C. LE 3ÈME CONSEIL DES ÉLUS DE TERRAIN : AVANCER PRAGMATIQUEMENT VERS UNE DÉMARCHE SYSTÉMIQUE

Les élus locaux fonctionnent par projet. Sujet planétaire qui peut déstabiliser, la transition environnementale doit absolument s'incarner dans des projets concrets avant de devenir une action plus intégrée.

1. Commencer par des projets concrets qui engagent une dynamique vertueuse

Les élus, quelle que soit la diversité de leurs territoires, des contextes locaux ou des appartenances politiques, construisent leur transition pas à pas. Engager une collectivité et un territoire dans des processus de transition demande du temps pour convaincre, agréger les acteurs et s'outiller. Actions d'atténuation et actions d'adaptation se mêlent dans une logique plus opérationnelle que théorique.

Les auditions mettent en évidence le fait qu'une démarche de transition environnementale débute presque toujours par un projet concret ou une politique publique ciblée (énergie, alimentation, déchet, sobriété foncière, espace naturel, eau...). Les succès obtenus permettent de fédérer les acteurs, de capitaliser et ensuite d'ouvrir de nouveaux chantiers. Aucun système ne se construit d'un coup.

Paroles d'élus

« On est d'abord dans le projet. Plus on descend dans la taille de la collectivité, plus on est dans l'opérationnel. On est obligé de traiter les grandes questions de façon pragmatique, ça veut dire qu'on va assembler les morceaux un à un. »

« Si nous avions attaqué sur les questions de biodiversité ou d'environnement de façon pure et dure, il aurait été difficile d'engager les autres élus et les acteurs. »

« Il faut commencer par s'engager sur une thématique qui fait consensus politiquement et pour laquelle la collectivité peut se doter de moyens "facilement" pour ensuite élargir à de nouveaux champs de la transition environnementale. »

« Il faut accepter une progressivité : la logique des petits pas est indispensable pour créer de l'engagement, de la coopération, de l'apprentissage. »

Des communes dont l'expérience pionnière est reconnue, ont souvent commencé par une politique sectorielle avant d'élargir leur réflexion à d'autres compétences, puis de faire système. Par exemple, la commune de Tramayes a commencé avec les sujets énergétiques, la commune d'Echirolles a commencé avec les espaces verts, la commune de Thouars a lancé ses réflexions sur la nouvelle destination d'un site militaire et la commune de Loos-en-Gohelle revendique aussi cette dimension progressive64(*).

a) S'appuyer sur la mise en évidence d'intérêts pragmatiques

Parole d'élu

« Le frein principal, au-delà de la dimension financière, pour mener des projets d'ampleur de transition environnementale est essentiellement l'acceptabilité sociale. La condition essentielle pour que ces mesures se déroulent dans de bonnes conditions est de les mener en douceur et sans dogmatisme. Toutes les mesures engagées dans notre ville sont d'abord et avant tout abordées sous l'angle du " bien-vivre " des habitants, avec un dispositif de concertation/communication très développé, pour accompagner au mieux le projet et débusquer les éventuelles résistances. »

Les élus savent défendre des projets ayant des impacts positifs sur l'environnement en mettant en évidence d'autres bénéfices : les économies générées par les projets énergétiques, comme la réduction de l'éclairage public la nuit ; le gain en termes de niveau sonore et de sécurité du passage d'une commune en zone 30 ; le soutien aux agriculteurs locaux lors d'une commande publique en circuit court... La démonstration d'un intérêt financier, qu'il soit pour la collectivité ou pour les habitants, est souvent un puissant facteur d'entrée dans ces sujets.

La communauté de commune des Falaises du Talou a par exemple construit un programme autour de la biodiversité (connaître, préserver, valoriser) qui ambitionne de « lancer des actions concrètes et non pas que des études pour mobiliser les partenaires et tous les acteurs : collectivités, entreprises, associations et particuliers ». Une mesure concrète a été par exemple de fournir 3 000 arbres fruitiers aux foyers du territoire, aux collectivités, aux acteurs industriels et aux exploitants agricoles.

Argentan Intercom, a initié ses premières actions de sobriété énergétique sur l'éclairage public en 2017 avec une économie de 106 000 euros par an. « Cela parlait clairement et distinctement à tous » résume son président.

Le programme « éco-gagnant » mis en place par la Communauté urbaine de Dunkerque (CUD) a pour devise « un pouvoir d'achat renforcé et un environnement mieux protégé ». Il regroupe des stratégies « gagnant-gagnant ». La première a été la gratuité du réseau de bus pour tous depuis 2018. En 4 ans, le réseau de bus a ainsi enregistré une augmentation de 110 % en semaine et plus de 200 % le weekend end (48 % des nouveaux usagers déclarent depuis utiliser le bus à la place de la voiture). Il existe aussi plusieurs autres dispositifs mis en place par la CUD : des aides financières pour la rénovation des logements de particuliers (écohabitat), la fourniture gratuite de sacs poubelles de couleur et de cartons pour expérimenter un nouveau mode de collecte et de tri des déchets (qui représenterait un gain annuel de 38 euros en moyenne par foyer), une aide pour l'achat d'un vélo (de 80 à 150 €), des aides pour les récupérateurs d'eau de pluie pour les habitants, la distribution de composteurs...

Le département de la Vendée a construit un véritable écosystème énergétique autour des ressources locales et des acteurs du territoire. Il a mené ce développement en faisant des retombées économiques locales une préoccupation constante. Les dividendes de « Vendée Énergie » (600 K€ en 2020 pour le SYDEV) sont réinjectés dans l'économie locale pour des actions de maîtrise de la demande en énergie des services publics et sont au bénéfice de tous les citoyens (éclairage public, rénovation des bâtiments publics et des écoles etc.). Le but est de concrétiser les objectifs inscrits dans les PCAET et dans lesquels l'EPCI peut investir jusqu'à 15 % de ses recettes de fonctionnement grâce à la loi 3DS. Intégrer les collectivités dans le capital des projets d'énergies renouvelables a permis de replacer l'intérêt des collectivités au centre de la démarche et d'écarter les projets hors-sol, au développement anarchique ou accaparant les terres agricoles.

Actifs de production d'énergie renouvelables de Vendée Énergie

Source : Vendée Énergie 2022

Dans un rapport, intitulé « La transition énergétique, créatrice de valeur(s) et moteur de développement65(*) », l'association CLER réseau met en évidence le fait qu'un territoire ne se lance pas d'emblée dans une démarche systémique de transition. Le rapport illustre cette prise en main du développement des énergies renouvelables territoriales par les collectivités, qui permet de générer des revenus issus de cette production d'énergie, et d'avoir les moyens d'investir de façon plus large dans les autres sujets de la transition. Pour exemple, dans les Deux-Sèvres, la communauté de communes du Thouarsais a investi, pendant 10 ans, 90 millions d'euros dans de grands projets d'EnR portés par des acteurs privés, qui ont généré 29 millions d'euros annuellement, soit 400 000€ de recettes fiscales annuelles au profit de la collectivité. Cela a contribué au financement d'une équipe d'ingénierie dédiée à la transition énergétique au sein de la collectivité (8,5 ETP)66(*).

b) Choisir des thèmes à fort potentiel de transversalité

L'exemple qui illustre cette approche est le travail réalisé par la communauté de communes de la Vallée de la Bruche. En effet, pionnière en matière de démarche paysagère, elle a mené une étude dès 1991 sur le sujet et elle a recruté un chargé de mission « paysage » et des urbanistes paysagistes. Le plan de paysage a permis d'engager un travail multithématique autour d'enjeux concrets. La démarche croise les regards, les intérêts, les acteurs et les enjeux pour arriver à une vision d'ensemble, synthétisée par la notion de passage. À travers une démarche sur le paysage, ce sont finalement et progressivement une grande partie des thèmes de la transition environnementale qui sont abordés les uns après les autres. Elle touche à la valorisation des ressources locales, s'intéresse à la multifonctionnalité des espaces et donc à des besoins différents d'aménagement. Elle repose sur une forte implication citoyenne, pour qui le paysage fait sens, et contribue à renforcer la résilience générale du territoire, son cadre de vie ainsi que sa dimension esthétique et désirable.

Carte de la démarche paysagère


Source : Communauté de communes de la Vallée de la Bruche

Au-delà des acteurs et des thèmes, cette démarche génère donc une dynamique et devient structurante. À titre d'exemple, ce travail sur les paysages a influencé la concertation entre élus et commerçants pour définir une stratégie commerciale dans le cadre de la revitalisation du centre bourg. Les acteurs tirent profit de cette démarche de paysage reconnue par le label obtenu par la ville (capitale française de la biodiversité) avec une volonté de valoriser des mobilités douces dans le centre-ville, de favoriser le végétal, de mettre en valeur des produits locaux...

Autre exemple, avec la question de l'alimentation. Pour Stéphane Linou67(*) « l'assiette est un cheval de Troie des politiques de transition environnementale et d'adaptation ». En effet, l'alimentation est un thème idéal pour faire comprendre et agir sur des enjeux très variés : l'eau, le changement climatique, la biodiversité, la protection du foncier, la régénération du microbiote du sol, l'agroécologie, la santé, les enjeux de souveraineté et de sécurité collective, le pouvoir d'achat, la citoyenneté, etc.

Certains élus commencent d'ailleurs à intégrer, dans leur plan communal ou intercommunal de sauvegarde, des risques de rupture d'approvisionnement alimentaire en matière de protection civile afin de pouvoir mener des politiques préventives. La commune de Biriatou a été la première en France à le faire en mai 2023. Depuis, plusieurs communes ont suivi le mouvement sur tout le territoire comme, par exemple, Saint-Germain-Laprade ou encore Droue-sur-Drouette68(*).

Cette bonne pratique retient l'attention de vos rapporteurs. À terme, il faudra s'interroger sur l'intégration de ce risque, voire de nouveaux risques liés au bouleversement climatique, au sein de documents comme le Plan de prévention des risques naturels et technologiques (PPRNT) ou encore le Dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM).

Bonne pratique n°17 : intégrer, dans les plans communaux et/ou intercommunaux de sauvegarde, certains nouveaux risques liés à l'environnement (sécurité alimentaire, eau, etc.).

c) Rechercher les alliances et l'entraînement d'autres acteurs

Il y a un enjeu à trouver le bon équilibre entre l'urgence climatique et les volontés territoriales qui s'expriment par le suffrage universel. Il est important de commencer sur des projets qui font consensus politiquement.

