CONCLUSION GÉNÉRALE
De nombreuses décisions de l'État, qu'elles soient de nature budgétaire ou règlementaire, placent les collectivités, et singulièrement les plus petites d'entre elles, dans une situation difficilement soutenable financièrement et qui accentue le sentiment général de découragement et de « désenchantement » chez les élus locaux. Certains d'entre eux considèrent qu'ils sont devenus des « auxiliaires » ou des « opérateurs » de l'État et qu'ils se retrouvent de facto privés de marges de manoeuvre pour conduire les politiques publiques locales pour lesquelles ils ont été élus.
Seule une forte volonté politique permettra de redonner aux élus le « pouvoir d'agir », au coeur des principes de libre administration et de l'efficacité de l'action publique locale jusqu'au dernier kilomètre.
Ainsi, le Sénat et le Gouvernement ont signé, le 16 mars 2023, une charte inédite d'engagements, à l'occasion des États généraux de la simplification. D'autres acteurs de la norme pourraient rejoindre cette démarche. Cette charte constitue un pacte de confiance et de responsabilité qui doit contribuer à une rénovation des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales.
Lors de son audition, Dominique Faure, ministre en charge des collectivités territoriales a confirmé cette démarche, annonçant en outre la création expérimentale de conférences de dialogue élus / préfets, instances dont le Sénat souhaitait la création depuis de nombreuses années.
Au regard des enjeux, ces premières étapes devront en appeler d'autres. Gageons que le présent rapport y contribuera.
ANNEXES
Annexe 1 : Liste des réformes ayant un impact sur la fiscalité locale entre 2010 et 2023
Annexe 2 : Liste des critères d'attribution de la DGF (données DGCL de 2015)
EXAMEN DU RAPPORT
Réunie le mardi 13 juin 2023 sous la présidence de M. Jérôme Bascher, président, la mission d'information a examiné le rapport présenté par Mme Guylène Pantel, rapporteure, sur l'impact des décisions règlementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales.
M. Jérôme Bascher, président de la mission d'information sur l'impact des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales. - Cette mission d'information a été constituée le 1er mars 2023. Depuis, nous avons été actifs car, à la demande de la rapporteure comme de moi-même, notre mission d'information s'était engagée à présenter son rapport à la mi-juin. Nous avons réalisé de nombreuses auditions des représentants des collectivités locales, de l'État, de l'Insee, du Conseil National d'Évaluation des Normes (CNEN) et du Comité des Finances Locales (CFL).
Nous avons également effectué à Lisieux un déplacement qui s'est révélé extrêmement utile. Nous y avons rencontré des élus très engagés, du président du conseil départemental, notre ancien collègue questeur Jean-Léonce Dupont, jusqu'aux maires divers et nombreux de ce département. Nous avons ainsi pu mesurer par exemple que le premier adjoint du maire de Deauville ne partageait pas nécessairement les mêmes préoccupations que le maire d'un petit village du Calvados. Nous avons logiquement conclu nos auditions avec la ministre Dominique Faure. Cette dernière audition a été très ouverte et agréable.
Au Sénat, nous avons travaillé avec la délégation permanente aux collectivités territoriales présidée par Françoise Gatel et dont le premier vice-président est Rémy Pointereau. Ils venaient de rendre, pendant nos travaux, un rapport important sur « l'addiction aux normes » et intitulé Normes applicables aux collectivités territoriales : face à l'addiction, osons une thérapie de choc ! Nous leur avons fourni en avant-première la synthèse de ce rapport, dans ce souci de travailler partout et toujours ensemble dans l'esprit sénatorial qui nous caractérise.
Je rappelle également que, conformément aux bonnes pratiques recommandées par la présidente Pascale Gruny, nous avons organisé une réunion d'orientation le 16 mai 2023 afin de vous présenter les principales pistes de travail. Cette réunion nous a permis de préciser et de compléter utilement nos projets de recommandations. Nous avons souhaité éviter que l'on ne découvre notre travail qu'au moment du vote sur ces recommandations.
Nous voulons en outre continuer à travailler avec les groupes de travail constitués par le Sénat :
- la mission d'information sur l'avenir de la commune et du maire en France (dont la présidente est Maryse Carrère et le rapporteur, Mathieu Darnaud). Ses conclusions sont attendues début juillet 2023 ;
- le groupe de travail transpartisan sur la décentralisation présidé par Gérard Larcher, dont le rapport doit être rendu au cours de l'été 2023.
Il convient aussi d'évoquer le rapport 58-2 de la Cour des comptes sur le financement des collectivités territoriales et le rapport pour suite à donner du président Raynal, du rapporteur général, M. Husson, et de M. Guené.
L'objectif de notre mission était triple :
- apprécier si l'impact des décisions de l'État sur les finances locales est suffisamment bien évalué en amont et en étroite concertation avec les élus locaux ;
- procéder à une analyse objective de la situation en identifiant les décisions réglementaires et budgétaires qui, au cours de ces cinq dernières années, ont eu le plus fort impact sur les finances locales ;
- formuler, là encore en accord avec l'esprit du rapport Gruny, un nombre « raisonnable » de recommandations assorties d'un tableau de mise en oeuvre et de suivi. Nous nous sommes ainsi contentés de dix recommandations qui forment des blocs cohérents.
