Rapport d'information n° 210 (2021-2022) de Mme Sabine DREXLER , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 24 novembre 2021
Disponible au format PDF (625 Koctets)
Synthèse du rapport (259 Koctets)
-
AVANT-PROPOS
-
A. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES ENJEUX
FINANCIERS LIÉS À LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE
-
B. UN SOUTIEN MASSIF DE L'ÉTAT FACE AUX
PERTES ENREGISTRÉES PAR LES GRANDS OPÉRATEURS
-
A. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES ENJEUX
FINANCIERS LIÉS À LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE
-
EXAMEN EN COMMISSION
-
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
-
ANNEXE
N° 210
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022
Enregistré à la Présidence du Sénat le 24 novembre 2021
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) relatif aux crédits relatifs aux patrimoines du projet de loi de finances 2022,
Par Mme Sabine DREXLER,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial, Mme Mélanie Vogel .
AVANT-PROPOS
La protection du patrimoine est devenue, au cours des dernières années, un véritable enjeu de politique publique . Loin de continuer à considérer le patrimoine comme une contrainte, les collectivités territoriales se montrent de plus en plus préoccupées par son entretien et sa restauration pour développer le potentiel économique et touristique des territoires, améliorer le cadre de vie des Français et renforcer la cohésion sociale.
Ces enjeux ont conduit le rapporteur à souhaiter concentrer son analyse sur les questions relatives à la protection du patrimoine.
Tout en constatant le niveau exceptionnel des crédits destinés au patrimoine monumental en 2022 et l'attention accrue portée par l'État à la préservation du « petit patrimoine » au cours des dernières années, le rapporteur regrette que l'État n'accompagne pas davantage, par le biais de l'assistance à maîtrise d'ouvrage, les collectivités territoriales et les propriétaires privés dans la conduite de leurs projets de restauration. Elle estime qu'il s'agirait d'un levier pour renforcer l'efficacité des crédits de l'État et améliorer l'état sanitaire du patrimoine.
Elle s'étonne que les grands chantiers financés par le plan de relance n'aient pas davantage donné lieu à des actions de promotion et de valorisation des métiers d'art , face à la crise des vocations qui menace la transmission des savoir-faire dans ces métiers.
Elle déplore enfin, que le projet de budget n'accorde aucun crédit en faveur de la transition énergétique du patrimoine bâti , quelques mois après l'adoption de la loi « Climat et Résilience », estimant que le ministère de la culture a un rôle primordial à jouer pour démontrer que la préservation du patrimoine s'inscrit dans une logique de développement durable.
I. UN SOUTIEN FINANCIER EXCEPTIONNELLEMENT ÉLEVÉ DANS LE CONTEXTE DE LA CRISE SANITAIRE
A. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DES ENJEUX FINANCIERS LIÉS À LA PRÉSERVATION DU PATRIMOINE
1. Un effort particulier en faveur du patrimoine protégé
Grâce à une progression continue des crédits destinés au patrimoine protégé au cours des trois derniers exercices, mais surtout à l'apport financier substantiel du plan de relance, le soutien de l'État au patrimoine protégé devrait atteindre, en 2022, un niveau inégalé depuis vingt ans. Il s'établit à 470 millions d'euros en crédits de paiement, dont 115 millions d'euros au titre du plan de relance.
Cet effort exceptionnel dépasse d'environ 50 millions d'euros le montant des crédits que les défenseurs du patrimoine jugent nécessaire pour répondre a minima chaque année aux besoins en termes de restauration.
Visant à soutenir l'emploi et la filière des patrimoines, il a d'ores et déjà permis aux entreprises de restauration des monuments historiques de surmonter les difficultés nées de la crise sanitaire . Celles-ci indiquent avoir bénéficié d'un surcroît d'activité qui leur a permis d'embaucher de nouveaux salariés et d'assurer ainsi la transmission des savoir-faire, ce qu'elles ne sont pas en mesure de faire lorsque les crédits se situent aux alentours de 300 millions d'euros. Se pose donc la question du maintien d'un tel niveau d'activité dans les années à venir, pour ne pas remettre en cause les débouchés ainsi créés.
Évolution des crédits consacrés
aux monuments historiques
au cours des douze dernières
années
Source : Commission de la culture, de
l'éducation et de la communication,
à partir des informations
transmises par le ministère de la culture
Les crédits supplémentaires apportés par le plan de relance ont également permis de combler les retards enregistrés au cours des dernières années en matière de restauration en raison de dotations insuffisantes . Outre la prise en charge des travaux du château de Villers-Cotterêts (60 millions d'euros), ces crédits contribuent au financement du plan « cathédrales » . Les besoins de restauration et d'entretien des 87 cathédrales appartenant à l'État ont été évalués en juin 2020 à 350 millions d'euros sur cinq ans. En 2022, les cathédrales devraient bénéficier de 92 millions d'euros de crédits : comme chaque année, 40 millions d'euros parmi les crédits ordinaires ; 40 millions d'euros au titre du plan de relance ; et 12 millions d'euros pour la mise en oeuvre du plan de sécurité des cathédrales. Ce plan, décidé à la suite de l'incendie de la cathédrale Notre-Dame, revêt un vrai caractère d'urgence : dix édifices, parmi lesquels Paris et Nantes, sont à un niveau insuffisant et six monuments font l'objet d'un avis défavorable à la poursuite de l'exploitation.
Le ministère de la culture fait par ailleurs valoir que dans la mesure où le plan de relance finance des opérations sur monuments publics qui, sans lui, auraient dû être financées sur la base des crédits ordinaires, il a libéré une partie des crédits ordinaires qui deviennent disponibles pour d'autres opérations, portant sur des monuments publics et privés.
2. Une préoccupation croissante de l'État à l'égard du patrimoine non protégé
Parallèlement, l'État a amorcé un réengagement dans la protection du petit patrimoine , dont il s'était progressivement éloigné à la suite de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. L'exemple le plus emblématique en est sans doute la création du Loto du patrimoine par un amendement du Gouvernement à la loi du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, que le Parlement réclamait depuis près de vingt ans. Près de la moitié des projets sélectionnés depuis sa création concernent du patrimoine non protégé.
Même s'il n'est pas financé par l'État (celui-ci restitue seulement grâce aux dégels de crédits à la fin de chaque année un montant équivalent à celui des taxes perçues sur les jeux par abondement de la subvention qu'il verse aux propriétaires publics et privés de monuments historiques retenus dans le cadre du loto), la création de ce jeu a permis d'accroître considérablement les sommes destinées à la protection du petit patrimoine , avec 131 millions d'euros récoltés par la mission « Patrimoine en péril » depuis sa création. Il a également contribué à sensibiliser davantage le grand public à cet enjeu. La convention entre le ministère de la culture et la Fondation du patrimoine a été reconduite en février 2021 pour quatre nouvelles éditions.
Les projets sélectionnés par l'édition 2021 de la mission Patrimoine en péril
Source : Fondation du Patrimoine
Le réengagement de l'État en faveur du petit patrimoine s'explique par la volonté de s'appuyer sur le patrimoine comme levier de revitalisation des centres anciens et d'attractivité des territoires . Le programme « Action coeur de ville » mis en place en 2018, comme le plan « Petites villes de demain » annoncé fin 2020, font tous deux de la restauration et de la mise en valeur du patrimoine l'un des piliers de la redynamisation et du développement.
Ce réengagement s'est traduit directement par des crédits , dont le montant reste cependant modeste . Les crédits d'intervention déconcentrés de l'action 2 « Architecture et espaces protégés » ont ainsi bondi de plus de 30 % depuis 2017 pour s'établir à 15,8 millions d'euros en 2022. Ils financent les études et travaux dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables (SPR) et l'accompagnement des politiques de valorisation du patrimoine menées par les collectivités territoriales, à l'instar de celles titulaires du label « Villes et Pays d'art et d'histoire » (+2,9 millions d'euros en 2022).
Mais, c'est surtout par le biais de la fiscalité que l'État accompagne le petit patrimoine. Le code général des impôts comporte plusieurs dispositifs ouvrant droit à des déductions fiscales ou des réductions d'impôt : dispositifs en matière de mécénat pour les particuliers (article 200) ou les entreprises (article 238 bis ), label de la Fondation du patrimoine (article 156), dispositif « Malraux » (article 199 tervicies ).
Le rapporteur se félicite que le Gouvernement ait soutenu la proposition d'origine sénatoriale visant à étendre aux immeubles situés dans des communes pouvant aller jusqu'à 20 000 habitants le bénéfice du label de la Fondation du patrimoine . Cette extension, définitivement adoptée par la loi de finances rectificative pour 2020 du 30 juillet 2020, devrait contribuer à la préservation du patrimoine dans les territoires à dominante rurale et à la revitalisation des centres-bourgs. Compte tenu de sa mise en place récente, les potentialités de cette réforme n'ont pas encore été pleinement utilisées , mais les ministères chargés de la cohésion des territoires et de la culture et la Fondation du Patrimoine se sont engagés, par convention, à ce que 100 labels soient octroyés au sein des communes du programme « Petites villes de demain ».
Les effets de l'extension du label de la Fondation du patrimoine
Des 1 547 labels octroyés par la Fondation du patrimoine en 2020, 82 concernaient des immeubles qui n'étaient pas éligibles au label avant la réforme de 2020. |
Des 1 334 labels octroyés par la Fondation du patrimoine en 2021, 167 concernaient des immeubles qui n'étaient pas éligibles au label avant la réforme de 2020. |
Pour parachever la réforme du label, le rapporteur espère que le Gouvernement publiera dans les plus brefs délais le décret d'application rendant possible la délivrance du label de la Fondation du patrimoine au profit des parcs et jardins .
Dans l'optique de revitalisation des centres anciens, le rapporteur s'étonne qu'aucune suite n'ait été donnée au rapport d'évaluation de la fiscalité « Malraux » de décembre 2018 , réalisé conjointement par l'Inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires culturelles et le Conseil général de l'environnement et du développement durable. Ce rapport avait pourtant conclu à une perte d'efficacité et de lisibilité du dispositif « Malraux » et préconisait sa révision pour lui permettre de contribuer plus efficacement à la restauration des centres-villes.
B. UN SOUTIEN MASSIF DE L'ÉTAT FACE AUX PERTES ENREGISTRÉES PAR LES GRANDS OPÉRATEURS
1. Des établissements durablement fragilisés par la crise sanitaire
La situation financière des établissements publics patrimoniaux a été considérablement fragilisée par la chute du tourisme international et les mesures de restrictions mises en place pour lutter contre la propagation de l'épidémie de Covid-19 . Les établissements dont les taux de ressources propres sont les plus importants ont été les plus durement touchés par la crise sanitaire.
Malgré les mesures de compensation déployées en 2020 pour un montant de 64,1 millions d'euros afin d'éviter les ruptures de trésorerie et le soutien conséquent apporté par le plan de relance pour un montant de 232 millions d'euros au titre de l'année 2021, le prolongement de la crise sanitaire en 2021 et la fermeture prolongée des établissements jusqu'en mai ont conduit à dégrader les perspectives budgétaires qui avaient été esquissées par les opérateurs lors de la construction de leur budget 2021, à l'automne 2020.
Déjà spectaculaire en 2020 (- 72 % par rapport à 2019), la baisse de la fréquentation a été encore plus forte en 2021 pour atteindre - 78 % par rapport à son niveau de 2019. Les pertes de billetterie sont supérieures à la baisse de la fréquentation en raison d'un accroissement de la part des publics gratuits dans la structure des publics.
Les recettes hors billetterie sont également affectées par la baisse durable des échanges internationaux (locations, coproductions, implantations à l'étranger), la baisse du chiffre d'affaires 2020 (redevances de concessions, loyers) et la crise économique (mécénat).
Les pertes de recettes propres , d'un montant de 357 millions d'euros en 2020, sont évaluées à 341 millions d'euros en 2021 , en baisse de 48 % par rapport à 2019. Les pertes nettes, estimées à 310 millions d'euros devraient cependant être plus importantes que l'an passé, où elles s'établissaient à 254 millions d'euros. Cette différence s'explique par une hausse des surcoûts, mais aussi par le fait que les établissements n'ont pas pu réaliser autant d'économies en fonctionnement qu'en 2020 afin de maintenir une programmation culturelle tout au long de l'année permettant d'attirer le public français et qu'ils n'ont plus la possibilité de piocher dans leurs trésoreries, déjà exsangues . Depuis mars 2020, les établissements ont largement prélevé sur leurs trésoreries non fléchées, mais aussi fléchées pour assumer les dépenses incompressibles. Leur capacité d'investissement pour se moderniser et enrichir leurs collections est aujourd'hui fortement réduite, voire épuisée .
Compte tenu des risques de rupture de trésorerie présentés par un certain nombre d'établissements, au premier rang desquels le musée du Louvre et les musées d'Orsay et de l'Orangerie, le Gouvernement prévoit d'octroyer aux opérateurs du patrimoine des mesures complémentaires à hauteur de 142 millions d'euros dans le cadre du second projet de loi de finances rectificative pour 2021.
2. Un modèle économique à repenser
Les perspectives pour l'année 2022 restent très dégradées. Le retour encore limité des touristes étrangers, les dispositifs mis en place pour freiner la propagation de l'épidémie (pass sanitaire, jauges) et les incertitudes qui pèsent sur l'évolution de l'épidémie conduisent le ministère de la culture à anticiper des pertes de fonctionnement de l'ordre de 182 millions d'euros en 2022 (188 millions d'euros de perte de ressources propres, 11 millions d'euros d'économies de fonctionnement et 5 millions d'euros de surcoût).
Si ces estimations se confirmaient, les opérateurs du programme 175 pourraient de nouveau se retrouver confrontés à des difficultés d'ici la fin de l'année 2022 , dans la mesure où leurs subventions de fonctionnement restent stables et que seulement 102 millions sont inscrits sur le plan de relance au titre de l'année 2022.
Répartition des crédits du plan de
relance entre les principaux opérateurs
au titre des années
2021 et 2022
Cette crise met en lumière les limites du modèle économique des grands opérateurs du patrimoine : en leur demandant de développer considérablement leurs ressources propres, l'État les a rendus plus vulnérables aux chocs externes.
L'État a certes répondu présent depuis le début de la crise sanitaire pour maintenir en fonctionnement ces établissements et ne pas voir totalement compromise leur capacité d'investissement du fait de l'épuisement de leurs réserves de trésorerie. Mais il lui faudra continuer à accompagner ces établissements de manière accrue dans les prochaines années. Selon des hypothèses moyennes, les établissements pourraient ne pas retrouver leur niveau de fréquentation de 2019 avant 2025, sous réserve que la crise n'ait pas engendré des évolutions structurelles en matière de tourisme international.
