D. DES EFFECTIFS HOSPITALIERS DONT L'AUGMENTATION S'EST STABILISÉE
1. Des effectifs hospitaliers plus élevés que la moyenne européenne
S'agissant du volume de personnel, la France se trouve parmi les pays européens où il est le plus élevé.
Dépenses hospitalières exprimées en pourcentage du PIB et nombre de personnes travaillant dans les hôpitaux par millier d'habitants en 2019 dans plusieurs pays européens
(en pourcentage du PIB)
Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de l'OCDE
Le nombre de personnes travaillant dans les hôpitaux par millier d'habitants est de 19,66 en France en 2019. Ce nombre est supérieur pour la Norvège (21,82) et le Royaume-Uni (23,11), mais il est inférieur pour la majorité des autres pays européens, dont l'Allemagne. Le niveau de l'emploi hospitalier est davantage corrélé à la dépense hospitalière, exprimée en pourcentage du PIB, que le nombre de lits, même si cette corrélation reste faible.
Le nombre de personnes travaillant dans les hôpitaux en France a augmenté depuis 2000 .
En 2019, les effectifs hospitaliers sont supérieurs de 20,4 % à ce qu'ils étaient en 2000 . La progression s'est toutefois ralentie dans les années 2010. Le nombre de personnels hospitaliers en 2019 n'est supérieur que de 1,7 % à ce qu'il était en 2012.
En Allemagne, l'évolution du personnel a connu un mouvement inverse. Entre 2000 et 2012, il n'a progressé que de 4 %, tandis qu'entre 2012 et 2019, il a augmenté de 16,7 %.
Évolution du nombre de personnes travaillant dans les hôpitaux en France et en Allemagne depuis 2000
Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de l'OCDE
2. Une évolution des effectifs moins dynamique que celle de l'activité
L'activité hospitalière a augmenté de 9,2 % entre 2013 et 2019, soit une augmentation d'environ 1,3 % par an. Cette progression est nettement supérieure à celle du personnel, qui a augmenté de 1,8 % sur la même période.
Évolution du nombre de séjours dans les hôpitaux en France entre 2012 et 2019
(en millions)
Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de la Drees
Les situations sont différentes selon les catégories de personnel.
Les effectifs d'aides-soignants salariés de l'hôpital public n'ont augmenté que de 0,7 % entre 2013 et 2019, ce qui est inférieur à la progression de l'activité sur une seule année.
Les infirmiers de l'hôpital public ont augmenté de 2 % entre 2013 et 2019, ce qui reste un rythme très inférieur à celui de l'activité.
L'augmentation du personnel médical salarié , de 7,6 % de 2013 à 2019, est en revanche plus proche de celle de l'activité.
Ce différentiel pour les infirmiers et les aides-soignants révèle des gains de productivité, mais, comme l'a souligné le docteur Roland Cash devant la commission d'enquête, il est possible que les gains de productivité ne soient pas suffisants pour combler un tel écart, et que la faible progression des effectifs au regard de l'activité puisse dès lors conduire à accentuer les situations de surcharge de travail.
Toutefois, l'évolution du rapport entre effectifs hospitaliers et progression de l'activité peut occulter de très fortes disparités entre établissements .
Dans l'enquête qu'elle avait réalisée à la demande de la commission des affaires sociales du Sénat 30 ( * ) , la Cour des comptes relève ainsi « des différences de productivité médicale considérables entre CHU » et « des écarts de productivité constatés de la même façon pour les effectifs non médicaux ».
La Cour signalait par exemple que le CHU de Toulouse avait enregistré en médecine-chirurgie-obstétrique davantage de séjours que l'AP-HM avec des effectifs médicaux inférieurs de 22 % à ce dernier. De même, le nombre de séjours réalisés rapporté à l'effectif non médical présente de fortes disparités entre CHU, variant de 11 à 18 séjours par ETP non médical. La Cour des comptes concluait que « des différences considérables sont ainsi retrouvées entre établissements de santé sans que ces différences ne trouvent d'explications liées à la taille des CHU, ou au volume d'activité de recours ». Les différences de productivité, pour les CHU, tiennent davantage de l'efficacité des modes d'organisation.
3. Un débat sur la part de personnel non soignant à relativiser
Il est régulièrement souligné dans le débat public qu'au regard des autres pays européens, les hôpitaux français compteraient un nombre particulièrement élevé de personnels non soignants , et en particulier du personnel administratif.
Cette hypothèse semble à première vue confirmée par les données de l'OCDE. Selon l'OCDE, la part du personnel non soignant dans les hôpitaux français, s'élèverait en effet à 33,6 % des effectifs, soit la proportion la plus haute parmi les pays européens, à l'exception de la Belgique, où elle est de 35,7 %.
