Rapport d'information n° 804 (2021-2022) de Mme Sylvie VERMEILLET , fait au nom de la commission des finances, déposé le 20 juillet 2022
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L'ESSENTIEL
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LES RECOMMANDATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
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AVANT PROPOS
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I. LE RÉGIME DES RETRAITES DE LA RATP :
L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE, PREMIÈRE ÉTAPE D'UNE
FERMETURE ?
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A. UN RAPPROCHEMENT PROGRESSIF MAIS COÛTEUX
AVEC LE RÉGIME GÉNÉRAL
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B. L'OUVERTURE PROGRESSIVE À LA CONCURRENCE
DEVRAIT PROGRESSIVEMENT DÉGRADER LE RATIO DÉMOGRAPHIQUE ET POSER
LA QUESTION DE LA FERMETURE DU RÉGIME
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C. COMMENT FINANCER LES AVANTAGES
SPÉCIFIQUES ?
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D. QUEL IMPACT POUR UNE FERMETURE DU
RÉGIME ?
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A. UN RAPPROCHEMENT PROGRESSIF MAIS COÛTEUX
AVEC LE RÉGIME GÉNÉRAL
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II. CONTRAINTE DE LA PÉNIBILITÉ ET DE
LA COMPÉTITIVITÉ
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A. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE QUI REND LE
RÉGIME DÉPENDANT AUX FONDS PUBLICS
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1. Un nombre réduit de cotisants
répartis au sein de 20 catégories
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a) Un classement figé qui ne reflète
pas totalement la fluidité des carrières marines
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b) Des cotisants répartis sur trois
registres de navire
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c) Le cas des emplois à terre et de
certaines activités côtières
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d) Le principe de l'affiliation automatique
à l'ENIM pour les marins qui résident en France souffre de
nombreuses dérogations
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a) Un classement figé qui ne reflète
pas totalement la fluidité des carrières marines
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2. Une diminution du nombre de cotisants imputable
à la concurrence internationale ?
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3. Des contributions patronales en partie
compensées par l'État
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1. Un nombre réduit de cotisants
répartis au sein de 20 catégories
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B. UN RÉGIME COMPOSITE INSUFFISAMMENT
FINANCÉ
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C. UNE RÉFORME IMPOSSIBLE ?
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A. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE QUI REND LE
RÉGIME DÉPENDANT AUX FONDS PUBLICS
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I. LE RÉGIME DES RETRAITES DE LA RATP :
L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE, PREMIÈRE ÉTAPE D'UNE
FERMETURE ?
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EXAMEN EN COMMISSION
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LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
N° 804
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 juillet 2022
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur les régimes d' assurance vieillesse des agents de la régie autonome des transports parisiens et des marins ,
Par Mme Sylvie VERMEILLET,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal , président ; M. Jean-François Husson , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet , vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel , secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel .
L'ESSENTIEL
La commission des finances a examiné le mercredi 20 juillet 2022 le rapport de Mme Sylvie Vermeillet, Sénatrice du Jura, rapporteure spéciale des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite », sur les résultats de son contrôle sur régimes des retraites des marins et des personnels de la RATP.
La suppression des régimes spéciaux constitue une des constantes des projets de réforme des retraites avancés ces dernières années. Ce contrôle budgétaire visait à évaluer l'impact, pour les finances publiques, d'une telle suppression au travers des cas des deux régimes encore ouverts : ceux des personnels de la RATP et des marins. Sans revenir sur la pertinence du choix opéré à l'époque de la création de ces régimes de privilégier la garantie d'un accès bonifié à l'assurance-vieillesse au détriment d'avantages salariaux, il s'agit de s'interroger sur le périmètre du soutien de la solidarité nationale au financement de droits spécifiques.
L'étude ne peut être que partielle, car la mission « Régimes sociaux et de retraites » ne couvre pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse pourtant une subvention d'équilibre ou affecte une dépense fiscale. Dans ces conditions, la maquette budgétaire ne permet pas de disposer d'une approche complète et cohérente des régimes spéciaux bénéficiant de financements publics, dont le montant total atteint 11,16 milliards d'euros en 2022 .
I. LE RÉGIME DES RETRAITES DE LA RATP : L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE, PREMIÈRE ÉTAPE D'UNE FERMETURE
La Caisse de retraites du personnel de la RATP a été créée en 2006. Faute d'accord trouvé avec la CNAV sur un adossement au régime général, le régime reste financé directement par une subvention de l'État (programme 198). Celle-ci, établie à 737 millions d'euros en 2021, représente 60,1 % des ressources du régime. Le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État a progressé d'environ 28 % entre 2012 et 2021
Évolution des recettes de la CRP-RATP entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
Le montant des prestations servies représentait, quant à lui, 1 199 millions d'euros en 2021, contre 982 millions d'euros en 2012. La subvention de l'État représente 62 % de cette somme. La charge de la Caisse des retraites au titre des pensions versées est appelée à progresser de 50,6 % d'ici 2050, le montant de celle-ci devant alors atteindre 2,41 milliards d'euros. L'augmentation attendue du nombre de pensionnés justifie en large partie cette majoration.
Schéma de financement des prestations servies par la CRP RATP en 2021
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
Le nombre total de cotisants au régime des retraites s'établissait à 40 182 au 1 er janvier 2022. Le nombre de pensions servies s'établissait quant à lui, à la même date, à 52 065, dont 35 170 pensions directes.
A. UN RAPPROCHEMENT PROGRESSIF MAIS ENCORE INÉGAL AVEC LE RÉGIME GÉNÉRAL
1. Un alignement différé et coûteux
L'alignement sur le droit commun des réformes de 2003, 2010 et 2014 a été pour partie différé. La progression du nombre de trimestres d'assurance ou la mise en place d'un mécanisme de décote et de surcote prévue par la réforme dite Fillon de 2003 ont ainsi été appliquées en 2008, soit quatre ans et demi après leur entrée en vigueur au sein de la fonction publique et quatorze ans et demi après l'adoption de telles dispositions au sein du régime général. Cette application a néanmoins été pour partie compensée par des mesures catégorielles majorant mécaniquement le cout des pensions.
L'entrée en vigueur de la réforme dite Woerth de 2010 concernant l'âge d'ouverture des droits a également été décalée à 2017. Celui-ci atteint désormais :
- 62 ans pour le tableau S regroupant les agents sédentaires ;
- 57 ans pour les tableaux A (A1 et A2), soit les agents de maintenance, sous réserve d'avoir effectué 27 ans dans ce tableau ;
- 52 ans pour le tableau B, soit les opérateurs (machinistes, conducteurs notamment), sous réserve d'avoir effectué 27 ans dans ce tableau.
Cotisants à la CRP RATP au 1 er janvier 2022
Catégorie |
Effectifs |
S |
6 458 |
A1 |
464 |
A2 |
3 877 |
B |
29 383 |
Total |
40 182 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la RATP
Seule la réforme dite Touraine de 2014 (majoration du nombre de trimestres et progression des cotisations salariales) a été appliquée immédiatement.
Le décret du 30 juin 2008 prévoit, dans le même temps, la suppression des bonifications accordées aux « roulants » et aux personnels de maintenance nouvellement embauchés. Cependant, 44,64 % des salariés sous statut bénéficient encore de cette bonification. Le coût de ce dispositif est estimé à 12,8 millions d'euros par an.
2. Un régime encore favorable
L'âge de départ en retraite moyen, comme la durée de versement moyenne ou les montants perçus viennent souligner une relative imperméabilité du régime au durcissement des conditions d'accès la retraite , potentiellement induites par la transposition des réformes de 2003, 2010 et 2014. L'âge moyen d'une liquidation d'une pension de droit direct du régime spécial atteint ainsi 57,3 ans en 2021, contre 62,9 ans au régime général et 61,9 ans au sein du régime de la fonction publiqu e. L'âge de départ est également moins élevé que ceux constatés au sein d'autres régimes spéciaux (SNCF, Marins). Il existe cependant un décalage entre l'âge d'ouverture des droits et l'âge réel de départ, lié pour partie à l'effet du mécanisme décote/surcote. 77,2 % des départs en 2021 n'ont, ainsi, pas fait l'objet de décote ou de surcote, 16,9 % ont donné lieu à une décote et 5,9 % à une surcote.
Âge de départ moyen en retraite au sein du régime de la RATP
(en années)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la CRP RATP
La valeur moyenne mensuelle des pensions nouvellement liquidées atteignait 2 799,47 euros en 2021. Pour mémoire, la pension moyenne brute de droit s'élevait à 1 401 euros par mois pour les personnes retraitées résidant en France en 2019. L'espérance de vie des pensionnés du régime spécial rejoint celle enregistrée pour la moyenne des Français par l'INSEE : 23 ans en 2021 pour les Français âgés de 60 ans. Les pensionnés directs du régime décédés en 2020 avaient en moyenne 81,48 ans.
B. L'OUVERTURE PROGRESSIVE À LA CONCURRENCE POSE LA QUESTION DE LA FERMETURE DU RÉGIME
La loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a prévu la mise en concurrence de l'exploitation des réseaux de la RATP à compter du :
- 31 décembre 2024 pour les services réguliers de transport routier (mode Bus) ;
- 31 décembre 2029 pour les services réguliers de transport par tramway ;
- 2040 pour les autres services réguliers de transport guidé (Métro et Réseau express régional - RER).
S'agissant du mode Bus, la RATP devra donc assurer le service jusqu'au 31 décembre 2024, et transférer dans les entreprises ayant gagné les lots les effectifs nécessaires à la continuité du service. Ainsi, tous les salariés concourant à l'activité Bus (directement ou indirectement soit environ 19 000 salariés) seront transférés dans les sociétés ayant remporté les appels d'offres. L'activité Bus de la RATP sera de son côté transférée au sein de sa filiale Cap Ile-de-France. Les salariés concernés par ces mouvements ne seront par conséquent plus sous contrat avec l'EPIC RATP, et ne bénéficieront plus du statut du personnel et de l'ensemble des dispositions de l'EPIC. Le « sac à dos social », mis en place par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), prévoit cependant que les agents RATP transférés au sein des entreprises concurrentes ou de la filiale Cap-Ile-de-France, ainsi que leurs nouveaux employeurs, restent contributeurs du régime de retraite de la RATP. Les conséquences en termes de collecte n'ont pas encore été détaillées, la CRP RATP restant dans l'attente du contenu d'un décret d'application.
Le transfert des agents de la RATP affectés au mode bus met en effet en lumière la question de la pénibilité. L'existence de contraintes spécifiques d'exploitation a conduit à la mise en place d'un cadre social territorialisé (CST), commun à tous les conducteurs opérant sur les lignes RATP appelées à être ouvertes à la concurrence. Sans mésestimer la spécificité du transport parisien, il convient cependant de la remettre en perspective en rappelant les difficultés rencontrées par chauffeurs de transports de personnes, en particulier scolaires, dans les territoires. La durée moyenne de versement des pensions directes servies aux conducteurs RATP est d'ailleurs relativement élevée : 26,1 années en 2020. Au regard des données disponibles en matière d'espérance de vie des retraités de la RATP et des conditions de travail des agents d'autres sociétés de transports collectifs, la question de la pénibilité ne peut constituer la raison d'un maintien du régime spécial de la RATP.
C. LA QUESTION DU FINANCEMENT DES AVANTAGE SPÉCIFIQUES
Le taux de cotisation auprès du régime des retraites de la RATP s'établit à :
- 12,95 % s'agissant des cotisations salariales ;
- 19,13 % en ce qui concerne la contribution patronale.
Le taux de cotisation patronale évolue chaque année en fonction des résultats de l'année précédente.
Les cotisations versées au régime ne permettent pas, en tout état de cause, de financer les avantages spécifiques, soit principalement les possibilités de départ anticipé et les bonifications de pension. C'est donc la solidarité nationale via le budget de l'État qui finance ces mécanismes. Le coût peut être estimé à 350 millions d'euros par an.
Le contexte d'ouverture à la concurrence n'est, aujourd'hui, pas favorable à la mise en place d'un taux spécifique (T2) destiné à financer ces avantages. Celle-ci complexifierait, en effet, le maintien du droit au régime spécial pour les salariés transférés vers des employeurs de la branche. Le financement du T2 conduirait surtout à renchérir le coût du transport et donc la charge des autorités organisatrices des mobilités ayant recours à la RATP, à l'instar d'Ile-de-France Mobilités.
D. QUEL IMPACT D'UNE FERMETURE DU RÉGIME ?
Une fermeture du régime conduirait à un double mouvement :
- d'une part, une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par la CRP-RATP ;
- d'autre part, afin de compenser cette perte de recettes, une progression de la subvention d'équilibre de l'État.
Ce scénario, coûteux à court terme pour les finances publiques , pourrait cependant être contourné par la mise en place d'une compensation financière versée par le régime général et l'Agirc-Arrco , à l'instar de celui mis en place pour le régime spécial de la SNCF. Les régimes de droit commun percevraient, en effet, à compter de la date de fermeture, les cotisations des salariés de la RATP qui leur seraient désormais affiliés, mais sans avoir encore de droits à pension à honorer, alors même que la CRP-RATP devrait pour sa part continuer d'assurer le versement des pensions aux retraités du régime, actuels ou à venir, mais en ne percevant plus qu'un flux de cotisation en attrition. L'impact financier d'une fermeture du régime de la RATP pour l'État serait alors nul ou quasi nul.
II. LE RÉGIME DES RETRAITES DES GENS DE MER : LA DOUBLE CONTRAINTE DE LA PÉNIBILITÉ ET DE LA COMPÉTITIVITÉ
Le régime des retraites des marins , issu du Fonds des invalides de la marine, institué par Colbert en 1673, est réservé aux gens de mer salariés ou non salariés exerçant une activité directement liée à l'exploitation du navire. La gestion du régime est actuellement assurée par l'Établissement national des invalides de marine (ENIM). Le programme 197 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins », soit 809,57 millions d'euros, contribue pour plus de la moitié à son financement. Le budget de l'ENIM atteint environ 1,57 milliard d'euros.
La dotation du programme 197 s'articule autour de deux axes :
- le financement des dépenses d'intervention liées au risque vieillesse (799,40 millions d'euros en 2021, soit 98,75 % des crédits du programme) ;
- la subvention pour charge de service public dédiée au fonctionnement de l'ENIM (10,17 millions d'euros en 2021).
S'agissant du régime de retraite des marins, il est abondé par :
- des cotisations salariales et patronales dont les montants divergent en fonction du statut des marins et des registres auprès desquels sont enregistrés, les navires sur lesquels ils sont embarqués. Ces cotisations (salariales et patronales) se sont élevées à 135,3 millions d'euros (dont 28,7 millions d'euros compensés par l'État) en 2021 ;
- la subvention d'équilibre versée par l'État via le programme 197. Celle-ci correspond à 78 % des recettes du régime et couvre 82 % des pensions versées. Elle concourt au financement du risque vieillesse et des dispositifs d'action sociale en lien avec le risque vieillesse (1,43 million d'euros en 2020).
En agrégeant subvention d'équilibre et prise en charge des cotisations, le financement de l'État représente 81 % des ressources du régime de retraite des marins.
Évolution des recettes du régime de retraite des marins entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
A. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE QUI REND LE RÉGIME DÉPENDANT AUX FONDS PUBLICS
1. Un nombre réduit de cotisants répartis au sein de 20 catégories
Établi à 29 189 au 31 décembre 2020, le nombre de cotisants devrait baisser de près de 5 % d'ici à 2025, avant d'amorcer une décrue encore plus nette d'ici 2050 (21 100). Le décret du 7 mai 1952 classe les marins affiliés au régime spécial en 20 catégories, reflétant les principales familles de métiers. Chacune des catégories compte entre 1 et 28 fonctions, soit au total 270 fonctions, dont 75 ne concerneraient chacune que 10 marins. Cette grille détermine un salaire forfaitaire sur lequel sont assises les cotisations des marins, contributions des armateurs et pensions de retraite, sans pour autant refléter totalement les salaires effectivement versés. C'est notamment le cas pour les pêcheurs, rémunérés à la part.
Évolution du nombre de cotisants par secteur d'activité entre 2000 et 2020
Année |
Secteur d'activité |
Total 1 ( * ) |
||||
Commerce |
Cultures marines |
Pêche |
Plaisance professionnelle |
Inconnu 2 ( * ) |
||
2000 |
15 145 |
5 082 |
22 064 |
1 114 |
17 486 |
44 475 |
2005 |
15 657 |
5 217 |
20 517 |
1 314 |
15 662 |
43 118 |
2010 |
16 796 |
5 022 |
17 059 |
1 698 |
14 327 |
40 715 |
2015 |
16 170 |
4 916 |
15 832 |
1 771 |
14 680 |
38 921 |
2020 |
15 142 |
4 686 |
14 513 |
2 103 |
17 312 |
36 230 |
Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM
Il convient de rappeler à ce stade que la totalité de la flotte française comme l'ensemble des marins français ne sont pas affiliés à l'ENIM. Les règles sociales dépendent en effet à la fois du pavillon d'immatriculation du navire et de la résidence du marin.
2. Une diminution imputable à la concurrence internationale ?
La diminution du nombre de cotisants peut être liée à plusieurs facteurs :
- le contexte de concurrence internationale et la question de la compétitivité qui ont affecté la taille de la flotte sous pavillon français ;
- le développement de l'automatisation des navires ;
- la progression des gains de productivité.
La question de la concurrence internationale, notamment au sein de l'Union européenne, est sans doute la clé de voute de toute réflexion sur l'avenir du régime des marins. Ainsi, pour une journée d'embarquement, le coût d'un navire français de transport sur la Manche en effectifs atteint 37 206 euros, quand celui du navire chypriote sur le même secteur est évalué à 10 162 euros.
3. Une prise en charge partielle des contributions patronales par l'État
Si 30 taux de cotisation patronale ont été mis en place afin de prendre en compte la taille et l'affectation du navire, le secteur bénéficie de nombreux dispositifs d'exonérations de charges sociales (exonérations pour les propriétaires embarqués sur leurs propres navires, navires immatriculés au registre international français - RIF, dispositif du demi-rôle en outre-mer) qui induisent une compensation par l'État. 95 millions d'euros sont ainsi pris en charge chaque année par l'État . Ces exonérations ne concernent pas uniquement le risque vieillesse. Elles couvrent notamment le dispositif d'exonération de cotisations patronales, dit de « net wage » mis en place en 2021, qui comprend un remboursement aux entreprises des cotisations versées sur les salaires, initialement ouvert au seul secteur des ferries, et étendu, en 2022, à d'autres branches (marchandises, services, croisières).
B. UN RÉGIME COMPOSITE INSUFFISAMMENT FINANCÉ
1. Des prestations adaptées à différents publics
Le régime verse aujourd'hui quatre types de pensions , non cumulables entre elles, selon l'ancienneté :
- la pension d'ancienneté , liquidable lorsque le marin réunit au moins vingt-cinq années de services. L'âge d'ouverture des droits est alors de 50 ans. La pension peut être liquidée à 52 ans et demi voire 55 ans si le marin a cotisé durant 37 ans et demi. Un marin peut, par ailleurs reporter au-delà de ses 55 ans la liquidation de sa pension afin d'acquérir un nombre suffisant d'annuités ;
- la pension proportionnelle , liquidable dès lors qu'au moins quinze années de services ont été accomplies. L'âge d'ouverture des droits est fixé à 55 ans ;
- la pension spéciale , liquidable lorsque la durée de services est comprise entre trois mois et quinze ans. L'âge d'ouverture des droits est fixé à 60 ans mais peut être ramené à 55 ans si le marin détient une autre pension servie par l'État ou par un autre régime de sécurité sociale ;
- la pension de retraite anticipée , versée si, au-delà de 15 annuités de service, l'exercice de l'activité est impossible en raison d'une inaptitude dûment constatée.
Cette offre variée répond à la question centrale de la pénibilité et de son corollaire, la disponibilité . Ces critères justifient également des règles de liquidation éloignées de celles applicables au sein du régime général ou d'autres régimes spéciaux. Il en va ainsi de l'âge d'ouverture des droits fixé entre 50 et 60 ans selon le type de pension, de l'absence de décote ou du mode de calcul des arrérages sur les 3 dernières années de service.
Nonobstant ces avantages, l'âge moyen de liquidation reste supérieur à celui constaté au sein d'autres régimes spéciaux pour atteindre 59,7 ans en 2021. L'âge moyen de départ en retraite est largement supérieur à 55 ans en raison de la part importante de pensions spéciales , accordées aux marins disposant de moins de 15 ans de service et qui sont pour la plupart polypensionnés.
Les montants divergent logiquement en fonction du type de pension.