De même, la mobilisation volontaire des collectivités, particulièrement lorsqu'elle est incitée financièrement, est plus susceptible de créer l'engagement que toute forme d'obligation qui crée plutôt de la défiance.

Les exemples ont été nombreux sur ce point et la démarche originale de la communauté de communes des Monts du Lyonnais peut être inspirante. Ce territoire à énergie positive (TEPOS) souhaite embarquer ses communes membres. Elle a donc créée le dispositif « commune à énergie positive » (CEPOS). À l'occasion de l'élaboration de son PCAET, la communauté de communes a collecté un maximum de données à la maille communale. Le diagnostic territorial a été construit en additionnant les données des 32 communes du territoire. Afin de rendre ses données plus appréhendables par les élus locaux, la communauté de communes a mis en évidence le sujet des consommations d'énergie : « Quoi de mieux que de parler des consommations sur sa commune pour se sentir impliqué ? », résume-t-elle.

L'idée a donc été de proposer aux communes volontaires de dupliquer la démarche à leur échelle et de les accompagner à devenir des communes à « énergie positive ». L'accompagnement vise à proposer une méthodologie et un partage des bonnes pratiques facilement reproductibles et favorisant ainsi la coopération et la solidarité entre communes. La démarche est appuyée par un guide personnalisé pour chaque commune à destination des élus.

Un autre exemple évoqué est une stratégie conduite par une ville qui avait d'abord fidélisé les agriculteurs de la région en les incluant dans les commandes publiques des cantines municipales. Ce n'est qu'une fois la confiance établie que le cahier des charges a évolué, pour demander des productions « bio ». Grâce à l'accompagnement qui a suivi et la confiance tissée, les agriculteurs ont fait évoluer leur pratique. Une approche plus directe tentée antérieurement avait échouée.

d) Rechercher l'ajustement permanent et l'amélioration continue

La stratégie est un ajustement constant, notamment face aux incertitudes et aux imprévus. Piloter la transition nécessite du pragmatisme et de la souplesse.

Ce pragmatisme repose sur plusieurs éléments :

- une capacité à constituer des organisations réactives. Une enquête-action de la 27ème Région et de ses partenaires sur la période de crise sanitaire a mis en évidence le fait qu'un « énième protocole de gestion de crise » n'est pas le meilleur moyen de faire face à l'incertitude. Il faut plutôt compter sur l'ingéniosité des agents en situation et leur réactivité face à des problèmes structurels inédits. « L'enjeu consiste alors à articuler la planification de la gestion de crise avec la capacité d'improvisation des organisations publiques et de leurs agents sur le terrain. Les passionnés de jazz le savent bien : l'improvisation a beau être spontanée, elle correspond aussi à une pratique qui se travaille sur la durée, dans sa rigueur comme dans ses intuitions. » ;

- Une méthode pour progresser de façon continue vers la vision systémique : les démarches de progression permettent de cranter, d'expérimenter et d'être dans une logique d'apprentissage ;

- L'encouragement de l'innovation et donc l'acceptation d'un droit à l'erreur. Les collectivités auditionnées ont parfois fait état de projets qui avaient échoué, mais dont le retour sur expérience avait été bénéfique. L'enjeu est d'encourager, tant pour les élus que pour les agents, cette prise d'initiative et de risque pour conserver une dynamique d'innovation ;

- Une capacité à articuler les échelles de temps, entre urgence du quotidien et transformation sur le long terme ;

- De l'opportunisme avec, par exemple, la capacité de la collectivité à saisir des financements ou des appels à projets, pour profiter de ressources inattendues. Un maire signale par exemple, qu'il restait, via le PETR, une enveloppe de crédits à utiliser sur le passage de l'éclairage en leds. « J'ai bondi dessus même si nous n'avions rien prévu initialement ! » résume-t-il.

2. Viser une approche globale et intégrée dite systémique

Paroles d'élus 

« On a commencé par des projets sur le logement, l'habitat et l'emploi. On a ensuite agrémenté ces thématiques de tout ce qui fait de la transition : énergie, santé, alimentation, mobilité, déchets. On vise la transversalité désormais. » 

« Avant, on développait des projets, puis on essayait de mettre une « touche » environnementale. Désormais on fait le lien entre n'importe quelle politique sectorielle et environnement. »

« À chaque document et chaque projet : quel impact sur la transition environnementale ? Quand on fait un PLU, quand on réalise un équipement... »

« Toute la difficulté a été de faire comprendre que la thématique environnementale est transversale et que le service agriculture, le service économie, le service social et tous les autres sont concernés. C'est un combat de tous les instants et dans toutes les directions. »

L'approche systémique peut se définir simplement comme une méthode qui privilégie une approche globale des systèmes complexes par rapport à l'étude exhaustive des détails. En matière de transition, elle consiste à interroger toute action à l'aune des enjeux environnementaux. La réalisation de projets « exemplaires », « démonstrateurs » ou « emblématiques » venant se superposer à l'existant ne constitue pas une réponse satisfaisante. Seule une vision systémique permanente dans l'activité courante et dans toutes les politiques publiques est en mesure d'avoir des impacts significatifs.

Passer de l'action concrète à une stratégie globale, de l'approche sectorisée à une vision interdépendante, ou encore d'une approche par projets à une approche systémique nécessite donc une forte volonté politique et administrative. Le portage de cet enjeu au plus haut niveau est le facteur déterminant de réussite.

a) Penser sa gouvernance

La première question que se posent les élus est celle de l'organisation des délégations politiques et la façon de faire vivre ces enjeux par une approche transversale ou systémique. L'organisation d'une gouvernance efficace et acceptée est une dimension importante de la résilience d'un territoire permettant de mener à bien les politiques de transition environnementale.

(1) Les délégations

De façon globale, les grandes associations d'élus ont signalé deux grandes tendances apparues depuis les élections municipales de 2020 : l'existence désormais presque systématique d'une délégation à la transition environnementale ou écologique, parfois en lieu et place d'une délégation environnement ou d'une absence de délégation sur ces sujets, et une multiplication des délégations spécialisées sur les thématiques du sujet (alimentation, énergie, biodiversité et nature en ville, zéro déchet...).

Paroles d'élus

« La clé est que les élus travaillent ensemble et donnent l'impulsion politique de la transversalité. S'il n'y a pas de volonté des élus, cela ne bouge pas. »

« À partir du moment où l'environnement est le point de départ et de structuration des politiques publiques, il est bien clair que c'est de la responsabilité du maire. »

« La gouvernance telle qu'elle est aujourd'hui est peu influencée par les enjeux de transition environnementale. Il faut réinventer quelque chose pour cette transition qui touche à tous les sujets. »

Au-delà de ce constat factuel, plusieurs solutions de gouvernance se dégagent des échanges avec la mission :

· les collectivités où la transition environnementale est portée en direct par le maire ou le président. L'avantage est la cohérence générale et le portage au meilleur niveau de ces enjeux. Cependant, l'inconvénient est un risque de moindre intégration des enjeux par les autres élus ;

· les collectivités où plusieurs adjoints interviennent, mais où le maire assure la coordination et le pilotage du sujet. À Grand Bourg Agglomération, la transition écologique fait l'objet d'un portefeuille partagé dont le président assure la cohérence globale. Plusieurs élus du bureau trouvent dans leur feuille de route l'objectif de faire vivre et grandir la transition écologique. Le maire de Toulouse pilote en direct la politique en matière d'écologie en ville et se repose sur sept délégations thématiques liées à ce sujet ;

· les collectivités disposant d'un adjoint qui porte la transition de façon transversale. Ce modèle à l'avantage d'affirmer un portage de la politique publique, parfois concrétisé par une feuille de route, mais comporte le risque qu'elle ne soit qu'une politique publique parmi d'autres, négligeant ainsi sa dimension transversale et structurante. L'autre risque est celui d'un travail en silo, avec la transition environnementale qui sera un sujet de plus, à côté d'autres sujets comme l'éducation, le développement économique, etc. Elle peut se traduire par une action dispersée où « chacun veut faire des réalisations dans sa délégation » au détriment d'une approche globale ;

· les collectivités qui ont multiplié les délégations sur les sujets de transition : énergie, biodiversité ou nature en ville, économie circulaire, zéro déchet, cycle de l'eau, etc. Il s'agit de marquer une implication politique décuplée dans ces secteurs et porter des sujets qui ne l'étaient pas toujours politiquement. Cependant, le risque est celui d'une nouvelle segmentation préjudiciable à une approche globale.

Afin de pallier les écueils soulevés par les deux configurations précédentes, plusieurs collectivités ont renforcé la coordination de ces gouvernances. Certaines collectivités confient à l'élu en charge de la transition une mission de coordination et de recherche de transversalité avec ses collègues. La commune de Mérignac dispose en ce sens d'une gouvernance intéressante : l'adjoint délégué à la transition écologique porte quelques projets en propre mais joue surtout un rôle d'animation et de coordination de ses autres collègues, et notamment des cinq autres élus en charge de délégations plus ciblées dans ce domaine69(*). Cette animation se déroule au sein d'un « comité de coordination », de nature politique, qui regroupe ces élus ainsi que tout élu sectoriel (comme culture ou sport) lorsqu'il est concerné par un projet. Il existe par ailleurs la commission transition écologique et cadre de vie (ouverte à l'opposition) à laquelle participent les sept adjoints. Ces instances « permettent de s'assurer que les questions environnementales sont toujours intégrées aux discussions politiques » selon la commune.

La commune de Cachan dispose aussi d'une première adjointe déléguée à la ville en transition, en charge de la coordination générale de ces questions. Vichy Communauté a mis en place une gouvernance collégiale sur ces questions par une animation spécifique. Le souci de la coordination d'une transition multi-sujet explique la mise en place de comités de coordination. La ville de Lyon a, par exemple, mis en place autour du deuxième adjoint au maire, un conseil de la transition écologique, entendu comme une nouvelle instance politique rassemblant les adjoints au maire et maires d'arrondissement issus de la majorité municipale. Les délégations politiques de la métropole d'Orléans sont découpées par grandes directions/ politiques publiques. La transversalité et l'intégration des sujets entre eux sont réalisées par le premier adjoint et par le maire.

