N° 603

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 mai 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles,

Par Mme Christine LAVARDE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

L'ESSENTIEL

La commission des finances a examiné, le mercredi 15 mai 2024, le rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », suite à son contrôle budgétaire sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

I. LE RÉGIME CATNAT EST MENACÉ PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

A. LE RÉGIME CATNAT PERMET UNE COUVERTURE ASSURANTIELLE LARGE ET EFFICACE...

Le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit « régime CatNat », est un régime d'assurance « public-privé » : lorsque l'état de catastrophe naturelle a été déclaré par arrêté, les assureurs sont tenus d'assurer les victimes, au titre de la « garantie CatNat » obligatoire dans tout contrat garantissant les dommages aux biens. Dans le même temps, les assurances peuvent souscrire une offre de réassurance de la Caisse centrale de réassurance (CCR), qui est une société anonyme intégralement détenue par l'État, et qui bénéficie d'une garantie illimitée de sa part. Le régime est financé par une cotisation additionnelle assise sur la prime des contrats d'assurance, la « surprime CatNat », dont le taux passera de 12 % à 20 % au 1er janvier 2025.

Le régime CatNat n'a vocation qu'à couvrir des risques naturels « inassurables » par le seul secteur privé. Il intègre notamment les inondations, les séismes, les cyclones (outre-mer) ainsi que le risque retrait-gonflement des argiles (RGA), mais pas les incendies, les tempêtes, la grêle et la neige, dans la mesure où ces risques sont déjà couverts par des contrats d'assurance ordinaires.

Ce régime a jusqu'à présent fait la preuve de sa résilience. Depuis sa mise en place en 1982, la garantie de l'État n'a été activée qu'une fois, en 2000 sur l'exercice 1999, à l'occasion des tempêtes Lothar et Martin, et le régime permet aujourd'hui une véritable solidarité face aux catastrophes naturelles sur l'ensemble du territoire français.

B. ... MAIS SON ÉQUITÉ EST CONTESTÉE

Le régime CatNat présente également des faiblesses. La question se pose tout d'abord de savoir jusqu'à quel niveau de surprime le principe de mutualisation intégrale du régime demeurera acceptable. Les entreprises notamment ont le sentiment que le régime CatNat bénéficie significativement plus aux particuliers qu'aux professionnels, et elles regrettent que cette question ne fasse pas l'objet d'une transparence suffisante.

Enfin, l'indemnisation du RGA fait l'objet de contestations importantes. De nombreuses communes touchées par la sinistralité sécheresse se voient refuser l'éligibilité au régime CatNat puisqu'en moyenne seules 50 % de celles qui ont déposé une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle l'obtiennent. Ensuite, un nouveau filtre diminue drastiquement le périmètre de la couverture des dommages par le régime dans la mesure où environ la moitié des dossiers d'indemnisation déposés par les personnes victimes d'un sinistre sont classés sans suite par les experts mandatés par les sociétés d'assurance.

C. LE CHANGEMENT CLIMATIQUE IMPOSE UNE RÉFORME DU FINANCEMENT DU RÉGIME

Selon la CCR, dans une étude publiée en octobre 2023, le coût de la sinistralité devrait augmenter d'environ 40 % à l'horizon 2050, et de 60 % si l'on intègre la progression des enjeux assurés. Rien que le coût de la sinistralité « sécheresse » représenterait 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, contre 13,8 milliards d'euros les trente années précédentes (France Assureurs).

Évolution de la sinistralité annuelle moyenne
entre le climat 2020 et celui de 2050

(en millions d'euros)

Note : les scénarios RCP 4.5 et 8.5 sont deux projections d'augmentation des températures utilisées en climatologie, avec la seconde qui représente une augmentation plus forte que la première.

Source : commission des finances d'après les données de la CCR

Or, le régime CatNat est déjà à bout de souffle. Les sécheresses des dernières années ont considérablement diminué la provision d'égalisation de la CCR, qui sera à la fin 2024 à un niveau presque nul. Dès lors, une réforme du régime CatNat est indispensable, en y mettant au coeur la prévention des risques. Le relèvement du taux de surprime prévu en 2025 est une première étape, mais il ne suffira pas.

II. ASSURER L'ÉQUILIBRE ET L'ÉQUITÉ DU RÉGIME CATNAT

A. GARANTIR LE FINANCEMENT DU RÉGIME D'INDEMNISATION

Le rehaussement à 20 % du taux de la surprime était nécessaire, mais il ne sera pas suffisant pour garantir l'équilibre du régime CatNat dans la durée. De plus, le décalage entre la décision de relever le taux de surprime et son application effective fragilise le régime d'indemnisation.

Par conséquent, il est souhaitable de mettre en place un mécanisme de revalorisation annuelle automatique du taux de surprime, à hauteur de 0,2 % par an, avec une clause de revoyure tous les ans. Il s'agit de l'une des préconisations phare du rapport « Langreney »1(*) sur l'assurabilité des risques climatiques, que partage le rapporteur spécial.

En revanche, une modification du périmètre du régime CatNat n'est pas nécessaire à court terme. Les tempêtes Ciarán et Domingos, ont en effet reposé la question du périmètre du régime, mais à l'heure actuelle, ces risques sont couverts de manière satisfaisante dans le cadre des contrats « neige, tempête, grêle ». En revanche, sur un temps plus long, il est possible d'entamer une réflexion sur une éventuelle rétrocession au secteur de la réassurance privée du risque RGA.

B. MIEUX PROTÉGER LES ASSURÉS

Lorsqu'un assuré s'est vu refuser par une entreprise d'assurance la souscription d'un des contrats qui ouvrent droit à la garantie « Cat Nat » en raison de de son exposition au risque de catastrophes, il peut saisir le bureau central de tarification (BCT), qui impose à l'entreprise d'assurance concernée la souscription du contrat demandé.

Le BCT ne rend toutefois chaque année qu'un nombre très limité de décisions, et fait l'objet de peu de saisines. En effet, le requérant ne peut que très difficilement faire la preuve que le refus est lié à l'importance du risque de catastrophes naturelles. Une présomption de refus pour motif d'expositions aux catastrophes naturelles, qui serait limitée aux zones les plus exposées, permettra de rendre effectif le droit d'assurer son bien. Une telle présomption ne serait pas irréfragable, et la charge de la preuve incomberait à l'assureur.

À la suite des inondations récentes dans le Pas-de-Calais, le ministre de l'économie et des finances a déclaré que les assureurs avaient pris l'engagement de ne pas appliquer deux fois la franchise pour les catastrophes naturelles. Cette mesure était indispensable, mais elle a suscité de nombreuses confusions : les bâtiments qui ont été reconstruits ne sont pas couverts par cet engagement, et des franchises différentes peuvent s'appliquer lorsque plusieurs catégories de biens sont touchées en même temps. Cette situation plaide pour l'inscription dans la loi du principe selon lequel la franchise ne doit être payée qu'une fois lors de la succession d'épisodes du même aléa naturel.

Enfin, le rétablissement d'un lien de confiance entre les experts d'assurances et les assurés est indispensable pour garantir le bon fonctionnement du régime CatNat. Il n'existe aujourd'hui aucune qualification minimale requise pour exercer ce métier. Même si dans la pratique les experts bénéficient d'une formation de plusieurs années, l'absence de seuil peut générer des abus. Par conséquent, le rapporteur est favorable à une reconnaissance officielle.

Des garanties d'indépendance doivent également être inscrites dans la loi. La possibilité, pour l'expertise, d'être rémunérée en fonction de son résultat devrait ainsi être réglementée. Il convient également d'interdire les liens capitalistiques entre la société d'experts et l'assureur.

C. ASSOUPLIR LES RÈGLES D'INDEMNISATION

Il était devenu impératif d'assouplir les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les communes victimes du phénomène de RGA. L'ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 a opportunément consacré une nouvelle condition de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle moins exigeante et plus en phase avec la réalité du phénomène de RGA : la succession anormale d'épisodes de sécheresse d'une ampleur inférieure aux critères actuels de droit commun. Une circulaire du ministère de l'Intérieur datée du 29 avril 2024 vient par ailleurs d'apporter deux autres évolutions indispensables : la réduction de 25 à 10 ans de la période de retour du critère météorologique et l'assouplissement des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle pour les communes limitrophes.

Toujours concernant le phénomène RGA, l'ordonnance du 8 février 2023 prévoyait deux évolutions plus problématiques : la limitation des types de dommages éligibles à une indemnisation au titre du régime et l'obligation d'utiliser l'indemnisation pour réparer sur place le bien sinistré. Ce renversement du principe de libre utilisation des indemnisations d'assurance pour le seul risque RGA n'est pas souhaitable puisqu'il conduit à priver d'indemnisation un sinistré qui, plutôt que de réparer son habitation sur place, préférerait s'installer ailleurs, dans une zone moins exposée au risque RGA notamment. La dérogation apportée par un décret du 4 février 2024 dans le cas où le coût des réparations serait supérieur à celui de la valeur du bien est insuffisante. Il faut maintenir le principe de libre utilisation de l'indemnité d'assurance. Afin d'éviter certains effets indésirables, il convient cependant d'assortir ce principe d'une obligation de céder le bien sinistré à titre gratuit à la collectivité territoriale et de prévoir que le fonds Barnier contribue aux coûts des travaux de démolition et de remise en état du site.

III. LA PRÉVENTION DOIT ÊTRE AU CoeUR DU RÉGIME CATNAT

A. LA PRÉVENTION DU RISQUE RGA POUR LES CONSTRUCTIONS NOUVELLES DOIT ÊTRE RENFORCÉE

L'article 68 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « Élan », avait pour objet d'imposer de nouvelles normes de construction plus exigeantes afin de limiter la vulnérabilité des nouvelles constructions de maisons individuelles au phénomène de RGA. Alors que ces règles constituent une dimension absolument déterminante pour immuniser les nouvelles constructions, il apparaît aujourd'hui qu'elles sont manifestement insuffisantes. La direction générale du Trésor a notamment révélé au rapporteur que de premières maisons construites selon les normes prévues par la loi Élan commencent déjà à se fissurer. Elle aussi fortement exposée au risque RGA, l'Espagne a imposé des normes de construction encore plus exigeantes et protectrices : les profondeurs de fondations minimales réglementaires sur les terrains exposés à cet aléa y sont trois fois plus importantes qu'en France.

Pour que l'on ne se retrouve pas à constater à l'avenir des sinistres massifs sur le nouveau parc de maisons individuelles, plusieurs mesures s'imposent : réaliser une véritable étude de sol au moment de la cession d'un terrain constructible, rendre obligatoire la réalisation d'une étude de sol approfondie avant la construction d'un bien (moyennant un cofinancement du fonds Barnier pour les ménages modestes), augmenter la profondeur des fondations minimales réglementaires dans les zones exposées au phénomène de RGA et renforcer les contrôles de l'application de ces règles.

B. LA PRÉVENTION INDIVIDUELLE DOIT ÊTRE ENCOURAGÉE

L'un des enjeux principaux de l'équilibre du régime « Cat Nat » est l'adoption de mesures de prévention par les assurés, qui permettent de diminuer la sinistralité associée à une catastrophe naturelle, et donc le coût supporté par le régime pour indemniser l'assuré.

Le rapporteur a privilégié l'idée, soutenue par la Caisse centrale de réassurance, d'une modulation de la franchise en fonction de l'adoption de mesures de prévention adaptées. À la manière de ce qui existe déjà pour certains biens à usage professionnel, les franchises règlementaires doivent dépendre beaucoup plus étroitement des mesures de prévention mises en place. En cas de sinistre, et lorsque de telles mesures sont prises, la franchise doit pouvoir être modulée à la baisse.

Le fonds Barnier peut également financer de la prévention individuelle, mais celle-ci reste peu développée - elle a représenté environ 6 % des financements du fonds en 2023. Il conviendrait donc de renforcer son attractivité. En parallèle, le rapporteur spécial soutient la mise en place d'un prêt à taux zéro « résilience », sur le modèle de l'éco-PTZ « rénovation énergétique ». Un tel prêt serait utile pour les ménages de classe moyenne, qui disposent de suffisamment de ressources pour rembourser un prêt, mais qui ne sont prêt à assumer l'ensemble des coûts de travaux.

Dans le même temps, il est incohérent que des logements très fortement exposés aux risques puissent bénéficier des subventions de rénovation énergétique. Dans ce cas-là, il est nécessaire de conditionner MaPrimeRénov' à la réalisation de ces travaux, et dans le même temps, d'inciter à la mise en place de mesures de prévention lors de l'engagement de travaux de rénovation globale.

L'ensemble de ces propositions ne sont possibles que s'il existe une cartographie précise, partagée et accessible des zones d'exposition à ces risques. Des progrès ont été réalisés dans cet objectif, notamment à travers la création et l'enrichissement de la plateforme Géorisques, mais la précision et la granularité de certaines données disponibles pourraient être affinées, et une intégration à la plate-forme, avec une grande prudence, de certaines données de sinistralité est envisageable.

C. LE FONDS BARNIER DOIT JOUER UN RÔLE ÉTENDU EN MATIÈRE DE PRÉVENTION DES RISQUES

Le fonds Barnier est le principal outil de financement de la prévention des risques naturels majeurs de l'État, mais il ne couvre pas l'ensemble des catastrophes naturelles. En particulier, le risque RGA ainsi que le recul du trait de côte sont exclus de son champ, au motif que ces deux risques, en raison de leur cinétique lente, ne menacent pas la vie humaine.

Toutefois, le critère retenu, la menace envers la vie humaine, n'a pas pour effet de réduire l'aléa moral. Par conséquent, il est souhaitable en matière de prévention de privilégier le critère des économies sur le long terme pour définir les dispositifs qui devraient être ou non éligibles à une subvention. L'extension du fonds Barnier à des dispositifs ciblés en matière de RGA et de lutte contre le recul du trait de côte est donc cohérent avec la volonté de développer la politique de prévention des risques naturels majeurs.

Enfin, il est impossible de passer sous silence la déconnexion entre les recettes de la taxe sur la surprime CatNat et le montant du fonds Barnier : l'année dernière, 200millions d'euros en crédits de paiement étaient affectés au fonds, tandis que le produit de la taxe était de 273 millions d'euros. Avec l'augmentation du taux de surprime à 20 % en 2025, ce produit pourrait dépasser 450 millions d'euros.

Évolution comparée des montants attribuée au fonds Barnier
et de la taxe sur les contrats d'assurance entre 2021 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Or l'acceptabilité de la taxe sur la garantie CatNat est liée au sentiment que les dépenses iront effectivement à la prévention des risques. La budgétisation du fonds Barnier en 2021 ne devait pas se traduire par un décalage aussi important entre les dépenses et les recettes de ce prélèvement. Sans remettre en cause la budgétisation du fonds Barnier, le rapporteur spécial défend ainsi de réintroduire une cohérence entre le montant de la taxe et celui du fonds : les recettes des prélèvements sur les contrats d'assurances au titre de la garantie CatNat devraient être présentées dans les documents budgétaires, pour que le montant du fonds Barnier puisse être voté par le Parlement en toute connaissance de cause.

Les recommandations du rapporteur spécial
(à l'égard du pouvoir législatif et du pouvoir réglementaire)

1. Mettre en place un mécanisme de revalorisation automatique du taux de surprime CatNat.

2. Instaurer une présomption de refus d'assurer pour motif d'exposition aux catastrophes naturelles dans les zones exposées en cas de saisine du Bureau central de tarification.

3. Mettre en place un observatoire de la concurrence en matière d'assurance des risques naturels majeurs.

4. Réaliser un panorama complet de l'assurance des risques naturels majeurs en outre-mer.

5. Inscrire dans la loi le principe du paiement unique de la franchise d'assurance lors de la succession rapide de plusieurs catastrophes naturelles.

6. Mettre en place une labellisation « CatNat » pour garantir un niveau « socle » de formation des experts en assurance pour les catastrophes naturelles.

7. Interdire la rémunération des experts en fonction du résultat, ainsi que les liens capitalistiques entre la société d'experts et l'assureur.

8. Rétablir le principe de libre utilisation des indemnités d'assurance pour l'ensemble des sinistres provoqués par des catastrophes naturelles.

9. Renforcer les règles de construction en zones exposées au phénomène de RGA afin de prévenir la survenance de sinistres sur les maisons neuves.

10. Faire diminuer la franchise en cas d'adoption de mesures de prévention par l'assuré et en informer celui-ci en amont afin de l'inciter à prendre ces mesures.

11. Favoriser la réalisation de travaux de prévention des risques par les particuliers via le fonds Barnier.

12. Rendre obligatoire la réalisation d'un diagnostic de prévention des risques au moment du lancement de travaux de rénovation énergétique globale, et inciter à la réalisation de travaux de prévention des risques à cette occasion.

13. Accorder MaPrimeRénov' aux logements qui présentent une exposition aux risques importante, uniquement sous réserve que les travaux de prévention des risques nécessaires aient été réalisés.

14. Créer un prêt à taux zéro « résilience » pour aider au financement des dépenses de prévention des risques des particuliers.

15. Étendre le fonds Barnier à des mesures de prévention ciblées pour le risque sécheresse et le recul du trait de côte.

16. Réintroduire une cohérence entre les prélèvements sur les contrats d'assurance et le montant du fonds Barnier.

PREMIÈRE PARTIE

LE RÉGIME CATNAT EST MENACÉ PAR LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

I. UN RÉGIME D'INDEMNISATION GARANTI EN DERNIER RESSORT PAR L'ÉTAT

La loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles institue un régime particulier d'indemnisation, communément appelé « régime CatNat ». Il a été progressivement modifié depuis, notamment pour inclure le risque dit de « retrait-gonflement des argiles » (1989). Ses conditions de fonctionnement sont actuellement déterminées par les articles L. 125-1 à L. 125-7 du code des assurances.

Historique du régime « CatNat »

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

Dans le cadre de ce régime, tout contrat garantissant les dommages aux biens, ainsi que les pertes d'exploitation, ouvre droit à la garantie contre les effets des catastrophes naturelles. Le caractère obligatoire de la garantie permet une large couverture des assurés, et donc de maintenir un coût modéré du financement du régime par contrat.

Les effets des catastrophes naturelles sont définis comme « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel ou également, pour les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols2(*), la succession anormale d'événements de sécheresse d'ampleur significative ». Sont également considérés comme des effets des catastrophes naturelles les frais de relogement d'urgence entraînés par ces dommages matériels directs3(*).

Pour que puissent être mis en évidence de tels effets, un arrêté interministériel de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, déterminant les zones et les périodes de la catastrophe, ainsi que la nature des dommages couverts par la garantie, doit être pris4(*). Une circulaire de 19845(*) a précisé que la garantie instituée par la loi est appelée à intervenir contre des risques qui ne sont pas habituellement couverts selon les règles traditionnelles de l'assurance. Elle évoque les inondations, les ruissellements d'eau, de boue ou de lave, les glissement ou effondrement de terrain, la subsidence, les séismes, les raz-de-marée, ainsi que les masses de neige ou de glace en mouvement.

Cette liste a été actualisée par voie de circulaire, dont la dernière a été publiée très récemment, le 29 avril 20246(*). La liste détermine, pour chaque type de catastrophe naturelle, les données à inclure dans le rapport technique, permettant d'identifier le caractère normal ou anormal de l'intensité de l'agent naturel visé, et concerne les événements suivants :

- inondations et coulées de boue (ruissellement, crue ou débordement de cours d'eau) ;

- inondations par remontée d'eaux souterraines (nappes phréatiques et alluviales) ;

- inondation et chocs mécaniques dus à l'action des vagues (submersion, érosion) ;

- mouvement de terrain consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols ;

- autre mouvement de terrain ;

- cyclone - pour le distinguer de la tempête, le trait déterminant est la force du vent, qui doit dépasser 145 km/h en moyenne sur 10 minutes ou 215 km/h en rafales ;

- séisme ;

- avalanche ;

- éruption volcanique.

Cette circulaire précise que sont exclus de ce régime les dommages causés par l'incendie, la tempête, la grêle, le gel ou le poids de la neige, qui sont considérés comme des dommages provoqués par des phénomènes naturels assurables.

La liste n'est pas exhaustive : il est toujours loisible au pouvoir réglementaire de prendre un arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle lorsqu'un événement climatique ne rentre pas dans ces critères. En effet, la commission interministérielle de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, mise en place par voie de circulaire en 1984 et inscrite dans le code des assurances par la loi « Baudu » en 20217(*), si elle s'appuie sur des critères et des rapports d'expertise pour émettre un avis sur les demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, n'a qu'un rôle consultatif. La commission nationale consultative des catastrophes naturelles, créée par cette même loi et chargée de se prononcer annuellement sur la pertinence des critères retenus pour reconnaître l'état de catastrophe naturelle8(*), n'a pas encore vu le jour, bien que ses conditions de fonctionnement aient été fixées par décret en décembre 20229(*).

C'est sur demande d'une commune10(*) touchée par un événement naturel susceptible d'être qualifié de catastrophe naturelle que l'arrêté est pris. Depuis la loi Baudu, cet arrêté doit être pris dans un délai de deux mois (contre trois auparavant), présenter les motifs sur lesquels les autorités se sont fondées pour arrêter leur décision, et mentionner tous les recours possibles ainsi que les délais dans lesquels ils doivent être exercés.

