EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 19 juillet 2022, la commission a examiné le rapport de Mmes Viviane Artigalas, Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur le bilan de la politique de la ville.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous examinons maintenant le rapport d'information de Viviane Artigalas, Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard sur le bilan de la politique de la ville. Je laisse la parole à nos trois rapporteures.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - Voici arrivé le moment de vous restituer, avec Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard, notre travail d'évaluation de la politique de la ville et, plus spécifiquement, d'application de la loi Lamy du 21 février 2014, à l'issue de 30 auditions et quatre visites de terrain, à Val-de-Reuil, dans l'Eure, à Allonnes, dans la Sarthe, et, naturellement, à Valenciennes et Nice.
Beaucoup de rapports ont été écrits sur la politique de la ville ; vous pourriez vous dire : « Un de plus ! ». Nous avons voulu nous distinguer par notre méthode et notre objectif.
Tout d'abord, ce rapport suit de cinq ans celui que Valérie Létard et Annie Guillemot avaient rendu en 2017. Notre commission et la Haute Assemblée ont de la suite dans les idées. Ce n'est pas si fréquent !
Ensuite, notre travail intervient à un moment où se prépare une nouvelle génération de contrats de ville. Le Gouvernement a lancé une commission à laquelle Valérie Létard et moi-même avons participé. L'objectif est de conclure de nouveaux contrats d'ici à 2024, alors que les précédents sont prolongés depuis dix ans, posant une vraie question d'application de la loi : il était prévu de les corréler aux mandats municipaux... Il s'agit, en quelque sorte, de la face émergée de l'iceberg de l'application défaillante de la loi Lamy. Se pose aujourd'hui la question d'une révision de cette loi : nous voulons la préparer, voire l'anticiper.
Enfin, et ce n'est pas la moindre des motivations ayant innervé notre travail, nous voulions redonner une perspective à cette politique. Le quinquennat précédent a été celui du stop & go entre les quartiers et le Gouvernement : le plan Borloo ? Des espoirs, puis un classement sans suite. De même, dans le plan de relance consécutif à une crise sanitaire dramatique, les quartiers ont été oubliés... avant de le voir se déployer, sous la surveillance directe du Premier ministre Jean Castex, et d'un comité de suivi qui s'est réuni tous les deux mois.
Les coups de frein et d'accélérateur se sont succédé sans constance et sans boussole. Désormais, quelle orientation, quelle priorité doit-on impulser à cette politique qui a plus de quarante ans et qui fait l'objet de nombreuses critiques ?
Pour répondre à ces questions, nous avons voulu jeter un nouveau regard sur la politique de la ville : nous proposons de compléter les objectifs et d'ajuster les outils. Dans ce cadre, nous nous sommes intéressées plus particulièrement à l'entrepreneuriat, comme exemple de trajectoires ascendantes des habitants de ces quartiers.
Nous souhaitons mettre en valeur la dimension de tremplin de la politique de la ville pour les habitants.
Ces quartiers sont confrontés à de multiples difficultés, en matière de sécurité, d'éducation, d'intégration, de santé ou de chômage. C'est un fait : nous ne le négligeons pas. Nous n'avons pas chaussé nos lunettes vertes, comme au pays d'Oz : soyez rassurés ! Cependant, à regarder la photo et non le film, à voir les difficultés des quartiers et non l'histoire des habitants, une partie de la réalité échappe à l'analyse. En effet, depuis une vingtaine d'années, la politique de la ville a pour principal objectif de réduire les écarts entre, d'un côté, des territoires où se concentre la pauvreté, et, d'un autre, le reste du pays. L'objectif est de normaliser ces territoires en leur faisant rejoindre la moyenne statistique.
La politique de la ville est conçue comme une politique de discrimination positive territoriale. Nous le savons : dans les quartiers transformés par l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), ce n'est pas sans résultat, bien au contraire. Pourtant, comme l'a souligné la Cour des comptes, avec constance, dans ses rapports de 2002, de 2012 et de 2020, la situation des quartiers ne s'améliore pas fondamentalement. La politique de la ville connaîtrait une forme d'échec récurrent, malgré les milliards engloutis. Ce constat nourrit son procès en légitimité, d'autant que, depuis le mouvement des « gilets jaunes », les problèmes de la France périphérique et de la ruralité peuvent apparaître plus urgents. Opposer ville et campagne est un piège : nous le savons bien.
Sans nier ces constats ni rester sourd aux demandes, il nous faut déconstruire certaines idées reçues. Dans les quartiers prioritaires, l'insuffisance du droit commun est encore et toujours une réalité. Les rapports Borloo, Cornut-Gentille et Kokouendo, et de l'Institut Montaigne l'ont largement démontré. Pour ne donner qu'un seul chiffre, pour 100 000 habitants, on compte moins de personnels de la fonction publique hospitalière en Seine-Saint-Denis non seulement par rapport au reste de la France, mais aussi par rapport aux départements de la diagonale du vide.
Pour autant, la Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France, se révèle être le huitième contributeur net à la protection sociale, et celui où la masse salariale a le plus augmenté dans la décennie qui a précédé la crise de la covid 19. La contribution à l'économie nationale n'est donc pas négative.