La France ne pourra donc pas faire l'économie d' une réflexion sur le modèle économique actuel des grands opérateurs , qui n'est viable qu'à la condition que l'État accepte de compenser les pertes qu'ils subissent en période de crise.
II. DES ENJEUX DONT LA RÉPONSE DOIT ÊTRE RENFORCÉE
A. MIEUX ACCOMPAGNER LES COMMUNES ET LES PROPRIÉTAIRES PRIVÉS DANS LEURS PROJETS DE RESTAURATION
Bien que les communes et les propriétaires privés soient aujourd'hui les deux catégories de propriétaires dont la part de monuments historiques en état de péril est la plus élevée, les crédits alloués à l'entretien et à la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État ne sont pas toujours intégralement consommés en fin d'exercice. Les difficultés rencontrées par les services de l'État pour inciter les communes et les propriétaires privés à engager des travaux expliquent d'ailleurs très largement pourquoi l'État a décidé de consacrer la majeure partie des crédits du plan de relance aux monuments lui appartenant pour garantir leur consommation dans le délai imparti.
Taux de consommation des autorisations d'engagement destinées aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État au 30 septembre 2021
56%
61%
49%
Cette situation n'est pourtant pas optimale, ni pour l'état sanitaire du patrimoine, ni pour l'activité des entreprises de restauration du patrimoine, dans la mesure où elle prive partiellement de leur effet de levier les crédits que l'État consacre chaque année à l'entretien et à la restauration des monuments historiques qui ne lui appartiennent pas. Le rapporteur estime urgent de lever les obstacles, financiers et techniques, qui empêchent ces deux catégories de propriétaires de mener à bien les restaurations des immeubles dont ils ont la charge .
1. Renforcer l'efficacité du fonds incitatif et partenarial
Cette difficulté financière a été identifiée par l'État. Elle a justifié la création, en 2018, du fonds incitatif et partenarial pour les communes à faibles ressources , destiné à soutenir les petites communes rurales qui possèdent des monuments historiques mais ne disposent que de ressources très limitées pour les restaurer et les entretenir. Ce fonds permet à l'État de majorer le taux de sa subvention aux projets sélectionnés, sous réserve d'une participation minimale de la région à hauteur de 15 %. Les monuments appartenant aux propriétaires privés situés sur le périmètre des communes concernées par le dispositif y sont également éligibles.
Même si ce fonds a remporté un succès, avec 500 opérations accompagnées, le rapporteur s'étonne que ce dispositif soit encore méconnu de nombreuses communes rurales, alors qu'il leur est pourtant destiné. Dans ces conditions, elle estime nécessaire que l'État :
- en fasse davantage la publicité , à la fois auprès de l'Association des maires ruraux de France et au sein des conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC), afin qu'il puisse donner sa pleine mesure ;
- en accroisse la dotation , quitte à revoir la répartition des crédits destinés aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État, dans la mesure où ce sont ces communes qui concentrent la majorité des monuments historiques et où les situations de péril sont les plus nombreuses.
2. Suppléer au déficit d'ingénierie de ces catégories de propriétaires
Depuis 2005 1 ( * ) , les collectivités territoriales et les propriétaires privés exercent la maîtrise d'ouvrage sur les monuments historiques qui leur appartiennent. Le code du patrimoine prévoit la possibilité d'une assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) de la part des services de l'État pour les aider à faire face à leurs responsabilités. Mais, seules quelques régions sont en mesure de proposer ce service , faute d'effectifs suffisants au sein des directions régionales des affaires culturelles (DRAC).
Il s'agit d'une vraie source de difficultés, dans la mesure où les collectivités territoriales, notamment les plus petites qui concentrent l'essentiel du patrimoine à protéger, ne sont généralement pas formées au rôle de maître d'ouvrage, ne disposent pas de l'ingénierie nécessaire, et n'ont pas forcément les moyens financiers de faire appel à un cabinet privé en assistance à maîtrise d'ouvrage, compte tenu du faible nombre de collectivités publiques proposant aujourd'hui ce service. L'association des maires ruraux de France indique que ces difficultés conduisent régulièrement certaines communes à renoncer à certains projets, dont le financement de la restauration en tant que telle aurait pourtant pu être assuré. Elle appelle de ses voeux un meilleur accompagnement de l'État sur les projets de restauration en amont (phase d'études et de diagnostics) et en aval, pour les aider à définir le projet de valorisation du patrimoine une fois celui-ci restauré.
Face à ce problème récurrent de déficit d'ingénierie, le rapporteur estime urgent que le Gouvernement confie aux services d'inspection une réflexion en matière d'AMO . Il apparait important d'identifier le coût que représenterait pour l'État la mise en place de ce service dans l'ensemble des régions et de dresser un bilan coût/avantages des pistes alternatives (structuration de l'offre d'AMO sur le territoire, mutualisation des services d'ingénierie entre collectivités territoriales, majoration du taux de subvention de l'État aux dépenses d'AMO par rapport au taux de subvention applicable aux travaux).
Cette question illustre une nouvelle fois le manque de moyens humains des DRAC et des unités départementales du patrimoine et de l'architecture (UDAP) , qui les empêchent aujourd'hui de se rendre suffisamment sur le terrain et de disposer de temps pour dialoguer et être à même de remplir leurs missions de conseil. Le rapporteur considère qu'il s'agit d'un enjeu crucial. Si les communes et les propriétaires privés étaient mieux accompagnés d'un point de vue technique, beaucoup plus de chantiers de restauration pourraient être lancés chaque année, avec un effet « boule de neige », puisque les crédits alloués annuellement par l'État au patrimoine auraient ainsi un effet de levier beaucoup plus important.
B. PALLIER LES DIFFICULTÉS DE RECRUTEMENT DANS LES MÉTIERS DE LA RESTAURATION DU PATRIMOINE
1. Une situation résultant d'une crise des vocations plus que d'un problème de formation
La transmission des savoir-faire en matière de patrimoine bâti constitue un enjeu essentiel pour l'avenir de la préservation du patrimoine . Il faut un nombre suffisant de professionnels qualifiés sur l'ensemble du territoire pour garantir que les travaux de restauration urgents seront réalisés selon les règles de l'art, sans prendre le risque de causer des dommages aux immeubles qui nécessiteront des restaurations ultérieures, plus lourdes et plus coûteuses.
Les professionnels de la restauration se plaignent d'une difficulté actuelle à recruter des apprentis . Les activités de couverture et de charpente sont particulièrement touchées, ainsi que, dans une moindre mesure, de la taille de pierre et de la maçonnerie. La pénurie de main d'oeuvre pourrait s'amplifier dans les années à venir compte tenu du vieillissement des artisans.
Ces difficultés de recrutement résultent davantage d'une crise des vocations que de lacunes dans l'offre de formation . Notre pays est doté d'un réseau de structures de formation performant (lycées techniques, centres de formation des apprentis, compagnonnage). Les marchés publics de travaux comportent généralement une clause d'insertion sociale pour favoriser l'apprentissage et le principal maitre d'ouvrage public, l'OPPIC, qui intervient pour le compte de l'État et de ses établissements, s'est engagé auprès du Groupement des monuments historiques (GMH) à faire en sorte que les apprentis participant à un chantier soient embauchés sur d'autres de leurs chantiers pour compléter leur formation. Il s'agit d'une avancée importante, dans la mesure où la durée d'un chantier est habituellement plus courte que celle d'une formation, évaluée entre 1 400 et 1 600 heures. Une charte similaire pourrait être conclue entre le GMH et le CMN.
2. Améliorer l'attractivité des métiers de la restauration du patrimoine
Les métiers de la restauration sont aujourd'hui peu attractifs. À l'instar d'autres métiers manuels, ils ne sont valorisés ni au sein de la société, ni par l'Éducation nationale, et sont souvent délaissés lors du choix de l'orientation scolaire. Beaucoup rejoignent ces métiers à la suite d'une reconversion professionnelle. Il s'agit pourtant de métiers d'excellence qui reposent sur la maîtrise de savoir-faire à la fois traditionnels et innovants.
Le rapporteur estime nécessaire de poursuivre et de renforcer les efforts de promotion des métiers de la restauration du patrimoine et identifie deux leviers prioritaires d'actions :
- l'éducation artistique et culturelle , d'une part, afin de sensibiliser dès leur plus jeune âge les élèves à l'existence de ces métiers . Il existe déjà des dispositifs, à l'image de celui créé en 2018 « Une école, un chantier », mais ceux-ci peuvent encore être amplifiés. Il apparait également important de ne pas laisser passer l'occasion de l'extension du Pass culture aux collèges à compter de janvier 2022, en s'assurant que le catalogue comprendra des offres permettant des visites de chantier et des ateliers de restauration du patrimoine pour les élèves ;
- les grands chantiers des monuments historiques appartenant à l'État , d'autre part, dans la mesure où ils sont susceptibles, par leur caractère emblématique, de drainer un public plus large. Le rapporteur estime que le choix du Gouvernement de privilégier les grands chantiers dans le cadre du plan de relance se justifierait d'autant plus si les crédits alloués à cet effet servaient également à promouvoir et valoriser les métiers du patrimoine à l'occasion de ces chantiers .
Malheureusement, l'État n'a pas totalement exploité jusqu'à présent cette opportunité. L'initiative « Chantiers de France » mise en place aux lendemains du drame de l'incendie de Notre-Dame de Paris a tourné court sous l'effet de la crise sanitaire. Quant à l'établissement public chargé de la restauration de Notre-Dame, il n'a toujours pas dévoilé le contenu exact de son programme de promotion et de valorisation des métiers d'art. Le succès du Village des métiers qu'il a installé à l'occasion de la dernière édition des Journées du patrimoine démontre pourtant l'intérêt du public pour de telles initiatives et les effets prometteurs qu'elles pourraient avoir.
C. RENFORCER LA PRISE EN COMPTE DE L'ENJEU CLIMATIQUE
1. Soutenir la transition énergétique du patrimoine bâti
Le rapporteur s'étonne que le programme « Patrimoines » ne comporte aucun crédit en faveur de la transition énergétique du patrimoine bâti , alors que l'urgence climatique commande d'agir et que la loi du 22 août 2021 « Climat et résilience » est venue fixer de nouvelles obligations pour renforcer et accélérer la rénovation des logements. Cet enjeu ne figure pas parmi les objectifs de l'action 2 « Architecture et espaces protégés ». Le fonds de transition écologique financé par la mission « Plan de relance » ne concerne que la rénovation des équipements artistiques obsolescents et énergivores des institutions de la création.
Dans la mesure où le bâti ancien ne peut pas être rénové selon les mêmes modalités que le bâti moderne pour ne pas y causer des dégradations irréversibles, le rapporteur estime qu' il serait cohérent que des crédits du ministère de la culture soutiennent la transition énergétique de ces bâtiments afin d'en garantir la préservation . Elle considère qu'il serait important, en parallèle, que des guides à l'usage des propriétaires d'immeubles patrimoniaux soient publiés pour leur donner les principales recommandations et les orienter vers les professionnels qualifiés.
Les modalités de mise en oeuvre de la loi
« Climat et résilience » :
un enjeu pour le
ministère de la culture aux fins de la préservation du
patrimoine
La loi « Climat et résilience » n'a pas véritablement articulé les enjeux de la transition énergétique avec ceux de la protection du patrimoine. La plupart des amendements proposés par la commission de la culture afin de garantir la prise en compte des spécificités du bâti ancien dans les projets de rénovation énergétique des logements n'ont pas été conservés dans le texte définitivement adopté.
Les nouvelles obligations fixées par cette loi pourraient avoir des conséquences significatives sur l'état du patrimoine en fonction de la manière dont elles seront mises en oeuvre.
Le rapporteur souhaite que le ministère de la culture fasse valoir la nécessité que les décrets d'application de cette loi, attendus d'ici le printemps 2022, comportent des garanties suffisantes pour préserver le bâti ancien . Elle juge essentiel que l'agrément des accompagnateurs rénov' ne soit accordé qu'à des professionnels préalablement formés aux spécificités des différents types de bâti afin qu'ils puissent préconiser aux ménages des solutions adaptées au bâti ancien.
2. Encourager la réutilisation du patrimoine
La protection du patrimoine n'est pas contradictoire avec l'enjeu de la transition écologique . Sa restauration s'inscrit dans une logique de développement durable . Le bilan carbone d'une construction neuve est plus élevé que celui d'une restauration. Le bâti ancien est généralement fabriqué à base de matériaux écologiques et locaux. C'est donc aussi l'occasion de redévelopper des filières dans les territoires.
Le rapporteur estime qu'il faudrait davantage encourager la réutilisation des bâtiments . Donner une nouvelle fonction à ce patrimoine ancien est un bon moyen de faire accepter la dépense de restauration, généralement supérieure à celle d'une construction neuve. La reconversion du patrimoine s'inscrit à la fois dans une logique de développement durable, d'amélioration du cadre de vie et de renforcement de la cohésion.
Le rapporteur considère que les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ont un rôle central à jouer pour promouvoir cette réutilisation. Elle juge également indispensable que la formation dispensée au sein des écoles nationales supérieures d'architecture fasse la part belle aux enjeux et techniques liés à la conservation et à la restauration du patrimoine.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 24 NOVEMBRE 2021
M. Laurent Lafon , président . - Notre ordre du jour appelait initialement ce matin l'examen des avis budgétaires consacrés aux crédits alloués à la « Création », aux « Patrimoines », au « Cinéma » et à l'« Action culturelle extérieure » au sein du projet de loi de finances pour 2022.
Le rejet de la première partie du texte hier après-midi dans l'hémicycle, qui a entrainé le rejet de l'ensemble du projet de loi de finances nous contraint cependant à transformer ces avis législatifs en rapport d'information.
Cette solution permet de prendre acte du rejet du texte par le Sénat tout en permettant à nos rapporteurs de faire connaître leurs analyses sur les missions, les crédits et les politiques publiques relevant de leurs compétences respectives.
Je cède la parole à Sabine Drexler pour nous présenter son rapport sur les crédits consacrés aux « Patrimoines ».
Mme Sabine Drexler , rapporteur . - Monsieur le président, mes chers collègues, vous ne serez guère surpris d'apprendre que les crédits du programme 175 « Patrimoines » sont eux aussi en progression en 2022, de l'ordre de 3 % en autorisations d'engagement (AE) et de 1 % en crédits de paiement (CP). À l'exception de l'action sur laquelle sont inscrits les crédits d'acquisition et d'enrichissement des collections publiques, dont le niveau demeure inchangé, toutes les actions du programme voient leurs crédits croître pour accompagner l'action de l'État en matière de patrimoine bâti, de musées, d'archives et d'archéologie préventive.
J'ai néanmoins choisi de concentrer mon propos sur la question du soutien de l'État au patrimoine bâti, dans la mesure où le Président de la République avait, en 2018, fait de cette question une « cause nationale ». Il me semblait intéressant de voir dans quelle mesure cette annonce avait été suivie d'effets pendant le reste du quinquennat.
