EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mardi 21 juin 2022, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission a examiné le rapport d'information, fait au nom de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, de Mme Cathy Apourceau-Poly et M. René-Paul Savary, rapporteurs, sur l'unification du recouvrement des cotisations et contributions sociales.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Nous passons à l'examen du premier rapport d'information résultant de nos travaux de contrôle de cette année, avec un rapport, au nom de la Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (Mecss), de nos collègues René-Paul Savary et Cathy Apourceau-Poly sur l'unification du recouvrement social.
Ce sujet peut paraître terriblement technique, mais nos rapporteurs en éclaireront les enjeux, qui dépassent le jeu des acteurs auxquels ils ont été confrontés tout au long de leur mission.
Mme Cathy Apourceau-Poly , rapporteure . - Le sujet qui nous occupe cet après-midi peut paraître technique, voire austère, mais ses enjeux sont lourds en termes d'organisation de la protection sociale, de ressources humaines et d'accès au droit pour les assurés.
Le projet d'unification du recouvrement des cotisations sociales remonte à la fondation de la sécurité sociale elle-même. À partir de 1952, les Urssaf se sont progressivement substituées aux caisses primaires de sécurité sociale et aux caisses d'allocations familiales pour assurer la collecte des cotisations du régime général, les autres régimes sociaux gérant eux-mêmes le recouvrement de leurs cotisations. Cette situation induisait une grande complexité pour les cotisants et une relative inefficience de la collecte.
Compte tenu de la performance des Urssaf et des prérogatives spécifiques dont elles disposent, notamment la capacité de diligenter des contrôles sur pièces et sur place, le projet de leur confier le recouvrement de l'ensemble des cotisations et contributions sociales a progressivement émergé.
C'est ainsi que plusieurs transferts de recouvrement ont été mis en oeuvre au cours de la dernière décennie, à commencer par celui des contributions d'assurance chômage, assuré successivement par les Assédic et par Pôle emploi, puis confié aux Urssaf en 2011.
Nous avons constaté au cours de nos travaux que cette réforme ne s'était pas traduite par une amélioration notable de la performance du recouvrement ni par la réalisation d'économies de gestion substantielles. Sur plus de 1 300 salariés affectés au recouvrement, seuls 13 ont été transférés aux Urssaf, tandis que Pôle emploi a repositionné les autres sur des activités en lien avec son coeur de métier, notamment l'accompagnement des demandeurs d'emploi. L'intégration des contributions d'assurance chômage aux contrôles Urssaf a cependant permis de dégager 100 millions d'euros de recettes annuelles supplémentaires, ce qui reste relativement maigre au regard du produit du recouvrement, de l'ordre de 39 milliards d'euros en 2019.
Du reste, l'Unédic ne dispose plus des statistiques détaillées relatives à sa population cotisante, pourtant nécessaires au pilotage du régime, et a récemment subi les conséquences en termes de conditions d'accès à l'emprunt de la non-certification des comptes des Urssaf par la Cour des comptes.
D'autres transferts ont également été effectués à la fin de la dernière décennie. Le transfert de l'activité de recouvrement du régime social des indépendants (RSI), intervenu en 2018 à l'occasion de sa suppression, a permis d'améliorer sensiblement la performance du recouvrement, mais aussi la qualité de service, comme l'a démontré l'action des Urssaf auprès des travailleurs indépendants pendant la crise sanitaire.
Bien que 2 000 salariés du RSI aient été accueillis par les Urssaf, il découlerait de la réforme une économie nette de frais de gestion de 110 millions d'euros sur la période 2018-2022 et une économie nette pérenne de 110 millions d'euros à compter de 2023.
Malgré certains dysfonctionnements désormais réglés, le transfert du recouvrement des cotisations des artistes-auteurs, voté en 2017 et effectif depuis 2019, a permis de remédier aux défaillances de l'Association pour la gestion de la sécurité sociale des auteurs (Agessa) et de la Maison des artistes (MDA), qui ne disposaient pas des moyens de recouvrer effectivement les cotisations de retraite de la plupart des artistes, les privant ainsi de droits à pension.
