N° 453

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 mars 2024

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625 - COM(2023) 411 final,

Par M. Jean-Michel ARNAUD, Mme Karine DANIEL
et M. Daniel GREMILLET,

Sénateurs et Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin, président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Mme Gisèle Jourda, MM. Didier Marie, Claude Kern, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Georges Patient, Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Louis Vogel, Mme Mathilde Ollivier, M. Ahmed Laouedj, vice-présidents ; Mme Marta de Cidrac, M. Daniel Gremillet, Mmes Florence Blatrix Contat, Amel Gacquerre, secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, François Bonneau, Mme Valérie Boyer, M. Pierre Cuypers, Mmes Karine Daniel, Brigitte Devésa, MM. Jacques Fernique, Christophe-André Frassa, Mmes Annick Girardin, Pascale Gruny, Nadège Havet, MM. Olivier Henno, Bernard Jomier, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Ronan Le Gleut, Mme Audrey Linkenheld, MM. Vincent Louault, Louis-Jean de Nicolaÿ, Teva Rohfritsch, Mmes Elsa Schalck, Silvana Silvani, M. Michaël Weber.

L'ESSENTIEL

La Commission européenne a présenté en juillet 2023 une proposition de législation relative aux nouvelles techniques génomiques1(*), visant à adapter le cadre réglementaire de l'Union européenne à la nouvelle génération de techniques de modification des génomes des végétaux.

I. Encadrer les végétaux issus des nouvelles techniques génomiques d'une manière plus adaptée que par La législation applicable aux organismes génétiquement modifiés

A. Alors qu'elles se distinguent des techniques génomiques établies, les nouvelles techniques génomiques restent jusqu'à présent couvertes par la législation de l'Union sur les OGM

Dans les années 1980, l'essor de la transgenèse, technique reposant sur l'insertion d'un gène d'origine étrangère dans le génome d'un organisme vivant afin de lui conférer une caractéristique spécifique, a suscité l'élaboration d'une réglementation européenne spécifique, la directive sur les organismes génétiquement modifiés, dite « OGM », adoptée en 1990 et révisée en 2001.

Or, depuis, se sont développées de nouvelles techniques de modification ciblée du génome ; plus précisés, plus rapides et plus faciles à mettre en oeuvre que les autres méthodes de modification génétique, ces « nouvelles techniques génomiques » (NTG) permettent de cibler spécifiquement un ou plusieurs gènes, et donc d'accélérer de manière significative les étapes de la sélection. Contrairement à la transgenèse, elles se limitent par ailleurs à l'insertion d'un matériel génétique provenant uniquement d'espèces pouvant être croisées.

En dépit de ces différences, les végétaux issus de NTG restent jusqu'à présent couverts par la législation sur les OGM, ce qu'a confirmé la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 25 juillet 2018.

B. Un cadre juridique inadéquat et empêchant de tirer pleinement parti de ces techniques

1. Des normes difficiles à faire respecter pour les végétaux NTG

Dans une étude élaborée à la demande du Conseil de l'Union européenne, la Commission européenne a souligné les difficultés soulevées par l'application de la réglementation OGM s'agissant des végétaux obtenus à l'aide de NTG, relevant notamment l'inadéquation des protocoles actuels de détection et de contrôle ; en effet, certaines modifications introduites via l'édition du génome ne peuvent être détectées au moyen des méthodes analytiques des mutations naturelles, ni différenciées des modifications introduites par des techniques d'obtention conventionnelle.

2. Une réglementation ne permettant pas à l'Union de tirer parti des nouveaux développements en matière de biotechnologies pour sa transition climatique et son autonomie

Comparativement aux autres outils d'amélioration des plantes actuellement utilisées, les techniques d'édition du génome se caractérisent par un gain en précision, un élargissement de la diversité génétique disponible, la possibilité de cumuler plusieurs mutations simultanément, un gain de temps lors des étapes de sélection et enfin un coût de recherche relativement modique.

En pratique, le recours aux NTG permettrait de conférer plus facilement aux semences des caractéristiques « durables », comme la résistance à certaines maladies, la tolérance aux stress environnementaux, une moindre dépendance aux pesticides ou encore une amélioration des rendements ou de la qualité nutritionnelle. Ces techniques pourraient ainsi contribuer à adapter les cultures au changement climatique et réduire les externalités négatives de l'agriculture, et donc in fine renforcer la résilience des chaînes alimentaires, réduire la dépendance aux importations et renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne.

Source : INRAE

Si l'amélioration des plantes ne constitue qu'un des leviers de la transition agroécologique des systèmes agricoles et doit être combinée avec d'autres innovations en agronomie et en robotique, les rapporteurs estiment que les NTG doivent faire partie du panel de solutions à disposition des agriculteurs pour relever les défis agroenvironnementaux

3. Un statu quo susceptible d'entraîner une perte de compétitivité au détriment des agriculteurs et obtenteurs français et européens

Pour les agriculteurs, comme pour les obtenteurs, l'accès aux nouvelles techniques génomiques constitue un facteur indéniable de compétitivité. Dès lors, un statu quo réglementaire de l'Union dans ce domaine pourrait aggraver les distorsions de concurrence dont ils souffrent, tant en matière de production que d'échanges commerciaux.

En effet, plusieurs États ont d'ores et déjà adopté des dispositions législatives destinées à faciliter l'essor de ces techniques et à commercialiser les végétaux qui en sont issus. Eu égard aux difficultés de détection de ces derniers, il existe un risque non négligeable de concurrence déloyale à l'importation : l'Union européenne importera à l'avenir, possiblement à son insu, des semences ou des végétaux NTG produits par ses concurrents.

En parallèle, la filière semencière française pâtirait incontestablement d'un statu quo règlementaire, alors qu'elle se caractérise actuellement par sa compétitivité et son excellence - la France étant non seulement le premier pays producteur de semences de l'Union, mais également le premier exportateur mondial. En effet, le caractère abordable de ces nouvelles techniques permettrait à des entreprises de taille moyenne de s'y engager ; or, à rebours de la concentration observée au niveau mondial, la filière semencière française compte plus d'une soixante d'entreprises de sélection, dont une majorité de petites et moyennes entreprises.

Le maintien du cadre juridique actuel serait donc susceptible d'entraîner une perte de compétitivité au détriment des obtenteurs et agriculteurs français et européens et de perpétuer les distorsions de concurrence dont ces derniers pâtissent, tant sur la production que sur les échanges commerciaux.

II. Une proposition de règlement destinée à faciliter l'essor des végétaux NTG semblables aux végétaux conventionnels

La proposition de règlement ne couvre que les végétaux obtenus à l'aide de mutagenèse ciblée et de cisgenèse - cette dernière incluant l'intragenèse. Parmi les plantes NTG relevant du champ d'application du règlement, la proposition distingue deux catégories :

- les végétaux NTG « qui pourraient apparaître ou être produits naturellement ou par sélection conventionnelle », dits « NTG de catégorie 1 » ;

- et les autres, dits « NTG de catégorie 2 ».

En pratique, la proposition de règlement définit des critères d'équivalence aux plantes conventionnelles ; les végétaux remplissant ces critères obtiendront un statut de catégorie 1, leur permettant de déroger entièrement à la législation de l'Union sur les OGM, tandis que les autres, considérés comme étant de catégorie 2, y resteront soumis, dans la limite de dispositions et de dérogations spécifiques.

A. Un cadre juridique dérogatoire pour les végétaux de catégorie 1, équivalents aux végétaux conventionnels

La proposition de règlement de la Commission européenne repose sur le postulat d'une équivalence entre les végétaux NTG de catégorie 1 et les végétaux conventionnels ; les risques posés par tous ces végétaux étant présumés comparables, la Commission estime qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une évaluation des risques et une autorisation préalablement à leur dissémination. Les rapporteurs soutiennent cette approche.

1. Les critères d'équivalence entre les végétaux NTG 1 et les végétaux conventionnels : un élément central de la proposition de règlement, à ajuster régulièrement à l'expérience acquise et aux progrès réalisés sur le plan scientifique

La proposition de règlement définit les critères permettant de déterminer si un végétal NTG est équivalent à un végétal apparaissant naturellement ou obtenu de manière conventionnelle, et habilite la Commission européenne à modifier ces critères, par le biais d'actes délégués, afin de les adapter au progrès scientifique et technologique.

Les critères d'équivalence constituant un élément central du texte, puisqu'ils permettent de déterminer quelles sont les plantes soumises à une évaluation spécifique des risques, les rapporteurs souhaitent qu'une justification scientifique soit systématiquement requise pour l'adoption des actes délégués susmentionnés.

Sur le fond, les rapporteurs relèvent que ces critères pourraient être retravaillés pour mieux refléter, notamment, la diversité de la taille des génomes ou encore les conséquences fonctionnelles des modifications génétiques. Par conséquent, ils plaident pour l'insertion d'une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d'équivalence à l'aune de l'expérience accumulée au cours des 5 premières années d'application du règlement.

2. Une nouvelle procédure de vérification essentiellement aux mains des autorités nationales 

Les végétaux NTG de catégorie 1 seront soumis à une procédure de vérification, permettant de déterminer s'ils remplissent les critères d'équivalence définis dans l'annexe I.

Si la demande de vérification intervient en vue des essais de terrain, il incombera à l'État membre saisi de cette dernière de vérifier la conformité avec les critères de l'annexe I, la décision étant ensuite valable pour l'ensemble de l'Union. Une instance ad hoc serait ainsi désignée, dans chaque État, afin d'instruire les demandes de vérification.

Si aucun essai de terrain n'a été réalisé dans l'Union et que la demande intervient en vue de la mise sur le marché, la décision sera rendue par la Commission européenne, sur la base d'un avis scientifique fourni par l'Autorité européenne de sécurité des aliments.

Le choix de confier à une autorité nationale le soin de mener la procédure de vérification pourrait se traduire par des différences d'appréciation entre les États membres d'une part, et entre les échelons nationaux et européen d'autre part. Pour juguler ce risque, les rapporteurs suggèrent l'élaboration, par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, de lignes directrices précises s'agissant de la teneur des rapports de vérification.

3. Une évaluation des risques réalisée dans le cadre de la réglementation applicable aux végétaux conventionnels

Si les variétés de catégorie 1 seront exemptées de toute évaluation des risques a priori, elles demeureront soumises à la législation sectorielle applicable aux semences et aux autres matériels de reproduction des végétaux.

Par ailleurs, en l'absence de surveillance après la dissémination de ces variétés, et eu égard aux appréhensions formulées par plusieurs parties prenantes, les rapporteurs estiment qu'un dispositif de biovigilance a posteriori pourrait utilement être mise en place dans les fermes expérimentales.

B. Le maintien d'une procédure d'autorisation assortie d'une évaluation des risques pour les végétaux de catégorie 2, soumis à la législation sur les OGM

1. Des dispositions ayant vocation à alléger le dossier initial à fournir pour les végétaux NTG de catégorie 2

Pour les végétaux NTG ne remplissant pas les critères d'équivalence (« végétaux NTG de catégorie 2 »), la législation sur les OGM continuera à s'appliquer, modulo quelques adaptations relatives à :

- l'évaluation des risques : le principe d'une autorisation préalable à toute dissémination ou mise sur le marché des végétaux de catégorie 2 sera maintenu, mais assorti à un assouplissement des exigences en matière de données pour l'évaluation des risques ;

- la conformité des méthodes de détection : les demandeurs pourront dans certains cas déroger à l'obligation de fournir une méthode de détection ;

- le suivi : les exigences en matière de surveillance des effets environnementaux des NTG 2 seront adaptées au profil de risque ;

- le renouvellement régulier de l'autorisation de mise sur le marché : après son premier renouvellement, cette autorisation sera valable pour une durée illimitée.

Cette approche différenciée se fonde la distinction opérée entre les OGM proprement dits, qui contiennent du génome exogène, et les végétaux modifiés à l'aide des NTG, se limitant à insérer du matériel génétique d'espèces « croisables ».

2. La suppression de toute clause de non-participation, afin de garantir un égal accès à l'innovation et une homogénéité de traitement à l'échelle européenne

La proposition de règlement exclut la possibilité pour les États membres de recourir à la clause de non-participation (« opt-out ») pour les végétaux NTG de catégorie 2. Introduite en 2015 dans la législation sur les OGM, cette clause permet aux États membres d'interdire ou de restreindre la culture d'un OGM autorisé au niveau de l'Union, en invoquant des motifs plus étendus que les clauses de sauvegarde ou d'urgence.

Les rapporteurs sont favorables à la suppression de cette clause, estimant que la possibilité pour certains États membres d'interdire ou restreindre la culture de végétaux NTG sur leur territoire serait susceptible de (i) créer des distorsions de concurrence intra-européennes, (ii) complexifier le travail des opérateurs en aval de la chaîne alimentaire et (iii) générer des surcoûts, notamment de vérification.

III. garantir la liberté de choix du consommateur sans obérer le déploiement des NTG : la nécessité d'étayer les dispositions relatives à l'étiquetage

A. Le maintien d'un étiquetage obligatoire pour les végétaux de catégorie 2

Les plantes de catégorie 2 resteront soumises aux exigences de traçabilité et d'étiquetage prévues par la législation sur les OGM. Les opérateurs seront néanmoins autorisés à compléter l'étiquetage par des informations sur le trait conféré par la modification.

Les rapporteurs soutiennent pleinement le maintien d'un étiquetage obligatoire pour les végétaux de catégorie 2. Ils estiment par ailleurs nécessaire, dans un souci de transparence, que tout pétitionnaire désireux de recourir à un étiquetage complémentaire soit tenu d'étiqueter l'intégralité des traits conférés à la plante.

B. Un étiquetage obligatoire limité aux semences pour les végétaux de catégorie 1

Si les végétaux NTG de catégorie 1 ont vocation à être traités comme des végétaux conventionnels, la proposition de règlement comprend plusieurs dispositions destinées à garantir la transparence et la traçabilité, avec notamment :

- la mise en place d'une base de données accessible au public ;

- l'étiquetage des semences comme étant NTG de catégorie 1, afin de garantir la traçabilité, la transparence et le choix des opérateurs lors de la recherche et de l'obtention des végétaux ou de la vente de semences aux agriculteurs.

Alors que plusieurs parties prenantes réclament la mise en place d'un étiquetage jusqu'au consommateur final pour ces végétaux, les travaux des rapporteurs ont mis en exergue les difficultés soulevées par une telle éventualité. Les rapporteurs souhaiteraient donc que la Commission européenne publie, dans un délai de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente proposition, une évaluation relative aux incidences positives et négatives d'un étiquetage plus aval.

À court terme, et dans l'attente de ces éclairages supplémentaires, si les produits ne sont pas différenciables, ils doivent être traités à l'identique. Afin de garantir néanmoins le respect du droit à l'information et la liberté de choix des consommateurs, la proposition de règlement doit explicitement autoriser le recours à un étiquetage volontaire destiné à mettre en exergue le caractère « non NTG » de certaines filières.

Enfin, il paraît indispensable de promouvoir l'adoption de mesures miroirs, afin de conserver un niveau d'exigence comparable, s'agissant de la traçabilité et de l'étiquetage, entre les plantes NTG importées et les plantes NTG cultivées dans l'Union.

IV. Un équilibre à trouver pour permettre à la filière biologique de respecter son cahier des charges, sans empêcher les filières conventionnelles d'avoir recours aux NTG

Le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique interdit l'utilisation d'OGM et de produits issus d'OGM dans la production biologique. Par conséquent, si les végétaux NTG de catégorie 2 sont et demeurent de facto interdits dans cette production, le statut des végétaux NTG de catégorie 1 doit être clarifié. Dans ce contexte, la proposition de règlement pose l'interdiction de l'utilisation de ces végétaux dans la production biologique.

Pour les rapporteurs, une telle clarification relèverait davantage du règlement sur la production biologique que du règlement sur les NTG, puisqu'il appartient aux acteurs de la filière biologique de se prononcer sur cette question.

Les auditions ont néanmoins mis en en exergue le soutien unanime des représentants de ces filières à une interdiction des NTG dans l'agriculture biologique, et leur souhait de voir figurer une telle mesure dans le règlement sur les NTG, ce dont les rapporteurs prennent acte.

Ils estiment néanmoins opportun que la Commission européenne produise, quelques années après l'entrée en vigueur du règlement, un rapport sur l'évolution de la perception des nouvelles techniques génomiques par les consommateurs et les producteurs, accompagné le cas échéant d'une proposition législative destinée à lever l'interdiction d'utiliser les nouvelles techniques génomiques dans le secteur de la production biologique.

À plus court terme, il importe de définir des modalités permettant à la filière biologique de s'abstenir d'utiliser des plantes NTG d'une manière qui n'empêche pas les filières conventionnelles d'en faire usage :

- grâce à l'étiquetage obligatoire des semences, la filière biologique sera en mesure d'assurer une traçabilité stricte tout au long de la chaîne de production, et donc de ne pas utiliser de végétaux NTG ;

- l'équilibre global de la proposition de règlement ne permettra cependant pas d'éviter la présence involontaire de végétaux NTG dans les cultures biologiques. Pour les rapporteurs néanmoins, dès lors que les végétaux de catégorie 1 ont vocation à être traités comme des plantes conventionnelles, il n'y a pas lieu de prévoir de mesures de coexistence spécifique avec la production biologique - de telles mesures n'existant pas entre les productions conventionnelle et biologique ;

- corrélativement, la présence fortuite de végétaux de catégorie 1 dans la production biologique ne devrait pas constituer une violation du règlement sur l'agriculture biologique.

V. La protection intellectuelle des végétaux NTG : un enjeu central, à traiter avant l'entrée en vigueur du règlement

A. La coexistence épineuse de deux régimes de protection intellectuelle pour les plantes : le certificat d'obtention végétale et le brevet

Pour les variétés conventionnelles, le respect de la propriété intellectuelle est assuré par le biais du certificat d'obtention végétale (COV). Créé en 1962, ce régime de propriété autorise :

- l'agriculteur à réutiliser des semences de son exploitation pour réensemencer l'année suivante (« privilège du fermier ») ;

- les sélectionneurs à utiliser librement une variété protégée pour en sélectionner une autre (« exemption du sélectionneur »).

Si les variétés végétales en tant que telles ne sont pas brevetables au sein de l'Union, les caractères et les procédés techniques peuvent être protégés par brevet. Dans ce contexte, l'émergence du génie génétique et le développement de variétés de plantes transgéniques ont provoqué une irruption du brevet d'invention dans le monde des semences.

Cette protection par brevet s'oppose notamment à la libre utilisation des variétés par les agriculteurs et les obtenteurs. En pratique, l'obtenteur qui souhaiterait utiliser une variété tombant sous la dépendance d'un brevet pour en créer une autre n'aurait d'autres choix que d'éliminer, par le biais de croisements, les gènes et caractéristiques brevetés, ou de s'acquitter de redevances auprès du détenteur du brevet, afin d'obtenir une licence.

B. Le développement des NTG risque de faire tomber de nombreuses variétés dans le champ des brevets, soulevant des enjeux inédits en termes de concentration du marché, d'accès aux ressources génétiques et de sécurité juridique

1. Un risque avéré de concentration du marché faisant peser une menace vitale sur la filière semencière française

Les procédés d'édition génomique - qui font d'ores et déjà très majoritairement l'objet d'une protection par brevet - sont actuellement détenus par une poignée d'entreprises semencières. L'Office européen des brevets a par ailleurs confirmé qu'en l'état actuel du droit, les traits de variétés issues des NTG pourraient être brevetés.

Dès lors, le recours massif aux NTG - permettant d'introduire une multiplicité de gènes édités au sein d'une variété, à l'aide de plusieurs technologies différentes de manipulation génique - pourrait se traduire par un « empilement de caractères », rendant impossible leur suppression et faisant définitivement tomber la variété créée dans le champ des brevets. Une telle situation imposerait aux sélectionneurs le paiement de redevances exorbitantes auprès des différents détenteurs de brevets.

Le développement des NTG pourrait donc à l'avenir restreindre l'accès des sélectionneurs aux technologies et ressources génétiques et de ce fait créer des barrières à l'entrée pour les petites et moyennes entreprises, tout en renforçant le pouvoir de marché des grandes entreprises semencières.

En l'état, la proposition de règlement fait donc peser une menace vitale sur la filière semencière française. Elle soulève de ce fait des enjeux colossaux s'agissant de l'avenir de l'industrie semencière européenne, et plus largement, de la possibilité pour l'Union de mettre en oeuvre ses propres politiques agricole, alimentaire et environnementale, sans dépendre d'intérêts étrangers aux objectifs européens.

