F. UNE PROBLÉMATIQUE COMMUNE : LES INVESTISSEMENTS IMMOBILIERS
1. Une mise à niveau régulière des sites
Les quatre opérateurs ont en commun un recours important aux fonds publics en vue de financer d'importants investissements destinés à la mise à niveau de sites parfois anciens et à leur extension.
Coût des travaux menés par les 4 opérateurs entre 2017 et 2020 (hors Cité du Théâtre)
(en euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses aux questionnaires des rapporteurs spéciaux
Le CNSMD de Paris rencontre ainsi depuis plusieurs années de nombreux problèmes liées aux malfaçons datant de l'origine de la construction de son bâtiment, situé dans la quartier de La Villette à Paris. Elles ont conduit l'établissement à réaliser un diagnostic précis en 2014 et à la mise en oeuvre de travaux d'urgence en 2017, associant notamment l'Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la Culture (OPPIC). Une convention tripartite a été mise en place avec l'OPPIC et la DGCA pour des opérations de désenfumage, désamiantage, sécurisation des façades, etc. : 8 millions d'euros ont ainsi pu être dégagés. Par ailleurs des désordres ayant été constatés sur les systèmes d'accroche des pierres de façade, présentant un enjeu de sécurité majeur, des travaux ont été engagés dès 2018 afin de remplacer les pierres de façade et les menuiseries extérieures. Ce chantier très important s'est étalé sur plusieurs années, nécessitant au fur et à mesure de l'état d'avancement, de réaliser des travaux supplémentaires et d'engager annuellement des dépenses nouvelles.
La rénovation des façades s'est accompagnée de différentes délégations de crédits : de 10,9 millions d'euros en AE et 5,38 millions d'euros en CP en 2017, puis 7 millions d'euros en AE et 4,8 millions d'euros en CP en 2018 et enfin 7,71 millions d'euros en CP en 2019. Cette séquence s'est terminée par le lancement des travaux de réfection des façades de la tour d'orgue. Le chantier dit « façades » aura ainsi mobilisé 22 millions d'euros (AE = CP) sur la période.
Parallèlement des travaux de réhabilitation du bâtiment et de mises aux normes (sécurité, sûreté et accessibilité), mais aussi de rénovation des espaces intérieurs et des équipements ont été engagés et devraient se poursuivre d'ici à 2025.
Le CNSMD de Lyon a, quant à lui, été confronté à` une grave pénurie de locaux ainsi qu'à des problèmes d'accessibilité et de sécurité.
De 2014 à 2019, le conservatoire a ainsi réalisé des travaux permettant l'accès de l'établissement à des personnes en situation de handicap (agenda d'accessibilité programmé) et le classement de l'établissement en type L (norme de sécurité) pour un montant d'environ 1,2 million d'euros. Divers travaux d'amélioration énergétique, sécuritaires et fonctionnels ont également été effectués durant cette période.
2021 correspond au lancement des premiers travaux visant l'isolation des combles et le remplacement des menuiseries extérieures sur le bâtiment historique, la réhabilitation du bâtiment Isère pour permettre l'aménagement d'une salle de répétition et de travail pour les musiciens sur le site du CEMAGREF. Cette emprise foncière publique de 6 891 m² a` proximité' immédiate du conservatoire est composée de cinq bâtiments (Saône, Rhône, Isère, Ardèche, et Drôme). Propriété de l'État, elle a été libérée en 2015 afin d'éviter une délocalisation de l'établissement.
Le Centre national des arts du cirque a également bénéficié de travaux conséquents en 2015 avec la réalisation de nouveaux bâtiments sur l'ancienne friche de la coopérative agricole Marnaise en 2015. Le CNAC avait au préalable mis en oeuvre entre 2007 et 2012 une restructuration complète de ses infrastructures à Châlons-en-Champagne. Le coût des travaux, hors achats des terrains et bâtiments existants s'est élevé à 1,05 million d'euros. Les locaux municipaux du cirque historique ont été entièrement rénovés en 2010 en vue d'accueillir un centre de ressources ouvert au public et des locaux administratifs. Une subvention d'équipement de l'État de 232 981 euros a ainsi été versée.
Les rapporteurs spéciaux relèvent, s'agissant de trois établissements, l'apport du Plan de relance (cf supra) qui a permis de financer des opérations jusqu'alors reportées :
- travaux d'isolation des combles, de mise aux normes extérieures et de couverture, réhabilitation du bâtiment Isère et aménagement d'une salle de répétition et de travail pour les musiciens au sein du CNSMD Lyon (7,69 millions d'euros sur la période 2021-2022) ;
- aménagement, au sein du CNAC, d'un hangar de stockage en un lieu d'accueil de formations techniques pour les arts du cirque (0,92 million d'euros en 2021) ;
- travaux sur rue et investissement productif au sein du CNSMD Paris (10,24 millions d'euros sur la période 2021-2022).