Mené en parallèle d'une réforme en profondeur des règles de fonctionnement du régime visant à les rapprocher de celles qui sont applicables aux travailleurs indépendants, le projet a permis de multiplier par six le nombre d'affiliés, non sans susciter des difficultés pour les cotisants.
Des problèmes persistent toutefois en termes de coopération entre les organismes chargés de l'affiliation au régime et l'Urssaf Limousin, qui a affilié indûment près de 5 000 cotisants en dépit du rejet de leur demande par l'Agessa et la MDA.
Notons qu'aucune convention régissant les relations entre ces deux organismes et l'Urssaf Caisse nationale n'a encore été signée à ce jour.
Pour éviter ce type de situation à l'avenir, nous recommandons de définir impérativement un cadre conventionnel préalablement à tout transfert de recouvrement.
Voici le contexte dans lequel le Gouvernement a souhaité relancer le mouvement de centralisation du recouvrement au début du dernier quinquennat, avec l'objectif de constituer une agence unique chargée du recouvrement social, mais aussi fiscal. Si les ambitions gouvernementales ont été revues à la baisse du fait, notamment, des différences de statut entre les agents des deux sphères et des coûts qui découleraient d'un alignement par le haut, le projet de système universel de retraite, abandonné depuis lors, a justifié l'élaboration d'un calendrier d'unification du recouvrement social échelonné entre 2020 et 2023.
Dès 2018 ont ainsi été adoptés le transfert de la collecte de la contribution due au titre de la déclaration obligatoire d'emploi des travailleurs handicapés à compter de 2021 et celui du recouvrement des contributions légales de formation professionnelle dès 2022.
En parallèle a été instauré, à titre dérogatoire et à compter de 2022, un système de reversement des cotisations aux attributaires des Urssaf sur la base des sommes dues et non plus des sommes collectées. En contrepartie de cette mesure visant à assurer la prévisibilité des recettes des régimes concernés par l'unification du recouvrement, les Urssaf appliquent aux sommes reversées un taux forfaitaire pour frais de non-recouvrement et de gestion.
Cette accélération de la réforme a été favorisée par la généralisation de la déclaration sociale nominative (DSN), qui a remplacé la quasi-totalité des formalités déclaratives des employeurs du secteur privé en 2017 et du secteur public en 2022, en instaurant un standard de déclaration harmonisé. Tandis qu'ils devaient auparavant adresser une déclaration sociale spécifique à chaque organisme intéressé, les employeurs ne doivent plus établir qu'une seule déclaration, dont les données sont réparties entre ses destinataires en fonction de leurs besoins.
Bien que la DSN ait constitué à la fois une simplification majeure du processus déclaratif et un progrès considérable en termes de fiabilité, puisqu'elle est directement réalisée à partir du bulletin de paie, une proportion non négligeable d'erreurs est encore constatée. À titre d'exemple, la CNAF estime qu'environ 2 % des DSN alimentant ses bases de données contiennent une anomalie. L'enjeu majeur des transferts programmés réside donc dans la fiabilisation la plus poussée possible des données individuelles véhiculées par ces déclarations, afin de garantir le paiement à bon droit des cotisations et prestations sociales.
La bascule en DSN n'est d'ailleurs pas toujours un processus aisé. Ainsi, le transfert aux Urssaf du recouvrement des cotisations des marins, effectué en 2020, a déchargé les services de l'État et l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) du calcul des cotisations dues, désormais assumé par les employeurs. La norme DSN n'étant pas adaptée aux spécificités du régime, le processus déclaratif est fortement complexifié et quantité d'anomalies en découlent. Nous proposons par conséquent de normaliser, à l'avenir, les modalités de calcul et de recouvrement des cotisations sociales de tout régime avant sa bascule en DSN.
