaque ABF émet ainsi 2 851 avis par an, soit 13 par jour travaillé.

Afin de faire face à l'afflux de dossiers, dans des délais qui demeurent contraints et à moyens constants, les ABF donc ont réduit la durée moyenne d'examen des projets qui leur sont soumis.

Évolution du délai moyen d'instruction

Source : d'après les données de la DGPA

À terme, cette tendance de fond à la hausse du nombre d'actes à instruire s'avère problématique. En effet, les ABF ne pourront pas indéfiniment absorber la montée en puissance de la mise en oeuvre de la transition énergétique, dont témoignent le triplement des dossiers relatifs aux installations photovoltaïques entre 2021 et 202349(*) et l'augmentation du nombre d'immeubles et de zones protégées.

2. Des moyens budgétaires insuffisants

L'élargissement du champ d'intervention des ABF ne s'est pas accompagné d'un renforcement suffisant des moyens qui leur sont consacrés.

Cela a un impact sur l'attractivité de la profession mais également sur l'organisation et le fonctionnement des services.

Yves Dauge, président d'honneur de l'Association des biens français du patrimoine mondial, s'inquiète ainsi devant la mission d'information le 21 mai : « On laisse dépérir un service départemental sous tension, incapable de faire face aux délais imposés et à la masse de demandes. Mon département, l'un des plus riches en patrimoine, compte cinq ou six secteurs sauvegardés, du patrimoine partout, des périmètres de protection des abords en abondance. On y manque cruellement de personnel compétent. Les absences augmentent, les agents craquent. Continuons-nous ainsi ? On pense que le débat porte sur les avis simples ou conformes. Il est ridicule de se quereller à ce sujet. La véritable question concerne le service au bord de la catastrophe. Il ne peut plus fonctionner ».

Les crédits budgétaires alloués aux DRAC pour la mise en oeuvre des missions des ABF relèvent de la sous-action 2 « Sites patrimoniaux » de l'action 2 « Architecture et sites patrimoniaux » du Programme 175 « Patrimoines » de la mission budgétaire « Culture ». L'enveloppe globale permettant la mise en oeuvre des dispositifs introduits par la LCAP s'élevait à 5 millions d'euros en 2016 pour s'établir à plus de 9 millions d'euros en 2024. Les crédits de la sous-action ont vocation à financer les études des PDA, celles des SPR et de leurs plans de gestion, les travaux en SPR et en abord de monuments historiques ainsi que les biens du Patrimoine mondial.

La répartition des crédits pour les DRAC en 2024 était la suivante :

- 50 % des crédits alloués aux SPR (création de SPR et élaboration des plans de gestion) ;

- 25 % aux PDA et aux biens du Patrimoine mondial ;

- 25 % aux travaux en SPR et en abord de monuments historiques.

Ce budget est jugé par certains comme largement insuffisant, voire « défaillant et alarmant », prenant l'exemple de l'enveloppe de quatre millions d'euros pour les SPR à répartir sur 101 départements50(*).

En effet, en dépit d'une hausse substantielle de ces crédits les huit dernières années, ils n'ont pas été mis en rapport avec la charge de travail des ABF. À titre d'exemple, leurs frais de déplacement étant directement imputés sur les budgets des DRAC, les ABF peuvent être contraints de ne plus se déplacer en cours d'année, pour raisons budgétaires. En outre, ils ne disposent pas de budgets opérationnels de programme (BOP) pour les missions relevant du code de l'environnement.

Enfin, le montant des crédits alloués aux missions des ABF doit être évalué à l'aune de l'ensemble de la dotation du programme budgétaire (175) à hauteur de plus de 1,1 milliard d'euros, en crédits de paiement, en LFI 2023 au titre du financement des politiques publiques destinées à la constitution, à la préservation, à l'enrichissement et à la mise en valeur du patrimoine muséal, monumental, archéologique, archivistique et architectural51(*).

Si les DRAC ont bénéficié d'un quart de la hausse des crédits du programme 175, l'action 02 « Architecture et espaces protégés », hébergeant notamment les crédits alloués aux sites patrimoniaux, a, en revanche, enregistré la plus petite progression des crédits des actions de ce programme, soit 3 %.52(*)

La Cour des comptes s'est interrogée sur la soutenabilité du programme 175 dans le cadre de l'exécution budgétaire de la LFI pour 2023, en raison des investissements pour grands travaux, aux caractères souvent peu exhaustifs entrainant un risque de demandes de crédits de paiement très supérieures aux disponibilités53(*).

Dans ce contexte budgétaire contraint, seule une volonté politique forte en faveur des missions des ABF et de la protection patrimoniale pourrait conduire à la mobilisation de nouveaux crédits au bénéfice des DRAC.

3. Des conséquences préoccupantes pour la protection patrimoniale

La surcharge de travail des ABF entraine de multiples conséquences tant sur la réalisation de leurs missions que sur la protection patrimoniale.

Les auditions ont ainsi mis l'accent sur « le rempart actif » de la protection du patrimoine, que représentent les ABF « face aux menaces de toutes sortes que le temps ou les appétits immobiliers ou infrastructurels peuvent susciter. Ils comptent également parmi les meilleurs connaisseurs du patrimoine, sur le terrain. »54(*)

Or, le temps contraint de l'ABF pour accomplir ses nombreuses missions peut conduire à des incohérences urbanistiques. Les UDAP étant composées de petites équipes de 4 à 16 agents, pour les plus importantes, l'absence d'une personne peut perturber très rapidement le traitement des dossiers ainsi que la relation avec ceux qui les sollicitent. Le manque de temps de l'ABF pour instruire un dossier peut conduire paradoxalement, soit à un accord tacite55(*), soit à un refus a priori56(*), alors source de contradiction dans la cohérence des avis rendus pour des projets similaires.

En outre, un tel flux d'avis, associé au sous-effectif de leur profession, se révèle être problématique en termes de suivi des autorisations, en particulier des prescriptions. Un contentieux visant à sanctionner les travaux réalisés sans autorisation est par nature chronophage. Ce temps contraint constitue un frein à l'exercice de la mission des ABF57(*).

En outre, l'image de « censeur » souvent associée à l'ABF peut conduire certains porteurs de projets à ne pas demander d'autorisation de travaux58(*) pour échapper à toutes contraintes techniques, pouvant les amener à des choix incohérents en termes de matériaux ou de rénovation thermique, contraires à la qualité architecturale et patrimoniale que les ABF défendent. Cette absence de conformité est également source d'incompréhensions et de sentiments d'« injustice » pour ceux qui ont déclaré leurs travaux et se sont conformés aux prescriptions de l'ABF59(*).

Comme le reste du présent rapport le montrera, le manque de disponibilité des ABF les empêche également d'exercer pleinement leur mission de conseils auprès des élus locaux.

Ces éléments pèsent sur l'attractivité de la profession et renforcent la situation de sous-effectifs, alimentant un effet « boule de neige » de saturation administrative. Les témoignages recueillis par la mission d'information et développés dans la deuxième partie du présent rapport en font un point d'attention majeur et une source de friction entre les ABF et les élus locaux.

4. Le manque d'attractivité du corps des AUE

• L'ABF appartient au corps interministériel des architectes et urbanistes de l'État (AUE)60(*), auquel il accède après avoir passé un concours.

Ce haut fonctionnaire est un acteur pivot dans l'élaboration des politiques territoriales, en portant la parole de l'État notamment dans le domaine de l'urbanisme, de l'architecture et du patrimoine. Cependant, ce corps n'apparait plus aussi attractif qu'auparavant pour plusieurs raisons, dont les principales sont les conditions d'exercice liées à l'expansion de leurs missions et à des rémunérations en deçà de celles proposées dans les corps équivalents de la fonction publique.

• Seule une vingtaine de postes est ouverte chaque année. Le concours est coorganisé par le ministère de la culture et le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il est ouvert aux détenteurs d'un diplôme donnant droit au port du titre d'architecte en France, pour la voie externe ainsi qu'aux fonctionnaires et agents ayant effectué cinq années de service public pour la voie interne. Chaque candidat choisit une option qui détermine le ministère de rattachement, « patrimoine architectural, urbain et paysager » pour le ministère de la culture ou « urbanisme, aménagement » pour le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Les candidats ayant réussi le concours reçoivent une formation d'une année dispensée par l'École de Chaillot et l'École des Ponts ParisTech, en liaison avec l'Institut national du patrimoine.

Les fonctions des AUE et en particulier des ABF sont variées car elles font intervenir le contrôle et le conseil mais également la direction d'équipes et la recherche. Le premier poste d'un AUE au ministère de la culture est généralement celui d'adjoint au chef d'une UDAP, ce qui lui confère le titre d'ABF. Il pourra ensuite exercer des missions au sein des DRAC jusqu'au poste de directeur régional. Il peut également construire sa carrière en fonction de ses appétences puisque chaque ministère offre une diversité de services61(*), centraux, déconcentrés, établissements publics. En outre, il existe des passerelles entre les deux ministères.

La rémunération brute annuelle d'un AUE, primes comprises, variait en 2021 de 45 000 euros en début à 110 000 euros en fin de carrière62(*), soit un niveau moindre que les rémunérations pratiquées dans d'autres ministères, et singulièrement celui de la transition écologique auquel les AUE peuvent candidater.

• En conséquence, les compétences pluridisciplinaires de l'ABF mobilisant l'intelligence des territoires au service de l'intérêt général ne semblent plus mobiliser les candidats, comme le relève le ministère de la culture dans sa contribution écrite : « Tous [les postes d'AUE] n'ont pas été pourvus, signe d'une désaffection pour le métier d'AUE, plus prononcée côté Culture (option patrimoine) que du côté de la Transition écologique (option aménagement), ce qui traduit une désaffection vis-à-vis de la fonction d'ABF ou une méconnaissance de la carrière proposée. »63(*)

Les inscriptions au concours de l'École de Chaillot se sont, en effet, réduites de manière drastique (quatre et trois élèves retenus pour douze postes ouverts pendant deux années)64(*). Lors de son audition, le directeur général des patrimoines et de l'architecture a jugé « alarmant » le fait de ne pourvoir l'ensemble des postes au concours et a souligné « un déficit d'attractivité des AUE » 65(*).

Selon le président de l'association nationale des DRAC, « le concours est considéré par les nouvelles générations comme un repoussoir plutôt que comme un attrait comme cela a pu être le cas pour nos générations »66(*). La « méconnaissance de la carrière » comme évoqué par la DGPA ne peut expliquer à elle seule la « désaffection » de la fonction. D'autres facteurs, intrinsèquement liés, tels que les conditions de travail des ABF, peuvent être considérés comme autant d'obstacles pour un candidat architecte, préférant l'exercice libéral au statut de fonctionnaire.

5. Un sous-effectif problématique

Cette désaffection relative pour la fonction d'ABF renforce les difficultés liées au sous-effectif. La question de surcharge de travail est donc également directement liée à celle du nombre d'ABF et des effectifs des UDAP.

a) Des effectifs figés dans le temps ?

En décembre 2023, on dénombre 189 ABF dont 91 hommes et 98 femmes. Plus de la moitié sont affectés en Île-de-France, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes et PACA.

Répartition des ABF par région en 2024

Source : d'après les données du ministère de la culture

Les ABF sont entourés d'une équipe de collaborateurs au sein de l'UDAP, composés d'agents administratifs des catégories B et C. Les ingénieurs des services culturels et du patrimoine (ISCP) et les techniciens des services culturels et Bâtiments de France (TSCBF) jouent un rôle non négligeable dans l'instruction des avis et la réalisation des différentes missions des UDAP. C'est pourquoi leur effectif varie en fonction du nombre des ABF pour former une équipe autour de ces derniers, comme en témoigne le graphique ci-après.

Répartition régionale des effectifs en 2024

Source : d'après les données du ministère de la culture

La progression des effectifs des ABF n'est que de 6 % depuis 2013, à l'image des effectifs globaux des UDAP (5,6 %).

Deux catégories de fonctionnaires bénéficient d'une forte progression de leurs effectifs : les techniciens des services culturels et des bâtiments de France et les ingénieurs des services culturels et du patrimoine, respectivement de plus de 84 % et 92 %67(*).

Ces efforts réels apparaissent cependant encore insuffisants dans certains départements comme en témoigne le directeur de la DGPA devant la mission. En effet, ces recrutements sont destinés à combler les vacances, incluses dans le plafond d'emplois, à « distinguer du niveau idéal des effectifs nécessaires à l'accomplissement des missions. Or, dans certains endroits, on manque d'effectifs. Certains préfets aident les UDAP en utilisant leur réserve de 3 %, mais, le plus souvent, il s'agit de petits bouts de contrats et non pas d'un véritable équivalent temps plein (ETP). Ce n'est donc pas suffisant. Tous les ans, nous encourageons nos collègues du secrétariat général à demander des emplois supplémentaires en faveur des UDAP à la direction du budget, avec un succès modeste. »68(*)

Par ailleurs, si le recrutement d'architectes contractuels témoigne de la prise en compte du problème par le ministère de la culture, celui-ci produit des effets limités car ces architectes ne peuvent signer les actes en lieu et place des ABF.

Évolution des effectifs (ETP) des UDAP

ADJA : Adjoints administratifs

ATSM : Adjoint technique

AUE : Architectes et urbanistes de l'État

ISCP : Ingénieurs des services culturels et du patrimoine

SA : Secrétaires administratifs

TESCBF : Techniciens des services culturels et bâtiments de France

Source : d'après les données de la direction
générale des patrimoines et de l'architecture

Certaines unités ont longtemps été marquées par des sous-effectifs récurrents. Ces derniers « sont cependant en voie de résorption. 13 postes sont actuellement vacants », selon la DGPA69(*).

b) Une déconnexion entre la progression des effectifs et celle de l'activité

Néanmoins, l'évolution du nombre d'ABF n'a pas corrélativement suivi celle des avis, avec 6 % d'effectifs supplémentaires pour une augmentation de 63 % des avis sur la période 2013-2023.

Évolution comparative du nombre d'avis et d'AUE (ETP) en UDAP

Source : données de la direction générale des patrimoines
et de l'architecture du ministère de la culture

II. L'ABF, CENSEUR OU PARTENAIRE ?

A. LES CONDITIONS D'EXERCICE PAR LES ABF DE LEURS MISSIONS DE CONTRÔLE DONNENT LIEU À DES CRISPATIONS RÉCURRENTES

1. Des pouvoirs propres suscitant une appréciation contrastée
a) Un débat ancien

Dotée d'un pouvoir propre, indépendante car non soumise à l'autorité hiérarchique du directeur régional des affaires culturelles, intervenant dans un domaine à forts enjeux économiques et politiques, la figure de l'ABF suscite par nature des appréciations variées. Défenseur du patrimoine et du cadre de vie pour les uns, censeur pour d'autres : les auditions tenues devant la mission d'information ainsi que les déplacements sur le terrain ont permis de mesurer la permanence de ces débats.

Ils ne sont du reste pas nouveaux. Dans son rapport précité de 1982, l'ancien sénateur Paul Séramy retraçait déjà les trois principaux reproches adressés à l'ABF : d'une part, il userait « d'arbitraire », notamment en fonction de l'identité du demandeur ; les projets acceptés seraient par ailleurs « loin de faire l'unanimité » ; enfin, l'ABF « ralentirait » l'instruction des permis de construire. Le rapport concluait cependant qu'« on a cherché de mauvaises querelles aux ABF, en ne voyant que leurs erreurs ou l'effet désastreux de leur abstention. En revanche, personne ne voit, parce que par définition on ne peut les voir, les innombrables gâchis qu'ils ont évités ».

Rappelant l'ancienneté de ce débat, le sénateur Vincent Éblé, membre de la mission d'information, indiquait lors de l'audition de Patrick Brie, adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie du ministère de la transition écologique le 10 avril 2024, que « les dispositifs de servitude ont tendance à générer des situations de conflit entre les administrations chargées de faire appliquer les normes et les propriétaires qui pensent parfois avoir toute latitude pour gérer leur bien comme ils l'entendent. Dans ce contexte, le débat sur les ABF revient de façon récurrente, presque comme un « marronnier », car il y a, par nature, des tensions ».

De son côté, Françoise Gatel, en réponse à la présidente Marie-Pierre Monier lors de son audition le 15 mai, mettait en avant la complexité de la relation entre ABF et élus locaux : « Vous l'avez dit : le terme `ABF' génère beaucoup de passions, qui relèvent davantage de l'agacement que de l'enthousiasme spontané. Tous les ans, j'interviens à l'École de Chaillot, qui forme les futurs ABF. Je débute toujours mes propos en leur indiquant que les élus locaux les considèrent comme des « contrariants », au même titre que la DREAL et l'Inrap. C'est une réalité. Actuellement, des méthodes de travail sont élaborées afin de servir la cause portée par les ABF et les élus locaux ».

b) Un ressenti à mieux objectiver

Si très peu d'interlocuteurs expriment directement le souhait d'une remise en cause globale et profonde du rôle de l'ABF, la mission d'information a parfois pu constater l'existence de ce qu'il est possible de qualifier de « ressenti », voire de « ressentiment » non pas envers l'existence même de la fonction d'ABF, dont les objectifs sont très largement partagés, mais contre certaines décisions, orientations ou modalités d'exercice de leur pouvoir.

S'il n'est pas toujours possible d'objectiver le phénomène, la mission d'information s'est efforcée, à travers les auditions et les déplacements conduits, de multiplier les points de vue et les constats. La mission s'est de plus appuyée sur une consultation en ligne des élus locaux.

Les consultations en ligne au Sénat : parole aux élus ! 

L'article 24 de la Constitution fait du Sénat le représentant des collectivités territoriales. Afin de traduire concrètement cette mission particulière, le Président du Sénat a souhaité mettre en place un outil de consultation des élus locaux.

Lancée en 2018 et entièrement refondue en janvier 2024, une plateforme en ligne permet aux élus locaux de partager la réalité et le quotidien des territoires avec les sénateurs, mais également aux différentes instances du Sénat de solliciter l'avis des élus locaux sur les textes de loi ou toute question dont elles souhaiteraient se saisir.

Le nombre d'élus locaux inscrits augmente à chaque consultation et dépasse désormais les 37 000.

Sur les six premiers mois de 2024, le Sénat a ainsi lancé huit consultations en ligne, sur des sujets aussi variés que les meublés de tourisme, les complémentaires santé ou la situation dans les EHPAD.

Cette consultation, ouverte entre le 23 mai et le 17 juin 202470(*), a suscité un très grand intérêt, avec près de 1 500 réponses et 600 témoignages directs, qui ont été soigneusement analysés par la mission. Si un tel exercice n'a pas valeur de sondage, il permet cependant aux répondants d'exprimer leurs préoccupations et de faire remonter des informations précieuses pour les sénateurs, en complément de leur propre expérience d'élus locaux. Le présent rapport a ainsi grandement bénéficié des résultats de cette consultation.

2. L'avis conforme, éternel sujet de débat

Les critiques relatives au rôle des ABF se focalisent généralement sur la partie la plus visible et emblématique de leur action, c'est-à-dire leur pouvoir d'avis conforme.

Nombre des personnes entendues par la mission ont mis en avant le faible taux de refus d'autorisations de travaux, qui demeure constant dans le temps à 7 %. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture, a fourni sur ce point les précisions suivantes : « J'en viens au point « urticant » : en 2023, sur ces quelque 500 000 dossiers de demandes d'autorisation, on compte 34 230 avis défavorables ou refus d'accord, soit 7 % de l'ensemble des demandes - ce taux est stable depuis 2010 -, motivés par l'absence de qualité architecturale ou par la non-prise en compte des effets du projet considéré, notamment sur les monuments du territoire concerné ».

La faiblesse de ce taux doit cependant être interprétée avec prudence.

D'une part, il est calculé sur la base de l'ensemble des avis émis par l'ABF, y compris les avis simples qui représentent un peu plus de la moitié de leur production. Si l'on ne prend en compte que les domaines où l'accord de l'ABF est nécessaire, le taux de refus est plutôt proche de 14 %.

Lors de son audition devant la mission d'information le 14 mai, Fabien Sénéchal, président de l'ANABF, a estimé de manière plus large que « l'émission d'un avis défavorable sur un projet est un constat d'échec collectif. Elle signifie que la discussion n'a pas eu lieu, que nous n'avons pas trouvé de terrain d'entente et que nous n'avons pas réussi à trouver le chemin permettant de mener à bien un projet ».

Répartition des avis des ABF dans le domaine de l'avis conforme

Sources : données ministère de la culture, calculs mission d'information

D'autre part, les décisions de refus et d'accord ne représentent que la moitié des avis de l'ABF, l'accord avec prescriptions étant la configuration la plus fréquente. Or, comme les témoignages recueillis par la mission d'information ont pu le montrer, si le refus est finalement peu fréquent et souvent compris, l'ampleur des prescriptions ainsi que leurs coûts sont les sujets qui posent le plus de difficultés sur le terrain.

3. Les principaux sujets de discorde entre les ABF et les élus locaux

Les principaux reproches adressés aux ABF peuvent être distingués en quatre catégories, toutes évoquées lors des auditions tenues devant la mission d'information.

a) La variabilité et le manque de prévisibilité des décisions rendues

• La question de la variabilité des avis rendus par les ABF est sans doute celle qui est le plus revenue au cours des travaux de la mission, ainsi que l'a souligné lors de son audition Fabien Sénéchal, président de l'ANABF : « Parmi les questions abordées au cours de vos différentes auditions figure la question majeure de la prévisibilité des avis. ». Emmanuel Roux, président de la Chambre régionale des comptes (CRC) Bourgogne-Franche-Comté, a résumé la difficulté en ces termes : « C'est frappant : selon que je parle à un élu de grande ville ou de village, l'ABF est formidable ou il a tout interdit... Cette variabilité, inexplicable, est sujette à caution ».

Les décisions de l'ABF seraient donc d'autant plus difficiles à comprendre qu'elles seraient différentes d'un ABF à l'autre, d'un département à l'autre, ou même dans la succession des décisions prises par un même ABF.

Cette variabilité s'exprime en particulier dans le cas très souvent mentionné de la mutation et du remplacement d'un ABF, ce changement révélant alors pour certains le manque d'objectivité des décisions.

• Quelques témoignages tirés de la consultation en ligne des élus locaux lancée par la mission d'information témoignent de cette frustration :

- « Nous avons des changements de personnes au poste des ABF, et constatons que les ABF n'ont pas la même interprétation des documents » ;

- « L'ABF change régulièrement au bout de quelques années et les avis des uns peuvent être totalement remis en cause par leur successeur (exemple d'un permis de construire déposé par un ex ABF et refusé par son remplaçant !) » ;

- « Problème de subjectivité des décisions prises et de la non-cohérence des décisions à chaque changement d'ABF » ;

- « Changement fréquent des ABF qui ont chacun leur propre sensibilité ce qui se traduit au fil des années par des avis parfois contradictoires » ;

- « Manque de cohérence des avis dans le temps. Ex : avis favorable de photovoltaïque en surimposition sur un dossier et avis défavorable 2 mois plus tard sur un autre dossier : les deux cas situés dans le périmètre de protection, à peu de distance ».

Ce sujet, qui n'est pas réfuté par les ABF eux-mêmes, a également été mentionné lors des auditions de la mission d'information.

Ainsi, le 10 avril 2024, David Nicolas, référent patrimoine de l'Association des maires de France (AMF), maire d'Avranches et président de l'agglomération du Mont-Saint-Michel Normandie, notait : « D'un ABF à l'autre, la messe n'est pas chantée de la même manière [...] le droit commun s'applique aux servitudes liées aux abords des monuments historiques. Or, selon l'ABF, l'appréciation du droit commun varie ».

Stéphane Bern, animateur de radio et de télévision, indiquait pour sa part le 28 mai 2024 : « Ce sont les exigences formulées, disparates d'un département à un autre, qui posent problème et créent de l'incompréhension pour les propriétaires. On ne comprend pas pourquoi un ABF dans un département n'est pas en conformité avec celui d'un autre département ».

La variabilité des avis en débat au Sénat

La question des ABF a été abordée au Sénat à l'occasion des débats sur le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables le 4 novembre 2022.

Ainsi Didier Mandelli a indiqué en séance publique :

« Nous savons également, en tant qu'élus locaux et acteurs des territoires, que les ABF ont un pouvoir bloquant, qui est parfois déraisonnable, et qu'ils ont surtout des interprétations très variables d'un département ou d'un secteur à l'autre - un changement d'ABF peut entraîner un changement d'avis -, ce qui empêche de développer des projets, pourtant utiles, portés par les populations locales et les élus. C'est ce qui a expliqué les nombreux amendements déposés en commission à ce sujet et leur adoption pour certains d'entre eux ».

• Ce ressenti, qui laisse à penser que la protection du patrimoine relèverait d'une question de personne plus que d'objectifs partagés, est en fait la traduction de la nature discrétionnaire et nécessairement subjective de l'avis de l'ABF. Professionnel aguerri du patrimoine, l'ABF doit juger de plusieurs centaines de situations toutes complexes et toutes particulières chaque année, ce qui peut entrainer une incompréhension, renforcée si le prédécesseur ou un ABF d'un autre département serait réputé « plus souple ».

La complexité de la mission de contrôle des ABF provient également dans une certaine mesure de la diversité du patrimoine français, dont la conséquence est que chaque cas est d'une certaine manière unique, comme souligné par Jean-François Hébert le 28 mars : « Des difficultés peuvent exister, d'autant que les ABF se prononcent sur des cas d'espèce. Leurs avis ne sont pas rendus selon une règle mathématique ou sur le fondement d'une directive nationale. »

Il convient de noter que le désaccord n'est pas limité au cas où l'ABF refuse une opération, mais également l'accepte, comme le soulève une participante à la consultation en ligne : « Furieuse que le nouvel ABF ait autorisé la destruction d'un magnifique presbytère au centre d'une commune rurale en périmètre protégé compte tenu d'un château hautement touristique à proximité ... et autorise par la même une affreuse construction alors que la réhabilitation était de mise ! ! ! »

• Si ce ressenti est difficile à objectiver, il peut être approché par les différences entre le sens des avis entre départements. La mission d'information a ainsi pu comparer la répartition entre accords, accords avec prescriptions et refus dans les huit départements de la région Île-de-France en 2020.

La répartition révèle des différences importantes, avec par exemple un taux d'avis favorables de 62 % à Paris et de 10 % dans le Val-d'Oise. Ces données doivent cependant être interprétées avec prudence, car elles traduisent également des spécificités locales : recours plus ou moins fréquent à un architecte, présence plus ou moins importante d'un patrimoine à protéger, expertise inégale des collectivités en matière patrimoniale, etc. Il n'en demeure pas moins qu'il existe bel et bien des différences très significatives entre départements.

Le manque de prévisibilité des avis n'est pas sans conséquence sur la conduite des travaux, en particulier en matière budgétaire.

b) L'absence de prise en compte du coût des travaux : des prescriptions inapplicables ?

• On l'a vu, le cas de figure le plus fréquent au niveau national n'est ni le refus, ni l'accord, mais l'accord avec prescriptions, qui représente la moitié des avis émis par l'ABF. Par nature, cet accord édicte des contraintes qui s'imposent aux porteurs de projet.

L'article L. 621-32 du code du patrimoine offre en effet aux ABF la faculté de moduler leur avis, sans pour autant préciser la nature ou le volume des prescriptions : « L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords ».

Les prescriptions des ABF portent généralement sur l'insertion du projet dans son environnement, le gabarit, les hauteurs du bâtiment projeté ou encore les matériaux envisagés. L'objectif est d'assurer la conciliation entre la conservation et la mise en valeur du site patrimonial ou paysager concerné et le projet porté par le maître d'ouvrage. Il faut distinguer les prescriptions, qui s'imposent, des recommandations, sans portée réglementaire, qui peuvent être des conseils techniques ou architecturaux, ou des observations de méthode.

La nature de ces préconisations est donc extrêmement variable, et est également perçue de manière très diverse. Il peut s'agir aussi bien de préconisations utiles qui enrichissent le projet initial, le recours à un architecte professionnel n'étant le fait que d'une minorité, mais également de contraintes fortes qui pèsent sur le budget, voire la viabilité économique du projet. La pratique semble étroitement dépendre de l'ABF. La mission d'information a ainsi été alertée sur le cas de certains ABF qui produisent plusieurs dizaines de prescriptions, aboutissant de fait à un nouveau projet qui peut s'avérer très éloigné de ce qui était envisagé. Or si le refus d'un ABF offre la possibilité de déclencher une procédure de recours, tel n'est pas le cas des accords avec prescriptions pour le demandeur, ce qui peut s'avérer pénalisant ou bloquant dans le cas d'espèce. Le demandeur doit alors engager une négociation avec l'ABF pour mieux comprendre les exigences formulées ou recalibrer son projet.

• Lors de la table ronde organisée le 14 mai 2024 par la mission d'information, plusieurs témoignages ont été apportés en ce sens.

Ainsi Stéphane Chenuet, chef du service urbanisme de la Fédération française du bâtiment a-t-il fait état d'une expérience précise, qui fait écho au manque de prévisibilité de l'avis de l'ABF : « J'étais récemment en mission en PACA et plusieurs promoteurs m'ont remonté le fait que dans certains territoires, les prescriptions des ABF ne concernaient pas uniquement des aspects esthétiques ou relatifs aux types de matériaux à utiliser, mais également des gabarits de bâtiments à respecter, ce qui revenait à minimiser les potentiels constructibles prévus par les PLU applicables, rendant l'opération économiquement non viable pour les opérateurs. Sur ce sujet, nous souhaitons une prévisibilité pour les entreprises. Il faut que lorsqu'un porteur de projet regarde la faisabilité d'une opération sur un territoire, il puisse d'ores et déjà anticiper les éventuelles prescriptions qui s'appliquent sur le territoire. »

Ce propos a été immédiatement étayé par Thomas George, coprésident du Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH), lors de la même table ronde : « Je rejoins mon collègue sur le problème de prévisibilité pour les porteurs de projet et sur le fait qu'ils se retrouvent devant le fait accompli quand ils lancent les consultations d'entreprise. Les porteurs de projet montent en effet un projet avec une enveloppe budgétaire définie, mais lorsqu'ils lancent les consultations d'entreprises, ils s'aperçoivent que les entreprises proposent des tarifs bien supérieurs à ce qu'ils ont prévu dans leur budget, en raison des contraintes imposées par l'ABF dans l'utilisation de tel ou tel matériau. Lorsqu'un dialogue s'installe, les porteurs de projet comprennent, mais cette situation intervient souvent au lancement du projet avec les entreprises. Ils ont donc le choix entre faire appel à des entreprises qui vont entrer dans leur enveloppe budgétaire, mais qui ne feront pas les travaux conformément aux demandes de l'ABF, ce qui présente le risque de devoir faire arrêter le chantier, ou faire appel à un architecte du patrimoine pour accompagner le projet et anticiper. »

À l'occasion de l'audition de Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture le 28 mars, la sénatrice Anne-Marie Nédélec indiquait également que « [...] les élus des petites communes ont l'impression que les avis ne tiennent pas compte des moyens à leur disposition pour rénover, par exemple, une église. Il y a un problème de dialogue sur l'attribution des subventions selon le choix des matériaux. » La sénatrice a pu réitérer son analyse à l'occasion de l'audition d'Albéric de Montgolfier le 3 avril : « Je tiens à souligner que des petites communes ou des particuliers qui souhaitent s'installer se heurtent au coût de la réalisation des travaux selon les prescriptions de l'ABF. »

Ce constat a également été très régulièrement évoqué par les élus qui ont répondu à la consultation en ligne lancée par la mission d'information : « omettant de réfléchir au coût de leurs prescriptions », « surcoût dû aux prescriptions », « les prescriptions sont inapplicables vis-à-vis des budgets », « les prescriptions aussi valables soient elles entrainent des surcoûts aboutissant souvent au renoncement », « Les prescriptions des ABF imposent parfois aux habitants soucieux d'entretenir leurs habitations des contraintes pas toujours justifiées à mes yeux. Parfois cela implique une augmentation du budget des ménages qui peut aussi carrément les décourager entrainant l'abandon des travaux. », « S'ils sont souvent pertinents, les avis ABF ne tiennent pas compte des surcoûts liés à leurs décisions. Ceci amène parfois certains particuliers à renoncer à leur projet immobilier. Cette situation vis-à-vis de jeunes résidents à l'année des petites communes est particulièrement pénalisant et traumatisant pour les demandeurs. »

Les prescriptions des ABF sont cependant également appréciées : « A contrario : leur analyses et prescriptions sont une aide indispensable pour l'élu dans le cadre des autorisations d'urbanisme ».