En termes de financement, les cinq dernières années ont indéniablement été marquées par une progression continue des crédits destinés au patrimoine.
C'est particulièrement vrai pour le patrimoine protégé, dont le niveau des crédits a littéralement explosé à compter de 2021 grâce à l'apport du plan de relance. Le soutien de l'État devrait atteindre l'année prochaine 470 millions d'euros : ce niveau n'avait jamais été atteint au cours des vingt dernières années.
Cet effort exceptionnel a eu deux effets positifs.
D'une part, il a permis de combler les retards enregistrés au cours des dernières années en matière de restauration en raison du niveau insuffisant des dotations. Je pense, par exemple, à l'enjeu que constitue le plan « cathédrales », après le drame de Notre-Dame et celui de la cathédrale de Nantes.
D'autre part, il a permis aux entreprises de restauration du patrimoine de surmonter la crise sanitaire. Elles qui étaient dans une situation fragile au début du quinquennat ont recommencé à embaucher, ce qui est très positif compte tenu du besoin que nous avons de disposer d'une main d'oeuvre qualifiée dans l'ensemble des territoires. Il reste à savoir si le soutien de l'État demeurera à hauteur suffisante dans les années à venir pour conserver un tel niveau d'activité, sinon les débouchés créés pourraient se refermer rapidement.
L'engagement financier de l'État s'est également orienté en direction du petit patrimoine, sans doute par volonté de s'appuyer sur celui-ci comme levier de revitalisation des centres anciens et d'attractivité des territoires. J'en veux pour preuves l'augmentation de 30 % des crédits d'intervention déconcentrés de l'action 2 « Architecture et espaces protégés » ; la création du Loto du patrimoine dont la moitié des projets concernent du patrimoine non protégé ; ainsi que le soutien apporté par le Gouvernement à la proposition de notre collègue Dominique Vérien d'étendre le champ géographique d'application du label de la Fondation du patrimoine, qui a des conséquences directes pour l'État en termes de dépenses fiscales.
Il est dommage que ces différents dispositifs n'aient pas été complétés par une réforme de la fiscalité « Malraux » compte tenu de l'effet puissant que pourrait avoir cet outil pour inciter à la revitalisation des centres anciens.
Cette remarque mise à part, vous aurez compris que mes réserves sur l'action de l'État en direction du patrimoine portent moins sur l'aspect financier stricto sensu que sur un certain nombre d'enjeux qui ne m'apparaissent pas suffisamment pris en compte et traités par le ministère de la culture.
Le premier de ces enjeux, c'est la nécessité pour l'État de mieux accompagner les communes et les propriétaires privés dans leurs projets de restauration.
D'une part, parce que ce sont les deux catégories de propriétaires dont la part de monuments historiques en état de péril est la plus élevée : il s'agit donc d'un enjeu pour l'amélioration de l'état sanitaire du patrimoine.
D'autre part, parce que les crédits de l'État gagneraient en efficience si ces deux catégories de propriétaires parvenaient à lancer davantage d'opérations. Les crédits que l'État leur accorde ont un effet de levier, contrairement à ceux qu'il consacre à ses propres monuments : ils créent donc davantage d'activité pour la filière de la restauration.
Cette question ne se résume pas à une simple difficulté financière, même si, sur ce sujet, je suis favorable à ce que l'efficacité du fonds incitatif et partenarial pour les petites communes en difficulté soit renforcée afin de réduire les obstacles financiers qui empêchent le lancement de certains projets. Il me paraitrait important que l'État en fasse davantage la publicité auprès des communes rurales et qu'il en accroisse la dotation, car il s'agit d'un outil très pertinent.
À mes yeux, ce qui manque surtout aux communes et aux propriétaires privés, c'est un accompagnement technique pour lancer leurs projets de restauration car ils n'ont pas l'ingénierie nécessaire pour assumer correctement leur mission de maitre d'ouvrage. Sauf dans quelques régions, les services de l'État n'offrent plus d'assistance à la maitrise d'ouvrage, par manque d'effectifs au sein des DRAC (direction régionale des affaires culturelles) et des unités départementales du patrimoine et de l'architecture. Ce n'est pas la première fois que nous déplorons l'insuffisance des effectifs pour permettre aux DRAC et aux architectes des bâtiments de France (ABF) de disposer de suffisamment de temps pour se rendre sur le terrain et remplir leurs missions de conseil. En voilà encore un autre exemple criant. C'est pourquoi je crois urgent que le Gouvernement confie aux services d'inspection une réflexion en matière d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Le deuxième sujet sur lequel un engagement plus fort de l'État me parait nécessaire, c'est celui de la promotion des métiers de la restauration du patrimoine.
La transmission des savoir-faire en matière de patrimoine bâti constitue un enjeu essentiel pour l'avenir de la préservation du patrimoine. Or, si l'offre de formation est assez riche, on constate aujourd'hui une crise des vocations qui pourrait avoir des effets terribles d'ici quelques années, compte tenu du vieillissement des artisans. Il faut donc l'enrayer à temps.
Les métiers de la restauration du patrimoine sont aujourd'hui peu attractifs et, comme la plupart des métiers manuels, ils ne sont guère valorisés au sein de la société ou même de l'éducation nationale.
Je vois deux leviers d'action que pourrait mobiliser le ministère de la culture pour améliorer l'image de ces métiers. En premier lieu, l'éducation artistique et culturelle pourrait être développée pour sensibiliser dès leur plus jeune âge les élèves à l'existence de ces métiers. Il ne faut surtout pas laisser passer l'occasion de l'extension du Pass culture aux collèges à compter de janvier prochain et insérer dans le catalogue des visites de chantier et des ateliers de restauration du patrimoine pour les élèves.
En second lieu, il faut s'appuyer sur les grands chantiers des monuments historiques appartenant à l'État, dans la mesure où ils sont susceptibles par leur caractère emblématique de drainer un public plus large. L'État trouverait là une occasion en or de justifier doublement la préférence qu'il a accordée aux grands chantiers dans le cadre du plan de relance. Il n'est peut-être pas trop tard pour rectifier le tir. L'enjeu existe aussi pour le chantier de Notre-Dame. Il est dommage que le Village des métiers n'ait été installé qu'à l'occasion de la dernière édition des Journées du patrimoine.
Enfin, le troisième et dernier sujet qui me préoccupe, c'est l'absence de crédits inscrits dans le programme « Patrimoines » en faveur de la transition énergétique du patrimoine bâti, alors que vient d'être adoptée la loi « Climat et résilience » qui fixe de nouvelles obligations pour renforcer et accélérer la rénovation des logements.
Dans la mesure où le bâti ancien ne peut pas être rénové selon les mêmes modalités que le bâti moderne pour ne pas y causer des dégradations irréversibles, il me paraitrait assez cohérent que des crédits du ministère de la culture soutiennent la transition énergétique de ces bâtiments afin d'en garantir la préservation. Si les conditions d'examen du projet de loi de finances avaient été différentes cette année, je vous aurai sans doute proposé un amendement en ce sens.
De façon générale, j'ai le sentiment que le ministère de la culture ne peut pas abandonner cet enjeu au seul ministère de la transition écologique. C'est à lui de montrer que la protection du patrimoine n'est pas contradictoire avec l'enjeu climatique et que la restauration du patrimoine ancien s'inscrit davantage dans une logique de développement durable qu'une construction neuve.
C'est la raison pour laquelle il me semblerait utile que le ministère de la culture oriente davantage son action en faveur de la réutilisation des bâtiments. On sait que le patrimoine reste encore souvent perçu comme un coût. Le meilleur moyen de faire accepter la dépense de restauration, c'est de redonner au patrimoine une nouvelle fonction et de rendre ainsi l'opération vertueuse en termes de développement durable, d'amélioration du cadre de vie et de renforcement de la cohésion.
Je tiens à remercier plusieurs collègues qui m'ont aidée à entrer dans mes fonctions de rapporteur. Je pense à Philippe Nachbar, qui a été rapporteur de ces crédits pendant de nombreuses années, mais aussi à Michel Dagbert et Sonia de La Provôté qui ont réalisé un excellent rapport d'information en 2020 sur « les maires face au patrimoine historique architectural ». Leurs travaux m'ont beaucoup inspirée et vont continuer à le faire, car je souhaite que nous puissions continuer à aller plus loin, notamment sur la mise en oeuvre de ces recommandations.
Je remercie également Else Joseph qui a bien voulu me représenter, à deux reprises et au pied levé, notamment lors de l'audition de Roselyne Bachelot, et que j'associerai autant que possible à mes travaux.
Je remercie enfin toutes les personnes que j'ai pu auditionner pour préparer ce rapport.
J'en terminerai sur cette note positive qui démontre, je le souhaite, que notre patrimoine a encore de beaux jours devant lui à la condition que l'État renforce son action dans plusieurs directions. Le niveau des crédits en 2022 s'y prête. Il ne faut pas laisser passer l'occasion.
Mme Sonia de La Provôté . - Le rapporteur nous a présenté une analyse très complète de la situation. Le budget de l'État consacré aux patrimoines dépasse en 2022 le milliard d'euros. C'est significatif. Mais, il reste néanmoins des sujets itératifs pour lesquels les orientations des politiques publiques en matière de patrimoine doivent évoluer.
Nous sommes à la croisée des chemins en matière de politique gouvernementale. Il ne faudrait pas que des injonctions, notamment en matière environnementale, se transforment en injonctions contradictoires. Les mises aux normes énergétiques ou d'accessibilité modifient de manière drastique le bâti - et les échéances pour le faire sont proches. Dans le même temps, les questions liées au patrimoine et à sa préservation semblent perdre de leur prégnance dans la prise de décisions dans nos territoires.
La question des écoles d'architecture n'est toujours pas réglée, notamment en ce qui concerne les contenus pédagogiques. Nous avons déjà regretté par le passé que les architectes spécialisés sur le patrimoine ne soient pas forcément formés aux questions de mises aux normes.
Les outils fiscaux existants ne sont pas les bons, qu'il s'agisse du dispositif « Malraux » ou du « Denormandie », qui concerne la mise aux normes dans le bâti ancien. Ils ne sont pas articulés avec les politiques publiques telles que « Action coeur de ville ». En effet, ce n'est pas parce que le patrimoine des centres anciens à rénover n'est pas inscrit ou classé qu'il ne mérite pas d'être protégé. Il est urgent d'avoir une vision globale qui dépasse la seule question du patrimoine protégé au titre des monuments historiques.
Les crédits alloués à l'entretien ont été déconcentrés et il en ressort une absence de priorité. Or, l'entretien doit être une priorité budgétaire : bien réalisé, il permet de dégager des marges de crédits importantes pour de la remise à niveau, voire le sauvetage d'éléments du patrimoine.
J'en viens maintenant au patrimoine vernaculaire, le « petit patrimoine ». Il participe à notre patrimoine commun et constitue nos paysages, notre qualité de vie et la mémoire commune de nos concitoyens. Toutes les communes de France sont concernées.
Depuis plusieurs années, il n'y a plus d'assistance à maîtrise d'ouvrage de la part des services déconcentrés. Nous le signalons et le regrettons depuis des années. De nombreuses communes n'ont pas la compétence pour le faire. De plus en plus d'églises font l'objet d'arrêtés de péril. La mise en place de communes nouvelles a accentué cette problématique : il n'est pas rare, sur le territoire de ces communes, qu'il y ait sept ou huit églises classées à remettre à niveau. Lorsque l'État faisait de l'assistance à maitrise d'ouvrage, il y avait une compétence, qui fait aujourd'hui défaut, mais aussi de l'anticipation financière, une bonne connaissance des réseaux et des financements plus assurés. Beaucoup de personnels des DRAC sur le terrain veillaient à l'entretien du patrimoine. Il y avait une meilleure anticipation des besoins nécessaires pour maintenir et remettre à niveau le patrimoine.
Sur le fonds incitatif et partenarial pour les petites communes rurales à faibles ressources, le compte n'y est pas en matière de co-construction des choix et des décisions. Tout se fait entre la région et la DRAC, qui décident seules les projets qui profiteront des fonds. Il est nécessaire de renforcer le dialogue entre tous les échelons de collectivités et l'État dans les territoires.
Mme Marie-Pierre Monier . - Je remercie Sabine Drexler pour la pertinence de son analyse de ce programme 175 qui représente une part importante du budget de la culture.
Si les crédits de ce programme se maintiennent au-dessus d'un milliard d'euros, il y a un net ralentissement du niveau des augmentations : + 2,78 % en crédits de paiement (CP), + 1,02 % en autorisations d'engagement (AE) par rapport à l'an dernier. Le programme « Patrimoines », qui représentait un tiers du budget de la mission « Culture » en 2021, en représente moins de 30 % en 2022.
Cette moindre augmentation est d'autant plus préoccupante que le patrimoine a continué de souffrir des conséquences de la crise sanitaire et en particulier de la moindre présence de touristes étrangers pendant une partie de l'année 2021.
Certes, la dernière loi de finances rectificative pour 2021 attribue des moyens supplémentaires (234 millions d'euros) à plusieurs opérateurs en grande difficulté en raison d'un modèle économique fondé sur une part importante de ressources propres. Mais c'est l'ensemble du secteur du patrimoine qui a besoin de moyens pérennes, soit pour soutenir une activité encore affaiblie, soit au contraire pour pouvoir répondre aux sollicitations engendrées par le plan de relance.
Je pense notamment à l'archéologie préventive. L'institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) prévoit une forte augmentation des chantiers de diagnostics pour lesquels le respect des délais de réalisation est l'une des conditions de la prospérité du projet d'aménagement concerné. J'y reviendrai dans quelques instants, mais pour tenir les délais, les services d'archéologie préventive doivent disposer de moyens suffisants notamment en personnels qualifiés.
Au-delà de l'archéologie préventive, les collectivités et notamment les plus petites d'entre elles ont besoin de plus de soutien pour assurer la sauvegarde et l'entretien du patrimoine dont elles ont la charge.
Je pense que nous devons avoir un regard particulier sur l'équilibre de la répartition territoriale des crédits : non seulement ils contribuent à l'accès de tous à la culture, mais aussi ils financent des structures d'intermédiation (associations, musées, parfois services spécialisés des collectivités) dont le rôle est indispensable pour faire découvrir et expliquer, notamment aux plus jeunes, des pans de la culture vers lesquels ils n'iraient peut-être pas spontanément.
J'en viens au contenu des actions. Pour l'action 1, avec 450 millions d'euros en AE, les crédits pour les monuments historiques et le patrimoine monumental augmentent de 7,16 % mais restent quasi stables en CP à 433 millions d'euros.