2. Une multiplication des éléments brevetés dans les variétés qui pourrait restreindre l'accès aux ressources phytogénétiques et freiner l'innovation variétale

Une concentration accrue du secteur serait par ailleurs particulièrement préjudiciable à l'agriculture dans son ensemble, puisqu'elle tendrait à favoriser la disparition de la biodiversité cultivée. En effet, dans une situation oligopolistique, les grandes firmes risqueraient de concentrer leurs recherches sur un nombre limité de végétaux et de traits, dont la commercialisation serait jugée plus rentable - seules les PME étant en mesure d'être intéressées par les applications bénéficiant à une biodiversité cultivée étendue.

En parallèle, la multiplication des éléments brevetés au sein des variétés serait susceptible de remettre en cause le libre accès aux ressources phytogénétiques, et donc de restreindre l'innovation variétale.

3. Le manque d'accès à l'information sur les brevets dans les variétés pourrait amener les obtenteurs et les agriculteurs à se placer dans des situations de contrefaçon involontaire

Le cumul de l'impossibilité de détecter les éléments brevetés par des analyses et de l'absence d'obligation déclarative quant à la présence de ces éléments dans les variétés mettrait les agriculteurs et les sélectionneurs dans l'incapacité de se prémunir contre la présence involontaire de matériel breveté dans leurs variétés.

Par conséquent, ces derniers pourraient être amenés à utiliser à leur insu des variétés contenant des éléments brevetés pour en créer de nouvelles, se plaçant ainsi dans une situation de contrefaçon involontaire.

Cette incertitude juridique nécessiterait de mobiliser du temps et des moyens supplémentaires pour sécuriser la sélection variétale - au détriment toujours des petites et moyennes entreprises ne disposant pas des ressources nécessaires.

C. Interdire la brevetabilité des végétaux NTG : une mesure essentielle pour conférer au texte sa pleine effectivité

La proposition de législation ne comporte aucune disposition relative à la propriété intellectuelle, la Commission européenne s'étant uniquement engagée à publier, d'ici 2026, une étude d'impact sur les répercussions qu'aurait le brevetage des végétaux, assortie, le cas échéant, d'une nouvelle proposition législative.

Ce garde-fou paraît néanmoins peu effectif : l'adoption d'une telle proposition supposerait plusieurs années de travail législatif et dans l'intervalle, des brevets abusifs pourraient être accordés, ouvrant la voie à une concentration du marché à très brève échéance.

Pour les rapporteurs, les règles de propriété intellectuelle constituent un point essentiel de la législation sur les nouvelles techniques génomiques et devraient pas conséquent être examinées concomitamment à cette dernière. Ils recommandent donc :

- d'insérer dès à présent dans le règlement une clause interdisant la brevetabilité des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques, et ce, dès l'entrée en vigueur du règlement, afin d'éviter que, dans l'intervalle, des demandes de brevets soient présentées ou des brevets délivrés. Cette solution permettrait de soumettre ces végétaux au régime de protection communautaire des obtentions végétales et donc de préserver la liberté d'exploitation, l'exemption de l'obtenteur et le droit à la reproduction autonome pour les variétés issues des nouvelles techniques génomiques ;

- d'ajuster, à moyen terme, les dispositions du règlement, afin de tenir compte des conséquences juridiques d'une telle interdiction ; cette solution, aussi imparfaite soit-elle, demeure nettement préférable à toute option visant à corriger, le cas échéant avec plusieurs années de retard, les divers blocages qui ne manqueraient pas de résulter d'une multiplication des brevets sur les variétés végétales ;

- de réviser, à plus long terme, les règles européennes relatives à la propriété intellectuelle, afin de remettre le COV au coeur de la propriété intellectuelle des plantes.

I. LA LÉGISLATION SUR LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS : UN CADRE JURIDIQUE INADAPTÉ POUR LES VÉGÉTAUX ISSUS DES NOUVELLES TECHNIQUES GÉNOMIQUES

A. ALORS QU'ELLES SE DISTINGUENT DES TECHNIQUES GÉNOMIQUES ÉTABLIES, LES NOUVELLES TECHNIQUES GÉNOMIQUES RESTENT JUSQU'À PRÉSENT COUVERTES PAR LA LÉGISLATION DE L'UNION SUR LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

Jusque dans les années 2000, le développement de nouvelles variétés végétales reposait sur trois grandes familles de techniques :

- la sélection classique, désignant les croisements ou les techniques d'hybridation conventionnelle ;

- la mutagénèse aléatoire, technique consistant à induire des mutations génétiques par irradiation ou application de composés chimiques mutagènes, afin d'obtenir un grand nombre de mutants, ensuite sélectionnés en fonction des caractères désirés ;

- la transgénèse, reposant sur l'insertion d'un gène d'origine étrangère dans le génome d'un organisme vivant, afin de lui conférer une caractéristique spécifique ou de modifier son comportement biologique.

Dès les années 1980, l'essor progressif de cette dernière technique a suscité l'élaboration d'une réglementation européenne spécifique, fondée essentiellement sur les risques et centrée sur l'information du consommateur. Adoptée en 1990, puis révisée en 2001, la directive sur les organismes génétiquement modifiés, dite « OGM »2(*) encadre ainsi la dissémination des organismes « dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ ou par recombinaison naturelle » (article 2), par le biais notamment de procédures d'évaluation des risques pour la santé et l'environnement, de dispositions relatives à la biovigilance ou encore de garanties en termes de transparence, comme l'étiquetage obligatoire.

Champ d'application de la directive OGM

La directive 2001/18 CE du 12 mars 2001 établit qu'un OGM est un organisme « dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ ou par recombinaison naturelle ».

Si une application stricte de cette définition conduirait à qualifier d'OGM l'ensemble des espèces créées artificiellement depuis le néolithique, la réglementation européenne a pris soin d'exempter toutes les techniques antérieures à la transgénèse dès lors qu'elles étaient considérées comme exemptes de risques au vu du recul historique (notion d'antériorité d'usage).

Ainsi, l'annexe 1B de la directive exclut explicitement de son champ d'application des techniques qui créent pourtant des organismes génétiquement modifiés : la mutagénèse et la fusion cellulaire « de cellules végétales d'organismes qui peuvent échanger du matériel génétique par des méthodes de sélection traditionnelles ».

L'article L. 531-2 du code de l'environnement, qui transpose la directive en droit français, précise ce point : ces exemptions concernent des OGM « obtenus par des techniques qui ne sont pas considérées, de par leur caractère naturel, comme entraînant une modification génétique ou par celles qui ont fait l'objet d'une utilisation traditionnelle sans inconvénient avéré pour la santé publique ou l'environnement ».

Or, depuis l'adoption de cette directive, un ensemble de techniques de modification ciblée du génome se sont développées, à l'instar du système CRISPR-Cas (les « ciseaux moléculaires »). Ces « nouvelles techniques génomiques » (NTG), apparues après 2001, constituent en réalité un ensemble hétérogène de techniques de modification du génome, mettant en oeuvre différents mécanismes et pouvant conduire à des évènements :

- de mutagénèse dirigée, permettant la délétion, l'insertion, ou le remplacement d'une ou plusieurs paires de bases de façon ciblée dans le génome ;

- de cisgénèse, correspondant à l'introduction, dans le génome d'une plante, d'un transgène qui provient intégralement et sans réarrangement de la même espèce ou d'une espèce sexuellement compatible ;

- d'intragénèse, correspondant à l'introduction, dans le génome d'une plante, d'un transgène construit à partir d'une combinaison de différentes séquences provenant de la même espèce ou d'une espèce étroitement apparentée.

Ces techniques d'édition du génome sont plus précises, plus rapides et plus faciles à mettre en oeuvre que les autres méthodes de modification génétique.

La mutagenèse dirigée présente ainsi l'intérêt, par rapport à la mutagénèse aléatoire utilisée depuis plus d'un siècle, de cibler spécifiquement un ou plusieurs gènes identifiés pour leur intérêt agronomique, et donc d'accélérer de manière significative les étapes de la sélection, en évitant plusieurs générations de rétrocroisement, tout en diminuant le nombre de modifications hors cible. Comme l'a explicité l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) : « Les mutations provoquées par le système CRISP-Cas ont possiblement existé dans le passé ou pourraient se produire à l'avenir du fait du phénomène naturel de mutagenèse spontanée »3(*).

En parallèle, contrairement à la transgénèse, la cisgénèse et l'intragénèse se limitent à l'insertion d'un matériel génétique provenant uniquement d'espèces pouvant être croisées (il n'y a pas d'ADN exogène dans l'ADN de la nouvelle variété).

En dépit de ces différences avec les techniques génomiques établies, les végétaux issus de NTG restent jusqu'à présent couverts par la législation sur les OGM, ce qu'a confirmé la Cour de justice de l'Union européenne dans un arrêt du 25 juillet 20184(*). Dans une décision du 8 novembre 20195(*), le Conseil de l'Union européenne a donc chargé la Commission d'étudier, à la lumière de cet arrêt, le statut des NTG dans le droit européen, afin de déterminer s'il était nécessaire de soumettre une nouvelle proposition de législation.

B. UN CADRE JURIDIQUE INADÉQUAT ET EMPÊCHANT DE TIRER PLEINEMENT PARTI DE CES TECHNIQUES

1. Un cadre juridique difficile à faire respecter

Dans l'étude qu'elle a remise le 29 avril 20216(*), la Commission a conclu que le cadre législatif actuel n'était pas adapté aux végétaux obtenus par mutagenèse ciblée ou cisgenèse et devait par conséquent évoluer pour tenir compte des progrès scientifiques et techniques réalisés dans ce domaine.

En effet, la réglementation sur les OGM exige la présentation, dans chaque dossier, des méthodes de détection, d'échantillonnage et d'identification de l'évènement de transformation. Or, dans la mesure où ils sont centrés sur la recherche d'ADN exogène dans les plantes OGM, les protocoles actuels de détection et de contrôle ne sont pas adaptés aux végétaux obtenus par des NTG. Au demeurant, certaines modifications introduites via l'édition du génome ne peuvent être détectées au moyen des méthodes analytiques des mutations naturelles, ni différenciées des modifications introduites par des techniques d'obtention conventionnelle - la présence d'une mutation ne donnant pas d'indication sur son origine, comme l'a rappelé le Centre commun de recherche de la Commission7(*).

Ainsi, selon les informations transmises aux rapporteurs de la commission des affaires européennes, pour différencier un végétal NTG d'une plante qui aurait été obtenue par des techniques de sélection conventionnelles, il serait nécessaire de disposer d'informations détaillées sur les modifications opérées sur la séquence, afin de pouvoir rechercher ces dernières dans le génome.

Réglementer les végétaux issus de NTG implique en effet de pouvoir les différencier des végétaux conventionnels, que ce soit par des moyens analytiques ou par un processus de traçabilité.

2. Une réglementation ne permettant pas à l'Union de tirer parti des nouveaux développements en matière de biotechnologies

Les travaux menés par les rapporteurs ont mis en exergue l'intérêt des techniques d'édition du génome par rapport aux autres outils d'amélioration des plantes actuellement utilisés, avec notamment un gain en précision, un élargissement de la diversité génétique disponible, la possibilité de cumuler plusieurs mutations simultanément dans un même gène ou dans plusieurs gènes, un gain de temps lors des étapes de sélection et enfin un coût de recherche relativement modique (hormis l'accès à la technologie et le coût de régulation) qui pourrait permettre à des entreprises de taille moyenne d'investir dans ces technologies.

Plusieurs parties prenantes auditionnées ont ainsi souligné la pertinence des NTG pour répondre aux enjeux de la transition agroécologique, ces procédés permettant de conférer aux semences des caractéristiques « durables » : résistance à certaines maladies, tolérance au stress environnemental, moindre dépendance aux pesticides ou encore amélioration des rendements ou de la qualité nutritionnelle. En pratique, comme l'a synthétisé l'Inrae dans ses travaux, le recours aux NTG rendrait possible :

- une réduction des externalités négatives de l'agriculture (avec par exemple une résistance accrue des variétés à certaines maladies permettant de réduire l'usage de fongicides) ;

- une adaptation des cultures aux stress climatiques (avec par exemple une augmentation de la tolérance à des températures élevées ou au stress hydrique).

Selon l'Inrae, concernant ces caractères, « l'édition du génome a apporté des preuves de concept, au moins en environnement confiné : elle est a priori intéressante et efficace pour les améliorer »8(*). De la même manière, dans ses travaux, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a relevé que, parmi les applications les plus susceptibles d'aboutir à des variétés commerciales, la tolérance aux herbicides concernait moins de 7 % des applications, les trois principaux types de caractères conférés aux plantes issues de NTG étant les suivants :

- une modification de la composition biochimique de la plante ;

- une tolérance à un stress biotique ;

- une modification du rendement et/ou de l'architecture des plantes9(*).

Plus généralement, face au risque que l'émergence de nouveaux risques climatiques pousse à terme les agriculteurs à abandonner certaines cultures, les NTG rendraient possible le maintien d'une trajectoire de production. C'est dans cette perspective que les associations de producteurs entendues ont souligné l'urgence de voir aboutir les négociations au niveau européen, estimant que l'accès à ces innovations leur donnerait l'opportunité de relever les défis du changement climatique, de la décarbonation ou encore de la préservation de la biodiversité.

In fine, le recours aux NTG pourrait ainsi contribuer à rendre plus résilientes les chaînes alimentaires et réduire la dépendance aux importations, renforçant l'autonomie stratégique de l'Union européenne. Alors que la France perd des capacités de production, les représentants de syndicats agricoles ont rappelé que le renforcement de la compétitivité des secteurs agricole et alimentaire constituait un défi prioritaire, défi que le développement des NTG pourrait contribuer à relever.

Si les bénéfices à attendre des NTG sont donc bien réels, il ressort néanmoins des travaux menés par les rapporteurs que le seul recours à ces technologies n'est pas susceptible de révolutionner l'agriculture européenne. En effet, pour nombre de parties prenantes, l'amélioration des plantes - le cas échéant, grâce à l'édition du génome - ne constitue qu'un des leviers de la transition agroécologique des systèmes agricoles et doit être combinée avec d'autres innovations en agronomie et en robotique.

Comme l'ont résumé les représentants des semenciers, l'apparition de ces nouvelles technologies s'inscrit en réalité dans la continuité du processus de développement de nouveaux outils au profit des sélectionneurs. Or, par définition, ces outils ne se suffisent pas à eux-mêmes, puisque les traits doivent ensuite être transposés et pouvoir s'exprimer. Les experts de l'Inrae ont rappelé, à cet égard, que l'édition du génome chez les végétaux nécessitait la connaissance des bases génétiques des caractères d'intérêt agronomique visés et que leur utilisation potentielle demeurait donc étroitement dépendante des avancées de la connaissance scientifique relative au fonctionnement des plantes. De la même manière, les représentants de l'Académie des technologies ont indiqué que l'identification des caractères d'intérêt agroécologique et de leur déterminisme génétique constituait l'un des goulets d'étranglement du déploiement de ces technologies.

Dans ce contexte, et au regard du désengagement actuel de la recherche publique dans le domaine de la création variétale, il est indispensable, aux yeux des rapporteurs, d'intensifier le soutien public accordé à la recherche sur les variétés végétales, notamment à la recherche fondamentale s'employant à comprendre la fonction des milliers de gènes présents dans chaque plante.

En tout état de cause, les premières variétés de végétaux NTG dotés de caractères relativement simples devraient être commercialisées environ 5 à 7 ans après l'adoption du règlement - ce délai s'annonçant nettement plus long pour les végétaux dotés de caractères complexes, qui nécessiteront plusieurs années de recherche.

Certaines parties prenantes ont contesté plus fondamentalement la façon de définir la durabilité des pratiques agricoles par des traits individuels susceptibles d'être codés dans les végétaux. Pour les représentants des filières biologiques, cette approche s'oppose à une vision plus systémique, tenant compte des changements économiques, sociaux ou pratiques nécessaires à la transition écologique : « une plante ne peut être durable en tant que telle, seuls les systèmes sont durables »10(*). De la même manière, la Confédération paysanne et les diverses organisations non gouvernementales entendues ont rappelé que l'expression des gènes dépendait de nombreux facteurs : le fonds génétique de la plante, le contexte dans lequel elle s'exprime (nature du sol, de l'eau, conditions de culture, ensoleillement), le microbiote ou encore les autres êtres vivants de l'environnement. Par conséquent, si des caractères peuvent potentiellement favoriser la durabilité - notamment en conférant des résistances aux variétés -, ils ne sauraient à eux seuls garantir cette durabilité.

À cet égard, les rapporteurs notent l'existence d'un consensus sur la nécessité de « sortir de l'économie de la promesse » et de ne pas répéter le contre-exemple des OGM. Les associations de représentation des consommateurs ont particulièrement insisté sur la défiance suscitée par cet épisode : « tant que les promoteurs des OGM transgéniques n'auront pas fait amende honorable sur leurs promesses non tenues, nous examinerons avec beaucoup de suspicion leurs nouvelles promesses »11(*).

Plusieurs organisations non-gouvernementales ont, dans ce contexte, appelé à respecter le principe de précaution, en application duquel, selon l'article 5 de la Charte de l'environnement, « lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent [...] à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ».

Au regard de ces différents éléments, les rapporteurs souhaitent privilégier une approche équilibrée et pragmatique : si l'édition du génome constitue indéniablement une innovation intéressante, dont l'usage sera vraisemblablement déterminant dans certaines situations, ces techniques ne sauraient constituer une révolution pour l'agriculture européenne. En tout état de cause, il appartiendra aux pouvoirs publics d'oeuvrer pour renforcer l'acceptabilité sociale des variétés issues des NTG, en communiquant sur la valeur ajoutée que présentent de telles variétés pour le consommateur.

In fine, selon les rapporteurs, les nouvelles techniques génomiques doivent faire partie du panel de solutions à disposition des agriculteurs pour relever les défis agroenvironnementaux.

3. Un statu quo susceptible d'entraîner une perte de compétitivité pour les agriculteurs et obtenteurs français et européens

Pour les associations de producteurs, comme pour les représentants des semenciers, l'accès aux nouvelles techniques génomiques constitue un facteur indéniable de compétitivité. Dès lors, un statu quo réglementaire de l'Union dans ce domaine pourrait aggraver les distorsions de concurrence dont souffrent ces derniers, tant en matière de production que des échanges commerciaux.

En effet, dans un contexte marqué par le dynamisme mondial de la recherche sur les biotechnologies, plusieurs États ont d'ores et déjà adopté des dispositions législatives destinées à faciliter l'essor de ces techniques et à commercialiser les végétaux qui en sont issus - une tomate enrichie au Japon, un chou frisé sans amertume aux États-Unis ou encore une banane à brunissement réduit aux Philippines.

Législations adoptées dans des États tiers pour favoriser l'essor des NTG

Argentine

2015

Exempter de la réglementation OGM tout nouvel organisme génétiquement modifié qui n'aurait pas de "nouvelles combinaisons de matériel génétique" : ceux qui n'incorporent pas d'ADN étranger ne sont pas considérés comme des OGM.

Conséquences : gamme élargie de produits NTG et réduction des coûts d'approbation/mise sur marché

Canada

 

NTG traités comme des produits innovants - évaluation sur le concept de « nouveauté », qu'importe la méthode de sélection utilisée. Le Canada a estimé que la « modification génétique » ne se limitait pas aux technologies de recombinaison de l'ADN, mais qu'elle pouvait également inclure la sélection conventionnelle, la mutagénèse et les technologies émergentes de génie génétique, telles que l'édition du génome.

Chili

2017

Modèle argentin

Brésil

2018

Modèle argentin

Japon

2019

Dérégulation NTG et différenciation législative des OGM

Etats-Unis

2021

Législation SECURE (Sustainable, Ecological, Consistent, Uniform, Responsible and Efficient), appliquée aux nouvelles biotechnologies d'édition du génome.

Une plante génétiquement éditée pour des modifications mineures du génome (modification ou suppression d'une paire de bases, ou introduction d'un gène connu pour appartenir au patrimoine génétique de la plante) est exemptée des réglementations fédérales appliquées aux OGM.

Chine

2022

Pas de définition d'un statut réglementaire spécifique mais différenciation des NTG et lancement de programmes de recherche

Source : commission des affaires européennes du Sénat.

En parallèle, eu égard aux difficultés de détection de ces végétaux, il existe un risque non négligeable de concurrence déloyale à l'importation : tout porte à croire que, dans un avenir proche, l'Union européenne importera, possiblement à son insu, des semences ou des végétaux NTG produits par ses concurrents. Cette situation serait d'autant plus préjudiciable, selon les Chambres d'agriculture, que les semences importées n'auront pas nécessairement été pensées pour s'adapter aux spécificités du climat européen.