Cela n'exclut d'ailleurs pas des critiques sur la question budgétaire : « De mon point de vue, les avis émis par notre ABF sont toujours justifiés d'un point de vue architectural, environnemental. En revanche la prise en compte du surcoût lié aux prescriptions n'est jamais prise en compte, même lorsqu'il s'agit de projets communaux. C'est une bonne chose car cela permet de préserver le patrimoine (choix de la réhabilitation plutôt que de la destruction, qui nous pousse dans nos retranchements et permet de conserver l'histoire de nos communes), mais financièrement les projets sont plus difficiles à faire aboutir, [...] d'un point de vue particuliers, les prescriptions de l'ABF sont un véritable atout pour maintenir une cohérence des volumes, des matériaux, et c'est une chance d'avoir ce périmètre. »

• Il existe de fait deux aspects dans la question de la prise en compte ou non du coût des prescriptions dans un avis.

D'un côté, elle correspond pour l'ABF à la volonté de ne pas s'opposer à un projet, mais de lui apporter une expertise et une aide qui a pu lui faire défaut. Cela peut induire des coûts supplémentaires, qui sont d'autant plus mal acceptés qu'ils n'avaient pas été anticipés au lancement du chantier.

De l'autre, on peut s'interroger sur les raisons de la non-prise en compte de ces coûts ou exigences dans un secteur protégé. Dans quelle mesure peuvent-ils être anticipés ? Hugo Franck, président du syndicat de l'architecture, déclarait ainsi le 28 mai 2024 devant la mission d'information : « À titre personnel, je ne dépose jamais une demande de permis de construire avant d'avoir recueilli l'avis d'un ABF. Notre métier consiste à mettre en cohérence un certain nombre d'éléments techniques et réglementaires, que d'aucuns nommeraient des contraintes, un contexte, un programme et un budget. » Cette vision est partagée par Yves Pollet, à l'occasion de l'audition du Conseil français des architectes d'intérieur le 23 mai 2024 : « L'enjeu pour l'architecte d'intérieur est alors de se mettre en relation avec les ABF le plus en amont possible, pour recueillir leurs éventuelles remarques ou prescriptions, ou simplement favoriser la compréhension du projet. »

La mauvaise anticipation des contraintes propres aux secteurs protégés, faute la plupart du temps d'avoir pu recourir à l'expertise d'un architecte ou d'avoir bénéficié d'un accompagnement, est donc centrale. Thomas George, coprésident du Groupement des entreprises de restauration des monuments historiques (GMH), indique cependant que « sans parler au nom de toutes les entreprises du GMH, je n'ai pas entendu parler de chantier qui se serait annulé faute d'un accord ABF. Ces chantiers peuvent cependant être retardés. »

c) Le manque de pédagogie

Corollaire des deux premières critiques sur le manque de prévisibilité et de prise en compte des réalités, notamment financières, du terrain, un certain manque de pédagogie est également reproché à l'ABF.

Cette problématique a été largement évoquée au cours des travaux de la mission, notamment par les élus qui ont répondu à la consultation mise en place par la mission d'information. Elle apparaît à deux niveaux.

Le premier niveau est celui de l'examen du dossier par l'ABF. Si celui-ci n'est pas en mesure de se déplacer et d'aller dialoguer avec les parties prenantes, la décision qu'il est amené à prendre peut être perçue comme d'autant plus injuste qu'elle s'impose sans qu'une réelle contradiction ait pu être mise en place. Julien Lacaze, président de Sites & Monuments, indique ainsi lors de son audition devant la mission d'information le 21 mai : « L'ABF est un peu comme un enseignant auquel on demanderait d'évaluer ses élèves sans avoir pu leur faire cours avant. Il n'a aucun moyen de faire de la pédagogie et d'expliquer en amont pourquoi il prend telle décision. » Valérie Charollais, directrice de la Fédération nationale des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), indiquait devant la mission d'information le 28 mai : « L'ABF n'est pas tout seul et le constat est fait d'un manque de moyens humains pour rendre les avis dans de bonnes conditions. Cela suppose en effet d'avoir le temps d'aller sur le territoire, de rencontrer les élus et les pétitionnaires et de faire la pédagogie qui va avec. Le CAUE ne peut se substituer à l'ABF en matière de pédagogie et il faut que l'ABF puisse motiver ses avis. Ce manque de moyens nous semble malheureusement avéré. ».

Le second niveau correspond au temps de la notification de l'avis négatif ou assorti de prescriptions. Plusieurs élus ayant répondu à la consultation en ligne ont ainsi déploré le manque d'explications et d'accompagnement de la part de l'ABF : « Les architectes devraient justifier leur refus avec plus de pédagogie et se rendre disponibles pour trouver des solutions », « prescriptions complexes sans explications de vive voix, voire carrément refus », « Il serait souvent intéressant et utile de pouvoir obtenir des explications sur un avis négatif ou des prescriptions afin de les interpréter au pétitionnaire. Nous ne sommes pas forcément en mesure de le faire », « La commune éprouve de grandes difficultés à comprendre les refus trop partiellement motivés par l'ABF. Il manque à l'évidence au service départemental de l'architecture un temps nécessaire de concertation pour conclure utilement sur les nombreux dossiers publics et privés soumis à son autorité ».

Ce déficit de clarté est d'autant plus préjudiciable lorsqu'il s'applique à des dossiers complexes, qui nécessitent de la part des communes comme des particuliers un lourd investissement en temps et en budget. Les porteurs de projets peuvent alors avoir le sentiment que les efforts qu'ils ont fournis se heurtent à une contrainte qu'ils n'avaient pas anticipée, et ce sans qu'un dialogue efficace ait pu être mené.

Le manque de pédagogie apparaît comme une conséquence de la saturation administrative dans laquelle sont placés les ABF et objectivée dans le présent rapport. Faute de temps, ils sont amenés à prendre des décisions sans se déplacer sur le terrain, comme le note Albéric de Montgolfier, président de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) et Sénateur le 3 avril : « [...] il arrive que des ABF surchargés soient amenés, par sécurité et par précaution, à émettre un avis négatif sur tel ou tel projet de fenêtres de toit, faute de temps ou de capacité d'aller sur le terrain. »

d) L'absence de prise en compte des enjeux de la transition écologique

Protecteurs des abords et de la qualité architecturale depuis 1943, les ABF sont confrontés ces dernières années à un nouveau défi, celui de la conciliation entre patrimoine et transition écologique.

De manière générale, les ABF sont directement concernés par les nouvelles normes en matière de protection environnementale et d'économies d'énergie.

Cette thématique englobe plusieurs sujets, dont l'adaptation des diagnostics énergétiques aux constructions anciennes.

Elle apparaît de manière très significative en matière de panneaux photovoltaïques. Ainsi, dans le cadre de l'examen au Sénat du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables (loi « ELAN »), la commission du développement durable avait adopté en commission un amendement visant à passer, pour l'installation d'ouvrages de production d'énergie solaire sur bâtiments ou ombrières situés dans le périmètre d'un SPR ou dans les abords des monuments historiques, d'un avis conforme à un avis simple des ABF. En séance publique, suite à des débats très nourris, des amendements adoptés à l'initiative de nombreux membres de la commission de la culture ont permis de revenir sur ce point.

Extrait de l'intervention de Laurence Garnier, rapporteure pour avis
de la commission de la culture, le 4 novembre 2022

« Cette mesure ne nous paraît pas justifiée dans la mesure où les gains qu'on peut en attendre en termes de production d'énergie seraient très faibles, cependant qu'elle aurait des conséquences très fortes sur le cadre de vie et l'attractivité touristique de certains territoires.

« Je rappelle que l'avis conforme des ABF ne concerne qu'une partie restreinte du territoire national et que le taux de refus de ces projets dépasse à peine 10 %.

« À cela s'ajoute le fait qu'un travail a été engagé par les services des ministères de la culture et de la transition énergétique pour faciliter le déploiement de panneaux photovoltaïques dans les espaces protégés. Cela nous paraît faire perdre une grande partie de sa portée à l'article 11 quinquies. En effet, les deux ministères devraient publier avant la fin de l'année une instruction destinée aux services déconcentrés chargés du patrimoine. Cette instruction définira les lignes directrices sur la façon dont les ABF devront traiter les demandes d'installation de panneaux photovoltaïques. L'objectif serait notamment d'autoriser le déploiement de telles installations dans tous les secteurs des espaces protégés à faible enjeu patrimonial, comme les zones commerciales, industrielles, pavillonnaires, les parkings, voire les bâtiments dont la construction est postérieure à 1948, dès lors qu'il n'y a pas de problème avec le cadre paysager.

« Dans ces conditions, l'installation de panneaux photovoltaïques dans ces espaces ne devrait plus vraiment soulever de difficultés, tandis que notre patrimoine restera protégé grâce au contrôle opéré par l'ABF. »

Suite à ce débat, l'instruction71(*) annoncée a finalement été publiée le 9 décembre 2022 par le ministère de la culture afin de fixer quelques principes. Elle précise notamment que « La conciliation des principes de la transition écologique et de la préservation du patrimoine repose en particulier sur la qualité de la relation instaurée entre les services de l'État, notamment les ABF, et les porteurs de projets ». Elle a été complétée par un guide pédagogique à l'usage des porteurs de projets.

Il n'en reste pas moins que le sujet demeure très prégnant, même si la publication de l'instruction semble avoir défini un cadre satisfaisant. Thomas George devant la mission d'information pose le débat et alerte sur un trop grand laxisme en la matière avec l'exemple de la Belgique : « Les zones sauvegardées représentent par ailleurs 8 % du territoire français. Quand les 92 % restants du territoire auront été équipés en panneaux photovoltaïques, il sera toujours temps de s'occuper de ces 8 % plus tard. La plupart des populations vivent cependant dans des zones sauvegardées et il serait souhaitable de trouver des conciliations permettant d'éviter une visibilité directe de l'extérieur. En Belgique, des panneaux photovoltaïques ont été installés partout et ce n'est esthétiquement pas idéal. Il faudrait éviter cela, mais trouver un bon compromis entre les deux. »

La difficile conciliation entre l'indispensable transition écologique et la préservation du cadre de vie est largement évoquée par les élus consultés en ligne par la mission d'information : 

- « Le problème que nous pouvons rencontrer porte plus sur la règlementation stricte qui ne prend pas en compte les évolutions de la société, en termes de gestion des mesures écologiques (exemples : la possibilité d'avoir des panneaux photovoltaïques sur une église, ou avoir des huisseries en pvc) » ;

- « Trop souvent d'avis négatifs sur des demandes de panneaux photo voltaïques sous prétexte de co-visibilité ou de disposition des panneaux sur la toiture » ;

- « Les recommandations de l'ABF sont parfois en contradictions avec d'autres normes (accessibilité), avec la transition énergétique (panneaux photovoltaïques, isolation, ouvertures...) » ;

- « Nous ne parlons même pas de la transition écologique que nous voulons enclencher mais sur laquelle plane un flou artistique : la présence d'un château classé va-t-elle empêcher l'installation de panneaux photovoltaïques, de méthaniseurs ou pire d'éoliennes ? c'est un sujet brulant et complexe. »

La dernière partie du présent rapport traitera plus largement de la conciliation entre transition écologique et protection patrimoniale, qui constitue un des grands défis que devront résoudre les ABF dans les années à venir.

4. Le risque de la non-déclaration

La mission d'information a été alertée dès sa première réunion sur une pratique particulièrement préoccupante liée aux contraintes patrimoniales : la non-déclaration des travaux.

Le 28 mars, la sénatrice Anne-Marie Nédélec, lors de l'audition de Jean-François Hébert le 28 mars, notait ainsi : « Je suis nouvellement élue et ai donc bien en tête les doléances des maires que j'ai rencontrés durant ma campagne, dans un département très rural, la Haute-Marne. Ceux-ci déplorent le fait qu'il existe autant d'injonctions que d'ABF. Une forme d'incompréhension grandit et conduit un grand nombre de personnes à ne pas déclarer leurs travaux, ce qui peut être mal vécu par leurs voisins qui essuient un avis défavorable pour le même type de travaux. »

En effet, tant face au facteur « coût » que « variabilité », la tentation peut être grande d'éviter les procédures, surtout pour les petits travaux. L'absence de déclaration peut d'ailleurs être faite de bonne foi, faute de prise de conscience des contraintes propres au secteur. Or cette pratique, dont la mission d'information a été à de multiples reprises informée lors de ses déplacements, présente deux risques :

- d'une part, pour l'unité architecturale des sites protégés. Les travaux réalisés sans accord de l'ABF sont plus susceptibles de constituer des atteintes à l'architecture et à l'harmonie des lieux, et donc de dégrader des lieux emblématiques et riches d'histoire ;

- d'autre part, pour les auteurs de travaux eux-mêmes. L'article L. 480-4 du code de l'urbanisme prévoit en effet des sanctions comprises entre 1 200 et 6 000 euros par m² de surface de plancher construite ou démolie irrégulièrement, et en cas de récidive, 6 mois d'emprisonnement et l'obligation de mise en conformité ou de démolition des travaux irréguliers.

En réalité, ces sanctions sont très rarement exécutées, en raison tant de l'engorgement de la justice que de la difficulté à constater les faits. En Indre-et-Loire, les ABF sont cependant des agents assermentés qui peuvent initier la procédure.

Le vrai risque pour les propriétaires se situe plutôt au moment de la vente de leur bien, où doit être produite la déclaration attestant l'achèvement et la conformité des travaux. L'absence de cette déclaration, qui permet à l'acheteur de s'assurer de la conformité des travaux aux règles d'urbanisme, est de nature à abaisser significativement le prix, si une remise en l'état s'impose, voire d'annuler la vente.

La non-déclaration constitue donc un danger réel, collectif et individuel. Elle peut s'interpréter comme la marque d'un dysfonctionnement des autorisations d'urbanisme, d'une trop grande complexité et d'une mauvaise compréhension des contraintes pesant sur les secteurs protégés.

5. « L'équation personnelle » : l'ABF et le territoire

La mission d'information, en particulier lors de ses déplacements, a pu prendre mieux conscience de l'importance de « l'équation personnelle » de l'ABF.

Tout comme le préfet, l'ABF exerce un pouvoir régalien auquel seule la procédure longue et complexe du recours peut se substituer. Dès lors, si dans la grande majorité des cas, la relation qui se noue avec les élus locaux et les porteurs de projet est marquée par la confiance et le respect mutuel, elle tend parfois vers une forme de conflictualité qui s'avère à l'usage très préjudiciable pour le territoire. Cette situation, dont témoignent des propos recueillis à l'occasion de la consultation en ligne et des déplacements, a trois racines principales.

Tout d'abord, la complexité inhérente aux procédures de protection du patrimoine, qui entremêlent code du patrimoine, code de l'urbanisme et code de l'environnement. Les élus locaux qui ne disposent pas de services suffisamment étoffés, et plus encore les particuliers qui ont pour seul objectif d'améliorer un logement dont ils découvrent souvent à cette occasion qu'il est couvert par des protections spécifiques, peuvent se trouver démunis et littéralement « dépassés » par la masse de documents à fournir et les exigences à honorer.

Ensuite, les contraintes imposées par les ABF peuvent, même si ce n'est pas toujours le cas, occasionner des surcoûts pour les travaux dont on a pu mesurer la sensibilité, surtout dans les zones du territoire économiquement fragilisées. Ainsi la ville de Richelieu, en Indre-et-Loire, visitée par la mission d'information le 17 juillet, possède un patrimoine exceptionnel de niveau mondial qui remonte au XVIIe siècle, avec la « Cité idéale » conçue par l'architecte Jacques Lemercier. Elle abrite 93 monuments historiques, soit 50 % de moins que Tours, pour une population 80 fois inférieure. Dès lors, la prise en compte du patrimoine paysager s'y avère d'une très grande complexité et source de frustrations pour la population, dont le revenu médian est inférieur de plus de 20 % à la moyenne nationale en 2021, même si le tourisme constitue une source de revenus.

Enfin, et cet élément a constitué un « fil rouge » récurrent des travaux de la mission, « l'équation personnelle » de l'ABF a été régulièrement évoquée. Les élus locaux, qui sont en première ligne face aux porteurs de projets, et sont eux-mêmes à l'origine de travaux, formulent des appréciations au sujet de « leur » ABF, comme au demeurant sur « leur » préfet. Les fonctionnaires d'État que sont les ABF, en charge de missions complexes dans les territoires, au contact direct des populations, peuvent être perçus de manière positive ou plus nuancée, et tel ou tel dossier mal compris susciter des tensions qui perdurent et nuisent à la relation qui doit se nouer de manière constructive entre les parties prenantes. Selon la mission, ces incompréhensions, qui sont susceptibles de dégrader durablement l'atmosphère sur le territoire, doivent être traitées avec la plus grande vigilance au niveau des DRAC et du ministère de la culture. Si de multiples raisons, qui ne sont pas toutes du seul ressort de l'ABF, peuvent expliquer de tels cas, ils devraient faire l'objet de mesures rapides qui, au demeurant, peuvent se limiter à un dialogue entre l'ABF et sa hiérarchie, ou bien par l'identification de points d'amélioration et la mise en place de formations adaptées. La détection des cas complexes ne présente pas de difficultés, tant il suffit d'écouter les élus ou les autorités préfectorales, qui connaissent intimement les situations et les spécificités locales.

Il existe de fait suffisamment d'ABF expérimentés qui parviennent à concilier avec doigté les injonctions parfois contradictoires qui opposent la réalité des territoires et le cadre légal pour mettre en place au niveau central des « bonnes pratiques » et des échanges à même d'apaiser les situations locales avant qu'elles ne dégénèrent et ne fragilisent durablement la prise en compte des enjeux patrimoniaux. Au-delà, la gestion des ressources humaines par le ministère de la culture gagnerait à être plus réactive pour assurer une identification plus rapide des difficultés.

Recommandation n° 3 : Adopter au niveau des DRAC et du ministère une gestion des ressources humaines plus dynamique en identifiant, par un dialogue avec les élus et les autorités préfectorales, les situations les plus conflictuelles, afin de proposer aux ABF éventuellement concernés des formations complémentaires et un accompagnement ou d'envisager un changement d'affectation.

6. Une profession ou une protection en danger ?

Sous le feu des critiques, les ABF n'en sont pas moins, là encore, comme en témoignent aussi bien les auditions menées que les témoignages reçus par la mission, des interlocuteurs appréciés pour leur expertise et respectés pour leurs compétences. Bien peu remettent directement en cause l'existence même de mécanismes de protection du patrimoine mis en place depuis plus d'un siècle dans notre pays, mais beaucoup en jugent les conditions d'exercice peu satisfaisantes.

Paradoxalement, l'ABF, de par son positionnement institutionnel indépendant, peut parfois s'avérer utile comme « bouclier » des élus locaux. Ainsi, lors de son audition le 10 avril, David Nicolas, référent patrimoine de l'association des maires de France (AMF), souligne : « L'AMF avait émis des doutes sur la suppression des prérogatives de l'ABF en matière d'avis conforme. Dans certains territoires, les élus locaux sont soumis à des pressions de promoteurs et de divers acteurs qui profitent du vide laissé par l'ABF pour faire n'importe quoi. Il est difficile de trouver la ligne de crête. »

Un témoignage adressé à la mission dans le cadre de la consultation reprend cette idée : « il est parfois pratique pour moi en tant que maire que ce soit lui [l'ABF] qui refuse un dossier, ce qui m'évite d'être en première ligne face à un habitant néo-rural qui vient rénover une maison de village avec son vécu et ses idées d'urbain. »

Les principales difficultés évoquées relèvent finalement plus d'une question de pratique de ses pouvoirs propres par l'ABF, selon un double axe :

- premier axe, des compétences à affiner dans les domaines du dialogue avec les élus, les autorités centrales et les porteurs de projet, afin d'aplanir au maximum les problèmes et, le cas échéant, d'être en mesure de proposer des solutions adaptées, dont celui de l'intégration de la transition écologique à sa réflexion ;

- second axe, et il existe sur ce point un très large consensus, la nécessité de préserver du temps pour les fonctions de conseil, ce qui ne peut se faire qu'au prix d'un renoncement à certaines missions, d'une priorisation renforcée des tâches, et inévitablement d'un accroissement des effectifs dans les UDAP pour les mettre en conformité avec les règles de protection.

B. UNE MISSION DE CONSEIL SOUS-INVESTIE FAUTE DE TEMPS

1. Les élus comme leurs administrés font face à des difficultés pour bénéficier d'un accompagnement de leurs projets
a) Une mission de conseil cruciale donnant lieu à de larges attentes

Le conseil et la promotion d'un urbanisme et d'une architecture de qualité constituent des demandes de plus en plus fortes des acteurs de la conservation du patrimoine, et ce pour deux raisons principales :

Ø d'une part, un mouvement de décentralisation patrimoniale, issu de la réforme de 200572(*) qui a transféré la maîtrise d'ouvrage aux propriétaires des monuments historiques. La pression pesant sur les communes pour l'entretien et la conservation de leur patrimoine s'en est trouvée accrue ;

Ø d'autre part, la hausse quasi continue du nombre de monuments historiques. Les communes sont ainsi propriétaires de plus de 18 000 monuments historiques, soit 41 % du total, juste après les propriétaires privés (46 %) tandis que l'État n'en possède que 4 %73(*) et les départements 1 %74(*).

Évolution du nombre de monuments historiques en France

 

Nombre de nouvelles protections

 

Nombre total de monuments historiques

Source : Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France
et Préfet de la région d'Île-de-France

La circulaire relative au contrôle scientifique et technique des services de l'État sur la conservation des monuments historiques classés ou inscrits du 1er décembre 2009, « [...] insiste sur l'importance du dialogue qu'il convient d'instaurer entre les maîtres d'ouvrage, les maîtres d'oeuvre et les services de l'État, le plus tôt possible dans le processus d'intervention et tout au long de son déroulement. [...] Le travail d'accompagnement de vos services en amont des interventions sur les monuments historiques est fondamental et a pour but d'éviter les malentendus qui pourraient surgir ou qui surgiraient inévitablement si vos services limitaient leur intervention à la stricte expression d'un avis, notamment en cas de refus d'autorisation. »75(*)

La mission de conseil est supposée apaiser les relations avec l'ABF, et permet d'éviter tout conflit ultérieur, en répondant par anticipation aux éventuelles incompréhensions relatives aux contraintes de la qualité architecturale et patrimoniale. En témoigne ainsi David Nicolas, référent patrimoine de l'Association des maires de France (AMF), maire d'Avranches et président de l'agglomération du Mont-Saint-Michel Normandie devant la mission d'information : « Vous évoquiez la pédagogie. Cela me semble être un mot-clé à valoriser. Lorsqu'un contact régulier se fait entre l'ABF et les élus locaux, les choses se passent bien. L'ABF retrouve alors pleinement le coeur de sa mission : une mission de conseil, et non de censeur. L'Architecte des bâtiments de France ne doit pas être le contradicteur systématique des bonnes volontés. »

b) Une mission de contrôle accaparante au détriment du conseil

En charge des avis d'urbanisme sur des périmètres étendus et géographiquement très variés (538 893 actes en 2023), conservateurs des monuments de l'État et responsables uniques en charge de la sécurité de 87 cathédrales, la disponibilité des 189 ABF est cependant fortement contrainte, au détriment des missions de conseil, ce qui fragilise la protection du patrimoine et de la promotion d'une architecture de qualité.

Ce constat a été maintes fois réitéré devant la commission, non seulement par les élus mais également par la Cour des comptes dans son rapport précité : « Les ABF manquent de temps pour la mise en valeur patrimoniale, urbaine, paysagère. Ils sont proches de la saturation, avec une approche « pointilliste » et quantitative, très réglementaire, centrée sur la protection au détriment des deux autres volets de conservation et de mise en valeur. » La mission de conseil tendrait ainsi à « passer en second parce que les ABF ne sont pas suffisamment associés en amont aux projets, ils arrivent trop tardivement. »76(*)

En effet, les ABF placent le suivi des sites protégés très largement en tête dans la répartition du temps consacré à chaque mission, comme en témoigne le graphique ci-dessous.

Estimation du temps consacré par champ de mission des ABF en UDAP

Source : d'après les données de la direction générale des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture, d'après un sondage mené en 2023 par l'ANABF (Taux de réponse 61 %).

Ce sondage, ne portant que sur 61 % des ABF, doit être nuancé selon les caractéristiques départementales, à savoir le nombre d'édifices dont l'ABF est conservateur, le nombre de SPR et de PSMV, le taux d'urbanisation, l'évolution urbaine, la pression économique et sociale et la qualité de l'ingénierie en collectivités territoriales.

Ce constat est notamment vérifiable dans les départements de la région Île-de-France. La part des consultations dans l'ensemble des actes des ABF en 2021 demeure stable depuis 2017. Très réduite, elle ne s'établit qu'à un peu plus de 7 % en 2021.

Nombre d'actes des ABF dans les départements d'Île-de-France

 

Consultations

 

Enseignes

 

Monuments historiques classés

 

Certificats d'urbanisme

 

Permis de démolition

 

Permis d'aménagement

 

Permis de construire

 

Déclarations préalables

Source : Direction régionale des affaires culturelles
d'Île-de-France et du préfet de la région d'Île-de-France

Ce manque de disponibilité des ABF, ne leur permettant pas d'assurer pleinement leur mission de conseil en amont des projets, a de nombreuses conséquences sur les relations des ABF avec les particuliers et les élus.

En effet, le manque de temps et de budget pour se déplacer sur le terrain ou recevoir un porteur de projets recherchant un accompagnement dans la préparation de son dossier77(*) peut conduire à des incompréhensions réciproques, dont ont témoigné tant les auditions menées par la mission d'information que la consultation en ligne. Ce manque de dialogue ne peut cependant être imputé au seul ABF, comme l'indique la Fédération française du bâtiment (FFB) dans sa réponse écrite : « les pétitionnaires ont beaucoup de mal à ouvrir un dialogue constructif avec les ABF dans le cadre du montage de leur projet. Les ABF acceptent rarement la recherche d'un compromis lorsque leurs prescriptions sont totalement bloquantes pour un projet. »

La saturation administrative en raison du nombre de dossiers à traiter et du manque d'effectifs réduit également la disponibilité des ABF pour entretenir un dialogue constructif avec les élus sur leurs différents projets tels que la requalification d'un centre ancien dégradé, la création d'un nouvel SPR, l'entretien et la mise en valeur du patrimoine, notamment les édifices religieux78(*).

2. Une forte inégalité territoriale en matière de protection patrimoniale

La protection patrimoniale souffre d'une inégalité territoriale à deux niveaux.

D'une part, entre communes, certaines, majoritairement dans les zones sous-denses, étant peu dotées en ingénierie et en compétences juridiques, d'autre part, entre départements, certains étant mieux dotés que d'autres en matière d'ABF.

a) Les petites communes rurales en manque d'expertise

Une politique patrimoniale efficiente suppose l'existence d'une ingénierie juridique et technique, nécessaire afin de préserver le bâti ancien historique dans le cadre exigeant de la transition écologique.

Un projet illustre une telle méthode, celui de la nouvelle charte de ravalement des immeubles du Lyonnais. Il a été élaboré en concertation et en collégialité organisée par la collectivité, co-financée par l'État, en faisant intervenir de nombreux acteurs (la fédération du BTP, la CAPEB, des économistes, des administrateurs de biens, l'ordre des architectes, le CAUE, la fondation du patrimoine ...)

L'ensemble des 34 955 communes de France ne dispose cependant pas de toutes les compétences et ressources nécessaires à l'entretien et la valorisation de leur patrimoine79(*). À titre d'illustration, la création et la mise en oeuvre d'un SPR peuvent requérir des ressources financières et humaines substantielles, difficilement mobilisables par les petites communes.

Il appartient ainsi le plus souvent aux services municipaux d'expliquer aux porteurs de projets ce qui est autorisé et ne l'est pas, dans le cadre du règlement du SPR. Or, une grande majorité des petites communes de moins de 4 000 habitants ne disposent pas de personnel technique dédié à la prise en compte du patrimoine, de l'architecture et du paysage, contrairement aux grandes métropoles dotées de services techniques dédiés.

Par ailleurs, au-delà du manque d'accès aux ABF pour dispenser leurs conseils en matière patrimoniale et architecturale, le « problème d'ingénierie dans les petites communes où ni l'élu ni l'agent n'ont nécessairement de compétence en la matière80(*) » peut constituer un frein à l'établissement d'un dialogue en amont avec l'ABF, compte tenu des difficultés techniques à identifier les dossiers d'une complexité particulière.

Ces difficultés techniques sont aussi bien présentes en amont qu'en aval des projets de travaux.

La DGPA alerte sur les difficultés des maires de petites communes pour saisir le préfet de région d'un recours dans le délai de 7 jours prévu par l'article R. 423-68 du code de l'urbanisme : « Une partie des services des DRAC chargés de l'instruction et de la gestion des recours font état, pour les petites communes, de difficultés à formaliser et à transmettre leur recours dans les délais, pour éviter ainsi qu'il soit déclaré irrecevable. Certaines DRAC ont mis en place des fiches pratiques à destination des mairies et des délais plus ou moins longs sont laissés au maire pour transmettre un dossier complet, le cas échéant. »81(*)

La mission d'information estime que ce délai de 7 jours, notamment dans les petites communes, est largement insuffisant pour permettre ou un recours efficace et argumenté, ou un débat serein entre l'ABF et le porteur du projet. Elle préconise donc de porter ce délai à un mois.

Recommandation n° 4 : Faire passer de sept jours à un mois le délai du recours qui peut être exercé contre une décision de l'ABF par l'autorité compétente en matière d'urbanisme.

b) Une inégale répartition géographique des ABF

La répartition géographique des ABF, qui relève de la responsabilité du ministère de la culture, soulève de nombreuses questions dans un contexte de pénurie généralisée du corps et de faiblesse des moyens budgétaires. L'appel récurrent lors des auditions de la mission à davantage de pédagogie et de dialogue avec les ABF doit ainsi être nuancé en fonction des territoires.