Cette année, les crédits en faveur de l'entretien et de la restauration des monuments historiques, hors grands projets, sont stables à environ 355 millions d'euros. On note simplement une petite augmentation d'un million d'euros en crédit de paiement des moyens du fonds incitatif et partenarial pour les monuments historiques des collectivités à faibles ressources, dont les crédits relèvent de l'enveloppe allouée aux monuments appartenant aux collectivités territoriale et aux propriétaires privés. Il est important que ce fonds bénéficie d'une plus forte publicité pour garantir que ses crédits soient consommés.
Quant aux crédits d'investissement déconcentrés mis à disposition des DRAC pour la restauration de monuments historiques appartenant à l'État et principalement destinés à financer des travaux de mise en sécurité des cathédrales, ils augmentent de deux millions d'euros.
Je constate que l'augmentation marquée au PLF 2021 est malheureusement stoppée concernant ces crédits avec une stabilité qui, compte-tenu de l'inflation, se traduira donc par une baisse des moyens réels consacrés à la restauration du patrimoine.
Je voudrais aussi en profiter pour dire un mot sur les difficultés d'accès à l'assistance à maitrise d'ouvrage (AMO) pour les propriétaires de monuments historiques. Si les services de l'État, en l'occurrence les UDAP, peuvent apporter ce service parfois gratuitement aux propriétaires, de nombreuses UDAP n'ont pas les moyens nécessaires en personnel pour proposer ce service. Aussi, bien qu'il soit possible - comme me l'avait indiqué la ministre l'année dernière lors de l'examen de l'un de mes amendements à ce sujet - d'avoir recours à un prestataire privé et d'intégrer les coûts dans les montants éligibles à l'aide de l'État, la réalité est autre : de trop nombreuses communes ne le font pas et renoncent du même coup à leur projet, faute d'assistance à maîtrise d'ouvrage. C'est un problème important qu'il faudra parvenir à prendre en considération dans les prochaines années.
En ce qui concerne l'action 2 « Architecture et espaces protégés », les crédits sont en hausse de 8,9 % avec 35 millions d'euros en AE et CP, après quatre exercices budgétaires de stagnation.
Je me réjouis que cette hausse concerne les crédits déconcentrés qui iront soutenir les conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) ou le réseau des Villes et Pays d'art et d'histoire qui font, les uns et les autres, un travail remarquable au service des collectivités. Je pense notamment au CAUE de la Drôme.
Par contre, je m'étonne à nouveau de la stabilité, pour le cinquième exercice budgétaire consécutif, des moyens consacrés au développement des sites patrimoniaux remarquables, dont le bleu budgétaire souligne pourtant l'importance dans le cadre des programmes « Action coeur de ville » ou « Petites villes de demain ».
Les crédits de l'action 3 « Patrimoine et musées de France » sont en hausse de 2,68 % en AE (386 millions d'euros) mais seulement de 0,35 % en CP. Si les dépenses de fonctionnement - les subventions aux musées nationaux - sont en légère hausse à 301 millions d'euros, les dépenses d'intervention destinées aux actions en région sont en stagnation à 35,5 millions d'euros en CP.
Je regrette que la hausse des crédits en faveur des petits musées, saluée l'an dernier, ne soit pas poursuivie cette année. Cela porte préjudice au développement touristique et économique de nos communes et de nos territoires.
À l'action 4, je note à nouveau qu'après une année de nette réévaluation, les crédits de cette action sont en baisse de 5,08 % à 34,57 millions d'euros en CP. Pour autant, les crédits déconcentrés pour les services d'archives territoriales ne sont pas augmentés, alors même que le reliquat de 10 millions d'euros de crédits du plan de relance prévus pour soutenir les investissements des collectivités à la fois pour les archives, les musées et l'archéologie reste nettement en deçà des besoins.
Cela m'amène à l'action 9 « Patrimoine archéologique » : les crédits sont en légère hausse de 1,12 % à 145,5 millions d'euros, soit 1,6 million d'euros supplémentaires.
En fait, la majeure partie de la hausse du budget de cette action correspond à un transfert interne du programme 361 de la mission culture de 1,208 million d'euros en AE et 1,077 million d'euros en CP correspondant aux moyens du département de recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines.
La mission de service public de l'INRAP est revalorisée de près de 2 %. Toutefois, je regrette que le montant de cette revalorisation (1,5 million d'euros) soit retiré en grande partie des subventions destinées aux services d'archéologie départementaux agréés. Au regard de l'augmentation prévisible des diagnostics d'archéologie préventive, ce glissement ne paraît pas opportun et une véritable augmentation des moyens serait nécessaire.
Pour conclure, le budget du programme Patrimoine pour 2022 n'est clairement plus un budget de crise. Les augmentations affichées sont des trompe-l'oeil qui masquent, dans la réalité, au mieux une stabilité, notamment concernant la restauration et l'entretien des monuments historiques appartenant aux collectivités ou à des propriétaires privés, les sites patrimoniaux remarquables ou les petits musées de province.
Mme Else Joseph . - Je remercie notre rapporteure pour ce travail riche et précis. La question du patrimoine est plus que jamais d'actualité en raison de la crise sanitaire que connaît notre pays. L'année dernière, notre collègue Philippe Nachbar avait rappelé que la crise avait fortement affecté les entreprises engagées dans le patrimoine. Elles sont inquiètes compte tenu des incertitudes sur l'avenir, car elles dépendent beaucoup des commandes de l'État.
Comme mes collègues l'ont dit, il y a un manque patent sur les territoires d'ingénierie dont souffrent les collectivités territoriales et les propriétaires privés pour mener à bien un projet de restauration du patrimoine et la complexité des dossiers à monter.
Je déplore également la faible information sur le fonds incitatif et partenarial. Celui-ci reste mal connu des communes rurales auquel il est pourtant destiné et ses conditions d'activation restent opaques et trop souvent dans la main des DRAC. Or, ce sont souvent dans les communes les plus petites que se trouvent aujourd'hui le patrimoine à protéger. Serait-il envisageable que les DRAC assurent une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage ? J'avais interrogé la ministre sur la faible publicité de ce fonds et la possibilité d'accroitre sa dotation, quitte à prendre des crédits jusqu'à alors réservés aux monuments historiques.
On ne peut que se réjouir des crédits complémentaires du plan de relance en faveur du patrimoine qui viennent compléter les crédits du programme 175. C'est le cas pour l'accélération du chantier de Villers-Cotterêts ou du plan « cathédrales ». On peut saluer la multiplicité des financements. Espérons qu'ils seront consolidés et se concrétiseront au-delà des effets d'annonces !
Je me réjouis également de l'augmentation des crédits dédiés à l'architecture via les réseaux territoriaux, par exemple le label Villes et Pays d'art et d'histoire (autour de 3 millions d'euros), auxquels nous sommes tous très attachés. Cette volonté de donner une priorité aux travaux est intéressante. Mais elle s'inscrit dans un contexte d'incertitudes marqué en particulier par la question cruciale de la transmission des savoir-faire. Ces aspects ne sont pas neutres au regard de la faible exécution des crédits dédiés du plan de relance liés à la restauration du patrimoine - ils avoisinent un taux d'exécution de 30 %.
Il faut également poursuivre sur la voie de l'exonération pour créer davantage d'incitations à rénover le patrimoine. Les leviers fiscaux sont un autre outil important.
Sait-on déjà quels sont les monuments à qui profiteront les crédits de la mission en 2022 ? Y a-t-il des évolutions par rapport à l'année dernière ? Vous avez également évoqué le Loto du patrimoine. Les équilibres sont-ils les mêmes que l'an dernier ?
Enfin, je conclurai en évoquant les inquiétudes sur la fréquentation des musées : en raison de la crise de la covid et de la baisse de la fréquentation, certains musées ont réduit leurs horaires, notamment en renonçant à des ouvertures nocturnes. Ne faudrait-il pas au contraire élargir les horaires ? La National Gallery à Londres ouvre une fois par semaine jusqu'à 21 heures.
M. Pierre Ouzoulias . - Je salue la grande maîtrise de votre ouvrage. Lorsque j'étais jeune conservateur, un dossier était porté politiquement : celui de la conservation « du troisième type ». Nous ne voyions pas très bien à quoi cela correspondait. La notion de patrimoine doit déborder le cadre restrictif du classement. J'ai notamment été étonné de voir qu'il pouvait y avoir une dimension environnementale dans le fait de conserver des bâtiments anciens, même s'ils ne sont pas de grande importance historique. En effet, ils permettent des économies de moyens, d'espace et de matériaux. Je partage la nécessité d'une aide fiscale spécifique.
Tout comme Sonia de La Provôté, je suis très sensible à la reconversion à venir des bâtiments, notamment cultuels. De nombreuses communes vont être bloquées en raison de l'ampleur de la tâche. Transformer une église est un ouvrage compliqué. Mais dans le même temps, on ne peut pas laisser des bâtiments désaffectés, sans entretien et vides. C'est un non-sens patrimonial.
Il me semble également intéressant d'analyser les conséquences de la fin de l'avis conforme des ABF suite aux dérogations mises en place il y a quelques années afin de voir si cela a permis une simplification des procédures. Je n'en suis pas persuadé.
Le président du Centre des monuments nationaux (CMN) nous a alertés à plusieurs reprises sur la nécessité de maintenir la péréquation entre les différents monuments. Dans le cas contraire, un certain nombre de monuments un peu moins visités dans les territoires risqueraient d'être transférés aux collectivités car le CMN n'aura plus les moyens de les entretenir.
Enfin, en ce qui concerne Villers-Cotterêts, le CMN ne doit pas être la « vache à lait ». L'État a une façon de considérer ses opérateurs qui est inadmissible. On rajoute des charges supplémentaires à un opérateur qui n'en a pas besoin.
Mme Monique de Marco . - Les musées et les monuments nationaux ont connu une baisse de fréquentation de 78 % en 2020 par rapport à 2019. En 2021, elle est légèrement remontée, même si elle reste inférieure à son niveau d'avant la pandémie. Le budget de la culture augmente globalement, et celui du patrimoine n'y fait pas exception, avec l'aide du plan de relance.
Certains très grands opérateurs, même avec des financements étatiques importants, n'arrivent pas à couvrir leurs pertes liées à la covid. Je pense au Louvre, au musée d'Orsay ou au château de Versailles.
Ces crédits sont répartis entre le budget « classique » du programme 175 et le plan de relance. L'existence de deux budgets distincts semble poser une difficulté dans l'administration des crédits par les DRAC car les lignes ne sont pas fongibles, entraînant une surcharge de travail et un manque de souplesse nuisant à leur utilisation efficace.
130 millions d'euros sont consacrés au plan « cathédrales » (80 millions d'euros du plan de relance au titre de la restauration, 48 millions d'euros pour la conservation et 12 millions d'euros pour la mise en sécurité) auquel s'ajoute le chantier de Notre-Dame de Paris financé à part. Cette multiplication des financements dans un temps très court ne risque-t-elle pas d'engendrer des problèmes dans le lancement des travaux ? Certes il y aura du travail pour les entreprises de restauration, mais une attention toute particulière devra être faite sur le recrutement des personnels qualifiés.
Je conclurai par le chantier de sécurisation et de consolidation de Notre-Dame. 12 millions d'euros ont été consacrés à la dépollution du plomb, matériau extrêmement dangereux. Son usage pose des problèmes. Aussi je ne comprends pas cette obstination à vouloir reconstruire à l'identique avec ce même matériau. Je vous alerte sur les conséquences de son usage.
Mme Sabine Drexler , rapporteur . - Le patrimoine est un atout pour les territoires, que ce soit en matière économique ou d'attractivité. J'ai noté vos préoccupations vis-à-vis de la fin de l'avis conforme des ABF. L'entretien et la conservation des églises sont un vrai enjeu. Il me semble également nécessaire de développer l'ingénierie afin que tous les crédits soient bien utilisés. Je partage également vos remarques sur la nécessité d'éviter des injonctions contradictoires en matière de transition énergétique.
Mme Catherine Morin-Desailly . - Je souhaite vous sensibiliser sur le suivi des dons pour la restauration de Notre-Dame de Paris. La fondation du patrimoine, où je siège, souhaite être bien informée de la manière dont les dons sont dépensés et orientés.
Mme Sabine Drexler . - Ce sujet n'a pas été évoqué lors des auditions, mais la commission a entendu le général Jean-Louis Georgelin en septembre au sujet du chantier de Notre-Dame.
M. Laurent Lafon , président . - Je salue le travail de notre rapporteure dont c'était le premier avis budgétaire - certes examiné dans des circonstances particulières.
Il nous reste à autoriser la publication du rapport.
La commission de la culture autorise la publication du rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Mardi 19 octobre 2021
- Table ronde des associations de sauvegarde du patrimoine : M. Gilles ALGLAVE , Président des Maisons Paysannes, Mme Alexandra PROUST , juriste, chargée d'études auprès de La Demeure Historique, M. Olivier FRANCOIS , secrétaire général de la Sauvegarde de l'Art français, M. Henri DE LÉPINAY , Président de Rempart, M. Christophe BLANCHARD DIGNAC , membre du conseil d'administration de Patrimoine-Environnement, M. Philippe TOUSSAINT , Président des Vieilles Maisons françaises, M. Julien LACAZE , Président de Sites et Monuments.
Vendredi 22 octobre 2021
- ministère de la culture - direction générale des patrimoines : MM. Jean-François HEBERT , directeur général, et Ludovic ABIVEN , sous-directeur des affaires financières et générales
Mardi 26 octobre 2021
- Fondation du patrimoine : M. Alexandre GIUGLARIS , secrétaire général, et Mme Julie BURGMEIER , directrice des projets.
- Centre des monuments nationaux : M. Philippe BELAVAL , Président, et Mme Lucile PRÉVOT , directrice administrative, juridique et financière.
Mercredi 27 octobre 2021
- Association de sauvegarde des maisons alsaciennes : M. Christian FUCHS , Consultant, membre de l'association de sauvegarde des maisons alsaciennes (ASMA).
Vendredi 29 octobre 2021
- Sites et Cités remarquables de France : Mme Marylise ORTIZ , directrice, et M. Jacky CRUCHON , consultant urbanisme et patrimoine, expert auprès de Sites & Cités remarquables.
Mardi 2 novembre 2021
- Association des maires ruraux de France : M. Victor PROVÔT , Premier vice-président de l'Association des maires ruraux d'Eure-et-Loir, et vice-président Économie, Tourisme, Culture et Services Publics à la CDC Terres de Perche de la Mairie de Thiron-Gardais.
Mercredi 3 novembre 2021
- Groupement des entreprises de restauration de monuments historiques (GMH) : M. Frédéric LÉTOFFÉ , Vice-Président, Mme Alexandra MACCHIA , assistante administrative.
Mercredi 10 novembre 2021
- Institut national de recherches archéologiques préventives : MM. Dominique GARCIA , Président, Daniel GUERIN , Directeur général, Eddie AIT , Délégué aux relations institutionnelles et au mécénat.