La Caisse d'assurance maladie des industries électriques et gazières (Camieg) et la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières (Cnieg), dont l'activité de recouvrement a été confiée aux Urssaf en 2020 et en 2022, ne font pas état de problématiques de ce type et ont pu procéder au transfert dans d'excellentes conditions, par exemple en adaptant les règles de calcul de leurs cotisations aux standards de recouvrement des Urssaf lorsque cela s'avérait nécessaire.
Pour autant, il n'en résulte aucune avancée particulière, dans la mesure où le taux de recouvrement atteignait déjà 100 % et où les frais facturés aux caisses sont supérieurs à ceux qu'elles supportaient auparavant.
M. René-Paul Savary , rapporteur . - Il nous faut désormais regarder vers l'avenir. Or la prochaine étape du projet d'unification se révèle à la fois la plus importante et la plus risquée : je veux parler du transfert du recouvrement des cotisations du régime de retraite complémentaire des salariés du privé, géré par l'Agirc-Arrco, qui représente une collecte de quelque 80 milliards d'euros chaque année.
Il s'agit d'un régime tout à fait particulier, et ce à deux égards.
D'une part, il repose assez largement sur des taux de cotisation spécifiques ; ainsi, 20 % des salariés bénéficient d'un taux supérieur au taux standard, tandis que 17 % des entreprises appliquent une répartition plus favorable aux salariés entre parts salariale et patronale au profit de 5 millions de salariés.
D'autre part, le régime fonctionne selon un système par points et est fondé, à ce titre, sur le recalcul systématique des cotisations déclarées, salarié par salarié, « à la maille individuelle » et au fil de l'eau. Le montant des régularisations qui en découle s'élève à environ 850 millions d'euros par an. La fiabilité des données individuelles est d'autant plus indispensable à l'Agirc-Arrco que le premier euro cotisé y ouvre des droits, et ce jusqu'à 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 329 088 euros. Les enjeux ne sont pas les mêmes que dans un régime par annuités tel que le régime général, où une erreur déclarative n'a qu'une influence limitée sur les droits acquis. De fait, quatre trimestres y sont validés dès lors que l'assuré justifie d'une rémunération d'au moins 600 fois le SMIC horaire brut. Une éventuelle anomalie affecte donc surtout le montant du salaire porté au compte, mais de façon très relative : celui-ci n'est pris en compte que dans la limite du PASS, soit 41 136 euros, et seules les 25 meilleures années sont retenues pour le calcul de la pension.
Initialement prévu pour 2022, mais reporté d'un an en raison des conséquences de la crise sanitaire pour les entreprises, le transfert du recouvrement des cotisations Agirc-Arrco aux Urssaf vise un triple objectif : amélioration de la performance du recouvrement, notamment par l'extension des contrôles Urssaf aux cotisations de retraite complémentaire ; réalisation d'économies de gestion ; simplification des démarches des entreprises, qui disposeraient d'un interlocuteur unique pour la quasi-totalité des cotisations dont elles sont redevables.
Après bien des difficultés liées à un fort déficit de coopération entre l'Agirc-Arrco et les Urssaf, nous avons établi que les taux de recouvrement des Urssaf étaient effectivement légèrement supérieurs à ceux de l'Agirc-Arrco. Pour autant, les avantages allégués du transfert nous semblent largement surestimés.
Tout d'abord, les économies potentielles sont extrêmement faibles : seuls 7,6 % des effectifs chargés du recouvrement à l'Agirc-Arrco seraient transférés, tandis que les autres seraient réaffectés en interne.
Ensuite, les entreprises ne devraient bénéficier d'aucune simplification majeure : la coexistence de deux flux de paiement ne suscite en effet aucune difficulté ; en l'espèce, la véritable simplification, c'était l'unification des déclarations sociales.
Par ailleurs, le transfert devra se traduire par l'ajout à la DSN des données agrégées relatives à la retraite complémentaire, c'est-à-dire des données calculées à l'échelle de l'entreprise à partir de la masse salariale, car le système d'information des Urssaf repose très largement sur ce type de données, tandis que l'Agirc-Arrco, dans une démarche de simplification, reconstitue elle-même les données agrégées à partir des données individuelles depuis 2017. Les démarches incombant aux employeurs en seraient donc alourdies.
