EXAMEN DU RAPPORT
Mme Annick Jacquemet, présidente. - Je suis heureuse de vous retrouver à l'occasion de cette rentrée pour la dernière réunion de notre mission d'information sur la santé périnatale, consacrée à la présentation du rapport par notre collègue rapporteure Véronique Guillotin.
Lors de notre dernière réunion plénière, j'avais acté la fin de nos travaux, sous réserve d'une dernière audition programmée, celle de Mme Catherine Vautrin, ministre du travail, de la santé et des solidarités. Celle-ci, prévue le 19 juin, a été annulée à la suite de la dissolution de l'Assemblée nationale, sans que la situation politique qui s'en est suivie permette d'envisager l'audition d'un membre du Gouvernement. En outre, en raison de ce même contexte, nous avons décidé, avec la rapporteure Véronique Guillotin, de reporter la présentation de ce rapport, initialement prévue le 9 juillet, à la rentrée de septembre, afin d'éviter le tumulte de l'actualité politique suivant le second tour des élections législatives.
Je commencerai par quelques mots de contexte sur le rapport qui va nous être présenté et que certains d'entre vous sont allés consulter hier ou ce matin.
Comme vous le savez, cette mission a été décidée par le groupe du Rassemblement démocratique et social européen, le RDSE, au titre de son droit de tirage pour la session. Cette idée, suggérée par Véronique Guillotin, a régulièrement été présentée comme une suite parlementaire à apporter au rapport polémique de l'Académie de médecine publié au début de l'année 2023.
Nous avons entamé nos travaux au début du mois de mars 2024, il y a tout juste six mois, avec un constat clair : la France connaît depuis une dizaine d'années un décrochage certain par rapport à ses voisins européens en termes d'indicateurs de santé publique dans le champ de la santé périnatale, se classant par exemple 21e sur 28 en termes de mortinatalité, 22e pour la mortalité infantile, quand, dans le même temps, la natalité diminue.
Partant, tout l'objet de la mission a été de s'interroger sur les raisons de cette situation et de tenter de savoir si l'offre de soins actuelle était performante et, surtout, quels objectifs il était souhaitable de poursuivre pour les années à venir.
L'intitulé même de la mission a ainsi guidé ses travaux : l'avenir de la santé périnatale, mais aussi l'organisation territoriale de celle-ci, son corollaire immédiat.
Pour répondre aux différentes questions posées, la mission a souhaité donner la parole à des acteurs locaux, institutionnels, soignants ou encore élus de quasiment toutes les régions de France hexagonale, des Hauts-de-France à l'Occitanie, de la Normandie à l'Auvergne-Rhône-Alpes, en passant par la Bourgogne-Franche-Comté. Deux tables rondes ont en outre été consacrées aux enjeux et spécificités des outre-mer avec la Guadeloupe et Mayotte.
Enfin, au-delà des acteurs institutionnels, politiques et scientifiques et de la communauté médicale et soignante, la mission a entendu valoriser plus directement la parole des principales concernées que sont les femmes. Au-delà d'auditions d'associations de patientes ou encore de journalistes et relais des témoignages de mères, la mission a ainsi commandé à un institut professionnel indépendant, l'institut CSA, une étude d'opinion sur la perception des femmes quant à leur prise en charge durant leur grossesse et leur accouchement, qui nous a été présentée en mai dernier.
Après un semestre de travail sur ce très vaste sujet, trente-deux auditions et trois déplacements, en Île-de-France, dans le Grand Est et en Bretagne, Véronique Guillotin nous présente aujourd'hui les principales conclusions et recommandations issues de ces nombreux échanges.
Je tiens à saluer le travail qui a été le sien et son souhait permanent de proposer à notre mission un rapport équilibré, nuancé, étayé ; un rapport qui ne détourne pas le regard d'une situation préoccupante mais cherche au contraire à apporter des solutions, en responsabilité.
J'espère que chacun a pu trouver dans sa lecture la prise en compte de nombre des préoccupations qui ont été exprimées tout au long de nos travaux, depuis notre réunion constitutive jusqu'à l'échange de vues de juillet dernier.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Comme l'a rappelé Mme la présidente, le groupe RDSE avait demandé que soit constituée, au titre de son droit de tirage pour la session 2023-2024, une mission d'information sur la santé périnatale. J'avais soutenu cette idée auprès de mon groupe, car j'estimais que, après le rapport de l'Académie de médecine en mars 2023 et l'écho qui avait été le sien, nous devions en tant que parlementaires apporter une analyse politique de la situation.
Je suis heureuse d'avoir pu mener ce travail durant les six mois écoulés, et je remercie la présidente Annick Jacquemet pour le binôme que nous avons pu former dans la conduite des travaux de la mission, lors des réunions plénières comme des déplacements sur le terrain.
Je pense pouvoir dire que nous avons tenté de faire intervenir ou d'aller à la rencontre d'un nombre important d'acteurs aux légitimités et aux positionnements différents : scientifiques, médicaux et paramédicaux, usagères et usagers, responsables élus ou encore institutionnels.
Je retiens de ce travail une série d'observations ou enseignements, pour partie déjà connus, mais surtout une préoccupation globale à laquelle il nous faut répondre. C'est pourquoi je vous proposerai, au-delà de l'analyse de la situation, une série de recommandations d'action.
Je commencerai naturellement par un rappel de la situation : avant de faire l'ordonnance, il faut commencer par le diagnostic !
Quel est le tableau clinique ?
Notre pays a connu, à la fin des années 1990 et au début des années 2000, une amélioration sensible de ses indicateurs de santé périnatale, progression qui s'est depuis arrêtée, voire parfois inversée.
La France se classe ainsi depuis une dizaine d'années désormais aux 21e et 22e rangs européens en matière de mortinatalité spontanée et de mortalité infantile. Selon les données Eurostat de 2022, la France occupe ainsi la 22e place de l'Union européenne sur ce second indicateur, avec 4,0 morts pour 1 000 naissances vivantes, loin derrière la Suède (2,2) ou la Finlande (2,0). Même nos voisins latins affichent de bien meilleurs taux que notre pays : je citerai par exemple l'Italie (2,3) ou encore l'Espagne (2,6).
Si l'on regarde la mortalité infantile sur la période 2020-2022, celle-ci est de 3,5 pour 1 000 en France hexagonale. Ce taux cache néanmoins des disparités territoriales importantes, puisque différents départements du nord-est de la France et d'Île-de-France, ou encore l'Indre-et-Loire, affichent des taux bien supérieurs à la moyenne. Surtout, l'ensemble des départements ultramarins présentent des taux parfois plus de deux fois supérieurs à la moyenne nationale.