La filière semencière européenne pourrait également pâtir du maintien du cadre juridique actuel ; en effet, le caractère abordable de ces nouvelles techniques pourrait permettre à des entreprises de taille moyenne de s'y engager. Ainsi, une enquête12(*) menée en 2020 auprès de 62 entreprises semencières présentes sur le marché européen a montré que la majorité d'entre elles pensait pouvoir introduire de nouvelles variétés basées sur l'édition du génome entre 2025 et 2030. De la même manière, une étude13(*) du Centre commun de recherche de la Commission montre que, dans les pays pour lesquels la procédure administrative d'autorisation de mise sur le marché des végétaux NTG est simple ou déréglementée, les preuves de concept ouvrant la voie à des applications en agriculture feraient rapidement l'objet de produits commerciaux.

In fine, une évolution du cadre juridique paraît souhaitable pour préserver la compétitivité de la filière semencière française, qui se caractérise actuellement par son excellence - la France étant non seulement le premier pays producteur de semences de l'Union européenne, mais également le premier exportateur mondial, dégageant sur ce segment un excédent commercial de l'ordre d'un milliard d'euros par an.

II. UNE PROPOSITION DE LÉGISLATION DESTINÉE À FACILITER L'ESSOR DES VÉGÉTAUX NTG SEMBLABLES AUX VÉGÉTAUX CONVENTIONNELS

A. UN CHAMP D'APPLICATION LIMITÉ AUX VÉGÉTAUX OBTENUS À L'AIDE DE DEUX TECHNIQUES, À SAVOIR LA MUTAGENÈSE CIBLÉE ET LA CISGENÈSE

La proposition de règlement ne couvre que les végétaux obtenus à l'aide de mutagenèse ciblée et de cisgenèse, l'exposé des motifs précisant que cette dernière technique inclut l'intragenèse, définie comme un « sous-ensemble de la cisgenèse qui consiste à insérer dans le génome une copie réarrangée du matériel génétique composé de deux ou plusieurs séquences d'ADN déjà présentes dans le pool génétique des obtenteurs ».

Pour ces végétaux, mais également pour les produits contenant ces végétaux, ou consistant en ces végétaux, ainsi que pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux contenant ces végétaux, consistant en ces végétaux ou produits à partir de ces derniers, la proposition de règlement introduit des dispositions spécifiques, qui constituent une « lex specialis » par rapport à la législation de l'Union sur les OGM.

Parmi les plantes NTG relevant du champ d'application du règlement, deux catégories sont distinguées : les végétaux NTG « qui pourraient apparaître ou être produits naturellement ou par sélection conventionnelle », dits « NTG de catégorie 1 » et les autres, dits « NTG de catégorie 2 ».

En pratique, la proposition de règlement définit des critères d'équivalence aux plantes conventionnelles ; les végétaux remplissant ces critères obtiendront un statut de catégorie 1, leur permettant de déroger entièrement à la législation de l'Union sur les OGM, tandis que les autres, considérés comme étant de catégorie 2, y resteront soumis, dans la limite de dispositions et de dérogations spécifiques.

Les rapporteurs notent ainsi que la proposition de règlement se limite aux techniques d'édition du génome permettant d'insérer du matériel génétique d'espèces « croisables ».

Dans son avis relatif à l'analyse scientifique de l'annexe I de la proposition de règlement14(*), l'Anses relève néanmoins que le texte s'applique à l'ensemble des produits de cisgenèse, qu'ils aient fait l'objet d'un ciblage ou non, alors même que les techniques de cisgenèse non-ciblée ne sont pas considérées comme des NTG par le Centre commun de recherche de la Commission15(*). Par conséquent, et dans un souci de cohérence, les rapporteurs souhaiteraient que la cisgenèse non-ciblée soit explicitement exclue des techniques acceptables dans les plantes de catégorie 1.

B. UN CADRE JURIDIQUE DÉROGATOIRE POUR LES VÉGÉTAUX DE CATÉGORIE 1, QUI ONT VOCATION À ÊTRE TRAITÉS COMME DES VÉGÉTAUX CONVENTIONNELS

La proposition de règlement de la Commission repose sur le postulat d'une équivalence entre les végétaux NTG de catégorie 1 et les végétaux conventionnels ; les risques posés par tous ces végétaux étant présumés comparables, la Commission estime qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une évaluation et une autorisation préalablement à leur dissémination.

Les rapporteurs soutiennent cette approche, dans la mesure où (i) aucun risque spécifique lié aux végétaux de catégorie 1 n'a jusqu'à présent été identifié et (ii) les variétés de catégorie 1 demeureront soumises à la législation sectorielle applicable aux semences, les risques liés à ces végétaux ayant donc vocation à être instruits dans ce cadre.

Les rapporteurs sont donc favorables à ce que les végétaux NTG qui auraient pu apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle soient traités comme des végétaux conventionnels et puissent par conséquent déroger à la législation de l'Union européenne sur les OGM

1. Les critères d'équivalence entre les végétaux NTG 1 et les végétaux conventionnels : un élément central de la proposition de règlement, à retravailler à l'aune de l'expérience acquise et des progrès scientifiques

L'annexe I de la proposition de règlement définit les critères permettant de déterminer si un végétal NTG est équivalent à un végétal apparaissant naturellement ou obtenu de manière conventionnelle, la Commission étant par ailleurs habilitée à modifier ces critères, par le biais d'actes délégués, afin de les adapter au progrès scientifique et technologique (article 5).

Si plusieurs parties prenantes se sont déclarées favorables à ce que la Commission puisse adapter les critères d'équivalence en fonction des avancées scientifiques et technologiques, notamment pour étendre la liste des mutations autorisées considérées comme équivalentes à celles qui se produisent naturellement ou par le biais de techniques d'obtentions conventionnelles, d'autres ont relevé que la délégation de pouvoir ainsi accordée à la Commission pourrait se révéler trop importante.

Les critères d'équivalence constituent en effet un élément central du texte, puisqu'ils permettent de déterminer quelles sont les plantes soumises à une évaluation spécifique des risques. Dans ce contexte, s'il est assurément opportun que les critères puissent évoluer en fonction des développements technologiques futurs, les rapporteurs souhaitent qu'une justification scientifique soit systématiquement requise pour l'adoption des actes délégués susmentionnés.

S'agissant des critères à proprement parler, les rapporteurs ont pris connaissance, avec intérêt, des problématiques identifiées par l'Anses dans son avis relatif à l'analyse scientifique de l'annexe I de la proposition de règlement.

L'Agence souligne en premier lieu que certaines définitions gagneraient à être clarifiées, afin de garantir une lecture et une interprétation aussi univoques que possible des critères d'équivalence. Les rapporteurs souscrivent pleinement à cette recommandation, relevant que toute divergence dans l'évaluation de ces critères se révèlerait source d'insécurité juridique et nuirait par conséquent au développement des végétaux NTG.

L'Anses relève ensuite, à l'instar de plusieurs des experts auditionnés, que les seuils maxima retenus pour assimiler un végétal NTG 1 à un végétal conventionnel, fixés à un nombre de 20 modifications génétiques par plante et à une taille de 20 nucléotides pour les insertions et les substitutions, ne sont pas suffisamment justifiés sur le plan scientifique.

En effet, et à titre d'exemple, le nombre de 20 modifications génétiques autorisées s'applique au génome entier de la plante. Or, les séquences génétiques peuvent être présentes en une seule copie (génome haploïde), deux copies (génome diploïde), voire même en six copies pour le blé (génome hexaploïde). Par conséquent, un nombre supérieur de modifications devrait être réalisé chez les espèces polyploïdes pour obtenir un phénotype donné, puisque les séquences génétiques sont présentes en plusieurs copies.

Les rapporteurs notent cependant que le choix d'un plafond de 20 mutations génétiques témoigne de l'approche prudente retenue par la Commission, puisqu'il se situe en deçà de la limite basse du nombre de modifications observées en sélection conventionnelle, compris entre 30 et 100.

In fine, ces critères, qui se concentrent sur les types, les tailles et le nombre de modifications génétiques, semblent davantage être le fruit d'un arbitrage politique que d'une analyse purement scientifique ; ils présentent néanmoins l'avantage d'être relativement simples et compréhensibles, notamment pour les juristes qui seront chargés d'appliquer le règlement.

Dans ce contexte, les rapporteurs souhaiteraient que soit insérée une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d'équivalence à l'aune de l'expérience accumulée au cours des cinq premières années suivant l'entrée en vigueur du règlement. À court terme néanmoins, et dans un souci d'effectivité, les rapporteurs estiment que ces critères devraient être revus pour refléter la diversité de la taille des génomes.

Enfin, le groupe de travail « Biotechnologies » de l'Agence relève l'absence de prise en compte, dans les critères, des caractères des plantes et de leurs éventuels risques, alors que les conséquences fonctionnelles ou biologiques d'une variation ou d'une modification génétique donnée ne sont pas déterminées par son type ou sa taille. Dans sa conclusion finale, l'Anses souligne cependant, que cette situation « prévaut d'ores et déjà dans l'encadrement des OGM [...] le dispositif des critères d'équivalence prolonge de fait, pour les NTG, la ligne de partage entre les plantes soumises et les plantes non-soumises à évaluation, selon la logique des textes actuels ». Les rapporteurs se rangent à cette position de l'Anses.

2. Une nouvelle procédure de vérification, essentiellement aux mains des autorités nationales, s'apparentant davantage à un régime déclaratif qu'à un régime d'autorisation

Les végétaux NTG de catégorie 1 seront soumis à une procédure de vérification, permettant de déterminer s'ils remplissent les critères d'équivalence définis dans l'annexe I.

En pratique, avant toute dissémination volontaire et mise sur le marché, les opérateurs devront obtenir une déclaration de statut de « végétal NTG de catégorie 1 ».

Si la demande de vérification intervient en vue des essais de terrain, il incombera à l'État membre saisi de cette dernière de vérifier la conformité avec les critères de l'annexe I, la décision étant ensuite valable pour l'ensemble de l'Union et couvrant la mise sur le marché ultérieure des végétaux NTG mais également des produits NTG connexes (article 6).

Une instance ad hoc serait ainsi désignée, dans chaque État membre, afin d'instruire les demandes de vérification. Selon les informations transmises aux rapporteurs, en France, cette mission pourrait échoir à l'Anses. L'instruction des demandes supposerait, concrètement, d'examiner les études visant à démontrer que le végétal NTG (i) ne contient aucun matériel génétique exogène, et (ii) est conforme aux critères de l'annexe I. À l'issue de cet examen, l'instance désignée devrait produire un rapport de vérification, dans un délai strictement limité, de 30 jours ouvrables dans le cas général.

La proposition de règlement confère aux autres États membres le droit de formuler des observations sur la base de ce rapport de vérification, dans un délai de 10 jours à compter de sa publication. En l'absence d'objection motivée, il reviendra à l'instance ad hoc de se prononcer sur l'octroi du statut de catégorie 1, puis de communiquer sa décision à la Commission. Si des objections sont formulées, il appartiendra à la Commission de trancher, après avoir consulté l'Autorité européenne de sécurité des aliments, puis de préparer un projet de décision, dont l'adoption nécessitera la majorité simple - et non la majorité qualifiée, comme dans la réglementation sur les OGM.

Enfin, si aucun essai de terrain n'a été réalisé dans l'Union et que la demande intervient en vue de la mise sur le marché, la décision sera rendue par la Commission, sur la base d'un avis scientifique fourni par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, afin de « garantir l'efficacité de la procédure de vérification et la cohérence des déclarations de statut de végétal NTG de catégorie 1 » (article 7).

La Commission fait valoir que le dépôt des dossiers au niveau de chaque État membre en vue des essais de terrain devrait représenter un allègement de la charge administrative pour les petits opérateurs, davantage susceptibles de participer à ces disséminations. Néanmoins, le choix de confier à une autorité nationale le soin de mener la procédure de vérification pourrait se traduire par des différences d'appréciation entre les États membres d'une part, et entre les échelons nationaux et européen d'autre part. Pour juguler ce risque, les rapporteurs suggèrent l'élaboration, par l'Autorité européenne de sécurité des aliments, de lignes directrices précises s'agissant de la teneur des rapports de vérification.

Par ailleurs, les parties prenantes auditionnées ont majoritairement soutenu la fixation d'un délai maximal pour conduire les procédures de vérification, estimant que cette disposition offrait de la visibilité aux opérateurs, tout en garantissant le caractère standardisé et rapide de l'examen. Il ressort néanmoins des échanges menés avec l'Anses que ces délais paraissaient peu compatibles avec les processus d'expertise collective habituels à l'Agence.

3. Une évaluation des risques réalisée dans le cadre de la réglementation applicable aux végétaux conventionnels

Si les variétés NTG ayant obtenu le statut de catégorie 1 seront exemptées de toute évaluation des risques a priori, elles demeureront soumises à la législation sectorielle applicable aux semences et aux autres matériels de reproduction des végétaux. Ainsi, les variétés obtenues à l'aide de ces NTG devront être inscrites au Catalogue officiel des variétés, à l'issue d'une évaluation de leur Valeur agronomique, technologique et environnementale (VATE), permettant notamment que soient instruits les risques qui leurs sont associés.

Au demeurant, les experts auditionnés n'ont pas identifié de risques spécifiques liés aux végétaux NTG de catégorie 1. Il a ainsi été signalé aux rapporteurs que, si l'avis de l'Anses déplore l'absence de prise en compte des risques potentiels dans les critères d'équivalence, il n'indique pas que les risques associés aux végétaux NTG de catégorie 1 seraient supérieurs à ceux afférents aux plantes issues de méthodes de sélection conventionnelles.

Néanmoins, plusieurs parties prenantes ont plaidé en faveur d'une surveillance et d'un contrôle après la dissémination de ces variétés. S'il ne paraît pas opportun de prévoir un tel suivi à l'échelle de tout le territoire national - eu égard au coût et à la charge administrative qui en résulterait -, un dispositif de biovigilance a posteriori pourrait utilement être mise en place dans les fermes expérimentales, afin de pouvoir mesurer, sur certaines parcelles, l'impact de la dissémination des variétés de catégorie 1 sur les systèmes agricoles.

C. LE MAINTIEN D'UNE PROCÉDURE D'AUTORISATION ASSORTIE D'UNE ÉVALUATION DES RISQUES POUR LES VÉGÉTAUX NTG DE CATÉGORIE 2, SOUMIS À LA LÉGISLATION SUR LES OGM

Pour les végétaux NTG ne remplissant pas les critères d'équivalence (« végétaux NTG de catégorie 2 »), la législation sur les OGM continuerait à s'appliquer (chapitre III, articles 12 à 25), modulo quelques adaptations relatives à l'évaluation des risques, la conformité des méthodes de détection, le suivi et le renouvellement régulier de l'autorisation de mise sur le marché. Ces différentes dispositions ont vocation à alléger le dossier initial à fournir pour ces produits considérés comme des OGM, « dossier tellement lourd et coûteux qu'il exclut de fait l'ensemble des PME et laboratoires publics »16(*).

Cette approche différenciée repose sur la distinction opérée entre les OGM proprement dits, qui contiennent du génome exogène, et les végétaux modifiés à l'aide des NTG se limitant à insérer du matériel génétique d'espèces « croisables ».

1. Une évaluation des risques variant au cas par cas, selon des critères définis par l'Autorité européenne de sécurité des aliments

Si la proposition de règlement maintient le principe d'une autorisation préalable à toute dissémination ou mise sur le marché de végétaux NTG de catégorie 2, elle prévoit un assouplissement des exigences en matière de données pour l'évaluation des risques, comme le préconisait l'Autorité européenne de sécurité des aliments dans ses avis scientifiques sur les végétaux développés par cisgenèse et intragenèse17(*), ainsi que sur les végétaux développés par mutagenèse ciblée18(*).

En pratique, comme le précise l'annexe II à la proposition de règlement, le type et la quantité d'informations nécessaires à l'évaluation des risques devraient varier au cas par cas, en fonction des critères pour l'évaluation des risques des végétaux obtenus par mutagenèse ciblée, cisgenèse et intragenèse développés par l'Autorité19(*), à savoir : les traits introduits, la fonction des séquences génomiques modifiées ou insérées, l'expérience préalable en matière de consommation de végétaux similaires, l'expérience préalable de la culture de la même espèce végétale, l'ampleur et les conditions de la dissémination et enfin, les conditions d'utilisation prévues du végétal NTG.

Pour les rapporteurs, le maintien d'une évaluation des risques conforme à celle qui est en vigueur pour les OGM empêcherait de facto le déploiement des végétaux NTG de catégorie 2. Cela serait d'autant plus regrettable que certains traits, comme la tolérance au stress hydrique, sont gouvernés par plusieurs gènes, avec pour corolaire un nombre de modifications élevé et peu susceptible de remplir les critères de la catégorie 1 : il paraît donc pertinent qu'une procédure d'évaluation ad hoc soit mise en place pour ce type de végétaux NTG.

S'agissant plus spécifiquement de la méthodologie retenue pour l'évaluation des risques liés aux végétaux NTG 2, les rapporteurs regrettent vivement l'ajournement de la publication du rapport d'expertise collective de l'Anses relatif aux « Méthodes d'évaluation des risques sanitaires et environnementaux et des enjeux socio-économiques associés aux plantes obtenues au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques » et proposant un référentiel adapté pour évaluer les principaux risques associés aux plantes de catégorie 2. Finalisé par l'Agence en janvier, ce rapport a finalement été publié le 6 mars 2024, c'est-à-dire plusieurs mois après le début des négociations, et après le vote du Parlement européen sur le texte. Il est particulièrement malencontreux que les décideurs politiques n'aient pu disposer de ces éléments d'expertise scientifique en temps utile. En tout état de cause, le choix des tutelles de l'Agence de ne pas publier ce document dès janvier interroge.

2. Des modalités permettant de se conformer aux exigences relatives aux méthodes de détection

Si l'obligation de fournir une méthode de détection et de traçabilité devrait être maintenue, les demandeurs pourront déroger à cette obligation s'ils justifient qu'il n'est pas possible de fournir une méthode qui détecte, détermine et quantifie ou si le laboratoire de référence de l'Union européenne parvient à la même conclusion lors de la procédure.

En pratique, le texte prévoit que les modalités de conformité avec les exigences relatives aux méthodes analytiques puissent être adaptées, et renvoie pour ce faire à un acte d'exécution de la Commission (article 27).

3. La possibilité d'adapter au profil de risque les exigences en matière de suivi

Enfin, les exigences en matière de surveillance des effets environnementaux des végétaux NTG de catégorie 2 devraient être adaptées au profil de risque, à la lumière de plusieurs éléments : l'évaluation des risques, l'expérience acquise lors des essais de terrain, les caractéristiques du végétal concerné, les caractéristiques et l'ampleur de l'utilisation prévue ou encore l'environnement récepteur.

Ainsi, tandis que la directive sur les OGM exige la mise en place d'un plan de surveillance des effets des OGM sur l'environnement en cas d'autorisation de mise sur le marché, la proposition de législation sur les NTG ouvre la possibilité de déroger à cette obligation si le végétal de catégorie 2 n'est pas susceptible de présenter des risques nécessitant une surveillance (article 15).

À l'aune des éléments recueillis lors des auditions, et eu égard au manque de données sur les risques associés, à moyen et long terme, aux plantes issues de mutagenèse dirigée, les rapporteurs sont néanmoins favorables à l'instauration systématique d'un suivi post-autorisation, avec la mise en place obligatoire d'un plan de surveillance des risques environnementaux, tenant compte des impacts cumulés liés à la culture de différentes variétés de NTG, ainsi que des conséquences de la mise sur le marché de ces plantes sur les pratiques culturales.

4. Des autorisations de mise sur le marché illimitées dans le temps après le premier renouvellement

Tandis que les autorisations délivrées pour la mise sur le marché d'un OGM, ou d'un produit dérivé d'OGM, destiné à l'alimentation humaine ou animale20(*), ou la mise sur le marché d'un OGM à toute autre fin que l'alimentation humaine ou animale21(*) sont limitées à 10 ans et renouvelables après une nouvelle évaluation, la proposition de règlement sur les nouvelles technologies prévoit qu'après son premier renouvellement, l'autorisation soit valable pour une durée illimitée (articles 17 et 21), sauf en cas de décision contraire prise au moment de ce renouvellement, sur la base de l'évaluation des risques et des informations disponibles sur le végétal NTG concerné.

