EXAMEN EN COMMISSION
Au cours de sa réunion du mercredi 24 novembre 2021, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Philippe Paul, vice-président, a procédé à l'examen du rapport de M. Joël Guerriau et Mme Marie-Arlette Carlotti, sur les crédits du soutien de la politique de la défense.
M. Joël Guerriau, rapporteur . - Nous avons fait le choix de structurer notre avis autour de deux axes transversaux. Avant de laisser la parole à ma co-rapporteure Marie-Arlette Carlotti qui s'est concentrée sur les efforts fournis et à fournir en matière d'hébergement et de logement de nos soldats, je commencerai par dire quelques mots de la politique de reconversion des armées qui a fait l'objet d'un rapport récent du Haut Comité d'évaluation de la condition militaire (HCECM), que son président était venu nous présenter en présence du président Cambon.
Dès lors que le métier des armes s'accompagne de sujétions particulièrement lourdes du point de vue à la fois de la condition physique et de la disponibilité, la politique de reconversion est une dimension à part entière de la condition militaire. En effet, plus de la moitié de nos militaires sont sous contrat et ils savent qu'à un horizon plus ou moins proche ils devront regagner la vie civile pour y exercer un nouveau métier. Le fait pour les armées de tenir compte de cette transition professionnelle et d'assurer aux nouvelles recrues qu'elles seront accompagnées au-delà de leur période d'engagement est, à ce titre, un levier d'attractivité pour la carrière militaire. Cette exigence d'accompagnement, qui est également un devoir moral vis-à-vis des anciens soldats, constitue un véritable défi pour les services du ministère qui doivent être en mesure d'accompagner les quelque 30 000 militaires qui sont chaque année radiés des cadres ou des contrôles.
Pour répondre à ce défi, le ministère des armées a mis en place de longue date une vaste gamme de dispositifs qui vont de l'existence d'une voie dérogatoire d'accès aux trois fonctions publiques à une offre de formation en milieu militaire assurée par le centre militaire de formation professionnelle implanté à Fontenay-le-Comte. Pour coordonner ses différents dispositifs, le ministère s'appuie sur l'agence « Défense mobilité » dont l'action est complétée par plusieurs dispositifs spécifiques pour tenir compte de la particularité de certains profils. C'est à ce titre que nous avons eu l'occasion d'entendre la générale Vitte, cheffe de la mission pour le retour à vie civile des officiers généraux, qui nous a présenté les services de grande qualité qui sont proposés aux anciens officiers généraux au moment de quitter la vie militaire, c'est-à-dire le jour de leur cinquante-neuvième anniversaire pour la majorité d'entre eux.
Si nous avons constaté que les indicateurs de performance utilisés par « Défense mobilité » témoignent de l'efficacité de l'accompagnement proposé, avec notamment 59 % des militaires reclassés dans un délai d'un an après leur départ de l'institution, nous avons également constaté, qu'il existe un déséquilibre important dans le choix de carrière des anciens militaires dont les trois quarts rejoignent le secteur privé alors même que la collectivité a investi pour leur formation. Ce déséquilibre est encore plus flagrant lorsque l'on s'intéresse à la fonction publique territoriale qui n'accueille que 5 % des anciens militaires se reclassant dans le secteur public.
Un tel déséquilibre ne profite ni aux armées ni aux collectivités territoriales, qui le plus souvent sont sensibles aux qualités professionnelles des anciens militaires. À l'occasion de son audition, le directeur des ressources humaines du ministère des armées nous a assuré que cette situation résulte notamment de la chaîne de décision en matière de détachement qui est entièrement centralisée.
En l'absence d'obstacle juridique à ce que les collectivités accueillent dans les années à venir un nombre croissant d'anciens militaires, nous serons particulièrement attentifs à ce que le nécessaire soit fait en matière d'information tant des responsables locaux que des militaires pour favoriser ces reconversions de militaire dans les administrations territoriales qui bénéficient aussi bien au monde local qu'à l'institution militaire qui y trouve une source de rayonnement supplémentaire sur l'ensemble du territoire.
Enfin, notre audition avec le nouveau directeur des ressources humaines du ministère des armées, le contrôleur général des armées de Vanssay, nous a permis d'évoquer avec lui la poursuite de la mise en oeuvre de la « nouvelle politique de rémunération des militaires », laquelle doit se poursuivre l'année prochaine et en 2023 et à laquelle nous serons particulièrement attentifs dans les mois à venir pour s'assurer qu'elle atteint ses objectifs en matière aussi bien de lisibilité de la rémunération des militaires que de réduction des coûts de gestion associés.
En conclusion, et sans préjudice des remarques formulées par ma co-rapporteure, nous serons attentifs à ce que la ministre tienne les engagements qui ont été pris depuis 2017 en matière de ressources humaines, ce qui suppose de maintenir un haut niveau d'effort à court, moyen et long termes.
