B. DES COPAIEMENTS LAISSÉS À LA CHARGE DE L'ASSURÉ DANS TOUS LES SYSTÈMES
Quel que soit le système, l'assuré doit prendre en charge une partie des frais de santé.
1. Une tendance générale pour certains types de soins et de biens médicaux tels que médicaments, optique et soins dentaires
a) Une prise en charge partielle des médicaments
Les médicaments et les dispositifs médicaux sont, dans six pays étudiés par la Drees en 2017 (France, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Espagne et Royaume-Uni)568(*), assortis de copaiements qui s'inscrivent, y compris dans les systèmes nationaux de santé, dans une logique de maîtrise des dépenses de santé et de responsabilisation des assurés.
Aux Pays-Bas, le paiement d'un ticket modérateur est exigé pour les aides auditives, les prothèses dentaires et certains médicaments. De plus, sauf sur certains soins569(*), chaque assuré au régime de base paie une franchise obligatoire, qui correspond aux premiers 385 euros de frais de santé.
L'assurance maladie aux Pays-Bas570(*)
Les Pays-Bas comptaient, en 2023, 20 compagnies d'assurance maladie, appartenant à dix groupes, contre 24 assureurs en 2016. Presque tous les assureurs maladie sont des organismes à but non lucratif, qui ont l'obligation d'utiliser leurs éventuels résultats positifs pour constituer des réserves ou baisser le montant des primes d'assurance. Les quatre principaux groupes couvrent, à eux quatre, 84 % de la population. Certaines compagnies d'assurance maladie sont fortement liées à une région particulière des Pays-Bas (par exemple De Friesland, du groupe Achmea, liée à la Frise, une province du Nord du pays), mais les personnes résidant en dehors de cette région peuvent également s'affilier à l'une de ces compagnies.
La loi de 2006 sur l'assurance maladie a mis fin à la dichotomie entre le régime du fonds d'assurance maladie, couvrant environ deux tiers de la population, et de nombreux petits régimes publics et privés, en intégrant tous ces régimes au sein d'un régime universel reposant sur le libre choix d'un assureur privé, offrant un panier de soins de base. Les principaux objectifs politiques de cette « réforme de marché » étaient d'offrir un système de soins de haute qualité abordable et soutenable d'un point de vue financier et d'augmenter la liberté de choix des assurés, qui peuvent librement changer d'assureur au bout d'un an de contrat571(*).
Pour une même police d'assurance, un assureur a l'obligation de proposer le même montant de prime, quels que soient l'âge et l'état de santé de l'assuré. En revanche, les montants de primes diffèrent selon les assureurs et les polices d'assurance. Selon le gouvernement, le niveau de la prime moyenne d'assurance maladie s'élève à 1 752 euros par an en 2024 (contre environ 1 200 euros en 2016).
Les principales prestations couvertes par le panier de soins de base sont les soins dispensés par les médecins généralistes et spécialistes ainsi que les sages-femmes, les soins infirmiers, les séjours à l'hôpital, le transport médical, les soins liés à la maternité, les soins de santé mentale pour une durée maximale de trois ans, les dispositifs médicaux, les analyses sanguines, les soins dentaires jusqu'à l'âge de 18 ans, certains soins dispensés par des kinésithérapeutes, orthophonistes, ergothérapeutes et diététiciens et la kinésithérapie (uniquement pour les patients souffrant de maladies chroniques).
Parmi les soins non couverts par l'AMO figurent notamment une partie des soins dentaires pour les adultes, la kinésithérapie ou encore les lunettes et lentilles de contact (sauf pour les assurés malvoyants ou sous certaines conditions). Pour ces soins, il est possible de contracter une assurance maladie facultative.
Chaque assuré au régime de base paie une franchise obligatoire de 385 euros en 2024, sauf pour les soins auxquels cette franchise ne s'applique pas.
Par ailleurs, un ticket modérateur doit être acquitté pour certains soins (aides auditives, prothèses dentaires et certains médicaments).
Les personnes ayant de faibles revenus peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d'une allocation de soins destinée à couvrir la prime d'assurance et la franchise obligatoire572(*). Le moment de l'allocation dépend des revenus et de ceux du conjoint. En complément, elles peuvent faire appel aux contrats collectifs subventionnés par certaines communes, qui proposent des contrats collectifs d'assurance maladie de base pour les personnes dont les revenus sont inférieurs à 130 % du salaire minimum (voir infra).