5. Des mesures d'incitations réglementaires pour encourager le développement de traits destinés à renforcer la durabilité

Des mesures d'incitations règlementaires - comme une procédure accélérée d'évaluation des risques ou un renforcement des conseils préalables à la soumission pour aider les développeurs à préparer les dossiers - sont également prévues en faveur des végétaux NTG de catégorie 2 contenant certains traits susceptibles de contribuer à la performance globale des variétés en ce qui concerne la durabilité (article 22).

Répertoriés à l'annexe III de la proposition de règlement, ces traits - dont la liste pourrait être modifiée par la Commission pour tenir compte des progrès scientifiques et technologies - comprennent :

- le rendement (y compris stabilité du rendement et rendement avec un faible apport d'intrants) ;

- la tolérance/résistance aux agressions biotiques (maladies des végétaux causées par des champignons, bactéries ou organismes nuisibles) ;

- la tolérance/résistance aux agressions abiotiques ;

- une utilisation plus efficace des ressources, telles que l'eau et les nutriments ;

- les caractéristiques qui améliorent la durabilité du stockage, de la transformation, et de la distribution ;

- l'amélioration de la qualité ou des caractéristiques nutritionnelles ;

- la réduction des besoins en intrants externes, tels que les produits phytopharmaceutiques et les engrais.

À l'inverse, la tolérance aux herbicides exclurait de manière systématique l'application de ces incitations.

Des mesures d'incitation supplémentaires seraient prévues lorsque le demandeur est une petite ou moyenne entreprise, qu'il s'agisse de dispenses de redevances pour la validation des méthodes de détection ou de conseils plus étendus avant la soumission de la demande, afin de soutenir la diversification des développeurs de végétaux NTG.

Les travaux des rapporteurs ont toutefois mis en exergue le caractère à la fois peu discriminant et peu incitatif de ces mesures. La liste des traits figurant à l'annexe III inclut notamment l'augmentation du rendement, qui est l'un des objectifs de base de la sélection variétale, si bien qu'une grande majorité de végétaux NTG de catégorie 2 devrait remplir au moins un de ces critères. En tout état de cause, les mesures paraissent peu incitatives ; pour de nombreux observateurs, il est probable que l'intérêt de se prévaloir d'un trait favorable à la durabilité ne vienne pas contrebalancer une procédure encore très lourde, et finalement relativement similaire à celle en vigueur pour les OGM.

Par conséquent, il y a fort à craindre que le cadre réglementaire des NTG de catégorie 2 ne soit pas assez attractif pour développer des filières. Comme l'a résumé l'ADEIC, en s'appuyant sur une étude récente22(*) : « tout est fait pour qu'il n'y ait pas plus d'une dizaine de tels OGM d'ici 30 ans »23(*).

6. La suppression de toute clause de non-participation, assortie de l'obligation, pour les États membres, de mettre en oeuvre des mesures de coexistence

La proposition de législation sur les NTG exclut explicitement la possibilité pour les États membres de recourir à la clause de non-participation (opt-out) pour les végétaux NTG de catégorie 2 (article 25). Cette clause, introduite dans la législation sur les OGM en 201524(*) à la demande des États membres, leur permet d'interdire ou de restreindre la culture d'un OGM autorisé ou en cours d'autorisation au niveau de l'Union, en invoquant des motifs plus étendus que les clauses de sauvegarde ou d'urgence : incidences socio-économiques, aménagement du territoire, affectation des sols, objectifs de politique agricole ou environnementale, volonté d'éviter la présence d'OGM dans d'autres produits ou encore préservation de l'ordre public.

Actuellement utilisée par 18 États membres, cette clause d'opt-out concerne exclusivement la culture des OGM, cette dernière comportant, comme le relève la directive de 2015 susmentionnée, « une forte dimension nationale, régionale et locale en raison de son lien avec l'affectation des sols, les structures agricoles locales et la protection ou la préservation des habitats, des écosystèmes et des paysages ». Dès lors, elle ne couvre ni la libre circulation, ni la libre importation de semences, de matériels de multiplication végétale génétiquement modifiés, ou de produits de leur récolte.

Dans la mesure où cette clause de non-participation ne pourra pas s'appliquer à la culture des végétaux de catégorie 2, les États membres seront tenus d'adopter des mesures de coexistence pour éviter la présence involontaire de ces végétaux dans les cultures biologiques et conventionnelles (article 24).

Lors de leurs travaux, les rapporteurs ont pu constater qu'une grande majorité des parties prenantes était favorable à la suppression de cette clause de non-participation, afin de garantir un égal accès à l'innovation et une homogénéité de traitement pour tous les agriculteurs européens et toutes les filières.

A contrario, la possibilité pour certains États membres d'interdire la culture de végétaux NTG sur leur territoire serait susceptible de (i) créer des distorsions de concurrence intra-européennes, (ii) complexifier le travail des opérateurs en aval de la chaîne alimentaire et (iii) générer des surcoûts, notamment de vérification.

Par conséquent, le maintien d'un tel opt-out risquerait d'avoir un effet délétère sur le développement des NTG, avec pour corolaire une situation sensiblement identique à celle qui prévaut actuellement pour les OGM : si elle n'en produit pas, l'Union européenne en importe.

Dans ce contexte, les rapporteurs souhaitent que les États membres ne puissent restreindre unilatéralement la mise sur le marché ou la dissémination volontaire des végétaux de catégorie 2 sur leur territoire, afin de favoriser un déploiement harmonisé des NTG au sein de l'Union européenne.

III. GARANTIR LA LIBERTÉ DE CHOIX DU CONSOMMATEUR SANS OBÉRER LE DÉPLOIEMENT DES NTG : LA NÉCESSITÉ D'ÉTAYER LES DISPOSITIONS RELATIVES À L'ÉTIQUETAGE

Les plantes de catégorie 2 resteront soumises aux exigences de traçabilité et d'étiquetage prévues par la législation de l'Union sur les OGM. Les opérateurs seront néanmoins autorisés à compléter l'étiquetage par des informations sur le trait conféré par la modification génétique (article 23).

En parallèle, les végétaux NTG de catégorie 1 ont vocation à être traités comme des végétaux conventionnels. La proposition de règlement comprend néanmoins plusieurs dispositions destinées à garantir la transparence et la traçabilité de ces végétaux, avec notamment :

- la mise en place d'une base de données accessible au public, chaque plante se voyant attribuer un numéro d'identification lors de l'obtention du statut de végétal de catégorie 1 (article 9). Complémentaire au catalogue des variétés, cette base NTG devrait contenir des informations spécifiques sur les caractéristiques de chaque végétal NTG ;

- l'étiquetage des semences NTG de catégorie 1, afin de garantir la traçabilité, la transparence et le choix des opérateurs lors de la recherche et de l'obtention des végétaux ou de la vente de semences aux agriculteurs (article 10). Un tel étiquetage permettrait de préserver la liberté de choix des agriculteurs, tout en garantissant que les chaînes de production qui le souhaitent puissent rester exemptes des NTG.

Les rapporteurs soutiennent pleinement le maintien d'un étiquetage obligatoire pour les plantes de catégorie 2 et accueillent favorablement la possibilité de compléter cet étiquetage par des informations sur le trait conféré par la modification génétique. Ils estiment néanmoins nécessaire, dans un souci de transparence, que tout pétitionnaire désireux de recourir à cette disposition soit tenu d'étiqueter l'intégralité des traits conférés à la plante - y compris les traits de tolérance aux herbicides, le cas échéant.

S'agissant des plantes de catégorie 1, les dispositions prévues dans la proposition de règlement sont jugées insuffisantes par les associations de consommateurs qui plaident en faveur d'un étiquetage jusqu'aux consommateurs finaux, afin de préserver la liberté de choix de ces derniers et de répartir la charge administrative entre les différentes filières (i.e. celles qui utiliseront des végétaux NTG et celles qui souhaitent s'en abstenir).

Les auditions menées par les rapporteurs ont néanmoins mis en exergue les difficultés que susciterait la mise en place d'un tel étiquetage. D'un point de vue pratique, les producteurs ont pointé le risque d'une véritable usine à gaz conduisant à complexifier les chaînes d'approvisionnement, en raison de l'incapacité des opérateurs à détecter les plantes dont le génome a été édité. En effet, dans le cas des plantes de catégorie 1, la détection des mutations non communiquées par le producteur se révèle particulièrement ardue, voire impossible. En parallèle, comme l'a rappelé le Centre commun de recherche de la Commission, il est impossible d'identifier l'origine d'une mutation et donc de déterminer si elle est naturelle, issue de mutagenèse aléatoire ou de mutagenèse ciblée.

Par conséquent, l'instauration d'un étiquetage obligatoire jusqu'au consommateur final pour les produits issus de végétaux de catégorie 1 supposerait le respect d'une stricte différenciation tout au long de la chaîne de production alimentaire. Au-delà de la seule transparence de l'information, l'amont comme l'aval de la filière se verraient imposer des obligations de traçabilité et de ségrégation complète entre les variétés conventionnelles et les variétés issues de NTG, avec pour corolaire des surcoûts élevés, susceptibles de se répercuter à terme auprès des consommateurs par une hausse des prix.

Plusieurs experts interrogés ont émis des doutes, enfin, quant à l'effectivité d'une telle mesure, estimant qu'elle se heurterait à un risque de fraude élevé, et qu'en l'absence de clause miroir, elle contribuerait à créer des distorsions de concurrence au détriment des producteurs européens, puisque les denrées importées ne seront pas soumises à de telles exigences en termes de traçabilité et d'étiquetage.

En tout état de cause, il y a fort à craindre qu'un tel étiquetage conduise à freiner considérablement le déploiement des NTG, en stigmatisant les produits issus de NTG et en pointant un danger hypothétique.

Dans ce contexte, les rapporteurs souhaiteraient que la Commission publie, dans un délai de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur de la présente proposition, une évaluation relative aux incidences positives et négatives d'un étiquetage plus aval. Cette étude pourrait utilement éclairer le Parlement européen et le Conseil sur l'opportunité, mais également le coût et la faisabilité d'une telle mesure.

À court terme, et dans l'attente de ces éclairages supplémentaires, il ressort des auditions menées que si les produits ne sont pas différenciables, ils doivent être traités à l'identique. Afin de garantir néanmoins le respect du droit à l'information et la liberté de choix des consommateurs, la proposition de règlement doit explicitement autoriser le recours à un étiquetage volontaire destiné à mettre en exergue le caractère « non NTG » de certaines filières. En l'absence de méthodes analytiques de détection normalisées, un tel étiquetage volontaire reposerait d'une part sur l'étiquetage obligatoire des semences NTG 1, et d'autre part sur un renforcement de la traçabilité documentaire déjà en place dans les filières avec labels.

En parallèle, les dispositions destinées à garantir la transparence doivent être renforcées, au travers notamment de la mise en ligne du registre public des végétaux de catégorie 1.

Enfin, il paraît indispensable de promouvoir l'insertion de mesures miroirs, afin d'assurer la traçabilité et l'étiquetage sur les produits importés issus de nouvelles techniques génomiques, et ainsi conserver un niveau d'exigence comparable entre les plantes importées et les plantes cultivées dans l'Union européenne.

IV. UN ÉQUILIBRE À TROUVER POUR PERMETTRE À LA FILIÈRE BIOLOGIQUE DE RESPECTER SON CAHIER DES CHARGES, SANS EMPÊCHER LES FILIÈRES CONVENTIONNELLES D'AVOIR RECOURS AUX NTG

Le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique25(*) interdit l'utilisation d'OGM et de produits issus d'OGM dans la production biologique.

Par conséquent, si les végétaux NTG de catégorie 2 sont et demeurent de facto interdits dans la production biologique, le statut des végétaux NTG de catégorie 1, qui dérogeront entièrement à la législation de l'UE sur les OGM, doit être clarifié.

Partant, la proposition de règlement pose l'interdiction de l'utilisation de végétaux NTG de catégorie 1 dans la production biologique (article 5), la Commission estimant que l'utilisation des nouvelles techniques génomiques paraît actuellement incompatible avec la perception des consommateurs à l'égard des produits biologiques.

Pour les rapporteurs, telle clarification devrait relever davantage du règlement sur la production biologique que du règlement sur les nouvelles techniques génomiques, puisqu'il appartient aux acteurs de la filière biologique de se prononcer sur cette question.

En effet, le label bio est défini par un cahier des charges susceptible d'évoluer dans le temps, en fonction notamment des attentes des consommateurs et de leurs perceptions. Il serait donc envisageable de ne pas statuer sur ce point dans le règlement NTG, et de laisser ainsi la porte ouverte à une éventuelle utilisation des plantes de catégorie 1 dans l'agriculture biologique - ce scénario étant plausible selon de nombreuses parties prenantes, pour qui l'usage des NTG pourrait à terme être plébiscité par les agriculteurs désireux d'opérer une conversion vers la production biologique.

Les auditions ont néanmoins mis en en exergue le soutien unanime des représentants des filières biologiques à une interdiction des NTG dans l'agriculture biologique, et leur souhait de voir figurer une telle mesure dans le règlement sur les NTG, ce dont les rapporteurs prennent acte.

Dans ce contexte, il serait opportun que la Commission produise, quelques années après l'entrée en vigueur du règlement, un rapport sur l'évolution de la perception des nouvelles techniques génomiques par les consommateurs et les producteurs, accompagné le cas échéant d'une proposition législative destinée à lever l'interdiction d'utiliser les nouvelles techniques génomiques dans le secteur de la production biologique.

À plus court terme, il importe néanmoins de définir des modalités permettant à la filière biologique de s'abstenir d'utiliser des plantes NTG d'une manière qui n'empêche pas les filières conventionnelles d'en faire usage. À cet égard, il convient de distinguer l'usage de ces végétaux de leur présence involontaire dans la production.

Ainsi, grâce à l'étiquetage obligatoire des semences, la filière biologique sera en mesurer d'assurer une traçabilité stricte tout au long de la chaîne de production, et donc de ne pas utiliser de végétaux NTG, en maintenant une ségrégation entre les productions biologiques et conventionnelles.

En parallèle, comme l'ont exposé plusieurs parties prenantes, l'équilibre global de la proposition de règlement ne permettra pas d'éviter la présence involontaire de végétaux NTG dans les cultures biologiques, en raison du cumul de l'absence de règles de coexistence entre les végétaux de catégorie 1 et les végétaux conventionnels, de l'absence de méthodes de détection des végétaux NTG, et du risque d'importation en provenance de pays où ces plantes sont dérégulées, sans pour autant que l'étiquetage des semences y soit obligatoire.

Pour les rapporteurs néanmoins, dès lors que les végétaux de catégorie 1 ont vocation à être traités comme des plantes conventionnelles, il n'y a pas lieu de prévoir de mesures de coexistence spécifique avec la production biologique - de telles mesures n'existant pas entre les productions conventionnelle et biologique. Par conséquent, si elles sont autorisées, les variétés NTG de catégorie 1 doivent pouvoir être cultivées sur tout le territoire.

Corrélativement, la présence fortuite de végétaux de catégorie 1 dans la production biologique ne saurait constituer une violation du règlement sur l'agriculture biologique.

V. LA PROTECTION INTELLECTUELLE DES VÉGÉTAUX NTG : UNE QUESTION CENTRALE À TRAITER AVANT L'ENTRÉE EN VIGUEUR DU RÈGLEMENT

A. LA COEXISTENCE ÉPINEUSE DE DEUX RÉGIMES DE PROTECTION INTELLECTUELLE POUR LES PLANTES : LE CERTIFICAT D'OBTENTION VÉGÉTALE ET LE BREVET

1. Pour les variétés conventionnelles, le respect de la propriété intellectuelle est assuré par le biais du certificat d'obtention végétale

Les variétés de plantes issues de procédés conventionnels sont protégées par le certificat d'obtention végétale (COV). Créé en 1962, ce régime de propriété autorise (i) l'agriculteur à réutiliser des semences de son exploitation pour réensemencer l'année suivante (« privilège du fermier ») et (ii) les sélectionneurs à utiliser librement une variété protégée pour en sélectionner une autre (« exemption du sélectionneur »).

Permettant ainsi un libre accès aux ressources génétiques des plantes cultivées, le COV favorise une innovation « ouverte », c'est-à-dire résultant d'un échange intensif de connaissances et de ressources génétiques entre une diversité d'acteurs. Ce régime de propriété assure en parallèle une rémunération efficace de l'innovation variétale, en raison des délais nécessaires à l'élaboration de nouvelles variétés ; en pratique, une nouvelle variété créée à partir d'une variété protégée ne viendra concurrencer cette dernière qu'à l'issue d'un pas de temps relativement long, de l'ordre de 10 à 20 ans.

Les travaux menés par les rapporteurs ont mis en exergue l'attachement des acteurs du monde agricole français au système du COV, garantissant le maintien d'une large diversité génétique et l'accès d'un grand nombre d'acteurs aux innovations les plus récentes, ainsi qu'aux ressources génétiques.

2. Si les variétés végétales ne sont pas brevetables au sein de l'Union, les caractères et les procédés techniques peuvent être protégés par brevet

En Europe, le droit des brevets comprend une clause d'exclusion stipulant que les variétés végétales ne peuvent pas être protégées par brevet. Cette disposition, qui figurait initialement à l'article 53b de la Convention sur le brevet européen, a été reprise dans la directive européenne sur la protection par brevet des inventions biotechnologiques26(*).

La France a par ailleurs, en 2016, introduit dans la loi27(*) l'interdiction de breveter les caractères natifs (i.e. qui peuvent être introduits par des techniques de croisement ou de sélection naturelle), cette exclusion ayant été par la suite insérée dans le règlement technique de l'Office européen des brevets (OEB).

L'OEB considère néanmoins que des inventions concernant les plantes peuvent être brevetées ; sous réserve de répondre aux critères généraux de nouveauté et d'activité inventive, les procédés techniques - à l'exception des procédés essentiellement biologiques (c'est-à-dire les méthodes de sélection classiques) - et les nouveaux traits sont brevetables, à condition que l'invention ne soit pas limitée à une variété végétale.

Si les variétés, en tant que telles, demeurent non-brevetables, certaines d'entre elles peuvent être sous la dépendance de brevets revendiquant des caractères. Il convient de relever qu'un même brevet peut concerner des dizaines de variétés, et que réciproquement, une variété peut être liée à plusieurs brevets.

Cette protection par brevet s'oppose à la libre utilisation des variétés par les obtenteurs, mettant fin à « l'exemption du sélectionneur ». En pratique, l'obtenteur qui souhaiterait utiliser une variété tombant sous la dépendance d'un brevet pour en créer une autre n'aurait d'autres choix que d'éliminer, par le biais de croisements, les gènes et caractéristiques brevetés, ou de s'acquitter de redevances auprès du détenteur du brevet, afin d'obtenir une licence. De la même manière, le régime de propriété des brevets ne maintient pas le privilège du fermier.

L'émergence du génie génétique et le développement de variétés de plantes transgéniques ont ainsi provoqué une irruption du brevet d'invention dans le monde des semences. Selon l'Office européen des brevets, depuis 1995, près de 8 800 demandes de brevets européens ont été déposées pour des végétaux génétiquement modifiés, tandis que 3 100 brevets ont été délivrés.

Comme l'ont souligné les représentants des semenciers lors de leur audition, si cette évolution a été l'un des moteurs de la concentration de l'industrie des semences au cours des vingt dernières années, l'Union européenne a jusqu'à présent été relativement préservée de ce mouvement, grâce à l'existence d'un moratoire de fait sur la culture des OGM.

Néanmoins, le développement des nouvelles techniques génomiques pourrait changer la donne et impose, en tout état de cause, de clarifier les règles applicables en matière de propriété intellectuelle.

B. LE DÉVELOPPEMENT DES NTG POURRAIT FAIRE TOMBER DE NOMBREUSES VARIÉTÉS DANS LE CHAMP DES BREVETS, SOULEVANT DES ENJEUX INÉDITS EN TERMES DE CONCENTRATION DU MARCHÉ, D'ACCÈS AUX RESSOURCES GÉNÉTIQUES ET DE SÉCURITÉ JURIDIQUE POUR LES OBTENTEURS ET LES AGRICULTEURS

1. Un risque avéré de concentration du marché faisant peser une menace vitale sur la filière semencière française

Aux États-Unis, la brevetabilité des techniques de recombinaison génétique et des séquences génétiques a été l'un des moteurs de la concentration de l'industrie des semences au cours des vingt dernières années.