Il faut également envisager la politique de la ville dans le temps long des quartiers. Beaucoup ont été créés après-guerre dans le contexte de la reconstruction, de l'exode rural et de l'accueil des rapatriés d'Algérie. Les défauts rédhibitoires de certains grands ensembles sont apparus très tôt. Ainsi, la « sarcellite », expression décrivant les difficultés à vivre des habitants de ces quartiers, date de 1962, avant même tout problème d'immigration ou de ghettoïsation. À Val-de-Reuil, à Saint-Dizier ou à Grigny, les opérations dites de couture urbaine, visant à réparer les erreurs de conception, sont toujours en cours. Par conséquent, il ne faut pas avoir une vision court-termiste. Améliorer la vie des habitants demeure un enjeu.
Enfin, à bien des égards, ces quartiers sont des sas et la politique de la ville un tremplin. Certains ont pu dire que la Seine-Saint-Denis était un « Ellis Island français », dans le sens où, dans les métropoles, les quartiers populaires ont des fonctions d'accueil et de rebond. Bien qu'on manque d'études de cohortes pour confirmer les témoignages et les analyses sociologiques, plusieurs travaux nous montrent qu'il y a une réelle mobilité résidentielle et de revenu dans ces quartiers. On y déménage autant ou plus qu'ailleurs, par exemple pour devenir propriétaire, notamment à proximité, pour ne pas perdre les liens de solidarité ; mais les nouveaux entrants, qui les remplacent, ont en moyenne un niveau de revenu inférieur. Par ailleurs, des études récentes de l'Insee et de France Stratégie montrent que la mobilité intergénérationnelle des revenus est plus importante en France qu'aux États-Unis, sous réserve d'accéder à l'enseignement supérieur et d'être mobile géographiquement.
Nous plaidons donc pour adopter une vision dynamique de la politique de la ville. Dans une lecture statique, de dix ans en dix ans, et sans qu'il faille s'en satisfaire, un quartier pauvre va être, le plus souvent, confronté aux mêmes difficultés ; à l'inverse, dans une lecture dynamique, si l'on regarde qui sont les habitants, on verra qu'ils ont changé : en dix ans, environ 50 % auront déménagé.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - C'est grâce à ce nouveau regard, mais aussi à notre expérience de terrain, que nous avons procédé à une évaluation de l'application de la loi Lamy du 21 février 2014 sur laquelle se fonde, encore aujourd'hui, la politique de la ville. Nous voulons préparer sa révision. Nous proposons donc de compléter les objectifs et d'améliorer les outils.
La politique de la ville est essentiellement une politique visant à assurer l'égalité des territoires entre eux, avec l'objectif de les ramener dans la moyenne. Cet objectif reste nécessaire, même s'il est difficile à atteindre ; cependant, nous croyons qu'il faut y ajouter de manière plus explicite sa fonction de tremplin pour les habitants. Si des habitants de quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) en partent parce que leur situation s'est améliorée, ce n'est pas un échec de la politique de la ville : bien au contraire !
Cette évolution de l'objectif doit nous conduire à savoir l'évaluer. Or, nous sommes confrontés à un paradoxe. D'un côté, la politique de la ville suscite une multitude de rapports, de l'autre, on déplore l'absence d'une évaluation sérieuse. Comment concevoir qu'une politique qui mobilise tant de moyens, qui touche 5,4 millions d'habitants, qui présente autant d'enjeux politiques et qui demeure contestée, ne soit pas dotée d'un suivi plus robuste ?
Nous formulons trois propositions à ce sujet.
Premièrement, l'Observatoire national de la politique de la ville (ONPV) créé par la loi Lamy est en « état de mort cérébrale ». Son prédécesseur, l'Observatoire national des zones urbaines sensibles (Onzus), comptait plus de dix équivalents temps plein : il n'y en a plus que deux actuellement... Un renforcement des moyens est absolument nécessaire, notamment pour lancer des études de cohortes sur les trajectoires territoriales et individuelles des habitants, et ce dans la durée.
Deuxièmement, il faut changer de culture et intégrer l'évaluation d'objectifs concrets aux programmes.
Troisièmement, il faut accompagner les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) pour l'évaluation de leurs actions. Nous avons vu un très bon exemple à Valenciennes, où les responsables se sont appuyés sur le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Dans ce cadre, il faut aussi faciliter la levée du secret statistique, qui en vient rapidement à empêcher la réalisation des travaux. De même, il convient de travailler sur les discriminations en fonction de l'origine réelle ou supposée et du lieu de résidence.
Nous recommandons ensuite d'améliorer les outils et le fonctionnement de la politique de la ville.
Au niveau national, nous demandons à la Première ministre de reprendre d'urgence le pilotage interministériel de la politique de la ville, comme le faisait Jean Castex. La convocation d'un comité interministériel des villes (CIV), selon un rythme semestriel, c'est-à-dire dès cet été, nous paraît être le premier signal politique et opérationnel à donner. Nous voulons ensuite que l'État se mobilise en donnant une visibilité sur les crédits de la politique de la ville, et ce dans la durée. Nous demandons, par conséquent, la mise en chantier d'une loi de programmation de la ville, sur le modèle de ce qui se fait pour les armées et la justice. Enfin, nous voulons que les différents ministères mobilisent leur droit commun : la signature de nouvelles conventions interministérielles dans ce but nous paraît également devoir être lancée par Matignon. Il n'y en a plus depuis 2016 !