En Allemagne, si les médicaments sont gratuits pour les mineurs, les personnes majeures paient l'intégralité du médicament si celui-ci coûte moins de cinq euros, acquittent une participation de cinq euros pour les médicaments coûtant entre cinq et cinquante euros et contribuent à hauteur de 10 % au-delà, dans la limite de dix euros.
En Espagne, les médicaments pris en charge sont fournis gratuitement à certaines catégories d'assurés573(*). Les autres patients acquittent une participation dont le montant dépend de leurs revenus annuels574(*). Cette participation est soumise à des plafonds spécifiques pour les médicaments d'usage fréquent destinés à traiter des maladies chroniques.
En Italie, les produits pharmaceutiques sont répartis en trois tranches. Les médicaments considérés essentiels ou traitant les maladies chroniques sont pris en charge par le système national de santé, mais les régions étant responsables de l'organisation et de la prestation des soins de santé, une participation par produit ou ordonnance peut être exigée en fonction de la politique régionale. Les médicaments utilisés pour traiter des pathologies moins lourdes sont entièrement à charge des patients. Le pharmacien a le devoir de proposer le produit qui sera le mieux pris en charge. Si le patient refuse l'usage du générique, le surcoût est à sa charge.
L'assurance maladie en Italie
Le système national de santé italien est financé par les résidents par le biais des impôts.
Les soins de base comprennent des soins gratuits dispensés dans les centres de santé ou des hôpitaux publics ou privés conventionnés : soins de médecine générale, soins de pédiatrie, soins liés à la maternité, hospitalisation, prescription de certains médicaments.
Les autres prestations (consultations de spécialistes, soins dentaires, cures thermales, prothèses, examens de laboratoire, soins orthopédiques) ne sont que partiellement prises en charge par les centres de santé. La prise en charge peut être plus importante, voire totale, pour certains patients, par exemple, en raison de leurs faibles ressources, de leur appartenance à une catégorie particulière, ou s'ils sont atteints d'une maladie chronique.
Si les prestations sont les mêmes sur tout le territoire italien, les modalités de leur prise en charge peuvent différer d'une région à une autre. En effet, si le ministère de la santé fixe les principes et objectifs fondamentaux du système de santé, détermine l'ensemble des prestations de santé de base remboursables dans tout le pays et alloue des fonds nationaux aux régions, les régions sont responsables de l'organisation et de la prestation des soins de santé.
Les patients sont libres de choisir leur médecin généraliste et le pédiatre de leurs enfants de moins de quatorze ans parmi ceux qui travaillent dans leur « unité sanitaire sociale ». Les patients ne peuvent pas changer de médecin généraliste pendant au moins douze mois. Les médecins généralistes et pédiatres doivent accepter tous les patients ; ils ne peuvent refuser un patient ou le retirer de leur liste que pour des raisons exceptionnelles et avérées d'incompatibilité. Une prescription d'un médecin généraliste est nécessaire pour bénéficier de soins spécialisés, ambulatoires ou hospitaliers. Cependant, les patients sont également libres de choisir les prestataires de soins de santé spécialisés et secondaires parmi les prestataires publics ou privés conventionnés avec le service national de santé, dans n'importe quelle région italienne, bien que ce choix puisse être limité par des contraintes de capacité. Les patients sont libres de choisir n'importe quel hôpital agréé, mais n'ont pas le droit de choisir des spécialistes hospitaliers.
b) L'exclusion de l'optique de la plupart des paniers de soins AMO
L'optique est généralement exclue du panier de soins de base ; en France, ces dépenses donnent lieu à une prise en charge par l'AMO, mais dans des proportions toutefois très limitées.
En Allemagne, les remboursements sont moins favorables pour l'optique que pour les consultations auprès des médecins de ville. Sous réserve de dispositions spécifiques à certaines caisses, la prise en charge des dépenses d'optique, pour les personnes majeures, est limitée aux verres et dépend du niveau de déficience visuelle de l'assuré. Ces dépenses sont en revanche entièrement prises en charge jusqu'à 18 ans.
Aux Pays-Bas, parmi les soins non couverts par l'AMO figurent les lentilles de contact et les lunettes (sauf pour les assurés malvoyants ou sous certaines conditions).
c) Une prise en charge différenciée des frais dentaires
La prise en charge des soins dentaires diffère selon les pays.