Ainsi, les trois premiers groupes (Bayer, Corteva et Syngenta) détiennent 71 % des brevets concernant les plantes qui ont déposés aux États-Unis entre 1976 et 2021. Par conséquent, comme l'a relevé le Comité aux enjeux sociétaux de Semae dans un avis de décembre dernier sur les semences et la propriété intellectuelle, les deux leaders (Bayer et Corteva) se partagent désormais plus du quart des marchés mondiaux ; ces deux groupes représentent 72 % des ventes sur le marché américain des semences de maïs. Le marché des traits n'échappe pas à ce phénomène, puisque selon le département de l'Agriculture aux États-Unis, les traits détenus initialement par Monsanto sont utilisés sur 95 % des surfaces de soja transgénique, 81 % du maïs et 79 % du coton. In fine, les six plus grandes entreprises semencières représentent désormais 40 % des marchés mondiaux.

Or, comme l'a souligné le comité scientifique du Comité technique permanent de la sélection des plantes cultivées (CTPS), les procédés d'édition génomique - qui font d'ores et déjà très majoritairement l'objet d'une protection par brevet, à l'instar de la voie CRISPR/Cas - sont également détenus par une poignée d'entreprises semencières, la seule firme américaine Corteva détenant ainsi la quasi-totalité des droits de licence en matière de production agricole végétale.

De surcroît, dans la mesure où les NTG sont protégées par une multitude de brevets, portant sur les techniques, mais également sur les différentes applications, le recours à ces technologies risque d'être très onéreux, favorisant leur accaparement par de grands groupes mondiaux, au détriment des PME d'obtention végétale. La menace d'un tel verrou financier à l'usage des NTG a été évoquée par de nombreuses parties prenantes.

En parallèle, l'Office européen des brevets a confirmé en août 2023 qu'à défaut d'une refonte du droit européen, les traits de variétés issues des NTG pourraient être brevetés. Les techniques d'édition génomique permettant d'introduire simultanément plusieurs traits, elles pourraient à terme entraîner une multiplication des caractères brevetés au sein d'une même variété

Le Comité aux enjeux sociétaux de Semae estime en définitive qu'un recours massif aux NTG - permettant d'introduire une multiplicité de gènes édités au sein d'une variété, à l'aide de plusieurs technologies différentes de manipulation génique - se traduirait par un « empilement de caractères », rendant impossible leur suppression et faisant définitivement tomber la variété créée dans le champ des brevets. Une telle situation imposerait aux sélectionneurs le paiement de redevances exorbitantes auprès des différents détenteurs de brevets - de l'ordre de 4 à 5 % du chiffre d'affaires généré par brevet - tout en générant une grande incertitude.

Partant, force est de constater que le caractère brevetable des techniques d'édition génomique ainsi que des séquences qui en sont issues pourrait à l'avenir restreindre l'accès des sélectionneurs aux technologies et ressources génétiques et de ce fait créer des barrières à l'entrée pour les petites et moyennes entreprises, tout en renforçant le pouvoir de marché des grandes entreprises semencières.

Dès lors, comme l'a indiqué M. Paul Vialle, de l'Académie d'agriculture, lors de son audition : « il faut être pleinement conscient que le présent règlement peut servir de cheval de Troie aux grandes firmes semencières mondiales pour tuer la concurrence des PME européennes via des séquences brevetées un peu partout, fussent-elles inutiles ».

En l'état, il a donc été indiqué aux rapporteurs que la proposition de règlement faisait peser une menace vitale sur la semencière française, qui à rebours de la tendance à la concentration au niveau mondial, compte plus d'une soixante d'entreprises de sélection, dont une majorité de petites et moyennes entreprises. La mise en oeuvre de ce texte soulève ainsi des enjeux colossaux, s'agissant de l'avenir de l'industrie semencière européenne et plus largement, de la possibilité pour l'Union de mettre en oeuvre ses propres politiques agricoles, alimentaires et environnementales, sans dépendre d'intérêts étrangers aux objectifs européens. Comme l'a résumé M. Paul Vialle : « accepter tel quel le texte, sans perspective autre qu'aléatoire de modification vigoureuse, serait obérer un pan entier de notre avenir stratégique ».

2. Une multiplication des éléments brevetés dans les variétés qui pourrait restreindre l'accès aux ressources phytogénétiques et freiner l'innovation variétale

Une concentration accrue du secteur serait par ailleurs particulièrement préjudiciable à l'agriculture dans son ensemble. En effet, comme l'ont relevé l'Académie des technologies et l'Académie d'agriculture, la multiplicité des entreprises semencières a contribué par le passé à la dynamique de la sélection végétale et au maintien d'une grande diversité génétique.

A contrario, il y a fort à craindre que la concentration du marché des semences ne tende à favoriser la disparition de la biodiversité cultivée. En effet, dans une situation oligopolistique, et dans l'hypothèse où les redevances pour accéder aux NTG s'avèreraient élevées, les grandes firmes risqueraient de concentrer leurs recherches sur un nombre limité de végétaux et de traits, dont la commercialisation serait jugée plus rentable et assurerait un retour financier suffisant. En pratique, seraient privilégiées les grandes cultures comme le maïs, le blé, le riz ou le coton, au détriment non seulement des espèces dites mineures comme les protéagineux, le blé dur ou l'orge, mais également des caractéristiques adaptées à certains marchés locaux, pour lesquelles il serait difficile d'atteindre un retour financier suffisant pour amortir le coût des licences.

En réalité, seules les PME seraient en mesure d'être intéressées par les applications bénéficiant à une biodiversité cultivée la plus étendue possible (espèces secondaires, caractères particuliers à tel usage ou tel contexte).

En parallèle, la multiplication des éléments brevetés au sein des variétés serait susceptible de remettre en cause le libre accès aux ressources phytogénétiques, et donc de restreindre l'innovation variétale. En effet, comme l'a exposé M. Paul Vialle, de l'Académie d'Agriculture, le « mitage possible de l'ADN de variétés végétales par des brevets - on parle de “ buisson de brevets ?, voire de “ champs de mines ? - rendrait inopérants les bénéfices du COV [que sont] l'exception du sélectionneur et le privilège du fermier ».

Or, si les NTG sont amenées à se développer, la réalisation de croisements entre des variétés existantes, qui constituent les ressources phytogénétiques, reste indispensable à l'innovation variétale. Dans ce contexte, les semenciers ont souligné que le maintien du libre-accès aux ressources phytogénétiques devait constituer une priorité.

In fine, alors que la diversité paraît indispensable à l'agriculture pour relever les défis du futur, de nombreuses parties prenantes redoutent que la brevetabilité des génomes et des techniques d'édition génomique ne contribue à accélérer la standardisation des semences.

3. Le manque d'accès à l'information sur les brevets dans les variétés pourrait amener les obtenteurs et les agriculteurs à se placer dans des situations de contrefaçon involontaire

Le respect du droit des brevets suppose une connaissance fine, pour l'obtenteur, des éléments brevetés présents dans les différentes variétés disponibles. Or, les auditions ont mis en exergue le caractère parcellaire des informations disponibles s'agissant des caractères brevetés, étant donné l'absence d'obligation de déclaration des éléments brevetés dans les variétés, mais également le nombre de brevets ainsi que les délais constatés entre le dépôt, la publication et la délivrance de ces derniers. S'il existe une base de données permettant de répertorier les informations disponibles s'agissant des variétés commerciales dépendantes de brevets, cette dernière se fonde sur des contributions volontaires et ne peut donc prétendre à l'exhaustivité.

En parallèle, comme évoqué précédemment, la détection par analyse s'avère souvent difficile, voire impossible dans le cas de gènes édités à l'aide des nouvelles techniques génomiques.

In fine, le cumul de l'impossibilité de détecter les éléments brevetés par des analyses et de l'absence d'obligation déclarative quant à la présence de ces éléments dans les variétés mettrait les agriculteurs et les sélectionneurs dans l'incapacité de se prémunir contre la présence involontaire de matériel breveté dans leurs variétés. Ces derniers pourraient être amenés à utiliser à leur insu des variétés contenant des éléments brevetés pour en créer de nouvelles, se plaçant ainsi dans une situation de contrefaçon involontaire.

Pour de nombreuses parties prenantes, la brevetabilité du vivant constitue ainsi une dérive possible de la présente proposition de législation, puisque des semenciers traditionnels faisant valoir l'enregistrement de variétés antérieurement au dépôt de brevet d'un concurrent sur une information génétique qu'elles contiennent pourraient être menacés de poursuites en contrefaçon. Des précédents existent à ce sujet28(*).

Dès lors, l'augmentation du nombre de variétés contenant des éléments brevetés tendrait à accroître l'incertitude juridique entourant l'activité des obtenteurs, et nécessiterait de mobiliser du temps et des moyens supplémentaires pour sécuriser la sélection variétale - au détriment toujours des petites et moyennes entreprises ne disposant pas des ressources nécessaires.

C. INTERDIRE LA BREVETABILITÉ DES VÉGÉTAUX NTG : UNE MESURE ESSENTIELLE POUR CONFÉRER AU TEXTE SA PLEINE EFFECTIVITÉ

Si les enjeux relatifs à la propriété intellectuelle ont été mentionnés dans l'étude d'impact de la proposition législative, aucune disposition n'est prévue à ce sujet dans ladite proposition.

La Commission européenne s'est certes engagée à publier, d'ici 2026, une étude d'impact sur les répercussions qu'auraient le brevetage des végétaux, l'octroi des licences et la mise en place de pratiques de transparence qui en découlent sur l'innovation dans le domaine de l'obtention végétale, sur l'accès des obtenteurs au matériel et aux techniques génétiques, ainsi que sur la disponibilité des semences pour les agriculteurs et sur la concentration du marché. Cette étude pourrait, le cas échéant, ouvrir la voie à une nouvelle proposition législative.

Néanmoins, de nombreux observateurs ont émis des doutes quant à l'effectivité de ce garde-fou. En effet, même si la Commission européenne parvenait à élaborer une proposition législative dans des délais restreints, l'adoption de cette dernière supposerait plusieurs années de travail législatif et de négociations avec l'Office européen des brevets, et n'aboutirait donc pas avant une dizaine d'années. Or, toute révision du droit des brevets ne s'applique qu'aux brevets accordés postérieurement à son adoption et, même s'ils lui sont contraires, les brevets qui ont été accordés avant cette modification restent valables pendant une durée de vingt ans. Ainsi, des brevets abusifs pourraient être accordés avant que les mesures correctives ne soient mises en place, ouvrant la voie à une concentration du marché à très brève échéance.

Pour les rapporteurs, les règles de propriété intellectuelle constituent un point essentiel de la législation sur les nouvelles techniques génomiques et devraient pas conséquent être examinées concomitamment à cette dernière.

Au regard des éléments qui leur ont été transmis, relatifs notamment à l'attachement des obtenteurs et agriculteurs français au COV, ils recommandent d'insérer dès à présent dans le règlement une clause interdisant la brevetabilité des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques, et ce, dès l'entrée en vigueur du règlement, afin d'éviter que, dans l'intervalle, des demandes de brevets soient présentées ou des brevets délivrés.

Cette solution permettrait de soumettre ces végétaux au régime de protection communautaire des obtentions végétales, comme l'ont demandé de nombreux organismes auditionnés, et donc de préserver la liberté d'exploitation, l'exemption de l'obtenteur et le droit à la reproduction autonome pour les variétés issues des nouvelles techniques génomiques. Elle présenterait également l'avantage de renforcer le soutien à ce système, que la France a toujours activement défendu et contribué à mettre en place.

À moyen terme, les dispositions du règlement pourraient être ajustées, afin de tenir compte des conséquences juridiques d'une telle interdiction ; pour les rapporteurs, cette solution, aussi imparfaite soit-elle, demeure nettement préférable à toute option visant à corriger, le cas échéant avec plusieurs années de retard, les divers blocages qui ne manqueraient pas de résulter d'une multiplication des brevets sur les variétés végétales. Il n'est même pas certain qu'une telle correction a posteriori soit possible en raison des verrouillages cumulés résultant des brevets qui auront été délivrés.

À plus long terme, une révision des règles européennes relatives à la propriété intellectuelle semble s'imposer, afin de remettre le COV au coeur de la propriété intellectuelle des plantes ; il serait souhaitable que la Commission s'attèle à cette tâche sans tarder, afin de généraliser l'exemption du sélectionneur au niveau de l'Union, de limiter les brevets d'invention aux technologies et d'interdire la protection par brevet des caractères génétiques, que ces derniers soient considérés comme natifs ou non.

EXAMEN EN COMMISSION

14 FÉVRIER 2024

M. Jean-François Rapin, président. - Mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à examiner un sujet important, celui de l'encadrement juridique à retenir pour les nouvelles techniques génomiques (NTG). Ces techniques trouvent diverses applications, et notamment dans le domaine de la sélection variétale de plantes cultivées. Elles succèdent aux organismes génétiquement modifiés (OGM), et à ce titre peuvent réveiller les mêmes inquiétudes ; mais elles se distinguent clairement des OGM par leur précision et leur capacité à cibler la modification génétique, ainsi que par le fait qu'elles introduisent uniquement du matériel génétique issu d'espèces pouvant naturellement être croisées. C'est parce qu'elles s'apparentent aux OGM mais en sont distinctes qu'il importe d'adapter aux NTG le cadre juridique applicable aux OGM depuis douze ans. Il s'agit d'une tâche délicate car les enjeux afférents au développement des NTG sont majeures, aussi bien pour l'avenir de l'agriculture et de la recherche en Europe, l'autonomie stratégique du continent, la transition climatique, ou encore en termes de brevetabilité du vivant. La Commission européenne a proposé un texte relatif aux NTG en juillet dernier et voudrait le finaliser avant la fin de son mandat : il est donc temps pour notre commission de se positionner sur le cadre réglementaire proposé et d'alerter sur ses enjeux essentiels.

Nos collègues Jean-Michel Arnaud, Karine Daniel et Daniel Gremillet y ont beaucoup travaillé. Ils ont mené de multiples auditions et sont prêts aujourd'hui à nous présenter le rapport qu'ils ont établi sur cette base et à nous proposer une résolution européenne et un avis politique. Je laisse la parole à nos trois rapporteurs.

M. Jean-Michel Arnaud. - Monsieur le Président, mes chers collègues, je vous remercie pour votre présence et souhaite souligner l'intérêt que mes corapporteurs et moi avons eu à travailler sur ce sujet d'apparence technique.

Après plusieurs mois d'auditions et de rencontres, nous concluons aujourd'hui nos travaux sur la proposition de législation européenne sur les nouvelles techniques génomiques, cette nouvelle génération de techniques de modification du génome, apparues depuis l'adoption de la directive sur les OGM. Plus précises, plus rapides, moins onéreuses et plus faciles à mettre en oeuvre que toutes les autres méthodes de modification génétique, les NTG permettent de cibler spécifiquement certains gènes et donc d'accélérer de manière significative les étapes de la sélection variétale. Les mutations provoquées par certaines NTG pourraient donc se produire naturellement à l'avenir du fait du phénomène de mutagenèse spontanée - mais souvent à l'horizon de plusieurs milliers, voire millions d'années.

Les NTG visées dans la proposition de législation se limitent, de surcroît, à l'insertion d'un matériel génétique provenant uniquement de la même espèce ou d'une espèce sexuellement compatible - contrairement à la transgenèse, qui repose sur l'insertion d'un gène d'origine étrangère. Or, en dépit de ces différences notables, les NTG sont encore couvertes par la directive sur les OGM de 2001, ce qui soulève trois types de difficultés.

Premièrement, certaines règles sont de fait difficiles à faire respecter pour les végétaux issus de NTG, en raison de la non détectabilité de la mutation génétique opérée par le biais de ces nouvelles techniques. Mes collègues vous feront part des conséquences induites en termes de traçabilité.

Deuxièmement, cette réglementation ne permet pas à l'Union de tirer parti des nouveaux développements en matière de biotechnologies pour atteindre ses objectifs stratégiques en termes de climat et d'autonomie. En effet, les techniques d'édition du génome constituent une innovation scientifique majeure, dont les applications en agriculture s'annoncent prometteuses : elles permettraient ainsi de conférer aux semences des caractéristiques « durables » - comme la résistance à certaines maladies, la tolérance aux stress environnementaux, une moindre dépendance aux pesticides ou encore une amélioration des rendements ou de la qualité nutritionnelle. Les NTG pourraient ainsi contribuer à adapter les cultures au changement climatique, et donc renforcer la résilience des chaînes alimentaires, réduire la dépendance aux importations et in fine renforcer l'autonomie stratégique de l'Union européenne. Nous estimons par conséquent qu'elles doivent faire partie du panel de solutions à disposition des agriculteurs et des obtenteurs pour relever les défis agroenvironnementaux auxquels nous sommes exposés.

Troisièmement, l'accès à ces techniques constitue un facteur indéniable de compétitivité dont on ne saurait priver notre agriculture. Alors que de nombreux États dans le monde se sont dotés de législations visant à faciliter le recours aux NTG, un statu quo règlementaire au sein de l'Union aggraverait inévitablement les distorsions de concurrence dont souffrent nos agriculteurs, en matière de production comme sur le plan des échanges commerciaux. Il s'agit également de préserver l'excellence de notre filière semencière française, en lui ouvrant l'accès à ces technologies de pointe ; je rappelle que la France est non seulement le premier pays producteur de semences de l'Union, mais également le premier exportateur mondial.

J'en viens maintenant à la proposition de règlement à proprement parler, qui opère une distinction entre deux catégories de végétaux : ceux qui pourraient apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle, dits « NTG de catégorie 1 » et tous les autres, dits « NTG de catégorie 2 ». Les premiers dérogeront entièrement à la législation sur les OGM, tandis que les seconds y resteront soumis. Sans entrer dans le détail, permettez-moi de vous présenter quelques éléments clés du nouveau cadre juridique proposé.

S'agissant des végétaux de catégorie 1, la Commission part du postulat que les risques posés sont comparables avec les végétaux conventionnels, et donc qu'il n'est pas nécessaire de recourir à une évaluation des risques et à une autorisation préalablement à leur dissémination. Pour obtenir le statut de catégorie 1, les végétaux doivent remplir un certain nombre de critères scientifiques. Nous avons auditionné durant nos travaux de nombreux scientifiques qui débattent de ces critères. Plusieurs experts nous ont indiqué que ces critères pourraient être retravaillés pour mieux tenir compte, notamment, de la diversité de la taille des génomes. Dès lors, il nous semblerait opportun d'insérer une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d'équivalence quelques années après l'adoption du règlement.

S'agissant des végétaux de catégorie 2, la législation sur les OGM continuera à s'appliquer, modulo quelques adaptations relatives à l'évaluation des risques, à la conformité des méthodes de détection, au suivi et au renouvellement régulier de l'autorisation de mise sur le marché. Ces dispositions ont vocation à alléger le dossier initial à fournir pour les végétaux de catégorie 2 - ce dossier étant actuellement tellement lourd et coûteux qu'il exclut de facto l'ensemble des petites et moyennes entreprises et des laboratoires publics. Il ressort néanmoins de nos auditions qu'en dépit de ces ajustements, le cadre règlementaire ne sera vraisemblablement pas assez attractif pour développer des filières. La proposition de règlement prévoit également de supprimer la clause de non-participation - également appelée « opt out » - qui permet aux États membres d'interdire ou de restreindre la culture d'un OGM autorisé au niveau de l'Union. Nous sommes favorables à sa suppression pour les végétaux de catégorie 2 ; alors que nos agriculteurs pâtissent régulièrement de distorsions de concurrence intra-européennes, nous estimons qu'il importe de garantir un égal accès à l'innovation et une égalité de traitement entre tous les producteurs européens.

M. Daniel Gremillet. - Venons-en maintenant à un aspect délicat de la proposition de règlement, à savoir les dispositions relatives à l'étiquetage et la traçabilité des plantes NTG. Nous pouvons écarter d'emblée le cas des végétaux de catégorie 2 ; ces derniers resteront soumis aux exigences prévues par la législation sur les OGM, avec un étiquetage jusqu'au produit final, ce qui nous paraît tout à fait justifié et conforme aux attentes des consommateurs.

La situation est plus complexe pour les végétaux de catégorie 1 qui, je le rappelle, ne peuvent être différenciés des végétaux conventionnels ! Dans ce contexte, l'étiquetage doit-il être centré sur le produit final, ou bien mentionner la technique utilisée ? En d'autres termes, des produits identiques peuvent-ils faire l'objet d'un traitement distinct ?

Nous estimons que sur ce point, la proposition de règlement gagnerait à être plus étayée ; le texte initial de la Commission comporte deux mesures destinées à garantir la transparence : la mise en place d'une base de données accessible au public, et l'étiquetage obligatoire des semences, afin de garantir la traçabilité des variétés NTG ainsi que le libre choix des agriculteurs et des obtenteurs.