Lorsque l'état de catastrophe naturelle est reconnu, et après que l'assuré a déclaré son sinistre auprès de sa compagnie d'assurance11(*), l'assureur prend en charge l'indemnisation des dommages, dans des conditions précisées par la loi Baudu. À compter de la réception de la déclaration du sinistre ou de la date de publication de l'arrêté, l'assureur a un mois pour informer l'assuré des modalités de mise en jeu des garanties prévues au contrat et pour ordonner une expertise, s'il le juge nécessaire. Dans un délai d'un mois à compter de la réception de l'état estimatif transmis par l'assuré (ou du rapport d'expertise définitif), il fait une proposition d'indemnisation ou de réparation en nature. En cas d'accord de l'assuré, l'assureur dispose de trois semaines pour verser l'indemnisation, ou d'un mois pour missionner une entreprise de réparation.

L'indemnisation est soumise à une franchise déterminée par arrêté, et dont les différents niveaux sont recensés dans le tableau suivant :

Niveau de la franchise par type de bien et de risque

Type de bien

Niveau de la franchise

Référence (code des assurances)

Bien à usage d'habitation

380 euros ou, en cas de RGA, 1 520 euros

A. 125-6

Véhicule terrestre à moteur (VTM)

380 euros

A. 125-6-1

Bien à usage professionnel autre que VTM

10 % du montant des dommages matériels directs avec franchise plancher de 1 140 euros (ou 3 050 euros en cas de RGA). Franchise plafond de 10 000 euros pour les entreprises dont la surface est inférieure à 300 m212(*), réduction possible en cas de mesures de prévention pour les autres.

A. 125-6-2 et A. 125-6-3

Autres biens (dont ceux des collectivités et de leurs groupements)

Valeur la plus élevée entre :

- 10 % du montant des dommages matériels directs (avec franchise plancher de 1 140 euros ou, en cas de RGA, 3 050 euros) ;

- le montant de la franchise le plus élevé figurant au contrat pour les garanties couvrant les biens ;

- le montant déterminé par arrêté selon la nature du phénomène.

A. 125-6-4

Perte d'exploitation

Franchise plancher de 1 140 euros

A. 125-6-5

Source : commission des finances, d'après le code des assurances

Ce sont donc les assureurs qui prennent en charge l'indemnisation des dommages.

Toutefois, les compagnies d'assurances peuvent souscrire une offre de réassurance auprès d'un réassureur privé, ou de la Caisse centrale de réassurance (CCR), une société anonyme intégralement détenue par l'État et habilitée à délivrer aux assureurs qui en font la demande une couverture de réassurance illimitée, bénéficiant de la garantie de l'État, pour les risques de catastrophes naturelles en France.

Le schéma de réassurance proposé par la CCR se compose d'une couverture proportionnelle en quote-part de 50 % et d'une couverture non proportionnelle sur rétention. Pour la couverture proportionnelle en quote-part, les assureurs cèdent 50 % de leur primes CatNat et, en contrepartie, la CCR prend en charge 50 % de leur sinistralité relevant du régime CatNat. Ce taux de 50 % permet un partage de sort entre les assureurs et la CCR. Il permet également à la CCR d'assurer la mutualisation solidaire entre les portefeuilles dont l'exposition est très différente. Ce système représente un équilibre entre des solutions totalement privées (pas de mécanisme public) et des systèmes totalement publics (cas de l'Espagne par exemple, où le Consorcio reçoit 100 % des primes). Pour les 50 % restant à charge de l'assureur, la CCR intervient (couverture non proportionnelle en rétention) dès lors que la sinistralité dépasse un certain seuil, appelé priorité, et le plus souvent égal au montant des primes CatNat de l'assureur.

Proportion de la sinistralité prise en charge par la Caisse centrale de réassurance entre 1982 et 2022 pour le risque CatNat, en pourcentage

Source : Caisse centrale de réassurance

En moyenne, sur l'ensemble de la période de 1982 à 2022, la CCR a pris en charge 51 % de la sinistralité CatNat. On observe une part importante de la sinistralité couverte par CCR au cours des premières années du régime CatNat. À cette époque en effet, les taux de cession en quote-part pouvaient être supérieurs à 50 %. On constate également que la part de CCR dans la prise en charge de la sinistralité est supérieure à 50 % pour les exercices fortement sinistrés. Elle atteint ainsi 54 % en 2003 et 70 % en 2017.

Dans le cadre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, l'État vient au secours de la CCR dès lors que la sinistralité annuelle dépasse un certain seuil, actuellement fixé à 90 % des réserves de la CCR. Plus précisément, le seuil d'intervention de l'État dépend de deux variables cumulatives : le niveau des réserves « CatNat », qui était de l'ordre de 500 à 600 millions d'euros fin 2023 (contre 3 milliards d'euros fin 2021 et 2 milliards d'euros fin 2022), et le niveau des provisions d'égalisation, quasi-nul fin 2023 après une reprise quasi-intégrale du stock de provisions d'égalisation en 2022 (celui-ci est passé de 1 183 millions d'euros à 272 millions d'euros entre fin 2021 et fin 2022)13(*).

L'État apporte une garantie illimitée à la CCR, qui n'a été appelée qu'une seule fois, en 2000 sur l'exercice 1999, à l'occasion des tempêtes Lothar et Martin14(*), mais le risque d'intervention de l'État demeurait élevé à la fin 2023, puisque son seuil d'intervention s'élevait à la fin de l'année 2023 entre 400 et 500 millions d'euros.

Bien que certains assureurs recherchent chaque année des solutions alternatives, la CCR à ce jour couvre environ 95 % du marché. Le schéma de réassurance est renégocié régulièrement avec l'État et les représentants de la profession, pour s'assurer de sa pertinence.

Partage de risque entre les différentes parties prenantes du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles

Source : Caisse centrale de réassurance

La garantie est financée par une cotisation additionnelle assise sur la prime des contrats d'assurance, dont le taux est fixé par arrêté.

Ce taux varie selon les risques assurés : actuellement, pour le risque « dommage aux biens », ce taux est fixé à 12 % ; pour le risque automobile, il est fixé à 6 % des primes ou cotisations afférentes aux garanties vol et incendie ou, à défaut, 0,5 % des primes ou cotisations afférentes aux garanties dommages15(*). En application d'un arrêté du 22 décembre 202316(*), ces taux vont augmenter au 1er janvier 2025 : en lieu et place des taux de 6 % et 0,5 % pour le risque auto, ceux-ci s'élèveront respectivement à 9 % et 0,75 %, tandis que le taux de la prime sur les contrats d'assurance « dommages aux biens » atteindra 20 %. Cette hausse de la surprime a été rendue nécessaire, selon la direction générale du Trésor, par le déséquilibre induit par l'augmentation des coûts à sinistralité équivalente, générée par l'ordonnance du 8 février 2023, et par l'ampleur des sinistres climatiques récents, qui ont diminué la provision pour égalisation de la CCR (cf supra). Comme le précise la CCR, un taux de surprime de 12 % correspond à un ratio « sinistre sur prime » (S/P) de 128 %, avec des primes donc inférieures aux sinistres et un régime déséquilibré, le ratio S/P atteignant, indépendamment des effets du changement climatique, 77 % avec un taux de surprime de 20 %.

Les taux sont les mêmes sur l'ensemble du territoire afin de mutualiser le financement du régime.

II. UN RÉGIME EFFICACE ET NÉCESSAIRE, MAIS QUI PRÉSENTE DES FAIBLESSES EN TERMES DE LISIBILITÉ ET D'ÉQUITÉ

Les effets, parfois difficilement modélisables, du réchauffement climatique sur les catastrophes naturelles accentuent leur imprévisibilité et leur sinistralité, les rendant toujours plus complexes à assurer. Ces phénomènes ont ainsi tendance à renforcer la légitimité du régime CatNat et des principes de solidarité et de mutualisation qu'il emporte. Un régime tel que celui-ci semble aujourd'hui nécessaire pour garantir à tous les assurés, sur l'ensemble du territoire, une couverture économiquement abordable pour les aléas naturels aujourd'hui intégrés dans le dispositif.

Pour qu'un risque puisse être assurable par le secteur privé, il doit être à la fois aléatoire, quantifiable et soutenable économiquement pour les assurés au regard du niveau de prime qu'il suppose. Aujourd'hui, et plus encore en raison des effets du réchauffement climatique, ces critères ne sont pas remplis pour les risques qui font partie du périmètre du régime CatNat.

« Quantifier » un risque revient à lui associer un prix. Or, du fait des conséquences du réchauffement climatique, cet exercice devient de plus en plus complexe et incertain. La volatilité liée au risque d'intensité des catastrophes, très difficile à anticiper, est devenue plus déterminante que le risque associé à la fréquence de ces évènements, beaucoup plus simple à modéliser. Le principal risque tient ainsi désormais au franchissement de certains seuils d'intensité d'évènements extrêmes qui, en raison de la vulnérabilité des constructions, causeraient des dommages incommensurables. Pour illustrer ce risque, il est souvent fait mention de l'exemple de vents de 300 km/h qui pourraient entraîner l'effondrement de gratte-ciels à Manhattan.

À cet égard, le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, rendu public en avril 202417(*), insiste sur la nécessité de parvenir à prendre en compte des phénomènes susceptibles de démultiplier les conséquences financières des catastrophes naturelles tels que les « points de bascule climatiques ou sociétaux » ainsi que les « évènements uniques extrêmement coûteux » 18(*).

Les conséquences des dérèglements climatiques risquent aussi d'accentuer la fréquence et l'intensité de phénomènes particulièrement complexes à modéliser tels que les combinaisons ou « cascades » de risques qui amplifient sensiblement les dommages constatés et le coût des sinistres à indemniser.

Le principe de solidarité inhérent au régime CatNat permet de réduire la variabilité des primes d'assurance sur le territoire. Selon certaines compagnies d'assurance, sans un modèle de mutualisation tel que le régime CatNat, les primes d'assurance pourraient varier sur une échelle de 1 à 30 selon les localisations. Certains territoires et certains biens ne seraient plus assurables à des tarifs abordables.

Les avantages d'un modèle d'assurance des risques de catastrophes naturelles mutualisé selon le rapport de la mission sur l'assurabilité
des risques climatiques

Le rapport dit « Langreney » souligne le fait que le régime CatNat a permis de rendre accessible la couverture assurantielle sur l'ensemble du territoire national : « la mutualisation entre tous les assurés des périls climatiques couverts par le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles constitue un modèle très protecteur (et donc précieux) pour garantir une couverture assurantielle large, y compris dans les zones les plus exposées aux périls climatiques ». Il ajoute que le modèle CatNat français « a démontré une certaine efficacité pour contenir les risques de non-assurance ou d'intervention de l'État. Ce modèle présente l'avantage de mutualiser, au moins en partie, le niveau des primes pour rendre l'assurance accessible dans les zones les plus exposées aux aléas ».

Source : « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023

Les Etats-Unis font à cet égard figure de contre-exemple. En l'absence de mécanismes de solidarité et de mutualisation, chaque assuré paie une prime qui reflète la réalité des risques auxquels ses biens sont exposés. Dans des territoires tels que la Louisiane par exemple il est aujourd'hui extrêmement difficile de s'assurer. Constatant les défaillances manifestes de ce système certains États fédérés ont été contraints de prendre des mesures de soutien afin de se substituer au marché assurantiel privé et à ses insuffisances.

Extrait du rapport « Langreney » relatif aux limites des modèles
assurantiels des catastrophes naturelles fondés sur la liberté de marché

Les exemples de modèles assurantiels fondés sur la liberté de marché, qui se traduisent par une liberté de souscription de l'assuré et une tarification des risques en fonction de l'exposition climatique, peuvent générer un phénomène de non-assurance de nombreux ménages, collectivités et entreprises et une instabilité de l'offre assurantielle. Les limites de ces modèles dans une situation de forte sinistralité se sont traduites par une intervention fréquente des États en dernier ressort, soit pour subventionner l'offre assurantielle, soit pour soutenir l'accès à l'assurance, soit en soutien budgétaire d'urgence post-catastrophe.

Source : rapport « adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », décembre 2023.

Si la légitimité du régime CatNat est aujourd'hui quasi unanimement reconnue, son modèle souffre néanmoins d'un certain manque de lisibilité suscitant incompréhensions et frustrations.

Le périmètre du régime fait débat. Des interrogations subsistent au sujet de certains risques qui ne sont pas couvert par le régime ou, au contraire, qui y sont inclus alors que leurs caractéristiques semblent s'écarter des principes originels du modèle français de prise en charge des catastrophes naturelles.

Les risques tempête-grêle-neige sont couverts par un dispositif assurantiel classique à la main des compagnies d'assurance. La CCR estime qu'il n'existe pas à l'heure actuelle de phénomènes d'antisélection sur ce type de risque qui justifieraient leur intégration dans le régime CatNat. S'agissant spécifiquement du risque grêle, il n'est cependant pas exclu qu'à l'avenir cette analyse doit être réévaluée à l'aune de l'évolution des phénomènes extrêmes.

Certains s'interrogent également sur le traitement différencié des risques relatifs à la submersion et au recul du trait de côte. Si le premier est intégré au régime CatNat, le second, du fait de sa cinétique lente et de son caractère plus prévisible, n'en fait pas partie. Cette distinction est parfois contestée dans la mesure notamment où ces deux risques sont bien souvent liés et s'auto-alimentent.

Ce traitement différencié est d'autant moins lisible que le risque relatif au retrait gonflement des argiles (RGA) lui-même à cinétique longue et relativement prévisible est intégré au régime CatNat depuis 1989. En effet, alors que les catastrophes naturelles sont habituellement caractérisées par une cinétique rapide, le RGA est un phénomène qui évolue de manière progressive. Cependant, comme l'a souligné le rapporteur dans son rapport d'information de février 2023 portant sur le financement du risque RGA19(*), le caractère non assurable par le secteur privé de ce risque suppose, au moins dans l'immédiat, de le maintenir au sein du périmètre du régime.

La lisibilité du régime souffre aussi de la complexité de certains de ses paramètres. Comme a pu le souligner le rapporteur dans son rapport d'information de février 2023 précité, les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle relatifs au phénomène de RGA en sont un exemple illustratif.

Ainsi, la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle est conditionnée à deux critères cumulatifs : un critère dit géotechnique destiné à vérifier la présence de plaques argileuses sur le territoire de la commune à partir des données du bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) et un critère dit hydrique ou « météorologique » qui concentre les critiques des sinistrés ainsi que des communes dont le dossier de reconnaissance est rejeté. Déterminé par l'opérateur Météo-France, ce dernier critère consiste à calculer la variation de l'indice d'humidité des sols superficiels. Compte-tenu du maillage de ses stations, Météo-France n'est en capacité de mesurer cet indicateur que sur des surfaces de 64 km2, une précision insuffisante pour une approche fine. L'indicateur est calculé chaque mois puis lissé par trimestre. Pour caractériser un phénomène de sécheresse qualifié d'anormal au sens du régime CatNat, le critère météorologique doit démontrer que la variation de l'humidité des sols sur le périmètre concerné est la plus significative ou la deuxième plus significative des relevés effectués sur les cinquante dernières années, soit une « période de retour » de 25 ans. Au-delà de son insuffisante précision, le critère météorologique pêche par une complexité qui le rend peu lisible aux yeux des sinistrés et des communes.

Le fonctionnement du régime CatNat ne va pas sans susciter un sentiment d'iniquité chez certains assurés. Ce sentiment est parfois la conséquence même du principe de mutualisation inhérent au régime. Certains assurés, moins exposés que d'autres à la matérialisation des aléas couverts par le modèle de prise en charge de catastrophes naturelles considèrent ainsi qu'ils ne devraient pas se voir appliquer le même niveau de surprime. Ce sentiment est proportionnel au niveau de surprime, et son relèvement, qui doit intervenir en 2025 pourrait conduire à le rendre plus prégnant encore.

Il se manifeste tout particulièrement pour les assurés professionnels, les immeubles d'entreprises étant souvent, en particulier s'agissant du phénomène de RGA, moins exposés aux aléas couverts par le régime CatNat que ne peuvent l'être les maisons particulières. L'Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise (AMRAE) a notamment exposé ce point de vue auprès du rapporteur. Les entreprises ont le sentiment que le régime CatNat bénéficie significativement plus aux particuliers qu'aux professionnels et elles regrettent que cette question ne fasse pas l'objet d'une transparence suffisante. Le groupe d'assurance SMABTP a également exposé ses craintes à ce sujet au rapporteur. La question se pose de savoir jusqu'à quel niveau de surprime l'acceptabilité du principe de mutualisation intégral du régime restera satisfaisante faute de quoi des dispositifs de modulation pourraient devoir être instaurés. De tels dispositifs conduiraient cependant à fragiliser la logique de solidarité du régime. La Direction générale du Trésor estime ainsi à ce stade qu'il est « raisonnable de continuer de faire porter la solidarité nationale à égalité sur les professionnels et les particuliers car dans le cadre d'évènements exceptionnels, comme par exemple une crue importante de la seine, le risque « entreprises » serait très significatif »20(*).

Du côté des compagnies d'assurance elles-mêmes un sentiment d'iniquité transparaît parfois chez les assureurs fortement présents en zones rurales, davantage exposés aux aléas couverts par le régime CatNat que les assureurs « urbains ». Ces compagnies sont contraintes de pratiquer des formes de péréquations entre leurs contrats au détriment de leur compétitivité sur le marché assurantiel.

Les conditions dans lesquelles sont indemnisées les sinistrés victimes de dommages causés par les aléas couverts par le régime font parfois elles aussi l'objet de contestations. Les plus vives concernent la prise en charge du phénomène de RGA.

Confirmant les analyses exposées par l'Inspection générale des finances (IGF), le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD)21(*) et l'Inspection générale de l'administration (IGA) ou la Cour des comptes22(*), le rapporteur avait, dans son rapport d'information de février 2023 précité, souligné le caractère profondément insatisfaisant des conditions de prise en charge alors en vigueur s'agissant du phénomène de RGA.

En effet, premièrement, de nombreuses communes touchées par la sinistralité sécheresse se voient refuser l'éligibilité au régime CatNat puisqu'en moyenne seules 50 % de celles qui ont déposé une demande de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle l'obtiennent.

Deuxièmement sur le territoire des communes reconnues en état de catastrophe naturelle au titre du phénomène de RGA, un nouveau filtre diminue drastiquement le périmètre de la couverture des dommages par le régime puisqu'environ la moitié des dossiers d'indemnisation déposés par les personnes victimes d'un sinistre sont classés sans suite par les experts mandatés par les sociétés d'assurance. Cette situation insatisfaisante génère de nombreux contentieux.

III. MALGRÉ L'AUGMENTATION DU TAUX DE SURPRIME, L'ÉQUILIBRE À MOYEN TERME DU RÉGIME CATNAT EST MENACÉ

Au-delà des problématiques qui ont été exposées, le changement climatique menace l'équilibre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

La Caisse centrale de réassurance, dans la troisième édition de son rapport sur l'évolution du coût des catastrophes naturelles, publié le 17 octobre 202323(*), estime que le coût de la sinistralité devrait augmenter d'environ 40 % à l'horizon 2050, et de 60 % si l'on intègre la progression de la valeur des biens. D'après le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, qui s'appuie sur une étude du groupe mutualiste Covéa : « Les travaux de projection climatiques et hydro-climatiques à l'horizon 2050 réalisés par le groupe mutualiste Covéa sur quatre aléas (tempêtes, grêle, inondation et sécheresse) en retenant le scénario d'émissions de gaz à effet de serre RCP8.5 indiquent qu'au global, le changement climatique devrait contribuer à une augmentation de la sinistralité de + 60 % dans les années à venir, en lien avec une hausse de la fréquence et de la sévérité des événements en inondation, sécheresse et grêle. »24(*)

Le risque « Retrait-gonflement des argiles » représente la part la plus importante du régime CatNat, et celle-ci devrait fortement augmenter à l'horizon 2050. Une étude de France Assureurs, publiée en octobre 202125(*), chiffre le coût de la sinistralité « sécheresse » à 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, ce qui représente un triplement du coût constaté lors des trente années précédentes (13,8 milliards euros). Cette progression de la sinistralité est directement corrélée à l'augmentation de la fréquence des sécheresses. Ainsi, le BRGM conclut dans une étude que « l'impact du changement climatique sur la sinistralité causée par la sécheresse géotechnique se traduirait par une multiplication du coût des dommages par 1,5 à 2,5 selon les hypothèses prises en compte. »26(*)

À ce titre, il convient de rappeler que plus de 10,4 millions de maisons individuelles, soit 54,2 % de l'habitat individuel en France, sont exposés à un risque de RGA allant de moyen à fort.

Qu'est-ce que le risque « retrait-gonflement des argiles » ?

Le risque « retrait-gonflement des argiles » (RGA), désigne les dommages causés aux constructions par le phénomène naturel de rétractation des sols argileux, en période de sécheresse, suivi par le gonflement de ces sols lorsque la pluie revient. Les sols argileux possèdent en effet une structure en « feuillets », qui provoque une variation de leur volume en fonction de leur teneur en eau. Le RGA affecte le sol de manière hétérogène, c'est-à-dire qu'il conduit à la formation de cuves et de bosses, ce qui fragilise les fondations jusqu'à les fracturer.

Le phénomène touche essentiellement les maisons individuelles, dont les fondations sont moins profondes et la structure plus légère que celles des immeubles collectifs.

Illustration du phénomène de retrait-gonflement des argiles

Source : rapport d'information n° 354 (2022-2023) de Mme Christine Lavarde fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et ses conséquences sur le bâti. L'illustration provient du rapport « Sols argileux et catastrophes naturelles », février 2022, page 16, d'après le Guide « le retrait-gonflement des argiles - Comment prévenir les désordres dans l'habitant individuel », ministère de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables, 2008 

La sinistralité relative aux inondations pourrait quant à elle connaître une progression comprise entre 6 % et 19 % à l'horizon 2050, selon les projections climatiques retenues27(*). La progression serait encore plus marquée pour les submersions marines : celle-ci est estimée entre 75 % à 91 % par rapport aux fréquences actuelles.