Nombre de pensionnés directs et montant mensuel
de la pension servie
en décembre 2021
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'ENIM
La question de la pénibilité ne ressort pas nettement s'agissant de l'espérance de vie, comme en témoigne l'âge moyen des pensionnés directs décédés en 2021 : 82,1 ans (82,1 ans chez les hommes et 80,2 ans chez les femmes). La durée moyenne de perception est, quant à elle, établie à 25 ans. Ces données restent cependant des moyennes et n'illustrent qu'imparfaitement la réalité des carrières, leur pénibilité et leur durée. L'indice de fréquence des accidents du travail atteint ainsi en moyenne 60 pour mille ETP dans le secteur, soit un chiffre plus élevé que celui constaté au sein d'autres secteurs d'activité (33,5 pour mille ETP pour l'ensemble des activités terrestres).
2. Une diminution attendue des charges qui ne résout pas la question de la viabilité du régime
Si 2022 devrait coïncider avec une légère montée en charge des pensions, la tendance sur le long terme reste une baisse des versements opérés par le régime. L'ENIM table ainsi sur une diminution de 31,5 % du montant versé annuellement d'ici à 2050. La diminution du nombre de pensionnés à l'horizon 2050 explique principalement cette baisse attendue de la charge.
Projection des montants versés entre 2021 et 2050
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM
En dépit de cette diminution annoncée, le rapport démographique de la caisse des retraites des marins devrait demeurer extrêmement défavorable. Établi à 0,27 cotisant pour 1 retraité (pensionnés directs et réversataires confondus) en 2021, il pourrait remonter à 0,33 à l'horizon 2050. Un tel ratio fragilise toute option d'un désengagement financier de l'État à moyen terme si les paramètres du régime restent inchangés.
C. UNE RÉFORME IMPOSSIBLE ?
Les spécificités du régime comme le contexte social du secteur de la pêche ont largement contribué à l'exclure des précédentes réformes des retraites. Ainsi, de la réforme des retraites de 2014 n'a été retenu que le décalage de la révision annuelle de la pension à la date des pensions des autres régimes. L'article 7 du projet de loi instituant un système universel des retraites (SUR) prévoyait, en 2020, une intégration des assurés du régime d'assurance vieillesse des marins au sein du nouveau système, tout en reconnaissant la spécificité du régime.
La double question de la pénibilité et de la compétitivité fragilise toute velléité de fermeture complète du régime. Elle n'interdit pas pour autant de modifier certains de ses paramètres, en menant à bien une réévaluation progressive de son mode de financement et une prise en compte plus fine des déroulés de carrières, avec en filigrane la question de l'intégration ou non des polypensionnés.
Ainsi, une réforme a minima du régime pourrait passer par une révision des grilles de métiers . Il convient de parvenir à la mise à niveau d'une liste datée comprenant des fonctions disparues (palefreniers) voire insuffisamment ouverte à de nouvelles tâches (officiers électroniciens, fonctions sur les plateformes off-shore), l'affiliation de certains métiers au régime pourrait être revue. Il en va ainsi des ostréiculteurs ou des conchyliculteurs dont l'enregistrement auprès du régime des marins peut être sujet à caution.
La question du temps de mer doit également être abordée. Ainsi, en 2020, plus de 10 % des cotisants au régime ont effectué un service à terre. 272 cotisants se sont notamment vus affectés à terre pour une durée dépassant 4 mois. La question de la pénibilité - qui varie selon les secteurs d'activité et les fonctions occupées - pourrait être appréciée au travers de la notion de temps de mer. Celle-ci pourrait être valorisée au moment de définir les annuités nécessaires à la liquidation ou à la détermination de l'âge d'ouverture des droits.
Le régime de retraite des marins est, par ailleurs, essentiellement un régime dit « de passage » pour les cotisants. Deux facteurs justifient une telle appréciation :
- 70 % à 90 % des bénéficiaires du régime sont des polypensionnés ;
- 48 % des liquidations de pensions concernent des marins ayant eu une carrière inférieure à 15 ans de services (pension spéciale).
Au regard de ces éléments, il convient de s'interroger sur la spécificité du métier de marin dans un parcours de carrière qui semble plus complexe. Le versement d'une pension par un régime spécial qui ne représente qu'une partie de la vie professionnelle de l'assuré pose question. Un reversement des cotisations vers le régime général pourrait être envisagé pour les carrières courtes dans le secteur maritime, ce qui permettrait d'alléger la charge pesant sur le régime spécial.
LES
RECOMMANDATIONS
DE LA RAPPORTEURE SPÉCIALE
Recommandation n° 1 ( direction du Budget ) : Afin de renforcer la lisibilité de l'action de l'État à l'égard des régimes spéciaux de retraite encore ouverts, regrouper au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite » l'ensemble desdits régimes financés par une subvention d'équilibre de l'État (RATP, Marins, Opéra de Paris, Comédie française) et y recenser la dépense fiscale affectée à d'autres régimes (régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), régime des non-salariés agricoles, régime de retraite des avocats (CNBF) et régime des clercs et des employés de notaire).
Sur le régime des retraites des personnels de la RATP :
Recommandation n° 2 (RATP, Caisse de retraites du personnel de la RATP) : Présenter une évaluation des effets potentiels de l'ouverture à la concurrence sur le financement du régime de retraite de la RATP et son ratio démographique, en proposant plusieurs hypothèses d'évolution du marché des transports urbains à Paris et dans la petite couronne.
Recommandation n° 3 ( RATP, Caisse de retraites du personnel de la RATP ) : A défaut de mettre en place un taux de cotisation spécifique pour les avantages spécifiques du régime, compte-tenu du coût qui serait alors supporté par les autorités organisatrices des mobilités, mener à bien une évaluation précise de ce coût.
Recommandation n° 4 (législateur) : Anticiper l'ouverture à la concurrence de l'exploitation des réseaux de la RATP en supprimant le régime spécial de retraite de la RATP, en prévoyant la mise en place d'un mécanisme de compensation financière par la CNAV et l'AGIRC-ARRCO, à l'image du dispositif mis en place dans le cadre de la fermeture du régime de retraite de la SNCF.
Sur le régime de retraites des marins :
Recommandation n° 5 (direction générale des Affaires Maritimes, de la Pêche et de l'Aquaculture) : Procéder, après concertation avec les partenaires sociaux, à une actualisation du décret du 7 mai 1952 afin de mettre à jour les fonctions accomplies, réduire le nombre de catégories, faciliter la fluidité entre elles et revoir l'affiliation de certains métiers au régime (ostréiculteurs, conchyliculteurs) afin de faciliter la correspondance entre salaire forfaitaire et salaire réel et permettre ainsi d'améliorer la soutenabilité financière du régime.
Recommandation n° 6 (législateur) : Intégrer la notion de temps de mer dans le mode de calcul des droits à pension afin de mieux tenir compte de la pénibilité et bonifier ainsi précisément les moments de carrière passés en mer au moment du calcul du nombre d'annuités et de la détermination de l'âge d'ouverture du droit.
Recommandation n° 7 (législateur) : Afin de reconnaître la pénibilité et la disponibilité afférentes à certaines catégories d'emploi, limiter l'affiliation au régime des marins aux carrières longues dans le secteur et prévoir un reversement au régime général des cotisations versées par les assurés affiliés au régime spécial dès lors que la majeure partie de leur carrière est effectuée en dehors du secteur.
AVANT PROPOS
La mission « Régimes sociaux et de retraite » du budget général est structurée autour de trois programmes recensant les subventions versées par l'État à plusieurs régimes spéciaux, qu'ils soient fermés (régimes des personnels de la SEITA et de l'ORTF, Caisses de retraites des régies ferroviaires d'outre-mer) ou ouverts (RATP, Établissement national des invalides de la marine). Le régime de la SNCF est quant à lui fermé depuis le 1 er janvier 2020. Le régime des mines n'accueille qu'un nombre limité de cotisants.
Le dispositif spécifique de congé de fin d'activité pour les conducteurs routiers de camions et d'autocars est également financé par cette mission.
Le programme 195 « Régimes de retraites des mines, de la SEITA et divers » regroupe les dotations attribuées :
- au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines ;
- au régime de retraite de la SEITA ;
- à la Caisse des retraites des régimes ferroviaires d'outre-mer ;
- au régime des personnels de l'ORTF.
Le programme 197 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins » est spécifiquement dédié à cette profession.
Le programme 198 « Régimes sociaux et de retraites des transports terrestres » est principalement dédié aux régimes de la SNCF et de la RATP.
Répartition par programme des crédits de paiement consommés en 2021
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
En 2021, les crédits de paiement consommés au titre de la mission « Régimes sociaux et de retraite » s'élèvent à 6 108,34 millions d'euros.
La répartition des caisses au sein des programmes n'est pas sans susciter d'interrogation. Les programmes regroupent en effet des régimes dont le degré d'ouverture divergent. Le programme 198 intègre ainsi deux régimes spéciaux au destin inégal, celui de la RATP, régime ouvert et celui de la SNCF, fermé depuis le 1 er janvier 2020. Un regroupement des deux régimes ouverts (RATP et régime des retraites des marins) au sein d'un même programme pourrait peut-être faciliter la lisibilité de l'action de l'État à leur égard.
La suppression des régimes spéciaux constitue une des constantes des projets de réforme des retraites avancés ces dernières années. La rapporteure spéciale a donc souhaité évaluer l'impact, pour les finances publiques, d'une telle suppression au travers des cas des deux régimes encore ouverts au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraites » : ceux des personnels de la RATP et des marins 3 ( * ) . Il convient de rappeler à ce stade que le projet de loi instituant un système universel de retraite, dont l'examen a été reporté sine die en mars 2020 puis abandonné, prévoyait une évolution de la contribution de l'État en fonction de « la nature et [de] la dynamique des dépenses [...] à couvrir », intégrant « progressivement les conséquences financières [...] de la suppression des régimes spéciaux et de certaines catégories actives » 4 ( * ) .
Ce rapport de contrôle budgétaire n'a pas à évaluer la pertinence du choix opéré à l'époque de la création de ces régimes de privilégier la garantie d'un accès bonifié à l'assurance-vieillesse au détriment d'avantages salariaux, il tend néanmoins à interroger le périmètre du soutien de la solidarité nationale au financement de droits spécifiques.
Cette étude ne peut être que partielle, car la mission budgétaire ne couvre pas l'ensemble des régimes spéciaux de retraite pour lesquels l'État verse pourtant une subvention d'équilibre. Le financement des caisses de retraites de l'Opéra de Paris ou de la Comédie française est ainsi prévu au sein du programme 131 « Création », rattaché à la mission « Culture ».
Le régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), le régime des non-salariés agricoles, le régime de retraite des avocats (CNBF) et celui des clercs et des employés de notaire sont, quant à eux, financés au moyen de taxes affectées . Ces dépenses fiscales ne sont pas non plus recensées au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».
Financements de l'État en 2020 en direction des
régimes spéciaux non visés
par la mission
« Régimes sociaux et de retraite »
(en millions d'euros)
Régime |
Subvention d'équilibre |
Taxe affectée |
Régime de base des non-salariés agricoles |
2 770 (39,9 % du droit de consommation sur les alcools, droit sur la circulation des vins, cotisation sur les alcools de plus de 18°, droit de circulation sur les bières, droit de consommation sur les produits intermédiaires) |
|
Salariés de la branche des industries électriques et gazières (IEG) |
- |
1 665 (contribution tarifaire d'acheminement - CTA) |
Régime des clercs et employés de notaires |
- |
332 (taxe sur les émoluments) |
Régime complémentaire obligatoire des non-salariés agricoles |
280 (13,81 % du droit de consommation sur les alcools) |
|
Régime des avocats |
- |
4 (droits de plaidoiries) |
Régime des agents de l'Opéra national de Paris |
18 |
1 |
Régime des agents de la Comédie française |
4 |
- |
Total |
22 |
5 052 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
La maquette budgétaire ne permet pas, dans ces conditions, de disposer d'une approche complète des régimes spéciaux financés par l'État.
Recommandation n° 1 (Direction du Budget) : Afin de renforcer la lisibilité de l'action de l'État à l'égard des régimes spéciaux de retraite encore ouverts, regrouper au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite » l'ensemble desdits régimes financés par une subvention d'équilibre de l'État (RATP, Marins, Opéra de Paris, Comédie française) et y recenser la dépense fiscale affectée à d'autres régimes (régime de retraite de la branche des industries électriques et gazières (IEG), régime des non-salariés agricoles, régime de retraite des avocats (CNBF) et régime des clercs et des employés de notaire). |
Au-delà de la dotation budgétaire, la rapporteure spéciale rappelle que la solidarité nationale à l'égard des régimes spéciaux s'exprime également par les compensations démographiques versées par les autres régimes obligatoires d'assurance vieillesse. 5,75 milliards d'euros devraient ainsi être transférés entre les régimes en 2022. Prévue aux articles L. 134-1 et L. 134-2 du code de la Sécurité Sociale, la compensation généralisée vieillesse ou démographique consiste en un mécanisme de rééquilibrage financier entre les régimes obligatoires d'assurance vieillesse. Elle vise à pallier les inégalités provenant des déséquilibres démographiques et des disparités de capacités contributives entre les différents régimes d'assurance vieillesse. Elle se traduit par des transferts de solidarité entre régimes, en faveur de ceux disposant des ratios démographiques les plus déséquilibrés.
Les régimes des mines, des marins, de la SNCF et de la RATP sont concernés par les transferts prévus entre les 12 régimes de salariés 5 ( * ) et les 4 régimes de non-salariés 6 ( * ) . Le montant de ces transferts est calculé en prenant pour hypothèse la constitution d'un régime unique fictif versant à chaque retraité de droit direct âgé de 65 ans ou plus, une prestation commune, unique, égale à la pension moyenne la plus basse des régimes de salariés.
Le régime des marins est aujourd'hui l'un des principaux bénéficiaires de ce dispositif avec 76 millions d'euros prévus en 2022. Ce montant reste cependant loin de ceux perçus par le régime des exploitants agricoles (2,58 milliards d'euros prévus en 2022) et celui des salariés agricoles (2,49 milliards d'euros).
Au total et toutes choses égales par ailleurs, en additionnant dotations budgétaires, dépenses fiscales dédiées et compensations démographiques, les régimes spéciaux de retraites (hors régimes de la fonction publique) sont donc financés à hauteur de 16,67 milliards d'euros par la solidarité nationale en 2022.
Régimes de la mission « Régimes
sociaux et de retraite » bénéficiaires
de la
compensation démographique entre 2016 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Le régime de la RATP fait, quant à lui, faire partie des 6 régimes contributeurs, à hauteur de 36 millions d'euros en 2022. Cette somme reste très faible au regard des transferts aux transferts estimés en provenance de la Caisse nationale d'assurance-vieillesse - CNAV (3,96 milliards d'euros) ou pour la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales - CNRACL (1,02 milliard d'euros).
Principaux régimes contributeurs au
mécanisme de compensation
démographique
en 2022
(en millions d'euros)
Régime |
Montant |
CNAV |
3 960 |
CNRACL |
1 020 |
Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales |
450 |
Caisse nationale des Barreaux de France |
110 |
Caisse nationale des industries électriques et gazières |
40 |
RATP |
36 |
Total |
5 616 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
I. LE RÉGIME DES RETRAITES DE LA RATP : L'OUVERTURE À LA CONCURRENCE, PREMIÈRE ÉTAPE D'UNE FERMETURE ?
Le régime spécial des personnels de la Régie autonome des transports parisiens (RATP), établissement public industriel et commercial, était géré jusqu'au 1 er janvier 2006 par un service dédié au sein dudit établissement. Il bénéficiait d'un triple financement :
- les cotisations salariales ;
- les cotisations patronales ;
- une dotation du syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), remboursée par l'État.
Deux éléments ont conduit à la création d'une caisse autonome dédiée à la gestion des retraites du personnel de la RATP (Caisse de retraites du personnel de la RATP - CRP RATP) :
- la transformation du STIF en établissement public régional aux termes de la loi du 13 août 2004 a conduit au transfert du financement des retraites directement à l'État ;
- la nécessité de provisionner au bilan de l'établissement public industriel et commercial les engagements de retraites , solution comptablement impossible au regard du niveau de fonds propres de la RATP.
La création de la CRP RATP en 2006 et la réforme du mode de financement des retraites de la RATP prévoyait, à l'image de ce qui avait été retenu pour les industries électriques et gazières (IEG) un adossement à la Caisse nationale d'assurance-vieillesse pour la part retraite de base, avec versement concomitant par l'État d'une soulte. Celle-ci n'a pas été considérée comme une aide d'État par la Commission européenne. Reste qu'aucun accord n'a pu être trouvé avec la CNAV quant au montant et aux modalités de versement de cette soulte , conduisant de fait au maintien d'une subvention de l'État aux fins d'équilibre du régime. Cette dotation couvre à la fois le déséquilibre démographique mais aussi les spécificités du régime (abaissement d'âge, bonification ou calcul sur les six derniers mois).
Le régime des retraites de la RATP est aujourd'hui financé à 60,1 % par la subvention d'équilibre versée par l'État via le programme 198. Celle-ci a ainsi atteint 737 millions d'euros en 2021 quand les cotisations (salariales et patronales) se sont élevées à 488,8 millions d'euros.
Évolution des recettes de la CRP-RATP entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
Le montant de la subvention d'équilibre versée par l'État a progressé d'environ 28 % entre 2012 et 2021.
Évolution de la subvention d'équilibre
versée par l'État
au régime de retraite de la RATP
entre 2012 et 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le montant des prestations servies représentait, quant à lui, 1 199 millions d'euros en 2021, contre 982 millions d'euros en 2012. La subvention de l'État représente 62 % de cette somme.
Schéma de financement des prestations servies par la CRP RATP en 2021
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
Les dépenses de la Caisse ont atteint au total 1 226,7 millions d'euros en intégrant les montants versés au titre de la compensation démographique - 20 millions d'euros en 2021 - et diverses charges (0,7 million d'euros en 2021).
Évolution des charges de la CRP-RATP entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
La charge de la Caisse des retraites au titre des pensions versées est appelée à progresser de 50,6 % d'ici 2050 selon les projections fournies par la CRP RATP à la rapporteure spéciale, le montant de celle-ci devant alors atteindre 2,41 milliards d'euros. L'augmentation attendue du nombre de pensionnés justifie en large partie cette majoration.
Évolution des dépenses de pension à la charge de la CRP RATP entre 2025 et 2050
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la CRP RATP
Compte-tenu de ces éléments, le besoin de financement actualisé à horizon 2120 s'élève à 147,6 milliards d'euros avec une hypothèse de taux d'actualisation net d'inflation de - 1,23 %.
Cet indicateur permet de mesurer le montant des crédits qu'il faudrait placer aujourd'hui pour couvrir les besoins de financement futurs. Il correspond donc aux réserves nécessaires pour compenser les déficits futurs du régime. La valeur du besoin de financement reste cependant tributaire du taux d'actualisation retenu, en l'espèce celui du rendement au 31 décembre 2020 de l'obligation assimilée du trésor indexée sur l'inflation européenne (OAT€) de maturité 2036.
Évolution du besoin de financement du
régime de la RATP à l'horizon 2120
en fonction du taux
d'actualisation
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La pertinence de cet indicateur est cependant à relativiser. La CRP RATP ne dispose pas, en effet, d'une stratégie de placement, car elle fonctionne à flux tendu. Elle ne possède par ailleurs aucun actif immobilier, étant locataire de son site.
A. UN RAPPROCHEMENT PROGRESSIF MAIS COÛTEUX AVEC LE RÉGIME GÉNÉRAL
1. Les réformes de 2003, 2010 et 2014 sont aujourd'hui appliquées au sein du régime spécial
a) Un alignement sur le droit commun pour partie différé
Fixées jusqu'alors par un règlement datant du 28 avril 1950, les règles de liquidation des pensions au sein du régime de la RATP ont été une première fois modifiées en 2008, afin d'intégrer les acquis de loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites, dite réforme Fillon, quatre ans et demi après leur entrée en vigueur au sein de la fonction publique et quatorze ans et demi après l'adoption de telles dispositions au sein du régime général.
Le décret n° 2008-637 du 30 juin 2008 portant règlement des retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens prévoit ainsi :
- une progression du nombre de trimestres d'assurance requis pour obtenir une retraite à taux plein, qui passe de 150 en 2008 à 160 en 2012 puis 164 en 2016 ;
- la mise en place, à compter du 1 er janvier 2009, d'un mécanisme de décote et de surcote ;
- l'indexation des pensions sur l'inflation et non plus sur les rémunérations d'activité.
La disposition dite de l' « âge couperet » qui permettait à la RATP de mettre à la retraite les agents ayant atteint l'âge de l'ouverture des droits est supprimée.
Le décret n° 2011-292 du 18 mars 2011 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la Régie autonome des transports parisiens étend au régime spécial l'application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites (réforme Woerth). Celle-ci prévoit le passage de l'âge de départ à la retraite de 60 à 62 ans pour les personnes nées à compter du 1 er janvier 1956. Les assurés nés avant cette date voient l'âge progressivement relevé de 4 mois par génération. Pour les fonctionnaires disposant de mesures d'âge et pouvant bénéficier ainsi d'un âge anticipé de départ à la retraite (catégories actives), les bornes sont également relevées de deux ans. Le calendrier retenu par la loi prévoyait une mise en oeuvre d'ici 2018.
