LISTE DES PRINCIPALES
RECOMMANDATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
Recommandation n° 1 : prévoir, dans la nouvelle programmation militaire qui doit intervenir dès le début du quinquennat en cours, une augmentation significative des moyens des forces de souveraineté, afin de répondre à l'évolution de leur environnement stratégique notamment dans l'indopacifique, au renforcement des menaces et aux différents défis capacitaires qu'elles rencontrent aujourd'hui (Parlement).
Recommandation n° 2 : afin de garantir la surveillance des ZEE ultramarines, aujourd'hui insuffisante, augmenter les capacités de la marine nationale en la matière en prévoyant la mobilisation permanente d'un Falcon 50 M (ou équivalent) pour chacune des zones les plus vulnérables (FAZSOI, FAA et FAG), en recourant aux drones et en assurant à terme la capacité du programme AVISMAR à fournir des outils permettant la surveillance efficace de ces zones (ministère des armées).
Recommandation n° 3 : face à la nécessité de disposer rapidement de moyens à long rayon d'action en cas de crise ou de limiter le coût logistique de certaines opérations de déploiement, consolider la capacité de recours des forces de souveraineté aux moyens de transport tactique à long rayon d'action (A400 M) (ministère des armées).
Recommandation n° 4 : afin de faire face aux risques d'échouage aux abords de l'île de La Réunion, mettre à disposition des FAZSOI une capacité de remorquage, éventuellement partagée avec les autres États de la Commission de l'Océan Indien (COI) (ministère des armées).
Recommandation n° 5 : pour limiter la dégradation du patrimoine immobilier des forces de souveraineté, intégrer à la nouvelle programmation pluriannuelle un plan de remise à niveau des infrastructures (ministère des armées).
Recommandation n° 6 : à Mayotte, mettre les locaux désaffectés de l'hôpital du site du rocher de Dzaoudzi à disposition du détachement de Légion étrangère de Mayotte (DLEM), afin de pallier le problème causé par le manque d'espace sur l'île (ministère des armées, agence régionale de santé et Conseil départemental de Mayotte).
Recommandation n° 7 : coordonner les actions de coopération régionale menées par les forces de souveraineté avec les politiques d'aide au développement conduites au sein de leur ZRP (ministère des armées, ministère de l'Europe et des affaires étrangères, Agence française du développement).
Recommandation n° 8 : évaluer l'opportunité d'une généralisation de l'exonération d'octroi de mer des biens importés ou livrés aux armées et affectés à leurs missions opérationnelles afin de ne pas obérer les moyens des forces de souveraineté, sans préjudice du financement des collectivités territoriales d'outre-mer (Parlement).
I. LES FORCES DE SOUVERAINETÉ SONT CONFRONTEES À DES MISSIONS LARGES ET A DES CONTEXTES GEOSTRATEGIQUES SENSIBLES
A. DES MISSIONS LARGES S'INSCRIVANT DANS LA LOGIQUE DE PROTECTION DES OUTRE-MER
1. Une affirmation de la présence militaire dans les outre-mer à partir des années 1960
Les forces de souveraineté ont progressivement commencé à prendre leur forme actuelle à partir des années 1960, parallèlement aux forces de présence. Ces dernières, qui constituent des points d'appui permanents de nos armées à l'étranger sont aujourd'hui présentes à Djibouti, en Côte d'Ivoire, au Gabon, au Sénégal, et aux Émirats arabes unis.
C'est également dans cette période que le dispositif des forces de souveraineté a pris forme dans les territoires et départements d'outre-mer 4 ( * ) . Dans la zone Antilles-Guyane, des moyens militaires existaient mais restaient tellement limités qu'ils ne suffisaient pas à accueillir les conscrits du service national 5 ( * ) . Dans ce contexte, le service militaire adapté (SMA) est créé en 1961 à l'initiative du Premier ministre Michel Debré dans le but de « faire exécuter un service militaire utile à une partie de la jeunesse ultramarine ». Bien qu'il ne fasse pas partie des forces de souveraineté, le SMA a constitué un important outil de réaffirmation de la présence militaire dans les outre-mer. Il s'est ensuite étendu à La Réunion (1965), la Nouvelle-Calédonie (1986), Mayotte (1988) et la Polynésie française (1989).