Comparaison des évolutions des dommages assurés moyens annuels
par département dus aux inondations (hors submersions marines)
entre le climat actuel et 2050

Source : les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050, Caisse centrale de réassurance, septembre 2023

La mission sur l'assurabilité des risques climatiques précitée estime qu'une augmentation des inondations par ruissellement est « bien établie », même si son ampleur exacte reste incertaine. Concernant les submersions marines, la mission évalue l'augmentation du coût des dommages d'un facteur 2 à un facteur 10 à horizon 2050.

Récapitulatif de l'évolution de la sinistralité par risque naturel majeur

Péril assuré

Effets du changement climatique

Évolution projetée des dommages jusqu'à 2050

Sécheresse (retrait-gonflement des argiles)

Augmentation de l'évaporation et des sécheresses des sols (bien établi). Augmentation du contraste entre période sèche et humide. Expansion vers le nord et l'est des zones affectées par des sinistres (tendance cohérente avec le réchauffement climatique, mais non formellement attribuée).

Forte augmentation, d'autant plus que le changement climatique sera important (bien établi).

Inondations

Augmentation des précipitations intenses, modification de l'évapotranspiration et de l'humidité des sols conduisant à une hausse des inondations par ruissellement (bien établi) et à une augmentation ou diminution des inondations par débordement selon les régions.

Augmentation des couts des dommages des inondations par ruissellement (bien établi), dont l'ampleur exacte reste incertaine. Selon les régions, augmentation ou diminution des débits de crue et de l'aléa inondation par débordement.

Submersions marines

Élévation du niveau de la mer (bien établi) ; changements de régimes de tempête (confiance faible).

Forte augmentation des couts (bien établi) mais dont l'ampleur varie selon les études, allant d'un facteur 2 à un facteur 10 en 2050.

Cyclone

Cyclones plus intenses, sans être plus fréquent (bien établi). Davantage de cyclones à intensification rapide.

Augmentation des coûts des sinistres, du fait de l'augmentation de l'intensité des cyclones (bien établi). Les estimations de la dérive de ces couts font défaut.

Source : rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023

Évolution de la sinistralité entre 2020 et 2050 (scénarios RCP 4.5 et RCP 8.5)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, d'après les données de la CCR

Cette menace ne concerne pas que le long terme, mais bien le présent. Les conséquences du changement climatique se font en effet déjà sentir : la progression de la sinistralité, et en particulier de la sinistralité sécheresse, est l'un des facteurs qui a conduit à une diminution de la provision d'égalisation « CatNat » de la Caisse centrale de réassurance. En parallèle, la charge annuelle liée au risque RGA a atteint plus de 1 milliard d'euros en moyenne entre 2015 et 2023, contre 445 millions d'euros depuis 1982

Évolution de la provision d'égalisation
de la Caisse centrale de réassurance et de la sinistralité depuis 2010

Source : commission des finances, d'après les données de la Caisse centrale de réassurance

Par l'arrêté du 28 décembre 2023, le taux de la surprime « CatNat » sera relevé de 12 % à 20 % à compter du 1er janvier 2025. D'après les estimations de la Direction générale du Trésor, ce relèvement devrait conduire à une augmentation des ressources du régime de 1,5 milliard d'euros par an28(*). Le dernier relèvement du taux de la surprime date de septembre 1999, où il était passé de 9 % à 12 %.

Cette évolution était nécessaire, et elle était réclamée depuis longtemps par de nombreux acteurs29(*). Dès 2019, Bertrand Labilloy, directeur général des réassurances et des fonds publics de la CCR, soulignait déjà devant la mission d'information du Sénat relative à la gestion des risques climatiques, que le maintien à l'équilibre du régime justifierait une augmentation du taux de surprime de 12 % à 18 %30(*). À la vue de ces alertes, il est même regrettable que la décision de relever le taux de la surprime ait été prise si tardivement.

Toutefois, le relèvement de la surprime permettra seulement de prendre en compte que l'élargissement des droits découlant de la proposition de loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles (dite « Baudu »), l'ordonnance du 8 février 202331(*) ainsi que la circulaire « 3DS »32(*), publiée en mai 2025. Plus précisément, l'impact de la loi Baudu est estimé à 6,5 % sur la sinistralité totale du régime CatNat, et celui de la circulaire 3DS à + 20,4 % sur la sinistralité du phénomène Retrait-gonflement des argiles.

Le relèvement du taux de surprime ne sera ainsi pas suffisant pour intégrer les évolutions attendues liées au changement climatique. La mission sur l'assurabilité des risques climatiques estime ainsi que le taux de surprime devra être de 26 % à l'horizon 2050, en se basant sur des hypothèses qu'ils qualifient de « conservatives ». En effet, l'évolution de la sinistralité « sécheresse » varie très fortement selon le scénario retenu : elle augmenterait de 59 % à horizon 2050 dans un scénario avec une progression des températures de 2° en moyenne depuis les années 1990, tandis qu'elle augmenterait de 190 % dans le scénario avec une augmentation de 2,5°.

Pour cette raison, il est indispensable de prévoir un financement du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles qui soit suffisamment ambitieux pour permettre une véritable adaptation au changement climatique, et qui dans le même temps conserve une souplesse suffisante pour intégrer les évolutions des projections climatiques.

L'équilibre du régime CatNat ne pourra cependant pas reposer uniquement sur une augmentation du taux de surprime : celle-ci risquerait de ne plus devenir insoutenable pour les entreprises et les ménages, conduisant à une diminution du taux d'assurance, et il n'est pas certain qu'elle puisse suffire à absorber l'augmentation de la sinistralité, si les projections climatiques venaient à s'aggraver.

Il est donc nécessaire de diminuer les dépenses du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, non pas en diminuant le niveau d'indemnisation, mais par le développement des mesures de prévention.

Comme le soulignait déjà le rapporteur spécial dans son rapport de contrôle sur le RGA, la prévention sur le bâti existant constitue le maillon faible de la politique relative aux catastrophes naturelles. Or, les enjeux financiers sont majeurs : les mesures de prévention génèrent des économies massives sur le long terme, tout en permettant de diffuser une « culture du risque » au sein de la population. La prévention doit donc être au coeur du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

DEUXIÈME PARTIE

ASSURER L'ÉQUILIBRE DU RÉGIME CATNAT

I. ASSURER L'ÉQUILIBRE ET L'ÉQUITÉ DU RÉGIME D'INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES SUR LE LONG TERME

A. LES GRANDS ÉQUILIBRES DU RÉGIME D'INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES DOIVENT INTÉGRER LE CHANGEMENT CLIMATIQUE

1. Il n'est pas utile, à court terme, de modifier le périmètre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, mais une réflexion peut être engagée sur le plus long terme
a) Les risques naturels majeurs « hors régime CatNat » sont pris en charge de manière satisfaisante par le secteur privé, même s'il convient de rester vigilant au risque « grêle »

Les tempêtes Ciarán et Domingos, qui ont provoqué d'importants dégâts à l'ouest de la France à l'automne dernier, ont reposé la question du périmètre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

En effet, les tempêtes ne sont pas incluses dans le régime CatNat, ce qui peut légitimement susciter des incompréhensions au regard de la violence de ces phénomènes. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires avait ainsi déclaré que « Des dégâts dans des collectivités territoriales n'ont pas pu être pris en compte pour des raisons historiques, regrette-t-il. À partir de 145 km/h pendant 10 minutes, en Outre-mer, vous êtes indemnisé, alors qu'une tempête avec des pointes à 200 km/h sur la pointe du raz, ce n'est pas une catastrophe naturelle. Il faudra que ça change. »33(*) Des épisodes de grêle récents particulièrement importants ont suscité des questionnements similaires34(*).

Inversement, l'intégration du risque « sécheresse » dans le régime CatNat n'était pas une évidence. Les catastrophes naturelles sont en principe caractérisée par une cinétique rapide, alors que la retrait-gonflement des argiles est un risque à cinétique lente, ce qui explique d'ailleurs que les dégâts consécutifs à une sécheresse importante soient difficiles à distinguer de ceux résultant de la succession de sécheresses d'ampleur moyenne. À cet égard, la France est le seul pays de l'Union européenne à avoir intégré le risque sécheresse au sein de son système d'indemnisation des catastrophes naturelles.

L'article L. 125-1 du code des assurances définit les catastrophes naturelles, comme « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel [...] lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises. » Deux critères sont ainsi retenus :

- la non-assurabilité des dommages matériels directs ;

l'intensité anormale d'un agent naturel qui doit en être la cause.

Pour le phénomène du retrait gonflement des argiles (RGA), outre la condition de « l'intensité anormale d'un agent naturel », il est possible de caractériser la catastrophe naturelle par « la succession anormale d'événements de sécheresse d'ampleur significative ». Cette précision a été ajoutée par l'article 1 de l'ordonnance n° 2023-78 du 8 février 202335(*), pour inclure dans le champ de l'indemnisation les dégâts provoqués par la répétition des sécheresses importantes sans être exceptionnelles.

Les dommages provoqués par le RGA peuvent en effet découler autant d'une sécheresse très importante que de la succession des sécheresses, et il était anormal que des dégâts qui, d'un point de vue matériel, sont équivalents, ne puissent pas toujours être pris en charge dans le cadre du régime CatNat. L'ordonnance du 8 février 2023 est venue remédier à ce défaut, au prix toutefois de tordre la définition de ce qu'est une « catastrophe naturelle ».

En réalité, sur les deux critères utilisés pour définir le périmètre du régime d'indemnisation, celui de la non-assurabilité des dommages prime. Dit autrement, le régime CatNat a pour principale fonction non pas d'assurer l'ensemble des « catastrophes naturelles », mais de rendre possible une assurance des risques naturels qui, à l'heure actuelle, ne sont pas entièrement pris en charge par le secteur privé, ou qui sont très inégalement répartis sur le territoire : « En effet, les périls couverts par le régime des catastrophes naturelles sont les périls qui ne seraient pas assurables (ou partiellement) sans intervention de l'État (en termes d'obligation de couverture et de tarification) par le marché de l'assurance. Par « assurable » il faut entendre couvert pour tous à un prix abordable. »36(*)

La succession de sécheresses d'ampleur moyenne n'est pas couverte aujourd'hui par le secteur privé, comme l'ensemble du risque RGA. Par conséquent, même si elle ne constitue pas une catastrophe naturelle stricto sensu, sa sortie du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles à court terme n'est pas souhaitable, au risque que des territoires se retrouvent sans solution d'assurance.

Plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur spécial ont souligné à cet égard que l'assurance des dégâts provoqués par les tempêtes était satisfaisante dans le cadre des contrats « neige, tempête, grêle », et que par conséquent, une extension du régime à ces risques n'était pas nécessaire. La direction générale du trésor a ainsi déclaré que : « Il n'est pas envisagé d'ajouter le péril tempête ou grêle au régime CatNat à ce jour. En effet, ces périls demeurent assurables dans des conditions normales de marché sans qu'une réassurance publique ne soit nécessaire (et avec des délais d'indemnisation et des franchises généralement inférieurs au régime CatNat). »37(*)

De même, la Caisse centrale de réassurance a indiqué au rapporteur spécial que : « Aujourd'hui, par exemple, il n'existe pas d'exposition significativement différente d'un point à un autre du territoire français en matière de tempête. Ainsi, le prix de l'assurance tempête est réparti sur l'ensemble des Français sans peser lourdement sur certains. Il ne semble donc pas pertinent aujourd'hui de l'ajouter aux périls couverts par le régime des catastrophes naturelles. »38(*)

Pour la grêle, de même, les acteurs interrogés ont considéré que les carences du secteur privé n'étaient pas suffisantes pour qu'une intégration au sein du régime soit nécessaire : « En 2022, la France a subi plusieurs orages avec des dégâts importants liés à la grêle pour un coût global de 4,9 milliards d'euros. Cette situation inédite n'a cependant pas engendré de carence de marché et les assureurs continuent à couvrir la grêle, même si le coût de la réassurance privée et les rétentions laissées à la charge des assureurs ont fortement augmenté. »39(*) La CCR estime néanmoins que « si la situation de 2022, considérée comme exceptionnelle, devait se reproduire, la question de l'assurabilité de la grêle à un prix abordable risque de se poser ».

Il n'est donc pas nécessaire, à court terme d'intégrer de nouveaux risques au sein du régime CatNat, mais il convient de rester particulièrement vigilant en ce qui concerne le risque « grêle ».

b) À plus long terme, il conviendra de recentrer le régime d'indemnisation sur les catastrophes naturelles au sens strict

S'il n'apparaît pas opportun, à l'heure actuelle, de modifier le périmètre du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, il est légitime de s'interroger sur sa pertinence au long terme.

Dans son rapport sur le retrait-gonflement des argiles, le rapporteur spécial soulignait déjà que : « Si, dans la situation actuelle, il apparaît clairement que le risque RGA ne pourrait pas être pris en charge par le système assurantiel privé classique, il n'est pas exclu que cela soit envisageable dans une perspective à plus long terme et ce, en raison de l'évolution prévisible de plusieurs paramètres tels qu'une connaissance plus fine du risque ainsi que le développement, la maturation et la généralisation de nouvelles techniques de prévention et de réparation. »40(*) Il était mis en avant que la prise en compte de ce risque dans la construction des habitations postérieures à la loi ELAN pourrait limiter les dégâts provoqués par le retrait-gonflement des argiles, sous réserve toutefois que les dispositions de la loi ELAN soit suffisantes (ce point sera discuté infra).

Plusieurs acteurs ont souligné ainsi qu'il est envisageable à l'avenir de rétrocéder une partie de la réassurance du RGA au secteur privé, à la condition que soit mis en place des « couvertures de type paramétrique. »41(*) Le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques l'envisagent plus largement pour plusieurs risques de pointe42(*). Cependant, la mise en place de ces critères paramétriques, et par la suite la constitution de nouveaux marchés en réassurance privée, prendrait plusieurs années. Il est toutefois indispensable d'engager une telle réflexion dès maintenant pour assurer la pérennité à long terme du régime CatNat.

Dans l'autre sens, il est possible de s'interroger sur l'intégration de nouveaux risques dans le régime d'assurance public-privé, qui iraient au-delà de la catégorie des catastrophes naturelles elles-mêmes. Les risques industriels et technologiques présentent des caractéristiques similaires aux catastrophes naturelles, et la chercheuse Myriam Mérad, membre de la mission sur l'assurabilité des risques, soutenait ainsi devant le rapporteur spécial que l'exclusion des catastrophes technologiques du régime CatNat n'est pas cohérente avec la visée du régime.

Cependant, une telle ouverture serait uniquement réservée aux catastrophes industrielles d'une ampleur exceptionnelle. La majorité des accidents industriels, y compris ceux qui sont considérés comme majeurs, entraînent des coûts bien moins élevés que les catastrophes naturelles : « Selon les classifications des assureurs, les accidents industriels considérés comme « majeurs » sont ceux qui représentent des sommes de l'ordre de 20 à 30 millions d'euros. Par comparaison, les événements naturels peuvent atteindre des montants unitaires cent fois plus élevés, qui vont jusqu'à deux, trois ou quatre milliards d'euros par événement. »43(*) L'intégration de nouveaux risques implique également que l'équilibre du régime CatNat sur les prochaines décennies soit garantie.

2. Un mécanisme d'indexation automatique du taux de surprime est essentiel au maintien de l'équilibre du régime

Le rehaussement à 20 % du taux de la surprime était nécessaire, mais il ne sera pas suffisant pour garantir l'équilibre du régime CatNat dans la durée. Il serait bien entendu possible, dès l'année prochaine, de le relever une nouvelle fois, mais des relèvements ponctuels ne peuvent toutefois pas constituer une réponse structurelle au déséquilibre du régime CatNat.

Un mécanisme de revalorisation automatique de la surprime est souhaitable. En effet, le décalage entre la décision de relever la surprime et son application effective fragilise le régime CatNat, comme l'indique la Caisse centrale de réassurance : « Le rehaussement du taux de surprime de 12 à 20 % n'entrera en vigueur qu'au 1er janvier 2025 avec un effet à 100 % en 2026. Entre temps, le risque d'intervention de l'État restera très élevé le temps que CCR reconstitue ses réserves. »44(*) De plus, un tel mécanisme de revalorisation permettrait aux acteurs de l'assurance ainsi qu'aux entreprises de pouvoir réaliser des projections pluriannuelles. Ce mécanisme devrait être doublé d'une clause de revoyure, pour tenir compte de l'évolution des prévisions relatives au changement climatique.

Le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques soutient une telle solution. La deuxième recommandation du rapport prévoit de : « Instaurer un mécanisme d'indexation automatique du taux de surprime CatNat afin de prendre en compte les effets du changement climatique, en fixant la réévaluation annuelle initiale à 1 % des taux de surprime (soit 0,2 point de %) par an à compter de 2023. »45(*) À cette proposition, on pourrait ajouter une clause de revoyure quinquennale.

À partir des travaux de la Caisse centrale de réassurance, la mission a estimé que la hausse de la sinistralité attribuable aux effets du changement climatique se situeraient entre 0,8 % et 1,62 % par an jusqu'en 2050, selon le scénario retenu.

Évolution de la sinistralité à l'horizon 2050, telle qu'estimée par la mission sur l'assurabilité des risques climatiques ainsi que la Caisse centrale de réassurance

 

Sinistralité

Évolution de la sinistralité

Nature de l'aléa

En 2000

En 2020

En 2020 par rapport à 2000

En 2050 par rapport à 2020

(Scénario 2°)

En 2050 par rapport à 2020 

(Scénario 2,5°)

Sécheresses géotechniques

466

726

56 %

59 %

190 %

Inondations

943

979

4 %

43 %

27 %

Submersions marines

61

68

11 %

113 %

109 %

Tous périls CatNat

1757

2078

18 %

47 %

85 %

Taux annuel de hausse

-

-

-

1,29 %

2,07 %

Taux annuel de hausse lié à l'aléa seul

-

-

-

0,80 %

1,62 %

Source : rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, page 35, d'après les travaux menés par la Caisse centrale de réassurance

La Caisse centrale de réassurance s'est également déclarée favorable à la mise en place d'une revalorisation automatique : « la CCR est donc favorable à un mécanisme d'indexation et à une clause de revoyure (tous les 3 ou 5 ans) qui est nécessaire compte tenu des incertitudes importantes en matière de projection climatique afin d'éviter la situation récente avec un taux de surprime inchangé pendant une période de près de 25 ans. »46(*)

La revalorisation annuelle proposée par la mission sur l'assurabilité des risques climatiques aboutirait à un taux de 26 % à l'horizon 2050. Une telle progression est justifiée par les fortes incertitudes qui pèsent sur la progression du risque inondation et du risque submersion marine.

Une telle progression du taux de surprime pèserait d'abord sur les entreprises et les ménages (entre 20 et 30 euros par an pour les particuliers). Le rapporteur estime que l'augmentation pourrait être mieux acceptée si elle était doublée d'une réorientation du prélèvement sur la garantie CatNat vers les dépenses de prévention des risques (la question du financement de la prévention des risques naturels majeurs sera abordée dans la dernière partie de ce rapport).

Recommandation : mettre en place un mécanisme de revalorisation automatique du taux de surprime CatNat.

B. DONNER DAVANTAGE DE GARANTIES AUX ASSURÉS ET INCITER LES ASSUREURS À EXERCER DANS LES ZONES À FORTE EXPOSITION AUX RISQUES

1. Prévenir le refus d'assurance et inciter les assureurs à exercer dans les zones exposées

Pour mémoire, l'assurance contre les « dommages aux biens » n'est obligatoire que pour les locataires et pour les propriétaires d'immeubles placés en copropriété.

En revanche, les contrats d'assurance contre les dommages aux biens, dès lors qu'ils existent et sont conclus, ouvrent droit à la garantie de l'assuré contre les effets des catastrophes naturelles47(*), de sorte que les entreprises d'assurance doivent insérer dans ces contrats une clause étendant leur garantie aux effets des catastrophes naturelles48(*).

Le bureau central de tarification (BCT), autorité administrative indépendante créée par la loi n° 58-208 du 27 février 1958 et chargée de faire respecter les diverses obligations d'assurance, a pour mission, lorsqu'un assuré s'estime lésé, de garantir le respect de cette obligation.

Ainsi, lorsqu'un assuré s'est vu refuser par une entreprise d'assurance, en raison de l'importance du risque de catastrophes naturelles auquel il est soumis, la souscription d'un des contrats qui ouvrent droit à la garantie « CatNat », il peut saisir le bureau central de tarification, qui impose à l'entreprise d'assurance concernée la souscription du contrat demandé comprenant la garantie contre les effets des catastrophes naturelles. Lorsque le risque présente une importance ou des caractéristiques particulières, le bureau central de tarification peut demander à l'assuré de lui présenter, dans les mêmes conditions, un ou plusieurs autres assureurs afin de répartir le risque entre eux49(*).

En revanche, la seule présence de la garantie « CatNat » dans un contrat de garantie de biens ne crée pas d'obligation pour les entreprises d'assurance de conclure de tels contrats : selon le Conseil d'État, le BCT ne peut être saisi par un assuré que du refus par une entreprise d'assurances d'insérer dans un contrat souscrit par lui une clause étendant la garantie aux dommages liés aux risques de catastrophe naturelle50(*). Le BCT n'est donc compétent que s'il apparaît qu'un refus de souscrire un contrat d'assurance dommages aux biens ne peut en réalité s'expliquer que par le désir de l'assureur d'échapper à l'effort de solidarité nationale envers les effets des catastrophes naturelles51(*).