ANNEXE
Audition de Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture
MARDI 9 NOVEMBRE 2021
M. Laurent Lafon , président . - Mes chers collègues, nous poursuivons cet après-midi notre cycle d'auditions sur le projet de loi de finances (PLF) 2022 en accueillant Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture, que je remercie de s'être rendue disponible.
Madame la ministre, l'année qui vient de s'écouler nous a donné l'occasion d'oeuvrer de concert pour tenter de juguler les effets de la terrible crise pandémique sur le secteur culturel, mais également d'anticiper les évolutions du monde de demain. Je suis à ce titre heureux de relever que le Sénat a été saisi en premier lieu du projet de loi relatif à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique, sur lequel, après des débats vifs et passionnés, nous avons pu parvenir à un accord en commission mixte paritaire (CMP). Le Sénat a également été à l'origine de deux propositions de loi, l'une de Sylvie Robert consacrée aux bibliothèques, l'autre de Laure Darcos, avec Céline Boulay-Espéronnier comme rapporteur, sur l'économie du livre. À chaque fois, nous avons pu mener un travail approfondi avec vos équipes, et je salue l'excellent climat de confiance qui existe entre nous.
Je ne doute pas qu'il en sera de même dans quelques semaines lorsque nous examinerons la proposition de loi de nos collègues Catherine Morin-Desailly, Max Brisson et Pierre Ouzoulias relative à la circulation et au retour des biens culturels appartenant aux collections publiques. En dépit de nos positions parfois divergentes sur ce sujet, nous poursuivons un objectif commun : celui de doter notre pays d'un cadre plus pérenne et plus transparent.
Nous vous recevons aujourd'hui dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. Nul n'ignore les difficultés du secteur, nul cependant ne dirait que le gouvernement y a été sourd. Je pense d'ailleurs que vous nous préciserez les masses budgétaires en jeu.
Nous commencerons par la culture. Vous avez pu prendre connaissance du rapport de nos collègues Sonia de La Provôté et Sylvie Robert relatif à la mise en oeuvre du plan de relance dans le domaine de la création que nous avons adopté la semaine passée.
Sur le sujet du plan de relance, comme sur le projet de budget, nous ne pouvons que saluer l'effort conséquent du gouvernement pour accompagner le monde de la culture, qui a payé un lourd tribut à la crise sanitaire.
Nous avons néanmoins constaté que le secteur culturel attendait de l'État un accompagnement qui ne soit pas seulement financier, mais aussi politique et technique. Les demandes en faveur d'une plus grande adaptation se font de plus en plus pressantes. Le secteur est également préoccupé parce que le public ne retourne pas aussi massivement que nous l'espérions dans les salles de spectacles.
Nous évoquerons ensuite l'audiovisuel public, qui a bien résisté à la crise sanitaire. Je me réjouis à nouveau que la chaîne France 4 dédiée à la jeunesse et à la culture ait été maintenue et je crois que le Sénat a joué un rôle en ce sens.
Vous avez indiqué, madame la ministre, le lancement de deux missions d'inspection sur l'avenir de la contribution à l'audiovisuel public et sur les règles relatives à la concentration. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur les objectifs et sur les délais de ces travaux ?
Le Sénat, assemblée des territoires, est particulièrement attentif à la présence de l'audiovisuel public au niveau local. Les coopérations entre France 3 et France Bleu ont du mal à se nouer, en particulier dans le domaine du numérique. Je crois que vous partagez notre souci. Comment vous envisagez de dynamiser ces coopérations ?
À l'issue de votre intervention liminaire, nous aurons une première séquence autour de la mission culture. Nos rapporteures, Sylvie Robert, pour les crédits de la création et de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture, et Else Joseph, en lieu et place de Sabine Drexler pour les crédits des patrimoines, seront les premières à vous interroger.
Dans un second temps, nous aborderons le débat relatif à la mission Médias, Livre et industries culturelles. Je donnerai la parole aux rapporteurs Jean-Raymond Hugonet sur l'audiovisuel, Michel Laugier sur la presse, Julien Bargeton sur les industries culturelles et Jérémy Bacchi sur le cinéma, avant que nos autres collègues vous interrogent.
Je rappelle que cette audition est captée et diffusée en direct sur le site du Sénat. Madame la ministre, vous avez la parole !
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Je suis très heureuse de vous retrouver pour vous présenter le dernier projet de budget du ministère de la culture du quinquennat.
Je suis également fière du budget des missions Culture, Médias, Livre et industries culturelles, qui connaît une augmentation sans précédent avec 273 millions d'euros de mesures nouvelles. Pour la première fois de son histoire, il dépassera 4 milliards d'euros, à 4,08, hors audiovisuel public. Cette hausse parachève un effort continu mené depuis 2017 en faveur de la culture. En cinq ans, le budget du ministère a augmenté de 15 %, soit 507 millions d'euros.
Ce budget a plusieurs objectifs. Tout d'abord, accompagner la sortie de crise, qui a bouleversé la condition de vie des artistes, des créateurs et des publics, d'un point de vue économique mais aussi d'un point de vue moral. La succession de périodes d'ouverture et de fermeture sur les 18 derniers mois a provoqué une chute sans précédent de la fréquentation des lieux culturels et le lien avec le public s'est distendu, malgré les efforts des lieux culturels pour le préserver et la mobilisation de l'État. Celle-ci a été rapide, forte et continue. Elle a d'ores et déjà mobilisé 13,6 milliards d'euros et certaines actions vont continuer. Pourtant, la reprise reste fragile, avec des niveaux de fréquentation encore bien en deçà de ceux de 2019. L'étude que j'ai commandée à la fin de l'été a montré qu'une partie des Français, environ 30 %, hésitaient à fréquenter les lieux publics en raison de la situation sanitaire.
Le budget a donc vocation à accompagner cette sortie de crise et la reprise d'activité, mais nous devons aussi préparer l'avenir de la culture en France. La crise a accéléré des mutations qui étaient en cours. Les pratiques et les modèles évoluent extrêmement vite, nous devons adapter nos politiques et c'est le sens des priorités de ce budget, tourné vers la jeunesse, qui renforce notre soutien sur le terrain, au plus près des territoires et qui repense l'accès de tous à la culture, en répondant au défi des transitions numériques et des transitions écologiques.
J'ai la double ambition de consolider le présent et de structurer l'avenir. Au-delà des 4,08 milliards d'euros de moyens budgétaires pérennes alloués à la culture et des 3,7 milliards d'euros alloués à l'audiovisuel public, la culture bénéficiera à la fois de l'annuité 2022 de France Relance, soit 463 millions d'euros, de la poursuite du déploiement des 400 millions d'euros du programme d'investissements d'avenir (PIA4), des taxes affectées au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), au Centre national de la musique et à l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP), soit 752 millions d'euros, des dépenses fiscales, dont l'impact progressera en 2022 à 1,12 milliard d'euros et enfin de 600 millions d'euros de crédits dans le cadre du programme France 2030, dont 265 millions en crédits de paiement dès 2022, qui permettront d'investir massivement dans les infrastructures de tournage, dans la formation aux métiers de l'audiovisuel, du cinéma, des jeux vidéo ainsi que dans les technologies de réalité virtuelle et augmentée.
Enfin, les grands opérateurs du ministère bénéficieront d'un soutien exceptionnel à hauteur de 234 millions d'euros dans le cadre du second projet de loi de finances rectificative pour 2021 qui vous sera soumis dans quelques semaines.
En 2022, la mission Culture progressera de 8,6 %, avec 259 millions d'euros de mesures nouvelles.
La priorité à la jeunesse se matérialise dans le programme « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » créé en 2021 qui bénéficiera de 181 millions d'euros de crédits supplémentaires à travers deux grandes priorités du quinquennat : le déploiement de l'éducation artistique et culturelle (EAC) et la mise en oeuvre du pass culture. Je connais la réticence d'une partie du Sénat à ce dispositif et je reconnais que je m'étais moi aussi posé un certain nombre de questions lors de mon arrivée au ministère de la culture. J'avais alors appelé à un bilan apaisé.
L'expérimentation menée dans 14 départements a permis d'affiner l'analyse des forces et des faiblesses du dispositif et de le faire largement évoluer avant de le généraliser à tous les jeunes de 18 ans comme le président de la République l'a annoncé en mai dernier. C'est un vrai succès ! Depuis le 20 mais près de 641 000 utilisateurs bénéficient d'un crédit de 300 euros sur une cohorte annuelle de 850 000 jeunes de 18 ans. Chaque semaine, nous enregistrons entre 10 000 et 12 000 abonnements supplémentaires. Lors de mes déplacements, notamment pendant le dernier à La Réunion, je rencontre des partenaires qui montrent un véritable engouement pour le pass culture. En ajoutant les personnes inscrites dans le cadre de l'expérimentation, ce sont plus de 800 000 jeunes qui utilisent cette application. Ce succès nous oblige et nous incite à nous mobiliser encore davantage.
Le pass culture tient compte du résultat de l'étude décennale du ministère sur les pratiques culturelles des Français de juillet 2020. En donnant aux jeunes la possibilité de choisir, tout en les diversifiant, leurs pratiques culturelles, il invite les différents acteurs culturels à proposer une offre adaptée et diversifiée répondant aux attentes du jeune public.
La politique culturelle repose depuis 60 ans sur une logique d'offres. Celle-ci a permis l'aménagement culturel du territoire dans une action conjointe du ministère de la culture et des collectivités territoriales. Elle repose aussi sur une politique de la demande qui constitue une révolution dans notre approche et il serait vain d'opposer ces deux logiques.
Cette démarche doit également reposer sur un renforcement de la médiation. C'est tout le sens de l'extension du pass aux jeunes de la 4 e à la terminale. Le décret permettant cette extension a été publié ce dimanche. Dans les classes de 4 e , dans tous les établissements scolaires, les élèves pourront bénéficier d'offres élaborées par les structures culturelles dans le cadre de projets collectifs pilotés par les professeurs. Il y aura également une part individuelle permettant aux jeunes, à partir de 15 ans, de commencer à faire leurs propres choix, dans la logique d'émancipation du pass. Le budget 2022 prévoit près de 200 millions d'euros de crédits pour le pass culture, dont 140 millions d'euros de mesures nouvelles.
La mise en oeuvre de ce projet ne s'est pas faite au détriment d'autres actions. Ces nouveaux crédits bénéficieront à tous les acteurs culturels : cinémas, librairies indépendantes, salles de spectacle vivant, etc. Je rappelle également que le ministère de l'éducation nationale dispose d'un budget de 45 millions d'euros pour financer le volet collectif du pass au collège et au lycée.
C'est un bon exemple de l'excellente coopération entre nos ministères, en faveur de l'EAC et de l'émancipation culturelle. Cette ambition s'articule étroitement avec l'objectif de généralisation de l'EAC engagé depuis 2017. En cinq ans, nous avons presque doublé les crédits qui lui sont consacrés, pour les porter à 100 millions d'euros en 2022 et ainsi poursuivre l'objectif 100 % EAC fixé par le président de la République.
Parallèlement, ce budget témoigne d'un engagement sans précédent pour l'enseignement supérieur de la culture. Ses crédits augmentent de 11 %, soit 26 millions d'euros, pour permettre la rénovation des écoles, l'amélioration de la vie étudiante et l'insertion professionnelle des jeunes diplômés. À ces crédits, s'ajoute l'effort exceptionnel de 70 millions d'euros sur deux ans, engagé dans le cadre de France Relance, pour accélérer la rénovation et la digitalisation de nos écoles.
Nous poursuivrons également nos efforts pour placer les habitants, les territoires et les artistes au coeur de nos politiques culturelles, avec 12,5 millions d'euros de mesures nouvelles consacrés aux politiques territoriales.
Je sais l'attachement de votre commission et du Sénat pour le pilotage et l'affectation des moyens au plus près des territoires. Ce budget en est l'incarnation. En 2022, les crédits déconcentrés dans les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) augmenteront de 4 %. Avec 37 millions d'euros de moyens nouveaux depuis 2017, ils auront progressé de 22 %, signe de l'attachement de ce gouvernement à la territorialisation des politiques publiques.
Cet attachement aux territoires passe également par un cadre d'action de l'État renouvelé en matière de soutien aux festivals. C'est un sujet de préoccupation de nombre d'entre vous. Les deux premières éditions des états généraux des festivals ont permis de poser les termes du débat, de partager des analyses, des études et la troisième édition est programmée dans une quinzaine de jours à Toulouse. En 2022, les moyens des festivals augmenteront de 10 millions d'euros. Dix millions d'euros supplémentaires seront consacrés aux institutions, labels, réseaux et aux équipes artistiques en régions, dans le prolongement de l'effort important réalisé en 2021.
Les crédits de la création artistique s'élèveront à 909 millions d'euros avant transferts, soit une hausse de 5,6 %. C'est 100 millions d'euros de plus qu'en 2017.
L'effort porté sur nos territoires est très présent dans le programme Patrimoine qui bénéficiera en 2022 d'un budget de 1,019 milliard d'euros avant transferts. Les moyens consacrés aux monuments historiques, grâce à l'appui de France Relance, seront en hausse de 3,5 % et atteindront 470 millions d'euros. Nous poursuivrons notamment le déploiement du plan cathédrales. Hors relance, le soutien au patrimoine aura progressé de 7 % au cours des cinq dernières années.
Le Fonds incitatif et partenarial (FIP) pour les monuments historiques situés dans les communes à faibles ressources sera doté de 16 millions d'euros, soit une hausse de 6,7 %.
La protection de notre patrimoine a également été consolidée par le recours à des financements innovants, notamment le loto du patrimoine. Depuis sa mise en place, il a financé la restauration de plus de 500 monuments en péril pour 115 millions d'euros, l'État apportant son soutien à ce dispositif à due concurrence des taxes afférentes.
Le budget de la culture traduit un soutien indéfectible aux artistes, aux auteurs et aux créateurs. Tout au long de la crise, nous avons agi en faveur de l'emploi intermittent. L'année blanche a été prolongée jusqu'au 31 décembre et nous y avons associé des dispositifs réglementaires garantissant aux intermittents, à compter du 31 août 2021, un accompagnement pouvant aller jusqu'à 16 mois. Le ministère est déterminé à garantir la sortie de crise du secteur créatif et nous suivons au jour le jour sa situation.
Le ministère a également soutenu l'emploi artistique et culturel avec trois dispositifs dotés chacun de 10 millions d'euros pour faciliter le recrutement d'intermittents et mieux structurer l'emploi. Par ailleurs, les ressources du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps) seront abondées de 5 millions d'euros.