Mme Guylène Pantel, rapporteure de la mission d'information sur l'impact des décisions réglementaires et budgétaires de l'État sur l'équilibre financier des collectivités locales. - Notre mission d'information, créée dans le cadre du « droit de tirage » du groupe dont je fais partie, le groupe RDSE, est née d'un constat : de nombreuses décisions unilatérales de l'État viennent régulièrement affecter les conditions d'exercice des compétences des collectivités territoriales. Tantôt ces décisions augmentent les charges des collectivités, tantôt elles en diminuent les ressources. Elles compromettent donc fréquemment l'équilibre des finances locales, dans un contexte budgétaire très difficile. Ce constat est très largement partagé par les élus locaux comme nous l'avons constaté lors des auditions et de notre déplacement dans le Calvados.
Quel est l'état des lieux précis ?
Nous constatons tout d'abord que les normes réglementaires imposent aux collectivités locales des contraintes de plus en plus abondantes, au risque de submerger les élus, voire de les placer face à des « injonctions paradoxales » en présence de normes contradictoires.
Cependant, il est difficile d'objectiver la situation. À l'heure actuelle, aucun thermomètre ne permet de mesurer la fièvre normative et son évolution dans le temps. Le chiffre de 400 000 normes parfois avancé ne repose sur aucun recensement rigoureux. À défaut de disposer de chiffres incontestables, nous relevons la progression inquiétante des codes qui régissent l'activité des collectivités. Nous pensons notamment au Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT) qui a triplé de volume entre 2002 et 2023. Il approche aujourd'hui le million de mots.
Cette inflation normative a des répercussions financières, directes ou indirectes, sur la conduite des grandes politiques publiques locales. Une consultation menée par le Sénat en janvier dernier a montré que 4 élus sur 5 déplorent les conséquences négatives du poids des normes. Ce dernier se traduit par :
- une augmentation directe des coûts de la collectivité selon 30 % des répondants ;
- une augmentation indirecte des coûts selon 70 % d'entre eux. En effet, le poids des normes entraîne la modification, le report, voire l'abandon de projets portés par les collectivités. Or « le temps, c'est de l'argent », surtout en cette période d'inflation.
Selon le rapport d'activité du CNEN, les normes réglementaires représentaient en 2022 un coût net de 2,5 milliards d'euros pour les collectivités. Cette situation peut être difficilement soutenable financièrement, notamment pour les plus petites communes aux ressources limitées. Nous ne pouvons que souscrire aux mises en garde des élus :
- plus les normes sont nombreuses, plus elles risquent de générer des contradictions ;
- plus elles sont complexes, plus elles risquent d'être interprétées différemment, selon le service en charge de leur respect.
Lors des auditions, les élus nous en ont donné de nombreux exemples concrets, tels que la règle du Zéro Artificialisation Nette (ZAN) qui impose des contraintes disproportionnées, ou encore le principe selon lequel « le silence vaut accord », qui a été assorti de quelque 3 000 dérogations. Certains cas paraissent même ubuesques, comme celui du poulailler mobile qu'un maire des Yvelines tente désespérément d'installer sur sa commune, se heurtant à la rigidité des règles d'urbanisme, ou encore celui d'un bénitier qu'on a demandé à un maire d'abaisser pour le rendre accessible aux personnes à mobilité réduite.
Les élus nous ont également parlé des conséquences moins connues du poids des normes telles que l'impact en termes de ressources humaines. En effet, d'une part, certaines collectivités doivent recruter des juristes pour faire face à la complexité de la réglementation, d'où un coût pour la collectivité. D'autre part, de nombreux élus rencontrent des difficultés de recrutement dans certains secteurs où les normes sont trop complexes. La grille de la fonction publique territoriale est trop rigide pour permettre de proposer des rémunérations attractives, comme nous l'avons vu lors de notre déplacement à Lisieux. J'ajoute que cette complexité normative n'est sans doute pas étrangère à la perte d'attractivité du métier de secrétaire de mairie. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler demain en séance publique à l'occasion de l'examen d'une nouvelle proposition de loi sur ce sujet.
Le constat est donc sans appel : la prolifération des normes met régulièrement à mal, directement ou indirectement, les finances des collectivités territoriales. C'est pourquoi nous devrons être attentifs au suivi de la charte d'engagements signée par le Sénat et le gouvernement le 16 mars dernier, charte dont l'objectif est de lutter contre l'inflation normative pour les élus.
Cependant, cette situation préoccupante ne concerne pas uniquement les normes réglementaires. Les élus nous ont aussi parlé des décisions budgétaires de l'État prises dans le cadre des diverses lois de finances. Ces décisions concernent à la fois, les ressources et les charges des collectivités.
Concernant les ressources, un constat s'impose : les élus se perdent dans le maquis des règles applicables. En voici quelques illustrations.
Entre 2010 et 2023, plus de 70 décisions ont été prises concernant la fiscalité locale. Ces décisions sont en outre allées dans le sens d'une perte d'autonomie fiscale des collectivités.
Autre exemple, l'usage des dotations d'investissement est de plus en plus contraint. Aux critères nationaux s'ajoutent souvent des critères locaux fixés par les préfets.