Sur le risque « CatNat », le BCT ne rend chaque année qu'un nombre très limité de décisions, et fait l'objet de peu de saisines, ce qui semble indiquer que des zones particulièrement exposées aux catastrophes naturelles ne seraient pas exclues des politiques de souscription des assureurs et qu'il n'y aurait pas de problème de non-assurance. Ainsi, pour la seule année 2023, le BCT a rendu 337 décisions en matière d'assurance automobile, 136 en matière d'assurance construction, 65 en matière d'assurance médicale, et 127 en matière d'assurance habitation, mais seulement 3 au titre de sa compétence en matière de catastrophes naturelles.

Évolution du nombre de décisions du BCT sur le risque « CatNat »
entre 2013 et 2023

Source : commission des finances d'après les réponses du BCT au questionnaire du rapporteur spécial

Il faut noter que le très faible niveau de décisions ne présage pas du nombre de saisines. Ainsi, en 2023, pour 3 décisions, on compte 12 saisines, dont 2 dossiers irrecevables, 6 dossiers recevables mais incomplets du fait de pièces manquantes comme l'état de sinistralité - demandées par le BCT à l'assujetti mais non envoyées -, et un dossier sans suite pour lequel l'assujetti n'a pas souhaité poursuivre la procédure du BCT.

La CCR estime que ce faible nombre de décisions peut également s'expliquer par la méconnaissance du BCT par les particuliers, par les difficultés de saisine - celle-ci est peu digitalisée - et la complexité de procédure. En effet, le requérant ne peut que très difficilement faire la preuve que le refus, par une entreprise d'assurance, de souscrire un des contrats mentionnés à l'article L. 125-1 du code des assurances, est lié à l'importance du risque de catastrophes naturelles auquel il est soumis, hors le cas où l'assureur motive explicitement son refus par ce risque. Dans ce cas, le BCT se déclare incompétent. Il n'est pourtant pas malaisé de concevoir des refus déguisés de la part des assureurs, c'est-à-dire formellement motivés par d'autres motifs, mais s'expliquant en réalité par le risque de catastrophe naturelle.

Eu égard à la difficulté qui s'attache, pour le requérant, à prouver que le refus d'assurance dont il peut faire l'objet est lié au risque de catastrophe naturelle, il paraît nécessaire de mettre en place une présomption de refus pour motif d'expositions aux catastrophes naturelles. Dans des zones exposées - par exemple lorsqu'elles ont déjà fait l'objet d'arrêtés de reconnaissance de catastrophe naturelle - le requérant qui se verrait refuser la souscription d'un contrat d'assurance pourrait saisir le BCT, qui serait compétent. Cette présomption, toutefois, ne serait pas irréfragable, et la charge de la preuve incomberait à l'assureur : s'il parvenait à démontrer que son refus n'est pas motivé par le risque de catastrophe naturelle, mais seulement dans ce cas, le BCT ne pourrait alors pas lui imposer la souscription du contrat demandé comprenant la garantie contre les effets des catastrophes naturelles.

Recommandation : instaurer une présomption de refus d'assurer pour motif d'exposition aux catastrophes naturelles dans les zones exposées en cas de saisine du Bureau central de tarification.

D'une manière générale, le taux de présence des compagnies d'assurances sur le territoire est mal connu. La direction générale du Trésor a ainsi affirmé devant le rapporteur spécial qu'elle ne pouvait pas évaluer avec précision la progression des tensions sur le marché de l'assurance des catastrophes naturelles, et que la mise en place d'un observatoire dédié serait une idée pertinente. Le rapporteur spécial partage cette position.

Recommandation : mettre en place un observatoire de la concurrence en matière d'assurance des risques naturels majeurs.

Le cas de l'Outre-mer est spécifique. Tandis que le taux de couverture des assurances multirisques habitation (MRH) est supérieur à 95 % en moyenne sur l'ensemble du territoire français, il est de 68 % à La Réunion, de 62 % en Martinique, de 59 % en Guadeloupe, de 49 % en Guyane et enfin seulement de 6 % à Mayotte52(*).

Selon la direction générale des outre-mer, qui s'appuie sur un rapport de l'IGF et du CGEDD de 2020, les causes de ces faibles taux de couvertures sont notamment une « proportion importante de biens immobiliers non-assurables, tant du fait de leur exposition à des risques certains, du fait de l'irrégularité des constructions ou de leur emplacement, ou encore de leur faible valeur vénale » et le fait que « Le nombre d'acteurs présents dans les outre-mer serait peu élevé, ce qui réduit la mutualisation des risques et conduit à une tarification chère, peu accessible »53(*). L'une des raisons de cette faible présence est que les assureurs disposent de peu de données sur les risques en Outre-mer, et l'augmentation des tarifs de la réassurance auprès de la CCR à la suite de l'ouragan Irma a pu avoir un effet dissuasif.

Les conséquences du changement climatique sur la sinistralité en Outre-mer sont également mal connues. L'étude de la CCR d'octobre 2023 précédemment mentionnée ne comporte pas d'éléments spécifiques sur ces territoires. Toutefois, la direction générale des outre-mer a indiqué au rapporteur spécial que « Météo-France mène par ailleurs des travaux afin de disposer à la fin de l'année 2025 de projections climatiques régionalisées pour les différents territoires d'outre-mer. »54(*)

Recommandation : réaliser un panorama complet de l'assurance des risques naturels majeurs en outre-mer.

2. Les assurés ne doivent pas payer à plusieurs reprises la franchise en cas de successions de catastrophes naturelles

À la suite des inondations récentes dans le Pas-de-Calais, le ministre de l'économie et des finances a déclaré qu'« Il ne serait évidemment pas acceptable qu'un habitant inondé deux fois en deux mois, et qui n'aurait même pas pu bénéficier du lancement de travaux de rénovation, se voit doubler sa franchise. J'ai donc fait le point avec les assureurs. [...] [Ils] s'engagent à ce qu'il n'y ait pas de franchise demandée deux fois aux particuliers »55(*).

Cette mesure était indispensable : il n'aurait pas été équitable que des particuliers qui se retrouvent sinistrés à plusieurs reprises soient obligés de payer plusieurs fois la franchise. Cependant, pour formuler cette demande, le ministre s'était appuyé sur un « guide d'indemnisation » des assureurs, qui n'a en lui-même pas de valeur légale. Cette situation a conduit à des controverses sur l'application effective de l'engagement de ne pas faire payer une double franchise.

Selon la direction générale du Trésor, cette confusion provient de ce que les bâtiments qui ont été reconstruits entre temps ne sont pas couverts par cet engagement, et de plus, des franchises différentes peuvent s'appliquer simultanément lorsque plusieurs catégories de biens (automobile et habitation par exemple) sont touchées par la même catastrophe naturelle.

Ces incertitudes plaident pour l'inscription dans la loi du principe selon lequel la franchise ne doit être payée qu'une fois lors de la succession rapide de plusieurs catastrophes naturelles. Cette nouvelle disposition permettrait ainsi de clarifier le champ de l'exemption de la double-franchise.

Recommandation : inscrire dans la loi le principe du paiement unique de la franchise d'assurance lors de la succession rapide de plusieurs catastrophes naturelles de même nature.

3. Il faut davantage encadrer les expertises pour rétablir la confiance avec les assurés

L'expertise en assurance pour les catastrophes naturelles fait aujourd'hui face à une crise de confiance. Le député Vincent Ledoux, dans le cadre de la mission qu'il menait sur le retrait-gonflement des argiles, a ainsi déclaré aux Assises de la sécheresse, organisées par la Compagnie des experts agréés : « Les victimes et les maires que j'ai rencontrés estiment très majoritairement que les experts sont de mèche avec les assurances, que le système est verrouillé, et qu'ils ne s'en sortiront pas. »56(*) Le journal « Challenges », titrait également, dans le contexte des inondations du Pas-de-Calais : « Inondations, incendies... Peut-on faire confiance aux experts d'assurance ? »57(*).

Les représentants des experts en assurance, entendus par le rapporteur spécial, se sont étonnés de cette appréciation négative dans le débat public, en insistant sur les compétences techniques nécessaires pour exercer ce métier et les règles déontologiques de la profession. Le rapport Ledoux relève à cet égard qu'« aucune preuve de pression directe des assurances sur les experts s'agissant de dossiers individuels n'a été relevée par la mission »58(*). Les experts d'assurance ont toutefois souligné que la situation actuelle n'est pas satisfaisante, et que des mesures peuvent être prises pour rétablir la confiance entre les experts et les assurés.

La loi n° 2021-1837 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles du 28 décembre 2021, dite loi Baudu, a représenté une première avancée en prévoyant que « l'assureur informe l'assuré de sa faculté de faire réaliser une contre-expertise dans les conditions prévues au contrat et de se faire assister par un expert de son choix » et que : « l'assureur communique à l'assuré le rapport d'expertise définitif relatif au sinistre déclaré » (article 6). La Fédération des sociétés d'expertise a par ailleurs tiré un bilan positif de cette dernière disposition, en soulignant qu'elle a permis de faire évoluer les pratiques de la profession afin de faciliter une meilleure compréhension par l'assuré des conclusions de l'expertise.

Il n'existe aujourd'hui aucune qualification minimale requise pour exercer en tant qu'expert en assurance dans le domaine des catastrophes naturelles, malgré la technicité du sujet. Dans la pratique, à la suite d'une formation initiale de deux ans, les professionnels apprennent le métier sur le terrain, dans le cadre d'une formation interne au sein des entreprises, qui peut durer entre cinq et huit ans. Cependant, l'absence de qualification minimale reconnue peut conduire à des abus. Par conséquent, le rapporteur est favorable à une reconnaissance officielle, qui pourrait prendre la forme de la mise en oeuvre d'un « label » à destination des experts.

Il conviendrait toutefois de rester prudent lors de la mise en place de cette forme de labellisation : elle ne devrait pas conduire à provoquer une « pénurie » d'experts spécialisés en la matière. Il convient donc de se régler au plus près de ce qui est déjà effectué dans la pratique.

Recommandation : mettre en place une labellisation « CatNat » pour garantir un niveau « socle » de formation des experts en assurance pour les catastrophes naturelles.

Des garanties d'indépendance doivent également être inscrites dans la loi. À l'heure actuelle, il est possible pour l'expertise d'être rémunérée en fonction de son résultat, ce qui n'est bien entendu pas acceptable. Il convient également d'interdire les liens capitalistiques entre la société d'experts et l'assureur.

Recommandation : interdire la rémunération des experts en fonction des conclusions de l'expertise, ainsi que les liens capitalistiques entre la société d'experts et l'assureur.

C. UN NÉCESSAIRE ASSOUPLISSEMENT DES RÈGLES D'INDEMNISATION

1. Un besoin d'assouplissement des critères de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle dans le cadre du phénomène RGA

En raison des profondes difficultés qui affectent la reconnaissance et la prise en charge du risque RGA, l'article 161 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi « 3DS », habilitait le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance des mesures de nature à améliorer la prise en charge de ce risque au sein du régime CatNat. Le Gouvernement a appliqué cette disposition à travers l'ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

Cette ordonnance a notamment prévu un assouplissement bienvenu des critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en matière de risque RGA. En effet, en modifiant l'article L. 125-1 du code des assurances, l'ordonnance prévoit que l'état de catastrophe naturelle puisse être reconnu en présence d'une succession anormale d'épisodes de sécheresse d'une ampleur inférieure au seuil du critère météorologique.

Le Gouvernement vient par ailleurs de mettre en oeuvre, via une circulaire du ministère de l'Intérieur datée du 29 avril 2024, deux autres dispositions absolument indispensables visant à élargir et assouplir les conditions de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en présence du risque RGA. Ces deux dispositions visent d'une part à réduire la période de retour du critère météorologique, en le faisant passer de 25 à 10 ans, et d'autre part à assouplir les critères de reconnaissance de l'état de catastrophe naturel pour les communes limitrophes du territoire d'une autre commune elle-même reconnue.

Comme elle a pu déjà l'écrire dans son rapport d'information de février 2023 portant sur le financement du risque RGA59(*), le rapporteur estime que ces assouplissements sont nécessaires. Notamment en augmentant de 10 à 15 % le nombre de communes reconnues, ils devraient permettre de limiter les incompréhensions et les contestations au stade de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.

Le rapporteur note également que d'autres évolutions contenues dans cette même circulaire permettront d'accélérer la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle en cas de RGA. Il s'agit notamment de l'allongement de la durée de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à une année civile pleine mais également d'une remontée trimestrielle plutôt qu'annuelle des rapports météorologiques de Météo-France.

Cependant, au-delà de ces évolutions indispensables, et comme elle l'avait déjà souligné dans ce même rapport, le rapporteur rappelle l'absolue nécessité, en collaboration avec Météo-France, d'améliorer de façon substantielle la qualité et la précision de la mesure du critère météorologique permettant de caractériser le phénomène de RGA.

S'agissant de la phase postérieure à la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle structurée autour de l'expertise d'assurance sur les dommages déclarés, l'ordonnance du 8 février 2023 a également60(*) fixé les principes d'un encadrement de l'activité des experts d'assurance chargés d'instruire les dossiers de sinistres relatifs au risque RGA. Cet encadrement doit se traduire par une homogénéisation des rapports d'expertise et un dispositif de sanctions. En raison du taux significatif de dossiers classés sans suite par les experts d'assurance, des incompréhensions et des contentieux suscités par cette situation insatisfaisante, le rapporteur avait déjà eu l'occasion de saluer cette évolution bienvenue dans son rapport d'information de février 2023. Un décret en Conseil d'État doit venir préciser les différentes composantes de ce nouvel encadrement. D'après les éléments obtenus par le rapporteur, ce décret serait sur le point d'être publié.

2. En matière de RGA, le périmètre et la liberté d'usage des indemnisations d'assurance ont été encadrés par l'ordonnance du 8 février 2023 

En modifiant l'article L. 125-2 du code des assurances, l'ordonnance du 8 février 2023 précitée a prévu de circonscrire les dommages résultants du phénomène RGA qui pourront faire l'objet d'une indemnisation au titre du régime CatNat. Elle réserve ainsi la garantie apportée par le régime aux seuls « dommages susceptibles d'affecter la solidité du bâti ou d'entraver l'usage normal du bâtiment ».

Un décret du 5 février 202461(*) pris en Conseil d'État est venu préciser l'application de cette restriction du périmètre des dommages éligibles à la garantie du régime. L'article 2 du décret du 5 février 2024 crée un nouvel article R. 125-7 du code des assurances qui introduit une dérogation au principe d'exclusion prévu par l'ordonnance. Il stipule en effet que les dommages qui, au moment de la réalisation de l'expertise, n'apparaissent pas susceptibles d'affecter la solidité du bâti ou d'entraver l'usage normal du bâtiment sont néanmoins couverts par la garantie du régime dès lors qu'ils sont de nature à « évoluer défavorablement » et, à l'avenir, « à affecter la solidité du bâti ou à entraver l'usage normal des bâtiments ».

Ce même article R. 125-7 dresse par ailleurs une liste de biens qui, en principe, sont exclus du champ de la garantie : « les dommages survenus sur les constructions constitutives d'éléments annexes aux parties à usage d'habitation ou professionnel, tels que notamment les remises, les garages et parkings, les terrasses, les murs de clôture extérieurs, les serres, les terrains de jeux ou les piscines et leurs éléments architecturaux connexes, sauf lorsque ces éléments font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert ».

Dans son rapport d'information de février 2023 précité, le rapporteur avait souligné toutes ses réserves à l'égard de la disposition de l'ordonnance du 8 février 2024 qui revient, pour des raisons de financement du régime, à exclure du champ de l'indemnisation des dommages considérés comme « esthétiques » dans la mesure où ils ne seraient pas susceptibles de remettre en cause la solidité et l'utilisation normale du bâtiment.

La première de ces réserves renvoyait au risque juridique associé à la notion floue et difficilement objectivable de dommages « susceptibles d'affecter la solidité du bâti ou d'entraver l'usage normal du bâtiment ». Les précisions apportées par le décret du 5 février 2024, tout aussi floues, ne lui semblent pas résoudre cette difficulté. L'interprétation de ces notions sera vraisemblablement de nature à générer de nombreux contentieux.

La seconde réserve pointée en février 2023 par le rapporteur renvoyait de façon plus large au fait que le fait de circonscrire les dommages éligibles à la garantie CatNat était attentatoire aux principes mêmes qui définissent le régime et tout particulièrement à sa logique assurantielle. En effet, selon ce principe le versement de la surprime devrait ouvrir le droit à une indemnisation en cas de dommage lié à un phénomène qualifié de catastrophe naturelle, quelle que soit la nature de ce dommage. Le rapporteur craint que cette mesure, motivée par le seul enjeu, plus que légitime par ailleurs, d'équilibre financier du régime, ne génère de l'incompréhension ainsi qu'un fort sentiment d'iniquité pour les sinistrés concernés. En effet, comme ils se sont toujours acquittés de la surprime, ces derniers étaient légitimement en droit d'attendre une indemnisation, y compris pour des dommages non susceptibles d'affecter la solidité ou de remettre en cause l'usage du bâtiment d'habitation.

L'ordonnance du 8 février 2023 a aussi prévu, toujours en modifiant l'article L. 125-2 du code des assurances, l'obligation, pour les sinistrés victimes du risque RGA, d'utiliser le montant de l'indemnisation pour réparer les dommages occasionnés sur leur habitation : « l'indemnité due par l'assureur doit être utilisée par l'assuré pour réparer les dommages consécutifs aux mouvements de terrain différentiels ».

L'application stricte d'une telle règle priverait d'indemnisation un sinistré qui, plutôt que de réparer son habitation sur place, préférerait s'installer ailleurs, dans une zone moins exposée au risque RGA notamment. Dans son rapport d'information de février 2023 précité, le rapporteur avait souligné à quel point cette disposition serait inéquitable dans la mesure où, parfois, la décision de démolir une habitation sinistrée est beaucoup plus pertinente que d'engager de lourds travaux de réparation, notamment si cette dernière présente un mauvais diagnostic thermique.

Le rapporteur a noté que le décret du 4 février 2024 précité est venu apporter une dérogation à ce principe en prévoyant que dans l'hypothèse où le montant des travaux nécessaires est supérieur à la valeur vénale du bien, le sinistré pourra disposer librement de l'indemnisation, le cas échéant pour déménager ailleurs. Un nouvel article R. 125-6-1 du code des assurances prévoit ainsi désormais que « si le montant des travaux de réparation permettant la remise en état effective du bien est supérieur à la valeur de la chose assurée au moment du sinistre, cette obligation d'utilisation de l'indemnité ne s'applique pas ».

Le principe général de liberté d'utilisation des indemnités d'assurance

1. Un principe de libre affectation de l'indemnité d'assurance :

En matière d'utilisation des indemnités d'assurance, le principe général est celui de leur libre affectation. Le sinistré peut en disposer librement, il n'est pas tenu de l'employer pour réparer son bien endommagé. Ce principe a été établi et maintes fois réaffirmé par la jurisprudence de la Cour de Cassation.

L'arrêt n° 81-13 080 de la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation du 16 Juin 1982 affirme notamment que « l'assuré qui a droit au règlement de l'indemnité n'est pas tenu de l'employer à la remise en état de l'immeuble endommagé, ni de fournir des justifications particulières ». Cet arrêt a été confirmé depuis par de nombreuses décisions.

2. Quelques exceptions au principe de libre affectation de l'indemnité d'assurance :

La principale exception de nature législative au principe de libre affectation concerne l'assurance dommages ouvrages. Elle se fonde sur les dispositions de l'article L. 242-1 du code des assurances. Cette assurance est destinée à couvrir les dommages dont sont présumés responsables les constructeurs d'un ouvrage. Pour ce type d'assurance, les indemnités reçues de l'assureur doivent impérativement être affectées à la réparation de la construction.

L'article L. 121-17 du code des assurances prévoit quant à lui une forme d'obligation d'utilisation de l'indemnité d'assurance dommages bien délimitée. Cette obligation ne vaut qu'en cas de prise d'un arrêté communal et dans la seule limite des montants nécessaires à la réalisation des mesures de remises en état prescrites par cet arrêté. Cette interprétation de l'article L. 121-17 a été confirmée par plusieurs arrêts récents de la Cour de Cassation. Un arrêt du 18 avril 201962(*) précise à ce titre que « l'étendue de l'obligation d'affectation des indemnités (...) est limitée au montant de ces indemnités nécessaire à la réalisation des mesures de remises en état prescrites (...) par un arrêté du maire ».

Certains contrats d'assurance peuvent inclure des clauses dites « d'utilisation de l'indemnisation ». Ces clauses visent à contraindre l'assuré à utiliser l'indemnité pour réparer ou remplacer le bien sinistré. Le Juge accepte ce type de clauses à condition qu'elles ne remettent pas en cause le principe général de libre affectation. L'exemple le plus répandu de ce type de clauses concerne « l'indemnité différée » en cas d'indemnisation « en valeur à neuf ». Dans cette hypothèse, le sinistré reçoit une première indemnité dite « immédiate » qui correspond à la valeur des biens endommagés et devant être remplacés, de laquelle est déduit un pourcentage correspondant à leur vétusté. Dans un deuxième temps, à condition qu'il justifie avoir réparé ou remplacé les biens endommagés, l'assuré reçoit alors une seconde indemnité dite « complémentaire » ou « différée » qui correspond à la valeur de la vétusté des biens sinistrés.