À l'échelon local, nous voulons favoriser la complémentarité et le dialogue entre l'État et les villes, le préfet et les maires. Dans mon département des Alpes-Maritimes, les cités éducatives et les « bataillons de la prévention » sont de bons exemples du travail approfondi qui a été fait pour s'emparer de ces programmes, pour les adapter au territoire et pour les conforter par un tour de table de financeurs. L'adaptation aux réalités locales et la capacité à créer une véritable dynamique entre tous les acteurs font la réussite d'un projet. Cela fonctionne si, à l'échelon local, le portage politique et administratif est fort et transverse. Nous pensons également qu'il est souhaitable d'expérimenter la délégation des crédits de la politique de la ville aux EPCI. Il s'agit d'une demande de plusieurs grandes agglomérations. La Cour des comptes préconise elle-même de territorialiser plus fortement la politique de la ville. La proposition, nous l'avons constaté, ne fait pas consensus : elle pourrait affaiblir le ministère de la ville, que nous souhaitons plutôt renforcer ; la dotation de solidarité urbaine (DSU) est d'ores et déjà cinq fois plus importante. Cependant, il ne faut pas s'interdire d'expérimenter, si les EPCI en font la demande, et d'évaluer, avant d'aller éventuellement plus loin : il ne s'agit pas d'une décentralisation générale.
Nous voulons ensuite renforcer le tissu associatif des quartiers, qui s'est beaucoup délité. Nous proposons de sortir des appels à projets systématiques, qui limitent les capacités d'initiative et mettent en concurrence territoires et associations : à cet effet, favorisons les conventions pluriannuelles, notamment pour aider les associations à grandir. Nous demandons à généraliser l'accompagnement des associations de grande proximité et à leur réserver des enveloppes de crédits.
Concernant la participation des habitants, nous estimons qu'il faut réformer les conseils citoyens, dont les résultats sont très hétérogènes. Nous plaidons pour plus de souplesse à l'exemple des conseils de quartier, pour plus de logique de projet avec des moyens appropriés ; nous proposons de remplacer le droit d'interpellation du préfet, inopérant et anachronique, par celui du conseil municipal ou de l'instance de pilotage du contrat de ville.
Enfin, nous pensons qu'il faut favoriser l'implication des entreprises en faveur des quartiers à travers les conventions de revitalisation, comme cela se fait dans les Alpes-Maritimes, à travers les critères de performance extra-financière, avec des clauses spécifiques pour cofinancer les actions ciblées en faveur des publics des QPV, mais aussi par le biais de la fondation qui était prévue en 2014 et qui n'a jamais vu le jour.
Mme Valérie Létard , rapporteure . - Ce fut un bonheur et un plaisir de travailler de concert avec Viviane Artigalas et Dominique Estrosi Sassone. Cet échange de regard nous a amenées à voir les choses de manière plus constructive.
Évaluer l'application de la loi du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine, dite « loi Lamy », c'est interroger deux outils centraux : la géographie prioritaire et le contrat de ville.
Comme nous l'avions montré avec Annie Guillemot il y a cinq ans, la géographie prioritaire issue de la loi de 2014, qui est fondée sur un seul critère, la concentration de la pauvreté par carreau de 200 mètres de côté, est à la fois une grande avancée et comporte d'importantes limites.
L'avancée, c'est d'avoir beaucoup simplifié et clarifié les choses et d'avoir concentré les moyens. Les limites, c'est d'avoir laissé de côté, sans vraie solution, des poches de pauvreté diffuses ou localisées. Le bassin minier en est le meilleur exemple.
Cinq ans plus tard, nous déplorons l'absence d'actualisation de la géographie prioritaire alors qu'elle aurait dû avoir lieu en 2020. C'est donc la première urgence. Ensuite, le problème des quartiers laissés-pour-compte a pris de l'ampleur. Les maires s'en plaignent et cela pose parfois de graves problèmes politiques. Nous proposons donc de laisser une plus grande latitude aux maires et aux préfets pour ajuster le zonage sur le fondement des analyses de besoins sociaux. Nous demandons également d'étudier un rapprochement avec le programme « Action coeur de ville », car, en dehors des métropoles, beaucoup de villes sont éligibles aux deux.
Nous voulons également rendre les contrats de ville beaucoup plus opérationnels. Comme la géographie prioritaire, ils n'ont pas été actualisés depuis 2014. Il faut également les assouplir pour que les EPCI puissent choisir leurs priorités, et décliner des objectifs concrets et mesurables quartier par quartier. Nous plaidons également pour adjoindre aux contrats de ville un volet investissement. Cela aurait particulièrement du sens dans les quartiers qui ne sont pas éligibles aux aides de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU).
Enfin, nous souhaitons pérenniser l'abattement de 30 % de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), qui s'achève en 2023, au profit des bailleurs sociaux sous réserve d'un meilleur contrôle et d'une meilleure compensation par et pour les communes.