Le nombre d'ABF varie ainsi selon les départements, en fonction notamment de la taille de leur population.

Répartition du nombre d'ABF par département

Source : d'après les données du ministère de la culture arrêtées au 1er juin 2024

Dans les trois quarts des départements dotés d'un unique ABF, ce dernier est accompagné de 3 à 6 renforts techniques - ingénieurs des services culturels et du patrimoine et techniciens des services culturels et bâtiments de France. En revanche, un quart d'entre eux bénéficie du soutien d'un seul effectif supplémentaire dans le domaine technique, le plus souvent un technicien des services culturels et Bâtiments de France, comme c'est le cas en Martinique. En Ardèche, l'ABF est assisté par deux soutiens techniques seulement, alors que ce département compte parmi ceux délivrant le plus grand nombre d'avis (3 608 avis pour un vaste territoire de 5 529 km²). Quels que soient les effectifs, et en dehors d'une délégation de signature (voir infra), il faut cependant rappeler que l'ABF doit signer et donc engager sa responsabilité sur l'ensemble des dossiers qui relèvent de sa compétence.

Répartition du nombre de ISCP et TSCBF dans les départements
dotés d'un unique ABF

Source : d'après les données du ministère de la culture arrêtées au 1er juin 2024

Cette inégalité peut être objectivée par l'analyse du nombre d'avis par département.

Répartition régionale selon le ratio « nombre total d'avis/ nombre d'ABF » en 2023

Source : d'après les données du ministère de la culture

Un quart des départements a traité des flux d'avis supérieurs à la moyenne nationale de plus de 2 600 avis : 21 % ont rendu entre 3 000 et 4 000 avis, 7 % entre 4 000 et 5 000 avis et 1 % plus de 5 000 en 202382(*).

Répartition des départements par tranche de ratio « Nombre d'avis/ABF »

 
 

Source : d'après les données du ministère de la culture

Parmi les départements dont le ratio du nombre total d'avis (conformes ou simples) rapportés au nombre d'ABF est supérieur au ratio moyen (ligne verte), se détachent particulièrement l'Eure, la Saône-et-Loire, la Vendée, les Deux-Sèvres, le Nord, l'Yonne, Finistère, la Charente-Maritime, l'Essonne, le Val-d'Oise, l'Allier et le Rhône, comme l'illustre le graphique ci-après.

Départements au ratio « Nombre d'avis/Nombre ABF » supérieur au ratio moyen

Source : d'après les données du ministère de la culture

Ces résultats sont à interpréter à l'aune des effectifs à compétences techniques des UDAP, composés non seulement des ABF mais également d'ingénieurs des services culturels et du patrimoine (ISCP) et les techniciens des services culturels et Bâtiments de France (TSCBF). Ceux-ci peuvent en effet participer à l'instruction des avis, une telle équipe, ABF compris, pouvant aller jusqu'à 15 ETP.

À titre d'illustration, le nombre d'ABF, d'ISCP et TSCBF pour les départements de l'Eure, Saône-et-Loire, Vendée, Deux-Sèvres, Nord, Yonne, l'Essonne, Val-d'Oise et Allier paraissent réduits, comme l'indique le tableau ci-dessous, en dépit de l'important flux d'avis par ABF à traiter.

Répartition des effectifs ABF, ISCP et TSCBF

Région

Département

ABF

ISCP/AI

TSCBF/SA

Total

Nouvelle-Aquitaine

Deux-Sèvres

1

2

1

4

Auvergne-Rhône-Alpes

Allier

1

2

1

4

Bourgogne-Franche-Comté

Yonne

1

1

3

5

Bourgogne-Franche-Comté

Saône-et-Loire

1

2

3

6

Normandie

Eure

1

3

2

6

Île-de-France

Essonne

2

0

4

6

Pays de Loire

Vendée

2

2

2

6

Île-de-France

Val-d'Oise

2

3

2

7

Hauts-de-France

Nord

3

2

2

7

Source : données du ministère de la culture, arrêtées au 1er juin 2024

La situation particulière de l'Île-de-France depuis 2017 confirme les observations de 2023 concernant l'Essonne et le Val-d'Oise. Si Paris et les Yvelines instruisent le plus grand nombre d'actes83(*), la prise en compte du nombre d'ABF dont la mission est de rendre ces actes, conduit à nuancer le précédent résultat.

Évolution en Île-de-France du nombre d'actes sur les demandes d'autorisation d'urbanisme

Source : Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France et Préfet de la région d'Île-de-France

Les ABF du département du Val-d'Oise et de l'Essonne instruisent beaucoup plus d'actes que la moyenne nationale et que les autres départements de la région Île-de-France en 2021.

Évolution du nombre d'actes par ABF dans les départements d'Île-de-France

Source : Direction régionale des affaires culturelles d'Île-de-France et Préfet de la région d'Île-de-France

Si l'ensemble des départements souffre d'un déficit d'effectifs des UDAP, certains en sont plus victimes. Ainsi, 40 % des UDAP ne disposent que d'un ABF, pour couvrir un vaste territoire allant de 609 km²84(*) à 8 575 km²85(*), au patrimoine très varié comptant 56 monuments historiques86(*) jusqu'à 62687(*), tandis que d'autres disposent de 2 à 7 ABF pour des territoires équivalents.

Sans être exhaustif, le graphique ci-dessous met ainsi en évidence l'ampleur des missions de l'unique ABF de l'Eure, l'Allier, la Saône-et-Loire, l'Yonne et le Jura. Ces départements figurent parmi ceux qui détiennent le plus grand nombre de monuments historiques, avec la plus grande superficie et devant traiter un flux d'avis supérieur à la moyenne nationale.

Échantillon de départements au ratio avis/ABF supérieur à la moyenne nationale

Source : d'après les données du ministère de la culture

La répartition des ABF sur le territoire met donc en exergue une inégalité territoriale d'autant plus frappante qu'elle pénalise essentiellement les départements ruraux, qui ne disposent pour la plupart que d'un seul ABF. Lors de l'audition d'Albéric de Montgolfier, la sénatrice Guylène Pantel relevait ainsi : « dans mon département de la Lozère, qui ne compte que 77 000 habitants, nous n'avons qu'un seul ABF, et [qu']il est très débordé. ». La superficie de la Lozère est en effet de 5 100 km², ce qui rend extrêmement difficiles les déplacements de l'ABF pour aller à la rencontre des porteurs de projets.

La présence d'un unique ABF dans un département expose à trois séries de difficultés.

Tout d'abord, elle rend les autorisations d'urbanisme dépendantes d'une unique personne, dont l'absence pénalise fortement la conduite des opérations. Ensuite, elle ne permet pas au sein du service un échange de vues entre collègues disposant d'une même expertise sur les dossiers les plus complexes, une pratique bienvenue et observée par exemple par la mission d'information dans le département du Rhône, qui dispose de trois ABF. Enfin, compte tenu de la taille des départements ruraux et des difficultés de déplacement, elle ne facilite pas la tâche de l'ABF qui doit se déplacer entre des sites parfois distants de plusieurs heures de route.

3. Des instances de dialogue et d'ingénierie encore trop méconnues

En l'absence de services techniques suffisamment dotés et faute de disponibilité de l'ABF, les communes peuvent se reposer sur plusieurs acteurs pour mener à bien la conservation et la valorisation de leur patrimoine : les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE), les agences d'urbanisme, les réseaux d'associations (Petites Cités de Caractère, Sites et Cités remarquables, les Maisons paysannes de France, Sites et monuments, Patrimoine-Environnement88(*),, etc.), les architectes du patrimoine et architectes libéraux, les maîtres d'oeuvre, la Fondation du Patrimoine ou encore la Fédération nationale des agences d'urbanisme (FNAU).

Ces instances de dialogue sont particulièrement appréciées des communes rurales, comme le relève Françoise Gatel, présidente de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation et de l'association Petites cités de caractère : « À quelques rares exceptions près qui ne sont pas la conséquence d'une organisation des institutions, mais plutôt de relations interpersonnelles, le réseau d'acteur UDAP-DDT-CAUE-Associations (PCC, Fondation du patrimoine, Patrimoine et Environnement, etc.) fonctionne très bien et est même très riche car il permet à des collectivités peu dotées en ingénierie de se faire accompagner dans leur projet de valorisation des patrimoines. Le relais État-Associations-CAUE (qu'il faut mettre à part en raison de ses statuts et de ses missions d'intérêt public, et nous pouvons regretter que certains départements n'aient toujours pas de CAUE en 2024) fonctionne très bien et se trouve être assez complémentaire ».

L'audition du Conseil national de l'Ordre des architectes devant la mission89(*) a permis d'échanger sur le dispositif « 1 maire, 1 architecte » visant à fournir aux maires, en particulier ruraux, un appui de professionnels dans la programmation de leurs travaux.

Toutefois, ces instances ne sont pas encore assez utilisées, car parfois trop méconnues.

a) Les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE)

Les CAUE sont des associations à mission d'intérêt public, chargées de promouvoir la qualité de l'architecture, de l'urbanisme et de l'environnement dans 92 départements90(*).

Sans faire de maîtrise d'oeuvre, les CAUE conseillent, forment et sensibilisent en matière d'architecture, d'urbanisme et d'environnement. Pascale Francisco, directrice du CAUE de Charente-Maritime, a ainsi indiqué qu'ils ont vocation à « défendre les particularités des territoires et la qualité du cadre de vie, sachant que chaque territoire représente un terroir avec des matériaux pris sur place ».

Leurs compositions en font des experts « de proximité » qui sensibilisent notamment les particuliers et les élus à la culture de l'architecture pour que les premiers conçoivent de manière appropriée leur demande d'autorisation et que les seconds prennent les décisions appropriées. Les CAUE dispensent des conseils à des tarifs préférentiels et fournissent une ingénierie technique et culturelle aux élus. À cette fin, ils s'appuient sur près de 1 200 collaborateurs pluridisciplinaires : architectes, urbanistes, paysagistes, professionnels de l'image (identité visuelle, webmaster), sociologues et historiens de l'art.

Chaque année, les CAUE fournissent environ 12 000 actions d'accompagnement aux collectivités territoriales et à leurs regroupements, et près de 80 000 conseils à des porteurs de projet, qu'ils soient candidats à la construction, bailleurs sociaux, entrepreneurs ou agriculteurs91(*). Véritables instances de dialogue, les CAUE peuvent dans ce cadre échanger avec les ABF, notamment en cas d'avis défavorable à une demande d'autorisation d'urbanisme.

Les auditions ont révélé que cette aide au diagnostic et à la décision était le plus souvent méconnue des porteurs de projets. De l'aveu de la directrice de la FNCAUE, l'étendue des compétences des CAUE est parfois difficile à appréhender tant ils interviennent dans l'ensemble des champs du cadre de vie et du développement territorial. En outre ils ne sont pas disponibles dans tous les départements. 10 d'entre eux n'en disposent pas, comme les Ardennes, l'Aube et la Marne, en Champagne-Ardenne.92(*) L'absence de CAUE constitue donc une véritable inégalité territoriale.93(*)

La mission d'information juge en conséquence essentiel de mieux faire connaitre l'importance des CAUE et d'en doter les départements encore dépourvus.

Recommandation n° 5 : Améliorer la connaissance du rôle des CAUE par les élus, et en constituer dans les départements qui n'en sont pas encore dotés.

b) Les commissions locales des SPR (CLSPR)

Dans le cas d'un SPR, la commission locale du SPR (CLSPR) peut constituer une aide pertinente pour les communes, notamment en cas de problème d'interprétation entre les services de l'État et ceux de la commune. L'instance est composée de représentants de l'État, de la mairie et de personnes qualifiées. Consultée à chaque étape de la vie du SPR, de sa création à ses modifications, elle en assure la mise en oeuvre. Composée de représentants de l'État, de la commune et de personnes qualifiées, l'ABF en est membre de droit94(*). Néanmoins, les commissions locales des SPR ne sont encore que trop peu sollicitées, notamment en raison de la « lourdeur »95(*) de leur procédure.

c) Des instructions uniformisées, jusqu'à quel point ?

Confrontés aux difficultés d'accès de l'ABF en amont des projets, certains se tournent naturellement vers les instructions, les guides et doctrines afin de tenter d'acquérir si ce n'est une certaine culture, à tout le moins, répondre aux questions concrètes et immédiates sur les contraintes architecturales et patrimoniales d'un projet. Ces documents portent généralement sur les rénovations énergétique et thermique, les fenêtres de toit ou sur l'aspect du parement extérieur de l'immeuble, etc.

Ces informations prennent la forme d'instructions ministérielles ou de guides d'associations ou d'instances patrimoniales. Elles ont été jugées, lors des auditions, comme étant très appréciées et devant se développer.

Conscient de l'intérêt d'une telle documentation, le ministère de la culture a notamment publié une instruction le 9 décembre 2022 relative à l'accélération de la production des énergies renouvelables, complétée par le guide de l'insertion architecturale et paysagère des panneaux solaires de 2023.

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministère de la culture ont depuis engagé plusieurs nouvelles collaborations. Plusieurs travaux en cours ont ainsi été signalés à la mission d'information - certains d'entre eux étant en cours d'aboutissement à l'heure de la publication du présent rapport tandis que d'autres devraient être achevés dans les prochains mois :

- la rédaction d'un guide d'aide à la rédaction de recommandations de travaux pour le DPE et l'audit énergétique, avec l'appui technique et méthodologique du centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) ;

- la construction d'une banque de questions pour l'examen de compétences des diagnostiqueurs immobiliers et des auditeurs énergétiques, et, plus globalement, les actions contribuant au renforcement des compétences attendues des diagnostiqueurs immobiliers et des auditeurs énergétiques pour l'analyse du bâti ancien et/ou patrimonial ;

- la rédaction d'un guide conjoint de bonnes pratiques pour la réalisation de rénovations performantes du bâti ancien, à l'usage notamment des ABF, qui devra notamment traiter des questions relatives à l'isolation thermique et du confort d'été ;

- la cartographie du patrimoine bâti soumis à des mesures de protection, et, plus généralement, le patrimoine bâti présentant une valeur architecturale et patrimoniale, et la caractérisation du nombre de bâtiments et des logements concernés ;

- avec l'ANAH, l'adaptation du parcours d'accompagnement et des aides à la rénovation, avec notamment un focus actuel sur les copropriétés des centres anciens ;

- l'élaboration de propositions pour améliorer et mieux coordonner les dispositifs d'aides à la rénovation pour les bâtis anciens, patrimoniaux ou situés en secteurs protégés ;

- le soutien aux actions de capitalisation de la connaissance sur le bâti ancien (soutien au centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (CREBA), prévu dans le cadre de la programmation 2024 du Cerema).

De nombreuses instances telles que les UDAP, les CAUE, la CAPEB, Sites et Cités remarquables de France96(*) ou Petites cités de caractère97(*) ont également publié des guides ou fiches sur la préservation du bâti ancien en abordant la question des fenêtres, des matériaux, etc.

Si l'utilité de ces outils a été saluée unanimement lors des auditions, la question de leur généralisation au niveau national fait débat. Hormis la mise en oeuvre de normes nationales impératives, il apparaît que des recommandations nationales en matière de préservation du bâti ancien ou de la cohérence architecturale aux abords se heurteraient aux spécificités et problématiques propres à chaque territoire. En revanche, de tels guides à portée nationale peuvent être envisagés aux fins de diffuser des principes généraux de culture architecturale et de philosophie d'intervention.

III. ADAPTER LES MISSIONS DES ABF AUX DÉFIS DE DEMAIN

A. LA RATIONALISATION DU PÉRIMÈTRE DE CONTRÔLE DES ABF, ENCLENCHÉE PAR LA LOI LCAP DE 2016, DOIT PASSER À LA VITESSE SUPÉRIEURE

Les architectes des bâtiments de France sont dotés de pouvoirs propres dans certaines zones du territoire. De par la superficie considérable de ces territoires, d'une part, du caractère discrétionnaire de leurs pouvoirs, d'autre part, des frictions et des incompréhensions peuvent naitre entre les ABF, les élus locaux et les porteurs de projet comme on a pu le souligner.

Dès lors, le législateur a cherché des solutions pour mieux encadrer et sécuriser l'exercice par l'ABF de ce qui apparait parfois comme une forme de « droit de veto », sans remettre en cause le principe de l'accord préalable. La solution retenue a consisté à définir des périmètres géographiques précis, ce qui offre une meilleure prévisibilité tout en soulageant les ABF de travaux inutiles.

Les travaux de la mission d'information ont cependant montré que de nombreuses difficultés pouvaient subsister, aussi bien dans la mise en place de ces zones que dans l'exercice de leurs compétences par les ABF en leur sein.

1. Les zones protégées et le domaine des ABF
a) Trois types d'espace qui obéissent à trois logiques

Au titre de leurs missions de contrôle, le champ d'intervention des ABF s'étend à trois types d'espaces.

Deux de ces espaces procèdent du code du patrimoine.

Ø Les sites patrimoniaux remarquables (SPR)

Aux 844 sites patrimoniaux remarquables (SPR) correspondent des servitudes d'utilité publique instituées par une autorité publique dans un but d'intérêt général.

Mis en place par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (loi « LCAP »), ces SPR se sont substitués aux secteurs sauvegardés, zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP).

L'article L. 631-1 du code du patrimoine les définit de la manière suivante : « Sont classés au titre des sites patrimoniaux remarquables les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public.

« Peuvent être classés, au même titre, les espaces ruraux et les paysages qui forment avec ces villes, villages ou quartiers un ensemble cohérent ou qui sont susceptibles de contribuer à leur conservation ou à leur mise en valeur. »

Dans ces sites, les projets de modification des parties extérieures des immeubles bâtis, des immeubles non bâtis (par exemple, cour ou jardin) et des éléments d'architecture ou de décoration doivent recueillir une autorisation préalable de l'ABF compétent. En fonction du document de gestion élaboré pour assurer la protection du SPR - plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP) ou plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) - les intérieurs peuvent également être soumis au même régime d'autorisation préalable.

Ø Les abords des monuments historiques

Les constructions situées à proximité d'un monument historique sont soumises à des mesures particulières de protection.

La protection au titre des abords peut être assurée de deux façons :

ü dans le cadre d'un périmètre délimité des abords (PDA), en application des articles L. 621-30 et L. 621-31 du code du patrimoine (voir infra) ;

ü en l'absence de PDA, la règle des 500 mètres autour du monument s'applique, à condition qu'il y ait une visibilité réciproque. La visibilité réciproque ou covisibilité signifie que le bâtiment est visible depuis le monument historique, ou que le bâtiment et le monument peuvent être vus ensemble à partir d'un lieu normalement accessible au public. L'appréciation de la visibilité réciproque est de la compétence de l'ABF lors de l'instruction des demandes de travaux.

Les travaux susceptibles de modifier l'aspect extérieur d'un immeuble, bâti ou non bâti, protégé au titre des abords sont soumis à une autorisation préalable de l'ABF. L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur d'un monument historique ou des abords.

Un exemple de transformation d'un avis conforme en avis simple

L'article 56 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi « ELAN ») a transformé l'avis conforme de l'ABF sur tout projet situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques en avis simple pour :

- l'installation d'antennes relais de radiotéléphonie mobile et des locaux nécessaires à leur fonctionnement ;

- les opérations relatives à l'habitat dans des installations insalubres ou impropres (article L. 522-1 du code de la construction et de l'habitation) ;

- les mesures prescrites pour les immeubles à usage d'habitation déclarées insalubres à titre irrémédiable (article L. 1331-28 du code de la santé publique) ;

- les mesures prescrites pour des immeubles à usage d'habitation menaçant ruine ayant fait l'objet d'un arrêté de péril et assorti d'une ordonnance de démolition ou d'interdiction définitive d'habiter (article L. 511-2 du code de la construction et de l'habitation).

On dénombre près de 1 000 SPR98(*) et 45 000 abords de monuments historiques (dont près de 3 000 PDA), correspondant à environ 8 % du territoire français.

Le dernier des espaces protégés procède du code de l'environnement.

Ø Les sites classés et sites inscrits

Le régime des sites est issu de la loi du 2 mai 1930 ayant pour objet de réorganiser la protection des monuments naturels et des sites de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque.

Un site inscrit est un espace naturel ou bâti de caractère artistique, historique, scientifique, légendaire ou pittoresque qui nécessite d'être conservé.

En site inscrit, l'administration doit être informée au moins quatre mois à l'avance des projets de travaux. L'ABF émet un avis simple (article R. 341-9 du code de l'environnement), sauf pour les permis de démolir qui supposent un avis conforme (article R. 425-18 du code de l'urbanisme).

On dénombre 2 665 sites classés et 4 100 sites inscrits (données 2024), qui représentent environ 4 % du territoire français, avec de fortes superpositions de servitudes d'utilité publique entre ces espaces et ceux relevant du code du patrimoine.

b) Une approche en termes de superficie qui ne rend pas compte de l'importance des ABF

Le chiffre de 8 % du territoire a souvent été avancé durant les auditions pour mesurer les zones protégées soumises pour les travaux à un avis de l'ABF. Ainsi, lors de son audition le 28 mars, Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture, a indiqué : « Les UDAP exercent leur activité au sein d'espaces protégés qui couvrent environ 8 % du territoire, selon les dernières données disponibles », tout comme Albéric de Montgolfier, président de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture : « Quand on cumule le périmètre de 500 mètres autour d'un monument classé ou inscrit relevant d'une autorisation pour travaux, les surfaces couvertes par les SPR et les sites naturels classés ou inscrits, 8 % du territoire français sont potentiellement concernés par un avis de l'un des 189 ABF ».

Cependant, cette approche en termes de superficie ne permet d'appréhender qu'imparfaitement le domaine d'intervention des ABF, qui représente en réalité 31,7 % si l'on prend en compte non plus la surface, mais le nombre de logements.

Part des logements inclus dans un périmètre protégé en 2023

Source : « Les logements dans le périmètre de protection patrimoniale »,
Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, février 2024

L'écart entre les 8 % du territoire et la proportion de logements s'explique par le fait que les espaces protégés, et en particulier les abords, sont majoritairement situés dans les zones urbanisées, que ce soit les grandes villes ou bien les centres des villages ruraux, fréquemment occupés par des monuments qui bénéficient d'une protection au titre des abords.

La part de logements protégés augmente ainsi avec la taille de l'unité urbaine, certaines villes étant par ailleurs presque intégralement incluses dans un périmètre de protection comme Paris (94 %), Nancy (89 %) ou Rouen (83 %).

Part des logements dans les périmètres de protection en fonction du statut de la commune

Source : « Les logements dans le périmètre de protection patrimoniale »,
Ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, février 2024

La compétence des ABF s'étend donc sur près d'un tiers des logements du pays99(*).

2. Le PDA : une avancée majeure mais une procédure complexe

Les abords des monuments historiques représentent 70 % de la zone d'intervention des ABF. Ils concentrent donc l'essentiel de l'attention.

Comme on l'a vu dans la première partie du présent rapport, la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU) avait prévu la création d'un zonage plus précis qui transforme la servitude automatique des 500 mètres en un périmètre délimité des abords (PDA).

La loi CAP de 2016 a eu pour objectif de simplifier et moderniser ce dispositif en unifiant des procédures jugées comme trop complexes.

Depuis 2016, il est donc possible de mettre en place un périmètre délimité des abords (PDA) autour d'un ou de plusieurs monuments historiques, à l'occasion de l'élaboration, de la révision, de la modification d'un document d'urbanisme (PLU ou PLUi), lors du classement d'un monument historique, ou bien à tout autre moment. La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (loi ELAN) a modifié l'article L. 621-31 du code du patrimoine en permettant à l'autorité compétente de proposer la création d'un PDA, prérogative auparavant réservée à l'ABF.

Les procédures sont similaires, en imposant notamment le recours à une enquête publique. Dans une procédure via document d'urbanisme, l'enquête publique est mutualisée et porte à la fois sur ledit document et sur le projet de PDA.

L'article R. 621-92-1 du code du patrimoine impose que le préfet, préalablement à l'inscription d'un immeuble, saisisse l'ABF et informe l'autorité compétente afin qu'ils proposent, le cas échéant, un PDA. Il est toutefois possible, en cas de désaccord entre l'ABF et l'autorité compétente, de créer le PDA par arrêté du préfet de région, après examen en CRPA, lorsque le périmètre ne dépasse pas le rayon de 500 mètres.

Le PDA est souvent présenté comme une avancée majeure pour l'apaisement des tensions au niveau local, et ce pour deux raisons :

ü d'une part, son élaboration est l'occasion d'un dialogue entre toutes les parties prenantes, à commencer par les élus et l'ABF, ce qui offre à chacun l'opportunité de mieux appréhender les problématiques spécifiques aux territoires et à la protection du patrimoine paysager aux alentours d'un monument historique ;

ü d'autre part, et une fois mis en place, le PDA réduit la zone d'intervention aux emplacements où la covisibilité fait consensus.

L'exemple suivant de PDA est tiré du déplacement effectué par la mission d'information à Lyon le 11 juillet 2024. Il concerne l'îlot prototype de la Cité des États-Unis, conçu par l'architecte Tony Garnier et situé dans le 8ème arrondissement de la ville.

La protection initiale :
un cercle de 500 mètres autour de l'îlot

Périmètre délimité des abords défini en 2024

 
 

La mise en place en 2024 du PDA a permis de réduire sensiblement les zones concernées par l'avis conforme, en concentrant l'action de l'ABF sur la cité des États-Unis.

Ces arguments sont ainsi repris lors de son audition du 28 mars 2024 par Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture : « Les PDA permettent un dialogue nourri entre l'ABF et les collectivités pour délimiter des périmètres de manière très fine. C'est un travail de dentelle, qui nécessite des crédits d'études, mais c'est l'avenir ! Cette concertation permet de mieux faire accepter les décisions des ABF. J'ai en tête un PDA dans les Alpes-Maritimes qui a apaisé les tensions locales. »

3. Innovation prometteuse, le PDA souffre cependant de deux limites

S'il apparait comme une innovation essentielle et appréciée, le mécanisme des PDA souffre cependant de deux limites.

a) Première limite : une massification qui se fait attendre

L'idée principale de la loi CAP était de permettre la création d'un grand nombre de PDA, vus comme des occasions de rationnaliser l'exercice de ses pouvoirs par l'ABF. Depuis 2016, le nombre de PDA a ainsi été multiplié par trois. Cependant, si l'on note une accélération ces dernières années, avec un quasi-doublement entre 2020 et 2022, les résultats s'avèrent encore décevants, avec seulement 6,5 % des monuments historiques dotés d'un PDA fin 2022.

On observe par ailleurs de très fortes différences entre départements. Seuls un tiers d'entre eux a mis en place plus de 25 PDA, avec des écarts importants.

Il ressort des retours des DRAC et des UDAP qu'il est rarement créé de PDA simultanément à la protection d'un immeuble au titre des monuments historiques. Le recours à la procédure portée par l'ABF est rare et semble réservé à des monuments emblématiques, lorsque le document d'urbanisme a déjà fait l'objet d'une révision ou d'une modification.

La procédure la plus utilisée est donc celle via document d'urbanisme, qui permet de mutualiser l'enquête publique. Les résultats de l'enquête mise en ligne par la mission d'information à destination des élus locaux confirment largement la rareté de la mise en place d'un PDA de manière isolée. Ainsi, parmi les répondants, 65 % des PDA ont été institués à l'occasion de la création ou de la révision du PLU, 28 % lors du classement d'un monument historique, seuls 7,6 % de manière isolée.

Les modalités de mise en place d'un PDA sont cependant largement décriées pour leur complexité et leur lourdeur, comme de nombreux témoignages ont pu le souligner devant la mission d'information. Ainsi, pour Albéric de Montgolfier le 3 avril : « Je vous confirme que la création des PDA est un processus assez lourd, qui mobilise beaucoup les communes. »

Le président de l'Association nationale des ABF, Fabien Sénéchal, entendu le 14 mai, abonde en ce sens : « S'agissant de la complexité de l'élaboration des PDA, le problème ne vient pas tant de la complexité de concevoir un PDA, car sauf à quelques exceptions près, créer un PDA demande une analyse historique et patrimoniale abordable par nos services ou par n'importe quel bureau d'étude. La difficulté porte plutôt sur la procédure administrative. Par exemple, en 2012, en Bretagne, nous avions commandé une étude pour concevoir 70 périmètres de protection modifiée (PPM, procédure antérieure aux PDA), que nous avons en réalité réalisés à 10 % en raison d'un achoppement sur les procédures administratives. Nous ne pouvons plus nous appuyer sur les préfectures ou sur les directions départementales des territoires (DDT), car elles nous renvoient à nos propres responsabilités. » De même Hilaire Multon, directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France et membre du bureau de l'association des DRAC, indiquait le 14 mai : « Les PDA sont particulièrement lourds, car ils nécessitent une enquête publique et la sollicitation des élus à travers les assemblées délibérantes, ce qui se fait sur un temps long. »

Alors que la loi de 2016 avait pour objectif de « massifier » les PDA, force est de constater qu'elle n'y est que partiellement parvenue. Lors de son audition le 7 mai, Michel Bouvard, conseiller maitre à la Cour des comptes, indiquait : « [...] les PDA ont été créés par la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), sans qu'on en tire les conséquences pour qu'ils s'appliquent dans un délai raisonnable. [...] Le passage au PDA permettrait d'améliorer la sécurité juridique et de traiter prioritairement les secteurs aux plus forts enjeux patrimoniaux. Cela justifierait, temporairement, une procédure déconnectée du lien avec la révision ordinaire des documents d'urbanisme. Lors de la publication du rapport, sur 45 000 monuments historiques, il n'y avait que 1 500 PDA actifs. »

Le fait que le PDA soit la plupart du temps créé en même temps que la révision des PLU et PLUi, mais beaucoup plus rarement de manière isolée, montre que la complexité de la procédure et son coût, essentiellement celui de l'enquête publique évalué entre 10 000 et 15 000 euros, pèsent au regard de nombreux élus d'un poids supérieur aux bénéfices attendus.

b) Seconde limite : un contenu encore incomplet

Si le PDA apparait comme un élément essentiel et un outil éprouvé dans la simplification de la gestion des documents d'urbanisme et des autorisations, il n'en demeure pas moins en l'état incomplet.

En effet, au sens strict du terme, il ne règle que la question, certes centrale, de la covisibilité. Le PDA permet de répondre une bonne fois pour toutes, sur un territoire, à la problématique toujours source de conflits de savoir si l'accord de l'ABF est nécessaire dans tel ou tel endroit, au regard de ce critère. Avec un PDA, la question ne se pose plus : en dehors du PDA, l'avis de l'ABF n'est pas requis, dans le PDA, il est obligatoire, la covisibilité étant acquise.

Cependant, au sein d'un PDA, l'ABF exerce sa compétence en appréciant au cas par cas la compatibilité des travaux proposés avec la préservation du cadre patrimonial. Privé de lignes directrices, l'ABF peut ainsi être exposé, comme on a pu le souligner, à des accusations sur le sens de ses décisions qu'il n'a pas nécessairement le temps, compte tenu de leur nombre, d'expliquer avec précision, d'où des tensions dans les territoires. Le PDA constitue donc un début de solution, mais ne s'avère à l'usage pas toujours suffisant, faute de précisions quant à son contenu.