L'une des explications pourrait provenir du nombre plus élevé d'hôpitaux en France, avec beaucoup d'hôpitaux de petite taille dans lesquelles les fonctions support pèsent proportionnellement davantage que celles liées à l'activité de soins et les économies d'échelle sont moins réalisables en ce qui concerne le personnel technique.
Part du personnel non soignant travaillant dans les hôpitaux parmi l'ensemble du personnel des hôpitaux en 2019 (ou année la plus proche) dans plusieurs pays européens
Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de l'OCDE
Il faut toutefois considérer ces données avec prudence . La difficulté tient à ce que la catégorie utilisée par l'OCDE pour les comparaisons internationales ne permet pas de distinguer entre le personnel administratif et le personnel technique. Il est en outre possible que la forte proportion du personnel non soignant en France révèle une plus forte internalisation des services de support dans les hôpitaux, alors que d'autres pays font davantage appel à la sous-traitance.
Le panorama des établissements de santé de 2021 de la Drees fournit un éclairage plus précis de la répartition du personnel salarié dans les hôpitaux, jusqu'en 2019 pour le secteur public et jusqu'en 2018 pour le secteur privé. La proportion du personnel non soignant, environ 25 % pour l'ensemble des secteurs public et privé , est moins élevée que celle résultant des données de l'OCDE.
La proportion élevée de personnel non soignant ne s'explique pas majoritairement par le personnel administratif. En effet, le personnel administratif salarié ne représente que 10 % des effectifs de l'hôpital public , catégorie qui inclut pour une part importante les secrétaires médicales et les assistants médico-administratifs, dont les tâches viennent en support de l'activité de soins. Il faut relever que la part du personnel administratif est plus faible dans le secteur public que dans le secteur privé, où elle atteint 15 %.
Les autres personnels non soignants représentent 16 % des effectifs à l'hôpital public et environ 10 % dans les établissements privés. Cette catégorie recouvre des métiers très divers intervenant sur des fonctions support (personnel technique et ouvrier salarié, y compris les ingénieurs et les conducteurs ambulanciers), mais aussi le personnel médico-technique étroitement lié à l'activité de soins (manipulateurs en électro-radiologie médicale, physiciens médicaux, techniciens de laboratoire, préparateurs en pharmacie, bio-informaticiens, ingénieurs en biologie médicale), ainsi que le personnel éducatif et social.
La part plus élevée de personnel médical salarié dans le secteur public (13,2 % contre 9 % dans le secteur privé) vient du fait qu'une majorité de médecins intervenant dans les cliniques privées exercent sous statut libéral et non en tant que salariés de l'établissement.
Répartition du personnel salarié de l'hôpital public en 2019 et de l'hôpital privé en 2018
Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de la Drees
Au niveau des dynamiques, la part du personnel médical a nettement progressé dans le secteur public entre 2013 et 2019 (+ 0,9 %), ainsi que celle des infirmiers (+ 0,4 %), tandis que celle du personnel administratif a légèrement diminué (- 0,1 %). L'ensemble de la part du personnel non soignant est restée quasiment stable entre 2013 et 2019, comme l'indique le tableau ci-dessous.
Évolution de la part des différentes catégories de personnel parmi l'ensemble du personnel salarié des hôpitaux publics en France entre 2013 et 2019
2013 |
2019 |
Évolution 2013-2019 |
|
Personnel médical |
12,3 % |
13,2 % |
+ 0,9 % |
Médecins et assimilés |
8,5 % |
8,8 % |
+ 0,3 % |
Internes |
2,6 % |
3,2 % |
+ 0,6 % |
Sages-femmes |
1,2 % |
1,3 % |
+ 0,1 % |
Personnel non médical soignant |
61,6 % |
60,8 % |
- 0,8 % |
Infirmiers |
24,6 % |
25,0 % |
+ 0,4 % |
Aides-soignants |
21,5 % |
21,6 % |
+ 0,1 % |
Autres personnels soignants |
15,4 % |
14,1 % |
- 1,3 % |
Personnel non soignant |
26,1 % |
26 % |
- 0,1 % |
Personnel administratif |
10,1 % |
10 % |
- 0,1 % |
Autres personnels non soignants |
16 % |
16 % |
0 % |
Source : Commission d'enquête sur l'hôpital, d'après les chiffres de la Drees
La baisse la plus importante correspond à la catégorie que la Drees nomme « autres personnels soignants ». Elle rassemble « le personnel salarié d'encadrement des services de soins, les salariés psychologues, psychanalystes et psychothérapeutes (non médecins), les agents de service hospitalier (ASH) et le personnel salarié de rééducation » 31 ( * ) .
* 30 Le rôle des CHU dans l'offre de soins, rapport n° 195 (2018-2019), novembre 2018.
* 31 Panoramas de la Drees.