J'en viens au dernier volet de notre travail qui portait sur l'entrepreneuriat. Nous avons bien conscience que tous les habitants des quartiers de la politique de la ville (QPV) ne vont pas devenir entrepreneurs et que l'on ne transforme pas un jeune qui n'est pas en emploi, en études ou en formation (Neet) en P-DG de licorne.
Pour autant, la promotion de modèles de réussite accessible a un vrai impact dans les quartiers. Elle rencontre l'aspiration de plus d'un tiers des habitants. C'est donc un levier pertinent. Le programme « Entrepreneuriat pour tous » de Bpifrance a, par exemple, permis la création de 5 000 entreprises les deux dernières années. Le programme combine le démarchage des personnes intéressées par la création d'entreprise, par exemple avec des bus, l'animation de communautés d'entrepreneurs et des modules d'accélération de développement. Ce programme mériterait donc, selon nous, d'être pérennisé au-delà de 2025.
Ces entreprises ne sont pas toutes des pépites technologiques. Elles ne sont pas toutes non plus des autoentreprises de chauffeurs Uber ou de restauration ethnique. Elles sont diversifiées. Les secteurs classiques sont bien présents. C'est pourquoi la Française des jeux et BNP sont, par exemple, présents auprès d'un fonds d'investissement, que nous avons rencontré, qui appuie l'installation de franchisés et de buralistes. Comme nous l'a dit son dirigeant, « ce n'est pas révolutionnaire, mais ça change des vies, ça crée de l'emploi et ça donne de la vie dans les quartiers ».
Nous souhaitons ensuite qu'un effort particulier soit fait sur l'entrepreneuriat au féminin dans les QPV, comme c'est le cas au plan national dans les actions de Bpifrance, en l'incluant dans l'accord-cadre avec l'État, et donc ses outils et statistiques. Les femmes des quartiers sont aussi intéressées que les hommes par la création d'entreprise. Mais souvent à la tête d'une famille monoparentale, moins soutenues financièrement et victimes de barrières sociales, elles concrétisent moins leur projet que les hommes.
Enfin, nous souhaitons que l'entrepreneuriat et l'accompagnement dans la durée des jeunes pousses des quartiers deviennent un enjeu territorial pour les pouvoirs publics en vue de leur insertion dans le tissu économique. Dans ce but, l'entrepreneuriat devrait être plus souvent inclus dans les contrats de ville. Il semble que ce soit exceptionnel aujourd'hui. Nous pensons aussi qu'il faut promouvoir des solutions ad hoc après la phase d'incubation, pour faciliter un suivi à la demande. L'utilisation des groupements de prévention agréés, qui ont particulièrement fait leurs preuves durant la crise sanitaire pour traiter en amont les difficultés des entreprises, pourrait être une piste.
De même, la création d'hôtels d'entreprises serait une solution intermédiaire à promouvoir entre l'incubateur et l'absence de suivi qui lui succède souvent.
Madame la présidente, mes chers collègues, voilà donc les principales conclusions et propositions de notre rapport. Nous voulons mettre en lumière, et soutenir les réussites et les dynamiques que vient initier ou appuyer la politique de la ville.
Comme les maires de France, dans leur contribution en vue de la présidentielle, et comme Olivier Klein et Hakim El Karoui dans leur rapport pour l'Institut Montaigne, nous pensons qu'il « se joue dans ces territoires une partie de l'avenir de la France, en particulier de sa jeunesse » et que « ces territoires s'ils cumulent des difficultés, sont aussi des ressources de vitalité et d'initiatives ». Encore faut-il actionner les bons leviers !
Nous n'avons pas mis sous le boisseau les difficultés. Nous n'en sommes que trop conscientes. Mais nous pensons qu'une partie des solutions se trouve dans ces dynamiques de terrain qu'il faut essayer d'amplifier. Il importe aussi de mettre un terme aux logiques descendantes et d'appels à projets pour aller vers des logiques faisant davantage confiance aux territoires. Ces derniers sont souvent porteurs d'initiatives originales fondées sur l'expérience.
Au cours de nos auditions et de nos visites, nous avons recueilli beaucoup de témoignages d'élus et d'habitants qui nous ont dit que c'était grâce à la politique de la ville qu'ils étaient aujourd'hui maires, dirigeants d'association ou, tout simplement, qu'ils s'en étaient sortis. Certains ont quitté leur quartier d'origine, d'autres pas. Selon l'expression de Mohamed Haddou, fondateur des Entrepreneurs affranchis, il faut « non seulement aider les gens à réussir, mais aussi aider les gens à enraciner la réussite ».
Si la politique de la ville pouvait demain mieux qu'aujourd'hui porter cette ambition pour chacun, ne serait-elle pas à la hauteur de la « promesse républicaine » ?
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci de ce rapport qui ne pleure pas sur « le lait renversé », mais a le mérite d'ouvrir des voies d'avenir !
M. Michel Bonnus . - Vous avez commencé par la santé et l'éducation, deux points sur lesquels nous sommes en difficulté. Les quartiers ouest de Toulon, qui sont à 57 % des quartiers prioritaires de la politique de la ville, ont perdu depuis 2020 quatorze médecins généralistes. Nous sommes également en grande difficulté pour l'aide aux devoirs. Ne pourrions-nous pas envisager une défiscalisation des heures supplémentaires ? Idem pour la santé. Comme dans les zones rurales, nous avons du mal à attirer les jeunes médecins.