Troisième exemple, les modalités de répartition de la Dotation Globale de Fonctionnement (DGF) reposent sur de trop nombreux critères mal compris des élus locaux. Ainsi, 11 critères de ressources et 19 critères de charges sont utilisés pour calculer la DGF des communes. Parvient-on encore à y comprendre quelque chose aujourd'hui ?
Enfin, les filets de sécurité sont, certes, vertueux dans leur principe, puisqu'ils permettent de soutenir les collectivités les plus en difficulté. Ils n'en sont pas moins complexes pour les élus. Les versements ont été jugés tardifs, sans compter qu'ils ne couvrent que très partiellement les charges nouvelles pour les collectivités.
S'agissant des charges, on peut là encore citer quelques exemples d'impacts négatifs des décisions de l'État sur les finances locales :
- le coût de la revalorisation du point d'indice est de 1,5 milliard d'euros en 2023 pour les seules communes et leurs groupements ;
- le coût de la revalorisation du RSA représente 240 millions d'euros en 2023 pour les départements.
À cela s'ajoute la volonté de l'État d'encadrer les dépenses de fonctionnement des collectivités depuis les contrats de Cahors.
Toutes ces difficultés sont accentuées par l'explosion de certaines charges. C'est le cas des dépenses d'énergie et de matières premières qui placent les collectivités dans une situation très délicate. Alors que la situation était déjà difficile en 2022, elle devient intenable en 2023.
Les décisions de l'État, qu'elles soient de nature réglementaire ou budgétaire, font l'objet de trois critiques principales de la part des élus.
Ces décisions de l'État sont de plus en plus nombreuses, complexes et instables. Elles ne permettent donc pas aux élus d'avoir une bonne visibilité, à moyen et long terme, sur leurs ressources et leurs dépenses.
Ces décisions sont mal évaluées et mal compensées. En amont, les études d'impact préalables sont souvent lacunaires, bâclées et associent trop peu les collectivités locales. En aval, les évaluations des réformes engagées demeurent encore trop rares.
Par ses décisions, l'État entrave, de facto, la libre administration des collectivités territoriales, leur autonomie fiscale et leur pouvoir d'agir.
Tous les ingrédients sont malheureusement réunis pour créer un sentiment de découragement chez les élus. Pire, certains d'entre eux nous disent une vérité difficile à entendre : les citoyens les perçoivent désormais comme des auxiliaires ou des opérateurs de l'État, voire des « mini-préfectures ». En effet, les élus se retrouvent parfois privés de marges de manoeuvre pour conduire les politiques publiques pour lesquelles ils ont été élus. Cette situation n'est-elle pas en partie responsable de la crise de vocation des maires ?
Face à cette situation préoccupante, et à la suite de notre mission, je vous propose donc dix recommandations pour que les bons comptes fassent les bons amis, comme l'indique le titre que nous avons choisi pour notre rapport.
M. Jérôme Bascher. - Nous avons effectivement choisi comme titre : Les bons comptes feront les bons amis. Vous noterez que nous n'avons pas utilisé le présent. Nous n'avons pas non plus eu recours à l'imparfait même si celui-ci aurait été le temps le plus opportun... En réalité, nous avons voulu envoyer un message d'espoir et c'est donc ainsi qu'il faut le comprendre. Cet adage de bon sens pourrait de nouveau régir les relations entre l'État, notamment central, et les collectivités.
Tous les élus, quelle que soit leur appartenance politique, nous ont dit la défiance totale qu'ils conçoivent à l'égard de l'État central, mais également de l'État régional. Ils réclament également plus d'aménité, plus de bienveillance ou de compréhension de la part de l'État départemental, à savoir le sous-préfet, mais cela ne dépend, hélas, que des femmes et des hommes qui occupent le poste.
Mme Guylène Pantel. - Je vais à présent vous donner lecture de nos dix recommandations, dont nous discuterons au fur et à mesure de leur présentation.
La première recommandation consiste à renforcer le dialogue État / collectivités au plan national. Nous vous proposons un rapprochement, voire une fusion du CFL et du CNEN. Une telle évolution permettrait :
- de mieux évaluer, en amont et en aval, l'impact des décisions de l'État sur l'équilibre des finances locales ;
- de fournir un appui au Sénat, représentant constitutionnel des collectivités territoriales, dans le cadre de la mise en place, en son sein, d'une fonction transversale de veille et d'alerte sur les textes ayant un impact sur les collectivités territoriales.
Ce nouvel organe devra renforcer le poids des élus locaux dans la gouvernance ; prévoir une section outre-mer et être consulté sur les projets de loi de finances et les projets de lois de finances rectificatives.
M. Jérôme Bascher. - J'ajoute que les lois de programmation des finances publiques (LPFP) définissent les orientations pluriannuelles des finances publiques en s'inscrivant dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. Ces lois, dès lors qu'elles comportent des dispositions créant ou modifiant des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics, doivent être soumises à l'examen du CNEN afin qu'il en évalue l'impact technique et financiers. Pour autant, les deux dernières LPFP (2018-2022 et 2023-2027) n'ont fait l'objet d'aucune transmission au CNEN, ce qui est anormal.
Mme Viviane Artigalas - L'idée d'un rapprochement entre le CFL et le CNEN est soutenue par tous. En revanche, nos auditions ont montré que tout le monde n'était pas favorable à leur fusion. Nous savons très bien, comme nous avons pu le constater dans le cas de certains observatoires, que ce type de fusions se traduit, sous couvert de mutualisation, par une réduction des effectifs et des moyens.
Je préférerais donc que cette recommandation évoque plutôt un rapprochement. Je crois que, plutôt que de fusionner, ces deux organismes doivent vraiment coordonner leurs travaux.
M. Jérôme Bascher. - Nous avons bien pesé les termes de cette recommandation. Nous souhaitons également laisser une certaine liberté aux uns et aux autres ; nous ne croyons pas à un modèle d'ordre supérieur. Notre mission recommande « un rapprochement, voire une fusion » du CFL et du CNEN, mais cette deuxième option ne constitue pas l'hypothèse que nous privilégions.
Le vrai sujet consiste à obtenir le quorum au CFL et au CNEN. Il revient à ces organismes de savoir s'organiser pour traiter ce sujet de quorum. Nous ne faisons pas de micromanagement. Par exemple, un élu de Lozère ne peut pas facilement se rendre à Paris pour assister à une réunion du CFL.
Mme Guylène Pantel. - Absolument.
M. Jérôme Bascher. - Notre rédaction initiale mentionnait uniquement une fusion, mais, au fil de nos auditions, nous avons ensuite compris qu'il en allait autrement.
M. André Reichardt - L'État doit surtout jouer le jeu et ne pas convoquer la veille pour le lendemain une réunion de CFL ou de CNEN, car les élus ne peuvent pas s'y rendre. Quand l'État veut faire passer un texte, il fait preuve d'assez peu d'égards dans les modalités d'organisation de ces manifestations. Quand la préfète actuelle de mon département ou les préfets qui l'ont précédée veulent en faire en sorte qu'une réunion se passe « bien », ils envoient la convocation le plus tard possible ou programment cette réunion à certains horaires.
C'est une question de volonté. Si l'on veut vraiment associer les collectivités locales aux destinées qui sont les leurs, il faut à tout le moins les traiter en tant que telles. Tous les élus nous ont indiqué qu'ils ne pouvaient pas se réunir dans de telles conditions. Je souhaiterais donc que l'on puisse dire qu'indépendamment de la forme, qu'il s'agisse d'un rapprochement ou d'une fusion, une charte de déontologie est nécessaire concernant le traitement réservé par l'État aux collectivités locales.
M. Jérôme Bascher. - Je vous propose trois éléments de réponse. Le premier relèvera de l'intention le deuxième de l'action, tandis que le troisième prendra la forme d'un codicille.
Gérard Larcher ainsi que le ministre en charge, Christophe Béchu, et David Lisnard ont signé une charte le 16 mars 2023 pour éviter ces recours en urgence. L'intention d'y remédier existe donc bel et bien. Peut-on faire mieux ? L'État vient de s'engager.
Sur le plan de l'action, le secrétariat général du gouvernement a rédigé en 2017 une circulaire qui explique les méthodes qu'il convient d'employer dans le cadre des études d'impact. Il y a donc un texte. Encore faut-il qu'il soit respecté.
Enfin, s'agissant du codicille que je formulerai sur les urgences et les problématiques de quorum, Guylène et moi, nous avons souhaité prévoir une section outremer, car des dispositions particulières méritent d'être examinées par les élus ultramarins. Nous sommes véritablement attachés à ce point, qui constitue pour nous un sujet majeur.
Mme Guylène Pantel. - Pour répondre à Viviane Artigalas, j'ajouterais que la fusion peut être envisagée si elle s'accompagne d'un maintien, voire d'un renforcement des moyens pour l'évaluation des normes.
Mme Viviane Artigalas - Quand des observatoires ont été regroupés, par exemple sur des questions de logement, sur la politique de la ville, nous avons systématiquement constaté des réductions de moyens. De nombreux rapports soulignent que des moyens humains sont indispensables pour réaliser de véritables évaluations ou études d'impacts. On ne peut faire appel à longueur de temps à des cabinets externes sur ces sujets.
M. Jérôme Bascher. - Cette recommandation vous convient-elle ? J'invite ceux qui ne sont pas d'accord à se manifester en levant la main.
Aucun participant ne se manifeste.
Mme Guylène Pantel. - La recommandation numéro deux vise à renforcer le dialogue État / collectivités dans les territoires. Nous avons privilégié quatre axes :
- mettre en place, à titre expérimental, dans certains départements, des conférences de dialogue, placées sous l'égide des préfets ou des sous-préfets ;
- donner au préfet autorité sur l'ensemble des services et agences de l'État ;
- renforcer son rôle et celui du sous-préfet en matière de conseil et d'ingénierie auprès des petites communes ;
- simplifier la procédure relative au droit de dérogation du préfet afin de faciliter l'exercice de cette compétence.
M. Olivier Henno - Je vous remercie pour la qualité de votre travail.
Je souhaite aborder la question du couple maire-préfet, dont on parle beaucoup et de plus en plus. J'ai souvent remarqué que l'inscription de ce couple, si elle obéit parfois à de bons sentiments ou à de bonnes intentions, tend à marginaliser le département et la région. Il me semble que, depuis quelque temps, cette situation place le préfet dans une situation de surpuissance par rapport au maire et crée un rapport dominant-dominé plus fort que dans les années 2000, quand on s'inscrivait dans une décentralisation de projet. On bascule ainsi de cette décentralisation de projet vers une décentralisation d'exécution. J'ai pu par exemple remarquer, que lors des dialogues sur le ZAN, quand les maires étaient seuls face au préfet, ils se trouvaient dans un rapport de force moins favorable que si le président du département ou celui de la région était également présent.
Je m'interrogeais donc sur cette question du couple maire-préfet et de l'organisation globale de la décentralisation.
M. Jérôme Bascher. - Il s'agit d'une interrogation intéressante. Je rappelle cependant que la mission Larcher travaille actuellement sur la décentralisation, qui n'entre pas dans le périmètre de notre mission.
Mme Guylène Pantel. - Nous avons relevé, lors des auditions, un besoin de laisser un peu plus de liberté aux préfets. Dans une de nos recommandations, nous mentionnons par exemple le droit de dérogation dont les préfets ne se servent quasiment pas, car cela est très compliqué.
M. Jérôme Bascher. - Aujourd'hui, cette dérogation remonte à l'État central, qui n'a pas envie de déroger. Même Madame la Première ministre a souligné que les préfets ne s'en emparaient pas suffisamment. Dans le même temps, pour ceux qui la connaissent un peu, tout lui remonte. Chacun a sa pratique et son discours.
Mme Agnès Canayer - Je souhaite saluer la qualité de votre travail et souligner que vos recommandations sont claires. Elles embrassent un certain nombre de préconisations qui ont d'ailleurs été faites dans d'autres cadres. Vous avez évoqué tout à l'heure le travail qui est effectué sur la commune. Au sein de la délégation, nous avons également mené un travail sur l'État local qui va évidemment dans ce sens et dont les préconisations croisent les vôtres. Ce travail part du principe qu'il ne peut y avoir de véritable décentralisation sans une véritable déconcentration et un véritable accompagnement de l'État. Comme le disait Olivier Henno, l'État ne doit pas simplement faire descendre des informations et des mesures, mais également accompagner les maires dans leurs projets.
La semaine dernière, j'ai eu connaissance de l'exemple d'une commune qui illustre ces difficultés. Cette commune avait obtenu le financement de l'un de ses projets, mais celui-ci n'a pas pu être mis en oeuvre pour des raisons budgétaires et de choix politiques. Or personne, au sein des services de l'État, n'a cru bon d'indiquer à cette commune qu'il était possible de reporter ce financement sur un autre de ses projets. On voit bien que l'État est absent et n'est jamais proactif ou dans un véritable accompagnement. De nombreuses raisons expliquent cette situation, notamment l'appauvrissement de l'État local. Face à de grandes régions, il faut redonner du poids à l'État au niveau du département et mieux coordonner son rôle vis-à-vis des services et agences sur lesquels le préfet ou le sous-préfet n'a pas la main.
Cette notion d'accompagnement des élus est importante, par opposition à une vision descendante.
M. Jérôme Bascher. - Je vous remercie d'avoir rappelé votre travail avec Éric Kerrouche. Votre rapport s'intitulait : À la recherche de l'État dans les territoires.
Ce besoin d'accompagnement des maires vaut surtout pour les petites communes ou les petits villages que nous connaissons tous sur nos territoires. À ce niveau, les sénatrices et les sénateurs, les conseillers départementaux et régionaux doivent aussi pouvoir aider les uns et les autres.
Mme Guylène Pantel. - Accompagner les maires des petites communes ou de celles qui ne disposent que de peu de moyens techniques fait effectivement partie du rôle des services de l'État.
M. Jérôme Bascher. - En matière d'ingénierie, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) peut apporter cette aide. Mais celle-ci passe par le préfet, qui en est le représentant local. De son côté, l'ANCT est basée à Paris.
M. André Reichardt - Qui participera aux conférences de dialogue ? Celles-ci associeront-elles uniquement les maires ? Lesquels ? L'association départementale des maires et le président du département y prendront-ils part ? Quid des parlementaires ?
Par exemple, il y a une dizaine de jours, j'ai reçu par mail, de la part du secrétaire général de la préfecture et sur le mode du « Circulez, il n'y a rien à voir », la liste des communes qui bénéficient d'un avis favorable au titre de la dotation d'équipement des équipements ruraux (DETR). J'ai ensuite fait savoir au préfet qu'en tant que sénateur, je souhaitais également disposer de la liste des communes qui n'avaient pas obtenu un avis favorable. On m'a alors répondu - ce que je savais - que le législateur avait tranché et que l'on n'était pas obligé de me la fournir.
C'est juste incroyable ! C'est nier le travail qu'accomplit un sénateur et, excusez-moi l'expression, se foutre de toutes les collectivités locales qui ne sauront jamais pourquoi cet avis favorable leur a été refusé. Et encore si le sous-préfet veut bien le leur dire, car celui-ci aura beau jeu d'orienter ces interlocuteurs vers les autres acteurs concernés. C'est juste incroyable !
Ces conférences seront-elles bel et bien un lieu de dialogue ? Un sénateur peut-il y participer ? Avez-vous réfléchi à ces sujets ?
Mme Guylène Pantel. - Il faut qu'il y ait un vrai dialogue. Dans certains départements, les choses se passent comme tu viens de le dire.
M. Jérôme Bascher. - Lors de son intervention, Dominique Faure a indiqué son souhait que ces conférences soient une véritable instance de dialogue, plus qu'une grand-messe : si l'on veut réellement y discuter de projets, il ne s'agit pas d'y convier le ban et l'arrière-ban d'un territoire. Dominique Faure envisageait que les parlementaires puissent y être associés.
Il revient au gouvernement de décider ce qu'il entend en faire. Dans la mesure où il s'agit d'une expérimentation, je suggérerais modestement que plusieurs types de conférences de dialogue soient organisés pour évaluer si la présence des députés, des sénateurs, des conseillers départementaux ou des présidents d'intercommunalités est utile ou contre-productive. Il faut en effet éviter que les antagonismes politiques locaux soient totalement à l'oeuvre. Comme le disait Olivier Henno, il faut être en appui et non en contradiction.
M. Victorin Lurel - Je remercie le président et la rapporteure pour ce travail de qualité. Je souscris totalement aux dix recommandations. Elles sont peu nombreuses, claires et réalisables. Néanmoins, l'asymétrie des pouvoirs telle que l'a évoquée mon collègue et, parfois, la domination, voire l'hégémonie exercée par le préfet sont mal vécues par les élus. J'ai pu mesurer depuis vingt ans l'évolution de la décentralisation : aujourd'hui, le préfet est plus puissant qu'il ne l'était en 1982. Cette situation, si elle est impalpable, est très mal vécue par les élus.
Qui plus est, la déconcentration s'est accompagnée d'un renforcement des pouvoirs du préfet. Les subventions de l'État sont souvent proposées dans le cadre d'appels à projets. Le pouvoir du préfet est ici non pas arbitraire, mais esseulé et unilatéral, et celui-ci ne manque pas de le faire sentir, même si cela dépend de la personnalité de chacun. Très souvent, les sous-préfets sont réduits à des rôles de collaborateurs sans réel pouvoir. J'ai ainsi dû, lors d'une réunion, prendre la défense d'un sous-préfet qui était littéralement insulté par un directeur de cabinet. D'ailleurs, il a été remercié.
Que nous reste-t-il dans de tels cas ? Vous avez vos relations politiques, vous appartenez au parti qui exerce le pouvoir, vous allez demander que cette personne ou ce préfet soit « viré ». Vous n'avez pas d'autre moyen de pression. Un président de région ou de département peut résister, surtout s'il est proche du pouvoir, mais les contre-pouvoirs ne sont pas là pour tous. Manifestement, il y a là une dégradation. On ne peut évidemment pas en faire état dans un rapport, mais on peut préconiser de renforcer à travers les conférences de dialogue ces moyens de résister et de faire valoir les compétences dévolues aux collectivités.
Je souhaiterais obtenir une précision. La recommandation suggère de « donner au préfet autorité sur l'ensemble des services et agences de l'État ». Or il me semble que cela est déjà prévu dans les textes. Peut-être n'est-ce pas le cas dans la pratique. Le préfet n'a pas barre sur tout, mais il me semble qu'il assure sinon un pouvoir de décision en dernière instance, du moins un rôle de coordination. Alors que les préfets sont déjà puissants, s'agit-il de leur donner encore plus de pouvoir ? Si cela s'inscrit dans leur rôle de coordination, je le comprends, mais non s'il doit décider en dernier ressort. Dans certains cas, les décisions peuvent être prises ailleurs ou il est possible de contrer ce que le préfet a décidé unilatéralement. J'avoue être prudent sur ce sujet et je demande donc des contre-pouvoirs.
Ensuite, renforcer le rôle du sous-préfet me semble être une bonne idée. Je serais également favorable, même si, compte tenu de mes absences, je n'ai pas pu défendre cette idée en commission, à ce que la préfecture joue un rôle de conseil et d'ingénierie. Nombre de petites communes ne possèdent pas les compétences ou les talents pour instruire des dossiers, procéder à des appels d'offres et comprendre le labyrinthe de la législation. Comme l'a proposé le corps préfectoral par le passé, le contrôle de légalité pourrait être transformé en amont sans pour autant que le préfet soit associé à la décision ou ne donne une forme de blanc-seing. Il aiderait ainsi ces collectivités.
Quand j'étais président du conseil régional, j'ai créé un service afin de renforcer l'assistance technique et l'ingénierie fournies à toutes les petites collectivités et de les accompagner dans les appels d'offres. Renforcer cette assistance technique et cette ingénierie est de nature à leur permettre de mieux résister à l'imperium des services de l'État et du préfet.
Peut-on transformer le rôle du préfet en rôle de conseil ? Lorsque j'ai soumis cette idée, on m'a objecté qu'une telle approche impliquerait le préfet et ses services en cas de contentieux. Or cela n'engage pas le préfet : il peut donner des conseils à une collectivité, l'aider à monter un dossier, mais il peut parfaitement rejeter ensuite ce dossier s'il estime qu'il comporte des erreurs.
C'est une remarque générale de ma part. Il conviendra à mon sens d'approfondir tous ces sujets.
Mme Guylène Pantel. - Je reviens sur notre recommandation visant à « donner au préfet autorité sur l'ensemble des services ». À travers les conférences de dialogue, il faut parvenir à dénouer certaines situations, comme celle que nous avons par exemple pu connaître avec l'ABF dans un département. C'est ce contre-exemple qui nous a amenés à formuler cette recommandation.
M. Jérôme Bascher. - C'est vrai et, dans le même temps, cela ne l'est pas. Lorsque j'étais au ministère de la Culture, j'ai mis en place la commission d'appel de l'ABF, qui se situe au niveau régional pour les sites inscrits classés. C'est la première fois que l'on a osé prévoir cette procédure d'appel. Malheureusement, c'est souvent un ABF voisin qui fait office de contre-expert. Je mesure donc les limites de cette avancée.
Cette recommandation vise à ce que le préfet exerce réellement son autorité sur des services tels que la DREAL ou la DDFIP, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. Une telle situation n'est pas souhaitable, ces services s'apparentant parfois à des baronnies qui ne répondent plus à personne. C'est pour cette raison qu'il faut réinstaurer une autorité préfectorale afin de pouvoir coordonner.
Par ailleurs, il revient peut-être plutôt aux collectivités locales plus grandes de proposer de l'ingénierie. Nous l'avons déjà fait dans le département de l'Oise, comme tu l'as fait dans ta région. C'est la solution la plus simple et sans doute une approche plus efficace que le recours à l'État. À cet égard, tu as raison de dire que, lorsque l'État donne un conseil, il ne s'agit pas d'un avis sûr et certain. Par ailleurs, il est vrai qu'un conseil de la part de l'État n'équivaut pas à un avis positif. Aujourd'hui, les DDFIP et les trésoreries donnent parfois des conseils d'imputation à une collectivité, qui suit ces préconisations mais qui n'en est pas moins retoquée par la suite. Tes propos sont donc frappés au coin du bon sens et de l'expérience.
Mme Agnès Canayer - Le dialogue que nous évoquons est-il également prévu avec les collectivités qui participent au financement, à savoir les départements et les régions ? Il s'avère régulièrement que l'État attribue une DETR sur un projet tandis que le département en subventionne un autre. Dans ces conditions, faute d'une convergence des financeurs, le projet ne peut donc pas être mené jusqu'à son terme.
Mme Guylène Pantel. - Certains départements, dont le mien, ont mis en place une conférence des financeurs qui regroupe la région, le département et l'État. Ceux-ci se réunissent ainsi pour examiner les dossiers. Ce regroupement permet de simplifier énormément le processus pour les collectivités. Cependant, il est vrai que cette approche devrait être étendue.
La recommandation numéro 3 est la suivante : privilégier les expérimentations avant toute réforme impactant les collectivités.
Rappelons que le mécanisme de l'expérimentation a été assoupli par la loi organique du 19 avril 2021. Ainsi, l'expérimentation peut désormais aboutir au maintien des mesures expérimentales dans les collectivités territoriales ayant participé à l'expérimentation, ou dans certaines d'entre elles, et leur extension à d'autres collectivités territoriales.
M. Jérôme Bascher. - Ce principe a déjà été voté au Sénat. Je pense qu'il ne pose pas de problèmes.
Aucune objection n'est soulevée.
M. Jérôme Bascher. - Je vous remercie.
Mme Guylène Pantel. - La recommandation numéro 4 vise à prévoir que les décisions de l'État impactant les finances locales doivent entrer en vigueur avant le vote des budgets locaux, et non en cours d'exercice.
Encore plus que la complexité des décisions de l'État, les élus dénoncent leur manque de prévisibilité. Il s'agit de permettre aux collectivités, notamment de petite taille, d'anticiper les réformes de l'État, afin de disposer du temps nécessaire pour tirer les conséquences de ces réformes dans leur budget de l'année n+1.
M. Jérôme Bascher. - L'annonce hier de l'augmentation de 1,5 % du point d'indice des fonctionnaires au 1er juillet en est un très bon exemple. Une telle augmentation devrait représenter 0,35 % du budget des collectivités concernées, qui devraient donc pouvoir y faire face. Pour autant, il ne s'agit pas d'une bonne pratique. Il aurait été plus pertinent d'annoncer à ces collectivités une augmentation ayant vocation à s'appliquer à compter du 1er janvier afin qu'elles la prévoient dans leur budget de l'année prochaine.
Ce problème n'est pas spécifique au gouvernement actuel. Depuis que je suis fonctionnaire d'État, cette pratique a toujours eu lieu. Il est temps que cela change. Encore une fois, cette augmentation aurait pu intervenir le 1er janvier. Ainsi, le Parlement serait au moins associé. Je rappelle que cette augmentation ne figure pas non plus dans le budget de l'État.
Mme Guylène Pantel. - La recommandation numéro 5 consiste à inscrire dans la Constitution que toute création ou extension de compétences ayant pour effet d'augmenter les dépenses de celles-ci est accompagnée des ressources correspondantes.
Cette recommandation reprend une disposition votée par le Sénat le 20 octobre 2020 dans le cadre de la proposition de loi constitutionnelle présentée par nos collègues Philippe BAS et Jean-Marie BOCKEL. En effet, dans sa rédaction actuelle, l'article 72-2 de la Constitution prévoit que toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d'augmenter les dépenses des collectivités territoriales est « accompagnée de ressources déterminées par la loi ». La Constitution ne prévoit donc pas une juste compensation financière des nouvelles compétences.
M. Jérôme Bascher. - Cette recommandation reprend effectivement une proposition de loi (PPL) que nous avons votée ici. Il faudrait que l'Assemblée nationale la vote à son tour.
M. André Reichardt - Malheureusement, l'inscription de cette disposition dans la Constitution ne signifie pas qu'elle sera exécutée d'office. Par exemple, l'inscription des Pacs à l'état civil doit désormais relever des collectivités locales. Alors que j'étais intervenu pour demander une contrepartie, on m'a répondu que cette procédure est du ressort de l'état civil, qui relève d'ores et déjà de la compétence de la commune. Néanmoins, à force d'étendre le champ de l'état civil, on contraint la collectivité concernée à y affecter un agent supplémentaire.
M. Daniel Breuiller - Je trouve que cette recommandation constitue une très bonne proposition. Peut-être faut-il préciser qu'elle doit être dynamique.
Mme Guylène Pantel. - C'est précisément l'objet de la recommandation numéro 6. Celle-ci consiste à mettre en place un réexamen régulier, selon une récurrence à définir, mais a minima tous les 5 ans, des droits de compensation pour tenir compte du dynamisme naturel des charges liées à un transfert, création, extension ou modification des conditions d'exercice d'une compétence résultant d'une décision de l'État induisant une hausse des charges des collectivités territoriales.
Actuellement, les compensations sont calculées au coût historique en cas de transfert de compétences. Concernant les créations ou extensions de compétences, les textes prévoient uniquement qu'elles doivent s'accompagner de ressources déterminées par la loi. Mais, dans les deux cas, il n'est pas prévu de réexamen régulier pourtant nécessaire quand les collectivités subissent des charges liées à ces nouvelles compétences.
La recommandation numéro 7 est la suivante : accélérer la révision des valeurs locatives cadastrales. Cette révision n'a cessé d'être reportée depuis plusieurs années alors qu'elle permettrait de redynamiser les bases des taxes foncières.
M. Jérôme Bascher. - Cette recommandation suscite-t-elle des objections ? Merci.
Mme Guylène Pantel. - La recommandation numéro 8 vise à assouplir les règles de plafonnement et de liaison des taux des impôts locaux.
Cette recommandation permettrait une plus grande liberté d'action aux élus locaux pour faire varier les taux des taxes foncières et d'habitation sur les résidences secondaires.
La recommandation numéro 9 préconise de revoir les modalités de répartition de la DGF en profondeur, préalable nécessaire à une indexation de cette dernière sur l'inflation. Une réforme de la DGF est indispensable afin de simplifier et de rendre plus compréhensibles ses modalités d'attribution aujourd'hui trop complexes.
Cette refonte doit être préalable à une indexation qui permettrait de couvrir partiellement les coûts générés par les décisions réglementaires (2,5 milliards en 2022) et qui répondrait, au moins en partie, à la demande de visibilité exprimée par les élus locaux.
Le coût estimé de cette recommandation serait de l'ordre de 1,3 milliard d'euros avec une inflation à 5 %.
M. Jérôme Bascher. - Le rapporteur général Jean-François Husson l'a montré récemment : si on indexait la DGF telle quelle, elle n'aurait pas les vertus que l'on pourrait en attendre. Cette mesure aiderait plutôt les collectivités les plus riches et n'obéirait donc pas à cette forme de justice que l'on est en droit d'attendre d'une « belle » DGF.
Par exemple, le Conseil départemental de l'Oise avait initialement envisagé de diminuer de 80 millions d'euros ses dépenses. Cependant, dans cette hypothèse, notre dotation de compensation se voyait réduite de 4 millions d'euros, parce qu'on nous objectait que la situation financière de notre collectivité s'était nettement améliorée. Nous avons donc été contraints de prévoir une diminution de 84 millions d'euros pour aboutir aux 80 millions initiaux. C'est précisément ce genre d'absurdités qu'il convient d'éviter. Dans ce sens, il faut au premier rang simplifier la DGF et ensuite l'indexer, comme c'était la règle jusqu'en 2011.
Cette recommandation, qui est politiquement importante, vous convient-elle ?
Aucune objection n'est formulée.
Mme Guylène Pantel. - La recommandation numéro 10 consiste à mettre en place un dialogue entre l'État et les collectivités sur les modalités de compensation des exonérations fiscales et mettre fin à la pratique de minoration des variables d'ajustement.
La pratique des variables d'ajustement est largement contestée chaque année par le Sénat dans la mesure où elle revient à minorer des dotations supposées compenser, à l'euro près, les conséquences, pour les collectivités territoriales, des réformes et des exonérations fiscales décidées par l'État.
M. Jérôme Bascher. - Cette dernière recommandation vous convient-elle également ? Elle est plus technique, je le conçois, mais elle serait de nature à aider nos collectivités et elle reviendrait à faire oeuvre de justice.
Y a-t-il des remarques supplémentaires ?
En l'absence de telles remarques, nous pouvons autoriser la publication du rapport et de ses dix recommandations. Je remercie encore Guylène Pantel. Nous espérons tous que les bons comptes feront les bons amis. Je vous remercie.
Lors de sa réunion du 13 juin 2023, la mission d'information a autorisé la publication du présent rapport.