Enfin, et surtout, le projet emporte un certain nombre de risques de grande ampleur : en premier lieu, tandis que l'Agirc-Arrco fiabilise les données déclarées à la maille individuelle en recalculant systématiquement et au fil de l'eau les cotisations de ses assurés, les contrôles des Urssaf reposent traditionnellement sur la maille agrégée à l'échelle de l'entreprise. Des contrôles de cohérence sont certes menés de plus en plus fréquemment, mais essentiellement au travers de campagnes ciblées diligentées a posteriori .
L'Urssaf Caisse nationale a donc développé une nouvelle « cinématique » déclarative, actuellement expérimentée par deux Urssaf régionales, qui permettra de contrôler les données DSN au fil de l'eau via une série d'échanges avec le déclarant en vue de la correction par ce dernier des anomalies détectées. En cas d'inaction de sa part, la loi prévoit que le collecteur pourra émettre une DSN de substitution régularisant les données déclarées et adressée à l'ensemble des destinataires de la DSN. De fait, à ce jour, en cas de non-correction par l'employeur, les Urssaf ou l'Agirc-Arrco modifient les données erronées dans leurs propres fichiers, mais ces corrections restent cantonnées au régime concerné. D'où des discordances entre données de retraite de base et données de retraite complémentaire pour les assurés.
Au terme du transfert, l'Agirc-Arrco conserverait la charge de la fiabilisation des données relatives à la retraite complémentaire, qui servira de base au reversement par les Urssaf des cotisations dues. Du reste, une phase pilote est menée avec les éditeurs de logiciels depuis janvier dernier afin de tester les modalités de contrôle retenues dans le cadre du transfert.
Néanmoins, le processus déclaratif proposé est encore trop récent pour permettre à l'Agirc-Arrco de disposer du recul nécessaire pour juger de son adéquation. De plus, la répartition des compétences en matière de contrôle et de relation avec les cotisants n'est pas encore clarifiée : l'Agirc-Arrco craint d'être privée, à terme, du contrôle de l'assiette et de la quotité de travail pour ne plus conserver que celui de la bonne application des taux spécifiques à ses cotisations. Au surplus, elle devrait perdre son rôle de « point de contact » pour les entreprises au profit des Urssaf, qui se tourneraient vers elle pour toute question relative aux cotisations de retraite complémentaire.
S'ajoute à ces problématiques l'alignement des dates d'appel des cotisations sur celles des Urssaf, qui se traduirait par une anticipation de dix ou vingt jours et pèserait à hauteur de 6 milliards d'euros sur la trésorerie des entreprises. Ce n'est évidemment pas le moindre des enjeux en période de reprise, après une crise d'une telle ampleur.
Enfin, la phase pilote est jugée encore trop peu représentative de la diversité des cas particuliers à la fois par l'Agirc-Arrco et par la Cour des comptes, ce qui ne contribue pas à rasséréner les acteurs du transfert.
Dès lors, nous préconisons de demander au Gouvernement de reporter par décret la date de mise en oeuvre du transfert à 2024, comme la loi le lui permet, dans l'attente, a minima , de progrès en termes de fiabilisation des données individuelles de la part des Urssaf, afin d'atteindre un niveau de garantie suffisant. Nous souhaiterions que la Cour des comptes se prononce sur l'atteinte de cet objectif avant qu'une décision ne soit prise pour la suite. Dans le cas où le Gouvernement le refuserait, nous suggérons de modifier les textes à l'occasion de l'examen du PLFSS pour 2023 de façon à repousser la date du transfert.