J'adhère bien sûr complètement à vos constats. Certes, il faut aider et soutenir, mais il faut aussi former, notamment les éducateurs. Il faut également que les collectivités locales aient de la lisibilité.
Mme Amel Gacquerre . - Il s'agit d'un sujet vaste et riche, qui pourrait donner matière à beaucoup d'échanges. Je partage vos constats et vos propositions. J'aimerais néanmoins insister sur trois éléments.
Le premier élément concerne l'impact de la crise sanitaire. Celle-ci a été révélatrice des inégalités que nous vivons dans ces quartiers, par exemple en matière de santé. Cette période a même creusé le fossé. En matière d'éducation et de numérique, nous avons eu besoin de connecter les enfants : on s'est rendu compte à quel point c'était difficile dans certains endroits.
Le deuxième élément concerne l'aménagement urbain. Il y a une nécessité de désenclaver ces quartiers, c'est-à-dire de décider de moyens importants en matière d'infrastructure de transport, par exemple. On parle de rénovation urbaine, mais la question du transport et de la liaison qui doit se faire avec les autres quartiers et les gares est une question essentielle.
Enfin, je vous rejoins sur la décentralisation et la nécessité de donner du pouvoir aux acteurs de terrain ; nous partageons votre analyse. C'est du bon sens et du pragmatisme, particulièrement en ce qui concerne ces politiques. Valérie Létard a cité la gestion de la crise sanitaire : heureusement que des maires et des associations ont fait le travail !
M. Franck Montaugé . - Force est de le constater, l'actuelle politique de la ville et les contrats de ville permettent malgré tout de progresser. Je tenais à le rappeler. J'ai été sensible à vos propos sur l'évaluation. Il y a quelques années, j'ai demandé à l'éducation nationale de mettre en place des cohortes dans des écoles situées dans des QPV afin d'évaluer la manière dont la politique prioritaire d'éducation se traduisait selon la trajectoire des élèves. Je n'ai jamais obtenu satisfaction, ce qui n'est pas normal ! Je ne comprends pas non plus qu'avec l'ensemble des statistiques dont on dispose dans ce pays l'on n'arrive pas à publier des indicateurs représentatifs de l'évolution de ces politiques.
Je termine en remerciant Michel Bonnus d'avoir abordé la problématique de la santé. L'intérêt général ne saurait être conciliable avec des intérêts purement privés. Tant qu'on ne remettra pas en question un tant soit peu le principe libéral de libre installation des médecins, on n'y arrivera pas. Pourquoi oblige-t-on les fonctionnaires et les militaires et pas les médecins ? Les médecins aussi sont formés et payés avec de l'argent public. On ne leur demande pas de passer toute leur vie dans des territoires qui ne leur agréent pas, mais d'y travailler au moins un ou deux ans. Arrêtons de tourner autour du pot et prenons nos responsabilités ! Beaucoup d'entre nous regrettent la montée du vote extrémiste. Je puis vous assurer que dans les zones rurales toutes ces problématiques y contribuent fortement : continuons comme ça, et c'est la démocratie qui en fera les frais !
M. Laurent Somon . - Comme vient de le rappeler Franck Montaugé, la problématique de l'évaluation des politiques publiques en France est un point qui soulève des difficultés. Ce n'est pas spécifique à la politique de la ville, il en va de même, par exemple, du plan Pauvreté. Nous manquons du suivi nécessaire. Or il est important d'évaluer l'efficacité des différents dispositifs mis en place eu égard aux fonds que nous y consacrons. Il convient également de revoir la géographie.
Viviane Artigalas a évoqué l'insuffisance du droit commun. J'ai été surpris que vous ne parliez pas des conseils départementaux, car ils jouent un rôle important en matière sociale. On a cité l'exemple de la santé, mais d'autres domaines méritent notre attention. Avons-nous assez d'assistantes sociales ou d'équipements culturels et sportifs ? Disposez-vous de données réelles pour mesurer dans ces quartiers l'alignement avec ce qui se fait en droit commun ? C'est un élément fondamental à connaître avant d'envisager d'y apporter des moyens supplémentaires.
Enfin, je suis absolument d'accord avec vous, il faut mettre un terme aux appels à projets. Il est important de laisser les territoires en fonction de leurs besoins faire émerger leurs priorités, lesquelles doivent être traitées sur plusieurs années par les associations, qu'elles soient sportives ou culturelles.
M. Fabien Gay . - Ce rapport montre bien que la politique de la ville n'est ni toute noire ni toute blanche ! Vos propos ne sont ni larmoyants ni faciles, ce dont je me félicite. Nous avons perdu du temps durant les cinq dernières années. Un des éléments fondateurs, à mon sens, du dernier quinquennat Macron a été le refus du nouveau plan Borloo. Nous devons à présent nous interroger sur ce qui n'a pas fonctionné. Comment pouvons-nous faire mieux ? Comme l'a rappelé Franck Montaugé, les contrats de villes sont des atouts : en vingt ou trente ans, beaucoup de choses ont été changées. L'accent n'a pas seulement été mis sur la rénovation des logements. Michel Bonnus a parlé de la santé, Amel Gacquerre a parlé des transports, mais il faut aussi citer les services publics et le modèle associatif. Quid du bilan de la suppression des emplois aidés, qui a été une catastrophe pour le milieu associatif ? Pendant la crise du covid, nous avons tous pu mesurer combien il manquait de solidarité dans ces quartiers.
