II. DES AJUSTEMENTS INCRÉMENTAUX ET CUMULATIFS
La Cour ne méconnaît pas les difficultés de recrutement qui pèsent sur les établissements et leurs conséquences tant pour la prise en charge individuelle des résidents que pour l'exécution de tâches qui, bien que distinctes du soin, ont pour vocation d'améliorer la prise en charge tels que les projets d'établissements, l'évaluation de l'état de santé et de dépendance des résidents (les fameuses coupes budgétaires) ou encore les rapports d'activité médicale annuels.
L'amélioration de la qualité de la prise en charge passe par une organisation plus efficace au sein des établissements . Pour atteindre cet objectif, la Cour propose le développement de « bonnes pratiques » dans toutes les activités des établissements afin de les aider à définir une organisation optimale aussi bien en matière de taux d'encadrement, que de formation des personnels ou de développement d'actions de prévention. Plusieurs exemples illustrent cette démarche.
Le développement de référentiels permettant d'établir le niveau d'effectif nécessaire pour garantir l'accompagnement du résident est une proposition novatrice faite par la Cour. Sur le modèle de la réglementation relative à l'accueil des jeunes enfants, des ratios de nombre maximum de résidents à prendre en charge par chaque professionnel de soin qualifié pourraient être élaborés. La Cour considère que ce référentiel est de nature à agir sur la qualité du service et sur l'attractivité du secteur pour les professionnels. Des réflexions identiques sont en cours chez certains de nos voisins européens (Danemark, Suède) tandis que l'Allemagne est le seul parmi les pays étudiés par la Cour, à avoir mis en oeuvre des taux d'encadrement opposables.
Le développement de référentiels doit s'accompagner d'une action sur l'organisation interne des établissements, notamment celle des cycles de travail.
Cet effort porté sur l'organisation doit englober les modalités de prise en charge de certaines situations et notamment promouvoir une action volontariste dans le domaine de la prévention. Cette problématique fait écho aux difficultés de notre système de santé en la matière, bien que la promotion de la santé et la prévention soient mises au premier rang des objectifs de la stratégie nationale de santé. Pour atteindre ces objectifs, la Cour préconise une approche fondée sur l'élaboration de protocoles indiquant les conduites à tenir notamment en matière de chutes, de prévention des escarres, de réponses aux situations de dénutrition, avec la volonté de dépasser la prévention individuelle et de développer des axes de prévention collective.
Dans ce volet prévention, une attention particulière doit être apportée à la gestion de la polymédication des personnes âgées, un sujet majeur de santé publique. L'objectif est de réduire la surconsommation, notamment celle de médicaments psychotropes, et l'iatrogénie médicamenteuse qui provoque des hospitalisations et des décès. Pour les résidents en Ehpad, la Cour préconise la mise en place d'une politique institutionnalisée, inscrite au niveau du projet d'établissement, mais surtout guidée par une exploitation plus systématique des données médicales détenues par l'assurance maladie.
Les solutions proposées par la Cour nécessitent le développement d'indicateurs et de référentiels destinés à suivre l'organisation et l'activité des établissements. Ces indicateurs ont vocation à être rendus publics afin d'apporter une meilleure information aux familles sur le fonctionnement des établissements. Cette solution dont on comprend l'intérêt pour faire évoluer l'organisation des établissements se heurte à plusieurs difficultés ainsi que cela été souligné lors de l'audition du Premier président de la Cour des comptes. Tout d'abord, il faut élaborer ces référentiels. Si la construction des référentiels de bonne pratique relève des missions de la Haute autorité de santé, cette dernière ne se considère pas en mesure d'élaborer des référentiels de taux d'encadrement. Ensuite, alors que sont pointés les difficultés de recrutement dont souffrent les Ehpad, tenir à jour de tels indicateurs aurait pour effet de réduire le temps de prise en charge des résidents. Il conviendra donc de trouver un juste équilibre entre la nécessité de proposer des solutions normalisées sur la façon d'améliorer la qualité de l'organisation et de la prise en charge des résidents et l'instauration de référentiels trop nombreux ou trop chronophages.