Certaines collectivités ont fait le choix de ne pas avoir d'adjoint à la transition environnementale car tous les adjoints portent cet enjeu. La commune de Mouans-Sartoux a fait ce choix délibéré afin que chaque élu se sente investi par ces sujets dans sa propre délégation. Ce choix a fait preuve de son efficacité selon les élus auditionnés. L'exécutif de la métropole de Lyon a aussi fait le choix d'une gouvernance collective et il n'y a pas de délégation politique dédiée à la transition écologique. Cette gouvernance collective favorise « la responsabilisation des vice-présidents et des arbitrages collectifs pour garantir la cohérence des orientations et arbitrages sur le temps long (...). Tous les élus ont intégré les enjeux écologiques, sociaux et démocratiques pour le mandat » selon la collectivité. Dans d'autres collectivités qui connaissent cette configuration, certains élus ont, à l'inverse, regretté ce choix estimant qu'il comporte un risque de perte d'efficacité car, finalement, personne ne porte véritablement cette démarche.

(2) Les commissions

Au-delà de la structuration des délégations, la question de la dénomination des commissions peut représenter un enjeu particulier. Par exemple, le conseil départemental de la Manche a mis en place une commission « Nature et infrastructures » qui fait le lien entre les enjeux environnementaux et les grandes infrastructures urbaines : ports, aéroports, bâtiments ... C'est un signal fort de transversalité. La commune d'Argentan a mis en place une commission « grands projets, travaux, urgence climatique et développement durable » mettant en avant, par les termes et les choix de liaison des politiques publiques, un message clair.

(3) Les organisations mutualisées

Pour les collectivités aux organigrammes mutualisés, la question de la cohérence de l'action se pose. L'Eurométropole de Strasbourg a mis en place plusieurs outils pour créer cette transversalité dans la gouvernance :

- un pôle de coordination écologique groupant élus de la ville et de l'Eurométropole afin d'assurer une vision très transversale des politiques publiques et des projets du mandat ;

- plus opérationnellement, un comité de pilotage Plan Climat (COPIL) conjoint ville et Eurométropole, en présence des deux exécutifs, consiste à suivre et orienter les actions liées à la labellisation « Territoire engagé transition écologique » (TETE) de l'Ademe. Deux nouveaux comités de pilotage, l'un dédié à la trajectoire carbone et l'autre à l'adaptation au changement climatique, complètent la gouvernance ;

- le bureau des projets qui est une instance transversale d'aide à la coordination des projets structurants des deux collectivités. Cet outil commun à l'ensemble des chefs de projets permet d'obtenir des rendus cohérents et d'avoir une visibilité globale sur l'ensemble des projets suivis ;

- des séances délocalisées avec les élus pour affirmer la vision territoriale avec des visites de site.

En conclusion, quelle que soit l'organisation, le sujet est celui du portage politique au plus haut niveau. La politique de transition écologique conduite sur un territoire est avant tout incarnée par un ou plusieurs élus qui assurent une dynamique forte sur le collectif ainsi qu'une mobilisation des acteurs du territoire. Cet élu est souvent le chef de l'exécutif.

b) Organiser et mobiliser son administration

Plusieurs modèles idéal-typiques semblent se dessiner. Les collectivités citées empruntent un peu à chacun de ces modèles.

(1) Une transition qui n'apparaît pas forcément car elle est l'affaire de tous

Une partie des collectivités interrogées estiment que la transition doit être l'affaire de toutes les directions et de tous les agents. Pour eux, la transition doit donc infuser dans chaque partie de l'administration. Dans ce cas, aucune direction générale adjointe (DGA) ou service n'est chargé de la transition en tant que tel, mais chaque direction doit intégrer cet impératif. C'est à chaque service et métier de se former et de se saisir des enjeux de transition. Ce sont des fonctionnements transversaux, de type « mode projet » ou « coopération de service », qui permettent de croiser les approches.

Le choix de la métropole de Lyon d'une gouvernance politique collective se retrouve dans l'organisation administrative : toutes les directions intègrent les enjeux de la transition écologique et solidaire dans leur feuille de route, même si une DGA a été constituée (voir ci-après).

L'organigramme des services mutualisés de la ville et de l'Eurométropole de Strasbourg comprend à titre d'exemple 5 DGA dont 4 intitulés comprennent le mot transformation : accompagnement humain, transformation et innovation ; transformation démocratique, Europe, territoires et prévention ; transformation écologique et économique ; transformation sociale et sociétale.

La commune de Mouans-Sartoux a la particularité d'avoir un service projet alimentaire durable et nutrition (d'ingénierie) et un service restauration (opérationnel) mais n'a pas de service transition, la thématique étant disséminée dans les différents services.

(2) Une mission pilotage (chargé de mission, service, direction, DGA)

Cette option modifie peu l'organisation interne et pose essentiellement une ambition de transversalité. Le responsable de l'organisation porte la vision stratégique : planification, documents clés (PCAET ...), contractualisation et labellisation, gestion de l'ingénierie et de la recherche de financements, grands enjeux transverses. L'opérationnalité est laissée aux services.

Selon la taille de la collectivité et son ambition, la transversalité peut se traduire par un chargé de mission rattaché au DGS, un service ou une DGA, qui peut même atteindre une taille critique lorsqu'elle s'inscrit dans une approche plus complète des transitions environnementales, démocratiques et digitales. Elle peut alors regrouper les directions relations avec les usagers, la direction numérique, et des observatoires ou centres de ressources.

Le risque de ce modèle est de créer une direction de pilotage stratégique éloignée de la mise en oeuvre opérationnelle. À l'inverse, la direction peut aussi être séparée de l'opérationnalité et du quotidien pour mener des projets de transformation ambitieux et apporter la transversalité manquante. Il faudra donc porter une attention à son positionnement. Les éléments importants sont alors le rattachement du service au bon niveau de l'organigramme pour affirmer sa légitimité ; un dimensionnement du service en phase avec l'ambition de transversalité à porter ; et un choix des profils des agents de cette mission attentif aux compétences d'animation transversale.

L'organigramme intégré de la commune et de la métropole de Toulouse comprend un délégué général à la transition écologique rattaché au DGS. Une réorganisation est en cours.

Le département de l'Eure comprend une direction de l'environnement, de l'espace rural et de l'agriculture rattaché à la DGA territoires. Ce service a nourri la réflexion pour l'élaboration de la stratégie et pilote la mise en oeuvre de son plan d'action. Elle propose son expertise et son accompagnement aux autres directions.

(3) Refonte de directions existantes ou rapprochements internes

Il s'agit de regrouper les différents services relevant du champ de l'environnement, de la transition écologique et du développement durable. Trois grands types de services peuvent constituer une DGA transition :

- les services techniques (eau, déchets, énergie...) ;

- les directions supports (bâtiments, patrimoine...) ;

- les services liés aux politiques publiques de l'aménagement, de l'habitat, de la gestion du foncier, du développement économique, de l'agriculture (le cas échéant) et du tourisme.

Cette solution peut permettre de marquer une ambition élevée en constituant une « force de frappe » sur les politiques à plus forts impacts environnementaux, ainsi qu'une animation transversale gage de cohérence globale. Cependant, cette organisation peut être lourde à mettre en place, voire purement cosmétique, si elle ne s'accompagne pas d'une transformation des pratiques.

L'organigramme mutualisé de la ville et l'agglomération de Nice comprend une DGA transition écologique qui regroupe tous les grands investissements en cours et à venir : grands projets d'aménagement (chaleur urbaine, coulée verte ...) et de mobilité (téléphérique, tramway ...), ainsi que les activités environnementales (activités portuaire et maritime, montagne et agriculture, bien-être animal ...) et une mission climat. Une autre DGA dédiée à la qualité des espaces publics représente plutôt l'action quotidienne : espaces verts, voirie, propreté et déchets, eau, bâtiments... Une réflexion pour renforcer la transversalité et le rapprochement des DGA est en cours.

L'organigramme mutualisé de la ville et de la métropole de Bordeaux comprend une DGA « transition écologique et ressources environnementales » centrée sur la direction des déchets du patrimoine bâti, du patrimoine végétal et de la biodiversité et d'un service action climatique et transition énergétique.

La métropole de Lyon a constitué une nouvelle DGA transition environnementale et énergétique, en novembre 2020, plutôt sur les fonctions techniques et ressources (regroupant environ 1 000 agents des directions eau et déchets ; environnement, écologie et énergie ; projets et énergie des bâtiments et une direction ressources) pour incarner la prise en compte de la transition écologique au sein de l'administration métropolitaine, entraîner toutes les directions de l'administration et instiller plus de transversalité. Même si « il est trop tôt pour tirer un bilan complet, ces modifications ont permis un renforcement et une meilleure organisation des moyens humains dédiés à ces politiques publiques, ainsi qu'une meilleure visibilité et lisibilité », estime la métropole.

La Communauté urbaine de Dunkerque correspond à ce troisième modèle. Elle dispose d'une DGA transition écologique des territoires qui rassemble les agents en charge de la conception (aménagement, mobilité, habitat...) et ceux qui gèrent la transition (déchets, espace public...). Mais la CUD reprend aussi des éléments du premier modèle au sein de la feuille de route de chaque DGA, qui intègre une forte dimension de transition : décarbonation de l'industrie pour la DGA économie et attractivité, éducation populaire à la transition environnementale pour la DGA développement social, etc. Enfin, la CUD dispose aussi d'une cellule ville résiliente, au sein d'une des direction de la DGA transition écologique des territoires, qui a une vocation de pilotage et de planification stratégique pour toute la collectivité, comme dans le type d'organigramme exposé en paragraphe 2.

Il est possible de retrouver les deux éléments de ce modèle. Ainsi, par exemple, à Grand Bourg Agglomération la réorganisation de l'administration vise à ce que la transition environnementale « soit un sujet transversal, porté par tous » et deux DGA ont été créées : une DGA « services publics de l'environnement » composée des directions techniques (eau, déchets et mobilités) et une DGA « transition écologique du territoire » composée des directions : économie, tourisme, agriculture-alimentation, préservation et gestion des ressources, habitat-rénovation urbaine, aménagement et foncier.