La montée en charge du relèvement des bornes d'âge prévue pour la RATP n'a débuté qu'à compter du 1 er janvier 2017, à raison de quatre mois par génération, à partir de la génération 1967. Variant en fonction des catégories d'emploi, l'âge d'ouverture du droit est, au 1 er janvier 2022, établi à :
- 62 ans pour le tableau S regroupant les agents sédentaires ;
- 57 ans pour les tableaux A (A1 et A2 ), soit les agents de maintenance, sous réserve d'avoir effectué 27 ans dans ce tableau ;
- 52 ans pour le tableau B , soit les opérateurs (machinistes, conducteurs notamment), sous réserve d'avoir effectué 27 ans dans ce tableau.
Âge de liquidation et régimes spéciaux Plusieurs catégories d'assurés bénéficient d'un âge d'ouverture avancé : - les assurés relevant des catégories actives (55/57 ans) ou insalubres (50/52 ans en fonction de l'entrée dans les cadres) au sein des régimes de la fonction publique et des industries électriques et gazières ; - les affiliés au régime de la SNCF ont vu l'âge de liquidation porté de 55 à 57 ans, les agents de conduite bénéficiant d'un âge de départ anticipé porté progressivement de 50 à 52 ans ; - les agents de la Banque de France peuvent bénéficier d'un départ anticipé à 55/57 ans ; - les machinistes, électriciens, régisseurs et pompiers civils ainsi que les emplois comportant des fatigues exceptionnelles reconnus par décret affiliés au régime de la Comédie-Française bénéficient d'un âge d'ouverture des droits à 57 ans ; - les assurés du Port autonome de Strasbourg bénéficient d'une ouverture des droits à 60 ans, cet âge étant ramené à 58 ans réduit pour les ouvriers disposant de 35 ans de services effectifs ; - les affiliés du régime de retraite de l'Opéra national de Paris bénéficient d'âge variant en fonction de la profession : l'âge d'ouverture des droits pour les danseurs est de 40 ans (limite d'âge 42 ans), pour les artistes des choeurs de 50 ans porté progressivement à 57 ans en 2029 (limite d'âge 60 ans). Pour les personnels techniques, l'âge sera porté de 55 ans à 57 ans en 2024 (si fatigues exceptionnelles) ou à 62 ans en 2029 (limite d'âge : 67 ans). Les artistes de l'orchestre, chefs de chant et pianistes accompagnateurs bénéficient d'un âge de liquidation fixé à 60 ans (avec une limite d'âge 62 ans), l'âge de liquidation des autres personnels étant porté de 60 à 62 ans en 2024 (limite d'âge portée à 67 ans). Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire |
Le décret n° 2014-668 du 23 juin 2014 relatif au régime spécial de retraite du personnel de la Régie autonome des transports parisiens transpose de son côté la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites (réforme dite Touraine) au sein du régime spécial :
- les cotisations salariales sont majorées conformément au calendrier retenu par la loi (cf infra .) ;
- la date annuelle de revalorisation des pensions est décalée du 1 er avril au 1 er octobre 7 ( * ) ;
- le nombre de trimestres d'assurance requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein est porté à 172 trimestres pour les assurés nés en 1973. Aucun décalage avec le régime général et les régimes de la fonction publique n'est observé, contrairement à la transposition de cette disposition au sein du régime spécial de la SNCF.
Le projet de loi instaurant un système universel des retraites (SUR), reporté sine die en 2020, prévoyait, de son côté, qu'aucun agent à moins de 5 ans du départ en retraite au moment du vote de la loi ne devait être concerné par le nouveau système.
b) Une extinction progressive des bonifications
Le décret du 30 juin 2008 prévoit également la suppression des bonifications accordées aux « roulants » et aux personnels de maintenance nouvellement embauchés. Cependant, 44,64 % des salariés sous statut bénéficient encore de cette bonification.
Nombre de salariés bénéficiant des bonifications en 2022
Catégorie |
Effectif |
A2 (Mainteneurs) |
2 953 |
B (Roulants) |
16 160 |
Total |
19 113 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la RATP
Les derniers bénéficiaires de ces dispositifs pourraient, en principe, partir en retraite en 2055. En pratique, en se fondant sur des départs avant 60 ans pour ces catégories, l'année de départ des derniers bénéficiaires devrait être comprise entre 2040 et 2045.
Il convient de rappeler à ce stade que les retraités bénéficient toujours, au moment de la liquidation de leur pension, d'u ne indemnité de départ dont le montant est déterminé en fonction de l'ancienneté.
Modalités de calcul de l'indemnité de départ en retraite
Nombre d'annuités |
Nombre de mois de salaire constituant l'indemnité de départ en retraite |
Nombre d'annuités |
Nombre de mois de salaire constituant l'indemnité de départ en retraite |
30 |
2 |
34 |
2,534 |
30,5 |
2,067 |
34,5 |
2,6 |
31 |
2,133 |
35 |
3 |
31,5 |
2,2 |
35,5 |
3 |
32 |
2,267 |
36 |
3 |
32,5 |
2,334 |
36,5 |
3 |
33 |
2,4 |
37 |
3 |
33,5 |
2,467 |
37,5 et plus |
3,5 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la RATP
Le coût de ce dispositif est estimé à 12,8 millions d'euros par an.
2. Un alignement compensé
La réforme de 2008 prévoit un certain nombre de mesures d'entreprises destinées à l'accompagner :
- la création de deux échelons supplémentaires au sein des grilles salariales de la RATP, pour les salariés ayant au moins 26 ans d'ancienneté. Le coût annuel de ce dispositif est estimé à 1 million d'euros par an ;
- l'attribution de points retraite supplémentaires pour les salariés disposant de 28 ans d'ancienneté. Le coût de ce dispositif est estimé à 0,6 million d'euros par an ;
- l'intégration, au sein de l'assiette de cotisations, d'une « prime de compensation » de l'augmentation du taux de cotisation vieillesse intervenue en 2006. Le surcoût lié à cette prime est estimé à 5,8 millions d'euros ;
- la majoration du coefficient de rémunération pour les agents RATP qui prenaient leur retraite entre le 1 er juillet 2008 et le 30 juin 2012 et qui ne bénéficiaient pas de mesures précédentes. Cette majoration était destinée à compenser la baisse de la valeur de l'annuité liée à l'augmentation de la durée de cotisation. Le coût de ce dispositif a été chiffré à 1,6 million d'euros sur la période 2018-2021.
Ces bonifications ont eu mécaniquement des incidences sur le calcul des pensions. In fine , la réforme s'est avérée, d'après la Cour des comptes 8 ( * ) , coûteuse à court-moyen terme, alors qu'elle devait contribuer à rectifier la trajectoire déficitaire du régime.
La rapporteure spéciale relève qu'un surcoût du même ordre avait été observé au sein du régime de la SNCF. La Cour des comptes estimait ainsi que, pour la période 2011-2020, les gains cumulés pour le régime, soit environ 4,1 milliards d'euros, étaient inférieurs aux coûts cumulés pour l'entreprise estimés à 4,7 milliards d'euros. Elle envisageait néanmoins un gain net de l'ordre de 1,2 milliard d'euros à l'horizon 2035.
3. Un régime qui reste favorable
L'âge de départ en retraite moyen, comme la durée de versement moyenne ou les montants perçus viennent souligner une relative imperméabilité du régime au durcissement des conditions d'accès la retraite, potentiellement induites par la transposition des réformes de 2003, 2010 et 2014.
a) Un âge moyen de départ en retraite relativement faible
L'âge moyen d'une liquidation d'une pension de droit direct du régime spécial atteignait 57,3 ans en 2021. Cet âge est stable depuis 2019, après une nette progression constatée depuis 2013.
Age de départ moyen en retraite au sein du régime de la RATP
(en années)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la CRP RATP
Il existe donc bien un décalage entre l'âge d'ouverture des droits et l'âge réel de départ. Ainsi, les âges de départ constatés pour les tableaux A et B ne coïncident pas avec l'âge de d'ouverture des droits : en 2021, l'âge moyen de départ des conducteurs s'élève à 56,03 ans, celui des machinistes (bus) à 56,07 ans. Plus de 21 % des départs en retraite en 2021 concernaient des salariés âgés de 60 ans et plus.
Départs en retraites en 2021 répartis par
classe d'âge
au sein du régime des retraites de la
RATP
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la CRP RATP
L'impact du mécanisme de décote/surcote explique pour partie ce décalage, la volonté de partir avec une retraite à taux plein conduisant désormais à décaler le départ en retraite. 77,2 % des départs en 2021 n'ont, ainsi, pas fait l'objet de décote ou de surcote, 16,9 % ont donné lieu à une décote et 5,9 % à une surcote.
Nombre de pensions liquidées en 2021
Hommes |
Femmes |
Total |
|
Départs avec décote |
152 |
37 |
189 |
Départ sans décote ni surcote |
695 |
169 |
864 |
Départs avec surcote |
56 |
10 |
66 |
Total |
903 |
216 |
1 119 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la CRP RATP
Établi à 57,3 ans, l'âge de départ moyen, tous cadres confondus, reste, cependant, peu élevé. Il convient de rappeler à ce stade que la CNAV table sur un âge moyen de départ en retraite de 62,9 ans pour les assurés du régime général (61,9 ans au sein de la Fonction publique). La faiblesse relevée au sein du régime spécial de la RATP tient pour l'essentiel à la surreprésentation des conducteurs et des machinistes au sein du régime. 73 % des cotisants sont ainsi issus du tableau B.
L'âge de départ est également moins élevé que ceux constatés au sein d'autres régimes spéciaux.
Âge moyen de départ en retraite en 2020 pour les pensionnés directs au sein des autres régimes spéciaux gérés par la mission « Régimes sociaux et de retraite »
Caisse |
Âge moyen |
Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF |
58 ans et 6 mois |
Conducteurs |
54 ans et 1 mois |
Autres agents |
59 ans |
Caisse des retraites des marins |
60,2 ans |
Régime des retraites des mines (chiffre 2015) |
58,8 ans |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
b) Des montants moyens versés supérieurs à la moyenne
La caisse verse actuellement 52 065 pensions pour un montant moyen annuel de 23 409 euros. L'âge moyen de ses pensionnés atteint 72,3 ans.
Stock de pensions servies par la CRP RATP au 1 er janvier 2022
Nombre |
Montant moyen annuel de la pension (en euros) |
Age moyen des bénéficiaires (en années) |
|
Pension directe |
35 170 |
30 807 |
69,5 |
Pension de réversion |
10 516 |
11 848 |
80,2 |
Pension d'orphelin |
496 |
4 801 |
33,2 |
Pension directe de coordination |
4 347 |
1 592 |
76 ,7 |
Pension de réversion de coordination |
1 536 |
894 |
81,1 |
Total |
52 065 |
23 409 |
72,3 |
Source : commission des finances d'après les données transmises par la CRP-RATP
La valeur moyenne des pensions nouvellement liquidées atteignait 2 762,59 euros en 2020 et 2 799,47 euros en 2021. Pour mémoire, la pension moyenne brute de droit s'élevait à 1 401 euros pour les personnes retraitées résidant en France en 2019 9 ( * ) .
Montant moyen mensuel des pensions liquidées en 2019 10 ( * )
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la CRP-RATP et direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé, Les retraités et les retraites - édition 2021
Même s'il a diminué au cours des deux derniers exercices, le montant de la pension moyenne d'un liquidant actuel (flux) était, en 2021, plus conséquent que celle d'un pensionné en stock : 34 478 euros annuels contre 30 807 euros annuels.
Valeur moyenne des pensions mensuelles nouvellement
liquidées
versées par la CRP RATP
(en euros)
Catégorie |
Hommes |
Femmes |
Ensemble |
|||
2020 |
2021 |
2020 |
2021 |
2020 |
2021 |
|
Cadres |
5 094,01 |
4 982,49 |
4 675,42 |
4 673,45 |
4 998,23 |
4 936,41 |
Maîtrises |
3 333,30 |
3 446,99 |
3 221,78 |
3 225,11 |
3 310,39 |
3 406,84 |
Opérateurs |
2 226,24 |
2 205,32 |
1 920,01 |
2 029,48 |
2 174,85 |
2 169,13 |
Total |
2 787,24 |
2 858,40 |
2 653,20 |
2 553,08 |
2 762,59 |
2 799,47 |
Source : commission des finances du sénat d'après les données transmises par la CRP-RATP
c) Une espérance de vie dans la lignée de celle constatée pour l'ensemble des Français
Au-delà de la question des montants, il convient de relever que l'espérance de vie des pensionnés du régime spécial rejoint celle enregistrée pour la moyenne des Français par l'INSEE : 23 ans en 2021 pour les Français âgés de 60 ans. Les pensionnés directs du régime décédés en 2020 avaient en moyenne 81,48 ans.
La durée moyenne de service des pensions atteignait, quant à elle, en 2020 : 27,35 ans.
Durée de versement moyenne d'une pension directe servie par le régime de la RATP et âge moyen du pensionné direct au moment du décès
(en années)
Durée de versement |
Age moyen au décès du pensionné direct |
|||||
Hommes |
Femmes |
Total |
Hommes |
Femmes |
Total |
|
Cadres |
27,85 |
26,65 |
27,68 |
85,21 |
86,12 |
85,34 |
Maîtrises |
25,90 |
26,92 |
26,02 |
80,34 |
83,77 |
80,75 |
Opérateurs |
27,18 |
30,85 |
27,86 |
80,40 |
84,11 |
81,09 |
Total |
26,92 |
29,72 |
27,35 |
80,94 |
84,25 |
81,48 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par la CRP RATP
B. L'OUVERTURE PROGRESSIVE À LA CONCURRENCE DEVRAIT PROGRESSIVEMENT DÉGRADER LE RATIO DÉMOGRAPHIQUE ET POSER LA QUESTION DE LA FERMETURE DU RÉGIME
1. Une ouverture à la concurrence progressivement mise en oeuvre à compter de 2025
a) L'ouverture à la concurrence du mode Bus dès 2025 devrait se traduire par d'importants transferts de personnels
En application du règlement n° 1370/2007/CE du 23 octobre 2007 du Parlement européen et du Conseil relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route, la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires et portant diverses dispositions relatives aux transports a prévu la mise en concurrence de l'exploitation des réseaux de la RATP à compter du :
- 31 décembre 2024 pour les services réguliers de transport routier (mode Bus) ;
- 31 décembre 2029 pour les services réguliers de transport par tramway ;
- 2040 pour les autres services réguliers de transport guidé (Métro et Réseau express régional - RER).
Les nouvelles lignes de transport parisien sont, quant à elles, d'ores et déjà ouvertes à la concurrence, à l'image des tramways T9, T10 ou des futures lignes de métro du grand Paris 11 ( * ) . La gestion de l'infrastructure continue, de son côté, à relever du monopole de la RATP, sans limite de temps.
Contrairement à la SNCF, l'ouverture à la concurrence n'est pas doublée d'une fermeture du recrutement sous statut.
S'agissant du mode Bus , la RATP devra donc assurer le service jusqu'au 31 décembre 2024, et transférer dans les entreprises ayant gagné les lots les effectifs nécessaires à la continuité du service. Ainsi, tous les salariés concourant à l'activité Bus (directement ou indirectement soit environ 19 000 salariés) seront transférés dans les sociétés ayant remporté les appels d'offres. L'activité Bus de la RATP sera de son côté transférée au sein de sa filiale Cap Ile-de-France. À l'issue de ce transfert, le renouvellement des effectifs sera assuré par les repreneurs.
b) La mise en place d'un « sac à dos social »
Les agents concernés par l'ouverture à la concurrence devraient donc voir leur contrat de travail automatiquement transféré vers la filiale de la RATP ou une autre entreprise, ceux qui refuseraient ce transfert devant être licenciés par le repreneur. Les salariés concernés ne seront par conséquent plus sous contrat avec l'EPIC RATP, et ne bénéficieront plus du statut du personnel et de l'ensemble des dispositions de l'EPIC. La progression de carrière - passage des conducteurs du mode Bus vers le mode métro puis le mode RER - est également interrompue par ces transferts.
Le « sac à dos social », mis en place par la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM), prévoit cependant que les agents RATP transférés au sein des entreprises concurrentes ou de la filiale Cap-Ile-de-France, ainsi que leurs nouveaux employeurs, restent contributeurs du régime de retraite de la RATP.
En revanche, les personnels nouvellement embauchés, au sein de la filiale Cap Ile-de-France ou des entreprises concurrentes, seront couverts par la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986 ou la Convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport du 21 décembre 1950. Il s'agit donc d'une première étape en vue d'une fermeture de fait du régime.
Les conséquences en termes de collecte n'ont pas encore été détaillées, la CRP RATP restant dans l'attente du contenu du décret d'application d e l'article L. 3111-16-9 du code des transports introduit par la loi LOM, relatif au maintien du régime spécial de retraite RATP pour les salariés statutaires RATP transférés à un nouvel employeur.
Les travaux d'instruction de ce décret dit « sac à dos social » ont débuté en décembre 2021 avec les ministères concernés (direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités, direction du budget, direction de la sécurité sociale), la caisse des retraites de la RATP et l'EPIC RATP. Dans ce cadre, des travaux actuariels sur la portabilité du régime spécial (détermination des taux, assiette et périodes de cotisations, du salaire de référence pris en compte, pension de réforme, correspondances entre catégories d'emploi etc.) Ces travaux techniques et juridiques seront suivis de concertations avec les deux branches professionnelles concernées (organisations patronales et salariales). La publication de ce décret est prévue à la fin du second semestre 2022.
Pour l'heure, seuls les tableaux des métiers ont été rapprochés via le décret n° 2021-1027 du 30 juillet 2021 relatif à l'information, à l'accompagnement et au transfert des salariés de l'EPIC RATP en cas de changement d'exploitant d'un service régulier de transport public par autobus ou autocar en Ile-de-France.
Celui-ci a créé l'article R. 3111-36-2 du code des transports, aux termes duquel sont identifiés trois groupements d'emplois afin de rassembler les différentes catégories d'emploi existantes :
- les emplois d'exploitation, de maintenance et les fonctions transverses concourant directement à la production, soit les activités opérationnelles nécessaires au service transféré ;
- les emplois relevant de spécialités techniques concourant indirectement à la production du service transféré, c'est-à-dire les emplois d'activités d'appui technique à la production du service transféré ;
- les emplois concourant indirectement aux activités du service transféré, soit les fonctions support.
S'agissant de l'organisme de recouvrement, il n'est pas prévu à ce stade que l'Urssaf Caisse nationale (ex-ACOSS) joue le rôle de « passerelle ». La CRP RATP souhaiterait, de son côté, pouvoir accéder, d'ici 2025, au répertoire de gestion des carrières unique (RGCU), qui regroupe les données élémentaires de carrière disponibles de tous les régimes, de base et complémentaires. Dans le même ordre d'idée, la caisse souhaiterait également utiliser la déclaration sociale nominative (DSN) afin d'intégrer au mieux les données transmises par les nouveaux employeurs.
c) La prise en compte de la pénibilité
Le travail en cours sur le décret d'application devrait aborder la question du calcul de la retraite, la prise en compte des primes et des points, les départs anticipés et les dispositifs de fin de carrière, l'éventuelle création d'un taux d'abattement, les modalités de réforme et la composition de la commission statuant sur ces situations ainsi que la prise en compte de la pénibilité.
Le transfert des agents de la RATP affectés au mode bus met en effet en lumière la question de la pénibilité. L'existence de contraintes spécifiques d'exploitation a conduit à la mise en place d'un cadre social territorialisé (CST), commun à tous les conducteurs opérant sur les lignes RATP appelées à être ouvertes à la concurrence. Le CST recense les règles propres, en matière de temps de travail et de repos (amplitude horaire, durée maximum de travail...), mais également les garanties offertes aux salariés (repos et congés).
Le CST peut se justifier compte tenu des particularités d'exploitation au regard de la densité de population exceptionnelle sur ce périmètre (20 641 habitants par km² à Paris, soit la sixième ville la plus dense au monde) et du rôle central de Paris dans la vie économique et sociale (60 % de l'ensemble des événements dits d'ordre public - manifestations, grands événements, voyages officiels - se déroulent sur le seul territoire de Paris). Ce rôle justifie notamment un fonctionnement continu du réseau.
