ANNEXES

CONTRIBUTION DU GROUPE SOCIALISTE, ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN

Le sujet proposé par la rapporteure Véronique Guillotin, avec le groupe RDSE, est essentiel et répond à une préoccupation majeure des citoyens et citoyennes de nos départements.

Nous tenions à la remercier pour cette heureuse initiative.

Nous remercions également la Présidente pour la qualité des échanges, ainsi que l'équipe administrative qui nous a accompagnés tout au long de ces nombreuses auditions. Ces auditions, riches et variées, ont permis daborder lensemble des enjeux et des points de vue afin de formuler des recommandations pertinentes.

Ce rapport aborde deux aspects clés : dune part, l'état de loffre de soins en santé périnatale et laccès aux centres daccouchement, et dautre part, lorganisation territoriale. Il est à noter que la proximité des soins constitue un impératif majeur exprimé par les populations, notamment par les femmes, qui citent ce critère comme prioritaire. En effet, selon l'étude dopinion réalisée par linstitut CSA à la demande de la mission dinformation, la proximité arrive en tête des critères déterminants dans le choix du lieu daccouchement, à hauteur de 54 %.

Cependant, ce critère passe au second plan lorsquon explique les risques associés à laccouchement dans des maternités de type 1, cest-à-dire des établissements de premier niveau qui accueillent des femmes dont la grossesse et l'accouchement ne présentent, a priori, aucun risque.

La rapporteure la clairement souligné et documenté : les indicateurs de santé publique sont préoccupants, tant en ce qui concerne les décès de nouveau-nés (la France se classe 21e pour la mortinatalité spontanée et 22e pour la mortalité infantile en Europe) que les décès maternels. Ces résultats nous placent en bas du classement européen, loin derrière les pays nordiques et désormais aussi derrière lItalie et lEspagne. Cette situation est inadmissible et révèle une véritable défaillance de nos politiques publiques.

Les propositions de la rapporteure visant à mieux comprendre la réalité de ces faits sont donc cruciales. Lanalyse approfondie de ces chiffres est indispensable pour dépasser le simple constat et trouver des solutions qui permettront à la France de retrouver une position honorable, tout en assurant aux femmes et aux enfants des conditions de prise en charge optimales.

Nous soutenons pleinement la proposition de création d'un registre national des naissances et de la mortalité néonatale.

Il est essentiel de mieux identifier les services publics chargés de l'accompagnement et du suivi de la santé des femmes et des enfants. Dans ce cadre, la relance et le renforcement du dispositif Prado maternité, qui vise à faciliter un retour sécurisé à domicile après laccouchement, est une proposition pertinente. Lapproche proactive de « laller vers » est indispensable.

Il est également crucial de mieux repérer les vulnérabilités et de redéfinir le rôle des Protections maternelles et infantiles (PMI). En dix ans, le nombre de points d'accueil des PMI est passé de 5 200 en 2012 à 4 360 en 2022, soit une suppression de 840 points d'accueil. Les difficultés auxquelles font face les PMI, dues aux contraintes financières des départements, sont bien connues. En l'absence de financements nationaux dédiés, ces services ne peuvent plus pleinement assurer leur mission initiale de prévention et daccompagnement pour toutes les familles. Ils sont souvent contraints de concentrer leurs efforts sur les cas les plus urgents liés à la protection de lenfance.

La rapporteure met également en lumière le rôle central que pourraient jouer les sages-femmes, un rôle qui n'est pas encore pleinement reconnu dans le parcours de soins. Nous partageons cette exigence.

Il est essentiel de mieux connaître la situation pour mieux lanalyser et apporter des réponses adaptées. La création d'un registre national et la clarification des rôles de chaque acteur permettront un pilotage plus efficace des politiques de périnatalité, que ce soit au niveau national, régional ou local.

