B. LEVER LES OBSTACLES À CES APPRENTISSAGES
1. Allonger le temps de scolarité
La convention signée entre le ministère de la justice et le ministère de l'éducation nationale le 15 octobre 2019 souligne que « les temps hebdomadaires de scolarisation ont vocation à atteindre 12 heures en quartier mineurs et 20 heures en établissements pénitentiaires pour mineur (EPM) ». Ces temps d'enseignement demeurent inférieurs à ceux des élèves de l'éducation nationale - même si pour de nombreux détenus mineurs, en rupture scolaire, la réintégration d'un parcours classique serait dans les faits impossible et pourrait même être contre-productive . Comme l'a souligné l'équipe enseignante de Nanterre, il s'agit avant tout de « prendre plaisir à apprendre et montrer que l'acquisition de connaissances peut être le levier pour faire quelque chose ». En outre, « pour certains détenus mineurs, il est nécessaire de changer d'activités d'enseignement toutes les 10 minutes, comme avec des enfants de petite classe ».
Néanmoins, les rapporteurs s'interrogent sur la différence de traitements des jeunes en quartier pour mineurs et ceux en établissements pour mineurs. Rien ne le justifie, du point de vue du détenu.
Par ailleurs, alors que les témoignages convergent pour mettre à profit ce temps d'enfermement pour remettre le jeune en situation d'apprentissage, l'organisation des enseignements reste calée sur celle de l'éducation nationale . Ainsi, à la maison d'arrêt de Nanterre, il n'y aura pas d'enseignement en juillet et en août - pendant les vacances scolaires -, les activités organisées par la PJJ demeurent néanmoins prévues. Si celles-ci sont nécessaires et permettent l'apprentissage d'autres compétences également importantes pour la réinsertion du jeune, il n'en demeure pas moins qu'elles ne sont pas substituables à un contenu scolaire . Or, la durée médiane de séjour y est relativement courte : environ 5 mois. Pour un jeune, dont la détention inclut les vacances estivales, c'est 40 % de son temps d'enseignement scolaire qui se retrouve amputé .
À titre de comparaison, l'enseignante du centre éducatif fermé d'Avignon est présente la moitié du temps des petites vacances scolaires tout au long de l'année, ainsi qu'une partie du mois de juillet, dans le cadre d'une répartition annualisée de ses heures.
La mission d'information sénatoriale de 2018 sur les mineurs enfermés appelait déjà à trouver des solutions pragmatiques, afin d'assurer une continuité du service public de l'enseignement en prison tout en respectant le droit à congés des enseignants. Quatre ans plus tard, les rapporteurs ne peuvent que partager cette analyse .
Recommandation n° 13 : aligner le nombre d'heures d'enseignement des détenus en quartier pour mineurs sur celui des établissements pour mineurs et assurer une continuité des enseignements y compris pendant les vacances scolaires ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).
2. L'importance de lieux de détention de taille modeste pour des apprentissages sereins
Il ressort des auditions la valeur ajoutée de lieux de détention pour mineurs de taille modeste. D'une part, cela permet, lors des réunions régulières de suivi des jeunes, d'avoir toujours les mêmes personnes autour de la table, fluidifiant ainsi les relations entre les différentes administrations (pénitentiaire, PJJ, éducation nationale et santé).
D'autre part, les incidents de sécurité portent moins préjudice à la tenue des activités ou des cours . Anne Rouville-Drouche, cheffe d'établissement de la maison d'arrêt de Nanterre, a expliqué aux rapporteurs, qu'« à Fleury, où sont présents 90 mineurs détenus, une bagarre entre mineurs peut entraîner une paralysie pendant toute une matinée, avec un renvoi de tous les jeunes dans leurs cellules. Les apprentissages prévus sont alors annulés ». La convention entre le ministère de la justice et le ministère de l'éducation d'octobre 2019 affirme certes que l'enseignement « est l'axe structurant et prioritaire de la prise en charge du mineur détenu ». Dans les faits, comme Sylvie Paré, responsable de l'unité locale d'enseignement de la maison d'arrêt de Nanterre l'a indiqué aux rapporteurs, « en détention, ce qui prime c'est la vie de la détention, la sécurité, le parloir ». La gestion de ce type d'incidents est plus facile à 18 mineurs qu'à 90.