Une étude comparative menée par la RATP et transmise à la rapporteure spéciale met en avant plusieurs spécificités du réseau parisien par rapport à celles des principales agglomérations de province :
- une fréquentation annuelle par ligne de bus trois fois supérieure à la moyenne et une fréquentation annuelle des bus ramenée à chaque agent roulant deux fois plus élevée ;
- deux tiers de l'ensemble des vols et agressions enregistrés dans les transports en commun ont lieu en Île-de-France ;
- le temps moyen passé par un conducteur dans les embouteillages est plus de deux fois plus élevé à Paris (65,3 heures) que dans toutes les autres villes françaises. Il est ainsi observé une variabilité des temps de parcours à Paris de plus de 50 % compte-tenu du trafic, soit plus de dix fois celle constatée en moyenne en province. Il n'est pas étonnant dans ces conditions qu'en moyenne, les réseaux de transport public de province présentent une vitesse commerciale un quart supérieure ;
- les intervalles entre deux passages de bus sont supérieurs de plus de 50 % sur les principaux réseaux de province aux heures de pointes du matin et du soir.
La rapporteure spéciale ne mésestime pas la spécificité du transport parisien et appuie la mise en oeuvre d'un cadre commun à tous les conducteurs de bus destiné à tenir compte des contraintes propres au métier. Elle souhaite cependant remettre en perspective les contraintes inhérentes au transport urbain à Paris et au sein de la petite couronne en rappelant les difficultés rencontrées par chauffeurs de transports de personnes, en particulier scolaires , dans les territoires , qu'il s'agisse de la faiblesse des salaires versés ou de l'amplitude horaire importante entre les trajets.
La rapporteure spéciale note, en outre, que la durée moyenne de versement des pensions directes servies aux conducteurs est relativement élevée : 26,1 années en 2020. Compte-tenu notamment d'un âge de départ relativement faible - 56,03 ans pour les pensions liquidées en 2021 - elle apparaît en phase avec l'espérance de vie constatée à 60 ans en 2021 par l'INSEE pour l'ensemble de la population française (23 ans pour les hommes).
De fait, au regard des données disponibles en matière d'espérance de vie des retraités de la RATP et des conditions de travail des agents d'autres sociétés de transports collectifs, la question de la pénibilité ne peut constituer la raison d'un maintien du régime spécial de la RATP.
2. Un ratio démographique appelé à se dégrader avant même la prise en compte des effets de l'ouverture à la concurrence
Le nombre total de cotisants au régime des retraites au sein de chacun des tableaux s'établissait à 40 182 au 1 er janvier 2022. Pour mémoire, le nombre de cotisants atteignait 42 803 en 2020, avant la mise en place d'un plan de départs volontaires.
La diminution du nombre de cotisants enregistrée au cours des derniers exercices tient également à une progression du nombre de licenciements et des ruptures conventionnelles au cours des derniers exercices.
Licenciements et ruptures conventionnelles mis en oeuvre au sein de l'EPIC RATP depuis 2010
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la RATP
Ces départs peuvent interroger au regard du recours depuis le début de l'année 2022 à des retraités du régime pour assurer la conduite de bus (8 retraités depuis le début de l'exercice).
Cotisants à la CRP RATP au 1 er janvier 2022
Catégorie |
Effectifs |
S |
6 458 |
A1 |
464 |
A2 |
3 877 |
B |
29 383 |
Total |
40 182 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la RATP
Il convient de rappeler à ce stade que seuls les salariés de l'établissement public RATP qui remplissent la condition d'âge à l'embauche (moins de 35 ans) bénéficient du statut du personnel RATP et sont affiliés au régime des retraites. Ainsi, au sein de l'EPIC, sur 46 826 salariés au 31 décembre 2020, seuls 41 908 disposaient du statut.
Les salariés des filiales de la RATP 12 ( * ) - 23 541 employés au 31 décembre 2021 - ne cotisent donc pas au régime spécial.
Le ratio démographique peut être calculé de deux manières :
- il peut représenter le nombre de cotisants par rapport au nombre de pensions directes et de pensions de réversion (ratio 1) ;
- il peut résulter du rapport entre nombre de cotisants et nombre de pensions directes auquel est ajouté la moitié du nombre de pensions de réversion (ratio 2).
La CRP RATP table sur une diminution des deux ratios démographiques à partir de 2035.
Évolution du ratio démographique de la CRP-RATP entre 2025 et 2050
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la CRP RATP
Les études actuarielles sur les perspectives du régime spécial reposent cependant sur une hypothèse de stabilité du nombre de cotisants , ce qui devrait s'avérer inexact compte-tenu de l'ouverture à la concurrence d'une partie des activités de la RATP. Une telle option ne permet pas de disposer d'une évaluation fiable des incidences de cette ouverture sur l'avenir du régime et de son financement.
La RATP juge aujourd'hui prématurée d'évaluer le nombre de personnels transférés vers les entreprises concurrentes. Reste que le nombre d'employés du réseau Bus est d'ores et déjà connu et peut servir d'hypothèse de départ pour estimer une diminution à terme du nombre de cotisants.
La rapporteure spéciale relève en outre que les perspectives de recrutement à court terme renforcent l'impression de cette attrition. La RATP prévoyait de recruter 4 100 personnes en France en 2022, dont près de 3 400 en Ile-de-France et 500 en province dans les réseaux gérés par la filiale RATP Dev. La moitié des recrutements franciliens consisteraient en des contrats d'insertion et d'apprentissage. S'agissant du réseau bus, compte-tenu de l'incertitude entourant l'ouverture à la concurrence, l'EPIC n'a retenu qu'un chiffre de 400 contrats à durée indéterminée, qui contraste avec les 1 600 offres formulées en 2020 et les 1 400 offres présentées en 2019.
Recommandation n° 2 ( RATP, Caisse des retraites du personnel de la RATP ) : Présenter une évaluation des effets potentiels de l'ouverture à la concurrence sur le financement du régime des retraites de la RATP et son ratio démographique, en proposant plusieurs hypothèses d'évolution du marché des transports urbains à Paris et dans la petite couronne. |
C. COMMENT FINANCER LES AVANTAGES SPÉCIFIQUES ?
1. Les cotisations versées à la CRP RATP ne couvrent pas les avantages spécifiques
Le taux de cotisation auprès du régime des retraites de la RATP s'établit à :
- 12,95 % s'agissant des cotisations salariales ;
- 19,13 % en ce qui concerne la contribution patronale.
Le taux de cotisation patronale évolue chaque année en fonction des résultats de l'année précédente.
L'assiette de cotisation est définie à l'article 2 du décret n° 2005-1636 du 26 décembre 2005 relatif aux conventions financières passées par le régime spécial de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens, au taux et à l'assiette des cotisations perçues par ce régime et modifiant le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France. Elle couvre la rémunération statutaire, le treizième mois et le treizième mois partiel, les allocations pour travail de nuit tardif ou matinal-nuit et les allocations complémentaires de nuit.
Évolution des taux de cotisation du régime des retraites de la RATP depuis 2013
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Taux salarial |
12,00 % |
12,20 % |
12,30 % |
12.35% |
12.50% |
12.55% |
12.95% |
12.95 % |
12,95 % |
Taux patronal |
18,06 % |
18,39 % |
18,56 % |
19% |
19.06% |
19.29% |
19.18% |
18.84% |
19,13 % |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire
Les cotisations versées au régime ne permettent pas, en tout état de cause, de financer les avantages spécifiques, soit principalement les possibilités de départ anticipé et les bonifications de pension. C'est donc la solidarité nationale via le budget de l'État qui finance ces mécanismes. La suppression des bonifications - qui représentent d'après la RATP 85 % du coût des avantages spécifiques - pour les salariés embauchés à compter du 1 er janvier 2009 devrait néanmoins progressivement réduire les avantages spécifiques aux départs anticipés.
Dans son rapport publié en 2019, la Cour des comptes estimait le coût des droits spécifiques à 350 millions d'euros, soit près du tiers du montant des prestations servies. L'IGAS a confirmé ce montant en 2021. Ce chiffre reste cependant approximatif, la CRP RATP relevant que certains dispositifs étant difficilement évaluables.
La rapporteure spéciale a cependant pu obtenir certaines précisions :
- le coût des coefficients multiplicateurs ou majorants exceptionnels mis en place par l'entreprise RATP après la réforme des retraites de 2008 est estimé à 70 millions annuels ;
- le coût des points nuit est évalué à 5,1 millions annuels ;
- le montant des bonifications pour enfants est estimé à 4,3 millions annuels, même si ce chiffre est insuffisamment fiabilisé ;
- les mêmes réserves quant à la fiabilité concernant les bonifications métier avaient été faites également, chiffrées à 43,5 millions annuels.
2. La mise en place d'un T2 est-elle encore possible ?
Parmi les recommandations qu'elle avait alors adressées à l'État en 2019, la Cour des comptes avait appelé à engager une réforme du financement du régime en isolant le coût des droits spécifiques, par exemple via la définition d'un taux de cotisation destiné à financer les droits spécifiques au régime (taux dit T2).
Le taux de cotisation patronale aux régimes spéciaux est en effet en principe composé :
- d'une première partie (T1), qui équivaut aux cotisations qui devraient être versées si les salariés relevaient des dispositions de droit commun ;
- d'une seconde partie (T2), destinée à financer les droits spécifiques aux régimes spéciaux (départ anticipé, bonification, majoration de pension au moment de la liquidation).
Cette solution retenue logiquement pour le régime de retraite des personnels de la SNCF n'a pas été mise en oeuvre pour la caisse de retraite du personnel de la RATP. Cette position serait justifiée par le fait que les droits spécifiques du régime des retraites de la RATP seraient moins importants que ceux mis en place au sein du régime spécial des salariés de la SNCF. Par ailleurs, le décret du 26 décembre 2005 13 ( * ) relatif aux conventions financières entre l'État et la RATP prévoit que jusqu'à 45 000 emplois sous statut, les droits sont couverts par l'État, à charge pour l'entreprise de contribuer au-delà de ce seuil, qui n'a jamais été atteint.
En résulte un taux unique de cotisations patronales, établi à 19,13 % en 2021, qui ne représente de fait que le taux qui devrait être retenu si les salariés de la RATP relevaient du droit commun, sans prise en compte du coût des avantages spécifiques.
Le projet de loi instaurant un système universel de retraites (SUR) prévoyait, s'agissant des droits dérogatoires au droit commun (départs anticipés et bonifications notamment), que les employeurs assument tout ou partie de leur coût, via une sur-cotisation (le quantum et les modalités pratiques n'étaient toutefois pas encore arrêtées) . Le texte proposait, en outre, une convergence progressive des âges de départ vers l'âge légal d'ouverture des droits, les droits familiaux et conjugaux devant être, dans le même temps, refondus. Le report du texte n'a pas permis que ces évolutions soient effectivement mises en oeuvre.
L'instauration d'un T2 pourrait, en tout état de cause, prendre appui sur le dispositif retenu à la SNCF. La RATP aurait alors à sa charge la couverture d'environ 2/3 des droits spécifiques, soit 266 millions d'euros. Le taux de contribution employeur T2 pourrait ainsi atteindre 17 %, comme l'a indiqué la direction du budget à la rapporteure spéciale.
Reste que le contexte d'ouverture à la concurrence n'est, aujourd'hui, pas favorable à la mise en place d'un T2 . Celle-ci complexifierait, en effet, le maintien du droit au régime spécial pour les salariés transférés vers des employeurs de la branche.
Le financement du T2 conduirait surtout à renchérir le coût du transport et donc la charge des autorités organisatrices des mobilités ayant recours à la RATP, à l'instar d'Ile-de-France Mobilités.
Recommandation n° 3 ( RATP, Caisse des retraites du personnel de la RATP ) : À défaut de mettre en place un taux de cotisation spécifique pour les avantages spécifiques du régime, compte-tenu du coût qui serait alors supporté par les autorités organisatrices des mobilités, mener à bien une évaluation précise de ce coût. |
D. QUEL IMPACT POUR UNE FERMETURE DU RÉGIME ?
1. Une compensation financière versée par le régime général et l'Agirc-Arrco permettrait de réduire le coût pour les finances publiques
Une fermeture du régime conduirait à un double mouvement :
- d'une part, une attrition du nombre de cotisants avec pour corollaire une baisse des cotisations perçues par CRP-RATP ;
- d'autre part, afin de compenser cette perte de recettes, une progression de la subvention d'équilibre de l'État.
Ce scenario, coûteux à court terme pour les finances publiques, pourrait cependant être contourné par la mise en place d'une compensation financière versée par le régime général et l'Agirc-Arrco. Les régimes de droit commun percevraient, en effet, à compter de la date de fermeture, les cotisations des salariés de la RATP qui leur seraient désormais affiliés, mais sans avoir encore de droits à pension à honorer, alors même que la CRP-RATP devrait pour sa part continuer d'assurer le versement des pensions aux retraités du régime, actuels ou à venir, mais en ne percevant plus qu'un flux de cotisation en attrition.
Au-delà de la question de la diminution des flux de cotisation pour la CRP-RATP, la compensation financière devrait également neutraliser l'impact de la fermeture du régime sur la compensation généralisée vieillesse ou compensation démographique. Elle intègrerait en outre les engagements retraite que les régimes de droit commun seraient amenés progressivement à assumer.
Cette solution a été retenue en 2020 pour faire face à la fermeture du régime spécial de la SNCF 14 ( * ) . Les modalités de cette compensation ont été définies dans le cadre d'une convention tripartite entre la CNAV, l'Agirc-Arrco et la CRP SNCF signée le 18 janvier 2021. Les modalités de calcul ont été arrêtées jusqu'en 2024. Le montant de la compensation a atteint 20,6 millions d'euros en 2021. Il est appelé à croître.
Évolution du montant de la compensation financière CNAV - Agirc-Arcco versée à la CPRP SNCF
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
La direction du budget estime, dans l'hypothèse de la mise en place d'un tel mécanisme, que l'impact financier d'une fermeture du régime de la RATP pour l'État serait nul ou quasi nul.
Recommandation n°4 (législateur) : Anticiper l'ouverture à la concurrence de l'exploitation des réseaux de la RATP en supprimant le régime spécial de retraite de la RATP, en prévoyant la mise en place d'un mécanisme de compensation financière par la CNAV et l'AGIRC-ARRCO, à l'image du dispositif mis en place dans le cadre de la fermeture du régime des retraites de la SNCF. |
2. Quel avenir pour la CRP-RATP ?
La CRP RATP en charge de la gestion du régime a signé une convention d'objectif et de gestion (COG) 2022-2026 avec l'État. La rapporteur spéciale note que celle-ci n'anticipe pas, cependant, les conséquences d'une ouverture à la concurrence voire d'une intégration au sein d'un régime universel.
Le budget de la caisse est établi à 5,89 millions d'euros en 2022. Elle emploie 43 équivalents temps plein.
Budget prévisionnel de la CRP RATP 2022-2026
(en millions d'euros)
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
2026 |
|
Dépenses à caractère limitatif |
5,46 |
5,27 |
5,43 |
5,11 |
5,04 |
Fonctionnement |
2,04 |
2,01 |
1,98 |
1,95 |
1,92 |
Personnel |
3,13 |
3,08 |
3,03 |
2,98 |
2,94 |
Investissement |
0,30 |
0,18 |
0,43 |
0,18 |
0,18 |
Dépenses à caractère évaluatif 15 ( * ) |
0,43 |
0,46 |
0,47 |
0,30 |
0,44 |
Total |
5,89 |
5,72 |
5,90 |
5,41 |
5,48 |
Source : commission des finances d'après les données transmises par la CRP-RATP
La CRP a pu afficher une diminution de ses frais de gestion de 6 % en 2020. Le contexte sanitaire a justifié pour partie cette baisse sensible, avec une consommation moins importante des enveloppes « frais de personnel » et « investissement ». Le taux de consommation des crédits s'est ainsi établi à 80 % en 2020. Dans un contexte de reprise, il n'est pas étonnant que les frais de gestion progressent en 2021 de 14 % par rapport à l'exercice précédent (+0,64 million d'euros), le taux de consommation des crédits atteignant 89 %. Reste une évolution à la baisse dans la durée du ratio des frais de gestion qui est passé de 0,78 % en 2009 à 0,39 % en 2020 (0,42 % en 2019).
L'exercice 2021 a cependant été marqué par une nette progression du coût unitaire d'une primo-liquidation de pension de retraite : 93 euros contre 70 euros en 2020. Cette progression est en premier lieu due à un changement important et progressif de la méthodologie d'enregistrement et de suivi en comptabilité analytique. Ainsi, les effectifs du contrôle de la liquidation ont été mieux pris en compte en 2021 qu'en 2020 et ceux du service comptable l'ont été dans leur complétude pour la première fois. Une partie de l'augmentation est par ailleurs liée à un nombre de liquidations en 2021 un peu inférieur à la prévision (2 138 contre 2 200), et à un nombre d'ETP plus important qu'en 2020, l'absentéisme ayant été moins élevé en 2021 qu'en 2020.
La Cour des comptes avait, en juillet 2019, formulé deux recommandations quant à la gestion de la CRP-RATP : mettre fin aux irrégularités dans les formules de calcul des pensions de droit direct et développer les mutualisations avec d'autres caisses, en particulier pour les fonctions support et les outils informatiques. Force est de constater que celles-ci ont été suivies d'effets avec :
- d'une part le transfert à la RATP de la gestion des bonifications en vue du calcul et de la liquidation des pensions de droit direct ;
- d'autre part, la mise en oeuvre de mutualisations de certains achats avec d'autres organismes (Cavimac, UGAP), de l'impression et des audits avec la CPRP SNCF ou une partie du service informatique avec la CRP CEN. D'autres processus de mutualisation sont actuellement étudiés s'agissant des ressources humaines ou de la communication.
La rapporteure spéciale s'interroge aujourd'hui sur l'avenir de la CRP RATP dans le contexte d'ouverture à la concurrence d'une partie du réseau. La CRP pourrait, de prime abord, avoir vocation à devenir une caisse de branche à l'image de ce qu'est devenue la CPRP SNCF.
Reste que cet exemple a ses limites . La CPRP SNCF gère également les risques invalidité-décès, accidents du travail - maladies professionnelles (AT/MP) et maladie-maternité, alors que la CRP RATP ne gère pour l'heure que le risque vieillesse, la caisse de coordination des assurances sociales (CCAS) étant en charge des autres risques. La direction de la sécurité sociale, interrogée par la rapporteure spéciale, relève par ailleurs un risque de départage difficile des compétences entre la caisse de branche et la caisse nationale d'assurance-maladie et de faiblesse de l'interopérabilité des systèmes d'information.
Il convient, en outre, de relever qu'aucun acteur du secteur ne semble, pour l'heure, avoir sollicité la création d'une caisse de branche du transport public urbain. L'étalement jusqu'en 2039 de l'ouverture à la concurrence ne justifie pas, en outre, d'une éventuelle urgence.
II. CONTRAINTE DE LA PÉNIBILITÉ ET DE LA COMPÉTITIVITÉ
Le régime des retraites des marins est issu du Fonds des invalides de la marine, institué par Colbert en 1673. Ce Fonds prévoyait le prélèvement d'un faible pourcentage sur la solde des marins aux fins de financement des hospices maritimes destinés à héberger et à soigner les marins estropiés. Une demi-solde correspondant à la moitié de leur revenu d'activité est versée aux marins concernés à partir de 1689, préfigurant la pension d'invalidité actuelle. Initialement réservé aux personnels de la marine royale, le régime est progressivement étendu à tous les secteurs d'activité. Le dispositif est finalement réservé aux marins civils en 1898, une caisse de prévoyance étant instituée en 1938, dont la spécificité est reconnue par l'ordonnance du 4 avril 1945.
Le régime des retraites est réservé aux marins tels que définis par l'article L. 5511-1 du code des transports, soit les gens de mer salariés ou non salariés exerçant une activité directement liée à l'exploitation du navire. Les marins au commerce, les marins à la pêche et les gens de mer exerçant à bord d'un navire une activité professionnelle à quelque titre que ce soit sont concernés. Les gens de mer affiliés doivent, conformément aux articles L. 5512 et 5513 du code des transports faire état des qualifications professionnelles et de l'aptitude physique nécessaires, voire de connaissances juridiques et linguistiques pour les capitaines et suppléants.
La gestion du régime est actuellement assurée par l'Établissement national des invalides de marine (ENIM). Cet établissement public administratif est placé sous la tutelle des ministères chargés de la mer, du budget et de la sécurité sociale. Il comprend deux caisses :
- la caisse générale de prévoyance des marins, qui couvre les risques maladie, maternité et invalidité (89 794 affiliés en décembre 2020 dont 19 910 ayant-droits) ;
- la caisse des retraites, qui couvre le risque vieillesse.
En dépenses, la branche vieillesse représente environ deux tiers du total des charges de l'ENIM et la maladie le tiers restant.
Le programme 197 « Régimes de retraites et de sécurité sociale des marins » - 13,25 % des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » consommés en 2021, soit 809,57 millions d'euros - contribue pour plus moitié à son financement, le budget de l'ENIM atteignant environ 1,57 milliard d'euros.
La dotation du programme 197 s'articule autour de deux axes :
- le financement des dépenses d'intervention liées au risque vieillesse (799,40 millions d'euros en 2021 , soit 98,75 % des crédits du programme) ;
- la subvention pour charge de service public dédiée au fonctionnement de l'ENIM (10,17 millions d'euros en 2021 ).