Recommandation n°7 : Présenter en 2023 un état des lieux précis de l'avancée des travaux effectués dans le cadre du Plan de relance, des restes à charge ainsi que les travaux d'envergure demeurant à mener (hors Conservatoire national supérieur dramatique). |
2. L'incertain et coûteux projet de Cité du théâtre
Les contraintes immobilières rencontrées par le CNSMD de Lyon trouvent un écho dans celles rencontrées par le Conservatoire national supérieur des arts dramatiques (CNSAD) qui ont débouché sur le projet de localisation de l'établissement au sein d'une future Cité du théâtre , installée au sein des anciens ateliers Berthier, dans le XVII ème arrondissement de Paris. Celle-ci regrouperait la Comédie-Française, l'Odéon - Théâtre de l'Europe et le CNSAD. Elle vise à répondre à des besoins immobiliers identifiés de longue date, tout en permettant de tisser des liens nationaux et internationaux sur des propositions théâtrales renouvelées et en misant sur les synergies et la création d'outils partagés. La Cité du théâtre est notamment censée permettre à la Comédie-Française et au Théâtre national de l'Odéon de poursuivre et d'amplifier leurs actions éducatives et sociales à Paris, dans les territoires limitrophes et en région et de renforcer les liens avec le monde éducatif sur l'ensemble du territoire et avec le tissu associatif de proximité. Il s'agit également de développer des formules adaptées au développement des tournées en région.
Répartie sur 23 000 m², la Cité abriterait ainsi :
- pour la Comédie-Française, deux salles de spectacle modulaires de 600 et 250 places, en complément de la Salle Richelieu, une salle de répétition ainsi que des bureaux et ateliers ;
- pour l'Odéon-Théâtre de l'Europe, une nouvelle salle de répétition ouverte au public de 250 places et de nouveaux ateliers de construction qui s'ajouteront à la salle modulaire de 500 places déjà existante sur le site ;
- pour le CNSAD, en plus des salles d'enseignement et de recherche, deux nouvelles salles de spectacle de 100 places et une salle de 200 places ainsi que des espaces de représentation aménagés en extérieur. Le Conservatoire conservera par ailleurs son théâtre à l'italienne situé dans les locaux actuels.
La maîtrise d'ouvrage du projet de construction a été attribuée à un groupement d'intérêt public (GIP) constitué fin 2019, entre l'État et les trois opérateurs concernés. Chacun des quatre membres est garant de la gouvernance du GIP et dispose d'une voix à l'assemblée générale. Une présidence tournante de l'assemblée générale est assurée par les directeurs des établissements à tour de rôle. Le GIP sera également appelé à gérer les espaces et services communs constitutifs de la Cité.
Le projet est financé sur les crédits du programme 131 « Création ».
Le budget travaux de la Cité du théâtre a été initialement évalué à 86 millions d'euros toutes dépenses confondues (TDC) hors-taxe. Cette somme couvre l'acquisition d'une partie du terrain auprès de la Ville de Paris qui a évalué son prix à 12 millions d'euros. La livraison des travaux est prévue à l'horizon 2025.
Reste que l'avant-projet sommaire (APS) consolidé, remis en avril 2021 par les architectes sélectionnés en 2018, laisse apparaître un montant d'opération plus élevé que l'estimation initiale. Les origines de ces surcoûts sont diverses, liées en grande partie à la prise en compte de diagnostics remettant en cause des hypothèses d'études initiales trop optimistes de la maîtrise d'oeuvre, des contraintes réglementaires supplémentaires concernant la sécurité incendie et la sûreté, une augmentation importante des surfaces servantes et des compléments fonctionnels nécessaires aux établissements mis en avant dans le cadre de la concertation avec leur personnel. Des pistes d'économies sont donc en cours d'examen par la maîtrise d'ouvrage.
Le projet est également subordonné à la relocalisation sur le site de Bastille des fonctions de l'Opéra national de Paris actuellement hébergées aux ateliers Berthier. Le projet dit Bastille comprenait, en outre, l'aménagement de la salle modulable de l'Opéra Bastille et la construction d'un bâtiment dédié aux fonctions logistiques sur le terrain des délaissés. La loi de finances pour 2021 prévoyait ainsi 23 millions d'euros en AE et 7 millions d'euros en CP au titre de ces deux projets. Les difficultés rencontrées par l'Opéra national de Paris dans le cadre de la crise sanitaire ont conduit à ajourner ce chantier. Un nouveau projet incluant uniquement la construction de nouveaux espaces permettant le transfert des Ateliers de Berthier vers le site de Bastille est aujourd'hui à l'étude, allongeant un peu plus les délais pour le lancement réel de la Cité du théâtre.
Si le projet est ralenti, force est de constater que les alternatives semblent limitées : la surélévation actuelle du bâtiment serait ainsi génératrice de coûts très importants pour un gain de fonctionnalité jugé réduit.
Compte-tenu de cet arbitrage, le montant des travaux enregistrés ces dernières années reste limité :
- 39 000 euros en 2016 dédiés à la mise en place d'éclairage de sécurité dans les circulations du théâtre et au remplacement de pompes et des radiateurs ;
- 37 000 euros affectés en 2017 au remplacement des conduits de cheminée ;
- 48 000 euros en 2018 versés en vue du financement de deux études de faisabilité sur la sécabilité du bâtiment du conservatoire en prévision d'une vente partielle ;
- 17 500 euros dédiés en 2019 à la réparation des dégâts sur la vitrerie occasionnés par l'explosion d'un bâtiment rue de Trévise ;
- 45 934 euros affectés aux travaux de réparations liés à la vétusté du bâtiment : remplacement d'un des systèmes de ventilation et d'aération de l'établissement et des robinets d'incendie armés.
Recommandation n°8 : Présenter à l'occasion du projet de loi de finances 2023 un projet actualisé pour la Cité du théâtre, intégrant les économies attendues face aux surcoûts mis en avant fin 2021, présentant un calendrier précis de livraison des travaux et proposant une ou plusieurs alternatives au projet actuel. |