Ces dispositions sont jugées insuffisantes par les associations de consommateurs, qui plaident en faveur d'un étiquetage jusqu'au consommateur final. Nos travaux ont néanmoins mis en exergue les difficultés que susciterait la mise en place d'un tel étiquetage ! D'un point de vue pratique, les producteurs ont pointé le risque d'une véritable usine à gaz : en effet, les opérateurs étant dans l'incapacité de détecter les plantes dont le génome a été édité, une telle mesure supposerait le respect d'une stricte différenciation tout au long de la chaîne de production. L'amont comme l'aval de la filière se verraient alors imposer des obligations de traçabilité et de ségrégation complète entre les variétés conventionnelles et les variétés issues de NTG - avec pour corolaire des surcoûts élevés, susceptibles de se répercuter auprès des consommateurs par une hausse des prix. J'ajouterai que plusieurs experts interrogés nous ont mis en garde contre les distorsions de concurrence qui résulteraient d'un tel étiquetage, au détriment des producteurs européens, puisque les denrées importées ne seraient pas soumises à de telles exigences.

Vous l'aurez compris, il y a là un équilibre complexe à trouver, afin de respecter la liberté de choix du consommateur sans obérer le déploiement des NTG - car tel est le risque in fine, comme en témoigne l'exemple des OGM. Dans ce contexte, il nous semblerait judicieux que la Commission publie, d'ici 5 à 7 ans, une évaluation relative aux incidences positives et négatives d'un étiquetage plus aval, en tenant compte, le cas échéant, de l'évolution de la perception des consommateurs. Cette étude pourrait utilement nous éclairer sur l'opportunité, mais également le coût ou même la faisabilité d'une telle mesure. À plus court terme, nous estimons que si les produits ne sont pas différenciables, ils doivent être traités à l'identique. Néanmoins, afin de respecter la liberté de choix du consommateur, nous préconisons d'autoriser explicitement le recours à un étiquetage volontaire destiné à mettre en exergue le caractère « non-NTG » de certaines filières.

Enfin, il nous paraît indispensable de promouvoir l'adoption de mesures miroirs, afin de conserver un niveau d'exigence comparable, s'agissant de la traçabilité et de l'étiquetage, entre les plantes NTG importées et les plantes NTG cultivées dans l'Union.

J'en viens à présent à un deuxième sujet sensible : la place des NTG dans la filière biologique. Le règlement relatif à la filière biologique interdit l'utilisation d'OGM dans la production biologique ; par conséquent, les végétaux de catégorie 2 sont de facto interdits dans cette production, mais le sort réservé aux végétaux de catégorie 1, considérés comme semblables aux conventionnels, doit être clarifié.

Alors que dans sa proposition de législation, la Commission a fait le choix d'interdire l'utilisation des végétaux NTG dans la production biologique, nous estimons qu'une telle interdiction relève davantage du règlement sur la production biologique, et n'a pas nécessairement sa place dans le règlement sur les NTG. En effet, c'est aux acteurs de la filière biologique de se prononcer sur ce point, le cas échéant en faisant évoluer le cahier des charges du label bio. Les représentants des filières biologiques, que nous avons bien évidemment consultés sur ce point, nous ont cependant fait part de leur soutien à une interdiction des NTG dans l'agriculture biologique, et de leur souhait de voir figurer une telle mesure dans le règlement sur les NTG, ce dont nous prenons acte. Nous estimons néanmoins que cette interdiction ne doit pas obligatoirement revêtir un caractère définitif ; par conséquent, nous souhaitons que la Commission produise, d'ici quelques années, un rapport sur l'évolution de la perception des NTG par les consommateurs et les producteurs, accompagné le cas échéant d'une proposition législative destinée à lever l'interdiction d'utiliser ces techniques dans le secteur de la production biologique.

À plus court terme, et dans la mesure où les NTG seront interdites dans l'agriculture biologique, il faut définir des modalités permettant à cette filière de respecter son cahier des charges, d'une manière qui n'empêche pas les filières conventionnelles d'avoir recours aux NTG. À cet égard nous estimons, d'une part, que, grâce à l'étiquetage obligatoire des semences, la filière biologique sera en mesurer d'assurer une traçabilité stricte tout au long de la chaîne de production, et donc de ne pas utiliser de végétaux NTG.

Nous constatons, d'autre part, que l'équilibre global de la proposition de règlement ne permettra pas d'éviter la présence involontaire de végétaux NTG dans les cultures biologiques. Néanmoins, dès lors que les végétaux de catégorie 1 ont vocation à être traités comme des plantes conventionnelles, nous considérons qu'il n'y a pas lieu de prévoir de mesures de coexistence spécifiques avec la production biologique. Nous estimons par conséquent que la présence fortuite de végétaux de catégorie 1 dans la production biologique ne doit pas constituer une violation du règlement sur l'agriculture biologique.

Pour finir, j'aimerais préciser que nous avons au cours de nos travaux mené un nombre très important d'auditions et reçu de nombreuses contributions écrites qui nous ont permis d'élaborer le rapport que nous vous présentons aujourd'hui. Nous avons aussi bien pris en compte l'opinion des scientifiques, des producteurs, des organisations environnementales que des chambres de commerce, des organisations de distributeurs que des associations de consommateurs.

Mme Karine Daniel. - Nous souhaitions aborder, enfin, un élément central de la proposition de règlement, à savoir la question de la protection intellectuelle des végétaux NTG. En effet, deux régimes de protection intellectuelle des plantes coexistent actuellement : le certificat d'obtention végétale (COV) et le brevet. Le COV, qui prévaut en Europe pour les variétés conventionnelles, permet à l'agriculteur de réutiliser les semences de son exploitation pour réensemencer l'année suivante - c'est le « privilège du fermier » - et autorise les sélectionneurs à utiliser librement une variété protégée pour en sélectionner une autre - ce qu'on appelle « l'exemption du sélectionneur ». Lors de nos auditions, nous avons pu constater l'attachement des acteurs du monde agricole français à ce système de propriété intellectuelle, qui garantit le maintien d'une large diversité génétique, préserve l'accès d'un grand nombre d'acteurs aux innovations ainsi qu'aux ressources génétiques, et assure une rémunération efficace de l'innovation variétale.

Si les variétés végétales ne sont donc pas brevetables au sein de l'Union, les procédés techniques et les caractères peuvent être protégés par brevet. Or, cette protection par brevet risque d'entraver la libre utilisation des variétés par les agriculteurs et les obtenteurs. En pratique, l'obtenteur qui souhaiterait utiliser une variété tombant sous la dépendance d'un brevet pour en créer une autre serait face à une alternative : éliminer, par le biais de croisements, les gènes et caractéristiques brevetés, ou s'acquitter de redevances auprès du détenteur du brevet, afin d'obtenir une licence. Ainsi, le développement des NTG pourrait faire tomber de nombreuses variétés dans le champ des brevets, soulevant des enjeux inédits en termes de concentration du marché, d'accès aux ressources génétiques et de sécurité juridique.

S'agissant du risque de concentration du marché, il nous a été indiqué qu'un recours massif aux NTG pourrait se traduire par un « empilement de caractères », faisant définitivement tomber la variété créée dans le champ des brevets, sans qu'il soit possible d'éliminer les caractères brevetés. Les sélectionneurs seraient alors amenés à payer des redevances exorbitantes auprès des différents détenteurs de brevets - sur les techniques ou sur les traits. Concrètement, le développement des NTG pourrait donc à l'avenir créer des barrières à l'entrée pour les petites et moyennes entreprises, tout en renforçant le pouvoir de marché des grandes entreprises. Ce scénario n'est pas fantaisiste : c'est très précisément ce qui s'est passé aux États-Unis, où 71 % des brevets déposés sur des plantes entre 1976 et 2021 sont détenus par trois grands groupes. En l'état, la proposition de règlement fait donc non seulement peser une menace vitale sur la filière semencière française, mais soulève également des enjeux vertigineux, s'agissant de la possibilité pour l'Union de mettre en oeuvre ses propres politiques agricoles et alimentaires, sans dépendre d'intérêts étrangers aux objectifs européens.

Une concentration accrue du secteur tendrait également à favoriser la disparition de la biodiversité cultivée - il s'agit du deuxième risque que nous avons identifié. En effet, dans une situation oligopolistique, il y a fort à craindre que les grandes firmes ne concentrent leurs recherches sur un nombre limité de végétaux et de traits, dont la commercialisation serait jugée plus rentable - ce qui aboutirait à une standardisation des semences. Ce n'est pas tout : le mitage de l'ADN des variétés végétales par des brevets - certains parlent de « buissons de brevets » ou de « champs de mines » - rendrait inopérants l'exemption du sélectionneur et le privilège du fermier, conduisant donc à remettre en cause le libre accès aux ressources phytogénétiques et à restreindre l'innovation variétale. Dans ce contexte, nous estimons que le maintien du libre accès aux ressources phytogénétiques doit constituer une priorité absolue.

J'en viens à présent au troisième et dernier risque, qui est juridique et découle directement du manque d'accès à l'information sur les brevets. En effet, les agriculteurs et les sélectionneurs pourraient rapidement se trouver dans l'incapacité de se prémunir contre la présence involontaire de matériel breveté dans leurs variétés, en raison de deux facteurs : l'impossibilité de détecter les éléments brevetés par des analyses, et l'absence d'obligation déclarative quant à la présence de ces éléments. Ils pourraient donc être amenés à utiliser à leur insu des variétés contenant des éléments brevetés, se plaçant ainsi dans une situation de contrefaçon involontaire ! Cette incertitude juridique nécessiterait de mobiliser du temps et des moyens supplémentaires pour sécuriser la sélection variétale - et désavantagerait donc à nouveau les petites et moyennes entreprises.

Vous l'aurez compris, la propriété intellectuelle des plantes NTG soulève une multitude d'enjeux. Or, à ce stade, la Commission européenne s'est uniquement engagée à publier, d'ici 2026, une étude d'impact sur les répercussions qu'aurait le brevetage des végétaux, assortie le cas échéant d'une nouvelle proposition législative. Ce garde-fou n'en est pas vraiment un, puisque l'adoption d'une telle proposition supposerait plusieurs années de travail législatif, durant lesquelles des brevets abusifs pourraient être accordés et verrouiller progressivement l'accès au vivant.

Nous estimons donc que les règles de propriété intellectuelle doivent être examinées en même temps que la proposition de règlement et préconisons à cet effet d'insérer une clause interdisant la brevetabilité des végétaux NTG. Cette solution permettrait de soumettre ces plantes au régime de protection communautaire des obtentions végétales, donc de préserver la liberté d'exploitation, l'exemption de l'obtenteur et le droit à la reproduction autonome pour les variétés issues des NTG.

À moyen terme, il sera toujours envisageable d'ajuster les dispositions du règlement, afin de tenir compte des conséquences juridiques d'une telle interdiction. Cette solution, aussi imparfaite soit-elle, demeure à nos yeux nettement préférable à toute option visant à corriger, avec plusieurs années de retard - et si tant est que cela soit encore possible - les divers blocages qui ne manqueraient pas de résulter d'une multiplication des brevets sur les variétés végétales. Enfin, à plus long terme, nous appelons la Commission à réviser les règles européennes relatives à la propriété intellectuelle, afin de remettre le COV au coeur de la propriété intellectuelle des plantes. Je vous remercie.

M. Jean-François Rapin. - Je remercie nos trois co-rapporteurs. L'approche à privilégier sur cette question nouvelle n'avait rien d'évident. Je crois que vous avez su, chacun dans vos exposés, nous éclairer utilement.

M. Bernard Jomier. - Je vous remercie pour votre rapport. Ces nouvelles technologies sont issues d'une découverte fondamentale, CRISPR-Cas9, faite par une chercheuse française, Emmanuelle Charpentier, et qui lui a d'ailleurs valu le prix Nobel. Cette découverte incroyable a constitué une véritable révolution, y compris dans le domaine de la génétique humaine. Elle a permis de s'affranchir des obstacles temporels et d'équipements en matière de modification génomique.

S'agissant de génétique humaine, une analyse éthique est opérée. Au niveau national, l'agence de la biomédecine et le comité consultatif national d'éthique (CCNE) se sont prononcés sur le cadre juridique applicable à ces techniques. Au niveau international, un cadre existe également, en atteste l'ostracisation complète d'un chercheur chinois ayant utilisée la technique afin de rendre un enfant résistant au VIH. Sans interdire complètement CRISPR-Cas9, des barrières ont été posées.

Par la simplification qu'elle opère, cette technique permet une massification des transformations génomiques, et donc un changement d'échelle, puisque l'ensemble du monde végétal peut s'en trouver modifié. Il est nécessaire de procéder à des analyses à l'échelle nationale comme européenne sur les conséquences de ces transformations sur le vivant. Les solutions proposées dans le projet de règlement comme dans votre rapport ne sont que transitoires. L'interdiction de la brevetabilité durera-t-elle réellement dans le temps ? Est-il prévu, au niveau européen, des processus analogues à ce qui est pratiqué en médecine humaine ? Un comité d'éthique du vivant est-il en projet ? Je ne suis absolument pas opposé à cette technique, mais je tiens seulement à rappeler qu'elle peut se révéler problématique en termes de transformation du vivant.

J'ai écouté avec attention l'avis de la filière biologique sur les NTG. Cette position s'entend, mais elle ne s'inscrit pas dans une réflexion d'ensemble. Elle risque même d'être contre-productive, puisque l'agriculture biologique pourrait bénéficier d'une baisse d'intrants en utilisant de manière proportionnée les NTG. L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ne peut décider seule sur ce sujet trop important. Comment l'Union européenne organise-t-elle donc sa réflexion sur le vivant ?

M. Ronan Le Gleut. - Sur la question de la propriété intellectuelle, vous favorisez dans votre rapport le certificat d'obtention végétale (COV) plutôt que le brevet. Or, le COV donne également un droit de monopole au détenteur, ce qui est similaire au principe des brevets. Pourquoi donc jugez-vous le COV préférable au brevet ?

Mme Karine Daniel. - Les questions et équilibres parfois difficiles à trouver entre les différentes parties prenantes s'inscrivent dans un moment de déficit de discussion sur les questions génétiques en agriculture. Cette situation, qui dure depuis plusieurs années, résulte notamment du traumatisme français sur les OGM. La profession agricole comme la recherche publique estiment que le principe du COV permet de préserver la diversité génétique en garantissant un libre accès aux ressources génétiques des plantes cultivées. Ce système permettrait de réaliser des arbitrages collectifs quant à l'utilité de développer des NTG pour leurs capacités en termes de résistance aux chocs hydriques ou aux parasites.

Concernant la brevetabilité, il existe une vraie rupture entre celle des produits et des semences elles-mêmes. Nous avons également entendu des start-ups qui se disent frustrées car obligées de travailler aux Etats-Unis au regard des régulations françaises. Au niveau européen, le Groupe européen d'éthique des sciences et des nouvelles technologies a rendu en 2021 un avis éthique sur l'édition génomique. Cet organe joue un rôle consultatif auprès de la Commission européenne. Néanmoins, les outils européens sont-ils adaptés pour faire face aux défis futurs ? La question se pose.

M. Jean-François Rapin. - Il est donc question de brevet sur les gènes, sur les semences, ou sur les plantes ?

Mme Karine Daniel. - Non, pour l'instant seuls les techniques et les caractères sont brevetables, l'enjeu étant que les plantes ne puissent faire l'objet d'un brevet.

M. Daniel Gremillet. - J'ai encore en mémoire la signature de l'accord liant la médecine et la profession agricole en termes de recherche génomique. C'est pour moi un moment merveilleux pour la connaissance du génome humain, animal et végétal. La rapidité avec laquelle des solutions sont apportées quand nous associons nos moyens est formidable. La connaissance du génome permet un gain de temps et d'efficacité précieux sur les maladies humaines ou animales. Malheureusement, nous sommes rentrés par la mauvaise porte en ce qui concerne les plantes, à savoir par le dossier des OGM.

Les NTG 2 sont très proches des OGM. Les NTG 1 s'apparentent davantage à ce que j'appelle une agence matrimoniale du patrimoine génétique. Je partage l'avis de notre collègue Jomier sur l'agriculture biologique et suis persuadé que les NTG 1 permettront à l'avenir de réduire les traitements sur les produits biologiques.

Concernant le COV, j'estime qu'il constitue pour l'Europe, et plus particulièrement pour la France une chance extraordinaire. Ce n'est pas un hasard si la France a été depuis des années à la pointe du progrès génétique sur les végétaux. C'est une opinion que nous, corapporteurs, partageons : il faut conserver le COV. Grâce à lui, un paysan peut récolter et ressemer sa semence. Dans le cadre du brevet, cela ne serait pas le cas. La filière semencière française se compose d'un nombre important de petites entreprises ; derrière elles, se cache un patrimoine végétal fabuleux. En introduisant des brevets, quelques entreprises risquent de s'accaparer le marché et ainsi de provoquer une perte terrible du patrimoine génétique existant.

Nous favorisons donc le COV car il maintient le privilège du fermier. Nous défendons également l'obligation de l'étiquetage des semences. Ce faisant, un agriculteur pourrait établir une filière totalement sans NTG 1. La question ne se pose pas pour les NTG 2, similaires aux OGM. Le COV permet de conserver la richesse du patrimoine végétal et ne rentre pas dans la logique de financiarisation propre au brevet.

M. Jean-Michel Arnaud. - Permettez-moi d'aborder la question de la grande distribution et le point de vue des consommateurs, que nous avons pu auditionner. Nous avons débattu afin de trancher sur l'opportunité d'étiqueter les NTG jusqu'aux consommateurs ou bien de permettre la valorisation positive des produits qui n'utilisent pas les NTG 1. La vraie question est de savoir si les NTG bénéficieront d'un accueil favorable auprès des consommateurs. Nous avons constaté qu'il était nécessaire d'accompagner la grande distribution comme les consommateurs afin de sublimer l'effet psychologique des OGM, dont découle une peur profondément ancrée dans les esprits.

Nous avons formulé un avis équilibré, qui s'inscrit dans un paysage européen non-stabilisé ; il n'y a aucune garantie que le trilogue en cours soit conclusif d'ici le renouvellement du Parlement européen. En fonction des positionnements des acteurs sur les NTG, des tensions sociétales et politiques sont à même d'alimenter la surenchère populiste.

Je réitère l'urgence de ne pas laisser la possibilité d'« opt out » et de ne pas ouvrir des perspectives de concurrence déséquilibrée au sein de l'UE dans ce contexte de crise agricole.

M. Jean-François Rapin. - Je remarque que le slogan « NTG = OGM » existe déjà et connait un certain succès.

M. Daniel Gremillet. - J'aimerais réitérer que les végétaux issus NTG 1 sont indécelables, et équivalents aux végétaux obtenus à l'aide de méthodes de croisement naturel, d'où ma comparaison avec une agence matrimoniale. L'un des messages forts que je retiens de nos travaux est que, si l'Europe ne se positionne pas à l'échelle internationale, la diversité du patrimoine génétique accessible pour la création variétale sera menacée, de même que notre capacité à subvenir aux besoins alimentaires des Européens. Il est nécessaire d'éviter une fuite des cerveaux vers d'autres pays, disposant de législations favorables aux NTG depuis quelques années. Enfin, j'ai remarqué dans d'autres responsabilités que des filières non-NTG n'ont pas forcément d'attrait pour le consommateur : ce n'est ni un facteur de vente, ni un élément de prix. Encore une fois, l'Europe n'a pas voulu d'OGM mais les citoyens européens en consomment tous les jours sans le savoir.

Mme Karine Daniel. - La frontière entre NTG 1 et 2 n'est pas totalement hermétique, ni parfaitement lisible : c'est pourquoi nous souhaitons que les critères d'équivalence puissent régulièrement être évalués et, le cas échéant, affinés. Concernant la traçabilité, nous sommes à première vue tentés d'aller vers une transparence maximum en vertu des droits du consommateur. Néanmoins, la traçabilité a un coût financier et environnemental. La meilleure traçabilité qui existe aujourd'hui repose sur la technologie blockchain, que l'on peut appliquer aux produits agro-alimentaires. Prenons une escalope de poulet tracée en Blockchain : son coût environnemental est triplé, ne serait-ce que par le fait que l'escalope véhicule de l'information. Gardons cela en tête pour éviter toute surenchère en termes de traçabilité.

