II. LE MODÈLE DE L'EHPAD APPARAÎT À BOUT DE SOUFFLE
A. LES LIMITES DU MODÈLE DE TARIFICATION ET DE FINANCEMENT
1. Une organisation en trois sections dépassée
L'organisation du financement des Ehpad en trois sections tarifaires est source de complexités et de coûts qui apparaissent de moins en moins justifiées, notamment au regard de l'évolution des profils des résidents, de plus en plus âgés et dépendants. Une réforme de cette organisation est envisagée de longue date et soutenue par les fédérations du secteur.
Aussi, la LFSS pour 2024 a amorcé une réforme de ce modèle en prévoyant l'expérimentation, dans 20 départements volontaires au plus, d'une fusion des sections soins et dépendance. 23 départements étant volontaires pour entrer dans l'expérimentation dès 2025, il conviendra d'y admettre le plus grand nombre afin de mener l'évaluation la plus large possible du dispositif avant d'envisager sa généralisation éventuelle.
Cependant, la fusion des sections ne traite pas, en soi, la question de leur contenu et de l'adaptation du financement aux besoins des établissements. Cette réforme pourrait constituer l'occasion d'intégrer dans le périmètre des sections soins et dépendance des dépenses aujourd'hui financées par la section hébergement bien que relevant du soin ou de la prévention de la perte d'autonomie.
Sans attendre une généralisation de la fusion des sections, une convergence des valeurs de point GIR départementales, pour la détermination des forfaits dépendance, pourrait permettre d'homogénéiser le financement de cette section tarifaire.
2. Un mode de tarification à revoir en profondeur
La détermination des forfaits soins et dépendance se fonde sur des équations tarifaires calculées en fonction de l'évaluation du niveau de soins requis et du niveau de dépendance des résidents à l'aide des référentiels PATHOS et AGGIR.
La coupe PATHOS, qui correspond à une photographie à un moment donné des besoins en soins des résidents d'un établissement, est devenue un outil de tarification dysfonctionnel :
- elle représente une charge administrative excessive, mobilisant l'ensemble du personnel soignant de l'établissement pendant plusieurs mois ;
- elle présente des biais méthodologiques majeurs en incitant à la médicalisation du profil des patients sans tenir compte des efforts de prévention des établissements.
Ces constats appellent une refonte du processus d'évaluation, qui pourrait notamment permettre de réduire le délai entre deux coupes et de valoriser l'amélioration de l'état de santé des résidents.
Par ailleurs, le tarif dit « global » pour la détermination du forfait soins, qui concerne aujourd'hui une minorité d'Ehpad, apparaît comme une source d'efficience et d'attractivité en permettant d'internaliser certaines dépenses médicales. Il semble aujourd'hui opportun de tendre vers sa généralisation, en prêtant néanmoins attention à son évolution par rapport à l'inflation.
3. Des moyens de financement à renforcer
Les recettes de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) sont abondées en 2024 de 2,6 milliards d'euros par l'affectation de 0,15 point de CSG en provenance de la Cades. Toutefois, l'excédent de la branche autonomie prévu pour cette année (1,2 milliard d'euros) devrait s'éroder progressivement sous l'effet du dynamisme tendanciel des dépenses pour s'annuler en 2027.
Afin d'accompagner le renforcement du financement des Ehpad, il importe de doter la branche autonomie de recettes à la hauteur des besoins. Dans cette perspective, la création d'une deuxième journée de solidarité, qui pourrait se traduire par la suppression d'un jour férié, permettrait de générer 2,4 milliards d'euros de recettes supplémentaires (3,3 milliards d'euros en augmentant symétriquement la contribution des retraités).