Si l'on regarde un autre indicateur de comparaison qu'est la situation des prématurés, on constate là encore des taux bien plus défavorables que dans les pays du nord de l'Europe, avec des perspectives très défavorables pour les plus grands prématurés, et un nombre élevé de nouveau-nés prématurés, ou à la santé fragile à la naissance.
Enfin, la santé de la femme enceinte et de la mère est également préoccupante, qu'il s'agisse des décès maternels, mais aussi, et surtout, des complications graves autour de la naissance. Les hémorragies du post-partum, qui concernent 10 % des accouchements, ne sont malheureusement pas toujours correctement prises en charge et peuvent entraîner des complications graves.
Nous avons bien entendu tenté de comprendre les causes de cette situation et les raisons de ce qui s'apparente à un décrochage de notre pays en matière de santé périnatale, mais aussi ce qui pouvait expliquer les inégalités territoriales constatées. Force est malheureusement de constater que l'ensemble ne trouve pas de réponses claires et certaines au regard des travaux disponibles.
Des facteurs sanitaires sont évoqués, que sont notamment l'âge plus tardif des grossesses ou l'augmentation de la prévalence de certaines pathologies chez les femmes, notamment le surpoids, l'obésité et le diabète.
Des éléments sociaux sont également avancés, avec une plus grande vulnérabilité et précarité des femmes enceintes aujourd'hui, la précarité constituant un facteur d'éloignement du parcours de soins et de moins bon suivi.
Enfin, une série de raisons peut être reliée à l'organisation des soins elle-même. Il s'agit d'une inadaptation de l'offre aux risques et besoins de santé, parce que les services présents dans la structure ne sont pas adaptés, ou parce que l'équipe n'est pas disponible en temps nécessaire. La complétude des équipes et leur stabilité sont identifiées comme des éléments cruciaux pour la sécurité. Le défaut d'équipes complètes et stables est ainsi le principal facteur explicatif d'une prise en charge inadaptée des hémorragies. Il s'agit aussi de manques dans certains cas : c'est notamment le cas du nombre de lits de réanimation néonatale, insuffisant dans de nombreux territoires. En outre, les moyens déployés dans les services de soins néonataux n'ont pas toujours été renforcés pour faire face à l'augmentation de la charge en soins que requièrent les nouveau-nés prématurés les plus fragiles.
Pour autant, tous ces éléments ne semblent pas toujours pouvoir être pondérés ou immédiatement mobilisés pour expliquer les indicateurs défavorables que nous évoquions. Surtout, ils ne permettent pas a priori d'éclairer toutes les disparités territoriales connues.
C'est pourquoi, comme cela a été souvent souhaité par la communauté médicale et scientifique, je vous propose de soutenir la création d'un véritable registre des naissances permettant d'accroître les données de santé disponibles sur le suivi de la grossesse, l'accouchement, le post-natal, de faciliter leur appariement, et ainsi donner à la recherche des perspectives nouvelles de travail.
J'en viens maintenant à l'ensemble du parcours de soins de la femme et de l'enfant et aux évolutions qui me semblent souhaitables ou nécessaires pour tenter de répondre à cette dégradation de la santé périnatale en France.
Je dissocierais pour cela, comme nous l'avons fait dans le rapport, le suivi de la grossesse et le suivi post-natal, d'une part, de l'accouchement en lui-même, d'autre part. Ces deux sujets ne répondent pas aux mêmes besoins et ne mobilisent pas les mêmes leviers d'action.
Le suivi prénatal et post-natal trouve un niveau de satisfaction important auprès des parents comme des professionnels de santé, ce qui est à saluer.
Pour autant, différentes pistes me semblent à travailler, en premier lieu celle de la clarification et de l'orientation.
Le constat que nous avons fait est que la sage-femme et le médecin généraliste sont perçus comme les principaux interlocuteurs durant la grossesse. Cela tient au rôle central du généraliste dans notre système de santé et à la place toujours confortée des sages-femmes, avec un dispositif de « sage-femme référente » qui a trouvé une mobilisation notable.
Cependant, alors que nous avons un parcours de soins prénatal dense, avec notamment des rendez-vous d'échographies régulières, relativement bien suivi, il est parfois peu clair pour les futurs parents. En outre, la perspective de la parentalité est parfois mal appréhendée et cette période cruciale qu'est la grossesse est empreinte de nombreuses images ou idéalisations, souvent relayées par de nouveaux canaux que sont les réseaux sociaux.
C'est pourquoi, au-delà d'une meilleure lisibilité du parcours de soins et de l'articulation des dispositifs de référents, il nous a semblé utile de formuler une recommandation relative à la communication publique sur la grossesse et la parentalité, avec l'appui des agences sanitaires, mais aussi en partenariat avec des médias et réseaux sociaux. La table ronde que nous avions organisée sur ce sujet a montré qu'opposer les messages institutionnels et les réseaux sociaux était contre-productif alors qu'un besoin d'information s'exprime et doit trouver une réponse accessible, et ce sur les principaux canaux consultés par les parents aujourd'hui.
Pour ce qui est du suivi post-natal, on peut constater, malgré certaines difficultés identifiées comme l'accès à une sage-femme en sortie d'hôpital, un parcours bien suivi.
Deux éléments de recommandations m'apparaissent cependant nécessaires à signaler.
D'une part, le suivi à domicile doit être renforcé alors que les enquêtes montrent une part non négligeable de suivi lacunaire. À ce titre, je souligne notamment le rôle, dans l'immédiate sortie de la maternité, de dispositifs d'accompagnement au retour à domicile, comme le Prado maternité (programme d'accompagnement du retour à domicile), qui, ayant montré son efficacité, doit être relancé et conforté.
D'autre part, la place des services de protection maternelle et infantile, qui doit être rénovée. L'action des centres de PMI (protection maternelle et infantile) est souvent mal cernée par les parents eux-mêmes, qui les assimilent à des services de protection de l'enfance plutôt qu'à des services de soins de la femme enceinte puis du nourrisson. Une réflexion doit être menée sur l'avenir et la configuration de ces services, particulièrement dans le cadre de la stratégie relative aux 1 000 premiers jours qui transforme certaines PMI en intégrant les Maisons des 1 000 premiers jours. La PMI doit surtout trouver une juste place auprès des professionnels de ville comme de l'hôpital. À ce titre, je considère que l'implantation de structures de PMI au sein des sites hospitaliers ou dans des locaux partagés doit être davantage promue. Nous avons pu constater la réussite de telles expérimentations.
En ce qui concerne les professionnels de santé impliqués dans le suivi post-natal, force est de reconnaître que le médecin généraliste assure l'essentiel du suivi, y compris du nouveau-né. Les pédiatres, pourtant spécialistes du suivi de l'enfant, n'assurent qu'une part minoritaire des consultations, faute d'orientation ou, surtout, d'un nombre de professionnels suffisant sur le territoire.