Mme Marie-Arlette Carlotti, rapporteure . - Nous nous sommes également intéressés à l'hébergement et au logement de nos soldats.
Présenté en 2017 par la ministre des armées, le plan « famille » a fait du logement et de l'hébergement des axes prioritaires afin d'assurer à nos militaires des conditions de vie décentes.
Notre premier constat est que le parc immobilier de la défense n'est pas adapté aux besoins des militaires et de leurs familles. Il est constitué, au 31 décembre 2020, de 43 158 logements au total, dont 27 % relèvent du parc domanial, le reste sont des logements réservés par conventions. Mais seulement 80 % du parc du ministère est disponible à la location. Cette sous-utilisation s'explique par l'inadaptation de l'offre de logements au regard des structures familiales, des standards de confort ou de l'éloignement des lieux d'affectation.
La carte militaire pour répertorier les logements n'est pas finalisée. Mais elle permettra un meilleur suivi du nombre de soldats à loger, du type de logements disponibles, du prix de l'immobilier dans la zone.
Le deuxième constat est la complexité de la chaîne de décision.
À la différence de l'hébergement, la politique du logement des armées fait intervenir une multitude d'acteurs. Cela a pour conséquence de porter atteinte à l'efficacité et à éloigner la décision des besoins réels. L'association effective des autorités militaires locales à la mise en oeuvre de la politique du logement constituerait un levier pour améliorer l'efficacité de cette politique.
Les investissements prévus par le plan « famille » ont donné un nouvel élan, bien réel, s'élevant à 530 millions d'euros sur la période 2019-2025. Il aura permis la création de 660 logements neufs, livrés en 2021 au lieu de 2020 - on peut comprendre que la crise sanitaire aura freiné le processus. En revanche, les objectifs de 50 % de logements domaniaux en outre-mer ne sont pas atteints.
Raison de plus pour être attentifs à la livraison des bâtiments prévue en 2021 et 2022 au camp du Tigre près de Cayenne. L'hébergement fait l'objet depuis le 17 octobre 2020 d'un programme spécifique à hauteur de 1,2 milliard d'euros sur la période 2019-2025, au bénéfice de 30 000 places d'hébergement, dont 21 000 préexistantes devant être réhabilitées. Cette ambition est à saluer.
Cependant, nous avons pu constater que les différents plans annoncés successivement par les différents ministères se chevauchent sans être totalement réalisés. Ainsi, les 732 points noirs de l'hébergement identifiés en 2014 dans le cadre du plan d'action Condition de vie du personnel (Condipers), repris dans le plan « famille » et dont la résorption était prévue avant la fin 2021, n'est toujours pas achevée. De gros travaux restent à réaliser, certains étaient considérés, déjà en 2014, comme urgents.
La remise en état du parc immobilier du ministère de la défense suppose de maintenir, à un rythme soutenu, les investissements au-delà de 2025. De plus, nous y gagnerions en transparence.
Le service d'infrastructure de la défense (SID) estime au 31 décembre 2020, la dette grise à 4,4 milliards d'euros, en augmentation de 600 millions d'euros depuis 2017. Une dette difficile, voire impossible à maîtriser.
À l'horizon de 2025, selon les estimations du ministère, les investissements programmés dans le cadre de la loi de programmation militaire (LPM) permettraient seulement de stabiliser la dette grise à son niveau actuel, mais pas de la résorber. Nous recommandons une programmation pluriannuelle, au-delà de 2025, pour résorber la dette grise et consolider la trajectoire de remise en état du parc immobilier des armées.
Deux réformes sont en cours et pourront permettre d'améliorer le système.
Le contrat d'externalisation pour la gestion des logements domaniaux du ministère des armées (CEGeLog) pour laquelle un nouvel attributaire a été désigné en octobre - il s'agit du consortium Eiffage-Arcade ; il devrait faire l'objet d'une convention définitive en février prochain.
Ce contrat inédit, qui couvrira une période de trente-cinq ans, prévoit la construction de 3 000 logements et la réhabilitation de 8 000 logements domaniaux en métropole.
Son suivi créera une mission nouvelle pour la sous-direction du logement rattachée au secrétariat général. Nous serons attentifs à ce que les 28 emplois, dont la création nous a été annoncée, soient réellement pourvus.
L'accompagnement individuel dans la recherche de logement pourrait être également amélioré grâce à la mise en place, fin novembre 2021, d'un système d'information dédié, dénommée ATRIUM, qui permettra de dématérialiser le dépôt des dossiers et fluidifier les demandes.
En conclusion, nous saluons une programmation ambitieuse, mais qui gagnerait en efficacité et en transparence grâce à une trajectoire pluriannuelle au-delà de 2025.
La commission donne acte de leur communication aux rapporteurs et en autorise la publication sous la forme d'un rapport d'information.