Interrogés sur la taille critique au-delà de laquelle la gestion d'un lieu de détention pour mineurs se dégrade, notamment du point de vue des apprentissages, les acteurs de terrain ont évoqué le chiffre de 30 jeunes accueillis simultanément : « ce qui est sûr c'est qu'il n'y a aucun gros quartier pour mineurs qui fonctionne bien actuellement ».
La mise en place de lieux de détention de taille modeste a néanmoins des répercussions importantes en termes de bâtis, d'organisation et d'effectifs pour l'administration pénitentiaire et pour la PJJ.
3. Accompagner la sortie de centres fermés ou de détention
La sortie de centres fermés ou de détention est un moment sensible du parcours du jeune délinquant. D'ailleurs, dans les témoignages recueillis, il n'est pas rare qu'il y ait des incidents dans les semaines précédant ce moment.
Les rapporteurs ont relevé deux points sensibles lors de ce moment charnière. S'il existe une prise en charge relais en milieu ouvert, il n'est pas rare que le domicile du jeune soit éloigné de son lieu de placement . Les actions de préparation à la sortie et de réinsertion, en lien avec des acteurs du territoire (associations, entreprises accueillant le jeune en stage) se trouvent ainsi mises à mal.
Il en est de même pour le passage des examens et des diplômes . Comme a pu le souligner le recteur de l'académie de Créteil aux rapporteurs, les examens se passant en fin d'année, l'éducation nationale perd souvent la trace d'un mineur libéré en cours d'année qui renoncera au final à les passer, alors même qu'il les a préparés lors de sa détention. Lors du déplacement à la maison d'arrêt de Nanterre, la responsable de l'équipe éducative et la direction départementale de la police judiciaire de la jeunesse ont indiqué travailler avec les services déconcentrés de l'éducation nationale afin d'identifier un établissement de rattachement où un mineur libéré pourra passer son diplôme. Pour les mineurs détenus au moment des examens, une session dans les locaux de la prison d'arrêt est organisée.
Ce passage de diplôme est un élément essentiel pour la réinsertion du détenu, à la fois en termes de valorisation et de remobilisation, mais aussi dans la perspective d'un retour dans un processus de formation de droit commun. Dès lors, il est regrettable que cette dimension soit parfois oubliée . Tel est le cas presque caricatural d'un mineur détenu à Nanterre libéré la veille des épreuves du brevet qu'il avait préparées lors de sa détention, alors même que cette information était inscrite dans le rapport éducatif dont dispose le juge : il était trop tard pour l'inscrire pour passer ses épreuves dans un établissement de l'éducation nationale. Si la période d'emprisonnement d'un mineur délinquant doit être la plus courte possible, en l'espèce, l'intérêt du mineur aurait été de prolonger sa détention de quelques jours pour lui permettre de passer les épreuves préparées . Il est en effet peu probable qu'il fasse une nouvelle démarche d'inscription pour la session de septembre dans le cadre de son suivi en milieu ouvert.
Enfin, les rapporteurs ont également entendu les conséquences sur la remobilisation dans les apprentissages du mineur détenu et sur ses projets de réinsertion qu'entraîne une nouvelle condamnation intervenant lors de sa détention du fait d'une autre affaire l'impliquant. Sans remettre en cause le principe d'un jugement et le cas échéant d'une sanction pour chaque infraction commise, les rapporteurs espèrent que l'entrée en vigueur du nouveau code de justice pénale des mineurs permettra d'encadrer et de limiter ces situations , grâce aux raccourcissements des délais de jugements et le suivi par un même juge de toutes les affaires concernant un même mineur pour une meilleure cohérence des peines.
Recommandation n° 14 : mieux prendre en compte les conséquences de la libération du mineur délinquant sur son insertion, du fait de la rupture des activités d'insertion (éloignement géographique empêchant la poursuite du stage, opportunité du passage d'un examen ou diplôme) ( ministère de la justice, ministère de l'éducation nationale ).