Source : commission des finances du Sénat

Cependant, le rapporteur considère que cette dérogation est bien trop limitée et qu'il convient de rétablir, y compris dans le cadre du phénomène de RGA, le principe de libre utilisation de l'indemnité d'assurance qui prévalait à l'ordonnance du 8 février 2023.

Le rapporteur a néanmoins bien conscience des effets indésirables, relevant de l'aléa moral notamment, qui peuvent résulter de ce principe. Il s'agit notamment de cas de figures dans lesquels des propriétaires vendraient ou mettraient en location des biens sinistrés qui n'auraient pas été remis en état selon les prescriptions de l'expertise. Pour éviter ces phénomènes, les propriétaires qui feraient le choix d'utiliser leur indemnisation pour déménager ailleurs devraient avoir l'obligation de céder leur bien à titre gracieux à la commune sur le territoire duquel il se trouve. Dans un deuxième temps, le fonds Barnier pourrait être mobilisé pour participer au financement des opérations de démolition et de remise en état des terrains concernés.

Recommandation : rétablir le principe de libre utilisation des indemnités d'assurance pour l'ensemble des sinistres provoqués par des catastrophes naturelles.

II. LA PRÉVENTION DOIT ÊTRE AU CoeUR DU RÉGIME D'INDEMNISATION DES CATASTROPHES NATURELLES

A. DES RÈGLES À RENFORCER AFIN DE PRÉVENIR EFFICACEMENT LE PHÉNOMÈNE DE RGA POUR LES NOUVELLES CONSTRUCTIONS

En France, historiquement, les études de sol préalables à la construction de maisons individuelles n'étaient pas obligatoires. Par ailleurs, les règles de l'art, si elles intégraient bien des mesures liées au phénomène de RGA, n'étaient pas appliquées de façon systématique par les constructeurs. Face à ces insuffisances manifestes et alors que l'ampleur du phénomène de RGA ne faisait que s'amplifier, la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi « Élan », est venue renforcer le cadre normatif national existant.

En introduisant une nouvelle sous-section au sein du code de la construction et de l'habitation63(*), l'article 68 de la loi Élan avait ainsi pour objet d'imposer de nouvelles normes de construction plus exigeantes afin de limiter la vulnérabilité des nouvelles constructions de maisons individuelles au phénomène de RGA.

Cet article renvoyait notamment à un décret et à un arrêté la définition des zones exposées au risque de RGA. Cette définition a ainsi été précisée par le décret n° 2019-495 du 22 mai 2019 relatif à la prévention des risques de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux et par un arrêté du 22 juillet 202064(*). Les zones considérées comme exposées au risque RGA et pour lesquelles l'encadrement renforcé des règles de construction prévues par la loi Élan s'appliquent sont celles pour lesquelles la carte d'exposition au phénomène RGA réalisée par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) évalue l'aléa à un niveau moyen ou fort.

L'article 68 de la loi Élan prévoyait aussi l'obligation de réaliser une étude géotechnique préalable avant la vente d'un terrain constructible dans les zones exposées au risque RGA. L'article L. 112-21 du code de la construction et de l'habitation dispose ainsi que « en cas de vente d'un terrain non bâti constructible, une étude géotechnique préalable est fournie par le vendeur ». Cette obligation a pour objectif de responsabiliser le vendeur et d'informer l'acheteur d'un terrain constructible.

Le décret du 22 mai 2019 précité ainsi qu'un arrêté du 22 juillet 2020 sont venus préciser le contenu de l'étude géotechnique préalable exigée lors de la vente d'un terrain constructible. Il s'agit d'un diagnostic du sol assez sommaire de type « G1 » dont le coût moyen était évalué à 500 euros en 2019 par la DHUP. Ce type d'études ne permet pas de dimensionner les fondations de la construction. Seule une étude de type « G2 » est en mesure de déterminer la profondeur nécessaire des fondations au regard de l'exposition du site au phénomène de RGA. D'après l'article R. 112-6 du code de la construction et de l'habitation, cette étude doit permettre « une première identification des risques géotechniques d'un site et la définition des principes généraux de construction permettant de prévenir le risque de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols ». Des professionnels du financement ont attiré l'attention du rapporteur sur le renchérissement significatif du coût d'édification d'une maison si les études réalisées par le constructeur révèlent la nécessité de creuser plus profondément. Ce surcoût peut remettre en cause l'intégralité du projet, les futurs propriétaires n'ayant pas la capacité de lever plus d'emprunt. Ils se retrouvent alors avec un terrain sur lequel ils ne peuvent édifier leur projet de logement.

L'article 68 de la loi Élan prévoyait aussi un renforcement de l'encadrement normatif au moment de la construction d'une nouvelle maison. L'article L. 112-23 du code de la construction et de l'habitation prévoit ainsi que le maître d'ouvrage d'une construction en zone exposée au risque RGA doit faire le choix entre deux options :

- la première consiste à réaliser et suivre les recommandations de construction d'une étude géotechnique de conception de type « G2 »65(*) pour un coût estimé entre 1 500 et 2 500 euros ;

- la seconde consiste à respecter de façon forfaitaire des techniques particulières de construction définies par voie réglementaire.

Les techniques particulières de construction prévues à l'article L. 112-23 du code de la construction et de l'habitation ont été précisées par l'arrêté du 22 juillet 2020 relatif aux techniques particulières de construction dans les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols. L'article 2 de cet arrêté prévoit ainsi des fondations renforcées d'une profondeur d'au moins :

- 80 centimètres en zone d'exposition moyenne au risque RGA ;

- 1,20 mètre en zone d'exposition forte.

Au-delà des dispositions législatives et réglementaires issues de la loi Élan, les normes de construction volontaires considérées comme l'expression écrite des règles de l'art66(*) prévoient quant à elles, en amont de la construction d'une maison en zone exposée, la réalisation d'une étude géotechnique de conception de type « G2 PRO », c'est-à-dire plus poussée qu'une simple étude « G2 » et dont le coût se situe entre 2 500 et 5 000 euros.

Les règles de construction prévues par la loi Élan constituent une dimension absolument déterminante pour immuniser les nouvelles constructions du risque RGA. Aussi est-il impératif de s'assurer de leur pertinence. Ce n'est qu'à cette condition qu'il sera possible d'éviter pour les nouvelles constructions les phénomènes de sinistralité massifs auxquels est aujourd'hui exposé le « stock » des maisons individuelles.

Après plus de cinq ans d'application, il est temps de réaliser un premier bilan des mesures qui ont été introduites par la loi Élan. Il est impératif que le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires coordonne67(*) la réalisation d'une étude détaillée sur l'efficacité des règles de construction prévues par la loi Élan ainsi que sur les conditions de leur appropriation par les acteurs et de leur mise en oeuvre.

D'ores et déjà, il apparaît que les premières analyses sont très mitigées. Alors que l'épaisseur de la couche d'argile active est souvent de plusieurs mètres, d'après un sondage effectué en janvier 2022 par la Fédération française du bâtiment, un tiers des constructions post loi Élan seraient réalisées en optant pour la profondeur de fondations forfaitaire68(*), c'est à dire sans étude de sol.

Auditionnée par le rapporteur, la Direction générale du Trésor lui a notamment révélé que de premières maisons construites selon les normes prévues par la loi Élan commencent déjà à se fissurer. Cette information est particulièrement inquiétante et devra être précisément évaluée et documentée dans le cadre de l'étude appelée à dresser le bilan des règles introduites par cette loi.

S'agissant de la prévention du risque RGA à travers les règles de construction, l'exemple espagnol semble particulièrement éclairant. Les règles de construction qui prévalent en Espagne sont nettement plus exigeantes que les normes en vigueur en France ce qui, d'après l'analyse réalisée par le rapport précité de décembre 2023 dit « Langreney », « laisse présumer une fragilité de notre dispositif » et « conduit à s'interroger sur l'efficacité des mesures législatives sur les constructions neuves retenues en France ».

En effet, en Espagne, depuis 2000, il est obligatoire de réaliser une étude géotechnique avant toute nouvelle construction en zone exposée au risque RGA. Sans cette étude, il n'est pas possible de souscrire une assurance décennale, une condition indispensable à l'inscription au registre de la propriété. Toujours en Espagne, les règles de l'art en matière de construction prévoient, dans les zones exposées au risque RGA, des profondeurs de fondations de 3 mètres à 3,5 mètres, très supérieures aux règles en vigueur en France69(*).

En s'appuyant sur les premiers retours d'expérience liés à l'application des mesures prévues par la loi Élan ainsi que sur le modèle en vigueur en Espagne, le rapport « Langreney » recommande ainsi de « réaliser à très bref délai, une réévaluation de la loi Élan, pour aller probablement dans le sens d'un rehaussement de l'exigence d'étude de sol, ou, à défaut, la réalisation de fondations plus sécuritaires ». Le rapport préconise aussi que ces recommandations renforcées alimentent les documents techniques unifiés (DTU) et que les dispositifs de contrôle de l'application des mesures de construction soient renforcés.

Le renforcement des contrôles relatifs à l'application des règles de construction introduites par la loi Élan avait également été recommandé par la Cour des comptes dans un rapport de 2022 qu'elle avait consacré au phénomène de RGA70(*).

Des contrôles pourraient notamment être réalisés en amont lors de l'instruction du permis de construire par les mairies, avec l'appui si besoin des direction départementales des territoires, ainsi qu'en aval lors de la délivrance du certificat de conformité des travaux.

Pour que l'on ne se retrouve pas à constater à l'avenir des sinistres massifs sur le nouveau parc de maisons individuelles, le rapporteur considère que plusieurs mesures urgentes s'imposent :

- Prévoir la réalisation d'une véritable étude de sol de type G2 au moment de la cession d'un terrain constructible

Rendre obligatoire la réalisation d'une étude de sol approfondie avant la construction d'un bien, moyennant un cofinancement du fonds Barnier pour les ménages modestes ;

Augmenter la profondeur des fondations minimales réglementaires dans les zones exposées au phénomène de RGA ;

Renforcer les contrôles de l'application de ces règles de construction préventives.

Recommandation : renforcer les règles de construction en zones exposées au phénomène de RGA afin de prévenir la survenance de sinistres sur les maisons neuves.

B. DES MÉCANISMES INCITATIFS DOIVENT ÊTRE MIS EN PLACE POUR ENCOURAGER LA PRÉVENTION

1. Disposer de cartographies des risques précises et consolidées

Le bon fonctionnement d'un dispositif de prise en charge de risques tel que le régime CatNat et au-delà même, l'information, la capacité d'anticipation ou encore la responsabilisation de l'ensemble des acteurs, suppose une cartographie précise, partagée et accessible des zones d'exposition à ces risques. Si des progrès ont été réalisés dans cet objectif, notamment à travers la création et l'enrichissement de la plateforme Géorisques, beaucoup de chemin reste à parcourir. Cependant, au-delà des enjeux de complexité technique ou juridique, les évolutions en la matière doivent être réalisées de façon prudente et pragmatique en raison des effets de bords potentiellement très sensibles, notamment s'agissant de la valeur des biens immobiliers ou encore d'opportunités d'optimisation indésirables de certaines pratiques assurantielles.

Géorisques est un portail qui propose notamment un outil de cartographies de l'exposition des territoires à un certain nombre d'aléas naturels ou technologiques. Dans un premier temps davantage tourné vers les experts, les évolutions du portail ont récemment conduit à mieux prendre en compte les besoins des particuliers et des collectivités territoriales, acteurs majeurs de la prévention des risques. Si la montée en puissance de l'outil ces dernières années est indiscutable et doit être saluée, il ne remplit encore que partiellement son office et souffre encore de certaines limites.

En premier lieu, il est important de préciser que Géorisques n'est pas constitué de cartes de « risques » à proprement parler mais de cartes « d'aléas ». Les deux notions doivent être distinguées. L'aléa revient à estimer la probabilité qu'un évènement survienne sur un territoire tandis que le risque, concept plus complexe, combine la notion d'aléa avec celle de vulnérabilité, le cas échéant sur des granularités très fines, pour estimer la probabilité des dommages susceptibles d'être causés par la survenance de l'évènement.

Pour certains aléas, la précision et la granularité de certaines données disponibles pourraient être affinées. Il en va par exemple du RGA. Si elle s'est améliorée, la carte du BRGM relative au phénomène de RGA reste d'une certaine façon assez « macro » et ne descend pas au niveau de la parcelle. Une des façons d'enrichir et de préciser cette carte passerait notamment par l'exploitation de manière systématique du résultat des études de sol réalisées dans le cadre des dispositions introduites par l'article 68 de la loi Élan.

Une des principales limites des cartographies intégrées dans le portail Géorisques est qu'elles ne présentent qu'une photographie à un instant donné de l'exposition aux aléas. Par définition, elles n'intègrent pas les évolutions futures prévisibles de cette exposition, en particulier celles qui résulteront des conséquences du réchauffement climatique.

Géorisques se trouve également concurrencé par des plateformes en accès libre conçues par des compagnies d'assurance71(*), certaines d'entre elles s'affichant d'ailleurs ouvertement sur leur site internet comme une « alternative à Géorisques ». Pour constituer ces outils, les assurances utilisent les données publiques mises à disposition sur la plateforme Géorisques en les complétant de leurs propres données, notamment de sinistralités. Pour cette raison, les cartographies d'aléas des assureurs peuvent sensiblement différer de celles qui figurent sur la plateforme « Géorisques ». Ce phénomène est source d'illisibilité et facteur d'incompréhension.

Le rapport « Langreney » a cependant récemment souligné les nombreuses limites des systèmes de modélisation actuellement utilisés par les assureurs et les réassureurs. La plupart des modèles d'aléas actuels relèvent ainsi d'une approche dite « à l'expérience » ou « fréquentiste » en ce sens qu'elle prend pour base un historique d'évènements qu'elle analyse selon les lois de probabilité. Si ces méthodes ont pour avantage leur simplicité, à l'instar des cartographies d'aléa intégrées dans Géorisques, elles ne permettent pas de prendre en compte des paramètres d'évolution à long terme de l'exposition tels que le changement climatique.

Compte-tenu du principe de mutualisation du régime et du coût de ce type de dispositifs, les outils de modélisation poussés et à maille fine en matière de catastrophe naturelle ont longtemps été l'apanage de la seule CCR. Aujourd'hui, compte-tenu des enjeux financiers de plus en plus significatifs associés aux risques couverts par le régime Catnat, davantage d'assureurs investissent dans ce type d'outils à des fins de segmentation géographique de leurs offres. Le rapport « Langrenay » qui document le développement de ce phénomène souligne son caractère « toxique à long terme pour l'universalité du régime ».

Plusieurs évolutions des cartographies publiques mises à disposition sur la plateforme Géorisques pourraient être envisagées pour les affiner. Le passage à une granularité plus fine, la transition progressive de cartographies d'aléas vers des cartographies des risques en intégrant des données relatives à la vulnérabilité ou encore l'intégration des projections résultant des conséquences liées au réchauffement climatique sont autant de pistes qui devront être poursuivies. Un autre sujet est celui de l'intégration des données de sinistralité dont disposent les assureurs. Ces données relèvent du secret des affaires et son précieusement conservées par chaque compagnie mais la CCR dispose de données agrégées qui, après anonymisation, pourraient le cas échéant venir compléter les données mises à disposition sur la plateforme Géorisques.

Cependant, si ces évolutions peuvent paraître séduisantes au premier abord, le rapporteur tient à souligner à quel point elles doivent être conduites avec une extrême précaution du fait des effets de bords sensibles qu'elles sont susceptibles de provoquer.

Le premier de ces effets de bord tient au fait que des cartographies toujours plus précises pourraient être utilisées par les compagnies d'assurance pour développer plus avant des stratégies de segmentation géographique qui pourraient à terme remettre en cause les principes de solidarité et de mutualisation du régime CatNat.

La direction générale du Trésor a notamment alerté le rapporteur sur les risques pour le régime CatNat qui pourraient être associés à un accès libéralisé de l'ensemble des données de sinistralité, en particulier s'agissant de l'entrée sur le marché français de nouvelles compagnies d'assurance : « Nous alertons sur les risques de cette approche concernant le régime CatNat, dans la mesure où la mise à disposition publique de données d'exposition et de sinistralité climatique est de nature à renforcer la possibilité que de nouveaux entrants sur le marché assurantiel français exploitent ces données dans des logique de segmentation très fine et de sélection des risques, au détriment de l'objectif de préserver une large de mutualisation et une solidarité nationale entre assurés, qui sous-tend le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles ». Á ce titre, les négociations européennes en cours au sujet du projet de règlement visant à fixer un nouveau cadre d'accès aux données financières (FIDA pour Framework for Financial Data Access) présentent un risque significatif pour la pérennité du régime français.

Le deuxième effet de bord qui résulterait de cartographies beaucoup plus fines serait le risque de décote sensible de certains territoires et la perte de valeur significative de certains biens.

En raison de ces deux conséquences prévisibles, le rapporteur considère que l'effort nécessaire d'amélioration, d'accessibilité et de consolidation des données relatives à l'exposition aux risques naturels doit être couplé à des garde-fous à l'égard des compagnies d'assurance essentiellement et à des mesures d'accompagnement notamment destinés aux particuliers concernés.

2. Les taux de la franchise doivent être modulés pour encourager la prévention

Un des enjeux principaux de l'équilibre du régime « CatNat » est l'adoption de mesures de prévention par les assurés, qui permettent de diminuer la sinistralité associée à une catastrophe naturelle, et donc le coût supporté par le régime pour indemniser l'assuré.

Deux moyens principaux apparaissent pour inciter l'assuré à mettre en oeuvre des mesures de prévention : la modulation de la surprime et celle de la franchise en fonction du déploiement de telles mesures.

Une modulation de la surprime en fonction de l'adoption de mesures de prévention fragiliserait l'adhésion au régime « CatNat » puisque par nature, une personne résidant dans une zone non exposée aux catastrophes naturelles n'a pas d'intérêt particulier à mettre en oeuvre de telles mesures : elle supporte déjà une surprime sans rapport avec son exposition au risque afin de mutualiser ce dernier, il serait injuste qu'elle supporte encore davantage pour n'avoir pas mis en oeuvre des mesures qui lui sont inutiles.

Le rapporteur a donc privilégié l'idée, soutenue par la Caisse centrale de réassurance, d'une modulation de la franchise en fonction de l'adoption de mesures de prévention adaptées. À la manière de ce qui existe déjà pour les biens à usage professionnel, dans le cas d'entreprises dont la surface est supérieure à 300 m2, les franchises règlementaires liées à l'indemnisation des catastrophes naturelles doivent dépendre beaucoup plus étroitement des mesures de prévention mises en place par les assurés. En cas de sinistre, et lorsque de telles mesures sont prises, la franchise doit être inférieure à ce qu'elle serait sans ces mesures.

Cette proposition, pour être efficace, doit naturellement s'accompagner d'une information renforcée de la part des assureurs pour permettre aux assurés dont l'habitation se situe dans une zone exposée aux catastrophes naturelles, de prendre conscience de l'intérêt qui s'attache, pour eux, à la mise en oeuvre de mesures de prévention, et du risque financier supplémentaire qu'ils encourent dans le cas contraire. On ne saurait trop souligner l'importance de l'information pour que cette disposition soit effective.

Pour pouvoir mettre en oeuvre une telle modulation de la franchise, il faut par ailleurs pouvoir identifier que des mesures de prévention ont bien été prises, et ce par un organisme compétent et labellisé. Par ailleurs, la mise en place de ces mesures doit être soutenue par l'État dans la mesure des moyens dont dispose chaque ménage (cf. infra).

Recommandation : faire diminuer la franchise en cas d'adoption de mesures de prévention par l'assuré et en informer celui-ci en amont afin de l'inciter à prendre ces mesures.

3. Les dépenses de prévention des risques des particuliers doivent faire l'objet d'une véritable stratégie de politique publique
a) La possibilité pour les particuliers de faire financer des travaux de prévention des risques par le fonds Barnier doit être rendue effective

Les travaux de prévention des risques menées par les particuliers ne sont structurellement pas rentables pour les ménages, dans la mesure où le risque ne se matérialise pas nécessairement, et où le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles peut prendre en charge le sinistre lorsqu'il survient. Dans ce cadre, il est justifié que l'État incite à la réalisation de ces travaux, et apporte une aide pour les ménages les moins aisés.

Le fonds Barnier peut déjà financer les travaux obligatoires prescrits par les plans de prévention des risques naturels (PPRN) ou dans le cadre d'un programme d'actions et de prévention des inondations (PAPI). Les financements sont toutefois limités à 80 % du coût des travaux, et la contribution ne peut pas dépasser 36 000 euros par bien ni être supérieure à 50 % de la valeur vénale du bien72(*). Cette valeur est constatée à la date de réalisation de l'étude de diagnostic de vulnérabilité ou à la date d'approbation du plan.

Le « fonds Barnier »

L'article L. 561-3 du code de l'environnement prévoit l'existence du Fonds de prévention des risques naturels majeurs. Le FPRNM, mieux connu sous le nom de « fonds Barnier », est devenu la principale source de financement de la politique de prévention des risques naturels de l'État, ainsi qu'un élément central de sa structuration.

Le fonds Barnier permet de financer l'acquisition de biens à l'amiable ou par expropriation lorsque les biens en question sont exposés à un risque, dans les conditions prévues à l'article L. 561-1 du code de l'environnement. Il permet également de financer des mesures de prévention mises en place par les collectivités territoriales, et il soutient sous conditions, des mesures de réduction de la vulnérabilité du bâti pour les particuliers (habitations) et les petites entreprises.