Le modèle souvent évoqué lors des auditions tenues par la mission d'information a été celui des documents d'accompagnement des sites patrimoniaux remarquables (SPR).

Innovation de la loi CAP de 2016, le SPR est en effet, à la différence du PDA, assorti de règlements qui permettent de préciser les attendus des travaux dans le site. Le SPR doit en effet être accompagné :

Ø pour tout ou partie par un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV). Il doit comporter une commission locale du site patrimonial remarquable (CLSPR), composée de représentants locaux, de l'État et d'associations. La commission est consultée au moment de l'élaboration, de la révision ou de la modification du PSMV et assure le suivi de sa mise en oeuvre après son adoption ;

Ø pour les zones non couvertes par le PSMV, par un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine (PVAP), qui correspond aux anciennes zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine (AVAP), qui ont été intégrés au sein de la catégorie des SPR par la loi CAP de 2016.

Les règlements des PSMV et des PVAP diffèrent sur trois points :

ü tout d'abord, dans leurs modalités d'adoption.

· La procédure d'adoption du règlement du PSMV, définie à l'article R. 313-7 du code de l'urbanisme, associe les collectivités, l'État et l'ABF qui, en application de l'article L. 631-3 du code du patrimoine, « veille à la cohérence du projet de plan avec l'objectif de conservation, de restauration, de réhabilitation et de mise en valeur du site patrimonial remarquable ». Les délais peuvent donc s'avérer extrêmement longs. Lors de l'audition de la Cour des comptes le 7 mai 2024, Anne Le Lagadec, conseillère référendaire en service extraordinaire, mentionne ainsi un exemple particulièrement frappant : « Il serait également important de faire aboutir la réforme des sites patrimoniaux remarquables (SPR), qui est l'un des éléments de la loi LCAP. Tous les sites relevant des anciens dispositifs de protection et de valorisation des espaces urbains et paysagers devraient être transformés en SPR, mais comme il faut repasser par la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA) pour redélimiter les périmètres, cela se fait à un rythme d'escargot. Dans beaucoup de secteurs, le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV) est très long à aboutir. Celui de Tréguier a été mis en chantier en 1964 et n'est toujours pas adopté, à ma connaissance100(*) ».

· Le règlement du PVAP, pour sa part, est adopté en application de l'article L. 631-4 du code du patrimoine par la collectivité, ce qui lui donne plus de souplesse.

Dans les deux cas, une enquête publique est requise.

ü Ensuite, dans leur nature. Le PSMV se substitue au PLU sur la zone concernée. Simple annexe au PLU, le PVAP ne possède pas de portée en termes de planification urbaine.

ü Enfin, dans leur contenu. Il est pour partie identique et défini à l'article L. 631-4 du code du patrimoine. Il doit en particulier comprendre des prescriptions relatives à la qualité architecturale des constructions neuves ou existantes, notamment aux matériaux ainsi qu'à leur implantation, leur volumétrie et leurs abords, et des règles relatives à la conservation ou à la mise en valeur du patrimoine bâti et des espaces naturels ou urbains. L'article R. 313-5 du code de l'urbanisme complète cependant le règlement du PSMV, qui peut également comprendre des prescriptions sur la protection des intérieurs et sur les démolitions.

Le PVAP s'avère donc moins prescriptif que le PSMV.

En réponse à une interrogation du rapporteur, Julien Lacaze, président de Sites & Monuments (SPPEF), établissait ainsi devant la mission d'information le 21 mai 2024 une forme de « gradation » de la protection patrimoniale : « ... on observe une gradation des instruments de protection à disposition : le simple concept d'abords, le PDA, le plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine, qui protège les façades, et le plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), créé par Malraux, qui permet de protéger aussi les intérieurs et de reconquérir la pleine terre, en éliminant des bâtiments parasites. »

Ces règlements constituent un « guide » pour l'ABF lors de l'élaboration de ses avis, et améliorent leurs prévisibilités. Lors de son audition devant la mission d'information le 10 avril 2024, David Nicolas, référent patrimoine de l'Association des maires de France (AMF), maire d'Avranches et président de l'agglomération du Mont-Saint-Michel Normandie indique ainsi : « J'insiste sur le SPR. Le règlement est difficile à construire, mais, au même titre qu'un plan local d'urbanisme, c'est un bel objet. L'approche est très locale. Le règlement prend en compte toutes les composantes du patrimoine, quasiment à l'échelle de la parcelle. Une fois le diagnostic posé, le règlement emporte le consensus ».

En leur absence, l'ABF est mobilisé pour l'intégralité du SPR.

La différence entre un PDA qui ne règle « que » la question de la covisibilité et le SPR assorti d'un PSMV a été soulignée à de nombreuses reprises. Martin Malvy, président de Sites & Cités remarquables de France notait ainsi devant la mission d'information le 15 mai 2024 : « Le PDA me semble être une formule relativement risquée dans sa conception actuelle. En effet, aucun règlement ne lui est pour l'instant rattaché, au contraire du SPR, ce qui fait sa force. Un règlement permet un arbitrage, dont l'absence peut être une occasion supplémentaire de conflit, d'opposition ou d'incompréhension. »

Il existe donc un consensus sur le fait qu'un règlement adossé à une zone protégée, SPR ou PDA, facilite la gestion de l'instruction par l'ABF de ses avis, et améliore leur prévisibilité. L'Association nationale des ABF propose ainsi dans sa contribution écrite à la mission d'information d'« adosser les PDA à une démarche règlementaire portée par le PLU ou, à défaut, à un « guide indicatif » pouvant servir à la fois au demandeur et à l'ABF pour analyser les projets ». Cette position est également défendue par la Cour des comptes à travers l'intervention de Michel Bouvard : « L'ensemble des autorisations évoquées - fenêtres, velux, huisseries, etc. - nous ramène à la question des PDA. [...] comme le met en avant le rapport, on pourrait prévoir un document d'accompagnement, comme cela se fait déjà pour les secteurs sauvegardés. Le maire serait alors automatiquement en mesure de se prononcer sur la conformité ou non de certains projets. »

4. L'an II des PDA

Les PDA sont donc confrontés à un double défi : celui de leur massification, attendue depuis 2016, d'une part, et celui de leur contenu à élargir à d'autres problématiques que la covisibilité, d'autre part. La mission d'information a cherché à concilier ces deux exigences, sans imposer de nouvelles contraintes aux élus locaux, mais plutôt avec le souci d'alléger les procédures et de redonner aux collectivités une capacité d'initiative et de dialogue. Huit ans après l'adoption de la loi CAP, il est en effet temps d'en tirer les enseignements pour parfaire la politique française de protection des abords.

a) Faciliter l'adoption des PDA

Il parait essentiel de susciter les conditions permettant aux promesses de massification de la loi CAP de 2016 de voir le jour.

Cela passe en priorité par un allègement des procédures et des coûts, afin de faciliter la création de PDA en dehors de la révision des documents d'urbanisme.

Le premier verrou semble être l'enquête publique, actuellement obligatoire. Albéric de Montgolfier, président de la CNPA, notait ainsi devant la mission d'information : « Il reste que l'établissement d'un PDA requiert un investissement de la commune, et l'on comprend que la réalisation d'une enquête publique implique un coût administratif lourd pour les petites communes ». Sur le même sujet, la vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes et architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France, Marjan Hessamfar, indiquait également : « Je ne vois pas en quoi une enquête publique aiderait à délimiter le périmètre, la question est très pointue, il faut de l'expertise. L'avis de la population, qui est une somme d'intérêts particuliers, va, me semble-t-il, comme parasiter une réflexion construite sur le périmètre. »

Ce sujet a été très discuté durant les auditions, certains l'estimant nécessaire au regard de la garantie démocratique qu'elle représente. Il pourrait par ailleurs poser des difficultés juridiques. Pour autant, et tant que le PDA demeure limité au rayon des 500 mètres, on peut remarquer qu'il ne crée pas de nouvelles servitudes, mais au contraire les réduit par rapport au périmètre par défaut.

La suppression de l'enquête publique est ainsi notamment soutenue par les associations nationales des ABF et des DRAC, comme l'indiquait devant la mission d'information son président Laurent Roturier : « Nous croyons fortement que les PDA constituent une très bonne solution pour supprimer les différents conflits survenant autour de la notion de périmètre de 500 mètres. Nous avons d'ailleurs une proposition très simple à mettre en oeuvre et qui aura immédiatement un effet, à savoir la suppression de l'obligation d'enquête publique lorsque le PDA est inférieur au périmètre des 500 mètres. »

Recommandation n° 6 : Quand la création d'un périmètre délimité des abords (PDA) n'est pas réalisée simultanément à l'élaboration, à la modification ou à la révision du PLU, supprimer l'obligation de conduire une enquête publique figurant à l'article L. 621-31 du code du patrimoine.

Un autre axe de simplification pourrait être de supprimer la consultation obligatoire des propriétaires de monuments historiques.

En effet, si l'enquête publique existe, le propriétaire a déjà un espace pour s'exprimer. De plus, il n'est en réalité pas concerné par le PDA, qui s'intéresse non pas au monument en lui-même, mais à ses abords. Donner au propriétaire du monument une voix particulière par rapport aux riverains soumis, eux, à la servitude d'abords, apparait dès lors inéquitable et source de lourdeurs. Ainsi Fabien Sénéchal, président de l'ANABF, indique : « La procédure administrative de PDA demande que le propriétaire du monument historique soit consulté, indépendamment de l'enquête publique dans le cadre de laquelle il peut s'exprimer. La plupart du temps, cela ne pose pas de problème, mais des difficultés apparaissent en cas de copropriété, ce qui conduit à de réelles fragilités juridiques. »

Recommandation n° 7 : Supprimer, dans la procédure de création d'un PDA, la consultation obligatoire du propriétaire ou de l'affectataire domanial du monument historique concerné.

Il n'en reste pas moins que le coeur du problème demeure la volonté des élus locaux de s'emparer de cette question et d'y consacrer du temps, ce qui n'est pas toujours possible au regard de la complexité de leurs missions, en particulier dans les plus petites communes faiblement pourvues en services techniques spécialisés.

b) Faire du PDA un outil plus adapté et complet

Dès lors, et sans que cela ne puisse constituer une obligation, il convient d'inciter les collectivités à mettre en place un règlement attaché à chaque PDA, élaboré en concertation avec l'ABF et qui aurait vocation à définir une forme de « règle du jeu » dans la zone considérée. De telles initiatives ont par ailleurs déjà été prises, mais sans cadre d'ensemble.

Il ne parait à ce stade pas opportun, comme dans les PSMV et PVAP, de donner une liste exhaustive des éléments qui doivent y figurer, mais plutôt de laisser cette question ouverte au dialogue entre les élus et l'ABF.

Cette démarche est complémentaire de celle portée par Françoise Gatel, qui indiquait le 15 mai devant la mission d'information : « Sur la base du volontariat des communes, nous proposons que soit annexé au plan local d'urbanisme (PLU) un document « d'urbanisme patrimonial ». Ce document serait élaboré en amont avec les habitants, les ABF et les artisans afin de déterminer, au sein de la commune, le périmètre et les actions à engager sur le patrimoine, rue par rue. »

Des leçons doivent cependant être tirées des délais observés dans l'élaboration des PSMV dans les SPR. La procédure d'élaboration de l'adoption du règlement d'un PDA ne doit ni constituer un frein susceptible de retarder encore leur massification ni s'imposer comme un carcan dont il serait difficile de s'extraire. Ainsi Vincent Joineau, maire de Rions, pour l'Association des maires ruraux de France (AMRF), notait devant la mission d'information le 10 avril : « La capacité des règlements à intégrer les nouveaux besoins de construction pose également une difficulté [...] Pour ne prendre que l'exemple de ma commune, le règlement date de 2009. La société a fortement évolué depuis. Or, la modification de la ZPPAUP représenterait une dépense de 100 000 euros pour ma commune. Nous ne pouvons donc pas la faire évoluer tous les trois ans. Comment dépasser le règlement ? Comment l'actualiser plus régulièrement tout en préservant la qualité paysagère de notre territoire ? Je ne connais aucun maire qui souhaite altérer la qualité paysagère de sa commune, mais nous avons besoin d'outils pour répondre à des situations auxquelles nous ne pensions pas lorsque le règlement a été construit. Se pose ensuite la question du règlement, très lourd à produire et à faire évoluer. Une souplesse ne pourrait-elle pas être trouvée pour le modifier sans passer par des processus complexes ? [...] Nous devons y apporter de la plasticité ».

Pour autant, il parait difficile de faire l'économie, pour la réalisation de ce règlement du PDA, de l'enquête publique que la mission propose de supprimer pour la création du PDA. Le séquençage serait donc laissé à l'initiative des élus :

Ø le PDA au sens strict pourrait être pris sans enquête publique, donc plus rapidement et à moindre coût, ce qui permettrait de le massifier pour régler a minima la question de la covisibilité ;

Ø il pourrait être complété d'un « règlement du PDA », pris après enquête publique, cette dernière pouvant être confondue avec celles déjà prévues par le code de l'urbanisme pour l'élaboration, la révision ou la modification du PLU ou PLUi, ce qui est d'ores et déjà très largement le cas pour l'adoption d'un PDA. Le contenu de ce document devrait faire l'objet d'un accord entre l'ABF et la collectivité.

La présence d'un règlement du PDA devrait permettre de répondre aux principaux reproches adressés aux ABF, en complément des éventuels guides ou circulaires nationaux, comme sur les panneaux photovoltaïques.

Recommandation n° 8 : Encourager les élus locaux à adopter un règlement du PDA, en lien avec l'ABF et après consultation de la population dans le cadre d'une enquête publique réalisée de préférence à l'occasion de l'élaboration, de la révision ou de la modification des PLU et PLUi.

B. POUR UNE APPROCHE MIEUX HIÉRARCHISÉE, TRANSPARENTE ET COLLÉGIALE

L'adaptation des ABF aux défis de demain passe en deuxième lieu par la rationalisation de l'exercice des missions et des compétences qui leur sont dévolues. Les contraintes pesant sur les moyens humains des UDAP, dont on peut raisonnablement penser qu'elles perdureront sur le court et le moyen terme, appellent en effet à repenser les modalités de l'accomplissement de leurs missions, qui doivent être mises en oeuvre avec davantage de pertinence et d'efficience.

Trois orientations se sont à ce titre dégagées des travaux conduits par la mission d'information : la mise en adéquation des missions exercées par les ABF avec l'évolution de leurs effectifs ; une plus grande transparence de leur démarche et de leurs travaux, qui permettra d'améliorer la prévisibilité de leurs avis et ainsi de limiter les allers-retours, voire les conflits chronophages avec les pétitionnaires ; la diffusion d'une approche collégiale.

1. Adapter les missions des ABF à l'évolution de leurs effectifs

Un consensus s'est dégagé au cours des auditions sur le fait que les ressources aujourd'hui très limitées en temps et en effectifs des UDAP devaient être allouées en priorité aux champs d'action dans lesquels elles sont les plus pertinentes. Deux pistes paraissent particulièrement intéressantes à ce titre : la hiérarchisation des missions confiées aux ABF et aux UDAP, qui doit être définie dans le cadre d'une stratégie tenant compte des priorités nationales comme des enjeux locaux ; le retrait de la sécurisation des cathédrales du champ de compétences des ABF.

Il est cependant probable que ces évolutions ne suffiront pas à compenser le décalage croissant entre les effectifs des UDAP et l'alourdissement de leurs tâches, et qu'elles devront donc être accompagnées de mesures visant à renforcer leurs effectifs.

a) Vers une meilleure hiérarchisation des missions confiées aux UDAP

La nécessité de mieux hiérarchiser les missions confiées aux UDAP a été évoquée par la plupart des acteurs entendus par la mission d'information, qui ont notamment regretté que l'extension progressive des tâches confiées aux ABF et l'accroissement concomitant du nombre des dossiers d'urbanisme qui leur parviennent se fassent au détriment de leurs missions de conservation et de conseil. Ce constat est partagé par le ministère, et plusieurs démarches engagées par la DGPA du ministère de la culture au cours des dernières années témoignent d'une volonté de redéfinition stratégique des missions confiées aux ABF.

(1) Un gain de temps administratif grâce au déploiement de l'outil Patronum

La généralisation dans les UDAP de l'application Patronum101(*), qui permet l'instruction dématérialisée des demandes d'autorisation d'urbanisme, en est une première illustration. Outre qu'il contribue à la modernisation du traitement des dossiers d'urbanisme au bénéfice des pétitionnaires, notamment par le renforcement de l'accessibilité des services et de la traçabilité des demandes déposées tout au long de la procédure, son déploiement permet en effet aux ABF de réduire le temps passé au traitement matériel et administratif des dossiers, notamment grâce à la simplification des opérations de transmission et de suivi qui en résulte.

Après des « débuts difficiles », selon les termes employés par la DGPA, ce déploiement est aujourd'hui en voie d'achèvement : 92 % des instructions de demandes d'autorisation de travaux sont effectuées en UDAP via Patronum, et 73 % des dossiers sont traités de manière dématérialisée de bout en bout par les UDAP - l'écart entre ces deux données s'expliquant par le fait que certaines collectivités ne se sont pas engagées dans la dématérialisation des démarches d'urbanisme.

Lors de son déplacement à Lyon, la mission d'information a pu constater que l'utilisation de Patronum y était généralisée à l'ensemble des dossiers traités, à la grande satisfaction des différents personnels de l'UDAP.

Nonobstant ces bénéfices, la mise en oeuvre du traitement dématérialisé n'aurait cependant que de faibles conséquences directes sur la charge de travail des ABF102(*), et ne saurait donc constituer une réponse au niveau des enjeux.

(2) Un coeur de métier à redéfinir

• À la demande de la ministre de la Culture Rima Abdul-Malak, qui avait souhaité engager une réflexion sur les moyens permettant d'optimiser et de conforter le travail des ABF en tenant compte des nouveaux défis sociétaux et des attentes parfois contradictoires des agents, des acteurs locaux et des usagers, la DGPA a mis en place à l'été 2023 un groupe de travail relatif aux missions des UDAP, évoqué à plusieurs reprises supra.

Ce groupe de travail, qui a réuni une trentaine de personnes (parmi lesquelles des représentants de la DGPA, de l'Inspection générale des affaires culturelles - IGAC -, des DRAC, de l'ANABF et du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires), était en particulier chargé d'élaborer un plan d'action identifiant des « pistes de hiérarchisation de leurs missions ». Ses premières conclusions, qui comprenaient un état des lieux partagé de la situation des UDAP assorti d'un plan d'action déclinant 65 propositions d'évolution, ont été présentées en décembre 2023 à Rima Abdul-Malak ; ces échanges ont permis d'identifier neuf actions prioritaires à mettre en oeuvre pour remédier aux difficultés rencontrées par les UDAP dans l'accomplissement de leurs missions.

• Deux de ces actions prioritaires visent à permettre aux ABF et aux UDAP de « se recentrer sur [leur] coeur de métier » : il s'agit d'établir un « cadre national stratégique des conditions d'exercice des missions des UDAP », puis de le décliner au sein de chaque DRAC au travers d'une stratégie régionale. L'établissement de ce cadre stratégique suppose l'identification des enjeux prioritaires de la politique architecturale nationale ainsi que des pratiques associées. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture, a ainsi relevé au cours de son audition qu' « un énorme travail de revue des missions des ABF doit être réalisé. Cela a été remarquablement fait en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, où chaque DRAC a réuni les ABF pour hiérarchiser leurs missions ».

Ces grandes orientations se traduiraient par un « renforcement du coeur de métier des UDAP », qui doivent « recentrer leur action vers un meilleur accompagnement des politiques publiques en matière de transition écologique, de revitalisation des centres-villes, de restauration des quartiers anciens dégradés et de mise en valeur des sites patrimoniaux ». Leur mise en oeuvre se traduirait par un rééquilibrage et une priorisation de leurs modalités d'exercice. Le groupe de travail relève à cet égard que si l'instruction des dossiers d'urbanisme est la mission la plus attendue et la plus visible des UDAP, celles-ci doivent développer à cet égard une « démarche sélective » leur permettant de se concentrer sur les dossiers à fort enjeu - l'importance des enjeux étant évaluée au regard de la nature des travaux envisagés, de la sensibilité des secteurs concernés et du lien avec les politiques publiques. Il s'agirait en pratique de réduire le temps consacré à l'instruction des autorisations d'urbanisme par un allègement du traitement des dossiers courants ou de moindre impact, notamment par le biais d'une extension de la pratique de la délégation de signature.

• Cette évolution suppose également l'achèvement des textes réglementaires encadrant les compétences des UDAP. La fusion des UDAP au sein des DRAC en 2010 s'est en effet traduite, sur le plan juridique, par une fusion des dispositions du décret n° 79-180 du 6 mars 1979 instituant les services départementaux de l'architecture et du patrimoine (SDA) dans le nouveau décret n° 2010-633 du 8 juin 2010 relatif à l'organisation et aux missions des DRAC. La signature de ce décret avait été précédée par une instruction n° 5399/SG du 1er juillet 2009 relative à l'organisation des nouvelles DRAC, qui renvoyait à une future « annexe spécifique » sur la précision des missions des UDAP dans ce nouveau contexte.

Cette annexe spécifique n'a cependant toujours pas été adoptée, ce qu'exprime la DGPA en ces termes : « Ce travail reste à faire, pour clarifier et réaffirmer l'étendue des missions des UDAP [...]. Il s'agit de repréciser leurs compétences propres ou partagées, ainsi que le cadre d'exercice de ces missions en lien avec les autres services des DRAC. Ce cadre à reformuler, presque 15 ans après la fusion avec les DRAC, devra également affirmer les grandes priorités d'actions des services ».

• Il apparaît donc urgent de procéder enfin à cette précision du champ de compétences et des missions des UDAP par voie réglementaire, et de définir dans le même temps une stratégie nationale permettant de guider le rééquilibrage et la priorisation de leurs modalités d'exercice au regard des nouveaux enjeux de politique publique.

Recommandation n° 9 : Définir et hiérarchiser les missions des UDAP en annexe au décret n° 2010-633 du 8 juin 2010, conformément aux orientations prises dans l'instruction n° 5399/SG du 1er juillet 2009.

Recommandation n° 10 : Identifier les priorités d'action des UDAP dans le cadre d'une stratégie nationale déclinée au niveau local par chaque DRAC.

b) Détacher la sécurisation des cathédrales de la mission de conservation assurée par les ABF

On l'a vu, un consensus a été dégagé au cours des auditions sur le fait que l'intervention des ABF était rendue sinon « impossible », selon le terme employé par Albéric de Montgolfier, du moins très difficile par l'ajout régulier, par voie législative comme par voie réglementaire, de nouvelles responsabilités dans le périmètre de leurs missions. Il en a en effet résulté un alourdissement progressif, aujourd'hui difficilement soutenable, des tâches qui leur sont confiées. Parmi les responsabilités qui leur ont récemment été attribuées, celle de la sécurisation des cathédrales apparaît comme celle qui fait le moins partie du coeur de métier des ABF, et qui en est dès lors la plus détachable.

Si le rapport de la Cour des comptes précité a pointé le risque d'« [accaparement] » des ABF par cette mission de cette sécurisation, au détriment de leurs autres tâches et notamment de leur fonction de conseil, l'enjeu n'est ici pas seulement de libérer du temps à allouer à ces autres missions. Il s'agit également de garantir que cette mission de sécurisation essentielle, et sur laquelle on ne peut transiger puisqu'il s'agit d'assurer la sécurité du public en même temps que l'intégrité des monuments, soit remplie avec les moyens adaptés et parvienne effectivement à son objectif. Or, son accomplissement suppose la mobilisation de compétences techniques très spécifiques, qui relèvent davantage d'ingénieurs ou de spécialistes de la sécurité que des ABF. La Cour des comptes a indiqué en ce sens que les ABF, qui ne sont pas formés à ces problématiques ciblées, se trouvent « démunis » pour répondre à leurs nouvelles obligations réglementaires, tandis que Laurent Roturier a évoqué des « compétences qui les dépassent ». Le rapport de la Cour précité relevait plus précisément que « la compétence sur les sujets de sécurité, alarme, circuits électriques, incendie ne fait pas toujours l'objet de formations appropriées » et que « les ABF peuvent être domiciliés très loin des édifices religieux dont ils sont les RUS, ce qui rend leur astreinte peu opérante ».

Plusieurs des acteurs auditionnés ont en conséquence plaidé pour une dissociation, en matière de gestion patrimoniale des cathédrales, des fonctions de conservation et de sécurisation, cette dernière fonction devant être exercée par un responsable unique de sécurité (RUS) spécifiquement compétent et ayant une connaissance exhaustive des règles, des techniques et des procédures applicables.

Les solutions mises en oeuvre en application du plan « sécurité cathédrales » vont d'ailleurs dans le sens d'une adjonction de compétences spécialisées aux UDAP pour assurer cette mission de sécurité et de sûreté. La huitième proposition du groupe de travail relatif aux missions des UDAP, qui porte sur le « [rééquilibrage de leurs] missions administratives, scientifiques et techniques », vise également à « déployer l'appui et les moyens nécessaires au renforcement de l'expertise technique en matière [...] de sécurité des cathédrales ».

Ce renforcement passe aujourd'hui par le recrutement par les DRAC d'assistants à maîtrise d'ouvrage (AMO) venant en soutien des ABF pour deux jours et demi par mois et par cathédrale. Cette solution a cependant ses limites : au-delà du problème de la continuité de la mission de sécurisation posé par ce mode de fonctionnement, qui ne permet pas de régler la question des astreintes indispensables à l'exercice de la mission de RUS, le rapporteur relève que depuis la fin de l'année 2023, cinq AMO seulement ont ainsi pu être recrutés, ce qui ne permet de couvrir à ce jour que 25 des 87 cathédrales du territoire français.

La mission d'information estime en conséquence que la mission de sécurisation des cathédrales, qui s'insère mal dans le champ des compétences des ABF et dont l'exercice dans le cadre des UDAP n'apporte pas de bénéfice particulier, doit en être retirée pour être exercée par un RUS expert. Albéric de Montgolfier a évoqué à ce propos la possibilité de la mutualiser avec d'autres missions de sécurisations effectuées par le centre des monuments nationaux (CMN) ou d'autres services de l'État ou des collectivités.

Recommandation n° 11 : Retirer la mission de sécurisation des cathédrales du champ de compétences des ABF.

c) Renforcer l'attractivité du métier d'ABF afin de préserver une expertise de haut niveau sur le long terme

Cette rationalisation du cadre d'exercice des missions des ABF, pour indispensable qu'elle soit, ne permettra pas de compenser entièrement l'effet de ciseaux observé depuis plusieurs années entre l'évolution de leurs effectifs et celle des missions qui leur sont affectées103(*), notamment en ce qui concerne le traitement des dossiers d'urbanisme qui leur parviennent en nombre croissant.

Comme on l'a vu, cet écart grandissant pourrait être aggravé au cours des prochaines années sous l'effet du déficit d'attractivité de la fonction, laquelle, du fait de ses conditions statutaires et financières et du mode actuel de fonctionnement des UDAP, peine désormais à recruter. Cette situation est d'autant plus inquiétante que les deux phénomènes tendent à s'alimenter mutuellement : le manque d'attractivité résultant de la dégradation des conditions de travail des ABF, contraints de délaisser leurs fonctions de conseil et projets de long terme pour faire face à la masse des dossiers d'urbanisme, renforce les difficultés d'un recrutement pourtant indispensable pour pallier ces difficultés, ce qui expose en retour certains ABF à un réel risque de surmenage.

L'inadéquation des effectifs des UDAP aux missions qui leur incombent n'est pas sans effet sur les projets menés dans les territoires. Stéphane Bern a ainsi souligné lors de son audition que les délais parfois très longs constatés pour l'instruction des demandes d'autorisation entraînaient des retards dans les démarrages de chantiers, voire des abandons de projets de la part de propriétaires privés de biens patrimoniaux.

Face à cette situation, la mission d'information estime indispensable de renforcer l'attractivité du métier d'ABF afin de préserver sur le long terme leur expertise indispensable à la protection du patrimoine architectural des territoires. Ce renforcement doit passer à la fois par un relèvement de leurs effectifs et par une meilleure information sur la fonction auprès des étudiants en architecture.

(1) Recruter au moins un ABF supplémentaire par département

• Face à cette situation, la DGPA a déjà pris plusieurs initiatives : outre la résorption progressive des emplois vacants dans les UDAP déjà évoquée plus haut, les préconisations du groupe de travail relatif aux missions des UDAP comportent plusieurs pistes visant à améliorer les modes de collaboration au sein des services, telles que l'extension de la subdélégation de signature des ABF aux agents de catégorie A et la mise en place d'outils de partage des connaissances techniques et administratives. En cas de vacance d'un poste de titulaire, la DGPA autorise par ailleurs les UDAP à recruter des contractuels pour une durée de trois ans.

La Cour des comptes a dans le même sens souhaité le développement de la signature des avis par les adjoints des ABF ayant la qualité d'architecte, soulignant que « de tels ajustements ne nécessitent pas d'effectifs supplémentaires, mais uniquement que l'on nomme la bonne personne pour que le travail soit équilibré ».

• Si ces différents éléments offrent de premières pistes de réponse à prendre en compte, la mission d'information estime cependant aujourd'hui indispensable d'aller plus loin en relevant le plafond d'emploi du programme 224 au bénéfice des UDAP.

Cette évolution a été considérée comme nécessaire par une large majorité des personnes entendues par la mission. Gilles Alglave, président de l'association des Maisons paysannes de France (MPF), a à cet égard estimé qu'une telle augmentation des effectifs devrait être regardée non comme une dépense de fonctionnement supplémentaire, mais comme un investissement au regard de l'action des ABF sur la préservation à long terme des patrimoines architecturaux des territoires. La DGPA elle-même s'est clairement prononcée pour le relèvement du plafond d'emplois des UDAP : Jean-François Hébert a ainsi considéré lors de son audition que sa direction générale est « en voie de résorber les emplois vacants, à savoir ceux qui sont inclus dans le plafond d'emplois, qu'il faut distinguer du niveau idéal des effectifs nécessaires à l'accomplissement des missions », et a indiqué demander chaque année des emplois supplémentaires en faveur des UDAP dans le cadre de la préparation du budget de l'État, « avec un succès modeste ».

La « demande forte » de relèvement du plafond d'emplois adressée par la DGPA au ministère du budget dans le cadre du projet de loi de finances 2025 est ainsi soutenue par la mission d'information, qui veillera à ce qu'elle soit prise en compte lors de son examen par le Sénat. Jean-François Hébert fixe à cet égard un objectif de quinze emplois supplémentaires en 2025 et en 2026, assorti de la définition d'un plan pluriannuel de renforcement des effectifs des UDAP. La mission d'information estime quant à elle que cet effort devra permettre de recruter à terme au moins un ABF supplémentaire par département.

Recommandation n° 12 : Recruter au moins un ABF supplémentaire par département en relevant le plafond d'emplois applicable aux UDAP dans les lois de finances pour 2025 et 2026 et en définissant un plan pluriannuel de renforcement des effectifs des UDAP.