Comme vous l'avez souligné, si tel ou tel morceau de ville a besoin d'être aidé, il est important ensuite qu'il entre dans le droit commun. Je viens d'un département, la Seine-Saint-Denis, qui voit s'accumuler les politiques exceptionnelles. Or Édouard Philippe l'a reconnu, nous n'avons pas à notre disposition des milliards d'argent public ! Tout le problème vient du fait que nous n'arrivons pas à entrer dans le droit commun. Oui, il faut du rattrapage, mais nous n'avons pas non plus besoin d'exiger plus que les autres : nous voulons juste l'égalité républicaine, qu'il s'agisse des services publics, de l'éducation, de la police ou de la justice. Une ville comme Sevran, qui connaît des difficultés en termes de sécurité, n'a toujours pas de commissariat de plein droit. Est-ce normal pour une ville de plus de 50 000 habitants ?
Dernier point, je partage ce qu'a dit Valérie Létard sur l'entrepreneuriat. Mais faute de débouchés, il devient nécessaire pour certaines personnes de créer leur entreprise. Que peuvent-ils faire d'autre ? Il faut donc accompagner les jeunes et les former. La Seine-Saint-Denis est l'un des départements où l'on crée le plus d'entreprises, mais c'est aussi celui où en en ferme le plus !
Mme Patricia Schillinger . - Je m'associe à l'ensemble des remarques. Dans les petites villes et en ruralité, on retrouve les mêmes problèmes : on manque aussi d'éducateurs, d'assistantes sociales, de psychologues, de transports, etc. Les difficultés que l'on retrouve en ville n'ont pas de solution dans le périurbain. Beaucoup de présidents d'intercommunalités ne peuvent agir parce qu'ils n'ont pas accès aux aides. En ville, quoi qu'on en dise, il est plus facile de se déplacer, etc. Le changement qui s'opère dans le paysage français doit être pris en compte dans la politique de la ville. Nous ne devons pas tout axer sur les grandes villes.
M. Daniel Salmon . - Votre travail jette un éclairage intéressant sur la politique de la ville. On voit bien qu'il y a des réussites, mais il y a aussi des échecs. Vous avez bien mis en évidence les points essentiels, à savoir les services - santé, éducation, sécurité, vie associative - et le bâti. Nous le savons, 80 % de la ville de 2050 est déjà construite. Ces quartiers, qui ont été en première ligne par rapport à la crise sanitaire, seront également impactés fortement par la crise climatique. Sans une amélioration de la qualité du bâti, nous allons vers de grandes difficultés. La rénovation thermique et la lutte contre les îlots de chaleur urbains sont des éléments essentiels. Des efforts en ce sens ont été réalisés à Rennes, dans le quartier de Maurepas. Tant que la réussite dans un quartier consistera à le quitter, c'est qu'il y a un problème ! Il importe donc d'apporter une mixité en termes d'offre de logement pour que nos concitoyens puissent rester dans un même quartier au cours de leurs parcours résidentiels.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - Monsieur Bonnus, ces quartiers connaissent bien des problèmes vis-à-vis des politiques de santé, d'éducation, mais aussi de sécurité, qui sont des politiques de droit commun, que l'on peine à évaluer, qu'il s'agisse de politiques nationales, régionales, ou départementales. Il faut davantage de volonté et de moyens pour une meilleure évaluation de ces politiques dans ces quartiers, ce qui a fait défaut au cours du dernier quinquennat.
M. Michel Bonnus . - Avant 2017, on avait procédé à la défiscalisation des heures supplémentaires des enseignants dans ces quartiers, ce qui avait fait disparaître les problèmes de recrutement. Aujourd'hui, on connaît à nouveau des difficultés dans ce domaine.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - La formation des personnes qui interviennent dans ces quartiers est également importante. Les recrutements se font le plus souvent par des contrats courts, on a du mal à stabiliser ce personnel, alors qu'il devrait être encore plus qualifié qu'ailleurs !
Madame Gacquerre, les inégalités entre territoires ont bien été creusées par la crise sanitaire, mais aussi par le plan de relance, car ces fonds ont été largement distribués par le biais d'appels à projets. Les plus rapides et les mieux armés ont été les mieux servis. Les élus de ces communes ont essayé de compenser cette dynamique, qui a mis en difficulté nombre d'associations ; ils ont accompli un travail remarquable pour aller au-devant des besoins de leurs administrés.
Concernant les infrastructures de transport, le désenclavement est effectivement un enjeu crucial. Encore une fois, ce sont les élus locaux qui y travaillent le plus, avec les régions et les métropoles, comme nous avons pu le voir à Nice.