Enfin, nous préconisons d'inclure dans ce moratoire les transferts programmés de l'activité de recouvrement de la Caisse des dépôts et consignations et de la Caisse d'assurance vieillesse invalidité et maladie des cultes (Cavimac). La Caisse des dépôts collecte en effet les cotisations dues à divers organismes, notamment la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), l'Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques (Ircantec), la Retraite additionnelle de la fonction publique (RAFP) et le Fonds pour l'emploi hospitalier. En l'espèce, ses taux de recouvrement sont supérieurs à ceux des Urssaf et les perspectives d'économies sont extrêmement maigres. Surtout, elle procède, comme l'Agirc-Arrco, au recalcul systématique et à la maille individuelle des cotisations dues à l'Ircantec, régime par points, et développe des capacités de fiabilisation des données individuelles en ce qui concerne les cotisations dues à la CNRACL et au RAFP. À cet égard, elle se trouve donc confrontée aux mêmes risques que l'Agirc-Arrco.
La Cavimac, quant à elle, gère le régime des cultes. Intégrée au régime général, elle procède à l'affiliation des ministres du culte et recouvre leurs cotisations sociales, calculées selon des règles spécifiques, pour les reverser aux Urssaf. Le projet actuel prévoit que la gestion du recouvrement lui soit toujours déléguée, seule la responsabilité juridique étant in fine transférée aux Urssaf. À nos yeux, ce transfert - qui n'en est pas un - illustre par l'absurde la volonté d'« unifier pour unifier » qui inspire le Gouvernement.
Nous ne nous opposons pas, en revanche, à ce que les Urssaf prennent en charge à compter de 2023 le recouvrement des cotisations de retraite des professionnels libéraux affiliés à la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d'assurance vieillesse (Cipav), cette caisse étant confrontée à des difficultés extrêmement lourdes depuis de nombreuses années, et celui des cotisations de retraite des clercs et employés de notaire. Bien que ce dernier ne présente pas d'intérêt notable en matière de performance, de simplification ou d'économies, leur caisse de retraite et de prévoyance, la CRPCEN, n'y a pas formulé d'objection et travaille dans ce sens en parfaite coopération avec les Urssaf.
Quel que soit l'avenir de l'unification du recouvrement social, nous tenons à rappeler que l'attachement des Urssaf à la maille agrégée ne doit pas faire obstacle à leur progression en matière de fiabilisation des données individuelles. En effet, la DSN sert désormais de base au calcul à la fois de l'impôt sur le revenu et d'un certain nombre de prestations sociales, notamment les aides personnelles au logement (APL) et la prime d'activité.
Or, celles-ci étant recalculées tous les trois mois sur la base des revenus des douze derniers mois glissants, une anomalie non détectée en DSN peut conduire au versement d'un indu ou à la diminution, voire à l'interruption du versement, ce qui serait absolument dramatique pour les bénéficiaires. Ces erreurs peuvent également produire des conséquences sur les droits à pension, dans la mesure où le répertoire de gestion des carrières unique (RGCU), qui doit servir, à terme, au calcul des pensions des assurés de l'ensemble des régimes de retraite, est alimenté, entre autres, par les flux DSN. Nous attendons donc de la part des Urssaf les avancées nécessaires, qui constituent un préalable indispensable à l'instauration du versement à la source des prestations sociales porté par le Président de la République durant la campagne.
Il convient enfin que les éditeurs de logiciels de paie participent à l'effort collectif de fiabilisation. En effet, la DSN est directement issue de la paie et les anomalies qu'elle peut contenir semblent très largement liées à des erreurs de paramétrage des logiciels de paie. Certains d'entre eux incluent des contrôles embarqués, mais uniquement dans le cadre de versions premium. Au regard de l'ampleur des conséquences d'une erreur déclarative sur les droits des salariés, nous considérons qu'un niveau minimal de fiabilité doit être assuré dès l'édition de la DSN et suggérons à cet effet que les logiciels fassent à l'avenir l'objet d'une labellisation publique visant à garantir le respect de standards techniques.
Telles sont les grandes perspectives que nous vous proposons de tracer pour les prochaines années, en gardant toujours pour objectif le paiement à bon droit des cotisations et prestations sociales. Il en va de la sécurité des droits des assurés, donc du consentement à la cotisation.
Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale . - Je salue le travail courageux mené avec persévérance par les rapporteurs sur ce sujet très technique.