(2) Promouvoir la fonction d'ABF auprès des étudiants en architecture

Si la question des conditions d'exercice et de la rémunération joue un rôle de premier plan dans les difficultés du recrutement des ABF, il semble que l'absence d'information suffisante des étudiants en architecture non seulement quant aux contours du métier d'AUE, mais aussi plus généralement aux questions patrimoniales, soit également en cause. Plusieurs interlocuteurs de la mission ont ainsi plaidé pour que les enjeux de la protection et surtout de la réhabilitation du bâti patrimonial soient intégrés au parcours de formation de l'ensemble des architectes et pour que les étudiants en architecture bénéficient d'une présentation approfondie du métier d'ABF.

Selon Hugo Franck, président du Syndicat de l'architecture, cette évolution ne pourrait toutefois offrir un remède miracle à la situation actuelle, dans la mesure où la désaffection des étudiants en architecture pour le métier d'ABF résulte fondamentalement du décalage entre les aspirations des étudiants et les contours de la fonction d'ABF. La plupart des étudiants en architecture, formés au premier chef à la conception de projets architecturaux et d'aménagement, souhaitent en effet pouvoir développer et mener leurs propres projets, plutôt qu'examiner ceux des autres. Ceux qui se dirigent vers la fonction d'ABF le font en conséquence soit par vocation dès le début de leur vie professionnelle, soit après plusieurs années d'exercice, dans une démarche d'évolution professionnelle.

Si cette initiative ne peut donc constituer que l'un des outils permettant de renforcer l'attractivité du métier d'ABF, la mission estime indispensable de développer l'information autour des différents enjeux et métiers du patrimoine tout au long du cursus de formation des architectes ; un tel développement permettra en effet non seulement de susciter et de détecter des vocations, mais également et plus largement de sensibiliser les futurs acteurs de terrain à ces questions.

Hilaire Multon, DRAC des Hauts-de-France, a en ce sens plaidé pour la construction de liens pérennes entre les acteurs publics de la protection patrimoniale et les écoles d'architecture, ce qui pourrait notamment passer par l'organisation d'interventions sur l'architecture patrimoniale au cours de journées dédiées.

Recommandation n° 13 : Améliorer l'information sur les métiers du patrimoine dans les écoles d'architecture.

(3) Développer la formation continue destinée aux ABF et aux personnels des UDAP

L'amélioration des conditions d'exercice des ABF suppose également qu'ils puissent bénéficier tout au long de leur carrière d'une formation continue leur permettant de s'adapter aux évolutions rapides des techniques de construction et de rénovation, notamment en matière énergétique.

Albéric de Montgolfier a ainsi estimé, lors de son audition par la mission d'information, que « la question de la formation continue doit aussi être traitée, car les techniques et les normes du bâtiment applicables par les architectes, les artisans et les constructeurs évoluent » - cet enjeu est d'ailleurs selon lui applicable à l'ensemble des corps de métier du secteur de la rénovation et de la construction, compte tenu des montants financiers et des aides publiques en jeu.

Ce constat, partagé par la mission d'information, l'est également par la DGPA du ministère de la culture. Lors de son audition, Jean-François Hébert a ainsi fait part aux membres de la mission du souhait de sa direction « que la formation délivrée à l'École de Chaillot et à l'École des Ponts ParisTech soit mieux adaptée au métier et que la formation continue des AUE soit renforcée ».

Cette déclaration s'appuie sur les conclusions du groupe de travail relatif aux missions des UDAP précité, dont le quatrième axe comporte une orientation (4.4) relative au renouvellement de l'offre de formation destinée aux ABF, et plus généralement aux personnels des UDAP. Le document pointe ainsi la nécessité d'engager une « réflexion stratégique globale » sur leur formation, afin de « [clarifier] les acquisitions fondamentales nécessaires à la prise de poste et les mises à niveau complémentaires, adaptées aux transformations des postes et des situations ». Il est en conséquence prévu que soit formalisée une « instance de pilotage » dont la mission porterait notamment sur « [le] rééquilibrage et [la] complémentarité des formations, selon un tronc commun post-concours et des modules thématisés d'application accessibles en formation continue ».

Ces orientations générales se traduisent de manière opérationnelle dans les propositions n°s 62 et 63 du plan d'action, qui couvrent à la fois la nécessaire adaptation des ABF aux évolutions scientifiques et techniques ainsi que leur formation aux tâches d'encadrement qui leur incombent. La proposition n° 22 évoque également la nécessité de développer la formation continue des ABF en matière juridique, afin notamment de renforcer la sécurité juridique de leurs avis.

Propositions du groupe de travail sur les missions des UDAP
relatives à la formation continue des ABF et de leurs agents

Proposition 22 - Monter le niveau des compétences juridiques [...] :

- renforcer les formations, initiale et continue, sur la rédaction, la motivation, la portée juridique des avis.

Proposition 62 - Renforcer la formation des agents des Udap au regard des évolutions scientifiques, techniques et administratives :

- proposer un plan de formation continue pour l'ensemble des agents, en lien avec les priorités nationales : transition écologique, sécurité des cathédrales, transformation numérique, droit et réglementation ;

- développer des programmes de formation des Udap afin qu'elles puissent pleinement intégrer la prise en compte des enjeux climatiques dans les missions de conseil et de gestion du patrimoine et des centres anciens (rénovation énergétique, biodiversité, création architecturale...) ;

- renforcer les coopérations avec les ENSA pour développer des modules de sensibilisation à la culture architecturale et paysagère à destination des agents des Udap et des services instructeurs des collectivités locales.

Proposition 63 - Mettre en oeuvre la stratégie de formation initiale et continue pour les cadres supérieurs et dirigeants :

- donner aux cadres des outils et méthodes pour un management et une communication optimisés en lien avec l'institut national du service public (INSP) ;

- compléter cette formation généraliste par des modules correspondant aux spécificités des Udap : gestion de petites équipes, fonctionnement transversal et horizontal, adaptation aux évolutions fonctionnelles (dématérialisation, télétravail, judiciarisation) et sociétales (adaptation aux enjeux, accueil du public, gestion des conflits).

Au cours de son déplacement à la Cité de l'architecture et du patrimoine, la mission d'information a pu constater la grande qualité des modules de formation continue dispensée par l'École de Chaillot, notamment sur le thème de l'amélioration énergétique et environnementale du bâti patrimonial. Elle estime que l'indispensable développement de la formation continue des AUE, qui ne peut être conduite qu'en lien avec les acteurs experts des différentes thématiques qui devront être approfondies dans ce cadre (le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement - CEREMA - en ce qui concerne l'adaptation à la transition écologique, par exemple), devra être organisé autour de l'École de Chaillot.

Recommandation n° 14 : Renforcer et rendre plus accessible l'offre de formation continue destinée aux ABF, en renforçant le rôle de l'École de Chaillot.

2. Améliorer la prévisibilité des avis

La deuxième orientation dégagée par les travaux de la mission pour améliorer l'exercice de leurs missions par les ABF porte sur l'amélioration de la prévisibilité de leurs avis ; on l'a vu, la plupart des interlocuteurs rencontrés ont en effet exprimé le souhait de pouvoir mieux anticiper les décisions des ABF dans la préparation de leurs projets.

La mission d'information estime indispensable de répondre à cette légitime demande, dans un double objectif : fluidifier le processus de préparation et d'instruction des demandes d'autorisation d'urbanisme, d'une part ; lutter contre le sentiment d'arbitraire encore trop souvent attaché aux décisions rendues par les ABF, et qui emporte des conséquences délétères pour leurs relations avec les administrés et les élus, d'autre part.

Cette évolution suppose une action résolue des pouvoirs publics pour améliorer, à chaque fois que c'est possible, la transparence des méthodes et critères mobilisés par les ABF, ainsi que pour développer la publicisation des décisions rendues par les UDAP. Elle suppose également d'assurer la sensibilisation des élus et du public aux enjeux de l'architecture patrimoniale.

a) Renforcer la transparence de l'instruction des dossiers

Alors que les décisions rendues par l'administration ainsi que les données produites par le secteur public sont soumises à une attente croissante et légitime de transparence et de communication de la part de nos concitoyens, les travaux des ABF continuent de s'inscrire largement dans la culture de confidentialité caractéristique de la tradition administrative française. Il n'est donc pas surprenant que la grande majorité des souhaits d'évolution recueillis auprès des différents interlocuteurs de la mission porte sur le renforcement de la transparence des méthodes et décisions des ABF.

Plusieurs pistes d'évolution ont à ce titre été retenues par la mission d'information.

(1) Éclairer le processus de décision de l'ABF en amont de la délivrance des avis

Les deux premières visent à éclairer le processus d'élaboration des décisions des ABF, en amont de leur délivrance, afin de permettre à tous les pétitionnaires et aux élus locaux de préparer leurs dossiers d'aménagement en disposant de toutes les informations nécessaires.

• La mission d'information souhaite en premier lieu qu'un projet de service soit élaboré et rendu public par chaque ABF dans l'année suivant son entrée en fonction. Ce document stratégique devra définir les priorités d'action de l'UDAP concernée pour les années suivantes, et préciser à titre indicatif les méthodes, les référentiels et les critères mobilisés par ses personnels dans l'examen des dossiers qui lui parviennent.

Ce document, qui devra être accessible sur la page Internet de l'UDAP, sera en outre adressé à chacun des élus locaux du département, voire présenté aux différents conseils élus dans le cadre d'une réunion publique.

Recommandation n° 15 : Rendre obligatoire pour les ABF chefs de service la diffusion, dans l'année suivant leur entrée en fonction, d'un projet de service déterminant les priorités et les méthodes de travail de leur UDAP d'affectation, qui sera rendu public, adressé à l'ensemble des élus locaux et présenté devant les intercommunalités du département.

• Le développement de cahiers des charges et de guides à l'échelle des territoires, et à l'échelle nationale à chaque fois que c'est pertinent, doit constituer un deuxième outil permettant aux pétitionnaires de mieux comprendre et anticiper les décisions des ABF.

L'insuffisante diffusion de doctrines et de guides méthodologiques, notamment au niveau national, est en effet très dommageable à la perception de l'intervention des ABF par les élus et les administrés, mais également à l'action des ABF elle-même. En effet, outre qu'elle contribue à accroître la part de l'inévitable subjectivité des ABF dans les décisions qu'ils rendent, et donc à renforcer le sentiment d'arbitraire, elle peut également laisser les ABF démunis dans certaines situations conflictuelles ou techniquement complexes, faute de ligne claire à suivre. À l'inverse, aux termes employés par Patrick Brie, adjoint à la sous-direction de la qualité du cadre de vie de la DGALN, la production d'instructions et de guides permet à la fois de propager les bonnes pratiques et de décourager les projets inadaptés.

Signe de l'intérêt existant pour ce type d'outils, la diffusion récente par le Gouvernement d'un guide sur l'insertion architecturale et paysagère des panneaux solaires, coécrit par le ministère de la culture, le ministère de la transition énergétique et celui de la transition écologique et de la cohésion des territoires, destiné aux services instructeurs et aux porteurs de projets et publié en décembre 2023, a été largement saluée par les interlocuteurs de la mission. Selon les précisions fournies par la DGPA, la publication d'un nouveau guide national portant cette fois sur la rénovation énergétique du bâti ancien devrait intervenir en décembre 2024. La mission d'information souligne à ce titre que les travaux menés par l'UDAP de Metz sur la question de l'isolation des menuiseries pourront utilement abonder ces travaux.

Ces guides nationaux viennent s'ajouter à une production déjà initiée au niveau local, sous l'impulsion de certaines DRAC ou CAUE notamment, et qui permet de développer une culture architecturale partagée au sein des territoires et adaptée aux spécificités de leur patrimoine bâti. Valérie Charollais, directrice de la FNCAUE, a ainsi cité l'exemple d'un document sur la rénovation du bâti ancien diffusé en Ariège, ou encore d'un guide intitulé Production de l'énergie solaire et préservation du patrimoine dans les Causses du Quercy dans le Lot. Mentionnant la charte d'intervention sur les commerces conjointement élaborée par la ville de Beauvais et l'ABF de l'Oise, Hilaire Multon, directeur régional des affaires culturelles des Hauts-de-France, a également souligné que l'élaboration de tels guides à l'échelle locale permet de prendre en considération les éventuelles spécificités de la politique d'aménagement et des leviers financiers déployés par l'État dans chaque territoire.

Il apparaît pour autant indispensable de continuer à développer des lignes directrices à l'échelle nationale, qui seules rendent possibles l'harmonisation des avis des ABF entre les territoires et le développement d'un consensus interministériel permettant de dépasser d'éventuelles contradictions entre les différentes politiques de l'État. L'impulsion locale reste cependant déterminante puisque, ainsi que l'a indiqué Jean-François Hébert lors de son audition par la mission d'information, le guide consacré à la rénovation énergétique du bâti ancien consistera pour partie en une compilation de documents précédemment élaboré par la DRAC de Bourgogne-Franche-Comté, la ville d'Angers et la région Provence-Alpes-Côte d'Azur.

Ainsi que l'a souligné Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) et architecte-conseil de l'État, ces outils ne seraient bien entendu pas d'application mécanique à des situations locales nécessairement spécifiques, et ne prétendraient ni à l'exhaustivité ni à l'exactitude - rappelons à ce titre que les techniques de réhabilitation du bâti peuvent faire débat même parmi les experts. Aux termes de Fabien Sénéchal, il s'agirait cependant de « faire comprendre que lorsque l'ABF émet un avis, il le fait dans un cadre global construit, même s'il n'est pas exprimé par une règle », et donc de soutenir et de guider à la fois les UDAP, les services instructeurs et les pétitionnaires dans l'élaboration et l'examen des projets.

Recommandation n° 16 : Développer des guides, cahiers des charges et doctrines nationales en matière patrimoniale, sur le modèle du guide sur l'insertion architecturale et paysagère des panneaux solaires diffusé en décembre 2023.

(2) En aval de la décision, assurer la publicité des avis

Contrairement à de nombreux autres documents et décisions applicables en matière d'urbanisme et d'immobilier, les avis rendus par les ABF ne sont pas rendus publics. Ces documents, surtout quand ils sont assortis de recommandations, pourraient cependant constituer une source d'information précieuse pour les services instructeurs et les porteurs de projet.

La commission des affaires économiques a récemment pris position sur ce sujet en adoptant, lors de l'examen en commission du projet de loi relatif au développement de l'offre de logements abordables104(*) le 5 juin 2024, un amendement (n° COM-207 rect.105(*)) présenté par nos collègues rapporteures du texte, Sophie Primas et Amel Gacquerre. Cet amendement prévoit la constitution d'une base de données nationale des avis des ABF, dans l'objectif de constituer un référentiel et une base informelle de jurisprudence destinée à l'information des porteurs de projet. Cette base de jurisprudence prendrait la forme d'un « registre national mis gratuitement à disposition du public au format numérique ».

La mission d'information souscrit pleinement à l'ambition portée par cet amendement et souhaite que cette proposition soit mise en application le plus rapidement possible.

Recommandation n° 17 : Assurer la publicité des avis rendus par les ABF dans le cadre d'un registre national en ligne mis gratuitement à la disposition du public permettant de retracer l'ensemble des avis par localisation.

b) Développer l'information des citoyens, des pétitionnaires, des professionnels de l'urbanisme et des élus sur les problématiques patrimoniales

• L'amélioration de la prévisibilité des avis rendus par les ABF suppose en second lieu que se développe une compréhension partagée des enjeux de l'architecture patrimoniale entre les porteurs de projets, les élus locaux et les services instructeurs.

Or, nombre des personnes auditionnées par la mission d'information ont regretté l'absence d'une connaissance même minimale des enjeux architecturaux patrimoniaux par une large partie des acteurs impliqués dans la conduite de projets. Cette situation résulte en premier lieu de l'absence d'enseignement de ces questions dans la formation générale des citoyens français ; Hugo Franck, président du syndicat de l'architecture, a ainsi indiqué à la mission d'information qu'il « [s'] étonne toujours que le rapport à l'espace ne soit pas enseigné, alors que nous vivons en permanence dans l'architecture. Nous marchons dans des rues façonnées par l'urbanisme, nous vivons et nous travaillons dans des bâtiments conçus par des architectes ». Elle résulte ensuite de la faiblesse, voire de l'inexistence des enseignements dédiés au patrimoine dans les écoles d'architecture, lacune qui se retrouve jusque dans la formation des services instructeurs des demandes d'autorisation d'urbanisme.

Au total, la situation est résumée en ces termes par Hugo Franck en ce qui concerne la relation entre les ABF et les élus locaux : « Comment un élu qui n'a jamais reçu la moindre formation en architecture pourrait-il comprendre les exigences formulées par un ABF [....] ? Il est difficile, et c'est bien naturel, de dialoguer avec un architecte lorsqu'on n'a jamais reçu cette éducation à l'espace, au patrimoine, et cette initiation aux enjeux de société que porte l'architecture ». Marjan Hessamfar, architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France, a quant à elle appelé de ses voeux « une meilleure formation aux questions du patrimoine d'une manière générale, et pour les services instructeurs en particulier ». Christophe Leribault a enfin souhaité la « [diffusion globale d'] une culture architecturale et esthétique qui pourrait, par la suite, sensibiliser les gens au patrimoine. Cela relève sans doute d'une éducation générale de nos architectes, des maîtres d'ouvrage, des municipalités et des différents services », tandis que Valérie Charollais, constatant que « la culture architecturale n'est pas particulièrement développée en France », a estimé nécessaire de « transmettre [une] culture « citoyenne » de l'architecture ».

Les auditions conduites par la mission d'information ont permis de mettre en évidence un foisonnement d'initiatives pour défendre et faire connaître les enjeux des différents patrimoines remarquables du territoire, sous l'impulsion principalement des différentes associations de protection du patrimoine bâti. Gilles Alglave, président de l'association Maisons paysannes de France, a ainsi présenté les différentes formations certifiées Qaliopi proposées par l'association, à destination notamment des conservateurs et des architectes du patrimoine, et rappelé qu'elle oeuvrait sans relâche pour faire connaître « certaines règles de construction, qui étaient transmises de façon orale, [...] qui sont profondément écologiques et peuvent être déclinées dans l'architecture contemporaine ». Faute de véritable structuration sous l'impulsion des pouvoirs publics, la diffusion de ces enjeux reste cependant encore extrêmement insuffisante.

• Face à ce défi, plusieurs pistes d'évolution, qui reposent notamment sur la mise en place de cadres d'échange entre les différents acteurs du patrimoine architectural, ont été identifiées par la mission d'information.

La première consiste à encourager le développement de permanences régulières des ABF et des personnels des UDAP dans les communes de leur territoire de compétences, afin d'échanger avec les pétitionnaires, les élus et les services instructeurs des demandes de projets. Compte tenu de la forte charge de travail des UDAP dans la plupart des départements, un tel développement suppose le renforcement préalable de leurs effectifs, conformément aux préconisations du présent rapport.

La tenue de telles permanences, outre qu'elle permettrait de renforcer l'accessibilité des ABF pour les citoyens comme pour les élus, leur permettrait de faire oeuvre de pédagogie au plus près du terrain - et de répondre ainsi à deux des critiques les plus régulièrement formulées dans les réponses à la consultation des élus locaux lancée par la mission d'information.

Recommandation n° 18 : Encourager le développement de permanences régulières des ABF dans les communes de leur territoire de compétences.

La deuxième porte sur la mise en place, via les CAUE, de formations sur les enjeux associés au bâti patrimonial pour les agents exerçant dans les services instructeurs des différentes demandes d'autorisation d'urbanisme. On l'a vu, les CAUE constituent en effet des partenaires privilégiés des élus et administrations locales en matière architecturale, et constituent la ressource de référence sur ces sujets.

On peut pour autant plus largement considérer avec Marjan Hessamfar que tout développement de lieux d'échange et de formation serait utile à la diffusion des connaissances et des bonnes pratiques nécessaires au développement d'une compréhension mutuelle entre les différents acteurs locaux. Mme Hessamfar a à ce titre cité devant la mission d'information l'exemple de l'installation, au sein de la DRAC des Hauts-de-France, d'une conseillère architecture ayant notamment pour mission l'animation de ce réseau d'acteurs : « elle réunit régulièrement les architectes de terrain et les ABF, pour partager la culture du territoire, montrer des exemples réussis d'isolation sur du patrimoine historique, d'implantation de panneaux solaires, par exemple, c'est un lieu où l'on ne traite pas des dossiers, mais où l'on parle architecture ».

L'ANABF considère pour sa part que les actions de sensibilisation et de formation continue sur le patrimoine devraient toucher l'ensemble des professions en lien avec l'urbanisme et la construction, des notaires aux architectes en passant par les géomètres et les entreprises du bâtiment. La mission d'information souscrit pleinement à cette observation.

Recommandation n° 19 : Mettre en place, en particulier via les CAUE, des formations sur les enjeux associés au bâti patrimonial, à destination notamment des agents exerçant dans les services instructeurs des demandes d'autorisation d'urbanisme.

La mission d'information préconise enfin plus largement de développer auprès des publics scolaires la connaissance de l'architecture et du patrimoine, qui constitue pour nombre de nos concitoyens leur voie d'accès première et la plus immédiate à la culture. Cette voie d'action permettrait de répondre au souhait exprimé par plusieurs interlocuteurs de la mission d'encourager la constitution et la diffusion d'une culture architecturale citoyenne.

Ce développement pourrait s'appuyer sur des initiatives déjà existantes, telle que l'opération « Les Enfants du Patrimoine » organisée par le réseau des CAUE la veille des Journées européennes du patrimoine (JEP). Cette opération, qui permet de proposer aux élèves de la maternelle au lycée et à leurs enseignants un programme d'activités gratuites autour de leur patrimoine de proximité, est organisée depuis cinq ans au niveau national. Elle permet de toucher environ 40 000 enfants qui, aux termes de Valérie Charollais, « sont les ambassadeurs de notre patrimoine par rapport à leurs parents et [...] seront les acteurs de demain ».

Recommandation n° 20 : Développer la connaissance de l'architecture et du patrimoine auprès des publics scolaires afin de promouvoir une culture architecturale citoyenne.

C. LA RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE EN ZONE PROTÉGÉE, UNE OPPORTUNITÉ POUR LE RENFORCEMENT DE LA MISSION DES ABF

Les consultations conduites par la mission d'information ont enfin permis d'aborder de manière approfondie l'épineux sujet de la conciliation entre la protection du bâti patrimonial ancien et les impératifs de la transition écologique, qui est apparu, au fil des auditions et des réponses à la consultation en ligne, comme l'une des préoccupations majeures des élus locaux, des habitants des zones protégées et des différents acteurs du patrimoine.

Si la prise en compte de ces deux objectifs se fait aujourd'hui bien souvent sur le mode de la confrontation et concentre une large part des frictions constatées entre les ABF et les élus locaux, la mission d'information a également pu constater que le traitement de cette question, qui souffre d'un manque criant de ressources et d'expertise technique, constitue un réel besoin pour les pétitionnaires particuliers et les élus, et par là une opportunité majeure pour le renforcement de la mission de conseil et d'accompagnement des ABF.

1. Entre la préservation du patrimoine bâti et la poursuite de la transition énergétique, une aporie à dépasser
a) Deux objectifs également impérieux et apparemment inconciliables

Au terme de ses auditions, la mission d'information estime que la protection du patrimoine bâti des zones protégées et l'accélération de la transition énergétique des logements constituent deux objectifs également impérieux, qui doivent être poursuivis avec la même vigueur au travers de l'action publique. Parce qu'il offre un cadre de vie de grande qualité à nos concitoyens, qu'il permet un accès premier et immédiat à la culture et à l'histoire, et qu'il recèle un important potentiel de développement touristique et donc économique, le patrimoine bâti doit être préservé. Parce que la crise climatique impose de réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre résultant du contrôle de la température des logements, mais aussi parce que de nombreux ménages vivant dans des passoires énergétiques subissent les conséquences de la récente hausse des prix de l'énergie, la rénovation thermique du bâti ancien doit être poursuivie et accélérée, et l'installation de dispositifs de production d'énergies renouvelables en milieu urbain encouragée.

La plupart des membres de la mission ont cependant fait l'expérience directe, au sein de leur circonscription, de la difficile conciliation entre ces deux enjeux dans le cadre des autorisations d'urbanisme sollicitées pour la rénovation des logements situés en zone protégée. Cette intuition première a été largement confirmée par les auditions menées et les déplacements effectués, durant lesquels la question a été presque systématiquement abordée, et les réponses au questionnaire adressé aux élus locaux, un grand nombre de répondants ayant spontanément106(*) abordé le sujet en le plaçant au coeur de leurs tensions avec l'ABF de leur territoire.

Il semble que ces difficultés résultent principalement de trois obstacles, qui découlent en partie de l'action des ABF :

- un obstacle esthétique : l'utilisation de certains matériaux (notamment le PVC pour le remplacement des menuiseries) et de certaines techniques de rénovation (l'isolation par l'extérieur qui, aux termes d'Albéric de Montgolfier, « tue le caractère ancien des bâtiments » en le masquant), dès lors qu'elle touche à l'aspect extérieur des bâtiments, nuit à l'harmonie architecturale des zones protégées et tend à uniformiser les façades, au détriment de la diversité territoriale du patrimoine bâti. De la même façon, l'installation de panneaux photovoltaïques visibles sur les toitures crée une rupture dans l'unité architecturale de ces zones. Les demandes portant sur de telles opérations sont donc régulièrement refusées par les ABF ;

- un obstacle financier : les techniques et matériaux de rénovation respectueux du bâti ancien, préconisés par les ABF dans leurs avis, sont aussi bien souvent les plus coûteux à l'achat (notamment les menuiseries en bois) ou les plus contraignants pour les propriétaires et les occupants (l'isolation par l'intérieur, par exemple, rogne sur la surface des logements). Jean-Philippe Lefèvre, président de la Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture, a fait part en ces termes de la délicate position des élus locaux devant cette aporie : « Ce qu'un élu local voit, c'est que des personnes n'arrivent pas à se loger et que d'autres ne peuvent plus payer le chauffage parce qu'elles sont dans des passoires énergétiques où les coûts d'adaptation et d'isolation, compte tenu d'un certain nombre de préconisations, sont trop élevés pour le propriétaire bailleur ».

Face à cette difficulté, il n'existe pas de circuit de soutien financier et d'aides ciblées adaptés aux besoins des propriétaires d'édifices protégés ou même classés, qui doivent dès lors intégralement supporter les frais de leur réhabilitation énergétique. Alexandra Proust, juriste au sein de l'association La Demeure historique, a ainsi regretté l'absence de « subventions spécifiques à la restauration des monuments intégrant des circuits de transition énergétique. Les subventions actuelles sont pour la restauration et l'entretien du monument, jusqu'à 40 % maximum pour les inscrits, sans limitation pour les classés, mais avec un cumul possible de subventions publiques allant jusqu'à 100 % - dans les faits, cette proportion n'est jamais atteinte. Il n'y a pas de subventions spécifiques à la restauration énergétique, mais on peut intégrer des solutions de transition énergétique lors de travaux de restauration ; ces solutions sont alors subventionnées alors dans le cadre de l'enveloppe globale. [...] Toutes les solutions possibles sont, pour l'instant, aux frais des propriétaires ».

- un obstacle technique et réglementaire : de nombreux interlocuteurs de la mission ont souligné l'inadéquation de la réglementation applicable en matière de rénovation énergétique aux spécificités du bâti ancien, dont les performances thermiques diffèrent, d'une région à l'autre, selon les techniques de construction et les matériaux utilisés. Or, le diagnostic de performance énergétique (DPE), qui constitue aujourd'hui un outil central de la rénovation thermique des logements et conditionne notamment la possibilité de placer un logement en location, est standardisé sur le modèle des constructions modernes. La fédération Patrimoine-Environnement estime à ce propos que lorsqu'il est « appliqué sans discernement au bâti ancien, le dispositif de normes énergétiques (DPE) est [...] une « catastrophe patrimoniale programmée » - paradoxalement encouragée par des aides publiques - fondée sur une erreur d'appréciation de ce qu'est la nature même de ce patrimoine ».

Deux sujets concentrent l'essentiel des crispations : l'insertion de dispositifs de production d'énergies renouvelables dans le paysage urbain, et notamment l'implantation de panneaux photovoltaïques dans la zone des abords d'un monument historique, d'une part ; la réhabilitation énergétique des édifices situés dans cette zone, notamment lorsque les travaux de rénovation énergétique mis en oeuvre portent sur le remplacement des menuiseries ou une isolation par l'extérieur. Dans les deux cas, les demandes d'autorisation d'installation sont examinées par les ABF, dont les refus suscitent l'incompréhension des pétitionnaires et des élus locaux dans le contexte de la multiplication des messages visant à promouvoir l'écologie des modes de vie.

Le sujet est d'autant plus sensible qu'il s'inscrit au coeur de la vie quotidienne des habitants et propriétaires des zones protégées. François de Mazières, maire de Versailles, l'a exprimé en ces termes devant la mission d'information : « [...] la ville de Versailles, malgré sa protection très particulière, est comme toutes les villes, avec quatre quartiers totalement sociaux, des quartiers pavillonnaires, etc. La plus forte confrontation avec l'ABF se trouve dans les quartiers pavillonnaires, notamment en ce qui concerne les fenêtres en PVC, les couleurs des fenêtres, les panneaux photovoltaïques [...] ».

b) Pour une réhabilitation écologique du bâti patrimonial

• La mission d'information observe que cette apparente contradiction entre transition écologique et maîtrise des dépenses d'une part, et réhabilitation du bâti patrimonial de l'autre, ne résiste cependant pas à un examen plus poussé des situations qui se présentent concrètement sur le terrain.

Sur le plan des performances énergétiques tout d'abord, de nombreuses constructions anciennes, édifiées au moyen de matériaux et de savoir-faire traditionnels, se révèlent particulièrement efficaces pour assurer le confort thermique d'été, qui devient crucial alors que le réchauffement climatique connaît une accélération. Il n'est donc pas souhaitable de porter atteinte aux propriétés du bâti permettant cette inertie thermique, qui permet d'éviter dans certaines régions l'installation de climatiseurs particulièrement énergivores. En ce qui concerne le confort thermique d'hiver, de nombreux savoir-faire traditionnels, telle que la technique de l'enduit à la chaux promue par l'association des Maisons paysannes de France, permettent également de répondre aux nécessités de la transition énergétique sans dénaturer les bâtiments ; reste cependant à les promouvoir et à déployer des aides permettant aux ménages d'y recourir effectivement. La fondation Patrimoine-Environnement souligne ainsi que la transition énergétique doit « [s'appuyer] beaucoup plus, en les encourageant financièrement, sur les matériaux et les savoir-faire patrimoniaux ».