Enfin, les enjeux de désinvestissement de la recherche en développement génétique se retrouvent dans les NTG. Il n'y a pas d'antinomie entre la conservation de races ou la préservation de filières, et le développement des NTG. Les chercheurs de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement nous l'ont redit : il est nécessaire de renforcer le soutien public à la recherche dans ces domaines afin d'apporter un éclairage optimal pour les décideurs publics.

M. André Reichardt. -Vos propositions paraissent équilibrées, tant pour la filière biologique que pour l'étiquetage.

Je m'inquiète de la façon dont nous allons communiquer sur ce sujet particulièrement technique. Je me pose également des questions sur la manière dont seront étiquetés ces NTG et les éventuels risques de suspicions qui en découleraient. Un travail de vulgarisation scientifique à destination des consommateurs est primordial, car si ces NTG sont associées à des OGM, la confiance sera brisée pour longtemps.

M. Jean-François Rapin. - La vulgarisation commence par un élément simple, selon moi : « on mange déjà tous les jours des NTG ». Le dispositif mis en place a seulement vocation à accélérer le développement des NTG.

M. Daniel Gremillet. - Je vous rassure concernant l'étiquetage : les végétaux NTG 2 et les produits qui en sont issus seront étiquetés de la même manière que les OGM, tandis que les végétaux NTG 1 ne seront pas étiquetés de manière distincte, dans la mesure où ils sont considérés comme étant équivalents aux végétaux obtenus par des techniques conventionnelles.

M. Vincent Louault. - Il n'y a aucun transfert de gènes possible entre les végétaux NTG et le génome des individus qui en consommeraient. C'est ce qu'il faut rappeler aux consommateurs.

M. Bernard Jomier. - Pourquoi la confiance est-elle ébranlée ? En médecine humaine, lorsque des thérapies géniques sont mises en oeuvre, elles suscitent une large adhésion car tout le monde est convaincu de leurs vertus, d'une part, et de l'absence d'impact négatif sur l'ensemble de la collectivité, d'autre part. Ce sont des réflexions scientifiques d'intérêt général. La difficulté réside ici dans la perception des consommateurs des décisions européennes, qui seraient prises pour favoriser des intérêts particuliers et financiers. Pour restaurer la confiance, il faut que ces décisions soient prises à l'aune des réflexions relatives à l'éthique du vivant. Le débat sur les OGM a été faussé car le public a acquis la conviction qu'ils mettraient en cause la propre composition génétique de l'humain. Le citoyen n'a pas confiance parce qu'il présume qu'au niveau européen, ces décisions sont dictées par des intérêts économiques.

M. Jean-Michel Arnaud. - Il faut distinguer les NTG 1 et les NTG 2. Les premiers sont une accélération du fait naturel avec un objectif d'accroissement de la capacité de résilience des plantes aux stress hydriques ou autres menaces liées au dérèglement climatique. C'est une avancée visant donc à obtenir une production plus souveraine au niveau de l'UE. Voilà comment il faut communiquer à ce sujet. Nous avons débattu de l'étiquetage jusqu'au consommateur. Le point d'équilibre est de demander une analyse poussée après 5 ans, permettant de rassurer le consommateur, et d'instaurer un climat de confiance.

M. Jean-François Rapin. -En termes de communication, nous ferons probablement un communiqué de presse sur ce sujet. Je mets aux voix la proposition de résolution européenne et l'avis politique.

La commission adopte la proposition de résolution européenne disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, en particulier ses articles 43, 114 et 168, paragraphe 4, point b,

Vu la directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil,

Vu le règlement (CE) n° 1829/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant les denrées alimentaires et les aliments pour animaux génétiquement modifiés,

Vu le règlement (CE) n° 1830/2003 du Parlement européen et du Conseil du 22 septembre 2003 concernant la traçabilité et l'étiquetage des organismes génétiquement modifiés et la traçabilité des produits destinés à l'alimentation humaine ou animale produits à partir d'organismes génétiquement modifiés, et modifiant la directive 2001/18/CE,

Vu le règlement (UE) 2018/848 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2018 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques, et abrogeant le règlement (CE) nº 834/2007 du Conseil,

Vu la décision (UE) 2019/1904 du Conseil du 8 novembre 2019 invitant la Commission à soumettre une étude, à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-528/16 concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l'Union, et une proposition, le cas échéant pour tenir compte des résultats de l'étude,

Vu le document de travail des services de la Commission du 29 avril 2021, « Étude concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l'Union et à la lumière de l'arrêt rendu par la Cour de justice dans l'affaire C-528/16 », SWD(2021) 92 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant une utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable et modifiant le règlement (UE) 2021/2115, COM(2022) 305 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625, COM(2023) 411 final,

Vu la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la production et la commercialisation des matériels de reproduction des végétaux dans l'Union, modifiant les règlements (UE) 2016/2031, 2017/625 et 2018/848 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 66/401/CEE, 66/402/CEE, 68/193/CEE, 2002/53/CE, 2002/54/CE, 2002/55/CE, 2002/56/CE, 2002/57/CE, 2008/72/CE et 2008/90/CE du Conseil (règlement sur les matériels de reproduction des végétaux), COM(2023) 414 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Le pacte vert pour l'Europe », COM (2019) 640 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Une stratégie “De la ferme à la table” pour un système alimentaire équitable, sain et respectueux de l'environnement », COM (2020) 381 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Stratégie de l'UE en faveur de la biodiversité à l'horizon 2030 : Ramener la nature dans nos vies », COM (2020) 380 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Bâtir une Europe résiliente - la nouvelle stratégie de l'Union européenne pour l'adaptation au changement climatique », COM (2021) 82 final,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions - « Préserver la sécurité alimentaire et renforcer les systèmes alimentaires », COM (2022) 133 final,

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 25 juillet 2018, « Confédération paysanne e.a. contre Premier ministre et ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt »,

Vu la résolution du Parlement européen du 14 juin 2023 - Garantir la sécurité alimentaire et la résilience à long terme de l'agriculture dans l'Union, 2022/2183(INI),

Vu l'avis du Comité économique et social européen du 26 avril 2023,

Vu l'avis du Comité européen des régions du 5 février 2024, NAT-VII/038,

Vu la loi n° 2008-595 du 25 juin 2008 relative aux organismes génétiquement modifiés,

Vu la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages,

Vu le rapport d'information n° 507 (2016-2017) de M. Jean-Yves Le Déaut, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, intitulé « Les enjeux économiques, environnementaux, sanitaires et éthiques des biotechnologies à la lumière des nouvelles pistes de recherche », déposé le 14 avril 2017,

Vu le rapport d'information n° 671 (2020-2021) de M. Loïc Prud'homme, député, et Mme Catherine Procaccia, sénateur, fait au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, « Les nouvelles techniques de sélection végétale en 2021 : avantages, limites et acceptabilité », déposé le 3 juin 2021,

Vu l'avis du Comité consultatif commun d'éthique Inra-Cirad-Ifremer de mars 2018, « Avis sur les nouvelles techniques d'amélioration génétique des plantes »,

Vu l'avis de l'Académie d'agriculture de mars 2020, « Réécriture du génome, éthique et confiance »,

Vu l'avis de l'Académie des technologies de mars 2023, « Les nouvelles technologies génomiques appliquées aux plantes »,

Vu l'avis du Comité économique, social et environnemental de mai 2023, « Les attentes et les enjeux sociétaux liés aux nouvelles techniques génomiques »,

Vu l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail du 29 novembre 2023, relatif à l'analyse scientifique de l'annexe I de la proposition de règlement de la Commission européenne du 5 juillet 2023, relative aux nouvelles techniques génomiques - Examen des critères d'équivalence proposés pour définir les plantes NTG de catégorie 1, Saisine n° 2023-AUTO-0189,

Vu l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail du 22 janvier 2024, relatif aux méthodes d'évaluation des risques sanitaires et environnementaux et des enjeux socio-économiques associés aux plantes obtenues au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques, Saisine n° 2021-SA-0019,

Sur le principe d'un règlement concernant les végétaux et aliments obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques

Considérant la nécessité d'assurer l'avenir de l'agriculture européenne et de garantir la souveraineté alimentaire de l'Union ;

Considérant l'intérêt des outils d'amélioration des plantes pour accroître la résistance des variétés aux maladies ou aux organismes nuisibles, renforcer la résilience des cultures et par conséquent réduire les externalités négatives de l'agriculture en diminuant le recours aux intrants de synthèse ;

Considérant également la pertinence de la sélection et de l'innovation variétales pour renforcer la tolérance des plantes aux stress abiotiques, adapter les cultures au changement climatique et contribuer ainsi à la transition agroécologique des systèmes agricoles ;

Considérant le potentiel et l'intérêt des techniques d'édition du génome chez les végétaux par rapport aux autres outils d'amélioration des plantes actuellement utilisés, dans la mesure où, par rapport à la mutagenèse induite et aléatoire utilisée depuis plus d'un siècle, ces techniques permettent de cibler spécifiquement un ou plusieurs gènes identifiés pour leur intérêt agronomique et d'accélérer de manière significative les étapes de la sélection, en évitant plusieurs générations de rétrocroisement et en diminuant le nombre de modifications hors cible ;

Considérant au demeurant que les mutations provoquées par les ciseaux moléculaires pourraient se produire à l'avenir du fait du phénomène naturel de mutagenèse spontanée ;

Considérant enfin que, par rapport à la transgenèse, développée au cours des années 1980 et caractérisée par l'insertion aléatoire d'un nouveau gène provenant souvent d'une autre espèce, la cisgenèse opérée au moyen des techniques d'édition du génome repose sur l'insertion ciblée, dans le génome existant, de matériel génétique provenant uniquement de la même espèce ou d'une espèce sexuellement compatible ;

Considérant que l'amélioration des plantes grâce à l'édition du génome constitue l'un des leviers de la transition agroécologique des systèmes agricoles, à combiner avec d'autres innovations en agronomie et en robotique ;

Considérant par ailleurs que l'édition du génome nécessite de mieux identifier les bases génétiques des caractères d'intérêt agronomique visés et demeure donc étroitement dépendante des avancées de la connaissance scientifique ;

Considérant que l'accès à ces technologies constitue indéniablement un facteur de compétitivité, dans un contexte marqué par le dynamisme de la recherche mondiale sur les biotechnologies, et que par conséquent plusieurs États tiers ont déjà adopté des réglementations destinées à favoriser leur essor ;

Considérant ainsi qu'à l'avenir, l'Union européenne importera inévitablement, et possiblement à son insu, des végétaux obtenus à l'aide de nouvelles techniques génomiques, dans la mesure où ces derniers ne sont pas détectables et ne peuvent être différenciés des variétés conventionnelles ;

Considérant que le caractère abordable des coûts d'entrée et de fonctionnement de ces nouvelles techniques génomiques pourrait permettre à des entreprises de taille moyenne de s'y engager ;

Considérant ainsi que le maintien du cadre actuel serait susceptible d'entraîner une perte de compétitivité au détriment des agriculteurs français et européens et de perpétuer les distorsions de concurrence dont ils pâtissent, tant sur la production que sur les échanges commerciaux ;

Considérant enfin la méfiance suscitée par l'apparition de ces nouvelles techniques, l'opinion publique étant durablement marquée par les débats très polarisés relatifs à l'introduction des organismes génétiquement modifiés par transgenèse ;

Considérant que l'acceptabilité sociale des plantes issues de nouvelles techniques génomiques dépend de la plus-value manifeste qu'elles représentent aux yeux du consommateur, dès lors qu'elles comportent des caractères recherchés, liés à la transition écologique ou à la qualité nutritionnelle ;

Considérant enfin les obligations qui incombent aux autorités publiques en application du principe de précaution ;

Accueille favorablement l'initiative de la Commission visant à clarifier le statut règlementaire des nouvelles techniques génomiques ;

Insiste sur la nécessité d'encadrer la circulation des variétés issues de nouvelles techniques génomiques sur le territoire européen, eu égard à la probabilité que des États tiers commercialisent de telles variétés dans les années à venir ;

Soutient la démarche de la Commission, visant à ce que les sélectionneurs et les agriculteurs puissent accéder plus facilement à certaines techniques d'édition génomique et aux variétés qui en sont issues, afin d'en tirer les bénéfices attendus ;

Appelle, eu égard au désengagement actuel de la recherche publique dans le domaine de la création variétale, à intensifier le soutien public accordé à la recherche sur les variétés végétales ;

Appelle en outre à renforcer le soutien public aux travaux concernant la maîtrise des végétaux issues de nouvelles techniques génomiques, mais également l'évaluation des risques et des effets sur la santé et l'environnement ;

Regrette, à cet égard, que les travaux d'expertise scientifique utiles n'aient pas été rendus disponibles assez tôt pour éclairer la décision politique ;

Invite les pouvoirs publics à oeuvrer pour renforcer l'acceptabilité sociale des variétés issues de nouvelles techniques génomiques, en luttant contre la désinformation à ce sujet et en communiquant sur la valeur ajoutée que présentent de telles variétés pour le consommateur ;

Demande que, dans un contexte marqué par des sauts scientifiques et technologiques inédits et de fortes attentes sociétales, les modalités d'application du futur règlement soient révisées à intervalles réguliers, en fonction des avancées scientifiques, mais également des observations de terrain et des retours d'expérience formulés par les parties prenantes ;

Sur les critères d'équivalence entre les végétaux NTG et les végétaux conventionnels

Considérant que si le choix des critères d'équivalence se fonde sur des considérations scientifiques, il revêt également une dimension politique et constitue un élément central de la proposition de règlement ;

Considérant la nécessité de pouvoir faire évoluer ces critères, afin qu'ils reflètent aussi précisément que possible l'avancée des connaissances scientifiques et techniques ;

Considérant que le seuil de 20 mutations génétiques proposé pour classer un végétal issu de nouvelles techniques génomiques (NTG) en catégorie 1, s'il ne présente pas de caractère strictement scientifique, révèle l'approche prudente retenue par la Commission, puisqu'il se situe en deçà de la limite basse du nombre de modifications observées en sélection conventionnelle, compris entre 30 et 100 ;

Considérant que toute disparité d'évaluation dans l'examen des demandes de statut de catégorie 1 déposées dans les États membres serait source d'insécurité juridique et nuirait par conséquent au développement des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques ;

Appelle à la prise en compte des recommandations de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail relatives à la clarification de certaines définitions énoncées dans la proposition de règlement, afin que les critères soient le plus univoques et précis possible ;

Préconise que les critères permettant de déterminer qu'un végétal NTG est équivalent à un végétal conventionnel prennent en compte la diversité de la taille des génomes ;

Souhaite que la cisgenèse non ciblée soit explicitement exclue des techniques acceptables dans les plantes de la catégorie 1 ;

Demande l'insertion d'une clause de revoyure, permettant de vérifier la pertinence des critères d'équivalence à l'aune de l'expérience accumulée au cours des cinq premières années suivant l'entrée en vigueur du règlement ;

Souhaite que l'actualisation des critères d'équivalence par la Commission européenne soit conditionnée à la publication d'une justification scientifique ;

Propose que l'Autorité européenne de sécurité des aliments soit chargée d'élaborer, en lien avec les agences scientifiques missionnées dans le cadre réglementaire, des lignes directrices précises sur la teneur des rapports de vérification, afin d'éviter les disparités d'évaluation d'un pays à l'autre ou entre le niveau national et le niveau européen ;

Sur le statut des végétaux NTG de catégorie 1

Considérant qu'aucun risque spécifique lié aux végétaux de catégorie 1 n'a jusqu'à présent été identifié, et que si l'avis de l'Anses constate l'absence de prise en compte des risques potentiels dans les critères d'équivalence, il ne signale pas que les risques associés aux végétaux NTG de catégorie 1 seraient supérieurs à ceux associés aux plantes issues de méthodes de sélection conventionnelles ;

Considérant que les variétés NTG de catégorie 1 demeureront soumis à la législation sectorielle applicable aux semences et autres matériels de reproduction des végétaux, et que, par conséquent, les risques liés à ces végétaux seront instruits dans le cadre de l'évaluation de la valeur agronomique, technologique et environnementale ;

Est favorable à ce que les végétaux obtenus à l'aide de nouvelles techniques génomiques qui auraient pu apparaître naturellement ou être produits par sélection conventionnelle soient traités comme des végétaux conventionnels et puissent par conséquent déroger à la législation de l'Union européenne sur les organismes génétiquement modifiés ;

Estime notamment que, dans la mesure où les végétaux NTG de catégorie 1 présentent des risques sont comparables à ceux associés aux végétaux conventionnels, il n'est pas nécessaire de recourir, préalablement à leur dissémination, à une évaluation et à une autorisation ;

Souhaite cependant que, dans les fermes expérimentales, les végétaux de catégorie 1 soient soumis de manière transitoire à un dispositif de biovigilance a posteriori, afin de pouvoir mesurer l'impact de la dissémination de ces variétés sur les systèmes agricoles ;

Sur les végétaux NTG de catégorie 2

Considérant que les différences entre la transgenèse et les techniques d'édition du génome justifient la mise en place d'une approche différenciée entre les organismes génétiquement modifiés issus de la première et les végétaux obtenus à l'aide des secondes ;

Considérant le manque de données sur les risques associés, à moyen et long terme, aux plantes issues de mutagenèse dirigée ;

Considérant néanmoins que le maintien d'une évaluation des risques conforme à celle existant pour les organismes génétiquement modifiés conduirait de facto à empêcher le déploiement des nouvelles techniques génomiques ;

Considérant que la clause de non-participation (« opt out ») valable pour la culture des organismes génétiquement modifiés a conduit à renationaliser des choix politiques relevant jusqu'alors de l'Union européenne, portant une atteinte indéniable au fonctionnement du marché intérieur et générant des distorsions de concurrence intra-européennes ;

Est favorable au maintien du principe d'une autorisation préalable à toute dissémination des végétaux ne remplissant pas les critères de la catégorie 1, parce qu'ils mobilisent des techniques plus complexes ou présentent des modifications plus nombreuses ;

Soutient la mise en place d'une évaluation des risques modulée au cas par cas, en fonction de critères objectifs ;

Appelle à l'instauration d'un suivi systématique post-autorisation des NTG de catégorie 2, avec la mise en place obligatoire d'un plan de surveillance des risques environnementaux, prenant en compte les impacts cumulés liés à la culture de différentes variétés de NTG ainsi que l'impact de la mise sur le marché de ces plantes sur les pratiques culturales ;

Estime que le maintien d'une clause de non-participation pour les végétaux de catégorie 2 conduirait à une situation similaire à celle qui prévaut pour les organismes génétiquement modifiés, à savoir que l'Union européenne n'en produit pas, mais en importe de manière significative ;

Souhaite en conséquence que les États membres ne puissent restreindre unilatéralement la mise sur le marché ou la dissémination volontaire des végétaux de catégorie 2 sur leur territoire, afin de garantir un égal accès à l'innovation et une homogénéité de traitement au sein de l'Union ; 

Sur les NTG et l'agriculture biologique

Considérant que le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique interdit l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés et de produits issus de ces organismes, et que par conséquent, les végétaux de catégorie 2 demeurent de facto proscrits dans la production biologique ;

Considérant que la présente proposition de règlement prévoit de traiter les végétaux de catégorie 1 comme des variétés conventionnelles, dérogeant entièrement à la législation sur les organismes génétiquement modifiés, et qu'il importe donc de clarifier le statut de ces végétaux par rapport à la production biologique ;

Considérant qu'une telle clarification relèverait davantage du règlement sur la production biologique, le label bio étant défini par un cahier des charges susceptible d'évoluer ;

Considérant la nécessité de définir des modalités permettant à la filière biologique de s'abstenir d'utiliser des végétaux de catégorie 1, si tel est son cahier des charges, d'une manière qui n'empêche pas les filières conventionnelles d'en faire usage ;

Considérant enfin qu'il se pourrait que le recours aux techniques d'édition du génome constitue un outil pertinent pour les agriculteurs désireux d'opérer une conversion vers l'agriculture biologique, en permettant notamment une diminution de l'usage des produits phytosanitaires ;

Prend acte des craintes exprimées par les représentants des filières biologiques s'agissant de la perception des consommateurs à l'égard des produits biologiques et de leur souhait de voir figurer dans le règlement l'interdiction des plantes issues de nouvelles techniques génomiques dans la production biologique ;

Relève que grâce à l'étiquetage obligatoire des semences, la filière biologique sera en mesure d'assurer une traçabilité stricte tout au long de la chaîne de production, en s'appuyant sur une ségrégation entre les productions biologiques et les productions conventionnelles, et donc de ne pas utiliser de végétaux de catégorie 1 ;