Il est possible de trouver une fusion des trois variantes de ce modèle. L'organigramme mutualisé de la commune et de la métropole de Strasbourg, même si elle mentionne cette dimension de transformation dans les intitulés de toutes ses DGA, comprend une DGA transformation écologique et économique qui embrasse les services économiques et attractivité, les services techniques (eau, assainissement, déchets), la dimension urbaine (urbanisme à l'exception de la règlementation urbaine, habitat, mobilité, espace public urbain, espace naturel...) et la dimension climat et énergie. Cette DGA « regroupe ainsi l'ensemble des équipes concourant à mettre en oeuvre les ambitions de transformation écologique au coeur des activités des directions qui la composent, mais qui sont également le fil rouge de l'ensemble des directions de la collectivité (2 581 agents) » précise la collectivité.

La ville de Nîmes emprunte aux deux modèles précédents. La DGA transition écologique regroupe les grands projets, la direction de la culture et un service transition environnementale qui dispose d'une expertise propre sur les sujets énergie et biodiversité. À noter que la présence de la direction de la culture permet d'utiliser ce relai sur les questions de sensibilisation : animations, spectacles et expositions comme vecteurs de sensibilisation.

La métropole d'Orléans emprunte aussi aux deux modèles précédents. En complément d'une DGA transition écologique qui regroupe les services techniques (déchets, eau, mobilité, patrimoine, bâtiments, environnement et prévention des risques...), il existe une mission transition et innovation rattachée au DGS qui pilote une organisation matricielle. Le Manifeste est le document stratégique de la collectivité. Cette feuille de route aux 90 actions se découpe en thématiques qui dépassent l'organisation par direction et les cadres hiérarchiques. Chaque thématique du Manifeste est suivie par un directeur de programme accompagné par la mission transition et innovation.

Le département du Calvados emprunte aux organigrammes exposés aux paragraphes 1, 2 et 3 avec une DGA Aménagement et environnement (paragraphe 3), une responsabilisation de toutes les directions sur le sujet (paragraphe 1) et le recrutement d'un chargé de mission auprès du DGS qui sera notamment chargé d'animer la stratégie bas carbone (paragraphe 2).

(4) Un pôle d'expertise pensé comme une fonction support

Une autre partie des collectivités choisissent plutôt de constituer une direction métier qui fonctionne tel un pôle d'expertise pensé comme une nouvelle fonction support rattachée aux orientations stratégiques. L'enjeu est de capitaliser les expertises thématiques et stratégiques au sein d'un pôle qui a une triple fonction :

- contribuer à l'élaboration de la stratégie et des doctrines internes ;

- constituer un pôle d'expertise (veille, prospective, capitalisation...) en position de conseil interne (voire de contrôle) sur les projets, les politiques publiques, les démarches d'amélioration...

- animer les réseaux : coordonner les projets, suivre les avancées, faire monter en compétence le collectif...

Un tel schéma semble offrir des garanties en termes de transformation réelle des pratiques de l'administration, notamment quand il faut entrer / accélérer sur les sujets transition dans la collectivité. De la même manière qu'un projet doit être sécurisé juridiquement, en termes de financement et en respectant les règles RH, il doit faire l'objet d'une sorte de validation sous l'angle des enjeux environnementaux. Autrement dit, la performance environnementale est une condition de viabilité des projets, autant que la sécurisation juridique, la viabilité foncière et la faisabilité RH. Cette structure administrative est aussi un moyen d'anticiper les difficultés de nature plus politique que peuvent porter les projets.

Le risque est que les fonctions supports traditionnelles n'intègrent pas suffisamment ces enjeux dans leur propre action. L'autre risque est de faire apparaître le sujet comme une nouvelle contrainte, en plus des aspects juridiques, RH ou financiers, au lieu d'en faire une ressource de changement et d'une transformation désirable. Enfin, il est important de ne pas constituer cette ingénierie en nouveau centre de décision, censeur des services plutôt qu'accompagnant.

Pouvant être rapprochée de ce modèle, la commune de Mérignac dispose, par exemple, d'une direction de mission, composée de 9 personnes dont 4 ingénieurs, qui intervient sur tous les projets. La direction est rattachée à la DGS, participe donc au comité de direction, anime la coordination interne, infuse les réflexes et logiques de transition dans les autres directions et valorise les actions. Un de ses membres participe au comité de direction de chaque DGA, et à la « revue de projets » de la collectivité, pour assister les autres services, dans une logique d'accompagnement et pour vérifier que les problématiques environnementales soient bien prises en compte. « Elle travaille en transversalité permanente avec toute l'administration au même titre que les services supports ». La commune précise que « les moyens humains et la légitimité donnés à la direction transition écologique sont importants, mais le positionnement sur une aide, assistance, accompagnement plutôt que sur du contrôle et de la contrainte est beaucoup plus efficace pour lever les freins au changement. »

L'organigramme mutualisé de la commune et d'Argentan Intercom est un modèle hybride. La direction aménagement cadre de vie regroupe les services techniques (patrimoine, voirie, éclairage, espace verts, eau...), l'urbanisme et l'aménagement et un service urgence climatique et développement durable. Intégré à cette direction, il est en prise directe avec les choix d'investissement et de fonctionnement réalisés par les services cités. Il apporte une approche globale. Il repose sur des techniciens aux compétences complémentaires : un spécialiste en transition énergétique, un spécialiste projet alimentaire territorial, un spécialiste agenda 2030 et mobilité, un spécialiste biodiversité, un économe de flux et un spécialiste économie circulaire. Il fonctionne, en quelque sorte, comme un service support au sein de cette direction et auprès des autres directions. Cette ingénierie est au service des communes et est aussi partiellement mutualisée à l'intérieur d'un pays via les pôles d'équilibre territorial et rural.

La ville de Lyon s'est dotée d'une mission transition écologique rattachée au DGA urbanisme. La même DGA comprend un service biodiversité et nature en ville.

La ville de Paris a créé et positionné sa direction de la transition et du climat au sein de la DGA services supports (donc avec la direction des finances, la DRH, la direction de la communication ...) pour la faire monter en compétence comme direction d'appui.

La métropole Nice Côte d'Azur dispose d'une mission climat depuis juillet 2022. Cette structure transversale dotée d'une équipe resserrée a pour objectifs d'assurer le pilotage global de ces sujets, « d'inclure la transition écologique dans les actions et dans le quotidien des agents, d'animer un projet d'entreprise interne, de suivre et d'évaluer les projets de transition écologique portés par les DGA et d'en mesurer les effets en termes de gain carbone, et d'accompagner, sur le plan stratégique et méthodologique, les directions dans la mise en oeuvre de la transition écologique ». Ce travail interne a d'ores et déjà permis de porter le taux d'exécution global des actions du Plan Climat 2025 de 33 à 41 % et de faciliter la visite annuelle du label Ademe « Territoire engagé transition écologique » précise la métropole.

Le département de la Manche dispose d'une DGA nature et infrastructures qui regroupe infrastructures, routes, mer, ports et aéroports, milieux naturels, eau, patrimoine foncier et bâtiments (modèle 3) et une mission d'appui à la transition écologique et au développement durable (modèle 4) qui a un rôle transversal sur toute l'administration. Elle est un appui technique pour les autres directions. Elle a, par exemple, internalisé la compétence de bilan de GES pour pouvoir le réaliser à l'avenir pour le compte des autres services. Elle a ensuite la charge d'élaborer le plan de transition dont les grandes orientations ont été pilotées directement par le DGS (modèle 2 durant cette phase intermédiaire).

En conclusion, les caractéristiques de l'organisation initiale et les objectifs visés guident le choix à faire en matière d'organisation : besoin de conduire le changement dans certaines directions en particulier, besoin de mettre l'accent sur la stratégie ou la transversalité, besoin de prioriser l'action des services techniques, besoin de viser l'action d'aménagement de la collectivité... La taille de la collectivité joue également un rôle dans le choix d'une organisation. Il est plus simple de mettre en oeuvre la transversalité dans une collectivité de petite taille que dans une très grosse structure.

Quel que soit le modèle choisi, il semble aussi qu'un autre élément soit à prendre en compte dans les choix d'organisation. Il a été souligné l'importance de la dimension d'implication citoyenne et de la coopération territoriale dans les sujets de transition. Aussi, l'organisation doit porter une attention particulière à l'articulation entre les directions en charge de ces enjeux et la direction transition environnementale.

(5) Les autres mesures au-delà des organigrammes

Au-delà des enjeux d'organigramme, plusieurs autres mesures peuvent nourrir cette transversalité et cet engagement des agents.

(a) L'utilisation du « mode projet » et les démarches transversales

Ces mesures sont aussi un moyen de dépasser les cadres hiérarchiques.

Des lettres de mission confiées à des directeurs de DGA différents peuvent contribuer à renforcer la prise en compte des interdépendances entre politiques publiques. C'est à ces occasions que les équipes apprennent à mieux se connaître, à collaborer, à mêler leurs compétences et à résoudre collectivement des commandes politiques complexes. Une fois le « mode projet » abouti, il reste systématiquement des relations professionnelles solides qui facilitent les synergies au-delà du dit projet.

Par exemple, la Communauté urbaine de Dunkerque a peu modifié son organigramme, mais a « mis le mode projet au coeur de [ses] fonctionnements, à plusieurs échelles, pour garantir cette vision globale dans l'accompagnement des transitions ».

L'Eurométropole de Strasbourg privilégie le mode projet, car « l'équipe réunie est pluridisciplinaire, et travaille de manière transverse et collaborative afin d'aboutir à un objectif commun prenant en compte les différents enjeux de manière intégrée ».

La communauté d'agglomération du Beauvaisis a, par exemple, mis en place la démarche « éco-durable » engagée depuis deux ans. Il s'agit d'une rencontre bimensuelle, à laquelle participent agents et élus, entre la direction transitions et santé et la direction développement économique - enseignement supérieur afin de mettre en cohérence, favoriser le travail transversal, co-construire et co-piloter certaines actions. Ainsi, l'étude d'un nouveau réseau de chaleur à énergies renouvelables pilotée par la direction transition et santé engage la direction développement économique à rechercher des entreprises pouvant répondre à ce besoin. Une approche plus systémique des projets est ainsi réalisée, avec des actions mises en cohérence, complémentaires et imbriquées.

(b) Les réseaux internes ou externes de référents

La formule classique consiste à mettre en place des réseaux de référents disséminés dans chaque direction, dans chaque DGA, ou même dans chaque équipement municipal. Il peut aussi s'agir d'un référent « environnement », « énergie », « biodiversité », « PCAET » ... L'idée est de décupler l'organisation hiérarchique par un réseau de pairs. Ils font vivre la transition dans les organisations. Les reconnaître, les constituer en réseau en leur donnant des moyens d'agir, avec un temps dédié, un espace consacré, une lettre d'information, etc. et les coordonner permet d'être plus efficace.

Plus original, l'agglomération de Grand Bourg, a constitué une équipe de 20 agents volontaires formés à la dynamique de groupe. Depuis 2018, ils animent des ateliers sur les enjeux de transition, pour faire vivre ces sujets au sein des équipes, insuffler une philosophie de transversalité, promouvoir des commandes de prestation et de design en interne, ou encore amorcer le décloisonnement des politiques sectorielles. Tout agent peut faire appel à ce groupe sur une thématique. C'est en utilisant cette technique d'animation que le projet de territoire a été construit, de même que le budget vert.

La communauté urbaine d'Arras (CUA) a une approche ambitieuse de ce sujet avec une volonté d'inscrire ces réseaux dans un renforcement de la transversalité, mais aussi de la coopération territoriale. La CUA a adopté un « Contrat de Transition Écologique 2018-2022 » et un « Plan climat 2023-2028 ». La mise en oeuvre des 29 orientations de ces documents est ainsi suivie par :

- un « garant », agent de la CUA, qui s'assure du bon déroulement de l'orientation : identification des freins à lever, rôle de facilitateur auprès des partenaires, etc. ;

- un « référent État » qui est l'interlocuteur privilégié de la CUA ;

- des « ambassadeurs pour le climat », agents communaux, qui expliquent concrètement et simplement la transition écologique pour faciliter l'engagement de tous : habitants, élus, agents, acteurs privés ou associatifs. Ils ont été désignés par les communes au sein de leur conseil municipal ou de leurs services.

« En résumé, la transversalité, ce n'est pas « tout le monde fait un peu de tout », mais c'est « un pilote clairement identifié qui a pour mission de mobiliser autour de lui au-delà des relations hiérarchiques en facilitant la coopération » résume le vice-président de la communauté urbaine d'Arras en charge de l'économie sociale et solidaire, de l'économie circulaire et de la gestion des déchets.

Le département de l'Eure a missionné 37 référents, volontaires ou désignés, et 4 animateurs pour imaginer les actions à mettre en oeuvre dans le cadre de la stratégie du département. Ces groupes de pairs ont souvent, en l'absence de liens hiérarchiques, une parole plus libre ainsi qu'une capacité à formuler des propositions utiles au collectif.

Le réseau des ambassadeurs de la transformation écologique de l'Eurométropole de Strasbourg, mis en place en janvier 2023, vise à animer et accompagner les changements de pratiques internes en faveur de la transformation écologique. Vingt-trois ambassadeurs relais sont chargés de répondre aux enjeux évoqués et de développer les initiatives de changements de pratiques. Ce réseau est complémentaire du réseau des référents PCAET.

Depuis la COP21 locale qu'elle a mis en place en 2018, la métropole Rouen Normandie anime un réseau interne d'une soixantaine de personnes-relais de toute la structure, auxquels s'ajoutent des partenaires clés : Ademe, Région, DREAL, DDTM, WWF, ATMO Normandie, pour partager les enjeux et les réalisations en matière de transition environnementale.

(c) L'appel à l'innovation interne

Il permet de faire remonter les bonnes pratiques des agents et d'en inventer de nouvelles. Plusieurs collectivités ont ainsi mis en place des structures internes qui valorisent l'innovation.

Cela peut être une valorisation des projets internes innovants, comme par exemple la journée d'échanges sur ce type de projets portés par les services de la ville de Paris. L'une des catégories est « défis écologiques et climatiques ». Cela peut aussi s'incarner dans des appels à projets qui permettent d'identifier des propositions d'agents ou de groupes d'agents. Cela peut enfin consister en l'allocation d'un temps de travail dédié au projet, d'un budget ou de moyens matériels permettant ce développement.

Le département du Nord dispose d'un réseau de 135 agents volontaires, les colibris, qui diffusent les actions auprès de leurs collègues et remontent les initiatives de terrain. En répondant aux sollicitations des colibris et en permettant la création de projets concrets au sein de la collectivité, l'acculturation est facilitée. Les services se saisissent des idées des colibris, expérimentent puis élargissent la démarche si elle fonctionne.

La région Ile-de-France a mis en place un comité d'agents volontaires « solution sobriété énergétique », associé aux syndicats, chargé de faire des propositions.

c) Déployer un management des transitions

Organiser la transversalité, la coopération ou encore la vision systémique ne passe pas exclusivement par une transformation des organigrammes. Elle s'incarne aussi dans un management des transitions qui est une animation au quotidien des acteurs parties prenantes. Le management doit autoriser, encourager et valoriser les pratiques allant dans le sens de la transition environnementale.

(1) Les cadres traditionnels du management

Les objectifs annuels, fixés dans le cadre des entretiens annuels d'évaluation, sont un bon moyen d'ancrer dans le concret des objectifs stratégiques liés à la transition. Ils peuvent déclencher des initiatives motivantes et conduire à l'évolution des pratiques professionnelles. L'inclusion d'objectifs en lien avec la transition environnementale dans chaque fiche de poste, voire d'un système de valorisation financière interne comme le propose le réseau « Le Lierre »70(*), est un moyen d'ancrer la transition dans le quotidien des missions de tous les agents de la structure.

La valorisation des compétences acquises à l'issue des formations dans le cursus des agents participe à cette reconnaissance.

L'évolution des référentiels internes, comme les fiches de poste, doivent aussi suivre.

Les démarches plus collectives, comme les projets d'administration ou les projets de service, peuvent aussi être positives en termes de visions partagées ou encore de plans d'actions. Ceux-ci sont générateurs d'initiatives et de transversalité.

(2) Les méthodes et outils dédiés

Il existe plusieurs méthodes, outils et référentiels, spécialement conçus pour aider à penser et à agir de manière systémique qui structurent la dynamique. Ces méthodes permettent d'identifier les sujets ou secteurs où la collectivité présente un retard. Elles contribuent à apporter cette vision systémique. Elles sont aussi des supports au management interne, car elles fournissent les cadres pour animer les collectifs d'agents.

Nous évoquerons les principales méthodes citées lors des auditions.

(a) Le programme Territoire engagé transition écologique (Ademe)

Le programme TETE de l'Ademe71(*) est un renfort opérationnel pour aller plus loin que le seul cadre réglementaire fixé par le PCAET. C'est un programme modulable, assorti d'outils opérationnels, pour structurer un projet de territoire et une politique de transition écologique. Il permet de donner des pistes de travail, de structurer la réflexion et les plans d'actions sans angle mort ou oubli. Il repose sur une dynamique d'amélioration continue et d'apprentissage. Son offre socle repose sur deux référentiels d'actions : climat-air-énergie et économie circulaire (accessibles sur la plateforme numérique territoiresentransitions.fr). Il propose des services complémentaires : mise en réseau avec des animations régionales et nationales, des formations, des soutiens financiers aux études complémentaires et des accompagnements en ingénierie et la possibilité d'être labellisé (de 1 à 5 étoiles). Les référentiels utilisés pour ce programme sont aussi mobilisés dans le cadre du « Contrat d'objectif territorial » (COT), outil de contractualisation pour des projets territoriaux de 4 ans et proposé par l'Ademe pour le déploiement de certains CRTE. L'outil numérique permet aux collectivités d'avancer rapidement dans la démarche et d'obtenir leur première étoile très rapidement.

Collectivités engagées dans le programme TETE

Source Ademe (janvier 2022)

Ce programme touche environ 400 collectivités et couvre 50 % de la population nationale. Même si cette démarche n'intègre pas l'ensemble des enjeux environnementaux (eau, renaturation, biodiversité) elle est appréciée des collectivités.

À titre d'exemple, en 2016, la communauté de communes du Thouarsais estime que ce processus d'amélioration continue permet d'impliquer les élus et les agents de la collectivité afin d'améliorer la prise en compte de ces enjeux dans les politiques publiques. Il a conduit à développer une vision « plus transversale » et à « questionner notre organisation ». Le plan d'action procédant de l'état des lieux est coconstruit en interne et fait l'objet d'une évaluation technique et politique annuelle. Cette démarche permet d'intégrer dans l'ensemble des services les enjeux « Climat Air Énergie » et contribue à faire monter les agents en compétence.

La ville de Lorient, qui est l'une des 9 collectivités françaises à avoir obtenu le label gold 5 étoiles72(*) estime que cette labellisation est un vrai outil de management pour la collectivité qui « organise les différents enjeux à un haut niveau stratégique et permet une approche organisée des sujets de la transition environnementale, tout en accompagnant l'évolution des schémas organisationnels des collectivités pour leur permettre de traiter les interactions entre les différents sujets ».

(b) Le programme Territoire engagé pour la nature (OFB)

Ce programme est une action phare de l'engagement de la société vers la transition écologique, porté conjointement par le ministère chargé de la Transition écologique et l'association Régions de France. Il est animé par l'Office français de la biodiversité, en lien étroit avec les agences de l'eau. C'est le programme dédié entièrement à la biodiversité, destiné aux collectivités, et inscrit dans le cadre de la stratégie nationale biodiversité.

Il s'étend progressivement et est déjà ouvert dans 14 régions, respectant en cela la volonté des régions « cheffes de file » sur la biodiversité en s'adaptant à leur rythme. À l'échelle nationale, ce sont déjà presque 500 collectivités qui se sont engagées depuis 2020, soit plus de 20 millions d'habitants.

L'enjeu du programme est la reconnaissance d'un plan d'actions qui marque l'engagement de la collectivité à s'inscrire dans une démarche d'amélioration continue sur ces sujets : lutte contre l'artificialisation, solutions fondées sur la nature pour l'adaptation au changement climatique, ralentissement du grand cycle de l'eau, trames écologiques vertes et bleues, et lutte contre la pollution lumineuse, éducation à la citoyenneté par la biodiversité avec les aires éducatives, etc.

Les partenaires régionaux, alliés autour de ce programme (la région, l'État, avec l'OFB et les agences de l'eau, les départements volontaires, etc.) constituent en parallèle un comité régional des financeurs dont la finalité est de fluidifier l'accès aux financements disponibles pour les collectivités et porteurs de projet. C'est ainsi que, chaque année, un appel à projets est organisé en région Grand Est sur la trame verte et bleue.

Le programme fait réseau entre collectivités au plan régional, valorise engagements et résultats et permet d'accéder à une ingénierie spécifique. Il est en lien avec des programmes conjoints : « Entreprises engagées pour la nature » (déjà plus de 200 adhérents), et « Partenaires engagés pour la nature » (qui vise les associations, fédérations, fondations, et autres têtes de réseau). Cette mise en réseau favorise des interactions pour mobiliser en profondeur dans les territoires.

(c) L'Agenda 2030

Il repose sur 17 « Objectifs de développement durable » (ODD) et 169 sous objectifs appelés « cibles ». L'Agenda 2030 de l'ONU se veut transversal en reconnaissant des liens entre les différentes dimensions du développement. S'agissant des enjeux environnementaux et climatiques, on trouve des ODD dédiés spécifiquement à l'eau et à l'assainissement, à l'énergie durable, aux villes durables, aux modes de consommation et de production durable, au climat, aux océans et aux écosystèmes terrestres. L'intérêt de ce référentiel est triple : il est universel et générique et s'adresse aux États, au public et au secteur privé ; il permet une vision systémique qui couvre toutes les questions de société ; il favorise la collaboration entre les différents acteurs du territoire.

Le comité 21

Les Objectifs de développement durable (ODD) ont été adoptés en 2015 par l'Organisation des Nations Unies (ONU). Le Comité 21 est un réseau qui existe depuis 1995, dont l'objectif est de fédérer les acteurs du développement durable. Il fédère 450 collectivités locales, entreprises, associations, établissements d'enseignement supérieur et citoyens. Le Comité 21 propose : des analyses et des décryptages sur les sujets d'adaptation, de sobriété, etc. ; des formations à l'adaptation au changement climatique ou encore centrées sur les Objectifs de développement durable (ODD) et les territoires ; ainsi que divers outils et accompagnements, sous forme de cycles.

Au terme d'un tour de France de 5 ans, le comité 21 a pu mettre en évidence plusieurs utilisations de référentiel par les collectivités. Le comité 21 a publié un guide pratique « Pour l'appropriation de l'Agenda 2030 par les collectivités françaises »73(*).

Le ministère de la Transition écologique en lien avec de nombreux partenaires a produit une boîte à outils pour sensibiliser à l'Agenda 2030 et intégrer les ODD dans des actions locales. Le site propose un livret explicatif, des fiches action, des cartes des 17 ODD et 169 objectifs, des documents personnalisables ...74(*)

Le Cerema propose aussi un guide75(*) pour l'appropriation des ODD dans les territoires et donne des outils de pilotage des politiques publiques.

Une méthode a été également expérimentée par les villes de Besançon et de Quetigny, avec le soutien de la DREAL Bourgogne Franche-Comté et du Cerema. Il en résulte un guide « Élaborer des indicateurs de contribution aux ODD pour nourrir des stratégies territoriales » qui aide à la déclinaison locale de cibles et d'indicateurs reliés aux ODD76(*).

En outre, la DREAL Nouvelle-Aquitaine a élaboré un guide pratique en 2019 « Mon territoire, des actions, une transition » pour guider les collectivités, particulièrement les communes rurales, dans leurs politique de transition. La méthode proposée - expérimentée en 2016 avec 2 collectivités picto-charentaises - est très pédagogique et didactique77(*).

Enfin, la DREAL Bretagne a élaboré en 2020, avec l'appui du Cerema, l'outil « Méthode » qui vise à faciliter l'appropriation et l'intégration des ODD dans les projets de territoire. Cette démarche d'accompagnement pédagogique et collaborative s'appuie sur les pratiques de chacun ainsi que sur le principe de coresponsabilité. Elle propose un parcours progressif78(*).

Plusieurs collectivités se sont appuyées sur cette démarche, comme la ville de Besançon, l'Eurométropole de Strasbourg qui en a fait sa matrice d'analyse du budget79(*), ou encore la ville de Niort. Cette dernière a, par exemple, construit sa feuille de route « Niort durable 2030 »80(*) sur ce référentiel. Les élus estiment aujourd'hui que la solidité du processus a permis à cette dernière de survivre à l'alternance politique. Le conseil général de Gironde a publié un «  rapport de redevabilité »81(*) où il rend compte des impacts de son action et les questionne à l'aune des ODD. La commune de Mareau-aux-Prés a reçu l'accompagnement du Cerema, appuyé par l'association Notre Village Terre d'Avenir, pour réaliser un agenda 2030 qui est le cadre de référence et l'aiguillon de ses actions, répertoriées dans des fiches dont la mise en oeuvre est suivie par un comité de pilotage (constitué par des élus en nombre minoritaire, un conseil des citoyens qui est une instance ad hoc de citoyens engagés, des volontaires et des représentants des communes voisines).

Le département des Yvelines a impulsé une démarché « planning, budget, impact » qui conduit les directions à évaluer l'impact de leurs nouvelles actions en utilisant les 17 ODD. Pour un projet numérique éducatif, l'impact sur les items « éducation de qualité », « consommation et production responsables » ou encore « inégalités réduites » est évalué, selon un barème positif - neutre - négatif. Sur cette base les services cherchent à éviter ou réduire les impacts négatifs et les arbitrages sont faits en conséquence.

(d) Les grilles d'auto-évaluation

Le département de la Gironde a réalisé un questionnaire en ligne82(*) qui permet de mesurer le niveau de résilience d'un projet (matérialisé sous la forme d'un taux). Il s'agit de sensibiliser les maîtres d'ouvrage aux enjeux de la résilience et les encourager à mettre en oeuvre, dès leur conception, des projets d'aménagements durables s'inscrivant dans « une dynamique de transition écologique, sociale et démocratique ».

L'association Amorce, spécialisée en matière d'énergie, eau et déchets, a réalisé une grille d'auto-évaluation des impacts environnementaux des actions d'une politique publique83(*). Imaginée dans le cadre des CRTE, en partenariat avec le ministère de la Transition écologique, de l'ANCT et du CGDD, cet outil permet de guider la réflexion pour mieux évaluer, en phase de conception, l'impact au regard de 7 objectifs environnementaux et de cohésion. Cette grille est utile pour les porteurs de projets, elle permet aussi d'animer le dialogue entre les collectivités et ces derniers, mais peut aussi être utilisée par une collectivité pour ses propres projets et être ainsi un outil d'aide à la décision pour prioriser les actions.

En conclusion, ces méthodes peuvent guider les collectivités. Elles sont parfois une étape utile à une entrée en mobilisation, mais ne sont pas la panacée. Par exemple, la Communauté urbaine de Dunkerque a fait le choix d'arrêter certaines démarches volontaristes de type ISO 9001 ou 14 001 face à la difficulté du portage de ces dernières dans les services opérationnels.

Aux vues des retours positifs relatifs à l'utilisation du label TETE de l'Ademe, il semble pertinent de recommander aux collectivités de s'y engager et de préconiser que l'Ademe élargisse son champ d'action. Par exemple, le label gagnerait à s'ouvrir à d'autres sujets et à se rapprocher d'autres démarches, telles que « Territoires engagés pour la nature » de l'OFB.

Recommandation n°5 : valoriser, dans le cadre de la prochaine génération de CRTE, l'adhésion des collectivités au programme « Territoire engagé pour la transition écologique » (TETE) de l'Ademe et au programme « Territoires engagés pour la nature » de l'OFB.

Renforcer les moyens de l'Ademe et l'OFB en conséquence, et rechercher des mutualisations au plan régional.

Rapprocher ces labels / Étendre le label TETE (climat, air, énergie et économie circulaire) à tous les sujets environnementaux. Les méthodes et outils ad hoc devront être adaptés en conséquence.

Bonne pratique n° 21 : Inciter également les collectivités à élargir leur approche aux dimensions sociales, économiques, de résilience, de gouvernance et d'innovation via le label « Ville durable et innovante », qui est articulé avec le précédent.

Des documents spécifiques peuvent aussi conduire une démarche de transition.

La métropole de Grenoble a, par exemple, fait du plan climat-air-énergie métropolitain (PCAEM) son outil de pilotage transversal. Cette élaboration a été une démarche intégratrice qui a permis d'établir le diagnostic, de définir les trajectoires et le programme d'actions, d'étudier l'impact et de projeter les actions à déployer. Toutes les stratégies sectorielles, comme le développement économique, sont basées sur la déclinaison du PCAEM.

Le projet La Rochelle Territoire Zéro Carbone, fait de la neutralité un objectif transversal pris en charge par l'ensemble des services de l'agglomération et un critère déterminant pour chaque décision.

L'agglomération Lannion-Trégor Communauté, à l'occasion de l'élaboration de son CRTE, a mis en place un tableau de bord de suivi, avec l'appui du Cerema et de l'ANCT. Ce tableau de bord permet de rendre compte de la mise en oeuvre de son projet de territoire et de mesurer la progression du territoire dans l'atteinte de ses objectifs de transition. Cet outil permet de disposer d'indicateurs par politique publique, par axe du CRTE, etc. qui viennent renseigner le rapport d'activité et le rapport développement durable. Cet outil est également utile pour la triple démarche en cours d'élaboration conjointe du PLUi, du Plan de Mobilité et du PCAET.

(e) La norme internationale ISO 37101

Elle porte sur les systèmes de management de développement durable des villes et des territoires. Elle se veut une norme « chapeau » pour l'ensemble des normes déjà en place : « Lead » aux États-Unis, « Breeam » au Royaume-Uni, « Ville durable » en France,  etc. Cette norme émet des recommandations sur le « comment faire », afin de guider les organisations (collectivités territoriales, secteur privé,  etc.) dans leurs recherches d'amélioration de leurs contributions au développement durable. Elle définit notamment six grandes finalités : attractivité, ' préservation de l'environnement, bien-être, résilience, utilisation de ressources renouvelables, cohésion sociale, qu'elle propose de croiser avec douze domaines d'action (comme la gouvernance, l'éducation, la santé, la culture, les infrastructures, etc.). Concrètement, elle permet à une collectivité qui a, par exemple, un projet d'aménagement de vérifier en quoi ce projet peut contribuer à chacune des finalités. Ce système de questionnement permet d'améliorer le projet et d'imaginer des finalités qu'il ne comprenait pas initialement. Le Cerema a réalisé des guides pratiques84(*) pour expliquer cette norme et la mettre en application.

d) Repenser l'élaboration et la présentation du budget

L'approche par l'outil budgétaire et comptable est un autre moyen, complémentaire des précédents, pour connaître et mesurer la trajectoire climatique de la collectivité. Elle met en évidence les efforts réalisés, les résultats obtenus ainsi que le chemin qui reste à parcourir. Elle crante les actions, puisqu'il est difficile qu'un nouvel exercice ne soit pas moins vertueux que le précédent (effet de cliquet)85(*).

Bénéfices d'une évaluation environnementale du budget

Source : Institut I4CE86(*)

Dans une étude réalisée en partenariat entre l'INET et l'Agence France Locale87(*), les outils budgétaires sont analysés pour saisir les avantages/inconvénients des différents outils : budget carbone, budget vert, budget pondéré, méthode de comptabilité socio-environnementale, méthode se basant sur les ODD, et méthode de normalisation (famille de normes ISO 14000) notamment.

Grand Bourg Agglomération dispose d'un budget vert depuis trois ans. La collectivité a notamment mis en place un « dialogue de gestion environnemental » qui intervient en amont des conférences budgétaires et a pour objet d'évoquer les classifications, de les fiabiliser et d'en débattre pour chercher des alternatives plus « vertes ». Ce dialogue réunit la direction des finances, la direction opérationnelle avec un responsable métier et le comptable en charge de l'exécution et du suivi de la dépense, ainsi que l'un des experts de la DG transition écologique. Il améliore la vision systémique des projets. Il renforce l'acculturation collective aux problématiques environnementales et la transversalité entre ces services qui ont objectivement multiplié leurs échanges. Il tend à devenir un outil de pilotage des choix dans le sens où une dépense défavorable à l'environnement aura beaucoup plus de mal à être arbitrée positivement.

Certes l'exercice présente des limites. Il n'est qu'une photographie de l'existant qui ne permet pas de déterminer à elle seule si le budget est dans une trajectoire d'atteinte d'objectifs suffisante pour le territoire. Il repose sur une part de subjectivité et de convention (que veut dire une dépense défavorable, est ce que deux dépenses défavorables pèsent autant ?), malgré l'emploi d'une méthodologie rigoureuse. En dépit de ces limites, l'apport managérial de cet outil est non négligeable.

La métropole de Lyon expérimente aussi sa propre méthode de budget vert orientée vers le budget d'investissement et aidant la prise de décision sur les objets financiers de la collectivité (budget primitif, DOB compte financier unique...). Le modèle reprend 23 critères regroupés en 5 axes. Chaque investissement est passé au crible de ces 23 critères pour vérifier s'il contribue à l'atteinte des objectifs fixés par l'exécutif. Plus de 560 millions d'euros seront passés à ce crible.

France Urbaine souligne l'exemplarité de cette méthode : « du budget vert de l'État, elle reprend l'analyse selon plusieurs axes de la taxonomie européenne, mais va au-delà de la simple corrélation d'une dépense avec des objectifs climatiques, en privilégiant l'analyse d'impact (ou d'alignement) des projets par rapport aux propres objectifs des politiques publiques de la métropole (eux-mêmes déterminés en cohérence avec la SNBC et la taxonomie européenne). Cette approche plus ambitieuse, qui se concentre pour l'instant sur les seules dépenses d'investissement, pourrait constituer le chaînon manquant entre les budgets verts et une comptabilité CARE. »

Boîte à outils pratique : budget et comptabilité (annexe 7)

Budget. Retrouvez en annexe : la méthode de Bourg en Bresse, le vadémécum AFL-INET, l'évaluation « climat » du budget du think tank i4CE, la budgétisation environnementale à 360° du Conseil général de l'environnement et du développement durable et l'IGF.

Comptabilité. Retrouvez en annexe : la comptabilité écologique, l'environnemental sustainability gap, les méthodes de comptabilité « écosystème-centrée », la méthode de comptabilité adaptée au renouvellement de l'environnement.

e) Mobiliser tous les outils et politiques publiques de la collectivité

Paroles d'élus

« Il faut systématiquement, dans chaque projet que l'on fait, avoir une vision sur l'impact en matière de transition environnementale. » 

« Notre recette, c'est installer une volonté d'une politique environnementale globale en toile de fond de toutes nos politiques publiques et en particulier le développement économique. »

« Il y a des politiques publiques qui restent identifiées en tant que telles (social, école, culture, sport...), mais il n'y a aucun des projets d'aucune de ces politiques qui ne soit appelé à poser la question de l'impact sur l'environnement des actions entreprises. »

Toutes les politiques publiques ont un impact sur le territoire et toutes seront affectées par les enjeux d'adaptation. Il y a donc une nécessité à faire circuler les sujets de transition et les préoccupations environnementales dans toutes ces politiques publiques. Autrement dit, l'enjeu est d'irriguer l'activité de tous les services et tous les projets par les enjeux de transition environnementale plutôt que de prévoir des actions commentaires déclinées dans des plans ad hoc. Les auditions ont permis de mettre en évidence quelques chantiers à ouvrir prioritairement lorsqu'une collectivité s'engage ou progresse vers cette ambition.

Boîte à outils pratique : quelles politiques sont concernées ? (annexe 9)

Retrouvez en annexe des éléments sur les politiques de sobriété, de développement économique, d'entretien des bâtiments, d'aménagement, sur les finances, la politique RH, etc.

De plus, l'exemplarité mise en oeuvre par la collectivité, et particulièrement par sa direction générale et ses élus, sont des éléments importants.

Le département de l'Isère a, par exemple, consacré 12 millions d'euros à la rénovation énergétique de l'hôtel du département afin de réduire la consommation énergétique du bâtiment de 45 % et de diviser ses émissions de GES par 4.

Toulouse Métropole a mis en place, avec l'aide de la start up DCO2, une mesure du bilan carbone de la direction générale, avec un objectif de réduction de 8 tonnes d'émissions de GES en 2023. Le plan repose sur huit leviers d'actions avec un bilan annuel pour vérifier les résultats.

La ville de Paris, dans son rapport de développement durable 2021, décline chaque thème par un encadré « administration exemplaire » qui met en évidence comment l'administration est mise à contribution.

f) Élargir les cadres de l'évaluation

L'évaluation est aussi un outil pour mieux saisir l'effet de ses actions, notamment dans une perspective systémique, puisqu'elle mesure non seulement l'atteinte des objectifs, mais constate aussi des résultats qui n'étaient pas forcement recherchés.

(1) L'évaluation est sous utilisée

Globalement, les collectivités sollicitées reconnaissent que l'évaluation est le parent pauvre du volet de leurs actions. Un maire signale, par exemple, que lorsqu'il a réalisé un projet de géothermie, il n'a pas comptabilisé les gains avant/après, par manque de temps, manque de personnel et parce que toutes les énergies étaient focalisées sur la bonne mise en oeuvre du projet.

Paroles d'élus

« Nos évaluations sont plus un ressenti qu'une démarche. »

« Cela fait 20 ans que je travaille à concentrer l'urbanisme au centre de village pour que les déplacements se fassent à pied, mais comment l'évaluer... »

Les auditions ont mis en évidence de nombreuses difficultés concernant l'évaluation :

· Les freins liés aux données : multiplicité des données, éparpillement, difficulté de les collecter et de les mettre en cohérence... Le recueil et le traitement de données sont trop lents. Les bilans carbone territoriaux sont disponibles à n+2 : 1 an pour consolider la donnée et 1 an pour établir le bilan.

· le manque d'expertise interne conduit parfois à rechercher des évaluations externalisées par un bureau d'études. Le temps passé à pousser les modélisations, consolider les données peut être en décalage avec les moyens de l'action ;

· le manque de temps pour penser les indicateurs environnementaux. L'évaluation d'une subvention à une association de compostage repose, par exemple et de manière générale, sur la mesure du nombre de personnes impactées par un projet. En matière environnementale, des indicateurs plus pertinents pourraient être le volume de déchets traités, l'impact sur l'évolution des comportements, etc. L'évaluation est souvent plus un suivi de l'état d'avancement des projets qu'une mesure de leur impact ;

· l'absence de stabilité des normes et textes, des référentiels, des règles de calculs et des définitions qui rend difficile toute comparaison dans le temps ;

· la difficulté de mesurer les effets en matière d'environnement. La région Île-de-France a, par exemple, signalé la difficulté d'obtenir des indicateurs de résultats pour savoir combien de tonnes équivalent carbone sont évitées par le conseil ou la rénovation en matériel énergétique et ainsi d'estimer si les crédits consacrés sont efficaces ;

· des difficultés objectives à mesurer certains aspects des politiques publiques. S'il est facile de mesurer des économies d'énergie, il y a toute une série d'éléments délicats à évaluer : « l'intégration d'une approche sensible et d'une méthodologie empirique des sciences sociales semblent essentielles pour aboutir à une compréhension systémique et transversale », résume le PETR Causses et Cévennes.

(2) L'évaluation doit évoluer pour intégrer les externalités et le coût de l'inaction

Plusieurs élus ont souligné que ces enjeux de transition, qui revisitent les méthodes des politiques publiques, conduisent aussi à revisiter la question de l'évaluation.

Évaluer consiste à fixer des objectifs et à mesurer leur atteinte, notamment au regard des moyens qui ont été mobilisés dans le processus et des délais de leur réalisation.

C'est parfois simple, comme par exemple dans les PCAET qui ont des données quantifiables sur le nombre de mégawatts produits en énergies renouvelables ou d'économie d'énergie, emplois locaux durables, etc.

Mais, sur ces politiques systémiques de transition, évaluer c'est aussi s'intéresser à ce qui a été évité, ce qui ne se voit pas, ce qui n'apparaît qu'en creux, ce qui ne se mesure pas. Une formule de la Fabrique des transitions affirme que « tout ce qui compte ne se compte pas toujours mais se raconte ». Cette citation illustre la nécessité de repenser l'évaluation traditionnelle. Les résultats de l'action ne se comptabilisent pas tous en valeur économique. De plus, certains résultats n'étaient même pas constitutifs des objectifs initiaux. Il s'agit donc de s'intéresser aux bénéfices immatériels ou aux effets systémiques positifs. « À titre d'exemple, la rénovation du patrimoine communal contribue à une fréquentation renouvelée, à la possibilité d'y déployer de nouvelles politiques publiques, de type sport, culture, et renforce le lien social. Quels seraient les coûts liés à l'absence de ces services et de ces équipements ? Quel bilan carbone si les habitants devaient se déplacer dans une autre ville pour y accéder ? », résume la Fabrique des transitions.

