III. L'ENTREPRENEURIAT, UNE DYNAMIQUE D'ÉMANCIPATION POUR LES HABITANTS

Dans le cadre de notre mission, nous avons voulu nous intéresser à l'entrepreneuriat parce qu'il incarne d'une manière toute particulière ces trajectoires ascendantes que nous avons voulu mettre en lumière, et le changement de regard que nous appelons de nos voeux sur les quartiers et leurs habitants qui peuvent devenir des apporteurs de solutions.

Nous sommes pleinement conscientes que cela concerne une minorité et que transformer un jeune NEET en président de licorne relève de la légende urbaine. Nous avons donc réalisé ce point de situation de manière équilibrée en identifiant les éléments encourageants et les difficultés persistantes et spécifiques aux quartiers. Mais il faut souligner que cette minorité et cette thématique raisonne fortement dans les quartiers car plus d'un tiers des habitants, et notamment les femmes, voient l'entrepreneuriat comme une voie enviable de succès personnel et professionnel.

Dans cette perspective, les entrepreneurs des quartiers apparaissent comme des modèles divers et accessibles d'intégration et de réussite qui peuvent avoir un réel effet d'entraînement.

À la suite de nos propositions pour une plus grande implication des entreprises dans les quartiers, nous souhaitons contribuer à lever les freins pour amplifier cette dynamique.

A. UNE MULTIPLICITÉ DE DISPOSITIFS D'AIDE

La politique en faveur de l'entrepreneuriat en QPV a connu une montée en puissance au cours des dernières années . L'entrepreneuriat est, en effet, considéré comme un moyen non seulement de lutter contre le chômage en QPV, qui reste à des niveaux plus élevés qu'au niveau national, mais également d'enclencher une dynamique économique positive dans ces territoires.

Cette politique s'inscrit dans la continuité de la loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, qui fait du développement de l'activité économique et de l'emploi l'un des principaux axes de la politique de la ville.

Si la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a d'ores et déjà facilité la concrétisation de projets entrepreneuriaux, en créant le statut d'autoentrepreneur, les disparités persistantes entre les QPV et le reste du territoire national ont justifié la mise en place de dispositifs spécifiques.

À la suite du discours d'Emmanuel Macron à Tourcoing en novembre 2017, réaffirmant la volonté de renforcer la dynamique entrepreneuriale des QPV, les dispositifs d'accompagnement à l'entrepreneuriat se sont ainsi multipliés dans ces territoires .

1. Les dispositifs nationaux de soutien à l'entrepreneuriat

À l'échelle nationale , Bpifrance conduit les principales actions en faveur de l'entrepreneuriat dans les quartiers . Depuis le 1 er janvier 2019, la banque publique d'investissement regroupe l'ensemble des missions de l'Agence France Entrepreneur (AFE) ainsi que celles de la Caisse des dépôts et consignations(CDC) en faveur de la création d'entreprises. Elle compte 28 réseaux de création d'entreprises et 1 900 implantations territoriales.

Bpifrance a initié en 2019 le programme Entrepreneuriat Pour Tous (EPT) destiné à renforcer la dynamique entrepreneuriale des QPV. Ce dernier soutient les porteurs de projets, à travers des dispositifs d'accompagnement et de financement. À cette fin, il fédère l'ensemble des acteurs engagés dans l'aide des entrepreneurs. Il repose en particulier sur un réseau d'associations.

Le programme EPT est cofinancé par l'État (15 millions d'euros) et la Banque des Territoires (65 millions d'euros).

Les principaux axes d'intervention du programme Entrepreneuriat Pour Tous
de Bpifrance

Le programme Entrepreneuriat Pour Tous articule son action autour de trois axes :

- Faciliter l'accès à l'offre . Dans une logique « d'aller vers », la tournée Entrepreneuriat Pour tous a été mise en place, en vue de présenter aux habitants des QPV les solutions existantes et faire témoigner des porteurs de projets, ainsi que des personnalités locales inspirantes. Mobilisant près de 1 000 partenaires territoriaux et intervenants, le programme a directement touché 27 200 personnes entre 2019 et 2021. Des bus, portés par des associations et cofinancés avec les collectivités locales, ont, en outre, été mis en place et des bornes Bpifrance ont été déployés dans certaines agences Pôle Emploi.

En complément, le concours Talents des cités, créé en 2002 à l'initiative du ministère de la Ville et de Bpifrance, récompense chaque année des porteurs de projets créateurs issus de QPV. En 20 ans, le concours a récompensé plus de 600 lauréats.

- Animer les communautés entrepreneuriales . Les chefs de projet CitésLab interviennent dans les quartiers, afin de détecter, préparer et orienter les entrepreneurs en devenir et en activité. Les entrepreneurs identifiés sont financés en partie par Bpifrance et sont accompagnés par des associations ou une collectivité locale.

- Accélérer les entreprises . Initiés dès 2015 par Bpifrance, les accélérateurs sont des programmes intensifs d'accompagnement qui proposent, notamment, des services de conseil, de formation et de networking aux entrepreneurs. Depuis 2019, les programmes Émergence et Création ont été lancés dans le cadre du Plan d'Investissement dans les compétences (PIC) et sont portés par trois opérateurs : les associations Les Déterminés, My Creo Academy et Entrepreneurs dans la ville. La sélection de 13 nouveaux opérateurs en 2021 permet d'étendre les dispositifs sur l'ensemble du territoire national.

En 2020 et 2021, 68 % des entrepreneurs accélérés étaient issus de QPV (l'objectif étant fixé à 70 %). Les programmes sont cofinancés par Bpifrance, les collectivités locales et des acteurs privés.