Budget exécuté au titre de l'année 2021 de l'ENIM (hors versements de prestations)
(en millions d'euros)
Catégorie de dépense |
Montant |
Personnel |
18,11 |
Fonctionnement |
7,48 |
Intervention |
5,23 |
Investissement |
2,31 |
Total |
33,17 |
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
L'ENIM comptabilisait 278 équivalents temps plein travaillé en 2021, le plafond d'emplois étant fixé à 293. La sous-exécution constatée sur l'exercice 2021 correspond pour la majeure partie à des retards dans les recrutements pour les postes vacants. Les recrutements qui devaient se conclure en 2021, auront finalement lieu en 2022.
Un établissement réparti sur plusieurs sites Le parc immobilier de l'ENIM (surface utile brute globale de 17 134 m²) se compose pour 8 291 m² de bureaux : - Quatre immeubles de bureaux dont le siège social situé, depuis le 1 er octobre 2012, à Périgny en Charente-Maritime et trois sites de production situés en Bretagne ; - deux antennes du service du contrôle médical à Bordeaux et à Marseille ainsi que, depuis le 1 er mai 2018, trois bureaux de passage à Paris. 8 843 m² du parc est dédié à des immeubles sociaux : - deux hôtels des gens de mer (La Rochelle, Le Havre), qui étaient destinés à l'accueil des marins et de leur famille en escale dans les ports et ouverts à l'ensemble des autres clientèles ; - un foyer logement pour personnes âgées non dépendantes (Saint-Quay-Portrieux). Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire |
S'agissant du régime de retraite des marins, il est abondé par :
- des cotisations salariales et patronales dont les montants divergent en fonction du statut des marins et des registres auprès desquels sont enregistrés les navires sur lesquels ils sont embarqués . Ces cotisations (salariales et patronales) se sont élevées à 135,3 millions d'euros (dont 28,7 millions d'euros compensés par l'État) en 2021 ;
- la subvention d'équilibre versée par l'État via le programme 197. Celle-ci correspond à 78 % des recettes du régime et couvre 82 % des pensions versées. Elle concourt au financement du risque vieillesse et des dispositifs d'action sociale en lien avec le risque vieillesse (1,43 million d'euros en 2020).
Dépenses d'action sanitaire et sociale - actions
individuelles vieillesse couvertes
par la subvention
en 2020
(en euros)
Dispositif |
Montant de la dépense |
Téléassistance |
333,03 |
Aide-ménagère à domicile |
865 795,60 |
Garde à domicile |
15 952,80 |
Aides à l'habitat |
102 660,00 |
Lutte contre la précarité énergétique |
413 538,00 |
Autres aides individuelles |
28 533,18 |
Total |
1 428 632,61 |
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
En agrégeant subvention d'équilibre et prise en charge des cotisations, le financement de l'État représente 81 % des ressources du régime de retraite des marins.
Évolution des recettes du régime de retraite des marins entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
Le montant de la subvention versée par l'État au régime des marins reste relativement stable depuis 2012.
Évolution de la subvention d'équilibre
versée par l'État au régime des marins
entre 2012 et
2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
A. UN CONTEXTE ÉCONOMIQUE QUI REND LE RÉGIME DÉPENDANT AUX FONDS PUBLICS
Établi à 29 189 au 31 décembre 2020, le nombre de cotisants devrait, selon les estimations transmises par l'ENIM à la rapporteure spéciale, baisser de près de 5 % d'ici à 2025, avant d'amorcer une décrue encore plus nette d'ici 2050.
Évolution du nombre de cotisants entre 2015 et 2050
Source : commission des finances du Sénat d'après les chiffres transmis par l'ENIM
1. Un nombre réduit de cotisants répartis au sein de 20 catégories
a) Un classement figé qui ne reflète pas totalement la fluidité des carrières marines
Le décret du 7 mai 1952 classe les marins affiliés au régime spécial des marins en 20 catégories, reflétant les principales familles de métiers. Chacune des catégories compte entre 1 et 28 fonctions, soit au total 270 fonctions, dont 75 ne concerneraient chacune que 10 marins.
Cette grille détermine un salaire forfaitaire sur lequel sont assises les cotisations des marins, contributions des armateurs et pensions de retraite, sans pour autant refléter totalement les salaires effectivement versés. C'est notamment le cas pour les pêcheurs, rémunérés à la part.
Grille de salaire forfaitaire au 1 er avril 2022 16 ( * )
Catégorie |
Commerce |
Pêche |
Plaisance |
Salaire forfaitaire annuel (en euros) |
|
Pont |
Machine |
||||
1 |
Apprenti |
Apprenti |
Apprenti |
13 088,64 |
|
2 |
Matelot de moins de 18 ans |
Matelot de moins de 18 ans |
Matelot de moins de 18 ans |
16 278,93 |
|
3 |
Matelot léger |
Matelot léger à la pêche côtière, à la pêche au large et à la grande pêche ; Matelot à la petite pêche |
Équipier sur un navire à utilisation commerciale armé en navigation côtière |
19 468,50 |
|
4 |
Matelot |
Nettoyeur |
Patron non titulaire de titre de formation professionnelle maritime sur navire de jauge brute inférieure à 6 tonneaux armé à la pêche côtière |
21 476,08 |
|
5 |
Matelot qualifié |
Nettoyeur et soutier titulaires d'un certificat d'apprentissage maritime totalisant 60 mois de navigation |
Patron, titulaire du certificat d'apprentissage maritime et justifiant de 60 mois de navigation, sur navire de jauge brute inférieure à 6 tonneaux armé à la pêche côtière. Ouvrier mécanicien, titulaire d'un titre professionnel, sur navire de pêche côtière |
22 920,79 |
|
6 |
Patron breveté ou titulaire du certificat de capacité de navire de moins de 6 tonneaux armé à la navigation côtière avec au moins un matelot |
Ouvrier mécanicien et électricien non titulaires d'un certificat d'ouvrier spécialisé |
Magasinier, frigoriste [...] (toutes classes) |
Chef de bord sur un navire à utilisation commerciale armé en navigation côtière |
23 716,31 |
7 |
Chef timonier |
Ouvriers mécanicien et électricien, titulaires du certificat d'aptitude professionnelle maritime |
Patron breveté ou titulaire du certificat de capacité sur navire de jauge brute inférieure à 25 tonneaux, armé à la pêche côtière |
25 188,92 |
|
8 |
Patron titulaire du certificat de capacité sur navire de 6 à 20 tonneaux armé à la navigation côtière |
Maître mécanicien et maître électricien sur navires dits à caractéristiques techniques poussées |
Patron, breveté ou titulaire du certificat de capacité, sur navire de jauge brute égale ou supérieure à 25 tonneaux armé à la pêche côtière |
Équipier sur un navire à utilisation commerciale armé en cabotage et long cours |
26 511,76 |
9 |
Patron breveté de bateau de 6 à 20 tonneaux de jauge brute armé à la navigation côtière |
Assistant officier stagiaire |
Patron et chef mécanicien sur navire de jauge brute inférieure à 50 tonneaux armé à la pêche au large. |
27 707,44 |
|
10 |
Lieutenant sur navire de charge de moins de 6 000 tonnes |
Officier mécanicien sur navire de charge de moins de 6 000 tonnes |
Patron et chef mécanicien sur navire de jauge brute égale ou supérieure à 50 tonneaux et inférieure à 100 tonneaux armé à la pêche au large |
29 443,69 |
|
11 |
Lieutenant sur navire de charge de 6 000 à 100 000 tonnes ou de moins de 35 000 CV |
Officier mécanicien sur navire de charge de 6 000 à 100 000 tonnes ou de moins de 35 000 CV |
32 621,22 |
||
12 |
Lieutenant sur navire de charge de plus de 100 000 tonnes ou de puissance supérieure à 3 000 CV |
Officier mécanicien sur navire de charge de plus de 100 000 tonnes ou de puissance supérieure à 35 000 CV |
Patron et chef mécanicien sur navire de jauge brute égale ou supérieure à 100 tonneaux et inférieure à 250 tonneaux armé à la pêche au large |
Chef de bord sur un navire à utilisation commerciale armé en cabotage et longs cours |
34 704,83 |
13 |
Capitaine de remorqueur ayant de 200 à 300 tonneaux de jauge ou d'une puissance de machine de 500 à 700 CV |
Chef mécanicien de remorqueur de 200 à 300 tonneaux de jauge ou d'une puissance de machine de 500 à 700 CV |
Patron et chef mécanicien sur navire de jauge brute égale ou supérieure à 250 tonneaux et inférieure à 450 tonneaux armé à la pêche au large |
37 541,88 |
|
14 |
Second capitaine de navire de charge de 6 000 à 14 000 tonnes |
Second mécanicien de navire de charge de 6 000 à 14 000 tonnes |
40 379,00 |
||
15 |
Second capitaine de navire de charge de plus de 14 000 tonnes ou de puissance supérieure à 20 000 CV |
Second mécanicien sur navire de charge de plus de 14 000 tonnes ou de puissance supérieure à 20 000 CV |
Patron et chef mécanicien sur navire de jauge brute égale ou supérieure à 450 tonneaux armé à la pêche au large |
43 525,61 |
|
16 |
Capitaine de cargo de 1 500 à 3 000 tonnes |
Chef mécanicien de cargo de 1 500 à 3 000 tonnes |
46 858,59 |
||
17 |
Capitaine de cargo de 3 000 à 6 000 tonnes |
Chef mécanicien de cargo de 3 000 à 6 000 tonnes |
Capitaine et chef mécanicien sur navire de jauge brute égale ou supérieure à 750 tonneaux armé à la grande pêche |
50 931,66 |
|
18 |
Capitaine de navire de charge de 6 000 à 14 000 tonnes |
Chef mécanicien de navire de 6 000 à 14 000 tonnes |
56 126,51 |
||
19 |
Capitaine de navire de charge de 14 000 à 100 000 tonnes ou de puissance comprise entre 20 000 et 35 000 CV |
Chef mécanicien de navire de charge de 14 000 à 100 000 tonnes ou de puissance comprise entre 20 000 et 35 000 CV |
61 782,78 |
||
20 |
Capitaine de navire de charge de plus de 100 000 tonnes ou de puissance supérieure à 35 000 CV |
Chef mécanicien de navire de charge de plus de 100 000 tonnes ou de puissance supérieure à 35 000 CV |
67 883,32 |
Les affiliés au régime des retraites des marins sont issus de plusieurs secteurs. Ainsi, en 2020 :
- 59 % des cotisants sont issus du secteur de la pêche ;
- 23 % des cotisants représentent le secteur des cultures marines ;
- 10 % des cotisants travaillent au sein du secteur de la plaisance professionnelle ;
- 9 % des cotisants sont issus du secteur du commerce 17 ( * ) .
Évolution du nombre de cotisants par secteur d'activité entre 2000 et 2020
Année |
Secteur d'activité |
Total 18 ( * ) |
||||
Commerce |
Cultures marines |
Pêche |
Plaisance professionnelle |
Inconnu 19 ( * ) |
||
2000 |
15 145 |
5 082 |
22 064 |
1 114 |
17 486 |
44 475 |
2005 |
15 657 |
5 217 |
20 517 |
1 314 |
15 662 |
43 118 |
2010 |
16 796 |
5 022 |
17 059 |
1 698 |
14 327 |
40 715 |
2015 |
16 170 |
4 916 |
15 832 |
1 771 |
14 680 |
38 921 |
2020 |
15 142 |
4 686 |
14 513 |
2 103 |
17 312 |
36 230 |
Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM
Les marins peuvent cotiser au sein de catégories différentes au cours du même exercice, en fonction des tâches effectivement occupées à bord comme de la durée et de la nature de leur mission. Ainsi, en 2020 le nombre de cotisants théorique - 36 230 - est supérieur au nombre de marins réellement affiliés à l'ENIM.
Évolution du nombre de cotisants par catégorie entre 2000 et 2020 20 ( * )
Catégorie |
2000 |
2005 |
2010 |
2015 |
2020 |
0 |
4 482 |
3 064 |
2 562 |
2 697 |
10 298 |
1 |
260 |
462 |
409 |
310 |
278 |
2 |
467 |
471 |
240 |
244 |
124 |
3 |
10 970 |
10 086 |
8 780 |
8 081 |
6 328 |
4 |
9 168 |
9 214 |
7 616 |
7 096 |
6 833 |
5 |
7 309 |
6 629 |
6 017 |
5 330 |
4 721 |
6 |
7 854 |
7 332 |
6 497 |
6 096 |
5 798 |
7 |
5 742 |
5 979 |
5 345 |
4 843 |
4 768 |
8 |
4 039 |
3 873 |
4 714 |
5 320 |
4 472 |
9 |
2 194 |
2 311 |
2 345 |
2 150 |
2 888 |
10 |
2 290 |
2 244 |
2 198 |
2 223 |
2 197 |
11 |
802 |
819 |
851 |
923 |
950 |
12 |
3 052 |
3 337 |
3 772 |
3 660 |
3 636 |
13 |
920 |
722 |
752 |
802 |
983 |
14 |
498 |
403 |
387 |
361 |
333 |
15 |
1 560 |
1 561 |
1 671 |
1 715 |
1 836 |
16 |
650 |
612 |
575 |
631 |
695 |
17 |
558 |
603 |
583 |
626 |
645 |
18 |
338 |
299 |
271 |
225 |
222 |
19 |
607 |
594 |
582 |
520 |
578 |
20 |
388 |
445 |
510 |
501 |
544 |
Total |
44 475 |
43 118 |
40 7015 |
38 921 |
36 230 |
Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM
b) Des cotisants répartis sur trois registres de navire
Il convient de rappeler à ce stade que la totalité de la flotte française comme l'ensemble des marins français ne sont pas affiliés à l'ENIM. Les règles sociales dépendent en effet à la fois du pavillon d'immatriculation du navire et de la résidence du marin. L'article 91 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982, signée et ratifiée par la France en 1996, permet aux États de pouvoir établir leurs propres règles et conditions d'immatriculation de leurs navires. La France a ainsi établi trois registres :
- le premier registre concerne les navires battant pavillon français. Les gens de mer embarqués sur ces navires exerçant dans les secteurs du commerce, de la pêche, des cultures marines et de la plaisance professionnelle sont affiliés à l'ENIM. 23 800 navires sont immatriculés à ce régime ;
- le registre d'immatriculation français (RIF) , mis en place en 2005 21 ( * ) , concerne les navires de commerce au long cours, ceux tournés vers le cabotage international et les navires de plaisance à utilisation commerciale de plus de 24 mètres (yachting). Les transporteurs de passagers sur les lignes régulières, les navires d'assistance portuaire et les bateaux dédiés à la pêche professionnelle sont exclus de ce dispositif. 2 400 navires sont affiliés à ce régime . Le salaire des marins embarqués est défiscalisé sous certaines conditions. Seuls, les marins résidant en France exerçant sur ces embarcations sont affiliés à l'ENIM. 3 900 marins sont ainsi enregistrés auprès de l'ENIM alors qu'ils sont embarqués sur un navire battant pavillon RIF ;
- le registre dit de Wallis-et-Futuna prévoit, enfin, que le régime spécial ne s'applique pas toujours aux marins embarqués sur les navires qui y sont affiliés : les marins résidant sur le territoire de Wallis-et-Futuna ou recrutés sur ce territoire sont affiliés à la caisse de prestations sociales de Wallis-et-Futuna (CPSWF). Les marins affiliés à l'ENIM préalablement à leur affectation sur un navire enregistré sur ce territoire conservent ce rattachement ( 285 marins sont concernés) 22 ( * ) . Enfin, les marins personnels d'hôtellerie et de restauration résidant en France ( 700 marins concernés ), qui ne sont affiliés à aucun régime de retraite obligatoire, devraient être affiliés à l'ENIM à compter du 1 er janvier 2023 23 ( * ) .
c) Le cas des emplois à terre et de certaines activités côtières
Enfin, en application des articles L. 5552-15 et L. 5552-16 du code des transports, les marins occupant un emploi à terre peuvent rester affiliés à l'ENIM sous certaines conditions .
A l'inverse, les personnels exerçant des activités maritimes pratiquées proches des côtes avec un navire (promenade en mer, prestations de service aux navires de plaisance...) ne sont pas considérés comme des marins au sens du décret de 1952. De plus en plus d'emplois à terre comportent par ailleurs un embarquement de courte durée à bord d'un navire (essai de navire, livraison de denrées alimentaires, transport de coquillages pêchés en pêche à pied...). Là encore, ces activités n'induisent pas une affiliation à l'ENIM.
d) Le principe de l'affiliation automatique à l'ENIM pour les marins qui résident en France souffre de nombreuses dérogations
En application des articles L. 711-1 et R. 711-1 du code de la sécurité sociale et des articles L. 5551-1 et L. 5551-2 du code des transports, les gens de mer marins résidant en France sont par principe affiliés au régime de sécurité sociale des marins quel que soit le pavillon du navire sur lequel ils sont embarqués. Aucune estimation du nombre de personnels concernés par une activité au sein d'un navire battant pavillon tiers n'a pu être fournie à la rapporteure spéciale. L'ENIM comptabilise néanmoins 20 employeurs basés à l'étranger (hors Monaco) dont les marins sont pour partie affiliés à son régime.
Le principe de cette affiliation souffre de plusieurs exceptions :
- pour les marins embarqués sur un navire battant pavillon d'un pays de l'Union européenne : le régime du pays du pavillon voire du pays de résidence de la société qui l'emploie si celui-ci diffère du pays du pavillon s'impose ;
- le régime du pays du pavillon s'impose également pour les marins embarqués dans un navire enregistré dans un État ayant signé une convention bilatérale avec la France .
In fine seuls les marins embarqués sur des navires battant pavillon d`un État qui n'a pas noué de convention bilatérale avec la France peuvent être effectivement affiliés à l'ENIM.
2. Une diminution du nombre de cotisants imputable à la concurrence internationale ?
La diminution du nombre de cotisants peut être liée à plusieurs facteurs :
- le contexte de concurrence internationale et la question de la compétitivité ont affecté la taille de la flotte sous pavillon français ;
- le développement de l'automatisation des navires ;
- la progression des gains de productivité.
La question de la concurrence internationale est sans doute la clé de voute de toute réflexion sur l'avenir du régime des marins. Sans la remettre en cause, la rapporteure spéciale insiste sur la nécessité que celle-ci ne donne pas lieu à des distorsions importantes, en particulier au sein de l'Union européenne.
a) La question de l'application du droit social de l'État d'accueil au sein de l'Union européenne
Le règlement européen n°3577/92 du 7 décembre 1992 concernant l'application du principe de la libre-circulation des services au transport maritime à l'intérieur des États membres s'applique aux armateurs communautaires exploitant des navires immatriculés dans un État membre et battant pavillon de cet État membre 24 ( * ) . Son article 3 dispose ainsi que pour les navires pratiquant le cabotage continental et les navires de croisière, toutes les questions relatives à l'équipage relèvent de la responsabilité de l'État dans lequel le navire est immatriculé, soit l'État du pavillon. Seuls les navires jaugeant moins de 650 tonnes brutes peuvent se voir appliquer les conditions de l'État d'accueil.
Le règlement prévoit néanmoins une exception visant le cabotage avec les îles. Toutes les questions relatives à l'équipage relèvent de la responsabilité de l'État dans lequel le navire effectue un service de transport maritime, soit l'État d'accueil. Néanmoins, pour les navires de transport de marchandises jaugeant plus de 650 tonnes brutes et pratiquant le cabotage insulaire, lorsque le voyage concerné suit ou précède un voyage à destination d'un autre État ou à partir d'un autre État, toutes les questions relatives à l'équipage relèvent de l'État du pavillon. La Cour de justice a précisé le 6 avril 2006 dans l'arrêt Agip Petroli SpA que le voyage qui suit ou précède pouvait être à vide, à condition que ces déplacements sans cargaison à bord ne soient pas entrepris de façon abusive afin de contourner le règlement.
La Commission a, par la suite, précisé sa position sur le droit applicable à l'équipage dans sa communication de décembre 2003 25 ( * ) relative à l'interprétation par la Commission du règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime) . Elle estime ainsi que les États d'accueil sont compétents pour déterminer la proportion requise de ressortissants de l'Union à bord des navires qui pratiquent le cabotage avec les îles. Un État membre peut ainsi exiger que l'équipage de ces navires soit entièrement composé de ressortissants de l'Union. Les États membres peuvent également exiger que les marins à bord bénéficient d'une couverture sociale dans l'Union européenne. S'agissant des conditions de travail, ils peuvent imposer le respect du salaire minimum en vigueur dans le pays.