Tous les outils disponibles ont été mobilisés pour soutenir les auteurs et les créateurs affectés par la crise. Le fonds de solidarité a versé 245 millions d'euros à 45 000 bénéficiaires. Les exonérations de cotisations mises en place en 2020 ont été renouvelées en 2021 et sont prolongées en 2022. Pour compléter ces dispositifs, des aides spécifiques ont été mises en oeuvre à travers le Centre national de la musique (CNM), le CNC, le Centre national du livre (CNL), le Centre national des arts plastiques (CNAP) à hauteur de 35 millions en 2020 et en 2021.
En 2022, nous continuerons à déployer le programme ambitieux en faveur des artistes auteurs que j'ai présenté en mars dernier.
Le président de la République a dévoilé hier soir les 264 projets retenus dans le cadre de l'appel à projet « Monde nouveau ». 179 sont portés par des artistes individuels, 85 par des collectifs. 430 artistes seront donc soutenus, 60 % ont moins de 40 ans. Toutes les disciplines sont représentées, avec une dominante des arts visuels qui représentent 30 % des projets. Cet appel à projets marque une nouvelle manière d'accompagner les artistes dont nous pouvons tous nous réjouir.
La mission Médias, Livre et industries culturelles est également en hausse de 2,4 %. Nous concrétisons notre volonté de renforcer ces filières stratégiques au service de la diversité culturelle. Elles ont été affectées par la crise sanitaire et connaissent de profondes mutations. C'est pourquoi le soutien public au secteur de la presse, du livre, des médias et du cinéma a été massif et constant. Il se poursuivra en 2022.
Sur le secteur de la presse, nous poursuivons le déploiement du plan de filière ambitieux doté de 483 millions d'euros sur 2020-2022, dont 140 millions au titre de France Relance. Les 70 millions prévus pour 2022 dans ce cadre continueront à soutenir la modernisation et la transformation de la filière et à garantir le pluralisme de la presse. C'est un enjeu de démocratie et de cohésion sociale et territoriale.
2022 verra aussi la mise en oeuvre de la réforme du transport postal de la presse, très attendue par tous les acteurs. Elle encouragera la presse dite chaude à se tourner vers le portage et unifiera les tarifs postaux pour l'ensemble des titres. Le projet de budget traduit cette réforme, notamment avec le rapatriement des crédits dédiés à la compensation du transport postal de la presse sur les crédits du programme presse à hauteur de 62,3 millions d'euros.
Un soutien massif a été apporté au livre pendant la crise et il bénéficiera en 2022 d'un appui important à travers le rehaussement de la subvention pour charges de service public de la Bibliothèque nationale de France (BnF) de 2 millions d'euros et des crédits d'intervention du CNL de 7 millions. Ces mesures s'accompagnent du prolongement des dispositifs en faveur des librairies et des bibliothèques prévus par France Relance à hauteur de 23 millions d'euros. La lecture, érigée en grande cause nationale par le président de la République, fera encore l'objet d'un soutien décisif de l'État.
Le secteur de la musique a bénéficié en 2020 de la création du Centre national de la musique. Il a prouvé combien il était essentiel pour la filière en mobilisant 152 millions d'euros de moyens exceptionnels en 2020 et une enveloppe de 200 millions sur deux ans dans le cadre de France Relance. Nous avons décidé d'accroître notre soutien au secteur et nous examinerons, dans le cadre des articles non rattachés de ce projet de loi de finances, un amendement prolongeant l'exonération de taxe sur les spectacles sur le second semestre 2021.
Nous avons aussi beaucoup oeuvré en faveur des filières cinématographiques et audiovisuelles. Les aides mises en place depuis le début de la crise se sont élevées à 436 millions d'euros d'aides sectorielles et à 1,3 milliard d'euros de dispositifs transversaux. Ils ont permis de sauver nos entreprises et d'accompagner les créateurs. Le fonds assurantiel pour les tournages a été prolongé jusqu'à la fin de l'année, un fonds d'urgence sectoriel a été mis en place pour le CNC et une aide de 34 millions d'euros a été débloquée en faveur des distributeurs, des producteurs et des exploitants afin de compenser pour partie des effets de l'instauration du passe sanitaire sur la fréquentation.
Au-delà des aides conjoncturelles, ce quinquennat aura permis de mener une réforme ambitieuse du financement de la création et de la régulation des secteurs : directive SMA, directive droit d'auteur en voie d'achèvement, loi relative à la régulation. L'ensemble de ces réformes permettra de mieux protéger la création française et le droit d'auteur en prévoyant la contribution de l'ensemble des diffuseurs à la création française et en organisant un partage de la valeur plus équitable entre les plateformes, les producteurs et les auteurs. Grâce à cette réforme, les investissements dans le cinéma l'audiovisuel pourraient augmenter de 20 % dès 2022, soit 250 millions d'euros supplémentaires.
Depuis le début du quinquennat, le soutien pérenne aux filières des ICC aura progressé de 9 %, soit 49 millions d'euros. Cet appui s'est accompagné du déploiement du fonds dédié aux investissements dans les entreprises créatives doté de 250 millions d'euros et de 400 millions d'euros débloqués dans le cadre du PIA4. À ces sommes, s'ajoute le volet culture du plan France 2030 visant à produire les contenus culturels de demain, soit 600 millions d'euros : 200 millions pour la réalité virtuelle et la réalité augmentée, 300 millions pour les nouvelles structures de tournage et de production numérique et 100 millions pour la formation.
Enfin, le financement de l'audiovisuel public continuera à respecter la trajectoire exigeante mais réaliste engagée en 2018 et confirmée dans les contrats d'objectifs et de moyens des sociétés de l'audiovisuel public signés au printemps. La baisse de 190 millions d'euros entre 2018 et 2022 représente une diminution des crédits d'environ 5 % sur quatre ans. Les entreprises du secteur ont ainsi contribué à l'effort de maîtrise des dépenses publiques, chacune à la mesure de ses marges de manoeuvre.
Je rappelle que ces trajectoires constituent un engagement ferme du gouvernement, qui a ainsi garanti au secteur une visibilité pluriannuelle sur ses ressources. Ces trajectoires ont été respectées à l'euro près, sans compter le soutien exceptionnel de 73 millions d'euros versé pour l'aider à surmonter les effets de la crise sanitaire. L'impact de cette trajectoire n'a pas affecté l'accomplissement des missions de l'audiovisuel public. Les engagements en faveur de la création ont été préservés, des offres territoriales communes ont été lancées, Culture Box a été créée et France 4 pérennisée.
Par ailleurs, le gouvernement n'a pas renoncé à poursuivre la transformation du secteur. Le développement des coopérations et des synergies entre les sociétés de l'audiovisuel public est au coeur du plan de transformation annoncé par le gouvernement en 2018.
Cette ambition s'est traduite par la conclusion de contrats d'objectifs et de moyens 2020-2022 qui pour la première fois comprennent un volet commun dédié à leurs missions communes ainsi qu'à leur engagement à coopérer encore davantage. La mise en oeuvre de ce volet commun s'est déjà traduite par des réalisations concrètes comme la signature le 22 octobre d'un pacte pour la jeunesse et d'un pacte pour la visibilité des Outre-mer. D'ici la fin de l'année, un pacte pour le soutien et l'exposition de la culture et de la musique sera également signé.
Elle se traduira aussi par le lancement par France Télévisions et Radio France d'une offre numérique de proximité partagée à la fin du premier trimestre 2022 avec la création d'un grand média numérique de la vie locale. Les Français auront ainsi accès à l'actualité autour de chez eux et disposeront d'une multitude de services pour faciliter leur vie quotidienne en termes et d'une grande diversité de programmes (culture, découverte, sport, divertissement, etc.). Ils pourront ainsi se retrouver autour de centres d'intérêt partagés.
Les deux entreprises créeront une structure légère opérationnelle, à la gouvernance paritaire, pour porter cette nouvelle offre éditoriale complétant le rapprochement engagé avec le déploiement de matinales communes à France Bleu et France 3. En trois ans, nous aurons accompli des avancées considérables sur les deux piliers de l'offre de proximité du service public. C'est une étape vers des coopérations encore plus étroites, y compris sur leurs offres linéaires, auxquelles j'ai demandé aux deux entreprises de travailler.
L'enjeu est que le service public soit présent aux côtés des Français, là où aucun autre média ne va. C'est une de ses spécificités. Je réaffirme avec force, face aux attaques et aux mises en cause dont il est l'objet, que le service public remplit des missions essentielles pour nos concitoyens, que les médias privés ne peuvent ou ne veulent assurer.
Il n'y aura pas de changement en 2022 sur la contribution à l'audiovisuel public (CAP) mais la suppression de la taxe d'habitation pose la question de son avenir. Différentes pistes de réformes ont été identifiées mais ce recensement ne permet pas d'arbitrage définitif. Un travail d'analyse approfondi sera conduit par une mission dédiée confiée à l'Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) et à l'Inspection générale des finances (IGF) à laquelle les parlementaires seront associés. Je sais les travaux qui ont été menés ici et à l'Assemblée nationale.
Je tiens à souligner que le financement de l'audiovisuel public par le budget général est exclu du champ de la réflexion. La mission devra identifier une ressource pérenne, adaptée à la réalité des usages audiovisuels actuels, qui permette d'assurer un rendement équivalent à la CAP et comptable avec la garantie d'indépendance de l'audiovisuel public et l'exigence de prévisibilité de ses moyens.
J'ai donc l'honneur de défendre le dernier budget de ce quinquennat au cours duquel nous avons fait face à de nombreux défis et nous avons défendu l'avenir et le rayonnement de nos secteurs culturels. Ce budget est doté de moyens inédits et toute mon action vise à consolider le présent tout en préparant l'avenir.
Je me livre maintenant à vos questions.
M. Laurent Lafon , président . - Je donne successivement la parole à Sylvie Robert, pour les crédits de la création et de la transmission des savoirs et de la démocratisation de la culture, et à Else Joseph, qui interviendra au nom de Sabine Drexler, pour les crédits « Patrimoines ».
Mme Sylvie Robert . - Je me réjouis que le budget de la mission culture augmente de manière substantielle.
J'attire néanmoins votre attention sur un point de vigilance. Nous avons tous été stupéfaits de voir que le public ne revenait pas dans les salles, ce qui pose des problèmes économiques aux différents acteurs. Le passe sanitaire est obligatoire dans les lieux culturels et la jauge de 75 % pour les concerts debout s'applique de nouveau dans certains départements. Pourquoi ne pas envisager une jauge à 100 %, avec port du masque obligatoire, pour permettre aux programmateurs de concerts de sortir de l'impasse ? Nous vous invitons à suivre avec la plus grande attention l'évolution du secteur pour, le cas échéant, proroger l'année blanche des intermittents de quelques mois.
Par ailleurs, le secteur des arts visuels est toujours fragilisé, non seulement en termes de crédits par rapport au spectacle vivant mais aussi parce que c'est un secteur peu structuré. Le 1 % artistique est de moins en moins appliqué et les artistes visuels souffrent globalement d'un problème de rémunération. Dans le rapport rédigé avec Sonia de La Provôté, nous préconisons la création d'un observatoire des arts visuels pour disposer de données socio-économiques sur ce secteur très compliqué à appréhender et ainsi mieux le soutenir.
Pour que le pass culture devienne un vrai levier de l'action publique, il pourrait être plus prescriptif. En effet, les jeunes se tournent plus volontiers vers les livres, le cinéma ou la musique que vers le spectacle vivant, les musées et les centres d'art.
Enfin, le budget prévoit 5 millions d'euros de crédits dans le cadre d'un appel à projets pour des initiatives locales. C'est une bonne nouvelle puisque nous sommes favorables à la déconcentration des crédits. J'ai constaté que l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) avait débloqué un million d'euros pour les tiers lieux. Il serait intéressant que votre ministère et celui de la cohésion des territoires travaillent ensemble pour repérer ces lieux à vocation culturelle en lien avec les collectivités.
Mme Else Joseph . - J'interviens au nom de Sabine Drexler, rapporteur pour avis des crédits du programme « Patrimoines ».
Les auditions conduites ces dernières semaines ont souligné l'obstacle du déficit d'ingénierie des collectivités territoriales et des propriétaires privés pour mener à bien leurs projets de restauration du patrimoine. C'est une conséquence directe de la réforme de la maîtrise d'ouvrage de 2005, qui avait pour but de mieux responsabiliser les propriétaires de monuments historiques. Pendant quelque temps, les services du ministère de la culture avaient mis en place une assistance à maîtrise d'ouvrage pour les dans leur nouvelle responsabilité. Or aujourd'hui, seules quelques rares régions proposent encore ce service et les agences départementales spécialisées sont à peine une poignée. C'est une vraie difficulté, dans la mesure où les collectivités territoriales, notamment les plus petites qui concentrent l'essentiel du patrimoine à protéger, ne sont généralement pas formées au rôle de maître d'ouvrage. Serait-il envisageable que les services déconcentrés assurent une mission d'assistance à la maîtrise d'ouvrage ? Il faudrait alors renforcer les effectifs de ces services. Êtes-vous capable de chiffrer le nombre d'équivalents temps plein (ETP) supplémentaires ? Sinon, quelles solutions alternatives proposez-vous pour mieux accompagner les collectivités et les propriétaires privés ?
Ma deuxième question porte sur le fonds incitatif et partenarial. Cet outil est plébiscité, mais il est encore très méconnu des communes rurales auxquelles il est pourtant destiné et les cas dans lesquels il est activé restent relativement opaques. Nous avons le sentiment que vous avez développé un très bon outil, mais que le faible niveau de sa dotation vous oblige à ne pas en faire la publicité, d'où des résultats limités. Pouvez-vous nous confirmer que ce sont aujourd'hui les DRAC qui choisissent seules les projets qui bénéficieront de ce fonds ? Pourquoi ne pas envisager d'en accroître la dotation, avec une partie des crédits de restauration réservés chaque année aux monuments historiques n'appartenant pas à l'État ?
Enfin, lors de nos dernières auditions, les musées nous ont alertés sur un risque accru de sortie d'un certain nombre de trésors nationaux, compte tenu de la forte augmentation des demandes de certificat d'exportation. Peu d'entreprises sont en mesure d'aider l'État, par le biais du mécénat, à acquérir ces chefs-d'oeuvre de notre patrimoine. Ce risque vous paraît-il avéré ? Votre ministère travaille-t-il à des pistes pour le limiter ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Si j'ai lancé une enquête sur la fréquentation des lieux culturels, c'est pour suivre finement et à intervalle régulier l'évolution du secteur. En effet, la fréquentation des cinémas est en baisse de 25 % par rapport à 2019, qui était une excellente année grâce au film Joker, mais de seulement 15 % par rapport à 2018. Par ailleurs, après un choc important au moment de l'instauration du passe sanitaire, du 13 au 19 septembre, pour la première fois depuis mi-juillet, la fréquentation était supérieure à celle de la même période de 2019. Cette amélioration a été de courte durée puisque la semaine 38, elle, était inférieure de 8 % à celle de 2019 puis de 26 % la semaine 39. Je considère que nous sommes globalement sur une baisse de 25 %.