Lors des auditions, un constat partagé par la quasi-totalité des intervenants a émergé : la dégradation observée, qui se reflète dans notre classement européen, est directement liée à la détérioration de l'offre de soins et à la pénurie de professionnels de santé, toutes spécialités confondues. On constate une diminution du nombre de gynécologues-obstétriciens, d'anesthésistes, de médecins généralistes, de sages-femmes, d'infirmières, d'infirmières puéricultrices, ainsi que des professionnels de la PMI. Toutes les spécialités et tous les niveaux d'intervention sont concernés.

Dans ces conditions, comment s'étonner de cette dégradation alors même que les professionnels en poste font tout leur possible pour répondre aux besoins, souvent au prix d'une fatigue extrême, voire d'un épuisement ?

Face à ce constat partagé, notre groupe considère cette recommandation n°10 comme une priorité absolue à mettre en oeuvre de toute urgence, afin d'éviter la disparition des maternités de niveau 1. Il est impératif de garantir des effectifs suffisants de professionnels médicaux en formant davantage de praticiens, en rendant ces métiers plus attractifs, notamment dans le milieu hospitalier, et en renforçant la formation initiale des infirmiers dans le domaine de la santé périnatale.

Cependant, bien que laugmentation du nombre de professionnels de santé soit nécessaire, elle ne sera pas suffisante si ces professionnels ne sont pas répartis de manière équitable sur lensemble du territoire. Il est crucial d'assurer un maillage territorial adapté aux besoins des populations. À titre d'exemple, à Paris, on compte 45,8 pédiatres pour 100 000 habitants, tandis que dans lIndre, seulement 1,85 pédiatres assurent le suivi de 100 000 habitants.

Une meilleure répartition territoriale est indispensable, en s'appuyant notamment sur les GHT. Des démarches proactives, à limage de ce que font les autorités canadiennes pour attirer nos professionnels formés, devraient être mises en place par nos autorités sanitaires. Par ailleurs, les nombreux étudiants partis étudier à l'étranger pourraient être incités à revenir grâce à une véritable politique dattractivité, notamment en sixième année lors de laccès à linternat.

Un rééquilibrage des ressources entre le secteur libéral et l'hôpital est nécessaire, la permanence des soins doit être garantie, et le plus grand nombre de professionnels doit y participer, car cela fait partie des exigences de santé publique auxquelles tous les soignants doivent contribuer. Le besoin en médecins doit être réévalué et davantage de professionnels formés.

Cette situation nous conduit à exprimer un désaccord sur votre proposition 14, qui vise à réduire le nombre de plateaux techniques dédiés aux accouchements. La rapporteure justifie cette mesure par la nécessité de répondre « au principe de réalité » tout en assurant un haut niveau de sécurité. Pour elle, une reconfiguration est indispensable, et la concentration des plateaux techniques serait la clé pour garantir la sécurité des accouchements.

Notre groupe diverge fondamentalement sur ce point. Faire de la politique ne consiste pas à se soumettre au principe de réalité, mais au contraire à le transformer pour répondre aux attentes légitimes de nos concitoyens. Dans ce cas, il s'agit d'assurer un haut niveau de sécurité tout en garantissant des délais d'accès raisonnables aux maternités.

En 2000, la France comptait 450 maternités de type 1 ; en 2022, ce nombre est tombé à 157, sans compter la cinquantaine de maternités en suspension. Cela représente une réduction de loffre de plus de quatre fois. Réduire encore davantage ce maillage territorial serait une grave erreur. Cela reviendrait à priver certains territoires de maternités, et à offrir aux femmes un accès dégradé à ce service essentiel. Un tel choix compromettrait notre ambition de regagner une place honorable au sein de lEurope et de réduire significativement la mortinatalité et la mortalité infantile.

Le Président de la République souhaite un "réarmement démographique". Cela passe également par un renforcement de nos maternités, que ce soit en termes d'équipements de qualité ou de ressources humaines spécialisées. Le rapport indique que le seuil de rentabilité des maternités est fixé à 1 200 naissances par an. Cependant, il est de notre responsabilité de fournir des services publics adaptés aux besoins de la population, sans les soumettre aux seules exigences de rentabilité financière.