En France et aux Pays-Bas, ces soins sont peu couverts par l'assurance maladie de base, mais en fonction de logiques inversées. Si les soins conservateurs sont davantage pris en charge par l'AMO française que les prothèses et implants, seuls les prothèses et les actes de chirurgie sont partiellement couverts aux Pays-Bas pour les adultes (les soins dentaires sont en revanche gratuits jusqu'à 18 ans).
En Allemagne en revanche, les soins dentaires conservateurs sont pleinement pris en charge par les caisses d'assurance maladie. La prévention dentaire y est par ailleurs encouragée : si le patient consulte son dentiste au moins une fois par an, il peut obtenir une meilleure prise en charge d'une éventuelle prothèse. En outre, les dentistes sont payés directement par les caisses d'assurance maladie et ne facturent aux patients que les soins non couverts (en fonction des matériaux choisis, par exemple).
En Espagne, la plupart des soins dentaires ne sont pas pris en charge par l'AMO, mais certaines communautés autonomes offrent une couverture plus étendue en la matière. Les prothèses dentaires peuvent donner lieu à des aides financières.
2. Un dispositif original de dispense de ticket modérateur en Allemagne : le « bouclier sanitaire » ou « limite de charge »
Le système allemand prévient les risques de renoncement aux soins pour des motifs financiers par un « bouclier sanitaire » ou « limite de charge » qui plafonne les dépenses de santé restant à la charge des assurés en pourcentage de leur revenu. Ce dispositif, mis en place en 2004 dans le cadre de la loi pour la modernisation de l'assurance maladie publique, permet aux ménages de ne pas payer les tickets modérateurs et les franchises au-delà d'un seuil de 2 % du revenu brut annuel575(*), limite abaissée à 1 % dans le cas des patients atteints de maladies chroniques nécessitant des traitements de longue durée576(*).
La Cour des comptes fait ainsi observer que ce système vise, de manière simple, à remplacer l'ensemble des dispositifs d'exonération particulier, notamment les ALD, jugés « complexes et disparates » et « dont la justesse et la soutenabilité ne sont pas toujours démontrées », par un « plafond unique général, associé à un principe de copaiement systématique par les assurés »577(*).
Ce bouclier permet de faire contribuer chacun à ses dépenses de santé tout en ayant la « garantie d'être pris en charge à 100 % par l'assurance maladie obligatoire une fois atteint un certain niveau de reste à charge ».
* 568 Audrey Lafon et Alexis Montaut, « La place de l'assurance maladie privée dans six pays européens », Les dossiers de la Drees, n° 19, juin 2017.
* 569 Consultations chez le généraliste, soins maternité.
* 570 Source : note de la division de la législation comparée du Sénat.
* 571 Sur la période 2023-2024, 1,3 million d'assurés (soit 7,4 %) ont changé de compagnie d'assurance maladie.
* 572 Sous réserve de conditions d'âge (avoir 18 ans ou plus) et de revenu (revenu brut mensuel inférieur à 37 496 euros pour une personne seule, 47 368 euros pour un couple) auxquelles s'ajoute une exigence relative à la valeur du patrimoine possédé.
* 573 Aux personnes atteintes d'un handicap sous certaines conditions, aux titulaires de pensions non contributives, aux victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles ainsi qu'aux chômeurs ayant épuisé leurs droits aux allocations chômage.
* 574 Revenus annuels supérieurs à 100 000 euros : 60 % ; compris entre 18 000 et 100 000 euros : 50 % ; inférieurs à 18 000 euros : 40 %. La participation est de 10 % pour les titulaires de pensions et les ayants droit dont les revenus sont inférieurs à 100 000 euros (60 % au-dessus de 100 000 euros).
* 575 Selon le site du ministère fédéral de la santé, le calcul de la limite de charge intègre « les suppléments et les revenus bruts des membres vivants du ménage » ; « pour chaque membre de la famille est pris en compte un abattement qui est déduit du revenu brut de la famille ».
* 576 Le site du ministère fédéral de la santé avertit les assurés éligibles à la « limite de charge » qu'ils ne seront pas prévenus automatiquement par leur caisse d'assurance maladie dès qu'ils auront atteint ce seuil et qu'il leur appartient en conséquence de « garder un oeil attentif sur [leurs] suppléments et conserver les reçus » afin de demander le moment venu à leur caisse une dispense de paiement.
* 577 Cour des comptes, Les complémentaires santé : un système très protecteur mais peu efficient, 2021.