Les établissements patrimoniaux nationaux ont enregistré une baisse importante de leur fréquentation par rapport à 2019 avant l'instauration du passe sanitaire. Cette chute oscille entre 56 % pour la semaine 35 et 41 % pour semaine 39. L'écart se résorbe légèrement en semaine 42, avec - 38 %. Les établissements souffrent non pas du passe sanitaire mais de l'absence des touristes étrangers. J'ai visité plusieurs expositions, celle consacrée à Georgia O'Keeffe à Pompidou ou celle consacrée au cinéma au musée d'Orsay, et j'ai bon espoir que la situation évolue.
Pour le spectacle vivant, les opérateurs avaient accueilli mi-octobre 75 000 spectateurs, soit une baisse de 15 % par rapport à 2019. La situation est très hétérogène. La Villette n'a enregistré que 2,4 % de baisse, alors que le remplissage de l'Opéra national de Paris a diminué de 24 %. La situation s'améliore et aujourd'hui les salles de l'Opéra sont pleines.
Les opérateurs sont gênés par un changement de pratiques. Avant la crise, en début de saison, les abonnements et les réservations représentaient 45 % de la jauge. Aujourd'hui, ce chiffre n'est que de 25 %. Ils ont donc moins de visibilité mais il y a plus de fluidité dans les places. Les grands acheteurs captaient une grande partie des places et de nombreux spectateurs n'en trouvaient pas. Nous ne savons pas si ses comportements deviendront pérennes.
Grâce au système d'information billetterie SIBIL, nous disposons de nouvelles informations. En septembre 2021, le nombre de billets vendus était inférieur de 28 % par rapport à 2019 mais en hausse de 36 % par rapport à 2020. Le chiffre d'affaires était en baisse de 85 % par rapport à 2019 et de 53 % par rapport à 2020.
La dégradation de la situation sanitaire a en effet conduit le Gouvernement, dans les départements où le taux d'incidence dépassait 50 cas pour 100 000 habitants, à maintenir les mesures de freinage. 60 départements sont désormais concernés, contre une vingtaine il y a peu, par l'abaissement des jauges à 75 %. Je comprends les difficultés des opérateurs et je m'interroge, avec vous, sur la territorialisation des mesures de sécurité sanitaire.
Je suis favorable à la création d'un observatoire des arts visuels. Nous avons constitué un groupe de travail avec le Conseil national des professions des arts visuels. Il s'intéresse à l'observation et vise à établir les besoins pour le secteur et à mieux mobiliser les différents acteurs : le département des statistiques du ministère, le CNAP ou les pôles régionaux.
Tous les acteurs culturels demandent la sanctuarisation de lignes du pass culture à hauteur de 5 ou de 10 %. Il me paraît difficile d'accéder à leurs demandes, d'autant plus que le pass culture est un outil d'autonomisation. Pourquoi empêcher un jeune de consacrer ses 300 euros à l'achat d'une guitare ? Je suis donc très réservée sur le côté prescriptif du pass culture et il serait, de plus, impossible de satisfaire tous les secteurs.
Je suis très attentivement la situation des intermittents avec ma collègue Élisabeth Borne. Je n'ai pas d'inquiétude en raison de la prolongation de l'année blanche et des mesures d'accompagnement que nous avons mises en place. Nous manquons même d'intermittents dans certains secteurs !
La maîtrise d'ouvrage des travaux sur les monuments a été rendue aux propriétaires. Pour atténuer les conséquences défavorables de cette réforme, le code du patrimoine prévoit que les DRAC peuvent assurer une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) à titre gratuit. Certaines DRAC y parviennent, d'autres rencontrent des difficultés compte tenu de leurs effectifs très faibles en ingénieurs des services culturels et en techniciens des bâtiments de France. Les DRAC peuvent également aider les propriétaires privés et les collectivités à assurer leur rôle de maître d'ouvrage en participant par subvention au coût du recrutement d'une AMO privée.
La situation des effectifs des personnels techniques des DRAC est sensible et fait l'objet de mon attention constante. Le recrutement est complexe et les départs à la retraite à venir exigent l'organisation de concours pour assurer les remplacements. Le ministère a également engagé un plan pour résorber la vacance d'emplois et mieux répondre aux besoins sur l'ensemble du territoire. En 2020, sur les 30 ETP obtenus pour accompagner la déconcentration, 7 postes ont été consacrés au renforcement de certaines UDAP. Je souhaite, qu'à côté de l'offre de l'État, les collectivités territoriales développent une offre propre pour la réalisation des études préalables aux travaux.
Il est peut-être excessif d'affirmer que nous ne faisons pas la publicité du FIP car il manquerait de moyens. C'est un outil utile et novateur, intégralement déconcentré. Il associe les régions et permet un soutien renforcé de l'État, jusqu'à 80 %, sous réserve d'une participation financière des régions de 15 %, 5 % en Outre-mer. Toutes les régions métropolitaines, à l'exception de la Normandie, se sont engagées avec l'État et 500 opérations ont été financées. Les communes de moins de 2 000 habitants représentent 65 % des bénéficiaires du FIP. Pour répondre à ce succès, sa dotation est portée de 15 à 16 millions d'euros. Cette augmentation est mesurée pour préserver l'effet de levier des crédits de l'État.
Enfin, nous sommes évidemment très attentifs à la sortie du territoire des trésors nationaux. À ce jour, je n'observe pas de multiplication inquiétante du nombre de demandes de certificats, qui est compris entre 10 000 et 11 000 par an. Ce chiffre a baissé en raison de la crise sanitaire et de la hausse des seuils de valeur. Néanmoins, d'importants trésors nationaux sont actuellement en attente d'acquisition et malgré nos efforts, ils ne pourront pas tous rejoindre les collections publiques. Les montants en jeu sont phénoménaux, un Rembrandt est par exemple estimé entre 175 et 180 millions d'euros. Une seule oeuvre pourrait absorber la capacité d'achat d'un établissement public. Les musées ne ménagent pas leurs efforts pour trouver des mécènes ou organiser des opérations participatives et nous suivons la situation avec la plus grande attention comme nous l'avons fait pour le Baiser de Brancusi.
M. Laurent Lafon , président . - Merci madame la ministre. Je donne la parole à mes collègues pour une nouvelle série de questions en les invitant à être synthétiques.
Mme Céline Boulay-Espéronnier . - Le budget consacré au patrimoine est en augmentation de 200 millions d'euros par rapport à 2021 et les investissements prévus par le plan de relance sont nécessaires voire vitaux. Certains opérateurs risquent de connaître une situation encore plus difficile qu'en 2020. L'ouverture partielle ne leur a pas permis de réaliser des économies comme lors du premier confinement où les activités étaient totalement arrêtées. Le public ne revient que très progressivement du fait d'une jauge stricte et l'absence des touristes étrangers pèse toujours. Les grands musées parisiens, dont le modèle économique repose largement sur l'autofinancement, sont particulièrement concernés par cet arrêt du tourisme international qui représentait, avant la crise, 75 % des visiteurs. La RMN-Grand Palais dépend à 76 % de ses ressources propres et le musée du Louvre à 63 % comme nous l'a indiqué sa nouvelle présidente Mme des Cars.
Des ruptures de trésorerie ont dû être anticipées, par exemple avec le versement pour les travaux du Grand Palais du PIA dès le mois de juillet. Par ailleurs, malgré le soutien de l'État, les pertes du musée du Louvre ne sont qu'à moitié couvertes. Cette situation doit nous amener à réfléchir sur le modèle économique de ces grands établissements.
Je souhaite également évoquer la baisse de fréquentation de l'Opéra de Paris, qui traverse une période difficile et rencontre d'importants problèmes de trésorerie. Il a été contraint de stopper le projet d'aménagement d'une salle modulable. Pouvez-vous faire le point sur la situation de l'établissement à partir du rapport qui vous a été remis par messieurs Tardieu et Hirsch ? Pouvez-vous nous confirmer qu'un accompagnement financier supplémentaire est envisagé dans le cadre du second projet de loi de finances rectificative (PLFR) ?
Enfin, le Grand Palais a renoncé à des transformations dispendieuses pour se concentrer plus raisonnablement et à la demande du gouvernement sur les aménagements indispensables. Pouvez-vous préciser l'état d'avancement des travaux et l'utilisation du budget attribué, qui reste stable malgré la transformation du projet initial ?
Mme Sonia de La Provôté . - Pour le patrimoine, vous avez répondu sur le FIP et sur l'AMO. Sur l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap), malgré l'augmentation de son budget, nous nous attendons à un embouteillage des demandes. Comment allez-vous suivre les compétences en matière d'études archéologiques sur le terrain ? Les référents ruralité, annoncés au sein des DRAC par l'Agenda rural pour accompagner les questions patrimoniales, ont-ils été mis en place ?
Les conseils locaux des territoires pour la culture (CLTC) peinent à s'installer dans certaines régions. Comment envisagez-vous d'accompagner les politiques publiques dans les territoires et la mise en place de ces CLTC ? Pourquoi ne pas prévoir une part de co-construction entre les DRAC et les collectivités locales et de co-finacement des politiques culturelles ? En effet, entre les labels et les appels à projets, il ne reste qu'une portion congrue pour les initiatives locales.
Enfin, le nombre d'étudiants dans les écoles d'architecture stagne, alors qu'elles forment à des métiers d'avenir sur lesquels repose une partie des enjeux environnementaux.
M. Pierre Ouzoulias . - Je partage l'interrogation de Céline Boulay-Espéronnier sur la pérennité du modèle économique des grands opérateurs. La politique de mécénat est soumise à des contraintes très difficiles à gérer pour les établissements. Il n'est par exemple pas aisé de faire financer une nouvelle salle sur les arts byzantins par l'Azerbaïdjan qui exposera du mobilier arménien.
La crise du Covid a révélé une fragilité sous-jacente. Par ailleurs, une partie du mécénat se dirige vers des structures privées, au détriment des établissements publics. Je crains que les soutiens exceptionnels de l'État deviennent pérennes et votre ministère soit contraint de négocier avec Bercy, qui vous demandera la fin de ces dispositifs exceptionnels qui sont structurellement indispensables pour ces grands opérateurs.
Dans ce contexte, je m'interroge sur l'opportunité de transformer le mobilier national en établissement public, ce qui le soumettra lui aussi à des contraintes de recherche de ressources propres.
Enfin, j'ai assisté la semaine dernière au Collège de France à un hommage rendu à Jack Ralite. Grâce à son initiative, pendant des années, des professeurs au Collège de France sont allés à Aubervilliers pour présenter leurs recherches. C'est un magnifique exemple d'intermédiation culturelle qui va vers ceux qui n'ont pas l'habitude de fréquenter ce niveau de savoir. Je considère que le pass culture est à l'inverse de cette démarche et je ne suis pas certain que nous puissions trouver la même révélation dans une forme de consommation culturelle sans intermédiation.
M. Julien Bargeton . - Je me félicite de ce budget historique qui dépasse pour la première fois 4 milliards d'euros. Les crédits de la mission Culture ont progressé de 500 millions d'euros en cinq ans et de 8 % en 2022.
Sur la mission Livre, Médias et industries culturelles, la progression est de près de 12 % et le plan de relance apporte 600 millions d'euros supplémentaires.
Je vous félicite pour cet effort, pour le Fonpeps et l'emploi dans le secteur de la culture et pour votre engagement dans le secteur culturel.
Le Centre national de la musique (CNM) devrait retrouver en 2023 un étiage normal et il a besoin de ressources pérennes, notamment à la suite de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) sur les droits à répartir. Quelles sont les pistes pour le financer à long terme ?
La conservation de la presse de la III e République est un projet porté par la Bibliothèque nationale de France (BnF) qui présente un intérêt patrimonial et historique majeur. Pouvez-vous nous rassurer sur ce projet ?
Enfin, le jeu vidéo est un domaine très concurrentiel de l'excellence française. Le crédit d'impôts dont il bénéficie est parfois attaqué alors qu'il semble efficace. Pouvez-vous nous communiquer des éléments objectifs sur son efficacité, notamment en termes de création d'emplois ? En effet, le secteur du jeu vidéo a un lien très fort avec l'innovation et nous devons le défendre et l'encourager.
Mme Marie-Pierre Monier . - La mission de service public de l'Inrap est revalorisée de 2 %, aux dépens des subventions destinées aux services d'archéologie départementaux agréés et grâce au transfert des moyens du département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) en provenance du programme 361 de la mission culture. Or, l'archéologie préventive a été perturbée par la crise sanitaire et a besoin de moyens.
Dans le cadre des crédits restant du plan de relance, la ligne de 10 millions d'euros destinée à aider les collectivités territoriales peut-elle être sollicitée pour aider les communautés de communes à financer des travaux de fouilles et d'archéologie préventive ?
Par ailleurs, les crédits alloués aux sites patrimoniaux remarquables stagnent depuis 2018. Pourquoi cette enveloppe n'a-t-elle pas évolué ?
Enfin, le bleu budgétaire du programme 131 prévoit la transition du mobilier national d'un service à compétence nationale vers un statut d'établissement public à caractère administratif. Comment les partenaires sociaux appréhendent cette évolution et quel est pour vous l'intérêt de ce changement ?
Je vous remercie également pour l'entrevue que nous avons eue sur le patrimoine culturel immatériel. Avez-vous retenu quelques-unes de nos propositions ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - La compensation des pertes de recettes des opérateurs sera examinée dans le cadre de la LFR qui sera examinée d'ici la fin de l'année. Ces pertes s'élèvent à 969 millions d'euros.
Pour les établissements du programme 175, nous allons mobiliser 169 millions d'euros répartis de la manière suivante :
- le CMN 30 millions d'euros ;
- la Villette 24 millions d'euros ;
- le Louvre 53 millions d'euros ;
- le musée d'Orsay 18 millions d'euros ;
- le Grand Palais 12 millions d'euros ;
- le musée Rodin 5 millions d'euros ;
Sur le programme 361, Universcience bénéficiera de 23 millions d'euros.
Pour le programme 131, la Philharmonie recevra 8 millions d'euros, l'Opéra de Paris 25 millions, la Comédie française près de 6 millions, Pompidou 1 million, le Palais de Tokyo 709 000 euros, le musée de Sèvres 320 000 euros et l'Odéon un million d'euros.
Nous verserons donc aux opérateurs un total de 234 millions d'euros.
La salle modulable de l'Opéra de Paris n'a pas été abandonnée sous l'effet de la crise mais après évaluation des besoins structurels de l'établissement. J'ai en effet demandé un rapport de travail à Georges-François Hirsch et à Christophe Tardieu et j'ai engagé des échanges avec la direction et le conseil d'administration de l'Opéra de Paris pour construire une nouvelle feuille de route.