Les services daccompagnement de la maternité se sont considérablement dégradés ces dernières années, ce qui pourrait expliquer notre recul en matière de mortinatalité. Il est donc urgent de redresser la situation.

Comme le dit l'adage : « Seul le poisson mort va dans le sens du courant, la vitalité consiste à aller à contre-courant. » De même, ce nest ni de lincompréhension de la situation, ni de linconscience, ni de lirresponsabilité que de demander un plan durgence pour la Santé et en particulier pour la santé des femmes et des enfants. Notre point de vue tient bien compte de l'ensemble des données présentées et des auditions menées dans le cadre de ce rapport.

Pour illustrer la nécessité de combiner un accompagnement de haut niveau avec un maillage territorial adéquat, il convient de rappeler que la première cause de mortalité des mères, mise en évidence dans ce rapport, est le suicide. Entre 60 % et 80 % des femmes qui accouchent traversent une période de baby blues. Selon le rapport, ces symptômes transitoires disparaissent grâce au soutien de l'entourage et des soignants. Encore faut-il que les équipes médicales disposent du temps nécessaire à l'écoute et que les conditions d'accompagnement soient optimales. L'éloignement des mères de leur environnement familial pourrait aggraver ce phénomène, qui n'est pas à prendre à la légère. Pour 20 % des femmes souffrant de baby blues, ces symptômes évoluent vers une dépression, augmentant ainsi le risque de suicide : 79% des suicides sont jugés évitables. Les hôtels de maternité ne sont pas non plus une solution adaptée pour rassurer les parturientes et garantir des conditions de sécurité optimales, ainsi qu'un accueil bienveillant lors de la naissance.

Concernant la santé mentale des femmes pendant et après la grossesse, le groupe socialiste, écologiste et républicain soutient la prise en charge à 100 % de la consultation post-natale, actuellement remboursée à 70 %, ainsi que la lutte contre la discontinuité dans le parcours de soins psychiatriques. Il est crucial que les professionnels de la santé mentale soient mieux formés aux spécificités de la grossesse.

Le rapport rappelle également que l'éloignement des maternités conduit à l'augmentation des accouchements à domicile et le développement de pratiques et d'accompagnements incertains, qui présentent des risques pour la mère et le bébé.

La présence de maternités sécurisées, avec un personnel en nombre suffisant et qualifié, permettra de répondre à la demande croissante de PMA, tout en facilitant l'accès aux IVG.

Un autre aspect qui nous semble insuffisamment abordé pour améliorer notre positionnement en matière de mortalité infantile et maternelle est la prévention. Les accouchements deviennent de plus en plus complexes en raison de facteurs tels que l'obésité, les mauvais états de santé et les pathologies diverses, la précarité, les vulnérabilités sociales, les addictions et les facteurs environnementaux. Il est crucial d'agir sur ces déterminants de la santé en dotant notre système de santé des moyens nécessaires pour prévenir plutôt que de se contenter de guérir.

En ce qui concerne les territoires d'outre-mer, le rapport indique que la situation y est encore plus préoccupante, bien qu'il précise « à lexception de la Réunion, dont le taux de mortinatalité est proche de la moyenne nationale ». En effet, la Réunion est le seul territoire français à disposer d'un Centre Ressources pour les Troubles du Spectre de l'Alcoolisation Foetale (TSAF), créé en 2016 dans le cadre du plan d'action régional pour la prévention et la prise en charge des Troubles Causés par lAlcoolisation Foetale.

La consommation d'alcool pendant la grossesse est la première cause de handicap mental non génétique chez lenfant en France. La méconnaissance des effets de l'alcool sur le foetus - et donc des risques liés à lalcoolisation durant la grossesse, indépendamment de la quantité consommée et du moment de la consommation - constitue un réel problème de santé publique encore insuffisamment reconnu.