Sur le plan financier ensuite, il apparaît qu'un recours systématique et inadapté aux techniques de rénovation énergétiques « modernes » sur le bâti ancien peut dégrader de manière parfois irréversible les édifices, occasionnant sur le temps long des dépenses bien plus élevées que celles qui auraient résulté d'une réhabilitation respectueuse des propriétés du bâtiment et conduisant à un inacceptable gaspillage d'argent public. Albéric de Montgolfier a ainsi rappelé qu'« une isolation par l'extérieur mal faite, qui enferme de l'humidité, peut conduire à des conséquences dramatiques et irréversibles, notamment pour les maisons avec des pans de bois, dont le développement de mérule, faute de laisser respirer le bâtiment ». L'ABF exerce alors un rôle de premier plan pour décourager les initiatives délétères, voire dangereuses pour le bâti, ainsi que l'a souligné Raphaël Gastebois : « Pour une maison ancienne qui a les pieds dans l'eau [...] avec des échanges gazeux permettant d'évacuer l'humidité vers l'extérieur, faire une isolation par l'extérieur, c'est condamner à mort sa maison sous 15 ou 20 ans. Voir de l'argent public investi, y compris sous forme d'incitations fiscales, ou lancer des injonctions à réaliser ce type de travaux nous semble aberrant. Nous sommes donc ravis quand un ABF émet un avis défavorable au titre de la défiguration de la façade. Cependant, cela crée parfois un malentendu, car la personne ou l'élu local peut croire que l'ABF ne réagit que par rapport à des questions esthétiques. En réalité, il y a un véritable problème technique qui risquerait de survenir si ce type de projet était mené à terme. ». Les coûts supplémentaires induits par les recommandations des ABF sont alors amortis dans le temps.

Certains matériaux et techniques de rénovation contemporains sont par ailleurs moins durables dans le temps que leurs équivalents traditionnels, ce qui oblige à leur remplacement plus fréquent - ce qui est bien sûr dommageable sur le plan financier comme sur le plan écologique. Christophe Leribault a ainsi souligné que « dans le cas des fenêtres, contenir la diffusion du polychlorure de vinyle (PVC) est une grande cause nationale ! Le PVC ne tient pas dans le temps, alors que des fenêtres en bois qui ont été posées au XVIIIe siècle tiennent encore. Sur ce point, patrimoine et écologie se rejoignent ».

Alors qu'une politique du logement respectueuse de l'écologie passera nécessairement par la réhabilitation du parc existant plutôt que par la construction énergivore de nouveaux édifices, ces différents éléments devront être pris en compte par les politiques publiques dans le cadre d'une promotion de la réhabilitation durable des édifices, qui devra permettre de garantir leur confort d'occupation et donc la pérennité de leur habitabilité sur le temps long.

• Il semble au total que les difficultés aujourd'hui constatées sur le terrain dans la rénovation énergétique des logements situés en zone protégée résultent principalement de l'absence d'une véritable prise en compte des propriétés spécifiques du bâti patrimonial dans les différents outils mis en avant par les politiques publiques.

Cette inadaptation des outils et référentiels actuels de la rénovation énergétique, au premier rang desquels le DPE, a été pointée par Sabine Drexler dans le rapport de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport consacré à la rénovation énergétique du bâti patrimonial107(*). Raphaël Gastebois, vice-président de l'association Veilles maisons françaises, a souligné en ces termes l'incohérence de la situation actuelle : « Quelqu'un qui n'a pas fait d'isolation extérieure, qui n'a pas mis de panneaux solaires, qui n'a pas une pompe à chaleur et qui n'a pas de double ou triple vitrage peut néanmoins être vertueux en matière d'écologie. S'il évite de chauffer l'entrée à 20 degrés ou la cage d'escalier à outrance, s'il a une manière traditionnelle d'habiter sa maison, il sera très économe en énergie. De plus, s'il utilise des matériaux traditionnels, qui sont par définition biosourcés, il sera également vertueux. Mais il est très compliqué aujourd'hui de respecter la réglementation tout en ayant une attitude vertueuse envers son patrimoine ». La fondation Patrimoine-Environnement a enfin pointé le caractère aberrant de la structure actuelle des aides financières publiques à la rénovation, qui se focalisent sur des solutions techniques délétères pour le bâti patrimonial.

À l'inverse, le développement de solutions innovantes de rénovation énergétique respectueuses des éléments patrimoniaux des édifices offre des perspectives enthousiasmantes pour l'avenir. Lors de son déplacement à Lyon, la mission d'information a ainsi pu observer la qualité de la rénovation de la cité des États-Unis résultant notamment de l'utilisation d'un enduit aux propriétés isolantes spécifiques, qui a permis de conserver les éléments architecturaux spécifiques du projet initial de Tony Garnier. L'enjeu est donc ici d'assurer une incitation financière permettant de développer le recours à grande échelle à de telles solutions, qui ont aujourd'hui un coût important et sont inaccessibles à la plupart des ménages.

2. La place centrale de l'ABF dans la refondation des politiques de soutien à la rénovation énergétique du bâti ancien

Face à cette situation, le dépassement de l'apparente contradiction entre préservation du patrimoine bâti et poursuite de la transition énergétique suppose avant tout une modification en profondeur des dispositifs de soutien public aux opérations de rénovation et de réhabilitation du bâti ancien.

L'acceptabilité sociale d'une nouvelle norme de réhabilitation durable des édifices situés en zone protégée, fondée sur le recours à des techniques et à des matériaux durables mais souvent coûteux, dépendra par ailleurs largement de la pédagogie qui pourra être déployée sur le terrain par les ABF dans le cadre de leur mission de contrôle d'urbanisme.

À ce titre, l'enjeu de la rénovation énergétique en zone protégée constitue une formidable opportunité pour le développement de la mission de conseil et d'accompagnement des ABF.

a) Les premières mesures prises par l'administration sont encourageantes mais encore insuffisantes

Devant l'urgence de la situation et le caractère aigu des difficultés rencontrées sur le terrain, plusieurs évolutions ont été mises en oeuvre ou sont en cours d'élaboration par les pouvoirs publics.

À l'image du directeur général des patrimoines et de l'architecture, plusieurs interlocuteurs de la mission ont tout d'abord fait part d'un changement profond de leur manière de travailler sur ces sujets, qui appellent à une importante coopération interministérielle. Les administrations rattachées aux ministères de la culture, de la transition énergétique et de la transition écologique et de la cohésion des territoires ont ainsi travaillé ensemble à l'élaboration de l'instruction sur l'insertion paysagère des panneaux solaires précitée. Le guide d'aide à la rédaction de recommandations de travaux pour le DPE et l'audit énergétique, dont la rédaction a été confiée au Cerema, résulte également d'un travail conjoint et comporte un chapitre dédié au bâti ancien élaboré par la DGPA du ministère de la culture. D'une manière générale, le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et le ministère de la culture ont engagé plusieurs collaborations visant à améliorer la prise en compte des caractéristiques du bâti ancien et patrimonial par les diagnostiqueurs immobiliers, les auditeurs énergétiques et l'ensemble des acteurs de la rénovation énergétique du bâti ancien.

Jean-François Hébert a par ailleurs annoncé la revue prochaine des aides dédiées à la rénovation énergétique du bâti patrimonial, ce qu'a confirmé en ces termes Yannick Pache, chef du bureau de la réhabilitation du parc et des évaluations économiques de la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) : « Nous sommes en discussion pour obtenir des barèmes d'aide qui tiennent compte, à partir de 2025, du bâti ancien en réfléchissant à la coordination entre les dispositifs existants, y compris, par exemple, en incluant le bâti patrimonial relevant de la loi Malraux ».

Plusieurs travaux visant à l'adaptation du DPE aux spécificités du bâti patrimonial ont en outre été signalés par les interlocuteurs de la mission. Sans remettre en cause l'existence même de cet outil108(*), la DGPA du ministère de la culture et la DGALN du ministère de la transition écologique s'accordent pour préconiser l'association au DPE d'un diagnostic architectural préalable : selon la DGALN, « les études du CREBA montrent que chaque configuration de bâtiment ancien est absolument unique, justifiant la réalisation d'un diagnostic architectural et patrimonial spécifique avant chaque rénovation ». Depuis le second semestre 2023, un arrêté109(*) et un décret110(*) prévoient que la formation initiale des diagnostiqueurs immobiliers et des auditeurs énergétiques inclue obligatoirement des études de cas portant sur le bâti ancien. La DGALN travaille par ailleurs à l'amélioration de l'accompagnement des professionnels dans la réalisation des DPE portant sur le bâti ancien.

Les mesures d'accompagnement des professionnels
mises en oeuvre par la DGALN pour la réalisation de DPE sur le bâti ancien

La DGALN a indiqué à la mission d'information qu'un levier d'amélioration de la prise en compte des spécificités du bâti ancien dans le DPE reste l'accompagnement des professionnels sur le sujet. Ainsi, plusieurs actions sont en cours de réalisation dans le cadre de la feuille de route « Améliorer la qualité de réalisation des DPE » :

- limiter la saisie de valeurs par défaut en sensibilisant les propriétaires (fourniture des justificatifs) grâce à la fiche de préparation du DPE distribuée en amont de la visite, ainsi qu'en sensibilisant les diagnostiqueurs sur l'importance des mesures (dont des sondages destructifs) dans ce type de bâti ;

- renforcer la formation des professionnels en imposant au moins une étude de cas bâti ancien lors de la formation initiale, ainsi que l'exigence précise de connaissances sur les spécificités de ce type de bâtiments lors du passage de l'examen initial, dont le contenu a été travaillé avec le ministère de la culture - cette obligation est entrée en vigueur au 1er juillet 2024, dans le cadre de la refonte de l'arrêté encadrant les compétences des professionnels - ;

- compléter le guide d'accompagnement des diagnostiqueurs afin de détailler plus précisément les spécificités de ce type de bâti, et les contraintes à prendre en compte dans leur traitement, non seulement dans les mesures mais aussi dans les recommandations de travaux.

Enfin, plusieurs mesures visant à l'amélioration des opérations de rénovation énergétique du bâti patrimonial sont entrées en application ou en cours de préparation par les ministères. Selon la DGALN, « les deux ministères partagent le constat qu'il est possible de rénover des bâtiments patrimoniaux, et même d'atteindre des niveaux de performance énergétique très satisfaisants dans un grand nombre de cas ». Les actions mises en oeuvre couvrent principalement deux axes :

- l'amélioration de la formation des acteurs de la rénovation énergétique. Des études de cas spécifiques au bâti ancien ont ainsi été intégrées aux modules de formation à la rénovation énergétique FEEBAT destinés aux artisans et aux architectes maîtres d'oeuvre du bâtiment. Un arrêté du 21 décembre 2022 a également prévu que les accompagnateurs à la rénovation (MonAccompagnateurRénov', MAR'), qui ont une position stratégique de prescripteurs de travaux, doivent détenir des compétences concernant les principes constructifs et les pathologies liés au bâti ancien et récent et connaître les règles relatives au confort d'hiver et d'été. La mission d'information estime nécessaire qu'un premier bilan de la mise en oeuvre de ces mesures de formation, y compris celle des diagnostiqueurs, soit établi dès le début de l'année 2025 ;

- la définition et la diffusion de bonnes pratiques pour la rénovation énergétique du bâti patrimonial. En complément aux éléments déjà disponibles sur le site Internet du centre de ressources pour la réhabilitation responsable du bâti ancien (CREBA), le guide consacré à la rénovation énergétique du bâti ancien précité, attendu pour la fin 2024, est en cours de rédaction en étroite collaboration entre les différents ministères compétents. Après le succès de l'expérimentation conduite entre 2020 et 2022, une réflexion est par ailleurs en cours avec l'association Effinergie111(*) pour la création d'un label « Effinergie et patrimoine ».

Si ces premières mesures sont bien entendu indispensables et vont dans le bon sens, la mission d'information ne peut cependant que constater qu'elles devront être poursuivies et approfondies avec détermination afin de faire face à l'urgence des enjeux.

b) Constituer l'ABF en pôle d'expertise au service d'une réhabilitation patrimoniale durable

Surtout, si la définition de lignes directrices et le déploiement d'outils de soutien financier apportent un indispensable cadrage, c'est en pratique à l'ABF qu'il revient de mettre en oeuvre sur le terrain l'équilibre encore introuvable entre protection du patrimoine et transition écologique, dans le cadre de l'examen quotidien des demandes d'autorisation qui lui parviennent et des recommandations qu'il formule à cette occasion.

La conduite de la transition énergétique du patrimoine bâti ne peut en effet s'affranchir du contact direct avec le terrain dont l'ABF est le garant. Ainsi qu'il l'a été rappelé à la mission d'information lors de son déplacement à l'UDAP du Rhône, les enjeux de la transition écologique dans le domaine de l'architecture dépassent la seule maîtrise technique et réglementaire, dont une application mécanique sur l'ensemble du territoire risquerait de conduire à la banalisation et à l'appauvrissement du cadre de vie. Seul le regard de l'architecte, et notamment de l'ABF - dans la mesure où la grande majorité des projets de rénovation sont conduits sans l'appui d'un architecte qualifié -, permet d'assurer l'articulation des contraintes environnementales, économiques et sociétales propres à chaque projet.

Sa position doit dès lors être confortée afin de lui permettre d'accompagner au mieux la transition à venir ; trois orientations ont à ce titre été identifiées par la mission d'information.

• En premier lieu, les préconisations des ABF ne pourront être utilement reçues et appliquées par nos concitoyens qu'à la condition d'être inscrites dans un système global et cohérent de soutien public à la rénovation énergétique du bâti ancien.

En d'autres termes, les préconisations des ABF, plus pertinentes aux plans fonctionnel, esthétique et technique mais souvent plus immédiatement coûteuses que d'autres solutions, ne pourront être appliquées qu'à la condition que les ménages disposent des ressources suffisantes pour ce faire.

Cette évidence a été soulignée de la manière suivante par Julien Lacaze, président de l'association Sites et monuments : « Des démarcheurs vendent des produits onéreux et peu durables. Les ABF peuvent forcer à investir dans des matériaux plus coûteux, mais qui sont plus durables. Ainsi, l'investissement sera rentable. Les ABF empêchent aussi des propriétaires de rendre leur maison ancienne dysfonctionnelle et de ne pas respecter la logique de circulation de l'air et de l'humidité. Mettre du polystyrène sur les murs ou remplacer des portes par des blocs-portes en PVC coûte cher et crée des désordres auxquels il faut ensuite remédier, ce qui est absurde. Si les décisions des ABF entraînent des coûts supplémentaires, ces derniers sont amortis dans le temps ».

La mission d'information estime en conséquence que le chantier de la refonte des aides publiques à la rénovation énergétique doit être mené de manière prioritaire, avec un double objectif : il s'agit non seulement de développer le soutien financier aux techniques de rénovation énergétiques respectueuses du bâti patrimonial, mais également de décourager le recours aux techniques potentiellement délétères sur le bâti ancien.

Recommandation n° 21 : Refonder le dispositif d'aides publiques aux opérations de réhabilitation énergétique des logements de manière à développer le soutien financier aux techniques de rénovation énergétique respectueuses du bâti patrimonial, mais également à décourager le recours aux techniques potentiellement délétères pour le bâti ancien.

Dans la mesure où il oriente en large part les options retenues par les particuliers et les collectivités dans le cadre de leurs travaux de rénovation énergétique, qui peuvent entrer en conflit avec les préconisations des ABF, la mission estime également indispensable d'accélérer les évolutions engagées par la DGALN quant à l'adaptation du DPE aux spécificités du bâti patrimonial ancien, conformément à la première recommandation du rapport précité de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport sur le patrimoine et la transition écologique. Cette accélération doit notamment passer par un enrichissement rapide du guide d'accompagnement utilisé par les diagnostiqueurs, afin qu'y figure l'ensemble des matériaux et techniques pertinents pour la rénovation du bâti ancien.

Recommandation n° 22 : Accélérer l'évolution engagée par le ministère de la transition écologique sur l'adaptation du DPE aux spécificités du bâti patrimonial ancien, notamment en intégrant l'ensemble des matériaux et techniques pertinents pour ce type de bâti dans le guide d'accompagnement des diagnostiqueurs.

• La mission d'information estime en second lieu indispensable de définir la réhabilitation du bâti ancien comme un objectif partagé entre les différents acteurs du secteur de la rénovation.

Cette évolution pourrait en premier lieu passer par une modification de l'article 1er de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture112(*), dont le deuxième alinéa définit l'intérêt public attaché à l'exercice de la profession d'architecte. Selon les dispositions actuellement en vigueur, sont considérées comme d'intérêt public la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine. Cette liste pourrait être utilement complétée par la mention de la réhabilitation des constructions existantes.

Selon plusieurs interlocuteurs de la mission d'information, une telle reconnaissance correspondrait à un mouvement de fond déjà enclenché au sein de la profession : tandis qu'Hélène Fernandez, directrice adjointe au directeur général des patrimoines et de l'architecture, a considéré que « la réhabilitation est le nouvel espace de la création architecturale », Hugo Franck, président du Syndicat de l'architecture, a indiqué constater « une demande forte de formation en lien avec le bâti existant, ainsi qu'une demande grandissante de formation sur des techniques constructives qui étaient bien connues et appliquées auparavant, et qui le sont moins aujourd'hui. Nous avons le sentiment que de nombreux architectes révisent leur mode de fonctionnement et leur mode de création. Il existe une appétence forte pour la réhabilitation et pour la ruralité ». Hugo Franck a également relevé que « l'intervention sur le bâti existant est au coeur de l'activité, et elle le sera de plus en plus dans un monde où l'on construira de moins en moins, puisqu'il n'est pas toujours utile de construire lorsqu'il existe tant de bâtiments à réhabiliter. [...] Une prise de conscience des vertus de la réhabilitation est indispensable ».

Une telle évolution, par l'affirmation claire de ce que la réhabilitation du patrimoine bâti relève d'un objectif partagé entre tous les professionnels de l'architecture, permettrait de renforcer la portée des messages diffusés dans les avis et recommandations des ABF et de disposer de nouveaux médiateurs auprès des pétitionnaires et les élus locaux en amont de leurs décisions.

Recommandation n° 23 : Compléter l'article 1er de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture pour faire figurer la réhabilitation des constructions parmi les activités architecturales d'intérêt public.

• Le renforcement de la mission de conseil et d'accompagnement des ABF, indispensable au succès de la réhabilitation énergétique des logements situés en zone protégée, suppose en dernier lieu que l'ABF puisse dégager du temps et disposer de ressources dédiées au sein de son administration.

Outre le renforcement des effectifs des UDAP déjà préconisé par la mission, cet objectif suppose un affichage clair de cette priorité au sein de l'administration culturelle, qui pourrait passer par la nomination d'un référent pour la transition énergétique et environnementale dans chaque DRAC.

Recommandation n° 24 : Nommer un référent en matière de transition énergétique et environnementale au sein de chaque DRAC.

EXAMEN DU RAPPORT DE LA MISSION D'INFORMATION

MERCREDI 25 SEPTEMBRE 2024

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Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour clore les travaux de notre mission d'information relative aux architectes des bâtiments de France (ABF), entamée en mars dernier sur l'initiative du groupe Les Indépendants - République et Territoires (INDEP). Ce fut une mission passionnante, dont le rapport final est attendu par l'ensemble des acteurs du patrimoine.

Je souhaite tout d'abord remercier chacune et chacun d'entre vous d'avoir participé à nos travaux, et tout particulièrement notre rapporteur, Pierre-Jean Verzelen.

Au cours des six mois qu'a duré cette mission, nous avons pu recueillir la parole de l'ensemble des parties prenantes sur un sujet dont nous savions bien, dès le lancement de nos travaux, qu'il suscitait à la fois intérêt et frustrations. Nous avons ainsi mené 20 auditions et entendu 49 personnes, ce qui nous a permis d'aboutir à un constat précis de la situation.

Nous avons également effectué quatre déplacements : à l'école de Chaillot, à Paris ; à Figeac et à Cahors, dans le Lot, en compagnie de plusieurs ABF ; à Lyon, dans le Rhône, aux côtés d'ABF, de quelques élus et du président de la direction régionale des affaires culturelles (Drac) ; enfin, à Richelieu et à Loches, en Indre-et-Loire.

Le calendrier que nous avions fixé n'a pas été simple à tenir, la dissolution de l'Assemblée nationale ayant contraint à décaler un certain nombre de nos déplacements.

Enfin, sur l'initiative du rapporteur, nous avons lancé une consultation des élus locaux sur le site internet du Sénat. Elle a rencontré un très grand succès, avec plus de 1 500 réponses et 600 témoignages écrits, qui se sont révélés particulièrement utiles à l'élaboration du rapport.

Le succès de cette consultation comme la qualité des échanges que nous avons pu avoir avec les élus lors de nos déplacements montre que la préservation du patrimoine dans nos communes, au-delà des obligations qu'elle entraîne, est essentielle pour nous tous.

Je tiens à remercier Sabine Drexler, qui, lors de notre déplacement à Figeac, nous a lu ce bel extrait de Guerre aux démolisseurs !, pamphlet écrit par Victor Hugo en 1832 : « Il y a deux choses dans un édifice : son usage et sa beauté. Son usage appartient au propriétaire, sa beauté à tout le monde, à vous, à moi, à nous tous. Donc, le détruire, c'est dépasser son droit. »

Le rapporteur et moi-même avions des positions assez éloignées au lancement de cette mission. Cependant, nous avons su travailler en parfaite harmonie, en ce qui concerne tant l'organisation matérielle de nos travaux que le fond du sujet. Nous avons oeuvré de concert pour tenir compte des divers retours recueillis sur le terrain pour élaborer ce rapport. Telle est la marque de fabrique du Sénat.

Voici comment va se dérouler la présente réunion. Tout d'abord, le rapporteur nous présentera les principaux éléments de son rapport et les propositions qu'il contient.

Ensuite, je laisserai la parole à ceux d'entre vous qui souhaitent s'exprimer, étant entendu que le rapport a été mis à votre disposition pour consultation. Il vous a été donné la possibilité de nous soumettre des propositions de modification, que nous examinerons par la suite.

Enfin, nous nous prononcerons sur le rapport dans son ensemble - le rapporteur a tenu à ce qu'il soit élaboré en concertation avec l'ensemble des membres de la mission, ce qui n'est pas si souvent le cas -, ainsi que sur son titre.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - C'est la première mission d'information que je suis d'aussi près depuis que je suis élu sénateur ; cela m'a permis de mesurer combien les travaux que nous devons mener sont chronophages, pour moi comme pour mes collègues...

Je tiens à remercier l'ensemble des membres de cette mission d'information, ainsi que sa présidente. Lorsque Marie-Pierre Monier et moi-même nous sommes rencontrés pour la première fois pour discuter du sujet, je me suis dit que nous allions vivre un drôle de moment pendant six mois, tant nos points de vue étaient différents... Toutefois, cela ne nous a pas empêchés de faire du bon travail.

Ainsi que nous l'avons dit lors de la réunion constitutive, en fonction des territoires dont nous sommes élus ou selon les ABF que nous avons connus, les avis sont assez tranchés sur ce sujet.

L'objectif de la mission d'information consistait à objectiver les choses, à les chiffrer, à les rendre concrètes ; il s'agissait aussi de déterminer quelques lignes d'actions efficaces. La mission s'est déroulée dans un contexte politique assez particulier, celui de la dissolution, qui nous a finalement laissé pas mal de temps pour conduire nos travaux.

J'avoue avoir ressenti une forme de frustration dès le départ. En effet, les personnes que nous avons été amenés à rencontrer - maires, organisations professionnelles, conservateurs - ont toutes l'habitude de travailler dans le domaine du patrimoine, en lien avec les ABF. Voilà pourquoi j'ai décidé d'envoyer un questionnaire à l'ensemble des maires. Les retours ont nourri notre travail.

Tout au long de cette mission d'information, je me suis efforcé de prendre en considération ce que l'on peut appeler les « petits dossiers », tels que les changements d'huisseries dans les communes à intensité patrimoniale faible.

Comment faire en sorte que ce rapport serve à quelque chose ? Certes, il sera rendu public et envoyé à la presse, mais cela ne suffira pas. Je m'adresse donc au président Lafon : il serait bon, dans les semaines ou les mois à venir, que Marie-Pierre Monier et moi-même puissions présenter nos travaux à la commission de la culture. Nous pourrions également communiquer notre rapport à la ministre de la culture et rencontrer les représentants de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) et de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).

J'en viens au fond du travail que nous avons mené. Je ne vous dresserai pas d'inventaire à la Prévert et me contenterai de mettre en exergue quelques points saillants. Bien entendu, nous avons rappelé les nombreuses critiques évoquées à l'égard des ABF : coût des travaux, divergence des avis selon les territoires, manque de pédagogie, prise en compte insuffisante de la transition énergétique, manque d'effectifs, etc.

Ceux qui se plaignent des ABF évoquent avant toute chose l'avis conforme. Contrairement à ce que j'ai pu parfois entendre, il n'a jamais été question de faire sauter l'avis conforme. Il s'agit simplement de le faire accepter, dans son périmètre et dans la manière dont il est appliqué.

Je veux maintenant parler du périmètre délimité des abords (PDA), que j'aime appeler « périmètre intelligent ». C'est un sujet essentiel, dont les maires doivent absolument s'emparer. En la matière, il conviendrait de lever les lourdeurs administratives, notamment l'enquête publique. Aussi, la mise en place du PDA devrait être rendue automatique en cas de modification du plan local d'urbanisme (PLU) ou du plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi). Cela me semble essentiel pour que le maire, dans le cadre d'une discussion avec l'ABF, comprenne l'enjeu patrimonial de sa commune.

Bref, le PDA doit résonner dans la tête des maires tout aussi automatiquement qu'un tennisman répète son coup droit pendant l'entraînement. Nous pourrions sans doute modifier la loi, à l'occasion d'une niche parlementaire, afin que le PDA devienne le plus concret possible.

J'entends parfois dire que l'ABF n'aurait pas de contre-pouvoirs, dès lors que sa décision ne peut être ni contestée ni révisée. En effet, qui a autorité sur l'ABF ? Certains pensent qu'il s'agit du préfet... Quoi qu'il en soit, je ne suis pas certain que ces questions relèvent du domaine législatif et qu'il faille revoir le traitement des refus, dont le nombre reste extrêmement faible. Le coeur du problème, ce sont plutôt les avis formulés avec des recommandations très longues.

En revanche, je crois beaucoup en l'institution d'une commission de conciliation départementale. Composée des services de la préfecture, d'ABF et de représentants des élus, elle aurait à vocation à se réunir de manière régulière et, sur saisine d'un maire, elle examinerait le dossier de refus. Voilà qui permettrait de mettre l'ABF et les personnels des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (Udap) devant leurs responsabilités. Je suis convaincu que cette commission peut avoir un effet pédagogique et résoudre bon nombre de problèmes.

Il convient également de mentionner la politique de l'État en matière de ressources humaines. Il s'agit non pas de faire du flicage, mais, encore une fois, d'objectiver les choses. Ainsi, les décisions rendues par les ABF devraient être inscrites dans un registre national consultable en ligne. Cela permettrait, chiffres à l'appui, d'identifier les territoires dans lesquels des problèmes se posent.

J'en viens au métier des ABF en tant que tel. Ce métier, comme beaucoup d'autres, souffre d'un manque d'effectifs et d'une crise des vocations. C'est pourquoi il faudrait le rendre plus attractif et embaucher davantage d'ABF. Toutefois, les choses ne sont pas si faciles, compte tenu de la quadrature du cercle budgétaire.

En outre, il conviendrait de mettre en place une politique nationale des ressources humaines propre au métier d'ABF. Conformément aux ambitions en matière de développement durable, des lignes directrices et des partages de bonnes pratiques à l'échelle nationale, notamment sur l'origine des matériaux, seraient les bienvenues. Notez que 85 % du bois posé en France vient de Chine, ce qui n'est pas le cas de tous les matériaux, comme l'aluminium.

Nous savons bien qu'aucune commune ni aucun bâtiment ne se ressemble - et je ne parle même pas de la maille humaine dans chaque territoire. Ce n'est pas pour autant qu'il ne faut pas essayer d'établir un peu de cohérence à l'échelle nationale.

Les projets de service me semblent une excellente chose. À Figeac, nous avons rencontré un ABF qui s'était chargé d'en rédiger un. Il avait ainsi identifié les endroits d'intensité patrimoniale forte, déterminé l'organisation de son travail avec les élus et défini le rôle des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE). Il s'était également mis au défi de présenter son projet de service à toutes les intercommunalités au cours de l'année.

Un échange de bonnes pratiques entre les ABF, les CAUE et les services d'instruction des villes et des intercommunalités, à l'échelle du département, permettrait de simplifier au mieux la vie des pétitionnaires.

La sensibilisation des plus jeunes au patrimoine est un autre sujet essentiel. Je pense que l'on pourrait faire davantage en la matière, notamment au sein de l'éducation nationale.

J'en termine par le diagnostic de performance énergétique (DPE) patrimonial. Une chose est sûre, on ne peut pas traiter les bâtiments à intensité patrimoniale forte comme on traite les bâtiments neufs : le cahier des charges est différent et le financement coûte plus cher. Il conviendrait qu'un référent travaille sur ces sujets dans chaque Udap.

Mme Nadine Bellurot. - Nous avons tous vécu des expériences différentes sur ce sujet difficile. Il est essentiel, pour les élus locaux, de disposer du conseil des ABF, mais ils connaissent souvent d'importantes divergences avec ces derniers.

Les avancées que vous proposez concernant l'avis conforme sont particulièrement demandées. Idem pour les recours : le délai d'un mois est beaucoup trop court ! La commission de conciliation est une excellente chose, d'autant que l'échelon départemental permet de connaître le territoire au plus près.

Je vous remercie pour votre travail, qui va dans le sens d'une meilleure connaissance de ce métier difficile, surtout que les effectifs d'ABF sont assez faibles par rapport au nombre de dossiers à traiter.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Je tiens, moi aussi, à souligner la qualité de ce rapport, qui nous a été communiqué très amont. D'un point de vue économique et financier, il est nécessaire de distinguer ce qui est souhaitable de ce qui est possible, toujours dans l'objectif commun de préserver le patrimoine.

Ce rapport soulève quatre points essentiels, à commencer par l'adaptation des périmètres. En effet, la ligne des 500 mètres aux abords d'un monument historique donne parfois lieu à des situations ubuesques. Aussi, il convient d'alléger la procédure. En l'occurrence, la méthode proposée me semble tout à fait réaliste.

Deuxième point essentiel : les ABF et les élus doivent pouvoir se parler. Les maires sont très demandeurs de conseil et d'accompagnement, surtout dans les petites communes, qui, dans une écrasante majorité, maillent notre territoire.

Troisièmement, la culture patrimoniale est sans doute un peu légère et mériterait d'être renforcée.

Quatrième et dernier point, il faut faire face aux nouveaux enjeux, notamment énergétiques, tout en préservant le patrimoine. Ainsi, nous ne saurions durcir inutilement les contraintes et favoriser la création d'usines à gaz, en particulier au niveau des services instructeurs. Cela demande d'agir avec beaucoup de doigté. Pour que les choses soient bien admises, il faut qu'elles soient simples et accessibles.

M. Laurent Lafon. - Je me joins aux remerciements formulés à l'endroit du rapporteur et de la présidente de cette mission d'information.

Notre collègue Verzelen évoquait les inquiétudes que lui a inspirées sa toute première discussion avec Mme Monier. Je ne vous cache pas que nous avions, nous aussi, quelques craintes. En effet, pourquoi soulever ce sujet, alors qu'il crée souvent des dissensions entre nous ? Cela étant, au terme de ces six mois de travaux, vous avez pleinement justifié votre démarche. Grâce au constat que vous avez dressé et aux propositions que vous avez formulées, vous êtes même parvenus à apaiser les choses.

Nous avions l'habitude d'aborder ce sujet dans l'urgence, à l'occasion d'un texte de loi faisant mention des ABF, ce qui favorisait les positions manichéennes, mais pas les avancées. Vous avez réussi à vous extraire de cette situation.