Ce point m'amène à un deuxième élément qui me paraît déterminant pour le suivi, mais qui l'est en réalité aussi pour l'accouchement, celui de la disponibilité en nombre suffisant et de la formation des professionnels de santé.
Si nous n'avons pas développé une énième analyse de la crise de la démographie médicale, la santé périnatale connaît la même crise, voire une crise plus sévère, que notre système de santé pris dans son ensemble.
En effet, les spécialités de gynécologie-obstétrique, de néonatologie et de pédiatrie ne sont plus aussi attractives qu'autrefois, a fortiori pour ce qui concerne l'exercice hospitalier. Cela tient sans doute à des changements générationnels et à une insuffisante valorisation des actes face aux risques et aux contraintes, notamment des gardes hospitalières. Cela vaut tant pour l'internat que pour la suite de la carrière, pour les spécialités que j'ai citées comme pour d'autres spécialités intervenant en salle de naissance, notamment les anesthésistes-réanimateurs.
Le problème se pose de manière différente pour les sages-femmes, qui, malgré leur nombre toujours plus important, sont de plus en plus nombreuses à déserter les salles d'accouchement au profit des cabinets libéraux.
Dans tous les cas, pour la santé périnatale comme pour le reste du système de santé, nous ne pourrons pas réussir à assurer la soutenabilité de notre système sans travailler, au-delà de la question du numerus clausus ou du numerus apertus, à la question déterminante de l'attractivité des carrières.
Pour ce qui est de la formation, la question est différente. Nous bénéficions globalement d'un bon système de formation universitaire dans notre pays. De plus, la formation des sages-femmes a récemment été encore complétée avec le doctorat en maïeutique.
J'identifie toutefois deux points de vigilance.
Le premier tient à la formation des médecins généralistes. Alors que l'on manque de pédiatres et que les généralistes sont en première ligne, la modification récente de la maquette de stages a suscité des réactions assez vives. S'il ne nous appartient pas de définir les stages et leur durée souhaitable, il me paraît indispensable que la formation des généralistes, dont nous n'avons eu de cesse de prolonger la durée, inclue une expérience solide en pédiatrie.
Le second point, plus délicat me semble-t-il, tient aux infirmiers. Au-delà des problèmes connus de formation initiale issus des dernières réformes de la sélection comme de la maquette, les activités de santé périnatale, particulièrement de pédiatrie, ne sont plus systématiquement pratiquées en stage. Il en résulte une perte de compétences initiales avec des infirmières à former au sein du service, mais aussi une autocensure, par crainte de rejoindre ces services aux actes techniques particuliers qui n'ont pas été appréhendés au cours de la formation.
Enfin, je terminerai, concernant le suivi, par un aspect qui nous a semblé prendre toujours plus de place, ou en tout cas être aujourd'hui assumé comme un enjeu de santé publique plus qu'il ne l'était, à savoir la santé mentale.
Alors que 70 % des femmes déclarent des symptômes de baby blues dans les jours suivant l'accouchement et que la dépression post-partum touche une mère sur cinq et un père sur dix, l'accompagnement en la matière doit être renforcé. Nous avons souhaité insister sur ce point dans le rapport comme dans les préconisations, notamment sur la nécessité de mieux repérer les situations de vulnérabilité et d'adapter l'offre de soins en la matière. Nous pensons également nécessaire de poursuivre la réflexion sur l'allongement des congés maternel et paternel et sur un congé parental rénové, permettant un retour plus progressif à l'activité professionnelle, de nature à simplifier la prise en charge des jeunes enfants et à améliorer la santé mentale de leurs parents.
Le deuxième grand axe que j'annonçais dans l'analyse du parcours de soins est celui de la prise en charge de l'accouchement. Nous avons consacré une grande partie de nos réflexions à ce sujet et à celui de l'avenir des maternités.
Je commencerai par un point de situation.
Au cours des dernières années, de nombreuses maternités ont vu leurs activités partiellement ou totalement suspendues, de manière temporaire ou durable. Ces suspensions ont des conséquences directes et immédiates sur les parturientes et, en termes d'organisation, sur les établissements de recours. En outre, il a été signalé que ces suspensions d'activité entraînent parfois par ricochet l'arrêt des activités d'orthogénie, ce qui fait peser un risque en matière d'accès à l'interruption volontaire de grossesse.
Les maternités d'Autun, de Lunéville ou de Guingamp ne sont pas des cas isolés, d'autant que les « petites maternités » ne sont aujourd'hui plus les seules concernées par le risque de fermeture. Si l'interruption de l'activité de petites structures est une source de stress pour les parturientes et peut emporter un risque de perte de chance quand elle n'est pas organisée, la suspension, même temporaire, de plus grosses maternités aurait des effets déstabilisateurs bien plus importants à l'échelle de l'organisation des soins dans nos territoires.
Ces fermetures sont réalisées faute de pouvoir disposer des personnels exigés en secteur de naissance. Or quelles sont les raisons de ces manques de personnels ?
La pénurie de professionnels de santé et la perte d'attractivité des carrières hospitalières, notamment dans les petits établissements, au regard des contraintes de gardes fréquentes, expliquent en partie ces pénuries. Toutefois, il convient également de prendre en compte le phénomène plus profond qu'est le souhait de jeunes médecins de travailler dans de grandes structures, au sein desquelles ils trouvent un environnement de travail plus sécurisant, dans des équipes nombreuses, avec des actes plus fréquents et des cas plus complexes.
Cette situation dégradée se nourrit en réalité d'elle-même, de telle sorte que les fermetures temporaires subies agissent souvent comme des signaux de déclassement, emportant un effet repoussoir pour les professionnels comme pour les femmes enceintes.
Surtout, le manque de personnels et les fragilités persistantes de certaines structures poussent à soutenir à bout de bras et à renfort d'intérims coûteux des équipes incomplètes et changeantes, ce qui entraîne une dégradation de la qualité des soins.
Face à cela, nous devons également entendre les demandes des femmes, qui ont évolué au cours des dernières décennies, dans des directions parfois divergentes. De nombreuses femmes choisissent, quand elles sont informées et qu'elles le peuvent, d'accoucher dans une maternité de type 2 ou 3 pour bénéficier de services et d'un encadrement dont elles n'ont pas forcément besoin. Dans le même temps, il faut entendre le souhait de certaines femmes d'accoucher dans des environnements moins médicalisés, dans des salles dites « nature », en maison de naissance, voire à domicile.
Le maintien en l'état de l'offre de soins n'est pas viable car, pour reprendre les mots du Pr Yves Ville, entendu par notre mission, il ne s'agit que d'un « lent pourrissement ».
Le statu quo et l'absence de réformes de la politique périnatale - pourtant considérées comme urgentes par la Cour des comptes depuis 2014 et depuis 2023 par l'Académie de médecine - sont l'équivalent d'une décision qui ne dit pas son nom. Ignorer les fermetures répétées ou laisser des fermetures se prolonger indéfiniment permet certes de maintenir des structures sur la carte, mais cela revient en réalité à laisser advenir une restructuration de fait, non organisée, qui brise petit à petit des chaînons de l'offre de soins, déstabilise à bas bruit et prive en définitive les parturientes de solutions adaptées au niveau local.
En tant que responsable politique, cette restructuration subie, ou ce lâche abandon, je n'en veux pas. Si je considère qu'une transformation est inévitable, celle-ci doit être conduite : il faut une réponse réfléchie, nuancée et calibrée.
Or ce débat mérite mieux qu'une opposition frontale entre médecins et élus locaux, et il ne doit pas être présenté comme un combat des villes face aux campagnes.
Je souhaite que notre mission puisse adopter un discours de vérité et de responsabilité.
Car laisser cette restructuration se faire d'elle-même conduirait en réalité à une perte de chances pour toutes et tous, sur l'ensemble du territoire, avec le risque de dégrader encore la situation sanitaire.
Car maintenir des structures non sûres, notamment dans les petits établissements, est un facteur d'inégalités sociales et territoriales inacceptable, alors que, comme nous l'avons entendu, certaines parturientes bien informées évitent déjà certaines maternités.
Car faire croire qu'il n'y a qu'à former des médecins en masse et à les disperser sur le territoire est un leurre : c'est ignorer leurs aspirations, mais aussi oublier qu'on ne pratique bien que ce que l'on fait souvent. Or la baisse de la natalité, et partant, du nombre d'accouchements pratiqués, est une réalité que nous ne pouvons pas occulter.
Dès lors, quelle réponse apporter ?
Nous considérons que le suivi de la grossesse et le suivi post-natal se distinguent de l'accouchement.
En matière de suivi prénatal et post-natal, nous souhaitons donner la priorité à la proximité. Chacune et chacun doit pouvoir trouver une structure près de son domicile, jusqu'à l'accouchement et immédiatement en sortie de maternité.
Pour l'accouchement, nous estimons que la sécurité doit primer.
Il faut renforcer la sécurité des maternités, en premier lieu par un renforcement de l'encadrement en personnels dans les activités de gynécologie-obstétrique et de néonatologie. La révision des décrets de 1998 a trop duré, faute de volonté et de courage politiques et par crainte, sans doute, des conséquences non évaluées qu'elle pourrait emporter, dans un contexte de raréfaction de la ressource médicale. Or cette révision est aussi un gage d'attractivité pour les praticiens, au-delà d'un meilleur encadrement pour les mères et leurs enfants.
Nous pensons que le travail, déjà plusieurs fois engagé, doit cette fois aboutir, comme les professionnels le réclament. Il nous semble qu'une publication des décrets en 2025 serait souhaitable, avec des entrées en vigueur progressives pour anticiper l'impact et laisser aux établissements le temps de s'organiser.
Il faut ensuite renforcer la sécurité des maternités en engageant une transformation des structures existantes. Cette transformation est inévitable en l'état des demandes et des besoins comme au regard des ressources.
Pour conduire cette transformation, il ne faut pas partir de rien ou aller n'importe où et n'importe comment.
Nous proposons pour commencer une évaluation de chacune des structures au moyen d'indicateurs définis au niveau national. Parallèlement, un diagnostic local des besoins et une cartographie des plateaux techniques doivent être mis en regard dans chaque bassin de naissance.
Les dispositifs territoriaux ou « réseaux de périnatalité », qui mêlent les acteurs hospitaliers et libéraux et s'organisent par territoire, ont montré la pertinence de leurs analyses et leur capacité à faire travailler ensemble les acteurs : ils doivent être mobilisés dans ce travail, auprès des agences régionales de santé notamment.
C'est seulement sur cette base qu'une transformation viable peut se construire. Il nous paraît contre-productif d'afficher une réflexion sur le fondement d'un quelconque seuil d'activité qui serait érigé comme l'alpha et l'oméga de la pertinence d'une structure, et ne constituerait in fine qu'un couperet aveugle.
On a beaucoup entendu parler d'un seuil à 1 000 accouchements, attribué avec plus ou moins de bonne foi au rapport de l'Académie de médecine, en réalité plus subtil que cela. Travailler sur l'unique base de seuils, c'est nier la configuration de nos territoires ; c'est nier la structuration des établissements, leur maillage et leurs complémentarités éventuelles ; c'est nier la réalité que vivent nos concitoyens dans leur bassin de vie et les contraintes qui sont parfois les leurs.
Que signifie cette transformation ?
Oui, il faudra transformer de grandes structures pour accueillir et aménager différents types de projets de naissance. Dans des maternités de type 2 ou 3, notamment, avec des salles dites « physio » disponibles, où les sages-femmes sont en première ligne. Il s'agit non pas de faire des « usines à bébés », mais de proposer des structures sécurisées pour l'ensemble des besoins.
Oui, il faudra renforcer certaines « petites maternités » dont la fragilité fait courir un risque et dont la pérennité doit être assurée.
Oui, il faudra transformer certaines structures non viables en « maternités sans accouchement », qui pourraient en revanche accueillir les mères et leurs bébés dès l'immédiate suite de couches. Éloigner le lieu d'accouchement ne doit pas vouloir dire éloigner la mère et le nouveau-né pendant les jours d'hospitalisation après la naissance, quand ce suivi immédiat peut se faire à proximité du domicile.
Oui, il faudra également repenser certaines modalités d'accueil des parturientes en fin de grossesse pour lesquelles la distance à la maternité requiert un hébergement en « hôtel maternel ».
Oui, il faudra également renforcer l'offre de transport sanitaire et les cellules de régulation et de réponse urgente, avec notamment des services mobiles d'urgence et de réanimation (Smur) obstétricaux et la présence renforcée de sages-femmes et d'obstétriciens dans les équipes.
En outre, dans ce cadre, les territoires présentant une situation géographique complexe devront nécessairement conserver une offre de soins adaptée. Il conviendra de sécuriser les petites structures considérées comme indispensables à l'accessibilité des soins. Je pense notamment aux territoires de montagne, aux territoires insulaires, à la Corse ou aux départements d'outre-mer.
Il faut enfin renforcer la sécurité de l'offre de soins en augmentant le nombre de lits de réanimation néonatale et assurer un ratio minimal d'un lit pour 1 000 naissances sur l'ensemble du territoire.
Je n'oublie enfin évidemment pas les modalités d'accouchement à domicile ou en maison de naissance, que nous abordons dans le rapport. Si ces modes d'accouchement sont aujourd'hui marginaux, ils doivent être possibles et sécurisés : nous soutenons à ce titre la révision ou l'établissement de protocoles pour l'accouchement à domicile.
Vous l'aurez compris, nous avons cherché à sortir d'une opposition frontale entre proximité et sécurité, que j'estime complémentaires. La ligne est claire : le suivi en proximité doit être garanti et renforcé ; un haut niveau de sécurité doit primer et être assuré sur les plateaux techniques ; l'accessibilité des structures sur le territoire doit être préservée.
Une telle transformation est certes ambitieuse, mais elle est inévitable.
Si je souhaite sortir d'une approche retenant des seuils aveugles, je suis également très réservée sur une approche qui procéderait au cas par cas, qui pourrait très souvent constituer un bon prétexte pour ne rien faire. Il faudra, pour y arriver, une feuille de route, une méthode et une évaluation de l'impact.
La révision des ratios et l'organisation des maternités ont trop longtemps été mises de côté par les derniers gouvernements. Je regrette que la dissolution de l'Assemblée nationale et la démission du Gouvernement nous aient empêchés d'entendre la ministre du travail, de la santé et des solidarités. Il y a sur ce sujet, comme sur beaucoup d'autres, des éléments qui n'avanceront qu'à l'appui d'une solide volonté politique.
Ces préconisations sont un discours non pas de fatalité, mais de réalité. Ne prenons pas le risque certain d'un délitement des structures de soins et des plateaux d'accouchement ; engageons au contraire un mouvement de redressement de la situation !
Je terminerai par un sujet qui a été régulièrement abordé dans nos auditions et qui participe de nombre des difficultés que j'ai pu évoquer : il s'agit de la question du pilotage.
Si elle est une compétence de l'État, la santé périnatale implique en réalité largement les territoires et, surtout, elle ne peut se concevoir sans la communauté médicale et soignante et les usagères et usagers. Pourtant, les commissions des naissances et autres organes de pilotage ont progressivement disparu ou perdu leur rôle.
Aucun redressement de la politique de santé périnatale ne pourra se faire sans volonté politique, sans arbitrages et sans pilotage national et territorial. C'est une question de vision, mais aussi de responsabilité.
Voilà, mes chers collègues, les principales conclusions et recommandations que je souhaitais vous présenter et vous proposer de soutenir au nom de notre mission.
L'enjeu est simple : que ce rapport ne s'ajoute pas aux autres déjà publiés sur ce sujet, mais qu'il soit le déclencheur d'une nouvelle politique utile et bénéfique à la santé de nos concitoyens.
Mme Annie Le Houerou. - Je remercie le groupe RDSE d'avoir retenu ce sujet, ainsi que la rapporteure pour son rapport.
Deux aspects sont essentiels : l'accès aux soins périnataux en général et le souci d'avoir des lieux d'accouchement suffisamment proches de la population. Dans le cadre de l'étude d'opinion menée par CSA, les femmes ont exprimé leur attachement à un accouchement à proximité, c'est le premier critère qu'elles retiennent dans le choix de leur lieu d'accouchement. Cela doit être entendu. Mais lorsqu'on évoque les conditions d'accouchement, les femmes demandent évidement que l'accouchement se passe en toute sécurité et il nous revient, en tant qu'élus, d'assurer cette qualité de soins.
Comme vous l'avez souligné, les indicateurs de santé publique sont dégradés, tant en ce qui concerne les décès de nouveau-nés que les décès maternels. Les propositions pour mieux connaître l'analyse de la situation et partager un diagnostic commun sont importantes : la création d'un registre national des naissances et de la mortalité néonatale me paraît essentielle.
Il importe également que les services publics d'accompagnement et de suivi de la santé des femmes et des enfants - notamment Prado et PMI - soient mieux identifiés. Comme cela est indiqué dans le rapport, en dix ans, près de 1 000 centres de PMI ont fermé et les PMI s'orientent davantage vers la protection de l'enfance que vers la prise en charge générale des femmes et des enfants.
Comme vous le soulignez également, les sages-femmes sont de plus en plus nombreuses, mais leur rôle n'est pas encore suffisamment identifié comme pivot. Il faudra y remédier, peut-être dans le cadre d'un pilotage national.
Nous avons tous constaté la dégradation de l'offre de soins et de la disponibilité des professionnels de santé, qui conduit à une dégradation des indicateurs de mortalité. La question des effectifs est centrale. Le nombre de gynécologues est en forte baisse. Idem s'agissant des pédiatres, qui disparaissent même de certains territoires.
Pour moi, nous devons augmenter le nombre de professionnels de santé et développer la formation continue sur la santé des femmes et enfants. Encore faut-il que les professionnels exercent sur l'ensemble du territoire, permettant un maillage à la hauteur des besoins : il y a 45,8 pédiatres pour 100 000 habitants à Paris contre 1,85 pour 100 000 habitants dans l'Indre ! D'ailleurs, le problème se pose dans les mêmes termes pour toutes les professions de santé.
Face à des effectifs de médecins aujourd'hui insuffisants, tenir un discours de vérité et de responsabilité n'implique pas nécessairement de réduire le nombre de plateaux techniques. Soyons ambitieux pour nos territoires. Organisons notre offre de soins pour répondre aux besoins de santé de la femme et de l'enfant, en remettant à l'ordre du jour une révision des décrets de 1998 mais aussi en organisant le recrutement et la formation des personnels autour de l'accouchement, qui est le coeur du problème.
Ne faisons pas de la réduction du nombre de plateaux techniques un préalable. En vingt ans, on a déjà fermé de nombreuses maternités : il y avait 450 maternités de type 1 en 2000, contre 157 seulement en 2022. La démographie médicale et le pourrissement de certaines situations ont sans doute aidé à fermer des maternités... En poursuivant ainsi, les 157 maternités restantes de type 1 sont menacées. Si l'on fait ce choix, certains territoires n'auront une offre de soins à la hauteur des besoins.
Il me paraît essentiel d'avoir une réflexion territoriale sur l'offre et les besoins de soins, comme vous le notez dans le rapport. Les groupements hospitaliers de territoire (GHT) doivent être un élément majeur de la répartition graduée de l'offre de soins. L'exemple des maternités de Vannes et Ploërmel, où nous nous sommes rendues, me semble intéressant, avec une coopération réussie entre une maternité de type 1 et une maternité de type 3. À l'inverse, nous avons constaté qu'une autre tentative de coopération de ce type, ailleurs en Bretagne, ne fonctionnait pas.
Je tiens aussi à rappeler que la première cause de mortalité des mères est le suicide. Or 60 % à 80 % des mères traversent une période de baby blues, et l'éloignement de leur environnement familial accentue le phénomène. Avec la diminution du nombre de lieux d'accouchement au profit d'« hôtels de maternité », la situation, qu'il faut prendre très au sérieux, ne pourra que s'aggraver.
Le rapport pointe également le recours plus important aux accouchements à domicile. Ceux-ci se font dans des conditions qui ne sont pas sécures en cas d'éloignement des maternités. Peut-être serait-il préférable d'orienter les femmes concernées vers des maternités de type 1 où la qualité des soins serait assurée - ce qui n'est, c'est vrai, pas toujours le cas aujourd'hui.
En conclusion, la dégradation de la santé périnatale et de son organisation territoriale est le reflet de la dégradation de l'accès aux soins dans les autres spécialités et d'un défaut de formation initiale et de formation continue des professionnels de santé. La solution réside dans le renforcement de la formation de médecins et le développement d'une offre de soins correspondant aux besoins de la population. Dans mon département, cinquante-cinq maires sont aujourd'hui devant le tribunal administratif pour défendre l'accès aux soins, qui est une préoccupation majeure.
La maltraitance dans les soins gynécologiques et obstétriques a aussi été évoquée. Il peut s'agir aussi d'une maltraitance involontaire des professionnels de santé du fait du manque de personnel.
Le rapport n'aborde peut-être pas suffisamment la procréation médicalement assistée (PMA) et l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Les maternités de proximité garantissent aux femmes, notamment aux plus jeunes, l'accès à de tels services.
Mme Florence Lassarade. - Je remercie Mme la présidente et Mme la rapporteure de nous avoir permis de participer aux travaux de cette mission d'information. J'ai consacré toute ma vie professionnelle à l'activité dont il est question.
Notre pays se situe au 22e rang européen en matière de mortalité néonatale. Or, dans le rapport, on peut lire ceci : « En comparaison avec les pays de l'OCDE, la France figure à la 22e place sur 31 pays s'agissant de la densité de pédiatres par rapport à la population. »
Selon Thomas Fatôme, directeur général de l'Assurance maladie, c'est aux généralistes - ils sont 47 900, contre seulement 2 676 pédiatres - de s'occuper de la santé de l'enfant. Mais pédiatre de ville et pédiatre-réanimateur, ce n'est pas le même métier ! Même si les pédiatres reçoivent une formation à la néonatologie, tous ne veulent pas forcément faire de la réanimation.
En Espagne, où le taux de mortalité infantile est très satisfaisant, l'enfant est suivi exclusivement par un pédiatre la première année.
Pour améliorer la prise en charge des prématurés, tant en maternité que dans le premier mois de vie, il faudra revoir le nombre de pédiatres formés. Savoir par qui l'on veut faire suivre les enfants, c'est un choix de société. Et ce métier, que j'ai exercé avec bonheur - certes, j'ai passé des nuits blanches... -, mérite, je le crois, d'être revalorisé et rendu plus attractif.
Mme Annick Billon. - Je salue à mon tour Mme la présidente et Mme la rapporteure. J'ai eu beaucoup de plaisir à participer à nos travaux, dans des délais contraints.
J'adhère totalement à la méthodologie retenue et aux solutions proposées. Comme pour l'école, il y a un principe de réalité : la natalité baisse considérablement. Mme la rapporteure a écarté la solution de facilité qui aurait consisté à appliquer des seuils de nombre d'accouchements minimal par maternité. Si personne ne souhaite la suppression de certains plateaux techniques, il y a ce fameux principe de réalité.
Vous envisagez un diagnostic prenant en compte notamment les spécificités des territoires de montagne ou ultramarins, afin de mettre en oeuvre des solutions adaptées. Vous nous proposez d'aller vers plus de sécurité. Je partage vos conclusions, en particulier sur l'importance de la formation et sur le rôle des sages-femmes. Vous le soulignez, la réflexion doit être menée en fonction des territoires, et non du nombre d'habitants. C'est ce qui me plaît dans vos analyses.
Vous identifiez un certain nombre de causes. Depuis de nombreuses années, la France n'a pas eu de politique familiale véritablement à la hauteur. Sur le problème de l'obésité, qui peut être lié à l'âge de la grossesse, vous insistez sur la nécessité de la prévention.
La question des moyens budgétaires est évidemment centrale. J'imagine qu'il y aura des choix à faire dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et le prochain projet de loi de finances...
Mme Céline Brulin. - Je me réjouis que le sujet de la périnatalité ait pu être inscrit à l'ordre du jour de nos travaux, et je salue la qualité du rapport dont nous sommes saisis.
Certains indicateurs sont très inquiétants : le nombre de maternités dans notre pays a baissé de 40 % en trente ans ! J'approuve totalement le choix d'écarter le recours aux seuils, qui ne sont plus du tout pertinents aujourd'hui, à supposer qu'ils l'aient été un jour.
Dans le domaine de la périnatalité, comme dans celui de la santé en général, nous sommes confrontés à une pénurie de professionnels de santé, par manque d'attractivité. Et c'est cette pénurie qui, au nom du « principe de réalité », guide les politiques publiques. Mais, pour moi, mener une politique publique, c'est se donner les moyens de la mettre en oeuvre ; ce n'est pas gérer la pénurie !
Je me réjouis donc que le rapport mette l'accent sur l'attractivité des professions : c'est, à mon sens, l'enjeu numéro 1.
Vous insistez avec raison sur la nécessité de dresser une cartographie, mais un certain nombre d'éléments sont connus. En France, de très vastes territoires ne disposent pas de maternité de type 3 : il faut remédier à cette situation. J'estime que c'est une priorité.
En outre, j'insiste sur le rôle central des centres de PMI, dont le rapport souligne à juste titre les difficultés, dans le contexte financier que nous connaissons - je pense bien sûr aux finances départementales. J'ajoute que les départements font eux aussi face à la pénurie de professionnels de santé.
Enfin, la recommandation n° 11 me laisse sceptique : le classement des maternités pourrait avoir un effet pervers. Il pourrait creuser les inégalités territoriales, les familles cherchant la sécurité. Prenons garde à ne pas aggraver les difficultés de certains établissements.
Mme Anne Souyris. - À mon tour, je tiens à vous remercier de ce travail, qui me semble réellement essentiel. De nombreux sujets ont été abordés et de nombreux diagnostics ont été établis.
La question du suicide est tout particulièrement importante, d'autant qu'il s'agit encore d'un tabou.
De plus, la transparence des pratiques me semble être une priorité. En la matière, la publication régulière des données serait utile, non seulement pour les familles, mais aussi pour les pouvoirs publics.
De même, il me paraît absolument essentiel d'insister sur les PMI. Paris dispose d'un très fort réseau des PMI - au total, 90 % des bébés parisiens y sont vus -, mais tous les territoires ne sont pas égaux à cet égard.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - La moyenne nationale de suivi des bébés dans les centres de PMI est inférieure à 20 %.
Mme Anne Souyris. - Je suis bien consciente de ces inégalités, mais j'insiste sur les nombreux rôles que jouent les PMI, qu'il s'agisse de la prévention sous toutes ses formes, de la lutte contre l'obésité ou encore de la santé environnementale, sur laquelle le rapport aurait pu insister davantage. On peut réfléchir au développement de PMI ambulatoires et des réseaux de sages-femmes, dont le rôle doit être renouvelé et renforcé. Les sages-femmes sont à même d'assurer un véritable maillage territorial : les pays d'Europe du Nord en donnent la preuve.
Alors que l'on continue de fermer des maternités de niveau 1, il faut garantir, à moins de vingt minutes en voiture, des plateaux techniques et des services de haut niveau de sécurité à même de procéder à un accouchement.
Enfin, je déplore que les pères soient presque absents de ce rapport, alors qu'ils jouent un rôle majeur.
M. Patrice Joly. - Je salue moi aussi la qualité et la quantité du travail accompli sur ce sujet si important.
Les indicateurs de santé périnatale se dégradent aujourd'hui en France et ce n'est pas le fruit du hasard : c'est la conséquence d'un sous-investissement inadmissible, d'un renoncement qu'il faut dénoncer. On a opté comme dans d'autres secteurs pour une logique de concentration qui, de toute évidence, se heurte à ses limites, mais dont on ne parvient pas encore à s'affranchir. Il est grand temps d'en sortir pour répondre aux besoins de notre société.
Comment garantir la sécurité en préservant un minimum de proximité ? Voilà la vraie question. Nous ne pouvons pas aller au-delà d'un trajet de 30 à 45 minutes entre le domicile et la maternité. Un trajet de quarante-cinq minutes multiplie les risques par deux, pour la mère comme pour l'enfant. De telles ruptures d'égalité ne sont pas acceptables.
Dans un certain nombre de professions, il n'y a pas de problème d'effectifs : la question, c'est la répartition entre l'exercice hospitalier et l'exercice libéral ; c'est aussi la répartition territoriale. La solidarité nationale impose de concevoir de nouveaux modes de régulation de ces professions. Seuls les poissons morts suivent le fil de l'eau : les politiques publiques doivent aussi savoir aller à contre-courant et, à mon sens, de tels dispositifs peuvent tout à fait être mis en oeuvre.
Avant tout, il faut élaborer un diagnostic territorial et - j'y insiste - sortir d'une logique strictement budgétaire. La maternité d'Autun est aujourd'hui suspendue, pour ne pas dire fermée. J'ai à ce propos déposé en 2023 une proposition de loi tendant à garantir un droit de naître dans tous les territoires. J'insiste sur cet enjeu, dont dépend l'avenir des territoires eux-mêmes.
Mme Marion Canalès. - Je m'associe aux remerciements exprimés par mes collègues.
Pour commencer, permettez-moi d'indiquer que je suis très favorable au titre retenu pour le rapport : effectivement, en ce qui concerne la transformation de l'offre de soins périnatals, « le travail doit commencer ».
Prenons l'exemple des territoires d'outre-mer : le rapport rappelle à juste titre les difficultés réelles auxquelles les Ultramarins sont confrontés, mais il faut aussi noter que le seul centre de diagnostic en matière d'alcoolisation foetale - un sujet qui m'est cher - en France se situe à La Réunion. Certes, les territoires d'outre-mer présentent un certain nombre de vulnérabilités, mais ils peuvent aussi apporter un début de réponse qu'il conviendrait de généraliser. C'est le cas ici : il est effectivement fondamental d'améliorer la sensibilisation des femmes aux ravages de l'alcool ingéré tout au long de la grossesse et, plus largement, tout au long de la vie. Le travail de prévention dans ce domaine doit, je le répète, commencer.
À cet égard, je déplore le manque de coordination des parcours d'accompagnement psychologique des femmes durant et après la grossesse et le manque d'adaptabilité des parcours de soins et des traitements. Au même titre, il faudrait faire en sorte que les entretiens post-natals, remboursés à hauteur de 70 % par la sécurité sociale, le soient à 100 %, comme le sont les entretiens prénatals.
Alors que trente-neuf communes de mon département ne comptent aucun professionnel de santé en périnatalité, et que soixante-deux d'entre elles n'en ont qu'un seul, qu'il me soit permis de souligner l'importance du rôle des infirmières puéricultrices. Pour renforcer leurs missions, il importe de modifier le décret de référence, lequel n'a pas été revu depuis 1983. On dénonce souvent l'absence ou le manque de législation autour des professionnels évoluant dans le secteur de la parentalité : nous devrions permettre à ces infirmières puéricultrices d'exercer en secteur libéral, ce qui permettrait un meilleur accompagnement des femmes, y compris dans de très petites communes.
Enfin, il convient de rappeler que les missions de la PMI ne se résument pas à la protection de l'enfance : son rôle est plus large et ses autres fonctions sont tout aussi importantes - il ne faut pas l'oublier.
Mme Émilienne Poumirol. - Je remercie nos collègues de ce travail passionnant.
En préambule, je signale que la dégradation des indicateurs en matière de santé périnatale est effectivement inadmissible dans un pays comme le nôtre, d'autant que certains pays que l'on montre souvent du doigt, comme l'Espagne ou l'Italie, s'en sortent mieux que nous.
Ma première remarque concerne la pénurie du personnel médical et paramédical dans le champ de la périnatalité : il est désormais indispensable - je partage en cela les conclusions du rapport - d'aboutir à un outil de pilotage à l'échelon national.
Je suis en réalité favorable à la plupart des recommandations que contient le rapport, à l'exception de celle qui conclut à la nécessaire diminution du nombre de plateaux techniques. Rappelons que la disparition de 40 % des maternités de premier recours en l'espace de trente n'a pas empêché une forte détérioration des indicateurs de santé. En d'autres termes, ce n'est pas de la mauvaise qualité des infrastructures de premier recours en France que découle principalement la surmortalité néonatale.
En conséquence, la solution ne réside pas dans la centralisation de ces infrastructures dans les métropoles et ce n'est pas en fermant certaines structures de proximité que l'on améliorera la santé des femmes.
À mon sens, il manque à ce rapport un volet relatif à la prévention des situations à risque : il faut avant tout combattre les principaux facteurs de surmortalité que sont le diabète, l'obésité, l'alcool, le tabac, ou encore l'absence de pratique sportive.
M. Laurent Somon. - Tout comme mes collègues, je remercie la présidente et la rapporteure pour ce travail remarquable.
En tant qu'ancien président de département, le sujet de la périnatalité me tient très à coeur. J'émettrai donc quelques remarques.
La première tient à l'importance que revêtent les transports pour pallier le manque de proximité des services de santé. Autrement dit, les difficultés ne résultent pas uniquement de la cartographie des maternités.
La deuxième a trait à l'exercice des professionnels de santé : l'enjeu ne réside pas seulement dans le renforcement de la densité des praticiens, mais aussi dans leur expérience. Plus on pratique, plus on est performant. Par ailleurs, comme l'indiquait Florence Lassarade, la pédiatrie est une spécialité à proprement parler qu'il importe de remettre au premier plan.
Troisième remarque, j'en appelle à une indispensable clarification des responsabilités face à la situation actuelle. Les PMI doivent y prendre toute leur part, mais il faut également souligner la responsabilité de la solidarité sociale : la dégradation des facteurs sociaux et environnementaux est évidemment à l'origine des nombreuses difficultés que l'on relève dans le champ de la périnatalité.
Il faut souligner ce qui est négatif mais aussi ce qui est positif et donne des résultats. Ainsi, dans le département de la Somme, nous organisons chaque année des journées de promotion de l'allaitement maternel.
Dernière remarque, les services de PMI sont primordiaux. Pour autant, ils se doivent d'être proactifs et de nouer des liens étroits avec les maternités, les centres médico-sociaux (CMS) et les maisons médicales. Le continuum sanitaire est essentiel si l'on veut parvenir à la fois à identifier et résoudre les problèmes sociaux et à favoriser un accompagnement médical de proximité. À titre d'illustration, je citerai l'initiative du conseil départemental de la Somme, mon département, qui a fait en sorte qu'un bus PMI puisse se déplacer dans l'ensemble du territoire, afin d'assurer une permanence à l'intention de toutes les familles.
Je terminerai en soulignant l'importance de disposer d'une cartographie des résultats du système de santé périnatale, qui permette d'identifier, territoire par territoire, les principales causes - sociales, environnementales ou, tout simplement, médicales - de la dégradation des indicateurs.
Mme Véronique Guillotin, rapporteure. - Je vous remercie toutes et tous pour la qualité de nos travaux.
Madame Le Houerou, notre volonté et la finalité de ce rapport ne sont pas de fermer les plateaux techniques. Alors que certaines maternités ne sont pas sécures, nous préconisons qu'un diagnostic territorial soit effectué et que l'on se penche sur les causes de certaines situations - plateaux non sécures, équipes instables - qui peuvent relever de l'organisation territoriale, mais pas seulement. Dans certains cas, il faudra, au regard de ces constats, renforcer des petites maternités.
Il convient de ne pas mettre sur le même plan les fermetures subies et les fermetures organisées. Fermer subitement une maternité ne revient pas à restructurer l'offre de soins.
Lorsqu'on ferme une maternité, on ferme souvent également les services d'IVG, on déstabilise la situation ou on la laisse pourrir, et on se retrouve avec un territoire vide. Aujourd'hui, les suspensions qui interviennent coup sur coup déstabilisent le suivi des parturientes et peuvent entraîner des fermetures, qui ne renforcent pas forcément le bon plateau technique. Cela envoie des signaux négatifs et les femmes partent.
Mieux vaut anticiper en tenant compte des fragilités qui existent sur un territoire, par exemple en regroupant des plateaux techniques, et, en parallèle, renforcer les soins de proximité pour le prénatal et le postnatal. Il ne doit pas s'agir d'une fermeture sèche de la maternité.
Un pilotage est nécessaire, avec un rôle de l'État et des ARS. Lorsque nous nous sommes rendus à Vannes, nous avons constaté un travail remarquable au sein de la communauté du GHT pour maintenir une maternité à Ploërmel. L'ARS Bretagne nous a néanmoins dit que cela n'aurait pas été possible partout et que des fermetures de plateaux techniques étaient nécessaires.
Il faut effectivement former davantage de pédiatres et permettre aux infirmières puéricultrices, qui ne sont pas suffisamment reconnues, d'exercer en libéral dans les territoires.
Il convient d'encourager les expérimentations qui visent à regrouper les services de santé de la femme et de l'enfant, en vue d'assurer un meilleur suivi et d'éviter les ruptures de parcours.
Mme Annick Jacquemet, présidente. - Ce rapport chiffré, très complet, aborde d'autres sujets qui n'ont pas été évoqués au cours de cette réunion. J'indique à Anne-Sophie Romagny que nous y avons intégré la question du diagnostic des maladies néonatales.
Nous devons désormais nous prononcer sur le rapport qui vient de vous être présenté afin de l'adopter, ainsi que les recommandations qu'il porte, et d'en autoriser la publication.
Mme Annie Le Houerou. - Mon groupe s'abstiendra au vu de la recommandation n° 14 relative à la concentration des plateaux techniques. Nous souhaitons déposer une contribution annexée au rapport pour expliquer notre position.
Mme Anne Souyris. - Mon groupe s'abstiendra également, les sujets de la santé environnementale et de la prévention n'étant pas suffisamment abordés dans le rapport, dont nous considérons néanmoins qu'il contient des points positifs. Nous souhaitons déposer, à cet égard, une contribution annexée au rapport.
Mme Annick Jacquemet, présidente. - Je rappelle que les groupes politiques ont la possibilité de déposer une contribution annexée au rapport. Celles-ci seront acceptées jusqu'à jeudi midi dernier délai.
Je vous informe que le titre « grand public » devrait être le suivant : « Transformation de l'offre de soins périnatals dans les territoires : le travail doit commencer ».
Les recommandations sont adoptées.
L'annexion des contributions au rapport d'information est acceptée.
Le titre du rapport d'information est adopté.
La mission d'information adopte le rapport d'information et en autorise la publication.
Mme Annick Jacquemet, présidente. - Le rapport fera l'objet d'une présentation à la presse demain, mercredi 11 septembre, à 14 heures 30. Il est jusqu'à demain après-midi sous embargo et ne doit faire l'objet d'aucune diffusion ou communication par les membres de la mission.
Je tiens à vous remercier une dernière fois pour votre engagement dans les travaux de cette mission qui, je l'espère, sera suivie d'une politique ambitieuse dans nos territoires.