Les efforts déjà engagés à la Réunion sur ce sujet doivent transformer en profondeur la santé périnatale et devraient servir de modèle pour lensemble du territoire.

De plus, notre groupe déplore que le rapport ne mette pas suffisamment en lumière l'ampleur des travaux nécessaires concernant l'exposition des femmes, mais aussi des bébés en soins intensifs (qu'ils soient prématurés ou non), aux perturbateurs endocriniens. En effet, l'exposition à un mélange de perturbateurs endocriniens au cours du premier trimestre de grossesse double le risque de prématurité.

Réduire de moitié la contamination des femmes enceintes par les phtalates -- présents dans le PVC, les câbles électriques, les revêtements de sol et de mur, les meubles, les cosmétiques, etc. -- pourrait diminuer le risque de prématurité de 12 %, soit 7 200 cas en moins sur les 55 000 naissances prématurées chaque année.

Ces polluants se retrouvent également dans les dispositifs médicaux utilisés pour les nouveau-nés prématurés. Les nourrissons en soins intensifs présentent des taux de phtalate (DEHP) dans leurs urines jusqu'à 35 fois plus élevés que ceux des bébés qui sortent directement de la maternité. Cela est dû aux tuyaux utilisés pour leur respiration, leur alimentation ou l'administration de médicaments. Cette étude, menée par une équipe de chercheurs sous la direction de Valérie Sautou, de l'Université Clermont-Auvergne, membre de la Société française de pharmacie clinique, met en évidence cette problématique.

Nous proposons donc, à l'instar de l'interdiction du Bisphénol A dans les biberons, de poursuivre les actions visant à encourager la transformation des secteurs industriel et agroalimentaire, afin de réduire l'utilisation de ces substances.

Il est également essentiel de lancer une grande campagne de sensibilisation sur la réduction de l'exposition aux perturbateurs endocriniens, souvent méconnus, pour les femmes enceintes, à l'image de celles menées contre la consommation d'alcool et de tabac.

Enfin, il est primordial de continuer à soutenir la recherche médicale et paramédicale pour mieux comprendre et maîtriser les effets des perturbateurs endocriniens présents dans les dispositifs mis sur le marché.

Il est donc indispensable de promouvoir la prévention (alimentation saine, activité physique, réduction de l'exposition aux PFAS, accès à un logement décent, etc.). Cependant, les différents plans nationaux Santé-Environnement, bien que mis en place par le ministère de la Santé, manquent de coordination et de transversalité entre les ministères concernés (santé, environnement, sports, travail) pour assurer leur mise en oeuvre efficace. Il est donc urgent d'adopter une approche coordonnée, sous peine de voir les maladies chroniques, qui constituent les principales sources de dépenses du PLFSS, continuer à peser lourdement sur notre budget, menaçant ainsi la soutenabilité financière de la sécurité sociale. La prévention, bien qu'elle implique des coûts initiaux, pourrait à moyen et long terme réduire considérablement les dépenses de notre système de protection sociale.

En conclusion, nous partageons le constat de la dégradation de la santé périnatale et de son organisation territoriale. Ces deux enjeux doivent être abordés simultanément. Cette dégradation reflète d'ailleurs l'état général de notre système de soins, avec une offre de soins insuffisante pour tous. Elle met en lumière des lacunes dans les politiques publiques. Opposer sécurité et proximité n'est pas acceptable pour les citoyens et leurs représentants. Il s'agit, au contraire, d'assurer la sécurité des soins de proximité, tout en reconnaissant que l'accouchement est avant tout un acte physiologique, que les femmes souhaitent préserver autant que possible. À l'heure actuelle, le temps de trajet moyen pour atteindre une maternité est de 45 minutes ; au-delà de ce délai, nous considérons qu'il y a rupture d'égalité dans l'accès au service public. La prévention être lautre défi à relever pour réduire les risques encourus sur la santé des mères et des nouveaux nés. 

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