Monsieur Gay, il est évident que cinq ans ont été perdus, cinq ans sans boussole pour la politique de la ville. Ces années ont été perdues en dépit des moyens supplémentaires qui lui ont été octroyés, parce que ceux-ci l'ont été au coup par coup, par le biais d'appels à projets : l'argent allait au premier à répondre et non à celui qui en aurait eu davantage besoin.
Quant à l'emploi et à l'entrepreneuriat, on nous a beaucoup dit sur le terrain que celui-ci représentait une porte de sortie importante pour les jeunes de ces quartiers du fait des discriminations à l'emploi qu'ils subissaient. Il faut mieux accompagner ces entreprises sur le long terme ; c'est l'une des propositions que nous faisons.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Le postulat de la politique de la ville, c'est l'insuffisance du droit commun dans ces quartiers. Il y a des déserts médicaux ruraux, mais aussi dans ces quartiers. La fracture numérique, ce n'est pas seulement les zones blanches dans les territoires les plus reculés ; elle est réelle aussi dans ces quartiers, ce qui affecte la capacité des jeunes qui y habitent à accéder à une qualification ou à un emploi. De fait, les crédits de droit commun sont insuffisants dans ces quartiers. Il est important que l'État mobilise l'ensemble des ministères pour qu'ils participent, dans le droit commun, à cette politique transversale. Tant que cela ne sera pas le cas, la politique de la ville stagnera et connaîtra des échecs.
Il faut aussi une loi de programmation de la politique de la ville qui offre de la visibilité, dans la durée, sur les crédits qui lui seront consacrés. Ainsi, ces quartiers pourront aller plus loin et constituer de réels tremplins pour les habitants.
Les associations les plus menacées aujourd'hui, voire déjà disparues, sont les plus petites, les associations de proximité de ces quartiers, parce qu'elles n'obtiennent jamais les conventions pluriannuelles qu'elles appellent de leurs voeux. On est plus généreux avec les grosses associations, extrêmement professionnalisées et capables de répondre aux appels à projets, mais peu présentes physiquement dans les quartiers et donc moins à même d'y mener une action pertinente. Les petites associations de proximité, qui font une action remarquable, mais sont incapables de répondre aux appels à projets, s'épuisent et ne parviennent pas à pérenniser leurs emplois.
Dans l'attente d'une proposition de loi reprenant nos principales recommandations, nous entendons sensibiliser à cette problématique le nouveau ministre délégué chargé de la ville et du logement quand nous lui remettrons personnellement notre rapport en septembre ; cet élu de Seine-Saint-Denis saura voir, je l'espère, les dysfonctionnements actuels de la politique de la ville et les pistes d'amélioration.
Mme Valérie Létard , rapporteure . - On a parfois tendance à opposer la politique de la ville et celle que l'on doit mener en faveur de la ruralité en déprise, mais il faut s'en garder ! Ces territoires connaissent les mêmes problèmes, les mêmes combats : démographie médicale, offre de transports, écoles... Simplement, les solutions ne seront pas les mêmes, entre un aménagement rural du territoire qui y apporte des solutions humaines et une politique de la ville qui ne doit pas faire disparaître le droit commun : l'enjeu est l'accès aux mêmes services publics - éducation, santé, sécurité... - dans tous les quartiers, dans tous les territoires. La politique de la ville devait venir en complément du droit commun, être un effort consenti pour affronter une concentration massive de difficultés sociales, mais elle a fini par se substituer aux politiques communes ; il est impossible de continuer ainsi !
Nous disposons d'outils urbains et d'outils humains. Pour ces derniers, pour tous ceux qui s'engagent dans ces quartiers, il faut d'autres solutions que la précarité absolue. Les associations n'ont aucune visibilité au-delà d'une année, elles passent chaque année six mois à monter des dossiers pour l'année suivante ! Il leur est impossible de recruter des professionnels de qualité avec des contrats aussi courts et qui plus est vulnérables à la moindre restriction des budgets des collectivités. Or ces associations sont aujourd'hui délégataires de service public dans nombre de domaines, de la culture au médico-social. C'est bien dans le domaine de la politique de la ville que cette relation contractuelle est la plus fragile ; il faut affronter ce problème !
En matière de démographie médicale, il faut arrêter de se voiler la face et trouver les solutions et les moyens qui s'imposent, même si c'est politiquement difficile, pour faire face à une situation catastrophique dans ces quartiers comme dans la ruralité.
Pour l'accompagnement des nouvelles entreprises, nous proposons la création d'hôtels d'entreprises, solution intermédiaire entre l'incubateur et l'absence de suivi qui trop souvent lui succède. Il faut éviter d'abandonner les porteurs de projets : cela peut y contribuer, tout comme les groupements de prévention agréés.
Tous les quartiers à contrat de ville ne sont pas en rénovation urbaine. Cela leur donne des moyens humains, mais l'urbain fait défaut... Il faudrait de petites solutions d'investissement pour améliorer certains aspects de la qualité de vie des habitants dans ces quartiers, une voie médiane là où l'ANRU n'agit pas.