S'agissant de la marine marchande, il convient de relever que l'article premier de la directive n° 96/71 du 16 décembre 1996 relative au détachement des travailleurs précise que le dispositif mis en place (principe de respect du droit de l'État d'accueil) n'est pas applicable au personnel navigant 26 ( * ) . La Cour de justice de l'Union européenne a cependant, dans l'arrêt Voogsgerred/Navimer rendu le 15 décembre 2011 27 ( * ) , rappelé que la relation de travail devait être rattachée au port d'exploitation réelle et non au lieu administratif d'immatriculation. Ce faisant, elle rend neutre la question du pavillon, la loi de l'État de celui-ci n'étant plus, de fait, la seule à s'appliquer à bord. L'arrêt de la CJUE relativise ainsi la législation européenne existante qu'il s'agisse de droit de la sécurité sociale, où les règlements n° 883/2004 28 ( * ) et 987/2009 29 ( * ) consacrent le principe du rattachement à l'État du pavillon, ou de droit du travail.
Nonobstant ce cadre juridique précis, les armateurs français et les représentants des gens de mer ont indiqué à la rapporteure spéciale l'absence de contrôles suffisants pour évaluer le respect de ces normes. En découle une impression de dumping social qui fragilise le secteur maritime français.
Le Gouvernement a lancé en mars 2021 un groupe de réflexion sur la redynamisation et l'amélioration de la compétitivité dit « Fontenoy du maritime », associant les acteurs de la profession. Un des axes de travail concernait le « volet social », en insistant notamment sur la nécessaire mise en oeuvre d' « une garantie d'une concurrence loyale dans les eaux françaises et au sein de l'Union européenne ». Le constat d'une insuffisance des contrôles y a été partagé, le groupe de réflexion n'ayant pu disposer de données sur les navires ayant fait l'objet de contrôles par l'inspection du travail en 2020 , exercice au cours duquel 96 opérateurs ont déposé des déclarations préalables d'activité déposées. Les thématiques de contrôle restent, en outre, mal connues, par rapport à l'étendue de ce qui est contrôlable.
b) Un potentiel inexploité ?
La plupart des interlocuteurs de la rapporteure spéciale ont décrit un marché de l'emploi maritime en tension. Le seul développement de la flotte mondiale devrait ainsi aboutir à la création de 32 000 emplois d'officiers d'ici à 2025. En France, l'organisation patronale Armateurs de France chiffre un besoin a minima de 345 officiers polyvalents par an en moyenne au cours des sept prochaines années, ce chiffre pouvant in fine être porté à une fourchette comprise entre 450 et 500. Le besoin en officiers monovalents est lui estimé à 333 par an sur la même période. Ces recrutements à venir sont à mettre en perspective avec l'élargissement constaté de la flotte sous pavillon français en raison du Brexit, qui oblige à disposer à bord de ressortissants français pour les postes d'officiers principaux (capitaines et seconds capitaines).
Or, si la formation polyvalente française, dispensée par l'École nationale supérieure maritime, est très recherchée , tant elle concourt, selon les observateurs, à une meilleure employabilité et à une plus grande souplesse de planification à bord, les sorties d'officiers diplômés sont limitées à environ 260 par an . Ce chiffre apparaît insuffisant au regard des besoins de la filière . Le « Fontenoy du maritime » cible un quasi doublement du nombre de diplômés (entre 450 et 500 par an). Le coût budgétaire d'une telle montée en puissance est estimé sur la période à 7,5 millions d'euros s'agissant de la subvention pour charges de service public et à 4,5 millions d'euros en ce qui concerne les dépenses d'investissement sur les premiers exercices. Cette réponse ambitieuse permettrait d'atténuer, en tout état de cause, la baisse attendue du nombre de cotisants auprès du régime de retraite des marins.
3. Des contributions patronales en partie compensées par l'État
a) Une prise en charge par l'État d'une partie des cotisations patronales estimée à près de 95 millions d'euros par an
Si 30 taux de cotisation patronale ont été mis en place afin de prendre en compte la taille et l'affectation du navire, le secteur bénéficie de nombreux dispositifs d'exonérations de charges sociales (exonérations pour les propriétaires embarqués sur leurs propres navires, navires immatriculés au registre international français - RIF, dispositif du demi-rôle en outre-mer) qui induisent une compensation par l'État. Ces charges sociales ne concernent pas uniquement le risque vieillesse.
L'exonération de contributions patronales au bénéfice des armateurs de la flotte de commerce en situation de concurrence internationale pour leurs navires battant pavillon français et communautaire est ainsi prévue par l'article L. 5553-11 du code des transports. La loi de finances pour 2022 prévoit que la compensation de ces exonérations, prévue au sein du programme 205 « Affaires maritimes » de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » atteigne 65 millions d'euros. Le montant exécuté en 2021 s'est élevé à 58,4 millions d'euros. Ce montant permet de compenser :
- les contributions patronales à l'ENIM , qu'il s'agisse de l'assurance-vieillesse ou de l'assurance-maladie. Le montant des seules cotisations retraite ainsi compensé était estimé à 28,7 millions d'euros en 2021 ;
- les cotisations patronales « chômage » et « famille », la compensation étant versée à l'URSAFF, ex Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui la rétrocède ensuite à l'ENIM.
Le même programme 205 prévoit un dispositif d'exonération de cotisations patronales, dit de « net wage » visant à soutenir la compétitivité du secteur. Consistant notamment en un remboursement aux entreprises des cotisations versées sur les salaires, il a été mis en oeuvre en 2021 à titre exceptionnel pour le seul secteur des ferries. Il a été étendu à d'autres secteurs (marchandises, services, croisières) dès 2022 pour trois années. La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 21,6 millions d'euros à cet effet.
En ajoutant les dispositifs généraux de droit commun (réduction générale prévue à l'article L. 241-13 du code de sécurité sociale, exonération relative à l'emploi d'un apprenti ou exonérations spécifiques aux employeurs situés en outre-mer - LODEOM), le montant total des exonérations dont bénéficie le secteur a atteint 90,5 millions d'euros en 2021 (dont 3,4 millions d'euros au sein des territoires d'Outre-mer).
Montant des exonérations de cotisations et de contributions dues par les employeurs de marins en 2021 au titre des risques maladie, maternité, invalidité et vieillesse
(en millions d'euros)
Secteur |
Montant |
Pêche |
11,3 |
dont Outre-Mer |
1,8 |
Commerce |
79,3 |
dont Outre-Mer |
1,6 |
Total |
90,5 |
dont Outre-Mer |
3,4 |
Source : commission des finances d'après les données transmises à la rapporteure spéciale par la direction de la sécurité sociale
À cette somme, il conviendra d'ajouter en 2023 la compensation par l'État de l'affiliation des marins personnels d'hôtellerie et de restauration résidant en France embarqués sur des navires affiliés au registre de Wallis-et-Futuna, dont le montant est estimé à 10 millions d'euros.
S'agissant des marins non-salariés , le « demi-rôle » bénéficie de son côté aux marins pêcheurs des départements d'Outre-mer et consiste en une réduction des taux de contributions patronales. Il permet, à chaque navigation, de demander une réduction de 50 % des taux de cotisations maladie et vieillesse, avec pour conséquence la réduction de moitié de leurs droits à prestations maladie et vieillesse. Le demi-rôle s'applique à la période d'activité et le montant du dispositif est actuellement en cours d'évaluation par l'URSSAF. Au demi-rôle s'ajoutent des dispositifs pour les marins non-salariés, peu importe le lieu d'embarcation. Le montant de l'ensemble de ces dispositifs a atteint 3,9 millions d'euros en 2021, dont 0,42 million d'euros en faveur des marins implantés en Outre-mer.
b) Une réponse financière à la concurrence internationale
Conçue comme une réponse au défi de la compétitivité, cette prise en charge, par l'État, d'une partie des charges sociales a vocation à perdurer. Le « Fontenoy du maritime » avait même conclu à une nouvelle étape en matière d'exonération via le développement du « net wage », jusque-là borné jusqu'en 2025, en le pérennisant. Le groupe de réflexion avait ainsi préconisé deux options :
- une application du « net wage » au seul secteur du transport à passagers, pour l'ensemble des personnels ;
- une application du « net wage » aux seuls équipages et officiers juniors (lieutenants), quel que soit le secteur ou le registre, afin de sauvegarder ces personnels dans tous les types d'activité et conserver le savoir-faire français s'agissant de tâches généralement confiées à de la main-d'oeuvre étrangère .
Le coût de chacune de ces mesures a été estimé à 25 millions d'euros par an. Cette somme est à mettre en perspective avec les parts de marchés perdues par les opérateurs français face à des navires battant pavillon d'Etats ayant mis en oeuvre des mesures d'exonération totale des cotisations sociales et des impôts des marins 30 ( * ) , à l'image du Danemark, de la Finlande, de l'Italie ou de la Suède. Le cas est particulièrement patent pour les entreprises françaises les plus employeuses de main-d'oeuvre, à savoir celles dédiées au transport régulier de voyageurs en France ou sur des liaisons intra-communautaires ou ex-intra-communautaires (Manche).
Les différences de coût avec le pavillon italien pour des opérations de transport sont estimées dans une fourchette comprise entre 54 et 58 % . Le « net wage » italien diminue de 24 % la masse salariale (14 % au titre des charges salariales et 10 % au titre de l'impôt sur le revenu) et justifie 40 % de l'écart de coût entre les deux pavillons. Le différentiel de coût avec un équipage battant pavillon chypriote assurant le transport dans la Manche est, quant à lui, estimé à 72 % en défaveur du pavillon français. Ainsi, pour une journée d'embarquement, le coût du navire français en effectifs atteint 37 206 euros, quand celui du navire chypriote est évalué à 10 162 euros. L'effet du salaire net, l'absence de cotisations salariales et patronales sous pavillon chypriote et un taux de rotation des effectifs par fonction moins élevé sous pavillon chypriote justifient en large partie cette différence.
B. UN RÉGIME COMPOSITE INSUFFISAMMENT FINANCÉ
1. Des prestations adaptées à différents publics
Le régime verse aujourd'hui quatre types de pensions, non cumulables entre elles, selon l'ancienneté :
- la pension d'ancienneté , liquidable lorsque le marin réunit au moins vingt-cinq années de services. L'âge d'ouverture des droits est alors de 50 ans. La pension peut être liquidée à 52 ans et demi voire 55 ans si le marin a cotisé durant 37 ans et demi. Un marin peut, par ailleurs reporter au-delà de ses 55 ans la liquidation de sa pension afin d'acquérir un nombre suffisant d'annuités ;
- la pension proportionnelle , liquidable dès lors qu'au moins quinze années de services ont été accomplies . L'âge d'ouverture des droits est fixé à 55 ans ;
- la pension spéciale, liquidable lorsque la durée de services est comprise entre trois mois et quinze ans . L'âge d'ouverture des droits est fixé à 60 ans mais peut être ramené à 55 ans si le marin détient une autre pension servie par l'État ou par un autre régime de sécurité sociale ;
- la pension de retraite anticipée , versée si, au -delà de 15 annuités de service, l'exercice de l'activité est impossible en raison d'une inaptitude dûment constatée.
Cette offre variée répond à la question centrale de la pénibilité et de son corollaire, la disponibilité. Ces critères justifient également des règles de liquidation éloignées de celles applicables au sein du régime général ou d'autres régimes spéciaux. Il en va ainsi de l'âge d'ouverture des droits fixé entre 50 et 60 ans selon le type de pension, de l'absence de décote ou du mode de calcul des arrérages sur les 3 dernières années de service.
Nonobstant ces avantages, l'âge moyen de liquidation reste supérieur à celui constaté au sein d'autres régimes spéciaux (cf supra ), pour atteindre 59,7 ans en 2021. L'âge moyen de départ en retraite est largement supérieur à 55 ans en raison de la part importante de pensions spéciales , accordées aux marins disposant de moins de 15 ans de services et qui sont pour la plupart polypensionnés. L'effet indirect des réformes des retraites de 2010 et de 2014 et de l'allongement de la durée de cotisation qu'elles prévoient sur les pensions annexes conduit, de fait, les anciens marins qui en seraient bénéficiaires à poursuivre leur activité actuelle et décaler dans le temps la liquidation de leur pension auprès de l'ENIM. Il convient de rappeler à ce stade que les pensions spéciales constituent 47,5 % des pensions directes versées par le régime . L'âge moyen de liquidation des pensions pour les assurés concernés atteignait 62,7 ans en 2021.
Âge moyen de liquidation des pensions servies par le régime des marins
(en années)
Type de pension |
Age moyen de liquidation |
Pension spéciale |
62,72 |
Pension proportionnelle |
58,61 |
Pension de retraite anticipée |
50,10 |
Pension d'ancienneté |
|
Âge minimum de liquidation : 50 ans |
51,46 |
Âge minimum de liquidation : 52,5 ans |
54,08 |
Âge minimum de liquidation : 55 ans |
56,67 |
Tous types de pension |
59,71 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'ENIM
Les montants divergent logiquement en fonction du statut de la pension. Les pensions spéciales, qui constituent près de la moitié des pensions directes versées, ont ainsi un montant faible - 191,05 euros mensuels - ce qui pose la question de la pertinence de maintenir leur service par le régime spécial et laisse ouverte la question d'une éventuelle portabilité du droit à pension vers d'autres régimes auprès desquels l'assuré aurait davantage cotisé. Le même raisonnement peut s'appliquer s'agissant des pensions proportionnelles.
Nombre de pensionnés directs et montant mensuel
de la pension servie
en décembre 2021
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par l'ENIM
La question de la pénibilité ne ressort pas nettement s'agissant de l'espérance de vie, comme en témoigne l'âge moyen des pensionnés directs décédés en 2021 : 82,1 ans (82,1 ans chez les hommes et 80,2 ans chez les femmes). La durée moyenne de perception est, quant à elle, établie à 25 ans. Ces données restent cependant des moyennes et n'illustrent qu'imparfaitement la réalité des carrières et leur durée. Il conviendrait en effet de distinguer les catégories d'emploi - un marin-pêcheur n'a pas les mêmes conditions de travail qu'un membre du personnel d'un navire de plaisance - mais aussi la durée d'affiliation au régime.
Les débats en cours sur la création, au sein du régime, d'une branche Accidents du travail / maladies professionnelles (AT/MP) (cf infra ) illustrent assez bien ces différences.
Répartition des accidents du travail maritime
Source : Commission des finances du Sénat d'après Ministère de la Mer, Accidents du travail et maladies professionnelles maritimes, Bilan 2019
1 887 accidents du travail environ ont été comptabilisés en 2019, dont 93 % dans le secteur de la pêche et de la marine marchande.
Fréquence des accidents du travail maritime en 2019
Catégorie de navigation |
Pêche |
Cultures marines |
Commerce |
Services portuaires |
Plaisance professionnelle |
Indice de fréquence 2019 pour 1 000 ETP Marins |
75 |
25 |
63 |
48 |
22 |
Source : Commission des finances du Sénat, d'après Ministère de la Mer, Accidents du travail et maladies professionnelles maritimes, Bilan 2019
L'indice de fréquence des accidents du travail atteint en moyenne 60 pour mille ETP dans le secteur, soit un chiffre plus élevé que celui constaté au sein d'autres secteurs d'activité.
Indices de fréquence des accidents du travail pour mille ETP par secteurs d'activité
Source : Commission des finances du Sénat d'après Ministère de la Mer, Accidents du travail et maladies professionnelles maritimes, Bilan 2019
2. Une diminution attendue des charges qui ne résout pas la question de la viabilité du régime
Le montant des prestations servies représentait 999,5 millions d'euros en 2021, dont 81 % ont été pris en charge par l'État. Les dépenses de la Caisse ont atteint au total 1 012 millions d'euros en intégrant diverses charges (12,6 millions d'euros en 2021).
Évolution des charges du régime des marins entre 2020 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses de la direction du Budget au questionnaire de la rapporteure spéciale
Si 2022 devrait coïncider avec une légère montée en charge des pensions, la tendance sur le long terme reste une baisse des versements opérés par le régime. L'ENIM table ainsi sur une diminution de 31,5 % du montant versé annuellement d'ici à 2050.
Projection des montants versés entre 2021 et 2050
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM
La diminution du nombre de pensionnés à l'horizon 2050 explique principalement cette baisse attendue de la charge.
Évolution du nombre de pensionnés entre 2021 et 2050
Source : commission des finances d'après les données transmises par l'ENIM
En dépit de cette diminution annoncée, le rapport démographique de la caisse des retraites des marins devrait demeurer extrêmement défavorable. Établi à 0,27 cotisant pour 1 retraité (pensionnés directs et réversataires confondus) en 2021, il pourrait remonter à 0,33 à l'horizon 2050. Un tel ratio fragilise toute option d'un désengagement financier de l'État à moyen terme si les paramètres du régime restent inchangés.
Dans ces conditions, le besoin de financement actualisé du régime des marins est estimé, à l'horizon 2120, à une somme comprise entre 15,9 et 22,8 milliards d'euros, en fonction du taux d'actualisation retenu.
Évolution du besoin de financement du régime des marins à l'horizon 2120 en fonction du taux d'actualisation
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
C. UNE RÉFORME IMPOSSIBLE ?
Les spécificités du régime comme le contexte social du secteur de la pêche ont largement contribué à l'exclure des précédentes réformes des retraites. Ainsi, de la réforme des retraites de 2014 n'a été retenu que le décalage de la révision annuelle de la pension à la date des pensions des autres régimes. Elle était jusque-là alignée sur celle de la révision du salaire forfaitaire (1 er avril).
L'article 7 du projet de loi instituant un système universel des retraites (SUR) prévoyait, en 2020, une intégration des assurés du régime d'assurance vieillesse des marins au sein du nouveau système. Les modalités de cet alignement devaient néanmoins être précisées par ordonnance.
Quatre principes avaient été retenus :
- l'intégration du régime des marins au sein du SUR avec en contrepartie le maintien d'un régime spécifique justifié par la situation particulière des gens de mer ;
- tous les marins devaient être traités de la même façon, qu'ils soient issus du secteur de la pêche ou de ceux du commerce ;
- le maintien des assiettes forfaitaires de cotisation moyennant une augmentation (une majoration comprise entre 30 et 50 % du montant des cotisations était alors envisagé) ;
- la mise en oeuvre d'une « clause du grand père », aux termes de laquelle seuls les marins nés après le 1 er janvier 1987 devaient intégrer le SUR. Les marins nés après cette date mais déjà embarqués en 2022 devaient encore bénéficier des dispositions actuelles pour la partie de carrière effectuée avant le 1 er janvier 2025.
Le choix de l'ordonnance était motivé par le souhait de mener une concertation approfondie avec les partenaires sociaux, en ce qui concerne :
- l'âge d'ouverture des droits à la retraite et en particulier l'âge anticipé de départ en retraite : le Gouvernement s'était alors engagé à maintenir un départ possible à 55 ans si le marin fait état de 15 ans de navigation ;
- les modalités de prise en charge transitoire par l'État des cotisations salariales et patronales pour les marins dans le cadre d'un alignement progressif des cotisations sur le droit commun. La durée de cet alignement devait dépasser 20 ans. Cette période relativement longue se justifiait notamment pour les pêcheurs confrontés au risque d'une multiplication par 16 du montant des cotisations patronales ;
- la gouvernance, l'organisation, les missions et les modalités de gestion de l'organisme de gestion des retraites des marins, l'ENIM étant appelé à travailler avec la future Caisse universelle des retraites.
L'abandon du système universel des retraites n'interdit pas, pour autant, de mener une réflexion sur la viabilité du régime à terme, compte-tenu du déséquilibre démographique constaté plus haut. Cette réflexion doit concilier prise en compte de la pénibilité, nécessaire majoration des ressources financières du régime et maintien du niveau de compétitivité de la flotte. Un alignement brutal des cotisations sur le niveau retenu au sein du régime général fragiliserait en effet les équilibres économiques sur lesquels repose actuellement l'activité maritime française. Toute augmentation des taux serait notamment particulièrement mal vécue dans le secteur de la pêche fragilisé tout à la fois par la crise sanitaire, le Brexit et l'augmentation continue des prix du carburant.
1. Quelles pistes peuvent être envisageables pour une réforme du régime ?
La rapporteure spéciale estime aujourd'hui que la double question de la pénibilité et de la compétitivité fragilise toute velléité de fermeture complète du régime. Elle n'interdit pas pour autant de modifier certains de ses paramètres, en menant à bien une réévaluation progressive de son mode de financement et une prise en compte plus fine des déroulés de carrières, avec en filigrane la question de l'intégration ou non des polypensionnés.
a) Une révision nécessaire du décret du 7 mai 1952
Une réforme a minima du régime pourrait passer par une révision des grilles de métiers. Un groupe de travail du Conseil supérieur des gens de mer a été mis en place à cet effet en 2014, réunissant partenaires sociaux, ENIM, direction des affaires maritimes, direction de la sécurité sociale et direction du budget. Une double mission lui avait été assignée :
- étudier la règlementation du classement catégoriel (ajustement, réflexion sur l'évolution...),
- étudier et, le cas échéant, prendre des décisions sur des cas particuliers de classement catégoriel (situations dérogatoires au décret de 1952 en cas de vide juridique, demandes particulières d'un secteur d'activité voire d'armement...).