La commune d'Arcueil a, par exemple, mis en place un processus de dialogue avec les enseignants et les parents sur la végétalisation des cours d'école pas toujours bien comprise au départ. « Le résultat a été au-delà de nos espérances en matière d'apaisement des enfants et a fini de convaincre tout le monde » résume le maire. Les bénéfices ne se comptent pas mais sont réels : meilleure santé des enfants, préservation de leur ressource attentionnelle et réduction des tensions entre enfants. Elle développe aussi la sensibilité, la connaissance et/ou la curiosité par rapport à la nature et au vivant, notamment lorsqu'ils sont associés à ces réaménagements. Ces projets peuvent renforcer la maturité coopérative des parties prenantes engagées dans la conception et impacter positivement le rôle des personnes chargées de la surveillance et de l'encadrement des enfants.

La commune de Loos en Gohelle a, par exemple, réalisé une démarche participative de réhabilitation des chemins ruraux avec les agriculteurs. Grace aux concours humain et matériel de ces derniers, la commune a économisé 70 % de la dépense globale provisionnée. Outre cet aspect notable, la démarche a surtout contribué à créer un cadre de coopération et de confiance entre acteurs. Le respect de l'état de ces chemins par les intéressés s'est amélioré et les coûts d'entretien ont également baissé.

La commune de Mouans-Sartoux a lutté contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective. Cela a permis d'optimiser les quantités servies, de réaliser des économies réinjectées dans la politique d'achat de la commune ou encore de sensibiliser les enfants à l'enjeu du gaspillage. Cela a aussi permis d'améliorer l'ergonomie du travail des agents de la ville, qui étaient chargés antérieurement du tri, en réduisant les risques musculo-squelettiques. Globalement, cette politique satisfait les parents, qui observent une contribution plus importante de leurs enfants pour débarrasser et trier à la maison. Cette initiative est également valorisée par les agents du service de restauration et apporte une reconnaissance qui stimule en retour leur créativité et leur engagement.

La ville de Malaunay a développé une approche originale sur l'évaluation, notamment le principe des « népenses » sur le modèle des « négawatts »88(*). Très engagée dès 2006 dans les enjeux énergétiques, la commune a déployé en 2012 un plan pluriannuel de rénovation énergétique des 17 500 mètres carrés de son patrimoine avec des investissements financiers lourds. En 2006, la facture énergétique communale était de 275 000 euros. Le tableau ci-dessous représente deux courbes : « la courbe sans action » tenant compte des variations des coûts des énergies (la commune aurait dû s'acquitter d'une somme de 565 000 euros en 2021) et la courbe réelle, résultat de l'action volontariste (qui pointe une dépense de 253 000 euros). Le delta de plus de 312 000 euros est représenté comme « le coût de l'inaction », ou plus positivement, ce qui a finalement été économisé par la commune. « Ce qui coûte cher, c'est surtout de ne rien faire », résume son DGS.

Le coût de l'inaction estimé à Malaunay

Source : Commune de Malaunay

Cet enjeu d'une évolution de l'évaluation ne se joue pas que dans les débats locaux. En témoigne le récent ouvrage d'Adeline Baldacchino et Camille Andrieu intitulé Conter demain, Cour des comptes et démocratie au XXIe siècle. Les autrices posent la question de l'intégration des nouveaux enjeux notamment environnementaux dans le fonctionnement de la Cour des comptes et des chambres régionales. Elles formulent des propositions pour la mise en place d'indicateurs permettant de mesurer la soutenabilité dans toutes ses dimensions et pas seulement sous le prisme budgétaire.

Il semble vraisemblable qu'à l'avenir les chambres régionales des comptes portent une attention particulière à la dimension environnementale et la valeur créée par l'animation territoriale dans leurs évaluations.

g) Remodeler la relation élus / administration

Paroles d'élus

« Avant les élus avaient les idées et les directions mettaient en application. Désormais élus et directions travaillent sur une écriture commune qui mêle l'ensemble des compétences des uns et des autres, et de façon transversale entre directions. »

« L'installation de relations de confiance et de coopérations poussées entre les agents et les élus semblent être un élément essentiel pour mener à bien cette approche transversale. »

« La caractéristique de notre action est qu'on est sorti de l'organisation pyramidale chez les élus et dans l'administration. »

Plusieurs collectivités ont mis en évidence le fait que cette recherche d'une action systémique passait par une plus grande capacité de dialogue entre élus et agents.

Il y a un enjeu à bien articuler les deux sphères, élus et administrations. La qualité de la coopération du tandem élu - technicien doit reposer sur la confiance, la compréhension et une relation de complémentarité. Il faut considérer les expériences personnelles et individuelles des élus et agents comme des ressources pour convaincre et coopérer.

Il y a aussi un enjeu de transformation des postures politiques et techniques à travers l'inclusion de nouvelles approches de management, de gestion, d'implication citoyenne et d'aménagement du territoire sur le temps long. Cette transformation est multiforme : posture apprenante, vision transversale et systémique, forme de lâcher prise, passage d'une posture d'aménagement à celle d'un accompagnement du territoire et de toutes ses composantes, réflexion sur la sobriété voire le renoncement, adoption de postures de coopération, d'entraide, de symbiose plutôt que de compétition, etc.

À titre d'exemple, la commune de Thouars, en complément d'une commission rassemblant des élus communaux sur cette thématique, a mis en place un comité de pilotage spécifique pour mettre en oeuvre la transversalité des politiques environnementales. Il rassemble les élus et les services en charge des thématiques déchets, énergie, climat, mobilité, économie, finances, et communication. Cette instance permet aux services et aux élus de partager de manière transversale les enjeux environnementaux dont la collectivité s'est emparée.

Grand Bourg Agglomération a mis en place une instance spécifique qui rassemble élus et services pour avancer sur les projets : le Comité de pilotage transition écologique. Cette instance permet de débattre en format restreint des contours et des modalités de mise en oeuvre des projets avant arbitrage. L'avantage majeur est que les sujets qui sont soumis à l'arbitrage de l'exécutif ont déjà fait l'objet d'un travail politique préalable avec des élus et d'un échange technique avec les services.

Pour aller plus loin

L'Ademe a mené en 2021 un programme expérimental de 12 mois intitulé « Transition systémique » visant à accompagner la transformation écologique des territoires par l'approche systémique. Il est composé d'un cycle de formations, d'un parcours d'exploration d'outils et de méthodes et d'une série de 10 ateliers d'intelligence collective89(*).


* 64 « La mairie a progressivement intégré l'écologie comme dimension centrale de sa stratégie », cf. le référentiel « L'implication des citoyens, retour d'expérience de la commune de Loos-en-Gohelle » p. 9.

* 65 Rapport publié en juillet 2020.

* 66 Voir le rapport, La transition énergétique, créatrice de valeur(s) et moteur de développement, de l'association « CLER réseau », page 94 de juillet 2020.

* 67 Voir son livre-enquête « Résilience alimentaire et sécurité nationale », juin 2019.

* 68  https://www.courrierdesmaires.fr/article/ces-collectivites-locales-qui-veulent-se-premunir-contre-l-insecurite-alimentaire.53871 et https://www.lindependant.fr/2022/07/10/resilience-alimentaire-et-securite-civile-en-haute-vallee-10427985.php

* 69 Un élu à la lutte contre les pollutions et la santé environnementale, un élu aux mobilités douces et à la logistique, un élu à l'alimentation durable et à l'agriculture urbaine, un élu au domaine public, espaces verts, mobilité, travaux. Un élu est également dédié à un projet phare du mandat : la création d'une Maison de la nature.

* 70 https://drive.google.com/file/d/1yaxHAipN7PIx-oo5ZQYGSPblXSsMcVm1/view

* 71 Inscription sur :  https://territoireengagetransitionecologique.ademe.fr et  https://agirpourlatransition.ademe.fr/collectivites/territoire-engage-transition-ecologique

* 72  https://territoireengagetransitionecologique.ademe.fr/home-page/

* 73  http://www.comite21.org/docs/contenu-comite-21/2020/guide-oddetcollectivites-2019-a4-pap-interactif2.pdfd

* 74 https://www.agenda-2030.fr/ressources/article/les-odd-a-portee-de-main-avec-la-boite-a-outils-odd

* 75 https://www.cerema.fr/fr/actualites/guide-mettre-oeuvre-objectifs-developpement-durable-odd

* 76  https://www.bourgogne-franche-comte.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/odd_guide_def_cle0f6426.pdf

* 77  https://www.nouvelle-aquitaine.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/carnet_de_route_proposition09_181116-2.pdf

* 78 https://www.agenda-2030.fr/ressources/la-meth-odd/

* 79 https://www.strasbourg.eu/documents/976405/1084762/0/2ffb6d76-218f-8974-6daf-79786bfac7a0

* 80  https://www.vivre-a-niort.com/fileadmin/ville/mairie/developpement_durable/Niort2030/FDR_niortaise_presentation.pdf

* 81  https://www.gironde.fr/sites/default/files/2022-11/RapportResponsabilite%CC%81-Agenda21-08112022.pdf

* 82 https://enquetes33.gironde.fr/enquetes33/index.php/649892?newtest=Y&lang=fr

* 83  https://amorce.asso.fr/publications/grille-d-auto-evaluation-des-impacts-environnementaux-des-actions-d-une-politique-publique-ent54

* 84  https://outil2amenagement.cerema.fr/methodologie-et-retours-d-experiences-deux-guides-a3146.html

* 85 Voir par exemple l'article dans Finance et Gestion avril 2023. P. 53, « La comptabilité budgétaire : levier de la transition écologique ? ».

* 86 https://www.i4ce.org/wp-content/uploads/2022/09/I4CE-EEB-Guide-Methodologique.pdf

* 87 Le budget vert, un outil d'analyse au service de la transition climatique ? https://inet.cnfpt.fr/sites/default/files/2022-04/2022_etude_budget_vert_INET_AFL.pdf

* 88 L'association négawatt utilise le négawatt, unité théorique de puissance pour mesurer une puissance économisée, non dépensée.

* 89 https://wiki.resilience-territoire.ademe.fr/wiki/Programme_Transition_syst%C3%A9mique_TM

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