M. Jean-Marc Boyer . - Je veux saluer le travail remarquable de nos rapporteures. Je ne voudrais pas opposer le rural et l'urbain, mais je ne m'en interroge pas moins : quel est le montant des crédits alloués à la politique de la ville depuis une vingtaine d'années, et pour quels résultats ? En matière de santé, j'ai l'impression que les inégalités se sont creusées en dépit d'investissements massifs ; c'est le cas aussi pour l'éducation. Je connais peu les départements les plus urbains, mais à Paris du moins la mobilité me semble plus facile que dans les territoires ruraux...
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - Les quartiers de la politique de la ville, ce n'est pas Paris...
M. Jean-Marc Boyer . - En matière de couverture numérique, les opérateurs couvrent beaucoup plus facilement les villes que les zones rurales.
En matière d'autonomie financière des collectivités, la dotation globale de fonctionnement (DGF) est de 100 euros par habitant d'une zone rurale, de 200 euros par habitant d'une zone urbaine... Quand y aura-t-il égalité ?
Mme Sophie Primas , présidente . - On ne peut pas opposer les territoires de la sorte !
M. Jean-Marc Boyer . - Je sais que mes propos détonnent...
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Ce n'est pas qu'ils détonnent : ce n'est pas vrai !
M. Jean-Marc Boyer . - En matière d'éducation, on a décidé sous le quinquennat précédent le dédoublement de classes dans les zones d'éducation prioritaire. Les résultats ne semblent pas à la portée des ambitions...
Mme Sophie Primas , présidente . - Les problématiques de chaque territoire ne sont pas du tout les mêmes. Il est difficile de comparer ainsi zones rurales et urbaines.
M. Franck Montaugé . - Vous recommandez de modifier l'article 5 de la loi Lamy « pour préciser le processus de la définition des quartiers propriétaires de la politique de la ville ». Qu'entendez-vous par là ?
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Il est question de la définition géographique de ces quartiers, qui n'a pas évolué depuis 2014.
M. Franck Montaugé . - Si je comprends bien, vous voulez faire évoluer les critères de définition de ces quartiers.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - Oui : nous voulons offrir aux territoires plus de souplesse, de marges d'appréciation.
M. Franck Montaugé . - Je vous souhaite bien du courage !
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - Certains critères peuvent s'avérer trop restrictifs.
M. Franck Montaugé . - Si je ne m'abuse, il n'y en a que deux : nombre d'habitants et écart par rapport à la moyenne nationale en matière d'activité économique et de revenus.
Mme Valérie Létard , rapporteure . - Le problème est dans le carroyage de l'Insee, qui est de 200 mètres sur 200 mètres. Des quartiers extrêmement vulnérables sont exclus de la politique de la ville du fait d'une trop faible densité de l'habitat, notamment dans le bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais.
M. Franck Montaugé . - Je comprends mieux le problème : vous entendez répondre à ces effets de bord.
Mme Amel Gacquerre . - Un élément n'a pas été précisément évoqué dans notre discussion parmi les différences entre milieux ruraux et urbains. Même si beaucoup de problèmes sont identiques, ces territoires diffèrent dans la sociologie, la culture et l'histoire de leurs populations. Celles des quartiers de la politique de la ville souffrent de discriminations à tous les niveaux. C'est une autre raison qui justifie que les réponses ne peuvent pas être identiques.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - Je tiens à répondre à M. Boyer. Je suis moi-même élue d'un département très rural, qui comprend deux quartiers de la politique de la ville. J'ai travaillé sur les questions d'éducation et les conventions ruralité, qui ont permis de maintenir des écoles dans des zones très peu denses, avec des effectifs très réduits. Peu de moyens vont à la ruralité, mais nos éléments d'évaluation montrent que les quartiers prioritaires sont moins bien pourvus encore que la diagonale du vide ! Ce qu'on donne à la politique de la ville, on ne le prend pas à la ruralité.
Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Nous avons accompagné notre rapport d'éléments statistiques. Il s'avère que 40 % des quartiers de la politique de la ville n'ont pas de crèche ; deux tiers d'entre eux n'ont pas d'agence Pôle emploi à moins de 500 mètres. Il y a 36 % de bibliothèque en moins. Enfin, ils ont 50 % de médecins spécialistes en moins par rapport à la moyenne nationale. Ce dont on se plaint dans la ruralité, à raison, est aussi un problème dans ces quartiers.
M. Jean-Claude Tissot . - Pardonnez-moi, mais je n'ai pas compris la remarque de Mme Gacquerre sur la sociologie des populations.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - Il y a beaucoup plus de discriminations, à de nombreux niveaux, dans les quartiers de la politique de la ville que dans les territoires ruraux, parce que les populations ne sont pas les mêmes.
Mme Amel Gacquerre . - Notre discussion portait sur les problèmes auxquels font face tant les zones rurales que les quartiers prioritaires. Il me semble que beaucoup de constats et de réponses sont effectivement partagés, mais les populations sont très différentes culturellement et historiquement.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure . - C'est aussi dû au fait que ces quartiers sont majoritairement composés d'habitat social.
Mme Sophie Primas , présidente . - Il me faut hélas mettre un terme à cette discussion, en remerciant nos rapporteurs pour leur passion !
La commission adopte à l'unanimité les recommandations proposées par les rapporteurs et autorise la publication du rapport d'information.