Cette révision était néanmoins conditionnée à une réforme du régime plus ambitieuse, à la demande de la direction du budget et de la direction de la sécurité sociale. L'absence de perspective à ce sujet a conduit les partenaires sociaux à renoncer à siéger au sein de ce groupe.
Une proposition de simplification de la grille de salaires forfaitaires avait auparavant été présentée par le président de la commission de classement de l'ENIM en 2008 31 ( * ) . Ce projet consistait en la réduction du nombre de catégories de vingt à huit, avec au total trente-six fonctions et deux critères (la jauge et la puissance du navire). Cette réforme avait également été abandonnée en raison de la réticence de certains professionnels à voir le niveau des salaires forfaitaires augmenter pour certaines catégories.
La rapporteure spéciale estime que ce travail devrait être aujourd'hui être repris. Au-delà de la mise à niveau d'une liste datée comprenant des fonctions disparues (palefreniers) voire insuffisamment ouverte à de nouvelles tâches (officiers électroniciens, fonctions sur les plateformes off-shore), l'affiliation de certains métiers au régime pourrait être revue. Il en va ainsi des ostréiculteurs ou des conchyliculteurs dont l'enregistrement auprès du régime des marins peut être sujet à caution, compte tenu notamment des préventions observées par ailleurs s'agissant des métiers côtiers. Le passage en cours, pour les employeurs, à la déclaration sociale nominative devrait permettre d'accélérer cette simplification du classement catégoriel avec la disparition des fonctions pas ou peu exercées. Il s'agit dès lors d'accompagner cette transition. Un compromis pourrait être trouvé via une actualisation des fonctions complétée par une réduction du nombre de catégories (une réduction de 20 à 15 a déjà été envisagée par le passé) et une évolution des règles de saut de classe, jugées trop restrictives, pour permettre aux marins une progression logique de leurs niveaux de cotisation.
Recommandation n°5 (direction générale des Affaires Maritimes, de la Pêche et de l'Aquaculture) : Procéder, après concertation avec les partenaires sociaux, à une actualisation du décret du 7 mai 1952 afin de mettre à jour les fonctions accomplies, réduire le nombre de catégories, faciliter la fluidité entre elles et revoir l'affiliation de certains métiers au régime (ostréiculteurs, conchyliculteurs) afin de faciliter la correspondance entre salaire forfaitaire et salaire réel et permettre ainsi d'améliorer la soutenabilité financière du régime. |
b) La question du temps de mer
La rapporteure spéciale relève qu'en 2020, plus de 10 % des cotisants au régime ont effectué un service à terre. 272 cotisants se sont notamment vus affectés à terre pour une durée dépassant 4 mois.
Nombre de cotisants au régime des marins affectés à terre entre 2017 et 2020
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par l'ENIM.
La question de la pénibilité - qui varie selon les secteurs d'activité et les fonctions occupées - pourrait être appréciée au travers de la notion de temps de mer . Cette notion avait été avancée lors des négociations autour du projet de loi instaurant un système universel des retraites en 2020, afin de mieux tenir compte de la pénibilité effective des fonctions au moment de liquidation de la pension, qu'il s'agisse de la définition du nombre d'annuités nécessaires ou de l'âge requis.
Recommandation n° 6 (législateur) : Intégrer la notion de temps de mer dans le mode de calcul des droits à pension afin de mieux tenir compte de la pénibilité et bonifier ainsi précisément les moments de carrière passés en mer au moment du calcul du nombre d'annuités et de la détermination de l'âge d'ouverture du droit. |
c) En finir avec le « régime de passage » ?
Le régime de retraite des marins est, par ailleurs, essentiellement un régime dit « de passage » pour les cotisants. Deux facteurs justifient une telle appréciation :
- 70 % à 90 % des bénéficiaires du régime sont des polypensionnés ;
- 48 % des liquidations de pensions concernent des marins ayant eu une carrière inférieure à 15 ans de services (pension spéciale).
L'ENIM dispose de données lui permettant d'identifier parmi ses pensionnés ceux percevant des pensions d'autres régimes. Pour traiter des questions relatives à ces situations, il s'appuie sur l'échantillon inter-régimes de retraités (EIR) qui donne, pour un échantillon anonyme de personnes, des informations sur les avantages de retraite et les droits acquis à la liquidation. Cet échantillon est constitué tous les 4 ans par la DREES auprès de la plupart des régimes de retraite obligatoires. L'EIR 2012, recensant 2 080 pensionnés dont 1 410 de droit direct, fait apparaître un taux de polypensionnés de 61,3 %. Les personnes concernées ont essentiellement cotisé auprès de la CNAV et dans une moindre mesure au RSI ou à la MSA. L'ENIM a indiqué à la rapporteure spéciale que ce taux était probablement sous-estimé, faisant état d'une étude sur la génération 1942 qui montrait que 77 % des retraités du régime étaient polypensionnés. Une nouvelle étude sur la base de l'EIR 2016 est actuellement en cours. Le poids des pensions spéciales, liquidables pour les périodes d'activités comprises entre 3 mois et 15 ans (cf supra), tend à confirmer cette impression.
Au regard de ces éléments, la rapporteure spéciale s'interroge sur la spécificité du métier de marin dans un parcours de carrière qui semble plus complexe. Dans ces conditions, le versement d'une pension par un régime spécial qui ne représente qu'une partie de la vie professionnelle de l'assuré pose question. Un reversement des cotisations vers le régime général pourrait être envisagé pour les carrières courtes dans le secteur maritime, ce qui permettrait d'alléger la charge pesant sur le régime spécial. Il viserait les assurés dont la majeure partie de la carrière est réalisée en dehors du secteur et sont donc moins sensibles à la pénibilité des métiers. Ce faisant, la rapporteure spéciale entend préserver la spécificité du régime tout en limitant la charge pour les finances publiques.
Recommandation n° 7 (législateur) : Afin de reconnaître la pénibilité et la disponibilité afférentes à certaines catégories d'emploi, limiter l'affiliation au régime des marins aux carrières longues dans le secteur et prévoir un reversement au régime général des cotisations versées par les assurés affiliés au régime spécial dès lors que la majeure partie de leur carrière est effectuée en dehors du secteur. |
2. Une trajectoire de réduction des coûts de gestion de l'ENIM difficile à respecter ?
Les coûts de gestion de l'ENIM devraient atteindre 9,7 millions d'euros en 2021, soit une diminution de 0,2 million d'euros par rapport à l'exercice précédent. Cette baisse est pour partie logique au regard de la diminution du volume de prestations servies entre les deux exercices. Le rapport annuel de performances table pour 2023 sur des coûts de gestion atteignant 8,28 millions d'euros. La rapporteure spéciale s'interroge sur une telle ambition au regard des missions assignées par l'État à l'ENIM dans la cadre de la convention d'objectif et de gestion 2022-2026 actuellement en cours de signature. Celle-ci prévoit notamment :
- l'accompagnement des entreprises dans le passage à la déclaration sociale nominative (DSN), source d'inquiétude pour la plupart des acteurs entendus par la rapporteure spéciale. 83 % des marins sont aujourd'hui déclarés via ce dispositif, avec de fortes différences selon les territoires : 92 % en métropole et 30 % dans les DOM 32 ( * ) ;
- le développement d'une nouvelle branche Accidents du travail - Maladies professionnelles (AT-MP), l'ENIM ayant vocation à être pilote en vue du développement d'une véritable culture de la prévention et de contribuer à la constitution d'un véritable observatoire de l'accidentologie des risques professionnels maritimes ;
- l'accompagnement particulier des marins d'outre-mer ;
- le développement de nouveaux services en ligne doublé d'une stratégie de communication multicanal.
La rapporteure spéciale partage ces objectifs et plus particulièrement la question de la branche AT/MP (cf supra) . La prise en charge de ce risque est aujourd'hui le seul fait des armateurs, dans les conditions d'application prévues par un décret daté du 17 juin 1938 (prise en charge armateur). Elle relève cependant que de l'aveu même de l'ENIM, l'accélération des projets informatiques ces dernières années a eu pour conséquence une augmentation des coûts de gestion.
La rapporteure spéciale note en outre que le « Fontenoy du maritime » a conclu à la nécessité d'instaurer une continuité de protection sociale pour les marins quel que soit leur pavillon d'emploi et de rendre ainsi concrète l'affiliation des marins à l'ENIM dès lors qu'ils résident à l'étranger. L'objectif affiché, qu'elle partage, est de permettre à l'établissement de bénéficier de plus de recettes. Serait ainsi mis en oeuvre, sur le modèle de la caisse des français de l'étranger (CFE), un « compartiment » équivalent au sein de l'ENIM, auxquels adhéreraient les marins concernés sur une base volontaire et dont ils assumeraient, comme les expatriés à la CFE, l'intégralité des cotisations sans implication de leur employeur. Cette mesure accompagnerait le développement de l'emploi des officiers français sous des pavillons internationaux (quelques centaines), souvent dans des activités à haute valeur ajoutée ou à forte technicité, ce qui serait de nature à créer des filières de spécialité française (par exemple la propulsion au GNL) bénéfiques aussi au pavillon national. Une étude de faisabilité du dispositif doit être réalisée. La mise en place d'un tel dispositif ne serait pas sans incidence financière pour l'ENIM.
Dans ces conditions, la trajectoire de réduction des coûts de gestion apparaît plus qu'aléatoire.
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EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 20 juillet 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale, sur les régimes de retraite de la RATP et des marins.
M. Claude Raynal , président . - Nous allons entendre une communication de notre collègue Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale de la mission « Régimes sociaux et de retraites », sur les régimes d'assurance vieillesse des agents de la régie autonome des transports parisiens et des marins.
Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - La mission « Régimes sociaux et de retraite » pour laquelle j'ai l'honneur d'être rapporteure spéciale comporte trois programmes :
Le 195 qui regroupe les mines, la SEITA, l'ORTF et les régimes ferroviaires d'outre-mer.
Le 197 qui concerne les marins civils.
Et le 198 relatif aux transports terrestres : SNCF et RATP principalement.
Ces trois programmes représentent 6,108 milliards d'euros en crédits de paiement en 2021.
Si nous devions nous préparer à une réforme des retraites, chacun se posera la question du devenir de ces régimes spéciaux déficitaires, voire des conséquences de leur éventuelle suppression. Comme à chaque tentative de réforme, l'objectif est récurrent. J'ai donc souhaité évaluer l'impact pour les finances publiques et cerner les enjeux d'une suppression pour deux régimes encore ouverts : ceux des personnels de la RATP et des gens de mer.
Avant de rentrer dans le vif du sujet, je tiens à vous dire que je me pose toujours la question de la pertinence d'une réforme des retraites sans réforme des salaires. En effet, seules les branches professionnelles qui ont historiquement préféré garantir des avantages retraites vont devoir remettre en question leurs acquis alors que celles qui ont choisi les avantages salariaux ne sont pas inquiétées.
Par ailleurs, s'il faut réformer les régimes spéciaux de retraites, il serait opportun voire indispensable d'obtenir un peu de lisibilité dans la maquette budgétaire, car ma mission ne couvre pas l'ensemble des régimes pour lesquels l'État verse une subvention d'équilibre. Il manque tous les régimes équilibrés au moyen de taxes affectées : les Industries électriques et gazières ; les non-salariés agricoles ; les clercs et employés de notaires ; les avocats. Manquent également l'Opéra de Paris et la Comédie-Française dont les subventions d'équilibre font partie de la mission Culture. Ainsi 5,052 milliards échappent à notre lecture.
Mais ce n'est pas tout !
La solidarité nationale à l'égard des régimes spéciaux s'exprime également par les compensations démographiques versées par les autres régimes obligatoires d'assurance vieillesse, CNAV, CNRACL, professions libérales, barreaux de France, IEG et RATP, qui devraient atteindre au total 5,616 milliards d'euros en 2022. Sur cette somme, 331 millions d'euros sont reversés aux régimes spéciaux visés par la mission.
Au total et toutes choses égales par ailleurs, en additionnant dotations budgétaires, dépenses fiscales dédiées et compensations démographiques, les régimes spéciaux de retraites (hors régimes de la fonction publique) sont donc financés à hauteur de 16,67 milliards d'euros par la solidarité nationale en 2022, montant à mettre en perspective avec les crédits couverts par la mission : 6,1 milliards d'euros.
Ma première recommandation sera donc de recenser au sein de la mission « Régimes sociaux et de retraite », l'ensemble des concours de l'État dédiés aux régimes spéciaux afin d'obtenir davantage de lisibilité.
Abordons maintenant le régime des retraites de la RATP.
Ce régime est aujourd'hui financé à 60,1% par la subvention d'équilibre versée par l'État, soit 737 millions d'euros en 2021 (contre 489 millions de cotisations salariales et patronales). J'observe que cette subvention d'équilibre a progressé de 28 % entre 2012 et 2021 alors que les dépenses totales n'ont progressé que de 22 %, ce qui confirme que plus l'on a réformé le régime, plus cela a coûté cher à l'État.
L'alignement sur le droit commun des réformes de 2003, 2010 et 2014 a été, pour partie, différé. L'âge de départ en retraite moyen à la RATP de 57,3 ans, comme la durée de versement moyenne ou les montants perçus viennent souligner une relative imperméabilité au durcissement des conditions d'accès à la retraite et conduisent donc à des versements substantiels de l'État qui continue de compenser des avantages spécifiques.
Ce n'est pas terminé puisque dans les années à venir, le nombre de pensionnés augmentera beaucoup plus que le nombre de cotisants et le poids des pensions versées pourrait progresser de 51 % d'ici 2050. Une raison majeure à cela : l'ouverture à la concurrence ! En 2025, l'ouverture à la concurrence concernera les lignes de bus, en 2030 les lignes de tramway, puis en 2040 les lignes de métro et RER.
Les négociations ont abouti à la mise en place du « sac à dos social » qui prévoit qu'en cas de transfert d'un salarié RATP dans une autre entreprise ayant remporté un marché, celui-ci conservera le bénéfice du régime de retraite. Les salariés qui refuseront le transfert seront licenciés par le repreneur et les nouveaux entrants seront, quant à eux, couverts par la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs ou la convention collective des transports routiers. Il s'agit d'un premier pas effectif vers la fermeture du régime. Sur 46 000 salariés, 19 000 sont concernés par l'ouverture à la concurrence.
Cependant, à ce jour, il n'existe pas d'évaluation de l'impact financier pour le régime de cette ouverture à la concurrence pas plus que d'isolement du coût spécifique du régime, matérialisé par le fameux taux de cotisation spécifique T2, qui existe pourtant à la SNCF et que la Cour des comptes et nous-mêmes appelons régulièrement de nos voeux. Reste que le contexte de l'ouverture à la concurrence ne devrait pas faciliter la mise en place d'un T2, son financement reviendrait, en effet, in fine aux autorités organisatrices des mobilités (Île-de-France Mobilités).
Concernant la pénibilité et les contraintes spécifiques, elles sont réelles : la densité de population et le rôle central de Paris dans la vie économique et sociale (60 % des événements publics) obligent à un fonctionnement continu du réseau mais il faut également noter que la fréquentation des bus est trois fois supérieure à la moyenne des autres agglomérations, quand le temps moyen passé par un conducteur dans les embouteillages est deux fois plus élevé qu'ailleurs. Deux tiers des vols et agressions ont lieu en Île-de-France, dont 3 600 agressions avec arme par an. L'on peut comprendre que la RATP ait des difficultés de recrutement. Mais, par ailleurs, bien d'autres chauffeurs de transport de personnes travaillent dans des conditions difficiles, en particulier les chauffeurs de transports scolaires dans les territoires.
Concernant l'impact de la fermeture du régime, il conduirait à un double mouvement : la baisse du nombre de cotisants, donc la baisse des cotisations perçues par la caisse de retraite qui entraînerait mécaniquement la hausse de la subvention d'équilibre de l'État. Ce scénario coûteux pour les finances publiques doit être contourné par la mise en place d'une compensation financière versée par le régime général et l'Agirc-Arrco puisque ces derniers encaisseront alors les cotisations sans débourser les pensions.
Venons-en désormais au régime des retraites des marins.
Il est issu du Fonds des invalides de la marine institué par Colbert en 1673. Il prévoyait alors le prélèvement d'un faible pourcentage sur la faible solde des marins aux fins de financement des hospices maritimes destinés à héberger et soigner les marins estropiés. Depuis 1898, le régime est réservé aux marins civils dont la spécificité est reconnue dans l'ordonnance du 4 avril 1945. Je ne vous surprendrai pas en énonçant que les marins cochent tous les critères de pénibilité auxquels l'on peut ajouter l'éloignement ou l'isolement : 14 fois plus de morts qu'à terre, 5 fois plus que dans le BTP.
59 % des marins sont pêcheurs, 23 % font de la culture marine, 10 % de la plaisance professionnelle et 9 % du commerce. 29 189 cotisants pour 106 327 pensionnés, le ratio démographique est extrêmement défavorable. La contribution de l'État s'élève à 810 millions en 2021. En y ajoutant les prises en charge de cotisations ( net wage ), le financement de l'État représente 81 % des ressources du régime des marins. Mais la baisse régulière du nombre de cotisants, ajoutée à l'extraordinaire concurrence internationale, rendent cette participation indispensable.
Lorsque l'on se penche sur l'organisation du travail des gens de mer, un constat est frappant : ce nombre réduit de marins est tout de même réparti en 20 catégories et chaque catégorie en 28 fonctions.... 75 d'entre elles ne concernent que dix marins.
Les cotisations retraites des marins sont basées sur un salaire forfaitaire et non sur le salaire réel. De plus, tous les marins ne cotisent pas à l'ENIM, les règles sociales dépendent à la fois du pavillon d'immatriculation du navire et de la résidence du marin : c'est tout l'enjeu !
La France dispose de trois registres : le premier registre pour les 23 800 navires battant pavillon français, le Registre international français (RIF) pour 2 400 navires de commerce au long court, les yachts de plus de 24 mètres et le cabotage et un registre spécial Wallis-et-Futuna.
En application du code de la sécurité sociale, les marins résidents en France sont, par principe, affiliés au régime de sécurité sociale des marins quel que soit le pavillon tiers sur lequel ils sont embarqués mais personne ne sait combien ils sont...
Le nombre de cotisants français ne cesse de diminuer et il semble que le contexte de concurrence internationale soit insoutenable : c'est ce qui constitue la clé de voûte de toute réflexion sur l'avenir du régime des marins. Car ce secteur est un théâtre mondial de dumping social, il l'est même à l'intérieur des frontières européennes.
Pour une journée d'embarquement, le coût d'un navire français atteint 37 206 euros, celui d'un navire chypriote 10 102 euros. L'effet du salaire net, l'absence de cotisations salariales et patronales sous pavillon chypriote expliquent en grande partie la différence. Le net wage italien diminue de 24 % la masse salariale, dont 14 % au titre des charges salariales et 10 % au titre de l'impôt sur le revenu. Que penser des conditions sociales des marins philippins ? Dès lors, même si, par exemple, le taux d'accident du travail est très élevé, comment demander plus aux armateurs français qui estiment la concurrence déloyale ? Chaque État prend en charge un taux conséquent de charges sociales ou fiscales afin de maintenir sa marine civile à flot si je puis dire. Il en va de sa souveraineté nationale.
Dans ces conditions, remettre en question le régime spécial des marins est impossible sauf à faire disparaître le peu d'effectifs qu'il reste et abandonner toute souveraineté dans le domaine.
Cependant, a minima , afin de remettre un peu de lisibilité dans le régime, en accord avec les partenaires sociaux, les différentes fonctions pourraient être mises à jour, le nombre de catégories réduit et la fluidité entre elles facilitée. Il conviendrait également d'améliorer la correspondance entre salaire forfaitaire et salaire réel.
Il serait également opportun d'intégrer la notion de temps de mer dans le mode de calcul des droits à pension pour mieux tenir compte de la pénibilité qui, sous ses différents aspects, constitue autant de droits à compensation.
Enfin, compte tenu du nombre élevé de polypensionnés, il est important de limiter l'affiliation au régime des marins aux carrières longues dans le secteur et de prévoir le reversement au régime général des cotisations versées par les affiliés au régime spécial lorsque la majeure partie de leur carrière est effectuée en dehors du secteur maritime.
En conclusion, nous faisons face à deux régimes spéciaux très différents qu'il ne sera pas possible de traiter de la même manière en cas de réforme des retraites. Je ne peux donc que recommander au Gouvernement beaucoup de prudence, de réflexion et de consultations avant de s'engager dans une éventuelle réforme des retraites.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je partage les orientations et les recommandations du rapport dans leur esprit, dont un certain nombre incombent au législateur. Cela permet en tout cas d'avancer petit à petit sur le sujet, qui, dans les discussions rapides, peut donner le sentiment que les solutions sont d'une simplicité presque biblique. Or, lorsqu'on regarde les choses de plus près, des complexités apparaissent, comme cela a été souligné par le rapport, notamment en termes de compétitivité et d'exercice du métier sur la mer.