Source : commission des finances

Si les travaux interviennent en réparation des dégâts d'une catastrophe naturelle, les éventuelles indemnités perçues dans le cadre du régime CatNat, au titre de l'article L. 125-2 du code des assurances, doivent être décomptées de la contribution du fonds Barnier. Par exemple, une maison dont la valeur vénale est de 80 000 euros, qui entreprend des travaux d'un montant de 50 000 euros, et qui a bénéficié d'une indemnité de 30 000 euros, pourra bénéficier de 10 000 euros du fonds Barnier. Le reste à charge du ménage sera donc de 10 000 euros, soit 20 % du coût des travaux73(*).

Les sommes engagées à ce titre sont en augmentation depuis 2018, mais demeurent faibles : l'année dernière, 13 millions d'euros ont servi à financer des travaux menés par des particuliers, ce qui représente 6,4 % des sommes allouées au fonds Barnier.

Financements du fonds Barnier ayant servi à la réalisation
de travaux de prévention par des particuliers

(en millions d'euros)

2018

2019

2020

2021

2022

2023

0,6

3,0

3,9

4,7

11,1

13,1

Source : commission des finances, d'après les réponses de la direction générale de la prévention des risques.

Les entreprises peuvent également bénéficier de subventions du FPRNM pour renforcer la résilience de leur bâti. Dans ce cas, les financements sont limités à 40 % des dépenses éligibles, dans la limite de 10 % de la valeur vénale ou estimée de chaque bien. Cette faculté est à ce jour très peu utilisée : en 2023, seuls cinq entreprises ont été bénéficiaires, pour un montant inférieur à 100 000 euros. Le Gouvernement avait pourtant doublé le taux de subvention cette année-là (de 20 % à 40 %), ce qui montre que le dispositif n'est pas encore suffisamment connu.

Outre la question du faible recours, les financements permis par le fonds Barnier ne prennent pas en compte les différences de revenu entre les ménages, et le reste à charge peut être prohibitif pour ceux qui disposent de revenus modestes.

Il faut néanmoins relever que le fonds Barnier est spécialisé sur les projets des collectivités territoriales, et il ne dispose pas à ce jour de la logistique nécessaire pour faire une distinction fine entre les situations des ménages - cela reviendrait essentiellement à créer une nouvelle politique d'aide aux particuliers au sein du même fonds Barnier.

Un fonds ad hoc pourrait être créé pour remplir cette mission74(*), mais il ne bénéficierait cependant pas de l'image du fonds Barnier. De plus, les dépenses de prévention menées par les particuliers ne peuvent jamais être considérées de façon purement individuelle : l'installation de protections contre les inondations sur une habitation peut conduire à faire dévier l'eau vers des habitations voisines, et donc à un transfert du risque. Le fonds Barnier, dans la mesure où il agit à l'échelle des collectivités territoriales, peut permettre une meilleure cohérence entre les mesures de prévention réalisées par les particuliers.

Recommandation : favoriser la réalisation de travaux de prévention des risques par les particuliers via le fonds Barnier.

b) Une meilleure articulation est nécessaire entre les travaux de préventions et ceux de rénovation énergétique menés par les particuliers

Quelle que soit l'option retenue, la création d'un fonds ad hoc (en contradiction avec la volonté affichée de vouloir simplifier et rationaliser l'action publique) ou une extension du fonds Barnier, il est indispensable de prévoir une meilleure articulation entre les dépenses de prévention et les dépenses de rénovation énergétique.

Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes pose la question de l'inclusion des dépenses de prévention du retrait-gonflement des argiles parmi les dispositifs d'aide à la rénovation énergétique : « La question reste en revanche posée de l'inclusion de travaux d'adaptation des logements aux risques d'inondation et de phénomènes de retrait-gonflement des sols argileux dans le dispositif de soutien à la rénovation, aujourd'hui centré sur la rénovation énergétique »75(*). Cette proposition peut être étendue non seulement au RGA, mais à l'ensemble des travaux de prévention des catastrophes naturelles.

Les rénovations globales sont des travaux lourds, qui, lorsqu'ils ne sont pas réalisés au moment de la mutation, peuvent conduire les ménages à quitter leur logement pendant plusieurs mois, et qui par conséquent sont entrepris très rarement dans la vie d'une habitation. Les travaux de prévention des risques peuvent également être très contraignants, et il est compréhensible qu'un ménage, après avoir entrepris une rénovation globale, ne souhaite pas mener des travaux supplémentaires. Par ailleurs, ces travaux successifs peuvent concerner les mêmes éléments constitutifs du logement. Par conséquent, il est logique d'inciter les ménages qui entreprennent une rénovation globale à réaliser, dans le même temps, des travaux de prévention des risques. Dit autrement, il convient de ne pas « louper le coche » de d'adaptation d'un logement au changement climatique.

Recommandation : rendre obligatoire la réalisation d'un diagnostic de prévention des risques au moment du lancement de travaux de rénovation énergétique globale, et inciter à la réalisation de travaux de prévention des risques à cette occasion.

En sens inverse, la rénovation énergétique de logements fortement exposés au RGA, et pour lesquels aucune mesure de prévention n'est prise représente un gâchis de dépense publique. Le rapport du député Vincent Ledoux souligne à juste titre que : « la mission appelle l'attention sur le pilotage de ces financements dans les zones à risque RGA. Il serait inconséquent de rénover des logements sans avoir un minimum d'assurance sur leur résistance future à ce risque RGA. »76(*) En effet, à l'heure actuelle la vulnérabilité du bâti aux risques naturels ne fait pas partie des critères conditionnant le financement par MaPrimeRénov'.

Par conséquent, la mission Ledoux « est favorable à ce que l'aide « MaPrimeRénov' » soit conditionnée à un diagnostic minimal au regard du risque RGA, dans le cas des maisons individuelles les plus exposées à ce risque. »77(*) Le rapporteur spécial partage cette conclusion, et défend une solution plus radicale : MaPrimeRénov' ne devrait pas pouvoir être accordée aux logements qui présentent des risques trop importants, sauf si les travaux de prévention des risques nécessaires sont réalisés.

Recommandation : accorder MaPrimeRénov' aux logements qui présentent une exposition aux risques importante, uniquement sous réserve que les travaux de prévention des risques nécessaires aient été réalisés.

c) Le prêt à taux zéro « résilience » : une nouvelle solution de financement

Les prêts à taux zéro représentent des solutions de financement complémentaires pertinentes pour le domaine de la prévention. Ils présentent en particulier un véritable intérêt pour les ménages de classe moyenne, qui disposent de suffisamment de ressources pour rembourser un prêt, mais qui ne peuvent pas assumer l'ensemble des coûts de travaux qui, dans certains cas, peuvent se révéler être particulièrement lourds.

Un prêt à taux zéro est déjà mis en oeuvre dans le domaine de la rénovation énergétique. L'éco-PTZ « rénovation énergétique », a connu une progression importante sur les dernières, passant de 35 574 éco-PTZ émis en 2019 à 82 049 en 202278(*), à la faveur de l'augmentation des taux d'intérêt. Malgré l'augmentation des taux d'ailleurs, son coût est resté limité pour la puissance publique (42 millions d'euros en 2023, contre 39 millions d'euros en 2019), surtout lorsque celui est comparé au coût des subventions directes par MaPrimeRénov' (plus de 2 milliards d'euros en 2023).

Ce prêt peut être combiné à un dispositif de prêt garanti par l'État, sur le modèle de ce qui existe déjà pour la rénovation énergétique des bâtiments. En effet, le prêt avance rénovation peut bénéficier d'une garantie via le fonds de garantie pour la rénovation énergétique (FGRE), qui porte sur 75 % du crédit. Un dispositif de garantie similaire permettrait d'inciter les banques à la distribution de ce prêt.

Recommandation : créer un prêt à taux zéro « résilience » pour aider au financement des dépenses de prévention des risques des particuliers.

C. IL FAUT RÉTABLIR UNE COHÉRENCE ENTRE LES RECETTES ISSUES DES PRÉLÈVEMENTS SUR LA GARANTIE « CATASTROPHE NATURELLE » ET LES DÉPENSES DE PRÉVENTION DES RISQUES

1. Le champ du fonds Barnier doit être élargi au risque sécheresse ainsi qu'au recul du trait de côte

Le fonds Barnier est le principal outil de financement de la prévention des risques naturels majeurs de l'État, mais il ne couvre pas l'ensemble du champ des catastrophes naturelles. En effet, les risques finançables par le fonds Barnier sont distincts de ceux qui relèvent du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, bien que le prélèvement sur la surprime CatNat abondait le fonds jusqu'à sa budgétisation en 2021. Le fonds champ du fonds Barnier est le suivant :

- pour les expropriations, il peut être activé pour les risques prévisibles de mouvements et affaissements de terrain dus à une cavité souterraine, d'avalanches, de crues torrentielles ou à montée rapide ou de submersion marine. Ces risques doivent menacer gravement des vies humaines ;

- pour les travaux de prévention des risques, le champ du fonds Barnier recoupe celui des plans de prévention des risques naturels prévisibles, c'est-à-dire les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes et les cyclones79(*).

À l'heure actuelle, les mesures de prévention du retrait-gonflement des argiles (RGA) et du recul du trait de côte ne peuvent pas être financés par le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM - fonds Barnier). La raison avancée est que ces deux risques ne sont pas compatibles avec la « doctrine d'intervention » du fonds Barnier, qui prend en compte deux critères : les mesures de prévention envisagées doivent générer des économies sur le long terme, et les risques considérées doivent constituer une « menace grave » pour la vie humaine.

Ainsi, selon la direction générale de la prévention des risques (DGPR) : « Le RGA n'est pas considéré comme un risque naturel majeur au sens où il ne présente pas d'impact direct sur les vies humaines, ce qui est par essence la philosophie d'intervention première du fonds Barnier. »80(*) De même, le recul du trait de côte n'est pas considéré en tant que tel comme un « risque naturel majeur », celui-ci étant, en principe, un phénomène prévisible à cinétique lente81(*).

La « doctrine d'intervention » du fonds Barnier est basée sur l'article L. 561-1 du code de l'environnement, qui prévoit que l'État peut déclarer d'utilité publique l'expropriation de bien à la double condition que le risque considéré « menace gravement des vies humaines » et que « les moyens de sauvegarde et de protection des populations s'avèrent plus coûteux que les indemnités d'expropriation ». L'une des fonctions du fonds Barnier est de financer les indemnités d'expropriation qui ont été décidées sur ce fondement82(*).

Toutefois, si l'on s'en tient à la lettre de la loi, cette restriction ne s'applique en réalité qu'aux expropriations. Le code de l'environnement ne prévoit pas explicitement que les travaux de prévention doivent porter sur des risques qui menacent gravement la vie humaine83(*). L'article L. 561-3 énonce, pour le cas général, que « le fonds contribue à la prise en charge des études et travaux de prévention rendus obligatoires par un plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé ». L'article L. 562-1 prévoit que les plans de prévention des risques naturels (PPRN) prévisibles peuvent être élaborés pour un certain nombre de risques, qui sont listées, mais n'évoque pas de conditions relatives à la préservation de la vie humaine. En outre, le fonds Barnier peut déjà financer des travaux qui portent sur des risques qui ne menacent pas directement la vie humaine dans la zone dite des 50 pas géométriques en outre-mer, sans que ceux-ci ne soient prescrits par un PPRN84(*).

Les restrictions du fonds Barnier étaient également justifiées par la volonté de ne pas favoriser l'aléa moral en faisant bénéficier les acheteurs d'un bien d'une forme de « garantie illimitée » de l'État. Ainsi, le Conseil d'État, dans son avis rendu au sujet de la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement, qui a créé le fonds Barnier, insistait sur la nécessité d'« éviter d'instaurer un droit à indemnisation en faveur de tous les citoyens qui sont installés dans une zone exposée à un risque naturel habituel qu'ils ont délibérément choisi de négliger »85(*).

Toutefois, le critère retenu, la menace envers la vie humaine, n'a pas pour effet de réduire l'aléa moral, et au demeurant, les questions de l'indemnisation de l'expropriation et du financement de la prévention doivent être traitées de manière différenciées86(*). Pour toutes ces raisons, il est souhaitable, en ce qui concerne le volet « prévention » du fonds de Barnier, de privilégier le critère des économies sur le long terme pour définir les dispositifs qui devraient être ou non éligibles à une subvention.

Dans son rapport de contrôle sur le RGA, le rapporteur spécial soutenait déjà un élargissement du fonds Barnier au risque sécheresse. En particulier, il relevait que les mesures de prévention dites « horizontales », qui sont encore à l'étude, pouvaient potentiellement générer des économies importantes, et le fonds Barnier serait tout à fait dans son rôle en participant au financement de leur expérimentation.

Mesures « verticales » et « horizontales de prévention
du retrait-gonflement des argiles

Les mesures verticales désignent les opérations qui agissent directement sur la structure du bâtiment. Elles peuvent par exemple consister en une rigidification de la structure par l'injection de résine, ou en l'installation de micropieux au niveau des fondations. Ces mesures ont une efficacité prouvée, et elles sont également utilisées pour redresser des bâtiments fragilisés par le RGA.

Les mesures horizontales répondent à une logique différente : elles consistent à agir sur l'environnement du bâtiment, afin de limiter en amont du sinistre la variation de la teneur en eau du sol. Elles peuvent notamment désigner des techniques d'imperméabilisation de la surface du sol aux abords direct de la surface du bâti, afin de limiter l'évaporation sur la surface. D'autres solutions consistent à agir sur la végétation, avec par exemple l'installation d'écrans anti-racinaires.

Les coûts de ces deux ensembles de techniques diffèrent sensiblement. La Cour des comptes, qui s'appuie sur des données transmises par le ministère de la transition écologique, évalue que le coût des mesures verticales se chiffre à plusieurs dizaines de milliers d'euros.

En revanche, les mesures qui portent sur l'environnement du bâti présentent un coût nettement moins élevé que les mesures curatives. La CCR estime que le coût des mesures horizontales varie de 5 000 euros à 35 000 euros, selon le nombre de mesures réalisées, avec une moyenne se situant aux alentours de 10 000 euros.

L'« initiative sécheresse », lancée le 12 septembre 2023 par Frances assureurs, la CCR, et la Mission risques naturels (MRN) a vocation à définir une démarche de prévention pérenne pour les maisons existantes exposées et non sinistrées.

Source : rapport d'information n° 354 (2022-2023) de Mme Christine Lavarde fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti

L'extension du fonds Barnier à la prévention du recul du trait de côte doit également être étudiée.

Contrairement au risque sécheresse, le recul du trait de côte n'est pas intégré au régime d'indemnisation des catastrophes naturelles. L'une des raisons est que le recul du trait de côte est un risque prévisible, et donc que sa prise en charge pourrait favoriser l'aléa moral, c'est-à-dire encourager l'achat de logements dont l'exposition au risque est connue. La mission conduite par l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD) et l'inspection générale de l'administration (IGA) sur le financement du recul du trait de côte rappelle ce principe : « Elle [la mission] a rejeté tout dispositif d'indemnisation, ceux-ci étant déresponsabilisants et ruinant tout effort de politiques publiques de prévention des risques »87(*).

La problématique de la prévention est toutefois différente de celle de l'indemnisation des sinistres : il s'agit de protéger le bâti existant, et l'aléa moral est limité par le fait que le financement des mesures de réduction de vulnérabilité du bâti par le fonds Barnier n'est pas un droit, mais doit s'inscrire dans une stratégie de prévention des risques menée à l'échelle locale.

De plus, la progression du recul du trait de côte conduit à l'intensification des submersions marines ainsi que des mouvements de terrain, qui eux sont éligibles au fonds Barnier. Dans son dernier rapport annuel, la Cour des comptes rappelle bien l'imbrication de ces phénomènes : « Enfin, l'érosion peut être fortement imbriquée avec les deux risques naturels majeurs que sont, d'une part, la submersion marine, en particulier dans les zones basses dont les dunes peuvent être fragilisées par le recul du trait de côte et, d'autre part, les mouvements de terrain, comme dans les secteurs à falaise, où les actions marines et continentales se cumulent. Dans ces deux cas, le traitement de l'érosion côtière peut bénéficier des facilités de financement du « fonds Barnier », selon l'appréciation des services de l'État. »88(*)

Il est donc en réalité artificiel de distinguer la prévention et l'atténuement du recul du trait de côte et les mesures de protection face aux submersions marines : agir sur le trait de côte joue déjà un rôle de prévention sur les submersions marines.

Il ne s'agit bien entendu pas de faire en sorte que l'ensemble des bâtiments exposés au risque puissent être financés par le fonds Barnier. Le rapporteur spécial partage la recommandation du rapport de l'IGDD et de l'IGA, selon laquelle tout co-financement public d'ouvrages de protection devrait être assis sur une stratégie locale, et une « méthode d'analyse socio-économique des projets de protections contre l'érosion » pourrait être dans le même temps développé par le Céréma89(*). En cela, le déplacement du village de Miquelon, sur le territoire de la collectivité de Saint-Pierre-et-Miquelon, qui a bénéficié d'une subvention du fonds Barnier, donne un bon exemple du type de projets qui pourrait être financés de cette manière.

Déplacement du village de Miquelon

Le rapporteur spécial a auditionné le préfet de Saint-Pierre-et-Miquelon, pour comprendre comment est préparé le projet de déplacement du village.

Le village de Miquelon-Langlade, qui comprend environ 600 habitants, est en cours de déplacement depuis 2018. Le village faisait en effet face à un risque de disparition, en raison de l'érosion côtière et des submersions marines. C'est au titre de ce dernier risque que ce projet a été financé par le fonds Barnier.

Le préfet a souligné en particulier l'utilité de l'« atelier des territoires », qui avait été mis en place pour instaurer un dialogue entre les différentes personnes concernées par le projet. Le déplacement a également été facilité par le fait que l'île de Miquelon dispose de nombreux espaces « libres », qui appartiennent à la collectivité.

Source : commission des finances

Recommandation : étendre le fonds Barnier à des mesures de prévention ciblées pour le risque sécheresse et le recul du trait de côte.

2. Il faut rétablir une cohérence entre le fonds Barnier et le taux de prélèvement de la surprime

Depuis la budgétisation du fonds Barnier décidée par l'article 85 de la loi de finances pour 202190(*), le prélèvement de 12 % sur la surprime CatNat n'est plus affecté au fonds Barnier.

Cela ne signifie pas que ce prélèvement ait disparu : une nouvelle taxe a été créée à l'article 235 ter ZE du code général des impôts, qui reprend l'assiette et le taux exacts du prélèvement sur la surprime CatNat, mais qui est désormais entièrement affectée au budget général de l'État. Par conséquent, les montants attribués au fonds Barnier sont décorrélés du taux de la surprime, et le relèvement de cette dernière de 12 % à 20 % n'aura aucun effet automatique sur ces financements, contrairement à une opinion répandue.

La budgétisation du fonds Barnier devait permettre au Parlement de se prononcer sur les dépenses du fonds, de simplifier sa gestion et de donner une plus grande visibilité et stabilité sur ses financements. La commission des finances du Sénat avait, pour toutes ces raisons, soutenu la budgétisation91(*). En revanche, la réforme ne devait pas se traduire par une diminution des financements consacrés à la prévention des risques par rapport aux prélèvements sur les contrats d'assurance. D'ailleurs, au moment de la budgétisation, les sommes allouées au fonds Barnier ont été relevées de 137 millions d'euros à 205 millions d'euros, les rapprochant de ce qui était effectivement prélevé sur les contrats assureurs en 2021.

Or, on constate aujourd'hui un décalage entre les financements du fonds Barnier, qui sont restés inchangés hors situations exceptionnelles, et la taxe de l'article 235 ter ZE du code général des impôts : en 2023, le produit de cette taxe a atteint 273 millions d'euros, tandis que le fonds Barnier s'élevait à 205 millions d'euros.

Évolution comparée des montants attribués au fonds Barnier
et du produit du prélèvement sur la garantie « CatNat »
(article 235 ter ZE du code général des impôts après 2021) entre 2015 et 2023

(en millions d'euros)

Note 1 : dans les ressources du fonds Barnier antérieures à 2021, ne sont pas incluses le produit du reversement des exercices antérieurs, qui se situaient en général entre 10 et 20 millions d'euros.

Note 2 : l'abondement de 30 millions d'euros en 2022 fait suite à la tempête Alex qui a touché le département des Alpes Maritimes. Dans la loi de finances initiale pour 2024, le fonds Barnier a également fait l'objet d'un abondement exceptionnel de 20 millions d'euros.

Source : commission des finances

Les conséquences de cet écart ne devraient pas être sous-estimées : l'acceptabilité de la taxe sur la garantie « CatNat » est liée à la connaissance que les dépenses iront effectivement à la prévention des risques. Cette entorse au principe d'universalité budgétaire était justifiée par la spécificité du régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, qui bénéficie de la garantie illimitée de l'État. Il serait incompréhensible pour l'ensemble des acteurs de l'assurance et de la prévention des risques que le relèvement du taux de la surprime ne se traduise pas par un rehaussement parallèle des financements du fonds Barnier, ou du moins, des dépenses destinées à la prévention des risques.

Il sera bien sûr possible, et même nécessaire, dès le prochain projet de loi de finances de rehausser les montants destinés au fonds Barnier afin de les rendre cohérents avec le relèvement du taux de la surprime.