Aujourd'hui, les forces de souveraineté et le SMA continuent à nourrir des liens importants. Il relève du ministère des outre-mer 6 ( * ) et constitue avant tout un dispositif d'insertion, même si l'encadrement y est militaire. Les liens entre le SMA et les forces de souveraineté sont de deux ordres : un soutien des armées au profit du SMA, et une participation ponctuelle des volontaires du SMA aux missions militaires, comme ce fut par exemple le cas en 2017 aux Antilles, à la suite de l'ouragan Irma .
Les liens entre le SMA et les forces de souveraineté
Dans le domaine du soutien au SMA, le ministère des armées met en place auprès du ministère des Outre-mer les militaires nécessaires au fonctionnement du SMA ; il fournit, entretient et contrôle les matériels nécessaires aux activités militaires selon les règles applicables dans les armées. Il assure des prestations diverses de soutien au profit du personnel (santé, délivrance de la solde, etc.) ou des matériels des formations du SMA.
Le ministère des armées finance soit sous forme de crédits, soit sous forme de prestations en nature, les activités militaires du SMA selon des dispositions arrêtées dans le cadre des protocoles et conventions passés entre le commandant du SMA et les états-majors d'armée, les services ou directions des armées concernées.
Pour la bonne exécution des activités militaires et le maintien de la capacité opérationnelle des unités du SMA, le commandant supérieur (COMSUP) veille à ce que les protocoles signés entre le SMA et les armées soient localement appliqués.
Localement et, en fonction des besoins, les formations du SMA peuvent également apporter ponctuellement un soutien aux armées en fonction des compétences professionnelles qu'elles mettent en oeuvre. Cette participation ne peut être préjudiciable à la mission principale du SMA qu'est l'insertion sociale et professionnelle de ses volontaires. Elle doit donc faire l'objet d'un accord pour que chacune des deux parties y trouve un intérêt.
Les prestations mutuelles font l'objet de conventions particulières établies localement entre le COMSUP et le commandant de formation du SMA définissant précisément la participation du SMA au fonctionnement des services de soutien et de garnison.
Au-delà de l'insertion sociale et professionnelle, le SMA a pour mission de contribuer, le cas échéant, aux plans de défense et aux plans de protection et de secours aux populations. L'emploi du SMA dans ce cadre est concerté entre le ministre des armées et le ministre chargé de l'outre-mer. La participation du service militaire adapté à l'exécution des plans de protection et de secours aux populations, ainsi que des plans de défense, est réalisée sous le contrôle opérationnel du COMSUP, seul habilité à engager les moyens des armées dans le cadre de la chaîne de commandement interarmées des opérations.
Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial
En parallèle, des empreintes militaires aux fins plus stratégiques et opérationnelles, qui constituent donc l'origine des forces de souveraineté actuelles, naissent également, comme le centre d'expérimentations nucléaires sur les atolls de Mururoa et Fangataufa en Polynésie française à partir de 1966 et le 9 e bataillon d'infanterie de Marine à Kourou en Guyane en 1973, pour sécuriser le Centre spatial guyanais inauguré cinq ans plus.
2. Cinq forces destinées à la protection du territoire national outre-mer
Les forces de souveraineté constituent aujourd'hui des forces prépositionnées, interarmées et à dominante marine. Elles se répartissent en cinq forces armées régionales, qui ont chacune la responsabilité d'une importante zone géographique :
- les Forces armées aux Antilles (FAA), composées d'environ 1 200 militaires ;
- les Forces armées en Guyane (FAG), composées d'environ 2 300 militaires ;
- les Forces armées dans la zone sud de l'océan Indien (FAZSOI), composées d'environ 2 000 militaires ;
- les Forces armées en Nouvelle-Calédonie (FANC), composées de 1 600 militaires ;
- les Forces armées en Polynésie française (FAPF), composées de 1 179 militaires.
Présentation des effectifs, des unités et
des équipements
des forces de souveraineté
Source : ministère des armées
Elles y assurent, en appui des moyens de l'État et de l'action interministérielle, la protection du territoire national, le maintien de notre souveraineté et la préservation des ressources présentes dans les zones sous juridiction française. L'outre-mer représente 97 % de la zone économique exclusive (ZEE), incluant les aires marines protégées et les zones d'extension du plateau continental.
