C. LA PRISE EN CHARGE DES ADULTES ET LE SOUTIEN AUX FAMILLES DOIVENT FAIRE L'OBJET D'UN TRAITEMENT PRIORITAIRE

Les auditions auxquelles ont procédé les rapporteurs ainsi que les documents institutionnels disponibles mettent en exergue la priorité accordée aux enfants. La création des PCO et du forfait d'intervention illustrent cette préoccupation et cette concentration des moyens financiers.

Pourtant la question du repérage des adultes, et notamment du repérage des adultes autistes figuraient déjà dans les plans précédents. Force est de constater que cette question de la prise en charge des adultes n'avance que très lentement.

Par ailleurs, les paradigmes de la prise en charge ont évolué depuis le lancement du premier plan autisme ou la loi du 11 février 2005. La question de l'accompagnement des parents et l'émergence de la catégorie des aidants qui jouent un rôle central dans la prise en charge des personnes vulnérables s'est imposée. Une politique globale de prise en charge des TND doit également tenir compte des aidants qui sont principalement les parents des enfants souffrant de TND.

1. La prise en charge des adultes atteints de troubles du neuro-développement

L'insuffisance des moyens mis en oeuvre pour la prise en charge des adultes est un point qui a été clairement identifié dans l'évaluation du troisième plan autisme et la montée en charge des politiques publiques sur ce point était un objectif de la stratégie nationale pour l'autisme dans les troubles du neuro-développement.

Cette insuffisance de moyens est d'autant plus préoccupante que ce constat est fait alors qu'il est clair dans l'esprit de tous les acteurs (associatifs, médico-sociaux, autorités en charge de ces questions) que le nombre de personnes à prendre en charge est encore inconnu du fait de l'absence d'évaluation de la situation. La réponse de la stratégie autisme est à cet égard significative puisque les mesures retenues comportent notamment : un plan de repérage et de diagnostic des adultes en ESMS et en établissements de santé, un repérage et diagnostic de la population féminine.

a) Des efforts qui peinent à produire leurs effets

Devant l'Assemblée nationale11(*), les associations ont souligné que les adultes, « c'est le coeur de nos inquiétudes car le système est saturé. Beaucoup de personnes ont été exilées en Belgique faute de places en France. Environ 8 000 adultes y sont accueillis, tous handicaps confondus ; beaucoup sont atteints de troubles du neuro-développement (TND) ou de troubles du spectre de l'autisme (TSA). Certains souhaiteraient revenir et ne le peuvent pas. Un plan de prévention des départs en Belgique a été programmé mais nous n'en voyons pas l'efficacité.[...] Quoi qu'il en soit, il manque des options, qu'on les appelle « place », « solution » ou « réponse accompagnée [...] pour les adolescents - et c'est pire à l'âge adulte - le paysage est complètement saturé. La population des adultes souffrant de troubles du neuro-développement est difficile à appréhender une grande partie d'entre eux n'ayant pas été diagnostiqués et n'étant pas pris en charge. »

b) Un effort à poursuivre et à accentuer

Des efforts considérables restent à faire du point de vue du repérage, de la prise en charge et de l'accompagnement des adultes atteints de TND.

Les pouvoirs publics ont fait le pari de financer d'abord les mesures en direction des enfants et cette stratégie peut se comprendre. Mais comme le soulignent les associations, ce choix s'est fait au détriment des adultes. Autisme France résume ainsi la situation : « Le financement global de la stratégie est dérisoire : pas un centime pour les adultes les plus vulnérables alors que les listes d'attente en FAM et MAS sont au moins de dix ans. Le pari sur les très jeunes enfants est légitime, mais on doit réparation à tous ceux qu'on a démolis par incompétence ou par négligence depuis des décennies. »

Claire Compagnon l'a redit devant l'Assemblée nationale, il faut : « une meilleure réponse aux besoins des adultes autistes. » Elle a complété ces propos en soulignant qu'il ne fallait pas oublier : « les adultes TDAH car les professionnels notent, dans les centres d'addictologie dédiés à l'alcool et à la drogue, que 20 % des patients souffrent de TDAH, plus ou moins diagnostiqués et qui ne reçoivent pas les traitements dont ils pourraient bénéficier. Or, pour le TDAH, nous disposons de traitements avec peu d'effets secondaires qui donnent des résultats formidables. Ils rencontrent pourtant des difficultés à être prescrits. Certaines représentations sociales sont préjudiciables à la vie des personnes. L'expertise internationale récemment collectée sur le TDAH montre qu'un peu moins de 20 % des détenus en souffrent. Dans les données américaines, 45 % des détenus seraient concernés ».

Des mesures en ce sens ont été annoncées lors de la conférence nationale du handicap en avril dernier (logement, emploi). Le sujet n'est donc pas celui de la prise de conscience des autorités en charge du dossier mais bien celui de la mise en oeuvre, qui s'est heurtée au cours des dernières années à la question des recrutements de personnels compétents ou encore aux conséquences de l'épidémie de Covid-19.

La stratégie TND 2023-2028 devra proposer des mesures spécifiques à ces troubles en sus des mesures générales. La prise en charge des adultes atteints de troubles du neuro-développement doit en effet être renforcée. L'objectif d'un parcours fluide, de l'enfance à l'âge adulte, affiché par les pouvoirs publics doit en outre prendre en compte une situation nouvelle : le vieillissement de cette population et donc l'évolution de ses besoins.

Recommandation n° 11 : S'occuper enfin des adultes ! La prise en charge des adultes doit faire l'objet d'un rattrapage à l'occasion de la prochaine stratégie (repérage, diagnostic, prise en charge, accompagnement dans la vie professionnelle, logement, etc...)

2. Soutien aux familles

Le soutien aux familles peut prendre plusieurs formes qui ont déjà été abordées comme la structuration de l'offre et la création de parcours, la simplification des procédures auprès des MDPH ou encore la solvabilisation de la dépense pour le diagnostic ou l'intervention en milieu libéral.

Ces réponses ne suffissent pas. Depuis plusieurs années, la question du répit devient un enjeu important des politiques d'autonomie. La figure de l'aidant s'est imposée, son rôle a été reconnu. L'action de ces proches aidants, qu'on avait l'habitude de considérer comme relevant du cadre de la simple solidarité familiale, a attiré l'attention du législateur. L'usure prématurée, l'interruption des activités professionnelles, la fragilité de l'équilibre personnel des aidants rendent désormais nécessaire que les pouvoirs publics se penchent sur leur situation et prévoient des dispositifs aménagés.

Le déploiement d'une politique de soutien aux aidants se pose donc aussi pour la prise en charge des TSA et des TND qui sollicitent beaucoup les familles. Cet accompagnement doit être double : d'une part, l'information des parents; d'autre part, le développement des solutions de répit ou de relais.

a) L'Information des parents

La formation et l'information des parents demeurent un enjeu central de prise en charge. Certes l'étude menée par la délégation interministérielle montre que les répondants, notamment les parents, s'estiment globalement mieux informés sur les professionnels auxquels s'adresser (44 %). Si cette situation permet de souligner le travail des associations dans la diffusion de l'information, et la nécessité de développer la formation des professionnels de santé sur les TND, elle ne doit pas passer sous silence la nécessité de poursuivre des actions d'information et de formation en direction des parents.

Cette action figure déjà parmi les objectifs des plans autisme et de la stratégie. Les centres de ressources autisme (CRA) ont ainsi été chargés de proposer des formations aux parents tant dans le champ de l'autisme que pour les parents d'enfants TDAH, TDI et dys. C'est ainsi que s'est développée l'idée de s'appuyer sur la guidance familiale, c'est-à-dire de faire des parents des acteurs de la prise en charge de leurs enfants, notamment pour favoriser le développement de leurs compétences.

Les résultats de l'étude menée par la délégation interministérielle à l'autisme12(*) montrent que le nombre de parents qui ont suivi une formation reste très faible (environ 17 %) avec des explications qui traduisent un déficit d'information : les personnes concernées ne savent pas que ces formations existent (71 %), ni où se renseigner (21 %).

Or, lorsque ces formations sont suivies, leur apport est plébiscité pour mieux comprendre le trouble : aussi bien chez les parents (96 %), que chez les personnes concernées (93 %).

La démarche consistant à proposer aux parents d'enfants atteints d'une trouble du neuro-développement, une formation permettant de comprendre le fonctionnement de leur enfant et de soutenir son développement doit être poursuivie. Des actions doivent être initiées pour atteindre les parents qui ne sont pas membres d'associations.

Il s'agira d'abord, pour tous les parents, d'être informés par la personne qui annonce le diagnostic de l'existence d'une offre digitale de formation sur chacun des troubles. Cette offre pourra inclure des vidéos et des formations en ligne.

L'information sur les formations des aidants doit également se diffuser plus massivement d'autant que la crise sanitaire a engendré une multiplication des webinaires. Ils peuvent apporter un premier niveau de réponse. Il y a probablement lieu de mobiliser d'autres canaux de diffusion pour atteindre les familles qui ne font pas partie des associations.

b) Développer les solutions de soutien aux familles

L'enquête menée par Ipsos pour le compte de la Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neuro-développement fait également apparaitre le besoin d'un effort majeur sur ces questions et d'une accélération du déploiement des solutions existantes.

Les familles, et plus particulièrement les mères, sont souvent obligées d'adapter leur situation professionnelle, voire de l'interrompre pour s'occuper de leur enfant. Dans le baromètre Ipsos :

- le pourcentage de parents qui indique pouvoir conserver un emploi perd 3 points : 64 % en 2022 contre 67 % en 2020. L'emploi à temps partiel est plutôt en hausse ;

- le nombre de parents qui répondent avoir arrêté de travailler augmente de 2 points, et représente désormais plus d'un quart des répondants (27 %).

c) Le développement des solutions de répit et de relais

Le besoin d'un répit ponctuel est également une demande forte. Il apparait comme le besoin le plus important dans l'expression des parents (besoin fréquent à 20 % et ponctuel à 56 %). Il peut s'agir de souffler quelques heures régulièrement avec un accompagnement à l'extérieur de la maison (63 %) ou au domicile avec un professionnel formé (58 %), tout comme un accueil temporaire de l'enfant sur une période plus longue (48 %). Or 91 % des parents répondants n'y ont jamais eu recours, ne sachant pas vraiment de quoi il s'agit (41 %) ou à qui s'adresser (32 %).

Ces résultats mettent en exergue le besoin majeur d'accélération du déploiement des plateformes de répit et des solutions de relayage portées par la stratégie autisme qui prévoyait une plateforme de répit par département.

Il faut en outre prendre en compte une demande symbolique, mais forte des associations qui ne veulent pas parler de répit - « pause entre deux épisodes pénibles » - mais qui veulent que les familles soient relayées.

Ce point doit être traité rapidement, notamment le déploiement de solution de relais (sur le modèle du baluchonnage) qui semblent faire l'objet d'une demande assez forte mais que les autorités publiques peinent à déployer13(*) (encadrement, financement, information) malgré des initiatives locales prometteuses.

Recommandation n° 12 : Poursuivre le déploiement de mesures en faveur des aidants. Prendre des mesures en faveur du relayage (baluchonnage)


* 11 Assemblée nationale, commission des affaires sociales, mercredi 3 mai 2023, Table ronde avec des associations sur la prise en charge de l'autisme.

* 12 Délégation interministérielle à la stratégie nationale pour l'autisme au sein des troubles du neurodéveloppement, Ce que nous disent les personnes et les familles sur leur parcours de vie, cahier spécial, juin 2020.

* 13 Du baluchonnage québécois au relayage en France : une solution innovante de répit Mission confiée par le Premier ministre à Joëlle Huillier, Députée de l'Isère, mars 2017.

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