Estime que, dès lors que les végétaux de catégorie 1 sont traités comme des variétés conventionnelles, il n'y a pas lieu de prévoir de mesures de coexistence spécifique avec la production biologique,

Estime par conséquent que la présence fortuite de végétaux de catégorie 1 dans la production biologique ne doit pas constituer une violation du règlement sur l'agriculture biologique ;

Demande à la Commission européenne de produire, cinq ans après l'entrée en vigueur du futur règlement, un rapport sur l'évolution de la perception des nouvelles techniques génomiques par les consommateurs et les producteurs, accompagné le cas échéant d'une proposition législative destinée à lever l'interdiction d'utiliser certaines nouvelles techniques génomiques dans le secteur de la production biologique ;

Sur la traçabilité et l'étiquetage des végétaux NTG

Considérant l'impératif de respecter le droit à l'information des consommateurs et de garantir leur liberté de choix au moyen d'une traçabilité permettant à ceux qui le souhaitent de s'abstenir de produits obtenus à partir de plantes éditées ;

Considérant que dans le cas des plantes obtenues au moyen de nouvelles techniques génomiques, et contrairement aux organismes génétiquement modifiés, la détection des mutations non communiquées par le producteur est particulièrement difficile sur le plan technique et que, selon les dernières études scientifiques, il est impossible d'identifier l'origine d'une mutation et donc de déterminer si elle est naturelle, issue de mutagenèse aléatoire ou de mutagenèse ciblée ;

Considérant qu'en raison de l'incapacité des opérateurs à détecter les plantes dont le génome a été édité, l'instauration d'un étiquetage obligatoire jusqu'au consommateur final pour les produits issus de végétaux de catégorie 1 supposerait le respect d'une stricte ségrégation tout au long de la chaîne de production ;

Considérant la charge de travail accrue, la logistique supplémentaire et in fine les surcoûts difficilement absorbables qu'engendrerait une telle mesure pour l'amont de la filière, mais également pour les opérateurs aval, et partant, le risque que ces surcoûts se répercutent auprès des consommateurs par le biais d'une hausse des prix, pour une utilité discutable voire douteuse ;

Considérant enfin que l'étiquetage obligatoire des produits issus de végétaux NTG ne s'appliquerait pas aux denrées importées, et que par conséquent, une telle mesure pourrait générer des distorsions de concurrence au détriment des producteurs européens, les consommateurs se tournant vers des produits importés à moindre coût dont ils ignoreraient le procédé d'obtention ;

Est favorable à un étiquetage obligatoire des semences, garantissant une transparence au début de la chaîne d'approvisionnement, préservant la liberté de choix de l'agriculteur tout en permettant aux chaînes d'approvisionnement qui le souhaitent de rester exemptes de plantes éditées ;

Souhaite que la Commission européenne publie, dans un délai de 5 ans à compter de l'entrée en vigueur du futur règlement, une évaluation relative aux incidences positives et négatives d'un étiquetage plus aval ;

Estime que les informations relatives au matériel de reproduction des végétaux doivent être facilement accessibles dans le catalogue officiel de l'UE et dans les listes nationales de variétés ;

Appelle à la mise en ligne du registre public des végétaux de catégorie 1, contenant les données spécifiques à chaque plante ainsi que ses caractéristiques ;

Demande que soit explicitement autorisé un étiquetage volontaire destiné à mettre en exergue le caractère « non-NTG » des produits commercialisés par certaines filières ;

Soutient pleinement le maintien d'un étiquetage obligatoire pour les végétaux de catégorie 2 et accueille favorablement la possibilité de compléter cet étiquetage par des informations sur le trait conféré par la modification génétique ;

Estime nécessaire, dans un souci de transparence, que tout pétitionnaire désireux de recourir à un étiquetage complémentaire soit tenu de mentionner l'intégralité des traits conférés par la modification ciblée de la plante ;

Réclame l'adoption de mesures miroirs en termes de traçabilité et d'étiquetage, afin de conserver un niveau d'exigence comparable entre les plantes NTG importées et les plantes NTG cultivées dans l'Union européenne ;

Sur la propriété intellectuelle de ces plantes

Considérant l'impératif de préserver la compétitivité et l'excellence de la filière semencière française, la France étant non seulement le premier pays producteur de semences de l'Union européenne mais également le premier exportateur mondial, dégageant sur ce segment un excédent commercial de l'ordre d'un milliard d'euros par an ;

Considérant que l'émergence du génie génétique a provoqué une irruption du brevet d'invention dans le monde des semences, permettant la brevetabilité des techniques de recombinaisons génétiques ainsi que celle des traits génétiques, et que cette évolution a été l'un des moteurs de la concentration de l'industrie des semences au cours des vingt dernières années ;

Considérant que l'Union européenne a jusqu'à présent été préservée de ce mouvement de concentration, grâce au cumul d'un moratoire de fait sur la culture des organismes génétiquement modifiés et d'une législation interdisant la brevetabilité des variétés végétales ;

Considérant que la multiplicité des entreprises semencières a ainsi contribué à la dynamique de la sélection végétale et au maintien d'un vaste patrimoine génétique en Europe ;

Considérant que le certificat d'obtention végétale, qui protège en Europe les variétés de plantes issues de procédés conventionnels, permet d'assurer une juste rémunération de l'innovation variétale et de préserver la diversité génétique en garantissant un libre accès aux ressources génétiques des plantes cultivées (« exception du sélectionneur ») et en autorisant l'agriculteur à reproduire ses semences (« privilège du fermier ») ;

Considérant, d'une part, que les brevets relatifs aux techniques d'édition génomiques sont actuellement détenus par une poignée d'entreprises semencières et, d'autre part, que la multiplication des caractères brevetés au sein d'une même variété imposerait aux sélectionneurs et aux agriculteurs souhaitant y recourir le paiement de redevances financières élevées auprès des détenteurs de brevets ;

Considérant que le cumul de l'impossibilité de détecter les éléments brevetés par des analyses et de l'absence d'obligation déclarative quant à la présence de ces éléments dans les variétés pourrait conduire un obtenteur à utiliser de tels éléments à son insu, le plaçant ainsi dans une situation de contrefaçon involontaire ;

Considérant que l'application du droit des brevets ouvrirait ainsi un véritable champ de mines dans les certificats d'obtention végétale, mettrait fin à l'exercice effectif de l'exemption du sélectionneur comme du privilège du fermier et favoriserait donc in fine la disparition de la biodiversité cultivée ;

Considérant par ailleurs que le caractère brevetable des techniques d'édition génomique, ainsi que des séquences qui en sont issues, pourrait à l'avenir créer des barrières à l'entrée pour les petites et moyennes entreprises semencières, restreindre l'accès des sélectionneurs aux technologies et aux ressources génétiques, et partant renforcer le pouvoir de marché des grandes entreprises semencières tout en générant une grande insécurité juridique ;

Considérant que la proposition de règlement fait ainsi peser une menace vitale sur la filière semencière française qui, à rebours de la tendance à la concentration au niveau mondial, compte plus d'une soixantaine d'entreprises de sélection, dont une majorité de petites et moyennes entreprises ;

Considérant que, si la Commission s'est engagée à remettre, avant la fin de l'année 2026, un rapport sur l'impact de sa proposition sur le droit des brevets afin d'ouvrir la voie à une éventuelle proposition législative, un tel texte nécessiterait plusieurs années de travail avant d'être adopté ;

Considérant enfin que toute modification du droit des brevets ne s'appliquerait qu'aux brevets accordés postérieurement à l'adoption d'une telle proposition, et que tout brevet accordé antérieurement resterait valable pendant une durée de vingt ans, quelle que soit cette modification ;

Estime que les règles de propriété intellectuelle constituent un point essentiel de la législation sur les nouvelles techniques génomiques et devraient par conséquent être examinées concomitamment à cette dernière ;

Souhaite que les plantes issues de nouvelles techniques génomiques soient soumises au régime de protection communautaire des obtentions végétales, afin de préserver la liberté d'exploitation, l'exemption de l'obtenteur et le droit à la reproduction autonome pour ces variétés ;

Demande en conséquence l'interdiction de la brevetabilité des végétaux issus de nouvelles techniques génomiques, de leurs semences dérivées et de leur matériel génétique et ce, dès l'entrée en vigueur du présent règlement afin d'éviter que, dans l'intervalle, des demandes de brevet ne puissent être présentées ou des brevets délivrés ;

Appelle la Commission européenne, à plus long terme, à réviser les règles européennes relatives à la propriété intellectuelle, afin de remettre le certificat d'obtention végétale au coeur du système de propriété intellectuelle des plantes, c'est-à-dire de généraliser l'exemption du sélectionneur et le privilège du fermier au niveau de l'Union, de limiter les brevets d'invention aux technologies et d'interdire la protection par brevet des caractères génétiques, que ces derniers soient considérés comme natifs ou non ;

Invite le Gouvernement à faire valoir cette position dans les négociations au Conseil.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Services de l'État

Secrétariat général des affaires européennes (SGAE)

M. Ludovic BUTEL, secrétaire général adjoint

Mme Pauline FAVRE, adjointe du bureau agriculture, alimentation et pêche

Mme Fanny CODOL, adjointe du bureau « parlements »

Ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire

Mme Maud FAIPOUX, directrice générale de l'alimentation

Ministère de la Transition écologique

M. Philippe BODENEZ, chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses

Mme Agnès LEFRANC, adjointe au chef du service des risques sanitaires liés à l'environnement, des déchets et des pollutions diffuses

M. Charles BOURGEOIS, chargé de mission

Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses)

M. Florian GUILLOU, président du groupe de travail "Biotechnologie"

M. Brice LAURENT, directeur de la direction Sciences sociales, économie et société

Mme Sarah AUBERTIE, chargée des relations institutionnelles

Mme Céline DRUET, directrice adjointe de l'évaluation des risques

M. Youssef El-Ouadrhiri, chef de la mission biotechnologies - Direction de l'évaluation des risques

Syndicats professionnels

Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles (FNSEA)

Mme Charlotte VASSANT, administratrice de la FNSEA et Présidente de sa commission Recherche et Développement

Mme Romane SAGNIER, chargée de mission Affaires publiques

M. Melchior BIZOT-ESPIARD, chargé de mission innovation et prospective

Jeunes agriculteurs (JA)

M. Quentin Le Guillous, secrétaire général adjoint

M. Baptiste Guicheteau, responsable affaires publiques

Confédération paysanne

M. Guy KASTLER, responsable de la Commission « OGM et semences »

Mme Sylvie COLAS, secrétaire nationale

M. Nicolas LE BOËDEC, chargé de la Commission « OGM et semences »

Coordination paysanne

M. Sébastien HÉRAUD, responsable de la section Fruits et Légumes de la CR

Mme Céline BACCEI-ROUMIEUX, animatrice de la section viticole et fruits et légumes

La Coopération agricole (Coop)

M. Dominique CHARGÉ, président

Mme Valérie BRIS, directrice nutrition animale

M. Thibault BUSSONNIÈRE, directeur des affaires publiques

Fédération Nationale d'Agriculture Biologique (Fnab)

M. Daniel EVAIN, céréalier et maraîcher bio. Référent OGM. Secrétaire de la Fnab

Mme Fiona MARTY, chargée de mission

Assemblée permanente des chambres d'agriculture (APCA)

M. Philippe NOYAU, secrétaire-adjoint de Chambres d'agriculture France et président de la Chambre régionale d'agriculture de Centre-Val de Loire

M. Jérémy DREYFUS, responsable du service productions

Mme Louise VERRIER, chargée de missions affaires publiques

Association française des biotechnologies végétales (AFBV)

M. Georges FREYSSINET, président

Start-ups

Meiogenix

M. Luc MATHIS, président

Neoplants

M. Lionel MORA, directeur et co-fondateur

M. Patrick TORBEY, directeur technique et co-fondateur

Organisations non-gouvernementales

France Nature Environnement (FNE)

Mme Françoise CAZALS, juriste bénévole à FNE

Greenpeace France

Mme Ariane MALLERET, chargée de campagne Agriculture

Mme Sandy OLIVAR CALVO, chargée de mission agriculture et alimentation

Générations Futures

M. Arnaud APOTEKER, délégué général de l'association « Justice Pesticides »

Sciences citoyennes

Mme Isabelle Goldringer, porte-parole de « Sciences citoyennes », chercheuse à l'INRA

Pollinis

Mme Charlotte LABAUGE, chargée de campagnes

Associations de représentation des consommateurs

UFC Que Choisir

M. Olivier ANDRAULT, expert sur les questions agricoles et alimentaires

Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (ADEIC)

M. Jean-Louis BLANC, secrétaire général adjoint

M. Olivier ROYER, délégué général

Filière semencière

Interprofession des semences et plants (SEMAE)

M. François DEPREZ, vice-président de SEMAE

Mme Marie BIGOT, responsable des affaires publiques

Union française des semenciers (UFS)

M. Laurent GUERREIRO, membre du conseil d'administration de l'UFS

Mme Rachel BLUMEL, directrice générale de l'UFS

Organisations de producteurs

Fédération Française des producteurs d'oléagineux et de protéagineux (FOP)

M. Arnaud RONDEAU, chargé des relations institutionnelles FOP

M. Gilles ROBILLARD, membre du bureau

Association Générale des Producteurs de Blé et autres céréales (AGPB)

M. Cédric BENOIST, secrétaire général adjoint

M. Sylvain LHERMITTE, responsable Europe et filières

Mme Lauriane CHAMOT, responsable des affaires publiques

Organisations de distributeurs

Groupe Carrefour

M. Lionel DESENCE, directeur de la qualité

M. Éric ADAM, directeur des relations institutionnelles

Fédération du commerce et de la distribution (FCD)

Mme Émilie TAFOURNEL, directrice qualité

Mme Layla RAHHOU, directrice des affaires publiques

Mme Sophie AMOROS, responsable affaires publiques et communication

Experts

M. Yves BERTHEAU, directeur de recherche honoraire INRAE au Muséum national d'histoire naturelle, ancien coordinateur du projet de recherche Co-extra sur la possibilité d'une coexistence des cultures OGM et non-OGM

Académie d'agriculture

M. Paul VIALLE, rapporteur du groupe de travail à l'origine de l'avis sur la « Réécriture du génome, éthique et confiance »

Académie des technologies

M. Bernard CHEVASSUS-AU-LOUIS, animateur du groupe de travail à l'origine de l'avis sur les nouvelles technologies génomiques appliquées aux plantes

Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE)

Mme Carole CARANTA, directrice générale déléguée « Sciences et Innovation »

M. Fabien NOGUÉ, directeur de recherche « Réparation de l'ADN et Ingénierie des Génomes »

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

M. Jean-Yves LE DÉAUT, ancien président de l'OPECST, co-rapporteur du rapport sur l'édition du génome, membre de l'Académie d'agriculture

Mme Catherine PROCACCIA, sénateur honoraire, co-rapporteur du rapport sur l'édition du génome

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Association nationale des industries alimentaires (ANIA)

Syndicat des entreprises du bio (Synabio)


* 1 Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant les végétaux obtenus au moyen de certaines nouvelles techniques génomiques et les denrées alimentaires et aliments pour animaux qui en sont dérivés, et modifiant le règlement (UE) 2017/625, COM(2023) 411 final.

* 2 Directive 2001/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 mars 2001 relative à la dissémination volontaire d'organismes génétiquement modifiés dans l'environnement et abrogeant la directive 90/220/CEE du Conseil.

* 3 Carole Caranta, Mathilde Causse, Fabien Nogué, Annabelle Déjardin, Emilie Gentilini, et al., « État des connaissances sur la contribution des technologies d'édition du génome à l'amélioration des plantes pour la transition agroécologique et l'adaptation au changement climatique ». INRAE. 2022. hal-03943821.

* 4 CJUE, Confédération paysanne e.a. contre Premier ministre et Ministre de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, 26 juillet 2018, Affaire C-528/16.

* 5 Décision (UE) 2019/1904 du Conseil du 8 novembre 2019 invitant la Commission à soumettre une étude à la lumière de l'arrêt de la Cour de justice dans l'affaire C-528/16 concernant le statut des nouvelles techniques génomiques dans le droit de l'Union, et une proposition, le cas échéant pour tenir compte des résultats de l'étude.

* 6 Commission staff working document, Study on the status of new genomic techniques under Union law and in light of the Court of Justice ruling in Case C-528/16, SWD(2021) 92.

* 7 Commission européenne, Centre commun de recherche, 2021.

* 8 Rapport précité.

* 9 Source : réponse écrite au questionnaire des rapporteurs.

* 10 Source : réponse écrite du Syndicat des entreprises du bio au questionnaire des rapporteurs.

* 11 Source : réponse écrite de l'ADEIC au questionnaire des rapporteurs.

* 12 Jorasch, P., 2020. Potential, Challenges, and Threats for the Application of New Breeding Techniques by the Private Plant Breeding Sector in the EU. Frontiers in Plant Science, 11: 13.

* 13 European Commission; Joint Research Centre; Parisi, C.; Rodríguez-Cerezo, E., 2021. Current and future market applications of new genomic techniques. Luxembourg: Publications Office, JRC Science for Policy Report.

* 14 Avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail relatif à l'analyse scientifique de l'annexe I de la proposition de règlement de la Commission européenne du 5 juillet 2023 relative aux nouvelles techniques génomiques - Examen des critères d'équivalence proposés pour définir les plantes NTG de catégorie 1, Saisine n° 2023-AUTO-0189/

* 15 Broothaerts et al., 2021

* 16 Académie d'Agriculture, « Réécriture du génome, éthique et confiance », 2020.

* 17 Groupe scientifique de l'EFSA sur les OGM, Mullins E, Bresson J-L, Dalmay T, Dewhurst IC, Epstein MM, Firbank LG, Guerche P, Hejatko J, Moreno FJ, Naegeli H, Nogué F, Sánchez Serrano JJ, Savoini G, Veromann E, Veronesi F, Casacuberta, J, Fernandez Dumont A, Gennaro A, Lenzi P, Lewandowska A, Munoz Guajardo IP, Papadopoulou N et Rostoks N, 2022. Updated scientific opinion on plants developed through cisgenesis and intragenesis. EFSA Journal 2022; 20 (10): 7621, 33 p.

* 18 Groupe scientifique de l'EFSA sur les OGM, Naegeli H, Bresson J-L, Dalmay T, Dewhurst IC, Epstein MM, Firbank LG, Guerche P, Hejatko J, Moreno FJ, Mullins E, Nogué F, Sánchez Serrano JJ, Savoini G, Veromann E, Veronesi F, Casacuberta J, Gennaro A, Paraskevopoulos K, Raffaello T et Rostoks N, 2020. Applicability of the EFSA Opinion on site-directed nucleases type 3 for the safety assessment of plants developed using site-directed nucleases type 1 and 2 and oligonucleotide-directed mutagenesis. EFSA Journal 2020; 18 (11): 6299, 14 p.

* 19 Groupe scientifique de l'EFSA sur les OGM, Mullins E, Bresson J-L, Dalmay T, Dewhurst IC, Epstein, MM, Firbank LG, Guerche P, Hejatko J, Moreno FJ, Naegeli H, Nogué F, Rostoks N, Sánchez Serrano JJ, Savoini G, Veromann E, Veronesi F, Fernandez A, Gennaro A, Papadopoulou N, Raffaello et Schoonjans R, 2022. Statement on criteria for risk assessment of plants produced by targeted mutagenesis, cisgenesis and intragenesis. EFSA Journal 2022; 20 (10): 7618, 12 p.

* 20 dans le cadre du règlement n° 1829/2003.

* 21 dans le cadre de la directive 2001/18/CE.

* 22 Bohle, F.; Schneider, R.; Mundorf, J.; Zühl, L.; Simon, S.; Engelhard, M. Where Does the EU-Path on NGTs Lead Us?. Preprints 2023, 2023111897 et https://www.preprints.org/manuscript/202311.1897/v1

* 23 Réponse écrite au questionnaire adressé par les rapporteurs.

* 24 Directive (UE) 2015/412 du 11 mars 2015 modifiant la directive 2001/18/CE en ce qui concerne la possibilité pour les États membres de restreindre ou d'interdire la culture d'organismes génétiquement modifiés sur leur territoire.

* 25 Le règlement (UE) 2018/848 relatif à la production biologique et à l'étiquetage des produits biologiques et abrogeant le règlement (CE) nº 834/2007.

* 26 Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998

relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques.

* 27 Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

* 28 En 2017, le semencier français Gautier Semences a ainsi été confronté à un brevet déposé par le néerlandais Rijk Zwann sur une caractéristique génétique présente dans ses semences de salade.

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