B. UN FONDS EXCEPTIONNEL D'URGENCE SOUS-DIMENSIONNÉ MAIS QUI A PERMIS DE RÉUNIR L'ENSEMBLE DES PARTENAIRES
1. Une enveloppe de 100 millions d'euros notoirement insuffisante
La LFSS pour 2024 a augmenté de 100 millions d'euros la contribution de la branche autonomie aux ARS pour 2023 afin de financer la mise en oeuvre exceptionnelle d'un fonds d'urgence pour les établissements et services sociaux et médico-sociaux du grand âge en difficulté113(*). La mise en place de ce fonds avait été annoncée par la Première ministre Elisabeth Borne le 26 juillet 2023, à l'occasion de la remise du rapport de la députée Christine Pires-Beaune sur le reste à charge en Ehpad. Cette dernière avait en effet posé un constat d'urgence sur les difficultés financières rencontrées par les Ehpad et par les services à domicile.
Les crédits relatifs à ce soutien exceptionnel ont été répartis entre les ARS au prorata du total des dépenses relevant du périmètre concerné par le fonds d'urgence, et non en fonction du nombre d'établissements et services en difficulté de chaque territoire.
Les crédits ont été délégués par les ARS aux établissements et services sélectionnés par des commissions départementales de suivi de la situation des ESMS installées à l'automne 2023.
En janvier 2024, selon la DGCS, 75,2 % des crédits de ce fonds avaient été alloués. 80 % de ces crédits avaient été délégués à des Ehpad, le reste étant réparti entre des services d'aide et d'accompagnement à domicile (Saad) et des services de soins infirmiers à domicile (Ssiad).
Source : Commission des affaires sociales / données DGCS
Au total, 486 ESMS ont bénéficié du fonds d'urgence. 68 % des crédits ont été alloués à des ESMS publics. En particulier, les ESMS de statut public territorial ont été surreprésentés (44 % des crédits).
Les fédérations auditionnées par les rapporteures ont toutes porté un regard mitigé sur ce fonds, considérant que cette enveloppe de 100 millions d'euros est insuffisante au regard de la généralisation des situations de déficit et de l'ampleur des besoins, tout en reconnaissant que cette mesure témoignait de l'attention portée par les pouvoirs publics sur la situation économique des Ehpad.
Surtout, il s'agit d'un dispositif ponctuel et non d'une mesure structurelle alors que le désajustement budgétaire des Ehpad se révèle cumulatif et que les difficultés rencontrées vont, toutes choses égales par ailleurs, se poursuivre dans le temps.
S'il ne permet pas, à lui seul, de sortir de la crise dans laquelle sont plongés les Ehpad, cet instrument pourrait pourtant être utilement pérennisé et intégré à l'objectif global de dépenses (OGD) afin de répondre aux risques graves d'insuffisance de trésorerie menaçant la survie d'un établissement. Il serait toutefois opportun de spécialiser ce fonds dans l'aide aux Ehpad en difficulté et de traiter séparément la situation des services à domicile.
2. Les commissions départementales, un outil pertinent à conserver
Afin de mettre en oeuvre le fonds exceptionnel d'urgence, une commission départementale de suivi des Ehpad et des services à domicile en difficultés financières a été installée dès septembre 2023 dans chaque département114(*).
Cette commission, qui a vocation à examiner et gérer les situations d'urgence locales, réunit le directeur général de l'ARS et le directeur départemental des finances publiques ou leurs représentants. Y sont associés, à titre principal, le président du conseil départemental ainsi que l'Urssaf115(*), les organismes payeurs de l'Assurance maladie et la Banque des territoires.
Assurant un suivi des ESMS implantés dans le département, quel que soit leur statut, ces commissions doivent prévenir les situations d'insuffisance de trésorerie des Ehpad et des services à domicile. Elles ont ainsi attribué les crédits du fonds d'urgence de 100 millions d'euros ainsi que des crédits non reconductibles des ARS. Plusieurs conseils départementaux ont également abondé le fonds au titre des Saad et parfois des Ehpad. Au total, la FHF estime qu'entre 150 et 200 millions d'euros de crédits exceptionnels ont été alloués aux ESMS en 2023 via les commissions départementales.
Les auditions des rapporteures permettent de dresser un bilan positif de ces commissions malgré les limites du fonds d'urgence. En rassemblant les différents financeurs autour de la table, ces instances constituent en effet un espace de dialogue vertueux et permettent d'analyser, en s'appuyant sur l'expertise des administrations compétentes, les besoins financiers et les situations de sous-financement.
Ainsi, ces commissions pourraient également être pérennisées car elles représentent une opportunité pour les Ehpad de tous statuts d'objectiver et de faire remonter leurs difficultés.
Certaines fédérations, notamment la Fehap, ont néanmoins souligné l'hétérogénéité de fonctionnement de ces instances selon les régions et leur manque de transparence.
Parmi les propositions d'amélioration remontées par les ARS sur la gestion du fonds d'urgence, ressortent notamment l'intérêt de construire des outils nationaux d'aide au pilotage et à l'analyse de la situation financière des ESMS, ainsi que le besoin de formation des agents.
Les rapporteures considèrent que cette méthode de travail doit être poursuivie et renforcée afin de mieux prévenir les situations d'urgence financière et d'anticiper les crises pouvant affecter le secteur.
Proposition n° 1 : Pérenniser le fonds d'urgence de 100 millions d'euros et les commissions départementales de suivi des ESMS en difficultés financières.
* 113 Loi n° 2023-1250 du 26 décembre 2023 de financement de la sécurité sociale pour 2024 - Article 3.
* 114 Instruction interministérielle n° DGCS/SD5B/DGFIP/DSS/CNSA/2023/145 du 21 septembre 2023 relative à la mise en place des commissions départementales de suivi des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ESSMS) en difficultés financières.
* 115 Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales.