AVANT-PROPOS

Depuis plus de cinquante ans, le Sénat s'attache à vérifier que les mesures d'application appelées par les lois votées par le Parlement sont bel et bien prises, et dans un délai raisonnable. Décrets et arrêtés, textes peu connus de nos concitoyens, sont en effet indispensables à la bonne mise en oeuvre de la loi et au respect de la volonté du législateur. Cette mission, que le Parlement tient directement de l'article 24 de notre Constitution, demeure pour le Sénat un devoir essentiel au sein d'une démocratie moderne.

Comme pour les précédents bilans annuels, celui-ci a été établi en lien direct avec les commissions permanentes. Leur rôle de suivi de l'application des lois et leur contribution au présent bilan, réaffirmé par le Règlement du Sénat, s'accompagne, aux termes de celui-ci, d'une mission de suivi confiée à ceux de leurs membres rapporteurs d'un texte législatif. Sur le fondement du nouvel article 19 bis B du Règlement du Sénat, plusieurs d'entre eux ont ainsi procédé au suivi de l'application de lois dont ils avaient été rapporteurs, contribuant ainsi pour la quatrième année à l'enrichissement de ce bilan annuel.

Depuis huit années maintenant, ce bilan intègre le suivi des positions européennes effectué par la commission des affaires européennes. Sur la base des textes européens reçus par cette commission, 18 résolutions européennes ont été adressées par le Sénat au Gouvernement, au titre de l'article 88-4 de la Constitution. Le bilan est positif puisque dans plus de la moitié des cas, ces positions exprimées par le Sénat ont été prises en compte en totalité ou en majorité.

Cette année encore, l'écoute et la réactivité des services de la Secrétaire générale du Gouvernement ont permis aux commissions d'obtenir de premières réponses à leurs interrogations, notamment sur les mesures non prises par le Gouvernement, ou encore prises avec un degré élevé de liberté par rapport à la volonté initiale du législateur. Pour la première fois, le SGG - répondant à une demande répétée du Sénat - a commencé à comptabiliser les arrêtés faisant l'objet d'un renvoi exprès dans la loi. Néanmoins, il n'a pas été en mesure pour la session 2022-2023 de transmettre des taux de parution des arrêtés complétement consolidés et fiabilisés. Ce point devra faire l'objet de l'attention du Sénat pour le bilan de l'année prochaine.

Conformément aux conclusions de la mission de réflexion sur le contrôle parlementaire, approuvées en Conférence des présidents le 1er décembre 2021, ce dialogue doit ensuite se poursuivre avec un débat en séance publique sur le bilan de l'application des lois, en présence du ministre chargé des relations avec le Parlement.

Pour la session 2022-2023, deux éléments principaux de satisfaction peuvent être relevés.

Tout d'abord, le taux d'application des lois se stabilise, pour atteindre 64 %, soit un niveau proche du taux de 65 % enregistré pour la session 2021-2022. Par ailleurs, le délai moyen de prise des mesures d'application passe pour la deuxième année consécutive, sous la limite des 6 mois que s'est fixée le Gouvernement. Ce délai moyen est de 5 mois et 23 jours, contre 5 mois et 20 jours pour 2021-2022.

Quatre observations conduisent cependant à nuancer ce bilan, cette stabilisation globale cachant des réalités très disparates.

Certes, le taux global d'application des lois se stabilise. Néanmoins, il reste encore bien inférieur aux niveaux observés à la fin des années 2010. Le taux d'application de 64 % pour la session 2022-2023 reste ainsi encore loin des taux enregistrés pour 2018-2019 (72 %) et, plus encore, pour 2017-2018 (78 %). Surtout, certaines lois emblématiques de la session 2022-2023 présentent au 30 mars 2024 des taux d'application très insatisfaisants. C'est le cas notamment pour la loi de production des énergies renouvelables (26 %)7(*), pour la loi de programmation militaire pour 2024-2030 (30 %)8(*), ou encore pour la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 (58 %)9(*).

Le taux de remise des rapports du Gouvernement au Parlement est en fort recul. Pour la session 2022-2023, ce taux s'établit à seulement 18 % contre 36 % pour 2021-2022. Après l'amélioration observée l'année dernière, cet indicateur se dégrade de nouveau, alors même que le nombre total de rapports à déposer est en baisse (98 rapports prévus pour 2022-2023 contre 132 en 2021-2022). Au-delà de l'aspect quantitatif, plusieurs commissions insistent par ailleurs dans leur bilan sur la faible qualité de plusieurs rapports transmis.

Les lois adoptées après engagement de la procédure accélérée continuent paradoxalement à souffrir de mauvais taux d'application. Le constat doit être encore fait cette année d'une célérité imposée au Parlement, à laquelle le Gouvernement quant à lui, ne s'astreint pas. Le taux d'application de ces lois s'établit à 50 %, contre 64 % toutes lois confondues. Le délai moyen de prise des textes d'application pour ces lois excède la limite des 6 mois, en s'établissant à 6 mois et 17 jours pour 2022-2023.

Enfin, une application à deux vitesses des dispositions législatives selon leur provenance se manifeste. Le taux d'application des lois d'origine parlementaire est bien plus faible que le taux d'application des lois toutes origines confondues. Ce taux s'établit à 43 %, contre 56 % l'année dernière. L'écart se creuse cette année, avec un différentiel de plus de vingt points (43 % contre 64 %) ! Le délai moyen de prise des textes règlementaires pour lois issues de propositions de lois s'établit à 7 mois et 9 jours.


* 7 Loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

* 8 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 9 Loi n° 2022-1616 du 23 décembre 2022 de financement de la sécurité sociale pour 2023.

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