En tant que rapporteure générale, je reprendrai les conclusions de ce rapport lors de l'examen du prochain PLFSS. Ce report est tout à fait bienvenu, une première évaluation de l'unification du recouvrement étant nécessaire.
De fait, une anomalie non détectée en DSN peut être source de multiples erreurs et placer les assurés dans des situations très difficiles. D'où la nécessité d'agir sur les logiciels de paie. D'autant que, comme cela a été indiqué au cours d'une audition, les procédures que les assurés lésés doivent suivre pour signaler une anomalie sont extrêmement longues et complexes.
L'unification du recouvrement aura des conséquences sur le quotidien des assurés : c'est pourquoi il conviendrait de communiquer en des termes compréhensibles pour le grand public sur ce sujet. Je ne doute pas que vous y parviendrez !
Mme Catherine Deroche , présidente . - Un communiqué de presse sera diffusé.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je remercie les rapporteurs de ce travail de bénédictin sur un sujet aussi technique.
René-Paul Savary en conviendra : l'Agirc-Arrco n'était guère favorable à cette unification du recouvrement. Bien que la retraite par points ne semble plus d'actualité, vous estimez néanmoins qu'il faut maintenir ce processus, tout en le reportant à 2024 au moins. C'est sage, car, comme vient de le souligner Mme Doineau, tout repose sur la DSN, y compris la lutte contre la fraude aux prestations sociales.
Il s'agit là d'un outil fantastique grâce auquel on peut « en temps réel » calculer le nombre de points de retraite acquis ou déterminer le montant des prestations dues, ce qui permettra de lutte contre le non-recours, puisqu'il est question, si j'ai bien compris, de rendre automatique le versement des prestations sociales.
L'audition par notre commission de M. Fabrice Lenglart, directeur de la Drees, nous avait fait prendre conscience que tout reposait effectivement sur le niveau de fiabilité de cette DSN et sur l'unification du système déclaratif. Par conséquent, les propositions contenues dans ce rapport vont dans le bon sens, notamment le report de l'unification à 2024, si tant est que l'Urssaf fasse des progrès dans la fiabilisation des données individuelles et que les responsabilités soient clairement partagées avec l'Agirc-Arrco.
Mme Cathy Apourceau-Poly , rapporteure . - Ce sujet est en effet très complexe. Quand une erreur survient dans le calcul des droits à prestations sociales, les conséquences peuvent être terribles pour les pensionnés concernés : ainsi, le versement des APL peut, par exemple, être suspendu de façon injustifiée.Le report de l'unification du recouvrement social est donc une mesure sage.
Quant aux logiciels de paie, c'est un véritable maquis ! Il existe plusieurs centaines d'éditeurs de logiciels.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les logiciels ne sont pas agréés ?
Mme Cathy Apourceau-Poly , rapporteure . - Une charte de partenariat est proposée aux éditeurs par le GIP-MDS, mais elle n'est pas obligatoire et n'est donc pas signée par l'ensemble des éditeurs.
M. René-Paul Savary , rapporteur . - Tout repose sur la DSN, qui contient tous les renseignements. D'où l'intérêt du recalcul systématique, à partir de la fiche de paie, des cotisations déclarées « à la maille individuelle », comme le fait l'Agirc-Arrco. C'est particulièrement important dans le cas d'une retraite par points. L'Urssaf Caisse nationale, quant à elle, utilise traditionnellement les données agrégées, c'est-à-dire calculées à l'échelle de l'entreprise, à partir de la masse salariale. Ce mode de fonctionnement n'est pas neutre :: si une entreprise est redevable de 200 euros de cotisations pour 2 salariés dont la paie est identique, soit 100 euros pour chacun, et qu'elle verse 110 euros pour le premier et 90 pour le second, elle paye bel et bien la somme globale due, mais les données individuelles sont erronées. Dans le cadre d'un contrôle opéré à la maille agrégée, l'anomalie sera invisible, ce qui ne sera pas le cas à la maille individuelle. D'où l'importance de détecter ces potentielles anomalies, de sorte que les salariés bénéficient des prestations auxquelles ils ont droit, surtout dans un régime contributif par points comme le régime de retraite complémentaire des salariés du privé.