Votre rapport servira de référence sur la position à tenir par le Sénat, du moins par les membres de cette mission d'information.

Vos propositions ne posent pas de difficultés dans l'ensemble. Elles ont chacune un caractère très réaliste et n'omettent pas les craintes et les réactions négatives, qui peuvent être nombreuses. Bien entendu, je souscris à la demande du rapporteur de présenter ces travaux devant la commission de la culture : voilà qui permettra d'enrichir les connaissances de chacun.

Une présentation du rapport à la ministre me semble tout aussi utile ; cela permettra de renforcer sa sensibilité à ces questions. Il faudrait aussi communiquer le résultat de vos travaux au directeur général des patrimoines et de l'architecture, car c'est une personne écoutée au sein du ministère de la culture.

Il me semble que les questions d'organisation du dialogue entre les élus locaux et les ABF et de gestion des ressources humaines ne sont pas de nature législative. Toutefois, votre proposition de compléter la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture pour y introduire la notion de réhabilitation me paraît intéressante.

M. Adel Ziane. - Le directeur général des patrimoines et de l'architecture est très sensible à ces questions ; il en ira peut-être de même de la ministre de la culture.

Dans mes précédentes fonctions d'adjoint à l'aménagement et à l'urbanisme, j'ai vu combien la dichotomie était forte entre les problématiques urbaines, qui reçoivent plus de moyens, et les difficultés du monde rural ou périurbain, où les maires sont démunis.

Dès le début de nos auditions, nous avons constaté qu'il fallait recruter davantage d'ABF, justement pour renforcer le rôle de conseil et de préservation du patrimoine, aux titres tant matériel que paysager. Vos recommandations en matière de ressources humaines me semblent donc aller de soi.

Par ailleurs, l'« an II des PDA », comme vous l'écrivez dans votre rapport, est une très belle formule. La recommandation n° 6, qui consiste à supprimer l'obligation de mener une enquête publique lorsque la création d'un PDA n'est pas réalisée simultanément à l'élaboration, à la modification ou à la révision d'un PLU ou d'un PLUi, me semble excellente. C'est une mesure essentielle pour alléger et faciliter les procédures et créer des discussions lors de la révision de ces documents d'urbanisme.

Je souscris à l'idée d'instituer une commission de conciliation à l'échelon départemental : voilà une proposition du Sénat pour aider les maires et les élus locaux à sortir des difficultés.

Enfin, nous avons noté la proposition de la Drac Bourgogne-Franche-Comté, qui a édité un guide de bonnes pratiques à destination des élus, dans la logique d'assurer la lisibilité du travail des ABF.

Nous avons mis le doigt sur le problème d'adaptation d'un certain type de bâtiments protégés. L'adéquation entre les normes écologiques les plus récentes et la préservation et la qualité du bâti sont parfois antinomiques. Il faut donc trouver un équilibre.

M. Pierre Barros. - Cela a été dit, les positions du rapporteur et de la présidente de la mission d'information ne sont pas les mêmes. Toutefois, le Sénat est suffisamment astucieux pour mettre en mouvement deux personnes qui ne pensent pas la même chose : ce rapport en est l'expression.

Le sujet des ABF est dans la bouche de tous les élus ; il est parfois difficile d'en discuter dans les territoires.

Le rapport rappelle des choses simples : un projet doit se faire à plusieurs ; dès lors, il faut que les différentes parties prenantes arrivent à parler la même langue. On le sait, les architectes ont un langage très particulier, peu compréhensible pour le commun des mortels. Si les ABF ont une vision particulière, ils doivent aussi respecter le regard des élus, qui connaissent très bien leur territoire.

Quoi qu'il en soit, la culture des architectes et celle des élus n'ont pas à être mises en concurrence. Il suffit de créer des passerelles entre les uns et les autres.

En matière de périmètres, on confine parfois à la folie. La délimitation des périmètres et les effets de bord associés peuvent conduire à des injustices et à des aberrations architecturales, au détriment même de la qualité de l'environnement.

Les services locaux et les services de l'État doivent communiquer et penser ensemble les dossiers, sous la forme de projets.

Le Conseil national de l'ordre des architectes s'intéresse aussi à l'évolution de la loi de 1977 et à la notion de réhabilitation. S'il n'y a ni création de surface ni changement de destination, un projet de réhabilitation n'impose pas de prendre un architecte ; or les architectes veulent s'impliquer, alors que tant de réhabilitations se font sans leur intervention. Certaines d'entre elles sont terribles et peuvent défigurer une collectivité ! Nous pourrions envisager la création d'un véritable permis de réhabilitation.

Mme Monique de Marco. - Cette mission était nécessaire, car le rôle et les missions des ABF sont peu connus - ces derniers sont souvent critiqués.

L'excellente participation à la consultation en ligne a démontré l'intérêt que suscite cette question parmi les élus, notamment pour ce qui concerne la compatibilité des prescriptions des ABF avec la transition énergétique et écologique.

Je vous remercie d'avoir bien voulu examiner mes propositions de modification, tout comme je vous remercie pour votre recommandation n° 23, qui vise à compléter la loi de 1977 sur l'architecture pour y inclure les réhabilitations. Voilà qui répond au souhait des architectes.

La Cour des comptes note un manque de disponibilité des ABF, et la profession est touchée par de nombreux départs. Il faudrait donc renforcer le nombre des ABF et revoir leur formation. En la matière, les auditions m'ont laissée sur ma faim. Lors de son audition, Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture, a lui-même souhaité une réforme du concours d'entrée à l'école de Chaillot et de la formation, tout en renforçant la formation continue. Je l'ai interrogé avec insistance pour qu'il précise ses intentions, mais je n'ai pas eu de réponse. Il faudrait aller plus loin. Peu de candidats se présentent au concours. Est-ce dû à un manque d'information des étudiants ? La formation est-elle adaptée ?

Ce rapport est consensuel. Cependant, j'aurais souhaité que nous réaffirmions l'indépendance des ABF. Votre recommandation n° 3 me semble un peu raide : pourquoi parler de « changement d'affectation » ? Quand un ABF est considéré comme trop rigide ou trop souple, certains maires ou pétitionnaires savent aussi faire pression. Vous y allez sans doute un peu fort.

Mme Anne-Marie Nédélec. - Par un changement d'affectation, vous ne feriez que déplacer le problème !

Mme Monique de Marco. - Pourquoi ne pas parler d'un « dialogue » ?

Je voulais proposer une modification complémentaire, mais je ne l'ai pas fait afin de préserver l'esprit consensuel du rapport. Ma proposition concernait les installations photovoltaïques inférieures à 6 kilowatts-crête (kWc) : pourquoi ne pas demander un avis simple, comme pour les antennes relais ?

Pour ce qui concerne le DPE, Sabine Drexler et moi-même avions cherché une formulation plus forte. Des suggestions ont été faites. Le ministère de la culture, dans son rapport Les patrimoines et l'architecture dans la transition écologique publié le 18 juillet dernier, a proposé une adaptation de la méthode de calcul de consommations conventionnelles des logements, dite 3CL, pour l'établissement du DPE, afin de mieux prendre en compte les particularités du bâti, en ajustant des critères de confort d'été ou d'inertie thermique. C'est le Comité de la prospective et de l'innovation (CPI) du ministère de la culture qui préconise cette solution, utile pour résoudre le problème du DPE dans le bâti ancien sans déstabiliser davantage ce même diagnostic. Il existe aussi un manque de formation des diagnostiqueurs en matière de bâti ancien : nous pourrions approfondir le sujet.

Pour conclure, j'ai apprécié cette phrase, entendue lors de nos auditions : « Rien n'est interdit, mais tout n'est pas possible. »

Mme Sabine Drexler. - Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour cette restitution remarquable. Votre rapport est une synthèse très fidèle de nos échanges et de notre travail, qui prend en compte de matière approfondie les attentes des ABF et de tous les acteurs. Les préconisations sont complètes et pertinentes.

Le rapport rappelle aussi l'importance de la fonction de l'ABF, souvent dénigrée, car mal comprise. Ce rapport contribuera à la compréhension du rôle éminent des ABF.

L'État devrait renforcer leur nombre, leur rôle et leurs moyens. Ils sont dans l'impossibilité de remplir leurs missions, notamment en matière de conseil : les avis tombent souvent comme un cheveu sur la soupe, sans explication. Les ABF apprécieront sans doute ce travail, car nous avons montré que nous les avons compris.

La transmission du patrimoine est en péril, car elle dépend du niveau des exigences et des normes de rénovation énergétique. Nous allons continuer à travailler sur la question à l'automne, notamment au moment du rapport budgétaire sur le patrimoine.

Par ailleurs, nous avons de nouvelles idées pour limiter les démolitions. Quand il n'y a aucune protection, les gens pensent que tout est permis, sans comprendre les levées de boucliers quand ils envisagent de démolir un bien qui possède une valeur patrimoniale. Dans leur esprit, l'absence de protection ou de périmètre équivaut souvent à un feu vert pour faire ce que l'on veut.

Nous sommes à un point de bascule. Si nous ne nous mobilisons pas dans les vingt ans à venir, certaines zones n'auront plus aucun patrimoine bâti, et nous nous contenterons de muséifier quelques lieux. Ce serait dramatique. Notre commission a la responsabilité d'agir.

Cet automne, il faudra faire un point sur le DPE avec les nouvelles équipes du ministère de la transition écologique. Le ministère ne souhaite pas créer un DPE patrimonial, mais il travaille à l'intégration de nouveaux critères en matière de matériaux biosourcés et locaux. Nous devons rester vigilants et interpeller les équipes régulièrement pour nous assurer que le travail aboutisse.

Le PDA devrait être obligatoire partout. Dans certains villages du Morvan, il n'y a aucun bâtiment inscrit ou classé, car l'inventaire n'a jamais été fait ; dès lors, tout est possible.

Il faut effectivement faire évoluer le métier des architectes, avec une certification sur le bâti ancien. Un nouveau métier pourrait voir le jour : nous pourrions rendre obligatoire une forme de diagnostic de valeur patrimoniale, à l'instar du DPE.

M. Vincent Éblé. - En tant que membre de la commission des finances, je me réjouis particulièrement d'avoir participé à ces travaux. Je souhaite remercier le binôme constitué par la présidente et le rapporteur, image du sérieux du travail du Sénat, qui ne se contente pas d'appréciations à l'emporte-pièce, trop politiques ou simplement arrêtées ; nous savons rapprocher nos points de vue. Ce rapport, qui fera l'objet d'un consensus intelligent, en témoigne. Il pourra produire des effets : raisonnablement modeste dans ses recommandations, il est en phase avec les attentes de chacun.

Je partage l'essentiel des recommandations du rapport, tout particulièrement celle qui porte sur l'enquête publique : cette dernière devrait être allégée, que ce soit par voie législative ou réglementaire. Veillons à trouver le bon véhicule.

Nous avons fait oeuvre utile. Toutes les personnes concernées, les responsables et les acteurs du patrimoine attendent ce rapport. J'espère que nous ferons progresser, par exemple, la formation ou la collégialité des décisions. Le point problématique reste souvent la décision relativement solitaire de l'ABF. Au-delà des nouvelles possibilités de recours, plus de pédagogie et plus de dialogue, plus de confrontation des points de vue et plus de parole collective seront les bienvenus. En effet, la parole collective est toujours plus convaincante face à un pétitionnaire.

M. Hervé Reynaud. - Membre de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, j'ai beaucoup apprécié l'émulation qui a présidé à ces travaux.

J'ai beaucoup évolué tout au long de la mission d'information. Les élus regardent toujours les irritants ; ils ont parfois envie d'en découdre. Face à la raréfaction du foncier, les maires sont souvent très isolés dans leur confrontation avec l'ABF ; cependant, j'ai aussi constaté combien les ABF étaient tout aussi isolés dans leur démarche. Ce rapport, par sa hauteur de vue, rééquilibre les choses.

Nous voudrions sans doute une déclinaison, peut-être législative, notamment pour unifier les référentiels et harmoniser les décisions. La question de l'autorité hiérarchique reste en suspens. Les maires se tournent parfois vers le préfet ou le préfet de région pour se faire entendre. Préserver le patrimoine peut aussi passer par une forme de destruction : face à des dizaines d'hectares de friches industrielles, il faut parfois savoir détruire pour le mettre en valeur.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Je vous remercie pour vos propos et pour cet esprit de consensus.

Nous essayons de faire en sorte que le dialogue existe entre les élus et les ABF ; nous voulons faire confiance à l'intelligence collective au niveau départemental, car ABF et maires peuvent se mettre d'accord et définir de nouveaux périmètres sans cabinet d'études.

Par ailleurs, ce rapport est fidèle au travail réalisé et au contenu des auditions - je tenais à le souligner.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Le préfet de région n'est pas l'autorité hiérarchique supérieure, mais peut modifier l'avis de l'ABF en cas de recours.

Les ABF doivent rendre 13 décisions par jour ouvré, ce qui est impossible. Le président de la chambre régionale des comptes de Bourgogne-France-Comté nous avait, le premier, proposé qu'il y ait un ABF de plus par département. J'espère que nous porterons cette mesure dans le prochain projet de loi de finances. Dans 40 % des départements, l'ABF est seul pour décider.

À Figeac, ville administrée pendant des années par Martin Malvy, j'ai vu le résultat d'un travail extraordinaire. Pour un projet donné, l'ABF rencontre en amont les pétitionnaires, avec le maire et les services instructeurs. Les projets qui se passent bien sont ceux qui sont préparés en amont. Autre exemple, dans l'Hérault, pour installer une antenne relais, une fausse cheminée a été proposée par un ingénieur paysagiste. Les solutions existent.

Par ailleurs, entre 2013 et 2023, le nombre d'avis rendus par les ABF a augmenté de 63 %, tandis que l'effectif des ABF a augmenté de seulement 6 %.

Passons à l'examen des propositions de modification.

La proposition de modification n° 1 de M. Pierre-Jean Verzelen, rédactionnelle, est adoptée.

Mme Monique de Marco. - Sabine Drexler et moi-même souhaitions une rédaction plus volontaire au sujet des DPE, notamment pour la recommandation n° 22.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Avis favorable.

La proposition de modification n° 2 de Mmes Monique de Marco et Sabine Drexler est adoptée.

Mme Monique de Marco. - L'Île-de-France est très bien pourvue en ABF. Nous attendons la création de nouveaux postes, et non un redéploiement depuis l'Île-de-France, même si la répartition n'est pas équilibrée. En effet, ce sont les territoires ruraux qui manquent le plus d'ABF et de personnels administratifs.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Nous proposons bien un ABF de plus par département ! De plus, le patrimoine de l'Île-de-France est tout à fait exceptionnel. Il faut en tenir compte.

Nous passons à l'examen de la proposition de modification n° 3.

Mme Monique de Marco. - Je propose une rédaction plus précise, notamment pour la recommandation n° 24, en remplaçant « écologique » par « énergétique et environnementale ».

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Excellente idée !

La proposition de modification n° 3 de Mme Monique de Marco est adoptée.

Les recommandations, ainsi modifiées, sont adoptées.

M. Pierre-Jean Verzelen, rapporteur. - Nous vous proposons le titre suivant : « Les architectes des bâtiments de France face au défi de la transition économique et écologique de notre patrimoine : des pratiques à adapter, une profession à réhabiliter, un cadre de vie à préserver ».

Mme Monique de Marco. - Je ne comprends pas cette notion de « transition économique ». Cela n'a pas de sens.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Nous vous proposons donc cette nouvelle rédaction : « Les Architectes des bâtiments de France face aux contraintes économiques et aux défis de la transition énergétique et environnementale de notre patrimoine : des pratiques à adapter, une profession à réhabiliter, un cadre de vie à préserver ».

Le titre du rapport d'information, ainsi modifié, est adopté.

La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information ainsi modifié et en autorise la publication.

Mme Marie-Pierre Monier, présidente. - Mes chers collègues, avant de clore la réunion, j'appelle votre attention sur le fait que le rapport ne sera publié que lundi 30 septembre en début d'après-midi. D'ici là, je vous invite à la plus grande confidentialité sur son contenu et sur ses conclusions. Je vous invite à laisser sur place le projet de rapport.

Je vous rappelle enfin que les groupes politiques ont la possibilité, s'ils le souhaitent, de faire valoir leur position dans une contribution annexée au rapport. Ces contributions devront être reçues avant vendredi 27 septembre à 17 heures.

ANNEXES
-
LES COMPÉTENCES DES ARCHITECTES DES BÂTIMENTS DE FRANCE

I. COMPÉTENCES DE L'ARCHITECTE DES BÂTIMENTS DE FRANCE

I.1

Références

MONUMENT HISTORIQUE (MH) et PATRIMOINE

L 612-1 CP

- L'État assure la protection, la conservation et la mise en valeur du bien reconnu en tant que bien du patrimoine mondial

- Participation à l'élaboration du plan de gestion comprenant les mesures de protection, de conservation et de mise en valeur à mettre en oeuvre pour le périmètre du bien inscrit sur la liste du patrimoine mondial

L621-29-2 et R621-70 CP

- Assistance à maîtrise d'ouvrage des travaux sur les MH n'appartenant pas à l'État, suivant les conditions du décret (péril,...)

R621-25 CP

- Maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation des immeubles classés appartenant à l'État

R621-26 CP

- Maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation des immeubles classés n'appartenant pas à l'État (immeubles en situation de péril ou danger imminent pour les personnes, ou carence de l'offre privée ou publique)

R621-69 CP

- Conservation et maîtrise d'oeuvre des travaux de réparation et d'entretien sur les MH appartenant à l'État (MC et ses établissements publics)

L 341-10 CE,

L632-2 CP

- Accord sur les travaux, en site classé, situés en même temps en abords de MH ou en SPR

R 581-11, L 581-18 et R 581-16 CE

- Accord sur les demandes d'installation, d'enseignes sur MH, sur les dispositifs publicitaires et pré-enseignes situés sur une toiture ou une terrasse en tenant lieu sur MH

R 581-17 CE

- Avis sur les enseignes temporaires situées sur MH

R462-7 CU

- Récolement obligatoire des travaux réalisés sur un immeuble MH inscrit

L 511-19 et R 511-4 CCH

- Information immédiate de l'ABF en cas de danger imminent concernant des immeubles MH inscrits ; avis sur les travaux de réparation ou démolition d'un MH inscrit dans le cadre d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité

R164-3 CCH

- Dérogations relatives à la mise en accessibilité des immeubles protégés au titre des MH, ou situés en abords de MH ou en SPR

R 122-18 code forestier

- Avis sur le projet d'annexe établi par l'Office national des forêts sur les directives ou schémas régionaux d'aménagement et schémas régionaux de gestion sylvicole lorsqu'ils concernent des MH

Références

MONUMENT HISTORIQUE (MH) et PATRIMOINE

R 122-23 code forestier

- Accord sur le document de gestion des bois et forêts de l'Office national des forêts, pour les MH

arrêté du 15 septembre 2006 MC,

circulaire du 1 avril 2008 relative à l'utilisation des édifices de cultes appartenant à l'État à des fins non cultuelles

- Missions de responsable unique de sécurité dans les monuments historiques appartenant à l'État (MC), affectés au culte et ouverts au public

156 CGI

BOFIP du 19 décembre 2018

- Avis préalable sur le label délivré par la Fondation du patrimoine

Circulaire du 4 mai 1999

- Avis sur les projets de protection d'un immeuble au titre des MH

I.2

Références

URBANISME, ARCHITECTURE et CADRE DE VIE

L 621-31, R621-92, R621-92-1 et R621-93 CP

- Proposition de création de PDA, notamment préalablement à l'inscription d'un immeuble au titre des MH ou lors de l'élaboration, modification ou révision d'un PLU ou du document d'urbanisme en tenant lieu

- Accord sur la proposition de création de PDA lorsqu'elle émane de la commune ou de l'EPCI

L 621-32 CP et R* 423-54, R*425-1 CU

L 632-2 CP, R*425-2 CU

- Accord (avis dit « conforme ») sur les autorisations de travaux sur les immeubles (bâtis ou non bâtis) situés en SPR ou en abords de MH

L 631-3 CP

- Participation (concertation) à l'élaboration/ révision/ modification du PSMV ou du PVAP d'un SPR

L 632-2-1 CP et R* 423-54, R*425-1, R*425-2 CU

- Avis (avis dit « simple ») sur les projets d'antennes relais (radiotéléphonie mobile ou très haut débit), de travaux sur les immeubles insalubres situés en SPR et en abords de MH

R 621-96, R 621-96-11 et D 632-1 CP

- Accord et projet de décision au préfet sur les travaux en abords de MH et SPR non soumis à autorisation au titre du CE ou du CU (ICPE, projets d'infrastructure terrestre linéaire de transport liée à la circulation routière ou ferroviaire...)

D 631-5 CP

- Membre de droit de la commission locale du SPR

R 581-11, L 581-18 et R 581-16 CE

- Accord sur les demandes d'installation d'enseignes en SPR ou en abords de MH, sur les dispositifs publicitaires et pré-enseignes situés sur une toiture ou une terrasse en tenant lieu en abords de MH et SPR

R 181-23 CE

- Accord (Avis dit « conforme ») sur les demandes d'autorisation environnementale pour les projets d'infrastructure terrestre linéaire de transport liée à la circulation routière ou ferroviaire en SPR ou en abords de MH

R 181-32 CE

- Accord (Avis dit « conforme ») sur les demandes d'autorisation environnementale pour les projets d'installation de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent en SPR ou en abords de MH

L 111-17 et R 111-24 CU

- Avis sur des périmètres délimités dérogeant à l'obligation L111-16 CU / dispositifs de performances environnementales et énergétiques

R 111-33 CU

- Avis sur les demandes de dérogation pour l'installation de camping dans les SPR et abords de MH

R 313-29 CU

- Attestation restauration complète d'un immeuble en SPR pour l'application du 3° du I de l'article 156 CGI ou de l'article 199 tervicies CGI

Références

URBANISME, ARCHITECTURE et CADRE DE VIE

R 313-5 CU

- Accord sur des adaptations mineures des prescriptions du règlement du PSMV à l'occasion de l'examen d'une demande d'autorisation de travaux

R462-7 CU

- Récolement obligatoire des travaux réalisés sur un immeuble situé en SPR

L 511-19 et R 511-4 CCH

- Information immédiate de l'ABF en cas de danger imminent concernant des immeubles situés en abords de MH ou en SPR ; avis sur les travaux de réparation ou démolition d'un immeuble en abords de MH ou en SPR dans le cadre d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité

R 122-18 code forestier

- Avis sur le projet d'annexe établi par l'Office national des forêts sur les directives ou schémas régionaux d'aménagement et schémas régionaux de gestion sylvicole en abords de MH et SPR

R 122-23 code forestier

- Accord sur le document de gestion des bois et forêts de l'Office national des forêts en abords de MH et SPR

R*112-1 code de la voirie routière

- Avis sur les plans d'alignement en SPR ou en abords de MH

Décret n° 78-172 du 9 février 1978

- Membre du conseil d'administration des CAUE

I.3

Références

SITES et PAYSAGES

R 341-9 CE et R 425-30 CU

- Avis (dit « simple ») sur les demandes de travaux soumis à la déclaration prévue à l'article L. 341-1 CE en site inscrit (hors démolitions)

R 341-11 CE et R*425-17 CU

- Avis sur les demandes de travaux en site classé, pour lesquels l'autorisation spéciale est déconcentrée au préfet de département

R 341-12 CE

- Avis sur les demandes de travaux en site classé, soumis à autorisation spéciale du ministre en charge des sites

R341-17 CE, arrêté préfectoral

- UDAP : membre de droit à la CDNPS (collège de représentants des services de l'État)

- ABF : rapporteur de certains dossiers

R 581-11 CE

- Accord ou avis sur les demandes d'installation d'un dispositif publicitaire ou d'une pré-enseigne sur une toiture ou une terrasse en tenant lieu

R 581-17 CE

- Avis sur les enseignes temporaires situées dans les sites classés, dans les coeurs des parcs nationaux et les réserves naturelles, sur les arbres

R 111-33 CU

- Avis sur les demandes de dérogation pour l'installation de camping dans les sites inscrits

R*425-18 CU

- Accord (avis dit « conforme ») sur les demandes de démolition en site inscrit

R462-7 CU

- Récolement obligatoire des travaux réalisés sur un immeuble situé en site classé ou en instance de classement

L 511-19 et R 511-4 CCH

- Information immédiate de l'ABF en cas de danger imminent concernant des immeubles en site inscrit ou en instance de classement ; avis sur les travaux de réparation ou démolition d'un immeuble en site inscrit ou en instance de classement dans le cadre d'un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité

R*112-1 code de la voirie routière

- Avis sur les plans d'alignement site classé, inscrit ou en instance de classement

R 122-17 code forestier

- Avis sur le projet d'annexe établi par l'Office national des forêts sur les directives ou schémas régionaux d'aménagement et schémas régionaux de gestion sylvicole

ACRONYMES

ANRU Agence nationale pour la rénovation urbaine

CAUE Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement

CCH Code de la construction et de l'habitation

CDNPS Commission départementale nature, sites et paysage

CE Code de l'environnement

CGCT Code général des collectivités territoriales

CGI Code général des impôts

CMN Centre des monuments nationaux

CP Code du patrimoine

CRPA Commission régionale du patrimoine et de l'architecture

CU Code de l'urbanisme

DUP Déclaration d'utilité publique

EPCI Établissement public de coopération intercommunale

MC Ministère de la culture

MH Monument historique

PDA Périmètre délimité des abords

PLU Plan local d'urbanisme

PNRQAD Programme national de requalification des quartiers anciens dégradés

PSMV Plan de sauvegarde et de mise en valeur

PVAP Plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine

RLP Règlement local de publicité

SCoT Schéma de cohérence territoriale

SPR Site patrimonial remarquable

UDAP Unité départementale de l'architecture et du patrimoine

Source : Ministère de la culture. Direction générale des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture. Réponse au questionnaire de la mission d'information

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Jeudi 28 mars 2024

Direction générale des patrimoines et de l'architecture :

M. Jean-François HÉBERT, directeur général, Mme Isabelle CHAVE, sous-directrice des monuments historiques et des sites patrimoniaux, M. Pascal MIGNEREY, chef de la délégation, directeur de projet, Mme Hélène FERNANDEZ, directrice, adjointe au directeur général des patrimoines et de l'architecture, chargée de l'architecture

Mercredi 3 avril 2024

M. Albéric DE MONTGOLFIER, sénateur d'Eure-et-Loir.

Mercredi 10 avril 2024

Table ronde de représentants d'associations d'élus locaux :

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) : M. David NICOLAS, co-président du groupe de travail Patrimoine, maire d'Avranches, président de la communauté d'agglomération Mont-Saint-Michel - Normandie

- Association des maires ruraux de France (AmrF) : M. Vincent JOINEAU, maire de Rions (33), représente l'AmrF

Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) :

MM. Patrick BRIE, adjoint au sous-directeur de la qualité du cadre de vie, Benoît BERGEGÈRE, chef du bureau des sites protégés, et Yannick PACHE, chef du bureau de la réhabilitation du parc et des évaluations économiques.

Mardi 7 mai 2024

Cour des comptes : M. Emmanuel ROUX, président de la CRC Bourgogne Franche-Comté, conseiller maitre, M. Michel BOUVARD, conseiller maître, Mme Anne LE LAGADEC, conseillère référendaire en service extraordinaire.

Mardi 14 mai 2024

- Association nationale des architectes des bâtiments de France (ANABF)

M. Fabien SÉNÉCHAL, président, Mme Emmanuelle DIDIER, architecte des bâtiments de France et membre du conseil d'administration de l'ANABF, M. Benjamin ABA-PEREA, architecte des bâtiments de France et membre du conseil d'administration de l'ANABF.

- Mairie de Versailles : M. François DE MAZIERES, maire.

- Table ronde de représentants de :

. la Fédération française du bâtiment (FFB) : M. Thomas GEORGE, coprésident, élu de la fédération française du bâtiment, Mme Marion ROGAR, secrétaire générale, M. Stéphane CHENUET, chef du service urbanisme, M. Benoît VANSTAVEL, directeur des relations parlementaires et institutionnelles, Mme Léa LIGNÈRES, chargée d'études relations parlementaires et institutionnelles FFB

. et la Confédération de l'artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) : M. Éric LE DEVÉHAT, artisan tailleur de pierre en Ille-et-Vilaine, en charge du dossier du Patrimoine et administrateur national CAPEB, M. Alain CHOUGUIAT, directeur du pôle des affaires économiques, M. Thibaut BOUSQUET, responsable des relations institutionnelles, Mme Florence CANNESSON, chargée de mission à la direction économique.

- Association nationale des directeurs régionaux des affaires culturelles (DRAC) : MM. Laurent ROTURIER, président, et Hilaire MULTON, directeur régional des affaires culturelles.

Mercredi 15 mai 2024

- Audition commune de Mme Françoise GATEL, sénateur, présidente de l'association « Petites cités de caractère » de France, et de MM. Martin MALVY, président, et Jonathan FEDY, directeur adjoint, de Sites & Cités remarquables de France.

- Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) : Mme Marjan HESSAMFAR, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes, et architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France.

Mardi 21 mai 2024

Table ronde de représentants de propriétaires de bâtiments classés monuments historiques :

M. Raphael GASTEBOIS, vice-président de Vieilles maisons françaises (VMF), Mme Alexandra PROUST, juriste de la Demeure historique (DH).

- Table ronde de représentants d'association de conservation du patrimoine :

MM. Gilles ALGLAVE, président de Maisons paysannes de France, Julien LACAZE, président de Sites et Monuments, Christophe BLANCHARD-DIGNAC, président de Patrimoine-Environnement, et Philippe GONZALÈS, correspondant de la Fondation de la sauvegarde de l'art français (SAF) pour le Lot-et-Garonne, ancien ABF.

- M. Yves DAUGE, président d'honneur de l'association des biens français du patrimoine mondial et président d'honneur de l'association Sites & Cités remarquables de France

Mercredi 22 mai 2024

Château de Versailles : M. Christophe LERIBAULT, président.

Jeudi 23 mai 2024

Conseil français des architectes d'intérieur (CFAI) : M. Yves POLLET, architecte d'intérieur, co-fondateur du pôle action des architectes d'intérieur d'Île-de-France - chargé de communication pour le pôle Action nationale des architectes d'intérieur, M. Étienne PROST, architecte d'intérieur, ancien président du Conseil français des architectes d'intérieur, délégué du CFAI auprès du Sénat, Mme Bérengère TABUTIN DI CICCO, architecte d'intérieur, secrétaire du CFAI - adhérente Echobat IdF, adhérente pôle action des architectes d'intérieur

Mardi 28 mai 2024

- Syndicat de l'architecture : M. Hugo FRANCK, président.

- M. Stéphane BERN, chargé, par le Président de la République (Emmanuel Macron), d'une mission bénévole pour identifier des monuments du patrimoine local en péril.

- Fédération nationale des conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (FNCAUE) : Mmes Valérie CHAROLLAIS, directrice, et Pascale FRANCISCO, directrice du CAUE de Charente-Maritime.

Mercredi 19 juin 2024

Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture : M. Jean-Philippe LEFÈVRE, président

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ø Direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature ;

Ø Assemblée des départements de France.