À la suite de son lancement, le dispositif EPT est monté en puissance en 2020 et 2021. Il a permis la création de 5 000 entreprises en QPV , dont 1 137 ayant bénéficié des programmes d'accélération. En outre, Bpifrance indique avoir détecté et préparé 50 000 intentionnistes et entrepreneurs. Les objectifs du programme sont fixés à l'horizon 2025.

En complément de l'offre d'accompagnement, des aides publiques sont, en outre, proposées pour aider les entrepreneurs des QPV en termes de financements . Différents outils financiers sont à cet effet mobilisés :

- la facilitation de l'accès au crédit bancaire . Depuis le 1 er janvier 2020, Bpifrance assure ainsi, pour le compte de l'État, la gestion du Fonds de Cohésion Sociale (FCS), dont le rôle est de soutenir le développement de la garantie de prêts consentis aux publics en difficulté. Doté de 17,3 millions d'euros, le FCS a, en 2020, garanti 46 259 prêts pour une somme totale de 496 millions d'euros de prêts ;

- les prêts d'honneur , à taux zéro, sans garantie, sont des prêts à la personne qui permettent de renforcer l'apport personnel du créateur et les fonds propres de l'entreprise. Ils sont accordés par Initiative France, Réseau Entreprendre et l'Association pour le droit à l'initiative économique (Adie) ;

- les microcrédits professionnels . Proposé notamment par l'Adie, association reconnue d'utilité publique depuis 2005, ce dispositif s'adresse aux personnes n'ayant pas accès au système bancaire traditionnel (allocataires des minima sociaux et chômeurs). L'association, qui est présente sur l'ensemble du territoire national, s'adresse en particulier aux entrepreneurs des QPV à travers plusieurs dispositifs ciblés, tels que le « microcrédit mobilité » avec une option liberté, qui tient compte de la difficulté à emprunter avec intérêt.

En complément de ces outils financiers, la Mission French Tech Tremplin, lancée en 2019 et financée dans le cadre du plan d'investissement France 2030, en partenariat avec Bpifrance, permet à des porteurs de projets issus de QPV ou de QVA de bénéficier d'un financement, ainsi que d'un accompagnement intensif sur plusieurs semaines pour créer leur start-up.

Pour finir, certains dispositifs de droit commun ont également été cités par les auditionnés comme ayant eu un impact positif sur le développement de projets entrepreneuriaux en QPV. À ce titre, les aides financières versées par Pôle emploi, à travers le maintien partiel de l'allocation d'aide au retour à l'emploi (ARE) ou l'aide à la reprise et à la création d'entreprise (ARCE) sont jugées comme particulièrement utiles. Ces dernières permettent, en effet, de sécuriser financièrement les entrepreneurs le temps de la création de l'entreprise.

2. Des actions spécifiques menées par les élus

Venant compléter l'action nationale, les élus et le monde associatif mènent des actions au plus près des entrepreneurs des quartiers .

À titre d'exemple, la Maison pour l'initiative économique locale (Miel) , créée en 1998 à l'initiative des élus locaux, vise à favoriser la création le développement de très petites entreprises (TPE) sur le territoire de Plaine Commune, situé à 70 % en QPV. L'association accueille et accompagne, à cette fin, tout entrepreneur du territoire qui le souhaite. Du fait de la diversité des profils accueillis, l'association propose, avec le concours de professionnels, un accompagnement, individuel ou collectif, adapté au profil de chacun. Des programmes spécifiques sont également mis en place, afin de soutenir l'entrepreneuriat féminin (Programme Les essentielles) et développer les compétences numériques des entrepreneurs.

De plus, l'association gère par délégation de service public la pépinière d'entreprises installée à la Courneuve. S'agissant d'une structure d'hébergement et d'appui au développement de jeunes entreprises à fort potentiel, l'objectif est notamment celui d'améliorer l'attractivité du territoire.

En 23 ans, la Miel a ainsi accueilli plus 14 000 entrepreneurs.

3. L'engagement d'acteurs privés

Enfin, des acteurs privés soutiennent à leur tour l'entrepreneuriat dans les quartiers.

En ce sens, le « Pacte avec les quartiers pour toutes les entreprises » (PAQTE), initié en juillet 2018, permet aux entreprises d'apporter leur contribution au développement économique et social des QPV. Comportant plusieurs volets, le programme vise notamment à sensibiliser les jeunes à l'entreprise et à l'entrepreneuriat.

Les grands groupes privés soutiennent et financent, en outre, certaines associations engagées en faveur de l'entrepreneuriat dans les QPV. Par exemple, un programme de parrainage d'entrepreneurs par des grands groupes (notamment TF1 et L'Oréal) a été mis en place par l'association My Creo Academy.

Sur le volet financier, des fonds d'investissement soutiennent les entrepreneurs. Impact Partners, un fonds d'investissement à impact, accompagne ainsi les entreprises en difficulté, en partenariat avec JP Morgan et La Française des jeux. Le fonds dispose de 350 millions d'euros sous gestion et se développe en France et Europe (six pays). Dans les QPV, les entreprises d'utilité locale sont particulièrement ciblées. Impact Partners indique avoir financé la création de 150 commerces franchisés dans les QPV, qui ont permis la création de 1 500 emplois.

Enfin, des incubateurs d'entreprises ciblent également les entrepreneurs des QPV. À titre d'exemple, Station F, le plus grand campus de start-ups à l'échelle mondiale, créé en 2017 par Xavier Niel, a mis en place le programme Fighters . Destiné aux entrepreneurs issus de milieux défavorisés, le programme accompagne et forme les porteurs de projet sélectionnés à titre gratuit pendant une durée d'un an. Évoluant au sein d'un écosystème stimulant, ces derniers bénéficient, à travers le programme, d'échanges de bonnes pratiques ainsi que des gains en matière de crédibilité.

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