Toutefois, cette solution ne serait pas la plus adaptée sur le long terme au regard du mécanisme de relèvement automatique du taux de surprime proposé supra : à moins de rehausser les financements du fonds Barnier tous les ans, un nouvel écart entre les dépenses de prévention et les prélèvements effectués au titre de l'article 235 ter ZE du code général des impôts finirait rapidement par apparaître.

On pourrait en revanche envisager de retracer les sommes collectées à l'article 235 ter ZE dans le projet annuel de performance de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Le financement de la prévention des risques dans ensemble serait ensuite justifié au regard de ce montant. En particulier, cela permettra d'inscrire chaque année sur le fonds Barnier un montant cohérent avec les sommes récoltées sur les contrats d'assurance.

Recommandation : inscrire chaque année sur le programme 181 un montant de financement du fonds Barnier cohérent avec les sommes collectées au titre de l'article 235 ter ZE du code général des impôts. Retracer le montant de cette taxe dans le projet annuel de performance de la mission « Écologie, mobilité et développement durable », et justifier le financement de la politique de prévention des risques au regard de ce montant.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 15 mai 2024 sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a entendu une communication de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Le sujet des catastrophes naturelles est d'actualité pour notre commission : la semaine prochaine, j'aborderai plus spécifiquement le phénomène du retrait-gonflement des argiles (RGA). Créé en 1982, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles, dit « régime CatNat », a connu un certain nombre d'évolutions. Pour rappel, le régime privé classique prend en charge tous les risques aléatoires, quantifiables et soutenables économiquement pour les assurés, ce qui signifie que le niveau de prime qui leur est demandé afin de couvrir le risque reste raisonnable au regard de leurs capacités. Dès lors qu'un risque ne répond plus à ces trois caractéristiques, il sort du système assurantiel privé pour basculer dans le système assurantiel public-privé des catastrophes naturelles.

Ce régime CatNat est aujourd'hui confronté au phénomène du réchauffement climatique : avec la hausse des températures, l'enjeu tient désormais davantage à la volatilité et à l'intensité des catastrophes qu'à leur fréquence. Face à des pics de sinistralité très élevés, le maintien d'une intervention publique est justifié. À l'issue des événements du mois de décembre dernier, et notamment des tempêtes, certains ministres se sont interrogés sur la pertinence d'une refonte du périmètre du régime CatNat, une question que je m'étais également posée l'année dernière à l'occasion du contrôle portant sur le risque lié au phénomène de RGA, me demandant s'il n'était pas appelé à basculer dans le système privé.

Après analyse, il ne semble pas judicieux de faire évoluer le périmètre du régime CatNat, en intégrant par exemple les tempêtes, la grêle et la neige, dans la mesure où ces risques sont déjà couverts par le régime assurantiel ordinaire. De la même manière, il ne semble pas pertinent d'y intégrer le recul du trait de côte, quand bien même le phénomène de submersion marine fait partie du régime CatNat. Le risque lié au RGA, quant à lui, doit rester dans le régime, même si des réassureurs privés pourraient, à l'avenir, assumer une partie du rôle aujourd'hui joué par la Caisse centrale de réassurance (CCR).

J'en viens aux différents acteurs, à commencer par les assurés, qui financent le régime. Les assureurs, auprès desquels sont souscrits les contrats d'assurance, collectent de manière automatique la surprime CatNat, répercutées, ainsi que la « surprime de la surprime » qui finançait le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), plus communément appelé le fonds Barnier, avant sa budgétisation en 2021. Il existe, parallèlement, un mécanisme de réassurance : si elle peut être en théorie assumée par le secteur privé, la CCR couvre dans la pratique 95 % du marché. Le rôle de la CCR ne se limite d'ailleurs pas aux catastrophes naturelles, puisqu'elle couvre également les risques terroristes et technologiques.

La surprime versée par l'assuré va pour moitié à l'assureur et pour moitié à la CCR, et permet d'indemniser les sinistrés. Sans aller dans le détail de la procédure permettant d'obtenir le statut de sinistré, je rappelle que celle-ci a évolué avec la loi du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles - loi Baudu -, ainsi qu'avec différents textes d'application de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Lorsque le sinistre est reconnu comme relevant du régime CatNat, son coût est évalué et donne lieu à une indemnisation versée pour moitié par l'assureur et pour moitié par la CCR.

En apparence complexe, ce « partenariat public-privé » permet de garantir une mutualisation des portefeuilles des assureurs, qui ne sont pas répartis de manière homogène sur le territoire. Il ne subsiste, par exemple, que deux compagnies d'assurances dans les départements d'outre-mer (DOM), alors que ces territoires sont fortement exposés au risque cyclonique. En l'absence d'une telle mutualisation, les primes payées par les assurés pourraient varier de un à trente : le dispositif permet donc de partager le risque entre assureurs et réassureurs. Ce système est spécifique à la France ; à l'inverse, les assureurs peuvent refuser de couvrir vos risques, comme c'est le cas aux États-Unis ; plus proche de nous, l'Espagne a mis en place un système dans lequel le réassureur perçoit 100 % des primes ; dans d'autres pays enfin, seul le régime assurantiel classique existe.

Dans le détail, la surprime est acquittée par toutes les personnes ayant souscrit un contrat multirisque habitation ou un contrat automobile, avec un taux s'élevant respectivement à 12 % et à 6%. À compter du 1er janvier 2025, ledit taux passera à 20 % sur le contrat habitation et à 9 % sur le contrat automobile. Cette très forte hausse intervient alors que la nécessité d'augmenter les recettes du système avait déjà été soulignée par différents rapports au cours des dernières années, mais le Gouvernement a procrastiné et n'a adopté le texte réglementaire correspondant que le 22 décembre, à une période qui a permis de passer la hausse sous silence. Cette augmentation ne sera pourtant pas neutre pour les assurés : là où ils financent actuellement le régime CatNat à hauteur de 23 euros par an, ils y consacreront environ 40 euros par an à partir de 2025.

Pour 1,9 milliard d'euros collecté pour le régime CatNat en 2022, les particuliers ont versé 1 milliard d'euros et les entreprises 750 millions d'euros, tandis que 130 millions d'euros ont été versés au titre des contrats automobiles.

Le déséquilibre du régime avait été largement documenté : avec un taux de surprime de 12 %, le ratio sinistres-primes s'établissait à 128 %. Avec l'augmentation du taux de surprime, il devrait être ramené à 77 %, ce qui permettrait donc de retrouver un équilibre, au moins à court terme. Cela m'amène à ma première préconisation, qui consiste à mettre en place une indexation automatique du taux de surprime, d'autant que celle-ci a vocation à croître fortement, avec des variabilités considérables selon les scénarios d'augmentation des températures qui se réaliseront.

L'État, quant à lui, intervient dès lors que le seuil de 90 % des réserves de la CCR est atteint. La garantie de l'État n'a été mobilisée qu'une seule fois depuis la création du régime, en 2000 sur l'exercice 1999, à l'occasion des tempêtes Lothar et Martin. Cela étant, le risque d'en appeler à l'État devient chaque année un peu plus élevé, car les réserves du régime CatNat se sont nettement amoindries : alors qu'elles s'élevaient à 3 milliards d'euros fin 2021, elles s'étaient réduites à 2 milliards d'euros fin 2022 et n'étaient plus que de 500 millions d'euros à 600 millions d'euros fin 2023. De fait, les provisions d'égalisation sont désormais quasi nulles, alors qu'elles s'établissaient encore à 1,2 milliard d'euros à la fin de l'année 2021. Par conséquent, le risque d'un recours à la garantie illimitée de l'État est croissant.

Il le sera d'autant plus dans le futur, puisque la sinistralité est appelée à augmenter fortement. En 2020, le coût des événements à indemniser était de 2 milliards d'euros ; à l'horizon 2050, les différentes projections laissent entrevoir des montants allant de 3 milliards d'euros à 3,8 milliards d'euros, soit des montants qui ne pourront pas être couverts par l'augmentation du taux de surprime à 20 %. Cette hausse des coûts est liée à l'augmentation de la fréquence et de l'intensité des événements, sous l'effet du réchauffement climatique, ainsi qu'à l'augmentation intrinsèque de la valeur des biens assurés. En ne tenant compte que des impacts du changement climatique, la sinistralité augmentera de 40 % ; en intégrant l'augmentation de la valeur des biens, cette hausse sera de 60 %.

Au sein même du régime CatNat, des distorsions sont à l'oeuvre. Au cours des trente premières années d'existence de ce régime, les inondations ont été majoritaires puisqu'elles représentaient la moitié des indemnités versées, la sécheresse 42 % et les autres risques 8 %. Sur les dix dernières années, on constate déjà une modification de la répartition puisque la sécheresse représente désormais 52 % des indemnités, contre 32 % pour les inondations et 16 % pour les autres risques. À l'avenir, le poids du RGA devrait augmenter fortement, avec une volatilité qui pourrait être considérable selon les scénarios de hausse de température. Les indemnités versées au titre de la sécheresse devraient avoisiner 43 milliards d'euros entre 2020 et 2050, contre 13,8 milliards d'euros sur la première période d'existence du régime. Ce triplement tient pour environ 20 % à l'élargissement des critères d'indemnisation introduit par la loi relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles de décembre 2021, dite « loi Baudu », et pour le reste à l'impact du changement climatique.

Pour ce qui est de la sinistralité relative aux inondations, la hausse devrait être comprise entre 6 % et 19 %. Parallèlement, le risque de submersion marine augmentera assez significativement.

Une fois ce constat posé, j'en viens aux propositions, avec un premier volet consacré aux moyens de mieux protéger les assurés, notamment pour mieux prendre en compte la détresse des sinistrés lorsque leur situation n'est pas reconnue comme relevant des catastrophes naturelles. Lorsque je vous avais présenté un point spécifique sur le RGA l'année dernière, je vous avais indiqué qu'un sinistré sur quatre était éligible à une indemnisation au titre du régime CatNat. Parmi les communes affectées par le phénomène, seule une sur deux était en effet éligible à cette indemnisation dans le cadre de l'ancien régime - même s'il devrait progresser à la suite de récentes modifications -, tandis que seulement la moitié des dossiers déposés dans ces communes ouvrait droit à une indemnisation.

Parmi les préconisations les plus saillantes, l'une concerne l'expertise, qui joue un rôle clé. L'expert, en effet, décidera si la situation du sinistré relève du régime CatNat, puis communiquera le montant de l'indemnité versée par la compagnie d'assurances. Disons-le simplement : il existe une forte présomption d'un manque d'indépendance des experts, d'où découle une forte défiance de la part des sinistrés. Afin d'y remédier, je préconise l'interdiction des liens capitalistiques entre la compagnie d'assurances et la société d'experts qui est mandatée. En outre, certains experts peuvent être rémunérés en fonction de l'indemnité proposée, ce qui est également insatisfaisant.

Par ailleurs, il semble judicieux de rétablir la possibilité d'utiliser librement son indemnité d'assurance : si une compagnie d'assurances ne vérifie jamais si vous avez utilisé votre indemnité versée au titre d'un dégât des eaux pour repeindre un mur, l'ordonnance du 8 février 2023 a explicitement précisé que l'indemnité versée au titre du RGA devait être utilisée pour réparer le bien endommagé. Or une telle utilisation peut être dénuée de sens, car un sinistré peut préférer un déménagement à la réparation de son bien. De la même manière, une partie des victimes des récentes inondations à répétition dans le Pas-de-Calais ont pu exprimer le souhait de quitter leur domicile.

Il faut donc laisser cette possibilité d'utiliser librement l'indemnité d'assurance, la jurisprudence allant plutôt dans ce sens. En revanche, il convient d'assortir ce principe d'une obligation de céder le bien endommagé, afin qu'il ne soit pas utilisé à des fins de location ou pour une autre activité économique. Les biens laissés vacants devront donc être remis gratuitement aux communes : libres à elles, ensuite, de décider de leur utilisation. Cette solution me paraît préférable à celle qui consiste à imposer aux sinistrés de rester chez eux, quitte à ce qu'ils soient à nouveau victimes d'inondations ou de fissures dans leur habitation deux ou trois ans après.

Une autre préconisation a trait à un sujet évoqué par le Premier ministre lors de son discours de politique générale devant le Sénat, à savoir le fait que certains territoires ne pourront plus être assurés. Nous n'avons pas réussi à caractériser un phénomène d'éviction massif dans le secteur de l'assurance : le bureau central de tarification (BCT) - en quelque sorte l'assureur en dernier ressort - nous a indiqué qu'il ne recevait au mieux que cinq dossiers par an d'assurés venant l'informer qu'ils s'étaient vu refuser la souscription d'un contrat ouvrant droit à la garantie CatNat. Précisons cependant que le requérant ne peut que difficilement apporter la preuve que ce refus est lié à l'importance du risque de catastrophes naturelles : en retenant une présomption de refus pour ce motif, la charge de la preuve incomberait à l'assureur, ce qui permettrait au BCT d'obliger les compagnies à présenter une proposition d'assurance à un tarif qui resterait raisonnable. J'insiste sur ce point : les assurés doivent pouvoir choisir une proposition économiquement soutenable, ce que permet justement le régime CatNat grâce à la mutualisation du risque.

La situation des DOM est, quant à elle, particulière, avec un taux de couverture assurantielle bien plus faible et une assurance multirisque habitation peu souscrite. Nous n'avons pas réussi à en déterminer les causes exactes, qui pourraient tenir à des niveaux de primes très élevés.

Le second volet des préconisations a trait à l'amélioration de la prévention, avec l'idée que toute action réduisant le risque dès à présent sera de nature à diminuer la sinistralité à l'avenir et donc à garantir la soutenabilité financière du régime CatNat. Persuadée qu'il convient d'inciter les personnes à mettre en place des politiques de prévention, j'estime qu'il ne faut pas « punir » de la même manière l'assuré qui s'est inscrit dans une démarche de prévention et celui qui n'a rien entrepris le jour où un sinistre survient. En pratique, la punition prend la forme de la franchise qui reste à charge : il conviendrait de moduler cette dernière en la diminuant pour les assurés ayant adopté des mesures de prévention. Cette logique existe d'ailleurs déjà pour les entreprises qui assurent plus de 300 mètres carrés, reste à l'appliquer aux particuliers.

Mieux prévenir, c'est aussi renforcer les règles de construction pour le RGA : si la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Élan) a apporté des premiers éléments en prévoyant des études, celles-ci ne sont que de niveau G1, alors qu'un niveau G2 serait requis pour déterminer la nature des fondations à réaliser. De plus, ces études devraient être communiquées au moment de la vente du terrain, sous peine de voir des ménages acquérir un terrain et se voir signifier par le constructeur que des fondations à 6 mètres seront nécessaires, ce qui entraînerait des coûts bien plus élevés que des fondations à 1,5 mètre, soit le régime de base de la loi Élan. L'Espagne, dont la nature géologique est assez proche de celle de la France, impose, pour sa part, des fondations bien plus profondes et présente une sinistralité RGA bien plus faible. J'entends déjà l'objection selon laquelle il en résultera une augmentation des coûts de construction, mais je rappelle qu'une habitation est un bien durable et qu'il vaut mieux accepter de payer 5 000 euros supplémentaires lors de la construction pour éviter ensuite une sinistralité bien plus lourde.

S'agissant des autres risques, il me paraît aujourd'hui inconcevable de continuer à effectuer des rénovations globales dans des habitations qui ne sont pas résilientes au changement climatique. La rénovation d'une maison qui sera inondée demain ou qui se trouve en risque RGA fort a-t-elle du sens ? Non. Les rénovations globales devraient donc être couplées à des études de risques, ainsi qu'à la mise en place de mesures de prévention, afin de rendre les habitations résilientes aux aléas climatiques. Parallèlement, des travaux d'adaptation au changement climatique ne devraient pas être effectués sur des passoires thermiques : il faudrait donc s'assurer d'une complète porosité entre MaPrimeRénov' et une nouvelle prime pour la résilience, en tâchant de construire des habitations durables. Le financement de cet effort, en particulier pour les ménages les plus précaires, pourrait s'appuyer sur un prêt à taux zéro (PTZ), sans oublier le fait que les ressources destinées à financer la prévention des risques sont déjà collectées auprès de l'ensemble des assurés par le biais de la surprime.

Il est d'ailleurs impossible de passer sous silence la scandaleuse déconnexion entre les recettes de la taxe sur la surprime CatNat et le montant du fonds Barnier. Certes, ce dernier a opéré un saut quantitatif entre 2020 et 2021 en passant de 131,5 millions d'euros à 200 millions d'euros ; pour autant, ce montant reste significativement plus faible que les 273 millions d'euros collectés auprès des assurés en 2023, et sera en 2025, à la suite du relèvement du taux de surprime, bien plus modeste que les 450 millions d'euros qui devraient être collectés. En résumé, les particuliers et les entreprises verseront 450 millions d'euros au titre de la prévention des risques naturels alors que seulement 200 millions d'euros seront, bon an mal an, inscrits au budget.

Cette situation est anormale et pose problème, en termes d'acceptabilité, pour des sinistrés qui ne parviennent pas à être indemnisés ou pour des personnes qui ne peuvent pas financer les travaux d'adaptation. Il faudra donc s'assurer d'une transparence totale des montants collectés auprès des assurés, ainsi que des dépenses que consacre l'État à la prévention des risques naturels. Tous les flux ne doivent pas nécessairement transiter par le fonds Barnier - le fonds vert peut appuyer des actions de prévention -, mais, in fine, 450 millions d'euros devront être consacrés à la prévention des risques naturels majeurs.

Enfin, je préconise une extension du fonds Barnier au RGA et à la lutte contre le recul du trait de côte, qui en sont aujourd'hui totalement exclus, ainsi qu'un renforcement de l'utilisation de ce fonds par les particuliers.

M. Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Merci de m'avoir convié. Ce rapport vient opportunément répondre à une lacune que nous avions eu l'occasion de souligner lors de l'examen de la loi Baudu, à savoir l'absence totale d'un volet financier. En complément d'un régime CatNat imaginé il y a quarante ans, ladite loi a eu le mérite de revenir sur les aspects organisationnels et de faciliter les démarches pour les maires - avec la création d'un référent départemental, par exemple - et pour les assurés.

Vos propositions me conviennent tout à fait. La démarche me semble similaire à celle qui a été adoptée lors de l'examen de la loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie : la mesure préconisée pour les franchises procède exactement du même mécanisme que celui qui a été mis en place pour les obligations légales de débroussaillage. Je prends en compte l'ensemble des recommandations, même si j'aurais sans doute accordé la priorité à la prévention, en l'abordant avant les problématiques assurantielles.

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Si la commission des finances valide ce rapport, une proposition de loi sera déposée dans la foulée sur les aspects relevant de ses compétences. J'espère que la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable se saisira de ce texte pour le compléter.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les propositions formulées permettront de répondre à une partie des demandes en associant en particulier le public et le privé, par le biais d'un financement auquel contribuent tous les assurés, c'est-à-dire une très grande majorité de Français. Je préfère cette solution à un énième renvoi à la responsabilité du seul État.

Par ailleurs, il ne faudra pas perdre de vue celles et ceux, communes ou particuliers, qui resteront à l'écart, du moins au début parce que leurs dossiers ne sont pas reconnus.

Le coût des travaux que devront entreprendre les particuliers sera très important. Plus globalement, il faudra examiner, au-delà du bâti neuf, les dossiers actuels, des corrections étant déjà apportées sur du bâti ancien, et pas uniquement sur des lotissements construits dans les années 1970.

Enfin, il est certain que les sommes utilisées pour le fonds Barnier doivent être mieux dépensées et surtout mieux connues. La formule de l'indexation me paraît être une bonne solution : d'ailleurs, si les réserves du fonds venaient à être trop importantes en raison d'une moindre sinistralité, nous pourrions décider, par une mesure adoptée dans le cadre du projet de loi de finances, de bloquer l'indexation. Je salue, à nouveau, ce travail colossal qui permet de mieux cerner d'énormes enjeux.

Mme Marie-Claire Carrère-Gée. - Je m'interroge sur les modalités pratiques d'une diminution des franchises en cas d'adoption de mesures de prévention : si le cas du débroussaillage qui a été cité est simple à comprendre face au risque incendie, quelles pourraient être les mesures de prévention pour des catastrophes naturelles ? Comment apprécierait-on la nécessité d'adopter ou non ces mesures, afin d'éviter toute injustice ? Pourrait-il s'agir de diagnostics obligatoires des habitations ? L'idée de cette diminution semble séduisante, mais sa mise en oeuvre paraît complexe.

M. Didier Rambaud. - Je souligne la grande qualité pédagogique du rapport. Parmi vos recommandations, la treizième, qui conduirait à conditionner l'attribution de MaPrimRénov' à la réalisation de travaux de prévention des risques me conduit à m'interroger cependant, car il s'agit d'une contrainte supplémentaire alors que nous nous plaignons régulièrement de l'empilement des normes. Il sera difficile, en particulier, d'expliquer aux agriculteurs qu'ils ne pourront pas bénéficier de MaPrimeRénov' pour ce motif.

Mme Ghislaine Senée. - Je ne partage pas toutes les propositions concernant la prise en charge du phénomène du RGA mais nous aurons l'occasion d'en reparler prochainement.

Par ailleurs, ce rapport permet sans doute d'exercer une forme de pression alors que le ministre de la transition écologique s'apprête à présenter le plan national d'adaptation au réchauffement climatique (Pnacc) : peut-être serait-il possible d'y intégrer un certain nombre de propositions.