LISTE DES DÉPLACEMENTS

19 JUIN 2024 : CITÉ DE L'ARCHITECTURE ET DU PATRIMOINE - ÉCOLE DE CHAILLOT (PARIS, XVIE)

- M. Julien BARGETON, président de la cité de l'architecture et du patrimoine ;

- M. Jean-Marc ZURETTI, architecte et urbaniste général de l'État, directeur de l'école de Chaillot, chef du département de la formation de la Cité de l'architecture et du patrimoine ;

- Mme Delphine ABOULKER, directrice adjointe de l'école de Chaillot ;

- Mme Caroline DUJON-ATTALI, directrice des études de l'école de Chaillot.

9 ET 10 JUILLET 2024 : DÉPLACEMENT DANS LE LOT (46)

· Mardi 9 juillet 2024

Ø Préfecture du Lot

En présence de M. le sénateur du Lot, Jean-Marc VAYSSOUZE-FAURE, échanges avec :

- Mme la préfète Claire RAULIN, M. Pierre SICARD, architecte des bâtiments de France (ABF), le président de l'association des maires de France du Lot, et le conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE).

Ø Mairie de Cahors

M. Jean-Luc MARX, maire de Cahors (échanges avec les services de la ville et visite de chantier dans le secteur sauvegardé de Cahors).

· Mercredi 10 juillet 2024

Ø Mairie de Figeac

M. André MELLINGER, maire de Figeac (échanges avec les services de la ville et visite de chantier dans le secteur sauvegardé de Figeac).

JEUDI 11 JUILLET 2024 : DÉPLACEMENT À LYON (69)

Ø Préfecture du Rhône

- Mme la préfète Vanina NICOLI, secrétaire générale ;

- M. Marc DROUET, directeur régional des affaires culturelles Auvergne-Rhône-Alpes.

Ø DRAC Auvergne-Rhône-Alpes - UDAP 69

Mme Emmanuelle DIDIER, ABF, Cheffe de l'UDAP du Rhône et de la Métropole de Lyon, et les personnels de l'UDAP dont Mme Perrine LAON, ABF adjointe, et M. Christophe MARGUERON, ABF adjoint.

En présence de M. le sénateur du Rhône Gilbert-Luc DEVINAZ, rencontre avec des élu(e)s, responsables de services et des territoires :

- M. Sébastien SPERTO, directeur du CAUE ;

- Mme Béatrice VESSILER, vice-présidente déléguée à l'urbanisme de la Métropole de Lyon ;

- Mme Anne JESTIN, directrice générale des services de la Métropole de Lyon ;

- Mme Claire PEIGNÉ, maire de Morancé, présidente de l'AMF 69 ;

- M. Raphaël MICHAUD, adjoint au maire de Lyon en charge de la Ville abordable, Bas carbone et Désirable ;

- Mme Frédérique MARTINENT, directrice du service urbanisme et de l'aménagement urbain de la ville de Lyon ;

Ø Esplanade de Fourvière : Panorama sur le site Unesco, Belvédère de Fourvière

- M. Didier REPELLIN, architecte en chef des monuments historiques honoraire, architecte du patrimoine, ancien architecte des bâtiments de France ;

M. Sébastien SPERTO, au titre d'Urbalyon, agence d'urbanisme de l'aire métropolitaine lyonnaise.

Ø Cité des États-Unis

M. Gaël ROBIN, architecte du patrimoine, agence Archipat.

MERCREDI 17 JUILLET 2024 : DÉPLACEMENT EN INDRE-ET-LOIRE (37)

Ø Mairie de Richelieu

M. Étienne MARTEGOUTTE, maire de Richelieu ;

M. Didier GODOY, maire d'Avoine ;

Mme Nathalie VIGNEAU, maire de l'Île-Bouchard ;

M. Éric BOULAY, ancien directeur du CAUE ;

M. Franck CHARTIER, président du CAUE ;

M. Jérôme VAUGOYEAU, directeur de l'agence départementale d'aide aux collectivités locales (ADAC) ;

M. Éric BOULAY, ancien directeur du CAUE ;

M. Régis BERGE, ABF d'Indre-et-Loire et chef de l'UDAP 37 ;

Mme Élodie ROLAND, ABF, adjointe du chef de l'UDAP 37 ;

Ø Mairie de Loches

M. le Maire Marc ANGENAULT et les services de la ville.

Ø Mairie de Rochecorbon

M. Emmanuel DUMENIL, maire de Rochecorbon ;

M. Bertrand RITOURET, maire de Luynes ;

Mme Corinne LAFLEURE, adjointe au maire chargée de l'aménagement urbain et du développement économique de la ville de Fondettes ;

Mme Anne DÉSIRÉ, adjointe au maire en charge des questions relatives au suivi des autorisations d'urbanisme de la ville de Tours ;

M. Benoît TURQUOIS, directeur des grands projets urbains de la ville de Tours ;

Mme Christine FAUQUET, maire de Saint-Règle, conseillère régionale et vice-présidente de la communauté de communes du Val d'Amboise ;

Mme Sophie MÉTADIER, maire de Beaulieu-lès-Loches.

TABLEAU DE MISE EN oeUVRE
ET DE SUIVI DES RECOMMANDATIONS

N° de la recommandation

Recommandations

Acteurs concernés

Calendrier prévisionnel

(le cas échéant)

Support

Premier axe
Faciliter la prise en compte de la problématique patrimoniale par les élus locaux

6

Quand la création d'un périmètre délimité des abords (PDA) n'est pas réalisée simultanément à l'élaboration, à la modification ou à la révision du PLU, supprimer l'obligation de conduire une enquête publique figurant à l'article L. 621-31 du code du patrimoine

Gouvernement

Parlement

2025-2026

Loi

7

Supprimer, dans la procédure de création d'un PDA, la consultation obligatoire du propriétaire ou de l'affectataire domanial du monument historique concerné

Gouvernement

Parlement

2025-2026

Loi

8

Encourager les élus locaux à adopter un règlement du PDA, en lien avec l'ABF et après consultation de la population dans le cadre d'une enquête publique réalisée de préférence à l'occasion de l'élaboration, de la révision ou de la modification des PLU et PLUi

Gouvernement

Parlement

Collectivités locales

2025-2026

Loi

4

Faire passer de sept jours à un mois le délai du recours qui peut être exercé contre une décision de l'ABF par l'autorité compétente en matière d'urbanisme

Gouvernement

Parlement

2025-2026

Règlement

2

Développer la médiation et mieux la faire connaître auprès des élus

Gouvernement

Ministère de la culture

2025

Pratique adminis-trative

1

Mettre en place au niveau départemental une commission de médiation composée d'élus, de représentants de l'État, de l'ABF du département, de professionnels de la construction comme les CAUE et des associations de défense du patrimoine. Sans préjudice des voies de recours, elle se réunirait périodiquement pour examiner les dossiers transmis par les maires faisant l'objet d'un désaccord avec l'ABF et proposer un règlement

Gouvernement

Ministère de la culture, Préfecture

2025

Pratique adminis-trative

3

Adopter au niveau des DRAC et du ministère une gestion des ressources humaines plus dynamique en identifiant, par un dialogue avec les élus et les autorités préfectorales, les situations les plus conflictuelles, afin de proposer aux ABF éventuellement concernés des formations complémentaires et un accompagnement ou d'envisager un changement d'affectation

Ministère de la culture

2025

Pratique adminis-trative

Deuxième axe
Améliorer la lisibilité et la prévisibilité des décisions des ABF

18

Encourager le développement de permanences régulières des ABF dans les communes de leur territoire de compétences

Ministère
de la culture

DRAC

2025

Pratique adminis-trative

15

Rendre obligatoire pour les ABF chefs de service la diffusion, dans l'année suivant leur entrée en fonction, d'un projet de service déterminant les priorités et les méthodes de travail de leur UDAP d'affectation, qui sera rendu public, adressé à l'ensemble des élus locaux, et présenté devant les intercommunalités du département.

Ministère

de la culture

DRAC

2025

Pratique adminis-trative

17

Assurer la publicité des avis rendus par les ABF dans le cadre d'un registre national en ligne mis gratuitement à la disposition du public permettant de retracer l'ensemble des avis par localisation

Gouvernement

Parlement

2025-2026

Loi

16

Développer des guides, cahiers des charges et doctrines nationales en matière patrimoniale, sur le modèle du guide sur l'insertion architecturale et paysagère des panneaux solaires diffusé en décembre 2023

Ministère
de la culture

DRAC

2025

Pratique adminis-trative

Troisième axe
Mieux informer le public et les élus sur les problématiques patrimoniales

5

Améliorer la connaissance du rôle des CAUE par les élus, et en constituer dans les départements qui n'en sont pas encore dotés

Gouvernement

Départements

2025

Pratique adminis-trative

19

Mettre en place, en particulier via les CAUE, des formations sur les enjeux associés au bâti patrimonial, à destination notamment des agents exerçant dans les services instructeurs des demandes d'autorisation d'urbanisme

Ministère
de la culture

2025

Pratique adminis-trative

20

Développer la connaissance de l'architecture et du patrimoine auprès des publics scolaires afin de promouvoir une culture architecturale citoyenne

Ministère
de l'éducation nationale

2025

Pratique adminis-trative

Quatrième axe
Mieux hiérarchiser les missions des ABF pour leur permettre de renforcer leur fonction de conseil

10

Identifier les priorités d'action des UDAP dans le cadre d'une stratégie nationale déclinée au niveau local par chaque DRAC

Ministère
de la culture

2025

Règlement

9

Définir et hiérarchiser les missions des UDAP en annexe au décret n° 2010-633 du 8 juin 2010, conformément aux orientations prises dans l'instruction n° 5399/SG du 1er juillet 2009

Ministère
de la culture

2025

Règlement

11

Retirer la mission de sécurisation des cathédrales du champ de compétences des ABF

Ministère

2025-2026

Règlement

Cinquième axe
Renforcer l'attractivité du métier d'ABF afin de préserver un corps spécialisé de haut niveau sur le long terme

12

Recruter au moins un ABF supplémentaire par département en relevant le plafond d'emplois applicable aux UDAP dans les lois de finances pour 2025 et 2026 et en définissant un plan pluriannuel de renforcement des effectifs des UDAP

Gouvernement

2025-2026

Loi de finances

13

Améliorer l'information sur les métiers du patrimoine dans les écoles d'architecture

Ministère

de la culture
et ministère de l'éducation nationale

2025

Pratique adminis-trative

14

Renforcer et rendre plus accessible l'offre de formation continue destinée aux ABF, en renforçant le rôle de l'École de Chaillot

Ministère
de la culture -
Ecole de Chaillot

2025

Pratique adminis-trative

Sixième axe
Tenir compte de la spécificité du bâti ancien dans les politiques environnementales

24

Nommer un référent en matière de transition énergétique et environnementale au sein de chaque DRAC.

Ministère de la culture - DRAC

2025

Règlement

22

Accélérer l'évolution engagée par le ministère de la transition écologique sur l'adaptation du DPE aux spécificités du bâti patrimonial ancien, notamment en intégrant l'ensemble des matériaux et techniques pertinents pour ce type de bâti dans le guide d'accompagnement des diagnostiqueurs.

Gouvernement

2025

Règlement

21

Refonder le dispositif d'aides publiques aux opérations de réhabilitation énergétique des logements de manière à développer le soutien financier aux techniques de rénovation énergétique respectueuses du bâti patrimonial, mais également à décourager le recours aux techniques potentiellement délétères pour le bâti ancien

Gouvernement

Parlement

2026

Loi

23

Compléter l'article 1er de la loi du 3 janvier 1977 sur l'architecture pour faire figurer la réhabilitation des constructions parmi les activités architecturales d'intérêt public

Gouvernement

Parlement

2025

Loi


* 1 Dont les comptes rendus sont consultables sur cette page : https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/mi-architectes-des-batiments-de-france.html.

* 2 https://participation.senat.fr/protection-et-valorisation-du-patrimoine-parole-aux-elus.

* 3 Cité dans https://www.herodote.net/La_protection_du_patrimoine_est_recente-article-242.php

* 4 https://www.senat.fr/rap/1982-1983/i1982_1983_0019.pdf

* 5 https://www.gesetze-bayern.de/Content/Document/BayDSchG

* 6 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-1985-12534

* 7 https://www.boe.es/buscar/act.php?id=BOE-A-2008-2494

* 8 https://www.bak.admin.ch/dam/bak/fr/dokumente/kulturpflege/publikationen/schutz_der_umgebungvondenkmaelern.pdf.download.pdf/protection_des_abordsdesmonuments.pdf&ved=2ahUKEwi9qaDJzoiHAxVGEFkFHRltDE0QFnoECA8QAw&usg=AOvVaw324vDh_Fyr7eYpD6scq3HB

* 9 https://bgs.zg.ch/app/de/texts_of_law/423.11/versions/2232

* 10 https://www.normattiva.it/uri-res/N2Ls?urn:nir:stato:decreto.legislativo:2004-01-22;42

* 11 https://lexambiente.it/index.php/materie/beni-culturali/consiglio-di-stato51/beni-culturali-vincoli-di-tutela-indiretta

* 12 Jean-Marc Stébé, « Le logement social en France », PUF 2019.

* 13 Ce rapport a été réalisé à la demande du ministre des affaires étrangères et du développement international de l'époque, Laurent Fabius. Il est consultable à l'adresse suivante :

https://www.diplomatie.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_def_pat_touristique_14_03_17_cle4887a1.pdf.

* 14 https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/20220622-Soutien-Etat-patrimoine-monumental.pdf

* 15 Présenté par Stéphane Bern et diffusé sur les antennes du service public depuis 2012.

* 16 https://www.rtl.fr/culture/medias-people/le-village-prefere-des-francais-et-ses-retombees-positives-sur-le-tourisme-7788948429

* 17 L'accord de l'ABF est requis pour les demandes d'installation d'enseignes en SPR ou en abords de MH, sur les dispositifs publicitaires et pré-enseignes situés sur une toiture ou une terrasse en tenant lieu en abords de MH et SPR (Articles R.581-11, R.581-16 et R.581-18 du code de l'environnement).

* 18 Le changement d'avis conforme de l'ABF en avis n'est pas anodin pour la protection du patrimoine, y compris en cas d'arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, comme en témoigne la démolition de quatre immeubles du XVIIe et XVIIIe à Foix. Établis sur l'Ariège, en covisibilité avec le célèbre château de Foix, ces immeubles avaient été placés sous arrêté de péril ordinaire et d'insalubrité pour deux d'entre eux. Selon l'avis simple de l'ABF qui n'a pas été suivi, « l'état du bâti concerné ne justifie pas, en lui-même, une démolition, car il ne présente aucun défaut structurel », diagnostic confirmé par un architecte du patrimoine délégué de l'association Sites & Monuments, chiffrant la réhabilitation du bâti aux normes « logement social » à une somme proche du coût de la seule démolition, prise en charge par le programme national Action coeur de ville. Source : Contribution à la mission de Sites & Monuments.

* 19 Un système d'information géographique (SIG) est utilisé par les UDAP pour géolocaliser les projets dans le cadre de l'instruction des demandes d'autorisation de travaux qu'ils reçoivent. Il permet de distinguer les abords de 500 mètres, des PDA, des SPR et des sites classés / inscrits.

* 20 L'ABF dispose d'un délai de deux mois pour se prononcer à compter de la réception du dossier. Le défaut de réponse au terme de ce délai vaut accord (cf. article R. 423-67, al. 1 du code de l'urbanisme).

* 21 L'ABF doit se prononcer dans un délai de deux mois. Son silence vaut refus, compte tenu de la gravité de l'opération. (cf. article R*423-67-2 du code de l'urbanisme).

* 22 Cf. article R. 341-9 du code de l'environnement et R. 425-30 du code de l'urbanisme.

* 23 Les ACE sont recrutés sur dossier dans le cadre d'une audition interministérielle - par le ministère de la transition écologique et le ministère de la culture - parmi les architectes praticiens depuis au moins 15 ans. Ils sont au nombre de 160 à l'échelle nationale.

* 24 Le préfet de région doit avoir été préalablement saisi d'une contestation de refus de la demande d'autorisation avant tout recours pour excès de pouvoir contre ce refus, sauf si le maire ou l'autorité compétente pour délivrer le permis a lui-même contesté l'avis de l'ABF ou si le ministre chargé des monuments historiques a usé de son pouvoir d'évocation du dossier. (CE, 30 juin 2010, n° 334747, SARL Château d'Épinay).

* 25 Les accords avec prescriptions ne pouvant faire l'objet d'un recours.

* 26 Concernant le demandeur d'autorisation, un recours déposé avant la décision de l'autorité compétente ou après les deux mois est irrecevable.

* 27 Les recours irrecevables et retirés ne sont pas pris en compte. Les recours sont retirés à la suite d'un accord entre l'ABF et le demandeur, en raison soit de l'intervention du service de la DRAC, soit après médiation prévue par les codes de l'urbanisme et du patrimoine.

* 28 Le préfet de région notifie le recours dont il est saisi au demandeur, à l'autorité compétente et au maire, s'ils ne sont pas l'auteur de la saisine.

* 29 Articles R. 423-68 et R. 424-14 du code de l'urbanisme, s'agissant respectivement du recours de l'autorité compétente et celui du demandeur de l'autorisation.

* 30 La DGPA indique ainsi à titre d'exemple que le préfet de région de la Nouvelle-Aquitaine n'avait pas suivi l'avis de l'ABF à deux occasions depuis 2016 (dans le cadre de recours introduits par l'autorité compétente) : un recours introduit contre un avis favorable de l'ABF à propos d'un projet contemporain ; un recours introduit contre un avis défavorable de l'ABF, opposé à la démolition d'un immeuble ancien. Dans ce deuxième cas, le préfet de région n'a pas souhaité suivre l'avis de l'ABF, confirmé par la CRPA ; le projet est actuellement devant le tribunal administratif

* 31 Article R. 424-14 du code de l'urbanisme.

* 32 On dénombre 45 648 arrêtés de protection de monuments historiques, un monument pouvant faire l'objet de plusieurs arrêtés.

* 33 Il est encadré par le décret n° 2009-750 du 22 juin 2009 relatif au contrôle scientifique et technique des services de l'État sur la conservation des monuments historiques classés ou inscrits.

* 34 Circulaire du ministre de la culture et de la communication relative au contrôle scientifique et technique des services de l'État sur la conservation des monuments historiques classés ou inscrits du 1er décembre 2009 (NOR : MCCB0928985C), p. 3.

* 35 Cf. Ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés.

* 36 Cf. Circulaire du 1er décembre 2009 du ministre de la culture et de la communication, relative à la maîtrise d'oeuvre des travaux sur les monuments historiques classés et inscrits. NOR : MCCB0928988C.

* 37 Cf. Décret n° 2009-748 du 22 juin 2009 relatif à l'assistance à maîtrise d'ouvrage des services de l'État chargés des monuments historiques.

* 38 Cf. Circulaire n° 2005/001 du 4 janvier 2005 relative aux responsabilités en matière de conservation et de sécurité des monuments historiques appartenant à l'État et affectés au ministère de la culture et de la communication / direction de l'architecture et du patrimoine.

* 39 Conçu par la Mission de la sécurité, de la sûreté et de l'audit (MISSA) en 2019, ce plan a été complété avec les travaux du groupe de travail mis en place en juin 2021 au sein de la direction générale des patrimoines et de l'architecture en lien avec tous les acteurs des directions régionales des affaires culturelles.

* 40 Cf. Article 3 du décret n° 2010-633 du 8 juin 2010 relatif à l'organisation et aux missions des directions régionales des affaires culturelles.

* 41  https://www.culture.gouv.fr/Demarches-en-ligne/Par-thematique/Monuments-Sites/Mes-travaux-en-site-protege

* 42 En l'absence d'agrément « monuments historiques », les ABF peuvent sensibiliser les maîtres d'ouvrage sur le niveau de compétences, l'expérience et les références souhaitables en vue de garantir le meilleur résultat possible, sans toutefois citer de marques de produits ou de noms de professionnels.

* 43 Source : Réponse de la DGPA au questionnaire de la mission.

* 44 Cf. Audition devant la mission de Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) et architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France.

* 45 Cf. Audition devant la mission de Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) et architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France, sur l'implantation d'un cinéma en centre-ville.

* 46 Cf. rapport de la Cour des comptes intitulé « La politique de l'État en faveur du patrimoine monumental » de juin 2022, (p. 56).

* 47 Source : réponse de la DGPA au questionnaire de la mission.

* 48 En 2022, 1 510 708 demandes d'autorisation d'urbanisme ont été déposées en France (source : DGPA et MTECT).

* 49 31 820 dossiers en 2023, soit 6,5 % de la totalité des dossiers ayant fait l'objet d'une expertise de l'ABF (source : DGPA. Réponse au questionnaire).

* 50 Source : Audition de Martin Malvy, président de Sites & Cités remarquables de France.

* 51 Un des objectifs de ce programme est d'« oeuvrer pour la cohésion et le développement des territoires à travers leur mise en valeur patrimoniale et architecturale. » Source : Projets annuels de performances - annexe au projet de loi de finances pour 2024.

* 52 Les crédits des autres actions du programme 175 ont été majorés dans de plus grandes proportions : + 9,3 % pour l'action « Musées », + 8,8 % pour l'action « Monuments historiques », + 6,3 %pour l'action « Archéologie préventive » et + 5,2 % pour l'action « Archives ». Source : Avis au nom de la commission de la culture sur le projet de loi de finances pour 2024, Tome II, Fascicule 1, Culture-« Patrimoines » de Sabine Drexler et annexe n° 8 - Culture au rapport général fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de finances pour 2024 des Rapporteurs spéciaux : Vincent Éblé et Didier Rambaud.

* 53 Source : Cour des comptes. (Avril 2024). Analyse de l'exécution budgétaire 2023 Mission « Culture ».

* 54 Source : réponse de la Fédération Patrimoine Environnement au questionnaire de la mission.

* 55 Un dossier qui n'a pas pu être traité dans les délais équivaut à un accord tacite. Source : audition de Laurent Roturier, président de l'Association nationale des DRAC et directeur régional des affaires culturelles (DRAC) d'Île-de-France, devant la mission.

* 56 Source : audition devant la mission d'Yves Dauge, ancien sénateur, président d'honneur de l'association des biens français du patrimoine mondial et de l'association Sites & Cités remarquables de France.

* 57 Source : contribution de la Fédération Patrimoine Environnement.

* 58 Source : audition devant la mission de Jean-François Hébert, directeur général des Patrimoines et de l'Architecture.

* 59 Source : contribution de la Fédération Patrimoine Environnement et intervention de Anne-Marie Nédélec, sénatrice lors de l'audition de Jean-François Hébert, directeur général des Patrimoines et de l'Architecture devant la mission.

* 60 Ce corps est issu de la fusion en 1993 entre celui des ABF et des urbanistes de l'État, respectivement instaurés en 1946 et 1962.

* 61 Exemples : Centre des monuments nationaux (CMN), Cité de l'architecture et du patrimoine (CAPA), Établissement public du Grand Palais des Champs-Élysées, Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), Médiathèque de l'architecture et du patrimoine (MAPA), Musée et domaine du château de Fontainebleau, Musée et domaine national de Versailles, etc.

* 62 Source : ministère de la culture et ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires (Octobre 2021). Les Architectes et urbanistes de l'État.

* 63 Source : réponse de la DGPA au questionnaire de la mission.

* 64 Source : audition de Laurent Roturier, président de l'association nationale des DRAC et directeur régional des affaires culturelles d'Île-de-France.

* 65 Source : audition de Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture.

* 66 Source : audition de Laurent Roturier, président de l'association nationale des DRAC et directeur régional des affaires culturelles d'Île-de-France.

* 67 En effet, selon la DGPA, les concours d'ingénieurs et de techniciens ont été organisés à l'automne 2023. 44 postes d'ingénieur des services culturels et du patrimoine (ISCP) et 30 postes de techniciens ont été ouverts. Ces postes ont tous été pourvus et sont en cours d'affectation dans les UDAP. Source : audition devant la mission de Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture.

* 68 Source : idem.

* 69 Source : réponse de la DGPA au questionnaire de la mission.

* 70 https://participation.senat.fr/protection-et-valorisation-du-patrimoine-parole-aux-elus

* 71 https://www.culture.gouv.fr/Thematiques/monuments-sites/monuments-historiques-sites-patrimoniaux/Themes-environnementaux/L-installation-de-panneaux-photovoltaiques-en-abords-de-monuments-historiques-et-dans-les-sites-patrimoniaux-remarquables

* 72 Cf. Ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés.

* 73 Source : Direction générale des patrimoines et de l'architecture, Service des monuments historiques/DEPS, ministère de la culture, 2023.

* 74 Le résidu n'est pas renseigné dans les statistiques.

* 75 Cf. Circulaire du ministre de la culture et de la communication relative au contrôle scientifique et technique des services de l'État sur la conservation des monuments historiques classés ou inscrits du 1er décembre 2009 NOR : MCCB0928985C. p. 2.

* 76 Source : audition de Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) et architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France.

* 77 Voir aussi : rapport de la Cour des comptes intitulé « La politique de l'État en faveur du patrimoine monumental » de juin 2022, (p.71) : « Du fait du poids de leurs missions règlementaires, les ABF s'avèrent insuffisamment disponibles pour être « sur le terrain » et dialoguer avec les élus. Aussi leur participation aux missions les plus qualitatives aux côtés des acteurs municipaux (requalification d'un centre ancien dégradé, mise en valeur d'un monument à l'étape du projet opérationnel ou dans les documents d'urbanisme, réflexion sur la création et le périmètre d'un nouvel SPR, etc.) suppose-t-elle de leur part un engagement personnel intense, qu'ils partagent avec les conservateurs et ingénieurs des CRMH ».

* 78 Voir à ce sujet le rapport d'information n° 765 (2021-2022) du 6 juillet 2022 de Pierre Ouzoulias et Anne Ventalon, au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, sur le patrimoine religieux en péril.

* 79 « Il existe une différence entre l'urbain et le rural en matière d'ingénierie. Dans nos communes, nous ne disposons pas de service à même de suivre l'évolution d'un immeuble ou de conseiller les pétitionnaires ». Source : audition devant la mission de Vincent Joineau, maire de Rions, pour l'Association des Maires ruraux de France (AMRF), dans le cadre de la table ronde des élus.

* 80 Source : audition devant la mission de Vincent Joineau, maire de Rions, pour l'Association des Maires ruraux de France (AMRF), dans le cadre de la table ronde des élus.

* 81 Source : réponse de direction générale des patrimoines de l'architecture du ministère de la culture, au questionnaire de la mission.

* 82 Le département de l'Eure avec 5 657 avis pour un unique ABF.

* 83 En l'espèce, les actes comptabilisés regroupent l'ensemble des avis sur les demandes d'autorisation au titre du code d'urbanisme tels que les avis sur les Monuments historiques classés, les enseignes, les certificats d'urbanisme, les permis de démolition, d'aménagement et de construire, les déclarations préalables et les consultations.

* 84 Territoire de Belfort.

* 85 Saône-et-Loire.

* 86 Territoire de Belfort.

* 87 Saône-et-Loire.

* 88 Toutes ces associations ont été entendues par la mission d'information.

* 89 Cf. Audition de Marjan Hessamfar, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes (CNOA) et architecte-conseil de l'État auprès de la DRAC des Hauts-de-France le 15 mai 2024.

* 90 Le dernier CAUE a été créé à Mayotte en 2022.

* 91 Source : audition devant la mission de Valérie Charollais, directrice de la FNCAUE.

* 92 https://www.lemoniteur.fr/article/la-champagne-ardenne-abandonnee-des-caue.2323452

* 93 « Il existe à cet égard une vraie inégalité de traitement entre les départements où le Conseil architecture urbanisme environnement (CAUE) est efficace et où les pétitionnaires peuvent aller recueillir des conseils en amont et d'autres départements qui en sont démunis où les pétitionnaires se voient proposer par leurs artisans des procédés que ne validera pas leur ABF. » Source : audition devant la mission du sénateur Albéric de Montgolfier, président de la Commission nationale du patrimoine et de l'architecture (CNPA).

* 94 Cf. article D. 631-5 du code du patrimoine.

* 95 Source : audition devant la mission de Vincent Joineau, maire de Rions, pour l'Association des maires ruraux de France (AMRF), dans le cadre de la table ronde des élus.

* 96 Exemple : « Matériauthèque : Pays de Saint-Flour : centre de ressources à destination des pétitionnaires et des professionnels : architectes et artisans : collaboration Communauté de commune, CAPEB et Sites & Cités remarquables de France », https://saint-flour-communaute.fr/mon-logement/maison-habitat-patrimoine/.

* 97 Cf. la charte qualité restauration dans la Sarthe et la brochure « Restaurer le bâti ancien en Haute-Marne » accessible sur  https://www.petitescitesdecaractere.com/sites/default/files/user/122/uploads/brochure_restaurer_le_bati_ancien_en_hte_marne.pdf.

* 98 993 en juin 2024.

* 99 Sans compter les sites inscrits et classés, pour lesquels leur accord est nécessaire avant une destruction, et pour lesquels aucune estimation n'a été réalisée. Ils ont cependant été peu évoqués devant la mission d'information.

* 100 Ce cas semble cependant constituer une exception.

* 101 Voir supra.

* 102 Source : Audition de Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l'architecture au ministère de la culture et audition de Laurent Roturier, président de l'association nationale des DRAC et directeur régional des affaires culturelles d'Île-de-France.

* 103 Voir supra.

* 104 Dont l'examen a été interrompu à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale le 9 juin 2024.

* 105 https://www.senat.fr/amendements/commissions/2023-2024/573/Amdt_COM-207.html.

* 106 Le questionnaire envoyé ne comportait pas de question portant spécifiquement sur ce sujet, qui a cependant été abordé dans le cadre de réponse libre proposée aux participants. Une analyse statistique a fait apparaître que les mots « panneaux solaires » et « panneaux photovoltaïques » sont ceux qui sont le plus souvent revenus dans ce cadre de réponse.

* 107 Patrimoine et transition écologique : d'une pierre deux coups, Rapport d'information n° 794 (2022-2023), déposé le 28 juin 2023.

* 108 La DGALN estime sur ce point que « le DPE, en tant qu'outil de mesure de la performance thermique, a vocation à rendre compte de façon neutre et indépendante de la performance énergétique des bâtiments, quelles que soient leurs caractéristiques techniques, physiques, architecturales ou patrimoniales. La mise en place d'un DPE « bâti ancien » pourrait laisser penser que l'on cherche à cacher la réalité physique des transferts thermiques présents dans ces bâtiments. »

* 109 Arrêté du 20 juillet 2023 définissant les critères de certification des diagnostiqueurs.

* 110 Décret n° 2023-1219 du 20 décembre 2023 définissant le référentiel de compétences et les modalités de contrôle de ces compétences pour les diagnostiqueurs immobiliers en vue de la réalisation de l'audit énergétique.

* 111 Créée en 2006, le collectif Effinergie est une association d'intérêt général qui oeuvre à la promotion de la construction et de la rénovation de bâtiments à basse consommation d'énergie. Elle développe notamment des labels préfigurateurs permettant de faire émerger des thématiques innovantes et d'anticiper les futures réglementations.

* 112 Loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture.

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