Les missions opérationnelles fixées par le CEMA aux forces de souveraineté sont larges. Chaque commandant supérieur d'une des forces de souveraineté est en effet compétent à l'échelle de sa zone de responsabilité permanente (ZRP).
Zone économique exclusive et zone de responsabilité permanente
La notion de zone économique exclusive (ZEE) désigne l'espace maritime sur lequel, en application la Convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 dite « Convention de Montego Bay », un État côtier exerce, d'une part, ses droits souverains aux fins d'exploration et d'exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu'en ce qui concerne d'autres activités tendant à l'exploration et à l'exploitation de la zone à des fins économiques et, d'autre part, sa juridiction en ce qui concerne la mise en place et l'utilisation d'îles artificielles, d'installations et d'ouvrages, la recherche scientifique marine, la protection et la préservation du milieu marin.
La notion de zone de responsabilité permanente (ZRP) désigne quant à elle l'espace sur lequel chaque force de souveraineté exerce les missions de connaissance/anticipation, de prévention, de protection, de secours ou de soutien aux opérations militaires qui lui sont dévolues. Les ZRP dépassent ainsi les seules ZEE françaises et s'étendent aux pays alentours. Ainsi, à titre d'exemple, la ZRP des Forces armées dans la zone sud de l'Océan Indien (FAZSOI) s'étend sur 14 pays, parmi lesquels dix pays d'Afrique australe et quatre membres de la Commission de l'Océan indien (COI). De même, le commandant des Forces armées en Polynésie française (FAPF) est en charge du commandement de la zone de responsabilité « Asie océan Pacifique » (ALPACI). À ce titre, il est chargé du contrôle opérationnel des moyens militaires français opérant dans sa zone, qui s'étend du détroit de Malacca aux côtes américaines, de la conduite des relations militaires internationales dans la ZRP, et de la recherche de renseignement et anticipation des crises dans la ZRP.
Commandements associés aux zones de
responsabilité permanente
et zones maritimes
Source : ministère des armées
Les missions de protection de nos outre-mers constituent le socle de missions permanentes attribuées aux forces de souveraineté dans leur contrat opérationnel.
Missions opérationnelles des forces de souveraineté
Mission permanente 1 Connaissance/ Anticipation |
? Entretenir une connaissance de la ZRP. ? Contribuer à la collecte du renseignement d'intérêt militaire. |
Mission permanente 2 Protection |
? Contribuer à la protection du territoire national, de nos concitoyens et des installations stratégiques. ? Contribuer à la sécurité et à la préservation des intérêts nationaux dans les espaces sous souveraineté française, en soutien de l'action de l'État. |
Mission permanente 3 Prévention |
? Affirmer la présence de la France et contribuer à la stabilité dans la ZRP. |
Mission crise 1 |
? Conduire, participer ou soutenir une opération de secours d'urgence sur le territoire national (événements naturels ou technologiques, aide humanitaire). |
Mission crise 2 |
? Conduire, participer ou soutenir une opération militaire dans la ZRP (secours aux populations ou RESEVAC). |
Source : ministère des armées
Dans leurs déclinaisons locales, elles s'appuient sur les spécificités de chacun des territoires mais aussi sur les exigences des différents milieux pour assurer la sauvegarde des intérêts nationaux.
Les unités basées outre-mer se concentrent sur des missions de souveraineté dans la ZEE (contrôle des activités illicites : pêche, lutte contre le narcotrafic, immigration), de présence et de coopération dans des zones éloignées (exemple : frégate de surveillance en mer de Chine et participation à l'Enforcement Coordination Cell dans le cadre de l'application des sanctions contre la Corée du Nord).
Les interventions du haut du spectre restent l'apanage des unités métropolitaines déployées en renfort. De fait, les unités outre-mer contribuent avant tout aux fonctions « protection », « connaissance et anticipation » et « prévention » et ne couvrent pas l'ensemble du spectre des missions.
* 4 Elie Tenebaum, avec Morgan Paglia et Nathalie Ruffié, « Confettis d'empire ou points d'appui ? L'avenir de la stratégie française de présence et de souveraineté, Focus stratégique , n° 94, février 2020.
* 5 Ibid.
* 6 Au plan budgétaire, ce dernier relève par ailleurs de la mission « Outre-mer ».