Monsieur Vanlerenberghe, vous disiez que l'Agirc-Arrco était défavorable à l'unification au moment de la réforme ; à présent, elle y est totalement opposée ! Elle ne veut pas en entendre parler tant que la répartition des compétences avec les Urssaf n'est pas clarifiée et que des garanties suffisantes ne sont pas apportées sur le plan de la fiabilisation des données individuelles. Un transfert à tout prix présente peu d'intérêt, mais des risques importants.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - L'Urssaf sera-t-elle prête pour 2024 ?
M. René-Paul Savary , rapporteur . - Nous suggérons de lui laisser le soin de faire la preuve de la qualité de ses dispositifs de fiabilisation des données individuelles, ce qui sera d'ailleurs utile pour le calcul d'autres prestations que la retraite complémentaire. Je vous renvoie aux préconisations que nous avons faites.
Si, au final, le degré de fiabilité que nous attendons n'est pas atteint, l'unification serait contre-productive. Il appartiendra à la Cour des comptes, par exemple, de donner son feu vert. Certes, l'Urssaf a engagé des expérimentations, mais trop récentes pour que nous disposions du recul suffisant. C'est pourquoi nous proposons ce délai supplémentaire.
Vous avez évoqué la fraude sociale. En effet, si les données transmises via la DSN ne sont pas fiables, on n'évitera pas les indus. A contrario , certaines personnes pourraient se voir priver de prestations diverses auxquelles elles ont droit. Ainsi, selon la CNAF, environ 2 % des DSN alimentant ses bases de données contiennent une anomalie, ce qui n'est pas acceptable, d'autant que les APL et la prime d'activité sont désormais calculées tous les trois mois, sur la base des revenus des douze derniers mois glissants. En l'absence de réactivité, certains allocataires pourraient se voir priver indument de telle ou telle prestation. Si l'instauration duversement à la source des prestations sociales demeure bien l'objectif du Gouvernement, alors il faudra impérativement que les DSN soient fiabilisées.
En conclusion, nous devons veiller à ce que cette unification présente une véritable valeur ajoutée. À ce jour, le bénéfice financier ou logistique de cette opération ne va pas de soi, ni pour les employeurs, ni pour les caisses déchargées de leur activité de collecte. Nous y reviendrons lors de l'examen du prochain PLFSS. Je pense d'ailleurs que le Gouvernement procèdera de lui-même à ce report d'un an par décret, comme la loi le lui permet.
Voici nos propositions.
Premièrement, mener à bien la fiabilisation des données individuelles de la DSN, afin de sécuriser le paiement à bon droit des cotisations et prestations sociales.
Deuxièmement, surseoir au transfert aux Urssaf de l'activité de recouvrement de l'Agirc-Arrco, de la Caisse des dépôts et consignations et de la Cavimac tant qu'un niveau suffisant de fiabilisation des données individuelles n'est pas garanti. Pour la Cavimac, cette unification ne présente aucun intérêt. Idem pour la Caisse des dépôts.
Troisièmement, poursuivre le transfert aux Urssaf de l'activité de recouvrement de la Cipav et de la CRPCEN, lesquelles n'y voient aucun inconvénient.
Mme Cathy Apourceau-Poly , rapporteure . - Quatrièmement, élaborer préalablement à tout transfert la convention régissant les relations entre l'organisme gestionnaire du régime et l'Urssaf Caisse nationale.
Cinquièmement, labelliser les logiciels de paie, afin d'assurer autant que faire se peut la fiabilité des données sociales dès leur émission.
Sixièmement, assurer la normalisation des modalités de calcul et de recouvrement des cotisations sociales de tout régime avant sa bascule en DSN.
Mme Catherine Deroche , présidente . - Je vous remercie, et j'adresse toutes mes félicitations à nos rapporteurs.
La commission approuve les recommandations et autorise la publication du rapport sous la forme d'un rapport d'information.