M. Jean-François Rapin . - Je voudrais évoquer plusieurs éléments. D'abord, pour un pays qui se dit être la deuxième superficie mondiale en termes d'espaces marins, qui par excès de langage se dit parfois la deuxième puissance mondiale maritime - ce qui est absolument faux, alors même que je l'entends parfois venant de grands politiques de ce pays - la France a le devoir d'aider ses marins.
Il en va de la souveraineté. Ce terme est utilisé de façon importante, peut-être excessive, mais avec un objectif qui consiste à retrouver cette capacité à se gérer soi-même sans dépendre des autres.
Il en va aussi de la qualité du pavillon français. Je suis très sensible à ces questions, et à la façon dont elles sont traitées, notamment avec la conclusion, en disant qu'il sera difficile de trouver une porte de sortie car il y a moins de cotisants et de plus en plus de charges.
Cela me rappelle les questions de régimes miniers, qui ont été traitées il y a longtemps par le Sénat. On arrivait à des incohérences, dans la mesure où le nombre de personnes gérant le régime était plus important que les cotisants. Cela finira par arriver un jour ou l'autre pour la retraite des marins.
En ce qui concerne les recommandations, sur la n° 5, quand vous dites qu'il faut faciliter la fluidité entre les fonctions accomplies, réduire le nombre de catégories et voir si certains métiers ne pourraient pas changer de régime ou avoir d'autres régimes de retraite pour les ostréiculteurs et les conchyliculteurs, je trouve cette réflexion intéressante. Ces personnes sont en réalité plus des agriculteurs de la mer que des marins. Cette piste est donc à creuser avec les fédérations qui les représentent.
S'agissant de la recommandation n° 6, il est de bon sens de dire qu'il faut intégrer la notion de temps passé en mer pour qualifier la pénibilité. Il convient de relever aussi que les métiers qui impliquent des éléments de débarque sont aussi pénibles. Je voudrais apporter une réflexion complémentaire sur le fait que le temps passé en mer impose parfois des contraintes médicales compliquées à gérer, comme les troubles musculaires, les lombalgies et autres. Ces personnes sont souvent arrêtées et même si elles veulent reprendre la mer, cela leur est déconseillé. Tout ce qui est en lien direct avec les pathologies liées au travail devrait être intégré au temps passé en mer. Il faut donc ainsi distinguer le temps de mer effectif du temps de mer d'affectation. Je crois qu'il est important d'intégrer ce temps d'arrêt de travail, qui est une des conséquences directes de l'exercice de leur activité, sans pour autant que cela soit reconnu en maladie professionnelle ou en accident de travail.
La défense du pavillon français est donc un sujet important, et qui va prendre de l'ampleur. Il n'y a qu'à voir comment les russes s'acharnent pour avoir cette suprématie d'abord en mer d'Azov et ensuite en mer Noire. La stratégie maritime à l'échelle mondiale est importante.
M. Michel Canévet . - La question du régime des marins est en effet importante pour moi étant élu d'un département maritime. Je remercie la rapporteure spéciale d'avoir aussi évoqué le régime particulièrement sensible de la RATP pour tous ceux qui sont appelés à utiliser les transports publics. Eu égard à la sensibilité de ces régimes, il est nécessaire de conduire avec prudence leur éventuelle réforme.
Pour les élus des communes du littoral, nous sommes attachés à ce que la France demeure une grande puissance maritime. Le potentiel maritime de la France est au service de notre souveraineté mais il faut souligner aussi l'importance de la marine de commerce pour les échanges internationaux. En effet, à l'échelle mondiale, l'essentiel du trafic commercial s'effectue par la voie maritime. Se positionner sur ce secteur, c'est dès lors s'exposer à la concurrence internationale. Cela explique qu'il ait fallu ces dernières années mettre en place des dispositifs afin de tenter de lutter à armes égales avec nos concurrents, qui souvent opèrent à très bas coût, ce qui peut expliquer le différentiel de cotisations par rapport aux autres régimes. Pour affronter la concurrence internationale, des dispositifs d'exonération de charges doivent exister pour les marins du commerce.
Pour ce qui est de la pêche, c'est aussi un sujet sensible car bien que nous soyons un grand pays maritime, nous importons plus de la moitié des produits de la mer consommés dans notre pays, ce qui peut paraître anormal. L'une des principales difficultés du secteur aujourd'hui est le manque de marins. Nous avons beaucoup de mal à attirer de nouveaux entrants dans ces métiers au regard des risques professionnels et les conditions de vie à bord des marins sont difficiles puisque la flotte de pêche est vétuste.
Le fait de disposer d'activités portuaires sur les lieux les plus excentrés de notre pays soulève également des questions d'aménagement du territoire. Ainsi, avant d'engager la réforme des catégories, il faut bien regarder les choses et je partage l'idée que tout cela doit être particulièrement négocié avec les organisations syndicales, sauf à risquer d'être contreproductif.
Vient aussi la question des cultures marines qui a été évoquée tout à l'heure. Elle est importante et a pris un certain ascendant dès lors que la production de culture marine arrive quasiment à égalité avec la pêche, qu'elle soit minotière ou alimentaire. À ce titre, il faut savoir que les ostréiculteurs font partie des conchyliculteurs, qui incluent aussi les mytiliculteurs qui s'occupent des moules. Dans ce domaine aussi, il y a une très grande difficulté à attirer.
Il est important d'avoir un dispositif qui reconnaisse les spécificités des hommes et des femmes qui font ces métiers-là. Une grande partie d'entre eux est aujourd'hui affiliée à la Mutuelle sociale agricole (MSA), donc il faut avoir un dispositif qui reconnaît ceux qui vont en mer, sur les barges ostréicoles notamment.
Il convient d'avancer avec beaucoup de prudence sur le sujet pour ne pas trop s'éloigner des hommes et des femmes dont on a besoin pour la pérennité de ces activités et pour l'avenir de la souveraineté alimentaire de notre pays.
M. Jean-Claude Requier . - Je ne suis ni élu maritime ni élu parisien, mais je suis très intéressé par ce rapport. Je félicite Sylvie Vermeillet pour ce texte très précis. Je constate que chez les marins il y a beaucoup de catégories et de sous-catégories. Cela signifie que si on unifie, il faut le faire par le haut, je ne suis pas sûr que cela génère beaucoup d'économies.
J'ai une interrogation sur les dockers : je ne pense pas qu'ils relèvent du régime des marins, même s'ils bénéficient d'un régime spécial assez avantageux.
J'ai beaucoup apprécié la conclusion pleine de prudence de Sylvie Vermeillet. Cela me fait penser à la phrase d'Henri Queuille, ancien président du Conseil, radical-socialiste de Corrèze, qui disait « il n'est pas de problème dont une absence de solution ne finisse par venir à bout ». Cette phrase a ensuite été reprise par les présidents corréziens, aussi bien Jacques Chirac que François Hollande. Donc peut-être que le problème va se résoudre tout seul, mais je ne vois pas, par les temps qui courent, une grande réforme des retraites aboutir.
Mme Christine Lavarde . - Ma question porte sur le régime de la RATP. Vous évoquez une différence de pension entre la moyenne « RATP » qui est à 2 800 euros et une moyenne « France » qui est à 1 400 euros. Est-ce qu'on retrouve les mêmes écarts quand on regarde les salaires perçus au cours de la vie ?
Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale . - En écho aux propos du rapporteur général, je rappelle que nous avons un certain nombre de régimes spéciaux déficitaires. Certains sont d'ores et déjà fermés, la subvention de l'État viendra donc, sans surprise, les financer jusqu'à extinction des derniers droits à pension. Les régimes de la RATP et des marins, tous deux également déficitaires sont eux encore ouverts, même s'ils ne répondent pas aux mêmes problématiques. Les contraintes sont, en effet, différentes. La RATP s'ouvre progressivement à la concurrence quand les marins font déjà face à une concurrence exacerbée, qui induit un soutien social et fiscal pour l'État, à l'image de ce que font d'autres pays, au risque d'un engrenage. Les enjeux pour la RATP et la marine dépassent en tout état de cause la seule question des régimes des retraites.
Je partage le constat de Jean-François Rapin, la France doit aider ses marins. La question des conchyliculteurs renvoie à celle plus globale de la structure même du régime des retraites dont il convient de préciser les règles d'affiliations. Le sujet du temps de mer participe du même débat. Il s'agit notamment de mieux prendre en compte le temps passé en haute mer et de le distinguer d'autres journées de travail maritime, afin de rétribuer la pénibilité à sa juste valeur. Rappelons que, même si ce ne sont pas les seuls marins affectés à terre, les permanents des syndicats maritimes exercent l'intégralité de leur activité à terre et restent affilés au régime.
En ce qui concerne les contraintes médicales, j'ai été notamment alertée de problèmes récurrents de vue et d'ouïe. Les chiffres relatifs aux accidents du travail sont par ailleurs assez révélateurs quant à la dangerosité de ces fonctions. J'ai également noté que la prise d'un arrêt maladie est plus complexe qu'à terre. Le régime d'invalidité semble également moins favorable.
Comme l'a rappelé Michel Canévet, le manque de marins pêcheurs, qui conduit notamment à l'importation de produits de la mer , est une des clés pour appréhender le déficit du régime. Je note également que l'École nationale supérieure de marine ne peut former assez d'officiers dans un marché de l'emploi maritime marqué par de fortes tensions en matière de recrutement.
Je confirme à Jean-Claude Requier que les dockers ne sont pas affiliés au régime des marins. S'agissant de la réforme des retraites, aller trop rapidement induit un risque de tensions sociales devant un dispositif insuffisamment négocié et expliqué.
Pour répondre à Christine Lavarde, le salaire médian à la RATP avait été évalué par la Cour des comptes à 2 625 euros. Il atteint au niveau national 1 789 euros. Ces écarts se retrouvent en matière de pensions. L'enjeu pour le régime des retraites reste l'ouverture à la concurrence qui peut aboutir à une fermeture rapide.
M. Claude Raynal , président . - J'ajoute qu'il serait peut-être plus pertinent de comparer le salaire médian de la RATP avec celui constaté au sein de la seule Île-de-France.
Je vous remercie pour ces précisions.
La commission a adopté les recommandations de la rapporteure spéciale et a autorisé la publication de sa communication sous la forme d'un rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Direction du Budget
- M. Richard BORDIGNON, chef du bureau des retraites et des régimes spéciaux ;
- M. Mathieu LANNES, adjoint en charge de la synthèse de la mission Régimes sociaux et de retraites et de la tutelle du régime des marins.
Direction de la sécurité sociale
- Mme Delphine CHAUMEL sous-directrice des retraites et des institutions de protection sociale complémentaire (SD3) ;
- Mme Caroline DROUIN, cheffe du bureau des régimes spéciaux.
Régimes de retraites de la RATP
Régie autonome des transports parisiens (RATP)
- Mme Isabelle CAROFF, responsable Affaires sociales et relations sociales.
- M. Christophe NOËL, responsable Rémunération et temps de travail, direction des ressources humaines ;
- Mme Christine MERCKAERT, responsable Politique sociale et salariale, direction des ressources humaines ;
- M. John-David NAHON, chargé des affaires parlementaires et territoriales, direction des relations institutionnelles ;
Caisse des retraites des personnels de la RATP
- M. Christophe ROLIN, directeur.
Direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM)
- M. Marc PAPINUTTI, directeur général ;
- Mme Élise TEXIER, sous-directrice Droit social des transports terrestres ;
- Mme Gabrielle DERUCHE, chargée d'étude au bureau du droit social des transports ferroviaires ;
- Mme Delphine HARDY, conseillère Élus et communication.
Table ronde de représentants syndicaux
CGT RATP
- M. Bertrand HAMMACHE, secrétaire général ;
- M. Guillaume LERENDU, administrateur.
FO Groupe RATP
- M. Jean-Christophe DELPRAT, secrétaire fédéral.
UNSA-RATP
- M. Arole LAMASSE, secrétaire général ;
- M. Mourad CHIKH, responsable adjoint du secteur Bus ;
- M. Jean-Marc DIAN, responsable du secteur Agents stations, gares, contrôle et service.
CFE-CGC Groupe RATP
- M. Frédéric RUIZ, président ;
- Mme Valérie VOVK, juriste en droit social ;
- M. Fabien RENAUD, administrateur.
Régimes de retraites des marins
Établissement national des invalides de marine (ENIM)
- Mme Malika ANGER-BOURESSAM, directrice ;
- M. Josselin NEYROLLES, fondé de pouvoir ;
- Mme Sandrine TARDIF, cheffe du département des finances et des moyens généraux.
Direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DG AMPA)
- M. Christophe LENORMAND, adjoint au directeur des affaires maritimes ;
- M. Philippe GABRIEL, chef du bureau de la protection sociale des marins.
Conseil supérieur des gens de mer
- M. Jean-François JOUFFRAY, président.
Table-ronde des organisations représentatives du patronat
Armateurs de France (ADF)
- M. Jean-Philippe CASANOVA, délégué général.
Union des armateurs à la pêche de France (UAPF)
- Mme Axelle BODMER, secrétaire générale.
Syndicat maritime des pêcheurs artisans-CFDT (SYMPA CFDT)
- Mme Sylvie ROUX, secrétaire générale.
Syndicat national des marins pêcheurs artisans-CGT (SNMPA-CGT)
- M. Serge LARZABAL, secrétaire chargé des pêches à la FNSM et au SNMPA CGT.
Fédération Française des Pilotes Maritimes (FFPM)
- M. Henry CAUBRIÈRE, président ;
- M. André GAILLARD, secrétaire général.
Table ronde des organisations représentatives des marins
Fédération des officiers de la marine marchande
- M. Matthieu EBRAN, secrétaire général adjoint FOMM-CGT.
Fédération nationale des syndicats maritimes-CGT
- M. Pierrick SAMSON, secrétaire général.
Union fédérale maritime-CFDT
- M. Thierry LE GUEVEL, secrétaire général UFM/CFDT-FGTE ;
- M. Jean-Paul CORBEL, secrétaire national UFM-CFDT.
Syndicat national des cadres navigants de la marine marchande
- M. Pierre MAUPOINT DE VANDEUIL, président.
Union nationale des syndicats des marins pêcheurs-CFTC
- M. Bruno DACHICOURT, secrétaire général.
Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services-FO
- M. Étienne CASTILLO, secrétaire fédéral en charge du secteur maritime et portuaire.
Table-ronde des organisations représentatives des pensionnés
Fédération nationale des associations de pensionnés de la marine marchande
- M. Alain POCHER, président.
Union fédérale maritime-CFDT
- M. Joël JOUAULT, secrétaire national des retraités de la marine marchande.
Union fédérale des pensionnés et veuves de la marine marchande-CGT
- M. Christian LE SIGNE, secrétaire général.
* 1 Le tableau dénombre les marins ayant cotisé pour la maladie ou la vieillesse au cours de l'année. Le calcul se base sur les lignes de services déclarées pour chaque marin. La ligne total compte distinctement tous les marins avec une ligne de service ayant débuté dans l'année. Un marin pouvant être classé dans différentes catégories au sein d'une même année, la somme du nombre de marins de chaque catégorie n'est pas égale au total. De la même façon, un marin pouvant exercer son activité dans deux secteurs d'activité différents, la somme du nombre de marins de chaque catégorie n'est pas égale au total.
* 2 Le secteur d'activité « Inconnu » comptabilise les marins qui ne naviguent pas (position à terre, congé, formation etc.).
* 3 Une mission de contrôle budgétaire effectuée en 2013 avait spécifiquement visé le régime spécial de retraite et de sécurité sociale des marins : Le régime de retraite et de sécurité sociale des marins : maintenir le cap de la modernisation, rapport d'information n° 707 (2012-2013) de M. Francis Delattre, au nom de la commission des finances, 2 juillet 2013.
* 4 2 du II du 3 du B de la partie 3 de l'étude d'impact.
* 5 Les régimes de salariés sont les suivants : Caisse nationale d'assurance-vieillesse - CNAV, Régime des salariés agricoles, régime des fonctionnaires civils et militaires de l'État, caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales - CNRACL, Fonds spécial des ouvriers des établissements industriels de l'État - FSPOEIE, Régime des mines, CRP RATP, CPRP SNCF, Régime des marins, Régime des industries électriques et gazières, Régime des clercs et des employés de notaires, Banque de France.
* 6 Les quatre régimes de non-salariés sont les suivants : Exploitants agricoles, Caisse nationale des barreaux français, Sécurité sociale des travailleurs indépendants et Caisse nationale d'assurance vieillesse des professions libérales.
* 7 La revalorisation a été finalement décalée au 1 er janvier de l'année suivante par la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2018 (article 41).
* 8 Les régimes spéciaux de retraite de la RATP, de la SNCF et des industries électriques et gazières, juillet 2019.
* 9 Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère des solidarités et de la santé, Les retraités et les retraites - édition 2021.
* 10 La moyenne Régimes spéciaux comprend le Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État -FSPOEIE, les régimes de la SNCF, de la RATP, des instructions électriques et gazières, des marins, des mines, des cultes (Cavimac), des clercs et employés de notaires (CRPCEN), des employés de la Banque de France, de la SEITA, des maîtres des établissements d'enseignants privés (RETREP).
* 11 L'organisation des transports terrestres de voyageurs en dehors de l'Île-de-France est déjà ouverte à la
concurrence depuis la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation du transport intérieur (LOTI).
* 12 RATP Participations et RATP Coopération ne disposent pas de salariés, RATP Cap Ile-de-France en comptabilise 1 128, RATP Développement 21 837 dont 4 973 en France. RATP Smart Systems emploie 351 personnes. Les autres filiales comptabilisent au total 225 salariés.
* 13 Décret n° 2005-1636 du 26 décembre 2005 relatif aux conventions financières passées par le régime spécial de retraites du personnel de la Régie autonome des transports parisiens, au taux et à l'assiette des cotisations perçues par ce régime et modifiant le décret n° 59-157 du 7 janvier 1959 relatif à l'organisation des transports de voyageurs en Ile-de-France.
* 14 Article 25 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.
* 15 Migration vers la RGCU et autres dépenses interrégimes.
* 16 La liste des fonctions entrant dans chaque catégorie a été réduite en ne retenant que les exemples les plus représentatifs de chaque catégorie sont présentés.
* 17 L'addition des différents secteurs d'activité dépassent 100 %, un marin pouvant cotiser au cours du même exercice au sein de plusieurs secteurs d'activité.
* 18 Le tableau dénombre les marins ayant cotisé pour la maladie ou la vieillesse au cours de l'année. Le calcul se base sur les lignes de services déclarées pour chaque marin. La ligne total compte distinctement tous les marins avec une ligne de service ayant débuté dans l'année. Un marin pouvant être classé dans différentes catégories au sein d'une même année, la somme du nombre de marins de chaque catégorie n'est pas égale au total. De la même façon, un marin pouvant exercer son activité dans deux secteurs d'activité différents, la somme du nombre de marins de chaque catégorie n'est pas égale au total.
* 19 Le secteur d'activité « Inconnu » comptabilise les marins qui ne naviguent pas (position à terre, congé, formation etc.).
* 20 La catégorie 0 équivaut principalement à des périodes de chômage partiel.
* 21 Loi n° 2005-412 du 3 mai 2005.
* 22 Est ainsi appliqué l'article 70 de la loi de finances du 8 avril 1910.
* 23 L'article 5785-6 du code des transports permet à la CPSWF de conventionner avec l'ENIM.
* 24 Règlement (CEE) n° 3577/92 du Conseil, du 7 décembre 1992, concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime).
* 25 Ses conclusions ont été reprises au sein de la communication de la Commission relative à l'interprétation du règlement (CE) n° 3577/92 du Conseil concernant l'application du principe de la libre circulation des services aux transports maritimes à l'intérieur des États membres (cabotage maritime) (COM/2014/0232 final) du 22 avril 2014.
* 26 Directive 96/71/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 1996 concernant le détachement de travailleurs effectué dans le cadre d'une prestation de services.
* 27 CJUE, n° C-384/10, Arrêt de la Cour (quatrième chambre), Jan Voogsgeerd contre Navimer SA, 15 décembre 2011.
* 28 Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant coordination des systèmes de sécurité sociale.
* 29 Règlement (CE) N° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d'application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.
* 30 L'article 81 A du code des impôts prévoit que les marins embarqués plus de 183 jours à bord d'un navire immatriculé au Registre international français peuvent bénéficier de l'exonération de l'impôt sur le revenu.
* 31 Rapport du président de la commission de classement à M. le directeur de l'ENIM portant proposition de réforme du classement catégoriel des marins et de la grille de salaires forfaitaires, septembre 2008.
* 32 26 % en Guadeloupe, 24 % en Martinique, 24 % en Guyane et 75 % à la Réunion.