Je partage l'attention portée à la prévention et souligne qu'il existe là une réelle opportunité pour accélérer la transition énergétique du bâti, qu'il soit neuf ou surtout ancien. Le RGA, qui affecte un grand nombre d'habitations, constitue aussi un levier pour le secteur du bâtiment, actuellement en proie à des difficultés économiques : la rénovation pourrait donc avoir des effets vertueux pour la croissance et pour l'emploi.

De manière générale, la solidarité nationale reste un enjeu prioritaire. Certains sinistrés vivent dans des passoires thermiques et sont dépourvus des moyens de lancer des procédures face aux refus des experts de les indemniser au titre du RGA. Ils sont parfois obligés de tout abandonner et vivent dans des conditions fortement dégradées. D'autres assument le coût des travaux, mais peuvent avoir à débourser 150 000 euros au bas mot, simplement pour rendre leur maison à nouveau habitable et vendable. Il est urgent d'apporter une réponse à ces cas, de plus en plus nombreux et préoccupants.

M. Thierry Cozic. - Je salue la qualité de ce travail, qui dépoussière un sujet complexe. Le renforcement des règles de construction dans les zones exposées au RGA me semble tout à fait pertinent. En revanche, à l'instar de mon collègue Didier Rambaud, je suis très réservé sur le conditionnement de l'attribution de MaPrimeRénov' à la réalisation de travaux de prévention des risques, tout comme sur la perspective de créer un PTZ visant à aider au financement des dépenses de prévention des particuliers.

À titre de retour d'expérience, je rappelle que les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) pouvaient donner lieu à un accompagnement allant jusqu'à 90 % du montant des travaux. Cependant, pour en avoir mis un en oeuvre, je souligne les difficultés pour les ménages à faibles revenus d'assumer ne serait-ce que 10 % de ces coûts, même avec des mesures d'étalement des paiements. Je tiens à vous alerter sur un point, le principe du PTZ est intéressant, mais la mise en pratique s'avère bien plus complexe.

M. Laurent Somon. - Les phénomènes s'amplifient et méritent qu'on s'y attarde. J'aurais la même remarque sur la treizième recommandation, en y ajoutant une interrogation : en raison des pluies diluviennes et des éboulements qui les affectent régulièrement, toutes les zones montagneuses seront-elles considérées comme des zones à risques et donc pénalisées par une absence de soutien à la rénovation ?

Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial. - Je rappelle que MaPrimRénov' est financée par de l'argent public : jugez-vous opportun de l'investir pour changer les huisseries d'une habitation qui sera inondée ou fissurée, alors qu'une mutualisation des coûts permettrait d'engager des rénovations plus globales ? Tel est le sens de cette treizième recommandation. Les particularités des zones montagneuses devront bien sûr être prises en compte, en intégrant le risque de coulée de boue, peu fréquent, mais potentiellement très destructeur.

J'y insiste, est-il logique de procéder à la rénovation thermique d'une maison qui se trouve dans une zone qui sera exposée au risque de submersion marine à un horizon de trente ans ? Tel ne me semble pas être le rôle de la puissance publique.

S'agissant du plan d'adaptation du ministère de la transition écologique, nous pourrons sans doute être une source d'inspiration : les différentes auditions que nous avons menées nous ont montré que ce plan est loin d'être prêt, alors que nous ne pouvons pas continuer à attendre. Il importe d'agir plus rapidement, d'autant que le deuxième volet de la loi Baudu, consacré au financement et à la soutenabilité du régime, n'est jamais arrivé en dépit des promesses.

Pour ce qui est de la modulation de la franchise, j'observe qu'un certain nombre de compagnies d'assurances proposent la réalisation gratuite de diagnostics afin de réduire la vulnérabilité des assurés. En outre, un outil public, la plateforme Géorisques, a récemment été déployé et permet d'identifier les aléas naturels ainsi que les risques existant dans une zone donnée, en renseignant simplement son adresse. En fonction des informations fournies par cet outil, l'assuré pourra adopter des mesures de prévention adaptées. Ces dernières ne sont pas nécessairement coûteuses : il peut s'agir de couper des arbres à fort système racinaire situés à proximité d'une habitation, car ils accentuent le phénomène de RGA, ou encore d'installer des batardeaux en zone inondable. Ces mesures de prévention peuvent être mises en oeuvre et réduiront le coût de la sinistralité le jour où l'événement se matérialisera.

La commission a adopté les recommandations du rapporteur spécial et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Cabinet du Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires

- M. Samuel JUST, conseiller économie circulaire et prévention des risques ;

- Mme Charlotte LOGEAIS, conseillère planification, climat, air et transports ;

- Mme Lucile HERVÉ, conseillère parlementaire.

Secrétariat général à la planification écologique

- Mme Léa BOUDET, directrice du programme Financement et budget ;

- M. Jospeh HAJJAR, directeur du programme Climat.

Mme Sandrine ROUSSEAU, députée, auteure de la proposition de loi visant à mieux indemniser les dégâts sur les biens immobiliers causés par le retrait-gonflement de l'argile.

Mme Sophie PANONACLE, députée et présidente du Comité national du trait de côte.

Mission sur l'assurabilité des risques climatiques

- M. Thierry LANGRENEY, président de l'ONG Les Ateliers du Futur ;

- Mme Myriam MÉRAD, directrice de recherche au CNRS, rattachée au laboratoire d'analyse et de modélisation de systèmes d'aide à la décision de l'Université Paris Dauphine.

Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

- M. Patrick SOULÉ, chef de service, adjoint du directeur général,
délégué aux risques majeurs ;

- M. Yoann LA-CORTE, adjoint du chef de service des risques naturels et hydrauliques ;

- M. Nicolas BONNIN, conseiller en direction de projets numériques.

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

- M. Julien MARION, directeur général.

Direction générale du Trésor (DGT)

- M. Martin LANDAIS, sous-directeur des assurances ;

- M. Mayeul TALLON, chef du bureau des marchés et produits d'assurance ;

- M. Jérémy LAUER-STUMM, adjoint au chef de bureau ;

- M. Edouard JULLIAN, adjoint au chef de bureau.

Direction générale des Outre-Mer (DGOM)

- Mme Camille DAGORNE, directrice de cabinet ;

- M. Étienne GUILLET, sous-directeur de l'évaluation, de la prospective et de la dépense de l'État.

Cour des comptes

- M. Philippe-Pierre Cabourdin, conseiller maître à la Cour des comptes, président de la section logement, cohésion des territoires et Outre-mer ;

- M. Guillaume Lacroix, conseiller référendaire à la Cour des comptes.

Préfecture de Saint-Pierre et Miquelon

- M. Bruno ANDRÉ, préfet ;

- Mme Sandrine MONTANÉ, directrice des services du cabinet ;

- Mme Patricia BOURGEOIS, directrice des territoires, de l'alimentation et de la mer.

SMABTP (Société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics)

- M. Grégory KRON, directeur général adjoint.

Matmut

- M. Nicolas GOMART, directeur général ;

- M. Stéphane MULLER, membre du comité exécutif, en charge de la direction Assurances IARD particuliers et entreprises ;

- Mme Émilie BEL, directrice des affaires publiques.

MAIF (Mutuelle assurance des instituteurs de France)

- Mme Hélène N'DIAYE, directrice générale adjointe ;

- M. Stéphane TISSERAND, secrétaire général.

Groupama

- M. Thierry MARTEL, directeur général ;

- M. Jérôme NARBONNE, directeur des affaires publiques.

Generali France

- M. Jean-Laurent GRANIER, directeur général.

Fédération des Sociétés d'Expertise

- M. Jean-Vincent RAYMONDIS, Vice-président.

Caisse Centrale de Réassurance (CCR)

- M. Édouard VIEILLEFOND, directeur général ;

- Mme Chrystelle BUSQUE, directrice générale adjointe ;

- M. Antoine QUANTIN, directeur des réassurances, conseil et modélisation ;

- M. Nicolas BAUDUCEAU, directeur du département de conseil en prévention et fonds publics.

France Assureurs

- Mme Viviana MITRACHE, directrice des affaires publiques France ;

- Mme Anne-Sophie ROUSSEL-TRUFFY, responsable risque habitation et outre-mer ;

- M. Arnaud GIROS, conseiller parlementaire.

Association des professionnels de la réassurance en France (Apref)

- M. Nicolas BOUDIAS, délégué général ;

- M. Dominique LAURÉ (Liberty Mutual Re), vice-président ;

- M. Arthur DUTEL (Swiss Re), vice-président du comité non-vie et président de la commission CAT ;

- Mme Anne-Claire SERRE (Odyssey Re), vice-présidente de la commission CAT et présidente du groupe de travail sur les catastrophes naturelles ;

- M. Yves DOMMERGUES (SCOR), membre de la commission CAT et représentant de l'Apref à la commission nationale consultative des catastrophes naturelles.

Agéa (Fédération nationale des syndicats d'agents généraux d'assurance)

- M. Pascal CHAPELON, président ;

- M. Grégoire DUPONT, directeur général ;

- M. Julien ARNOULT, responsables des études et des relations institutionnelles.

Aéma Groupe

- M. Bertrand Delignon, directeur IARD à la MACIF ;

- M. Xavier Michel, directeur des affaires publiques.

Amrae (Association pour le management des risques et des assurances de l'entreprise)

- M. Hubert de L'ESTOILE, délégué général ;

- M. Michel JOSSET, administrateur en charge des questions climat et catastrophes naturelles ;

- Mme Brigitte BOUQUOT, administratrice.

Table ronde

Accès BTP

- M. Ahmed AKAABOUN, président.

Fédération Française du Bâtiment (FFB)

- Mme Sarah LESPINASSE, cheffe du service des assurances.


* 1 Rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques, décembre 2023.

* 2 On parle aussi de « retrait-gonflement des argiles », ou RGA.

* 3 Article L. 125-1 du code des assurances, alinéas 1 à 3.

* 4 Même article, alinéa 4.

* 5 Circulaire n° 84-90 du 27 mars 1984. La jurisprudence du Conseil d'État a constamment confirmé la légalité de la commission et des circulaires adoptées pour encadrer les modalités d'instruction des demandes de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle qui est une manifestation du pouvoir réglementaire des ministres (Conseil d'Etat, 14 mai 2003, Ville d'Agen, n° 235051 ; Conseil d'Etat, 14 mars 2005, Commune de Draguignan, n° 252462).

* 6 Circulaire IOME2322937C du 29 avril 2024.

* 7 Article 5 de la loi n° 2021-1837 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles - II de l'article L. 125-1-1 du code des assurances.

* 8 I de l'article L. 125-1-1 du code des assurances.

* 9 Articles D. 125-2 à D. 125-2-4 du code des assurances, issus de l'article 1er du décret n° 2022-1737 du 30 décembre 2022.

* 10 Cette demande intervient auprès du préfet dans un délai de 24 mois maximum après la survenue du phénomène (alinéa 5 de l'article L. 125-1 du code des assurances), par le biais du formulaire CERFA n° 13669-01.

* 11 Cette déclaration doit intervenir dès que l'assuré a connaissance du sinistre et au plus tard 30 jours - contre 10 auparavant - suivant la publication de l'arrêté de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle (article D. 125-6 du code des assurances dans sa rédaction issue du décret n° 2022-1737 relatif à l'indemnisation des catastrophes naturelles).

* 12 Pour les exploitations agricoles, le seuil de surface est de 1 500 m2.

* 13 Réponses de la direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 14 À l'époque, 27 999 communes avaient été reconnues en état de catastrophe naturelle, au titre des inondations et coulées de boue, ainsi que les mouvements de terrain.

* 15 Article A. 125-2 du code des assurances.

* 16 Arrêté du 22 décembre 2023 modifiant le taux de la prime ou cotisation additionnelle relative à la garantie « catastrophe naturelle » aux contrats d'assurance mentionné à l'article L. 125-2 du code des assurances.

* 17 Le rapport a en revanche été transmis aux ministres en décembre 2023.

* 18 Rapport « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », décembre 2023, page 31.

* 19 Rapport d'information n° 354 (2022-2023) de Mme Christine Lavarde fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti.

* 20 Réponses de la Direction générale du Trésor au questionnaire du rapport spécial.

* 21 Rapport sur la gestion des dommages liés au retrait-gonflement des argiles sur le bâti existant, IGF, CGEDD, IGA, mars 2021.

* 22 « Sols argileux et catastrophes naturelles », Cour des comptes, février 2022.

* 23 Les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050, Caisse centrale de réassurance, septembre 2023. Cette étude se fonde sur les scénarios RCP 8.5 et RCP 4.5 du GIEC, qui repose sur des hypothèses distinctes relatives à l'émission de gaz à effet de serre dans les prochaines années.

* 24 « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023 page 24

* 25 « Impact du changement climatique sur l'assurance à l'horizon 2050 », France Assureurs, octobre 2021

* 26 « Impact du changement climatique sur la sinistralité due au retrait-gonflement des argiles », Sébastien Gourdier, Emmanuelle Plat, BRGM, juin 2018

* 27 Étude sur les conséquences du changement climatique sur le coût des catastrophes naturelles en France à horizon 2050, Caisse centrale de réassurance.

* 28 Réponses de la Direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial.

* 29 Voir par exemple, « Assurances : la fédération plaide pour une hausse de la prime Catastrophe naturelle », Le Figaro avec AFP, 30 mars 2023 ; ou « Catastrophes naturelles : il faut augmenter les primes ou la surprime (Jean Luc de Boissieu, Smacl Assurances), Aurélie Abadie, L'argus de l'assurance, 19 octobre 2021.

* 30 Rapport d'information fait au nom de la mission d'information sur la gestion des risques climatiques et l'évolution de nos d'indemnisation, Nicole Bonnefoy, 3 juillet 2019, page 92.

* 31 Ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

* 32 La circulaire révise les critères de reconnaissance applicables au phénomène RGA en les élargissant. Le nom provient de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, qui par son article 161 a habilité le gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure afin d'améliorer la prise en charge de la sinistralité due au retrait-gonflement des argiles. L'ordonnance du 8 février 2023 a été prise sur ce fondement, et la circulaire « 3DS » en est l'une des continuations.

* 33 Christophe Béchu, 16 novembre 2023, cité dans « Tempêtes exceptionnelles : vers une inclusion dans le régime cat'nat' ? », Géraldine Dauvergne, L'argus de l'assurance, 17 novembre 2023.

* 34 Par exemple, « Les orages de grêle, impensés climatique », Enzo Dubesset, 18 mars 2024, Alternatives économiques.

* 35 Ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 relative à la prise en charge des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols

* 36 Réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur spécial

* 37 Réponses de la Direction générale du Trésor au questionnaire du rapporteur spécial

* 38 Réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur spécial

* 39 Réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur spécial

* 40 Rapport d'information n° 354 (2022-2023) de Mme Christine Lavarde fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti, page 20.

* 41 Réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur spécial.

* 42 « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023 page 61 : « 4.1 Envisager la rétrocession auprès de réassureurs privés d'une partie des risques de pointe (inondations, cyclones, séismes, voire RGA avec des mécanismes paramétriques) dans le respect de la gouvernance relative à la convention entre la CCR et l'État. »

* 43 Rapport de la commission d'enquête chargée d'évaluer l'intervention des services de l'État dans la gestion des conséquences environnementales, sanitaires et économiques de l'incendie de l'usine Lubrizol à Rouen, de recueillir des éléments d'information sur les conditions dans lesquelles les services de l'État contrôlent l'application des règles applicables aux installations classées et prennent en charge les accidents qui y surviennent ainsi que leurs conséquences et de tirer les enseignements sur la prévention des risques technologiques, Mmes Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, Hervé Maurey (Président), juin 2020, page 124.

* 44 Réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur spécial.

* 45 « Adapter le système assurantiel français face à l'évolution des risques climatiques », Thierry Langreney, Gonéri Le Cozannet, Myriam Mérad, décembre 2023 page 10.

* 46 Réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur spécial.

* 47 Article L. 125-1 du code des assurances.

* 48 Article L. 125-2 du code des assurances.

* 49 Article L. 125-6 du code des assurances.

* 50 Décision du Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, du 15 juin 2005, 266970, Département de Corse du Sud.

* 51 Réponses du BCT au questionnaire du rapporteur spécial.

* 52 Chiffres tirés de l'enquête « Budget de famille de l'INSEE ».

* 53 Réponses de la direction générale des outre-mer au questionnaire du rapporteur spécial.

* 54 Réponses de la direction générale des outre-mer au questionnaire du rapporteur spécial.

* 55 Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances, cité dans l'article « Inondations dans le Pas-de-Calais : les assureurs n'appliqueront pas deux fois la franchise aux sinistrés », Sébastien Acedo, L'argus de l'assurance, 7 janvier 2024.

* 56 Vincent Ledoux, 6 octobre, cité par l'article « Catastrophes naturelles : les experts sur la sellette », Géraldine Dauvergne, L'argus de l'assurance, 17 avril 2024.

* 57 4 janvier 2024.

* 58 Rapport « RGA, n'attendons pas que ce soit la cata ! », Vincent Ledoux, octobre 2023, page 39.

* 59 Rapport d'information n° 354 (2022-2023) de Mme Christine Lavarde fait au nom de la commission des finances sur le financement du risque de retrait gonflement des argiles et de ses conséquences sur le bâti.

* 60 En insérant dans le code des assurances les articles L. 125-2-1 à L. 125-2-4.

* 61 Décret n° 2024-82 du 5 février 2024 relatif aux conditions d'indemnisation des conséquences des désordres causés par le phénomène naturel de mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols.

* 62 Cass. 2e civ., 18 avr. 2019, n° 18-13.371.

* 63 Composée des articles L. 112-20 à L. 112-25.

* 64 Définissant les zones exposées au phénomène de mouvement de terrain différentiel consécutif à la sécheresse et à la réhydratation des sols argileux.

* 65 La précision du type et du contenu de cette étude géotechnique de conception a été apportée par le décret n° 2019-495 du 22 mai 2019 et un arrêté du 22 juillet 2020.

* 66 Notamment la norme NF DTU (document technique unifié) 13.11 relative aux fondations superficielles.

* 67 En particulier la direction de l'Habitat, de l'Urbanisme et des Paysages (DHUP) et la direction générale de la prévention des risques (DGPR).

* 68 80 centimètres au minimum en zone d'exposition moyenne et 1,20 mètre en zone d'exposition forte.

* 69 Pour rappel, 0,80 mètre de profondeur minimale pour les zones d'exposition faible à moyenne
et 1,20 mètre pour les zones d'exposition forte.

* 70 « Sols argileux et catastrophes naturelles », Cour des comptes, février 2022.

* 71 Il en existe aujourd'hui principalement deux, « aux alentours » de la Maif et « ensemble face aux risques » de Générali.

* 72 article D. 561-12-7 du code de l'environnement

* 73 Un simulateur des aides du fonds Barnier à destination des particuliers est disponible sur le site gouvernemental « géorisque » : https://www.georisques.gouv.fr/simulateur-fprnm-particulier.

* 74 Il s'agit de la solution défendue dans le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques.

* 75 CDC, Rapport annuel, tome 1, page 261.

* 76 Rapport « RGA, n'attendons pas que ce soit la cata ! », Vincent Ledoux, octobre 2023, page 66.

* 77 Rapport « RGA, n'attendons pas que ce soit la cata ! », Vincent Ledoux, octobre 2023, page 67.

* 78 Données de la Société de gestion des financements et de la garantie de l'accession sociale à la propriété, citées par la commission d'enquête sur la rénovation énergétique, page 140.

* 79 Article L. 562-1 du code de l'environnement.

* 80 Réponses au questionnaire du rapporteur spécial.

* 81 Ce que rappelle la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel : « Dans le même sens, l'érosion est exclue de la liste des risques naturels majeurs que la loi a dressée pour faciliter, juridiquement (expropriation) et financièrement (fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier »), la mise à l'abri des personnes. » (page 55).

* 82 Article L. 561-3 du code de l'environnement.

* 83 La condition est cependant explicite pour les opérations relatives aux cavités humaines : « Il peut contribuer aux opérations de reconnaissance et travaux de comblement des cavités souterraines menaçant gravement les vies humaines, dès lors que ce traitement est moins coûteux que l'expropriation prévue à l'article L. 561-1 du présent code » (II de l'article L. 561-3 du code de l'environnement).

* 84 Article 227 de la loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances pour 2024

* 85 CE, avis du 8 mars 1994, req. n° 355785 - cité par « Risques littoraux : à la recherche d'une « juste » indemnisation par le fonds Barnier », Marie-Laure Lambert, Lucile Stahl, Anne Bernard-Bouissieres, Revue juridique de l'environnement, 2019/1

* 86 Le rapport de la mission sur l'assurabilité des risques climatiques a formulé une recommandation similaire : « Maximiser le retour sur investissements et subventions du FPRNM pour le Régime en établissant une priorisation liée aux économies attendues et en adoptant une démarche pro-active en direction des acteurs-clés. »

* 87 Financement des conséquences du recul du trait de côte : comment accompagner la transition des zones littorales menacées ?, Marie-Luce Bousseton, Jean-François Landel, Boris Leclerc, maxime Tandonnet, IGEDD et IGA, novembre 2023, page 8.

* 88 Cour des comptes, Rapport public annuel, Tome 2, page 56.

* 89 Financement des conséquences du recul du trait de côte : comment accompagner la transition des zones littorales menacées ?, Marie-Luce Bousseton, Jean-François Landel, Boris Leclerc, maxime Tandonnet, IGEDD et IGA, novembre 2023, page 8.

* 90 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 91 Rapport général fait au nom de la commission des finances du Sénat, Rapporteur général M. Jean-François Husson, Tome II fascicule 1, pages 584-598.

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