N° 744
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juin 2023
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) relatif à l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales,
Par Mme Christine LAVARDE,
Sénateur
(1) Cette délégation est composée de : Mme Françoise Gatel, présidente ; MM. Rémy Pointereau, Guy Benarroche, Mme Agnès Canayer, Jean-Pierre Corbisez, Bernard Delcros, Mmes Corinne Féret, Michelle Gréaume, MM. Charles Guené, Éric Kerrouche, Antoine Lefèvre, Mme Patricia Schillinger, M. Pierre-Jean Verzelen, vice-présidents ; MM. François Bonhomme, Franck Montaugé, Cédric Vial, Jean Pierre Vogel, secrétaires ; Mmes Nadine Bellurot, Céline Brulin, MM. Bernard Buis, Laurent Burgoa, Thierry Cozic, Mmes Chantal Deseyne, Catherine Di Folco, MM. Thomas Dossus, Jérôme Durain, Mme Dominique Estrosi Sassone, MM. Fabien Genet, Hervé Gillé, Jean-Michel Houllegatte, Mmes Muriel Jourda, Sonia de La Provôté, Christine Lavarde, Anne-Catherine Loisier, MM. Pascal Martin, Hervé Maurey, Franck Menonville, Jean-Marie Mizzon, Philippe Mouiller, Olivier Paccaud, Philippe Pemezec, Didier Rambaud, Mme Sylvie Robert, MM. Jean-Yves Roux, Laurent Somon, Lucien Stanzione.
LISTE DES PROPOSITIONS
N° |
Recommandations |
Destinataire(s) de la recommandation |
Acteur(s) concerné(s) |
Calendrier prévisionnel |
Support / action |
1 |
Faire entrer les régions dans une démarche de certification et inviter les autres collectivités territoriales à s'engager sur la voie de la certification / fiabilisation de leurs comptes, sur la base du libre choix et en fonction de leurs moyens et objectifs. |
Direction générale des collectivités locales - DGCL - |
Collectivités territoriales |
Dès 2023-2024 |
Circulaire |
2 |
Mettre en place un dispositif national d'accompagnement comportant un soutien méthodologique, des formations spécifiques et un appui pour l'adaptation des systèmes d'information. |
Cour des comptes, direction générale des finances publiques - DGFiP -, DGCL |
Collectivités territoriales |
2023-2024 |
- |
3 |
Compléter les normes et standards mis en oeuvre par les commissaires aux comptes lors de l'audit des collectivités territoriales afin de prendre en compte le particularisme de celles-ci. |
Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP) en lien avec les acteurs concernés par la fiabilité des comptes publics locaux et le contrôle de la gestion des collectivités territoriales (DGFiP, DGCL, juridictions financières) |
Collectivités territoriales |
3 ans |
Recueil |
4 |
Dispenser des sessions de formation et de sensibilisation aux enjeux de la fiabilisation et de la certification des comptes à destination des élus, directeurs de service et encadrants intermédiaires, afin d'encourager leur mobilisation autour de ces projets de collectivité et de service. |
Associations d'élus locaux en lien, éventuellement, avec la DGFiP |
Collectivités territoriales |
3 ans |
Formation |
5 |
Travailler à la lisibilité et à l'accessibilité des documents certifiés / fiabilisés pour les porter à la connaissance et à la compréhension d'un plus large public. |
Collectivités territoriales |
Collectivités territoriales |
Au fil de la démarche de certification / fiabilisation |
- |
6 |
Se servir de la démarche de certification / fiabilisation comme d'un levier accélérateur d'autres chantiers de modernisation, tels que les « budgets verts » par exemple. |
Collectivités territoriales |
Collectivités territoriales |
Une fois la certification / fiabilisation bien ancrée |
- |
AVANT-PROPOS
Aux termes du second alinéa de l'article 47-2 de la Constitution du 4 octobre 1958, « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».
Aussi, n'est-il pas surprenant, en écho à cet impératif, que le législateur ait prévu par l'article 110 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRé », que « la Cour des comptes conduit, en liaison avec les chambres régionales des comptes, une expérimentation des dispositifs destinés à assurer la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des collectivités territoriales et de leurs groupements. Cette expérimentation doit permettre d'établir les conditions préalables et nécessaires à la certification des comptes du secteur public local, qu'il s'agisse de la nature des états financiers, des normes comptables applicables, du déploiement du contrôle interne comptable et financier ou encore des systèmes d'information utilisés. Cette expérimentation est ouverte, trois ans après la promulgation de la présente loi, pour une durée de cinq ans » (cf. Annexe 1).
Le temps de l'expérimentation ayant depuis lors été mis à profit par un panel de collectivités territoriales, il est aujourd'hui nécessaire d'en dresser le bilan. Comment les collectivités concernées1(*) ont-elles appréhendé cet exercice ? Se sont-elles appropriées de nouveaux outils ou de nouvelles méthodes de travail ? Portant essentiellement sur un référentiel et des procédures comptables, cette réforme a-t-elle eu des incidences budgétaires, plus ou moins prévisibles ? Au final, les enseignements tirés amènent-ils à encourager une extension des formules de certification et de fiabilisation des comptes et, éventuellement, sous quelles réserves ?
I. I. LES VOIES DE LA FIABILISATION DES COMPTES DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
A. LA CERTIFICATION : LE PLUS HAUT NIVEAU D'EXIGENCE
1. Le principe
La certification représente le dispositif le plus abouti pour s'assurer de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes d'une entité, qu'elle soit publique ou privée.
Plus précisément, c'est l'opinion, écrite et motivée, émise sur les comptes annuels de cette entité, par un auditeur externe, indépendant et qui engage à ce titre sa responsabilité propre. À cet égard, il convient de rappeler que la directive européenne n° 2011-85 du Conseil du 8 novembre 2011 soumet les systèmes nationaux de comptabilité publique à « un contrôle interne et à un audit indépendant ».
Par le biais de la certification, il s'agit de réunir un ensemble significatif d'informations financières fiables afin d'obtenir une assurance raisonnable de leur conformité aux règles comptables en vigueur. Cette recherche en conformité se distingue ainsi, en ce qui concerne les collectivités territoriales, de l'examen de la gestion (visant l'ordonnateur), du jugement des comptes (visant le comptable public)2(*) ou encore du contrôle budgétaire (visant l'assemblée locale).
Le certificateur émet une opinion sur des comptes annuels en se fondant sur un référentiel comptable. Pour les entités publiques locales, le recueil des normes comptables a été approuvé par le Conseil de normalisation des comptes publics (CNoCP)3(*) en avril 2021, au terme de six années de préparation. Ce recueil a depuis été complété, en 2022, par l'élargissement de son champ d'application et l'introduction d'une nouvelle norme. Il a vocation à couvrir l'essentiel des problématiques soulevées par la gestion des collectivités locales.
2. Le champ d'application
Ainsi que l'a relevé l'Association des maires de France (AMF)4(*), à l'échelle de nos voisins européens, « une approche comparée montre que certaines collectivités territoriales sont soumises à l'obligation de certification de leurs comptes en Grande-Bretagne, Finlande, Norvège, Danemark et Pays-Bas », étant précisé que « les comptes des collectivités territoriales de Grande-Bretagne sont certifiés depuis 1846 ». Dans certains pays (Grèce, Italie), cette obligation varie selon le poids démographique ou le montant de recettes.
En France, les collectivités locales comptent parmi les dernières personnes morales de droit public à ne pas être certifiées. En effet, la certification a déjà porté sur les comptes de l'État (depuis 2007), des universités (également depuis 2007) et des hôpitaux (depuis 2014). Selon l'AMF, le principe de certification des comptes des collectivités territoriales « fait sens quand on considère que les collectivités territoriales supportent près de 70 % de l'investissement public national ».
* 1 Liste en Annexe 2.
* 2 L'expérimentation du compte financier unique (CFU) entraine la fusion de l'examen de la gestion et du jugement des comptes. Désormais, le conseil municipal émet un vote unique.
* 3 Cf. pour davantage de développements relatifs au CNoCP, la Partie III. C.
* 4 Réponse écrite au questionnaire de votre rapporteur.