À l'issue de ces échanges, j'ai demandé à Alexander Neef d'engager, en étroite collaboration avec les représentants du personnel, la réforme du modèle artistique, économique et social de l'Opéra de Paris. Le projet stratégique s'articule autour des priorités suivantes : faire évoluer les méthodes de programmation artistique et la planification pour mieux maîtriser en exécution les coûts de production et la masse salariale variable ; redéfinir l'organisation des services et des règles de fonctionnement pour réduire les charges fixes ; retrouver progressivement les recettes perçues avant la crise sanitaire ; revenir en 2024 à un budget équilibré. En contrepartie de ces efforts, l'État maintient son important soutien et les crédits initialement dédiés au projet de salle modulable seront utilisés pour la transformation de l'établissement. Enfin, ses moyens seront consolidés avec la hausse de 0,9 million d'euros de la subvention de fonctionnement et de 3,5 millions d'euros de la subvention d'investissement. Le projet global sera validé par les tutelles dans les prochaines semaines.
Pour le Grand Palais, l'enveloppe budgétaire de 470 millions d'euros est strictement respectée. Il est totalement fermé depuis le 12 mars et le Grand Palais éphémère a été inauguré le 9 juin. Il remplit parfaitement ses fonctions et les travaux se déroulent selon le coût d'objectif et le calendrier prévus.
Dans le cadre du plan de relance, les crédits de l'Inrap ont été abondés de 20 millions d'euros au titre des missions non concurrentielles. Cet établissement contribue parfaitement à la relance économique et à l'aménagement du territoire. Il fait face à une augmentation de 20 % de l'activité de diagnostic. La trajectoire de redressement est confirmée par la hausse du chiffre d'affaires, les charges sont maîtrisées et son éligibilité au crédit impôts recherche est confirmée. Plusieurs réformes de fond sont menées, comme la mise en oeuvre d'une comptabilité analytique, la réduction des implantations ou le redressement des prix de vente. En 2022, la subvention progressera de 1,5 million d'euros au titre de la réforme indemnitaire des agents contractuels sur le secteur non concurrentiel.
Pour les écoles d'architecture, l'effort budgétaire 2022 est sans précédent, avec 8,2 millions d'euros sur le programme 361. Par ailleurs, dix emplois supplémentaires seront dégagés en gestion pour poursuivre le renforcement des effectifs. Les écoles nationales supérieures d'architecture (ENSA) bénéficient de 60 millions d'euros dans le cadre du plan de relance. Elles doivent se mettre en ordre de marche pour la bonne mise en oeuvre de la réforme de 2018 et occuper une place centrale dans la définition et la diffusion des solutions pour la transition écologique et sociale des bâtiments. J'ai remis hier l'écharpe de commandeur des Arts et Lettres à Mme Lacaton et à M. Vassal qui ont obtenu le prix Pritzker et qui sont les chantres de cette nouvelle façon de considérer l'architecture.
Le Mobilier national est une institution de référence pour les métiers d'art et de design. Ses ateliers perpétuent un savoir-faire d'excellence. La transformation de ce service à compétence nationale en établissement public à caractère administratif est en cours. Un rapport de la Cour des comptes et le rapport parlementaire « France métiers d'excellence » ont montré la nécessité de faire évoluer son statut pour valoriser son utilité sociale en libérant les leviers de modernisation. Un effort supplémentaire de 4,5 millions d'euros et de 10 ETP est porté au PLF 2022 afin d'accompagner cette transformation et porter une nouvelle ambition pour le rayonnement des savoir-faire français et engager le schéma directeur de cet établissement.
Cette réforme est nécessaire. Les organisations syndicales craignaient qu'elle se déroule à budget et à emplois constants, ce n'est pas le cas !
Un arrêt de la CJUE a reporté durablement la contribution des organismes de gestion collective au financement du CNM. Nous devons explorer d'autres solutions pour créer une plus grande symétrie entre les acteurs du spectacle et ceux de la musique enregistrée. L'une d'entre elles serait la taxation des ventes de musique, notamment par abonnement. Elle l'aurait l'avantage de permettre, comme pour le spectacle, la taxation de la filière par et pour elle-même. Il est un peu tôt pour que le ministère se positionne sur ce dossier, que je suis avec la plus grande attention.
À travers la collection des journaux de la III e République, vous posez le problème de la numérisation des collections de presse de la BnF qui sont les plus vastes et les plus anciennes du monde avec 270 000 titres de presse. Une grande partie des collections est menacée de disparition et la numérisation est la seule solution. Pour accélérer ce chantier, la BnF a besoin de 80 millions d'euros sur six ans. La numérisation des contenus culturels fait partie des dispositifs financés par le PIA4. La BnF pourra donc candidater en 2022 à un financement à ce titre, sous réserve qu'elle en remplisse les critères.
Le fonds d'aide aux jeux vidéo dispose d'un budget limité de 4 millions d'euros et la dépense fiscale du crédit d'impôts jeux vidéo a atteint en 2020 63 millions d'euros. Pour approfondir la connaissance statistique du secteur, les ministères de la culture et de l'économie ont publié cette année une étude sur le tissu économique et la compétitivité de la filière. L'industrie française du jeu vidéo s'est considérablement renforcée avec 1 000 entreprises actives sur l'ensemble du territoire qui emploient 12 000 personnes. La France se distingue par la qualité de ses formations, la créativité de ses studios mais le secteur fait face à deux défis majeurs. La consommation culturelle s'inscrit de plus dans un environnement tout numérique. Il bénéficie de la confiance d'investisseurs extra-européens et connaît une très forte accélération du mouvement de consolidation industrielle, ce qui pose la question de l'indépendance du modèle français. Enfin, le jeu vidéo sera au coeur du plan France 2030.
M. Laurent Lafon , président . - Je donne la parole à Jean-Raymond Hugonet pour les crédits de l'audiovisuel, puis à Michel Laugier pour la presse et enfin à Jérémy Bacchi pour le cinéma.
M. Jean-Raymond Hugonet . - Il y a maintenant six ans, en 2015, notre commission avait proposé une réforme « clé en main » de l'audiovisuel public, portant à la fois sur la gouvernance avec la création d'une holding et sur son financement avec la création d'une taxe universelle « à l'allemande ».
Au terme de ce quinquennat, nous sommes au regret de constater que rien n'a avancé. La réforme de la gouvernance a été abandonnée en mars 2020 et celle du financement a été chaque année reportée, suscitant aujourd'hui une inquiétude réelle et grandissante chez les différents acteurs.
Alors que les médias privés se regroupent pour essayer de résister à la concurrence des plateformes, comment expliquez-vous cette absence d'ambition du gouvernement pour le service public de l'audiovisuel tout au long du quinquennat ?
Concernant la réforme de la CAP, vous avez demandé que le rapport des inspections générales soit rendu en mai 2022. Compte tenu des échéances électorales et des contraintes inhérentes à la préparation du budget 2023, pensez-vous qu'il sera techniquement possible pour le prochain gouvernement d'inscrire cette réforme dans le PLF 2023 ou faudra-t-il envisager une solution de transition consistant, par exemple, à maintenir en 2023 la CAP en l'état avec un rôle fiscal propre ?
Ma seconde question porte sur la chaîne jeunesse de France Télévisions, France 4. Alors que le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions adopté en début d'année prévoyait encore sa suppression, elle a été finalement maintenue au lendemain de l'adoption, par notre commission, d'un amendement prévoyant de l'inscrire dans la loi.
Pour autant, le budget de France Télévisions ne comporte aucune rallonge pour financer cette chaîne dont le coût est estimé entre 20 et 40 millions d'euros. Confirmez-vous, dans ces conditions, que le budget de France Télévisions pourrait être en déficit en 2022, du fait de cette charge nouvelle non compensée ?
Enfin, vous avez annoncé la création d'une offre numérique commune à France 3 et à France Bleu avec une structure partagée. Pouvez-vous préciser le cadre juridique de cette coopération ? S'agira-t-il d'un groupement d'intérêt public ? Quel sera son périmètre ? Cette structure comprendra-t-elle l'ensemble des moyens humains de France Bleu et des antennes régionales de France 3 ou seulement une équipe restreinte, dédiée à cette nouvelle offre numérique ?
M. Michel Laugier . - La mauvaise volonté de Google à jouer le jeu de la négociation sur les droits voisins est dorénavant établie par une décision d'une sévérité inédite de l'Autorité de la concurrence en date du 23 juillet dernier. Or les échos que nous en avons semblent montrer que l'incitation à une négociation de bonne foi n'est pas suivie d'effet. Google a-t-il réglé les 500 millions d'amende ? Les astreintes ont-elles commencé à tomber ou bien sommes-nous dans un jeu qui, manifestement, ne mène nulle part ?
Comme d'autres secteurs, la presse subit une forte hausse du prix des matières premières. Le papier a augmenté de 25 % à 30 %, quand il est disponible, et les emballages de 50 %. Je constate que les incitations mises en place avec l'éco-contribution ne sont pas suffisantes puisque tout semble finir en carton. Madame la ministre, quelle solution pourrions-nous proposer à ce secteur déjà fragile avant la crise et désormais aux abois ?
M. Jérémy Bacchi . - Le secteur du cinéma a plutôt bien résisté à la crise grâce au soutien massif de l'État. Cependant, le secteur manque de techniciens et de scénaristes pour la relance de la production. Vous avez évoqué un chiffre de 600 millions d'euros, dont 100 millions dédiés à la formation. Pouvez-vous préciser l'affectation de ces crédits ?
Par ailleurs, le CNC va ouvrir ses aides aux nouveaux diffuseurs. Ce soutien représentera environ 30 millions d'euros chaque année. Si le CNC a mis en place un fonds sélectif de 5 millions d'euros, il subsiste un écart de 25 millions d'euros qui n'est pas compensé. Comment cet écart sera-t-il compensé dans les années à venir ?
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - L'analyse des travaux réalisés sur la CAP constitue un élément de perplexité. L'énumération de mon propos liminaire n'était pas hiérarchisée et les propositions de réforme doivent être jugées à l'aune d'une grande impopularité et d'un défaut d'acceptation de l'opinion publique.
La holding avait pour objectif d'améliorer les coopérations entre les sociétés de l'audiovisuel public mais je pense que ces coopérations peuvent être mises en oeuvre sans structure chapeau, qui aurait été source de conflit et de dépenses supplémentaires (président, directeur, secrétaires, frais de fonctionnement, etc.). Par ailleurs, elle était rejetée par l'ensemble des personnels des différents établissements.
Le rapprochement entre France 3 et France Bleu est essentiel. Il s'est concrétisé avec la mise en place de matinales communes depuis janvier 2019. Leur généralisation est prévue à l'horizon 2023. Les contrats d'objectifs et de moyens de France Télévisions et de Radio France engagent les deux sociétés à amplifier la coopération de leurs réseaux régionaux qui se concrétise par l'offre numérique de proximité. Il y aura donc un grand média numérique de la vie locale au plus tard à la fin du premier trimestre 2022. Sur proposition des deux entreprises, le gouvernement leur a demandé de porter et de piloter cette offre de manière paritaire, à travers une structure légère et opérationnelle, qui prendra la forme d'un groupement d'intérêts économiques (GIE). Ce GIE sera chargé de piloter l'offre éditoriale, de définir la marque et de porter la plateforme technologique.
Radio France et France Télévisions, au cours d'une réunion de travail avec le Premier ministre, nous ont fait part de leur intention de multiplier les initiatives communes de terrain, notamment dans le cadre de la couverture des échéances électorales. Par ailleurs, je les ai invitées à engager une réflexion sur l'approfondissement de leur coopération avec un objectif d'accroissement de l'offre de proximité en télévision et en radio, d'amélioration de son exposition et d'accroissement du maillage territorial des deux réseaux. Le résultat de cette réflexion a vocation à être inscrit dans la prochaine génération des contrats d'objectifs et de moyens.
La mission commune de l'IGAC et de l'IGF devra tenir compte de ces objectifs et identifier une ressource permettant d'accompagner l'enrichissement de cette offre de proximité.
Pour l'amende infligée à Google par l'Autorité de la concurrence (ADLC), le recouvrement des sanctions pécuniaire est du ressort de la direction générale des Finances publiques (DGFiP). À notre connaissance, le titre de perception a été émis. Je précise également que le produit des amendes dressées pour sanctionner le non-respect des injonctions prononcées par l'ADLC alimente le budget général de l'État. Il ne peut être affecté à la réparation du préjudice subi par l'une des parties.
La hausse des prix du papier et ses conséquences pour la presse ne sont pas directement de mon ressort mais de celui du ministre de l'Industrie. Vous en connaissez les raisons structurelles, restructuration de la filière papetière, fortes tensions sur le marché du papier recyclé, mais aussi des raisons conjoncturelles, forte reprise de l'activité économique mondiale, hausse globale du prix des matières premières, de l'énergie.
Le plan France 2030 prévoit 300 millions d'euros pour doter notre pays d'infrastructures de production de niveau international. De nombreux professionnels ont été interrogés et ils nous ont indiqué qu'ils avaient besoin de nombreux besoins de studios adaptés aux techniques nouvelles de production audiovisuelle. L'objectif est de faire émerger quelques grandes infrastructures dans des territoires stratégiques. Le président de la République a fait une première annonce pour le site de Marseille, qui dispose déjà d'un écosystème de studios qu'il faut adapter. Nous pensons aussi à la région parisienne et à Lille.
Un volet de 100 millions d'euros est consacré à la formation. Sur les 20 meilleures écoles du monde, 4 sont françaises, dont l'école des Gobelins, la Femis ou l'école Louis Lumière.
Notre ambition est de pallier la pénurie d'auteurs, de techniciens, de cadres de production, d'ingénieurs, de webdesigners, de codeurs ou de logisticiens. Nous voulons aussi développer des formations plus courtes, centrées sur l'apprentissage. J'ai passé une matinée à la Ciné Fabrique de Lyon, 50 % des étudiants sont boursiers et certains entrent sans le bac. Nous devons pousser la démocratisation de ces métiers.
Enfin, 200 millions d'euros sont destinés aux technologies de réalité virtuelle et augmentée. La production directe de contenus audiovisuels en bénéficiera. J'ai vu à Chaillot le spectacle de Blanca Li en réalité virtuelle, c'est impressionnant. Il y a là une source extraordinaire de création et de divertissement. Ces technologies peuvent profiter à l'ensemble du secteur culturel, avec la visite de musées, de sites patrimoniaux ou de sites naturels exceptionnels.
Pour le spectacle vivant en streaming, il faut imaginer d'autres produits et ne pas se contenter de planter deux caméras sur une scène. Il existe une collaboration très intéressante entre le Châtelet et la troupe (la)horde de Marseille et la mode peut également bénéficier de ces nouvelles technologies.
Enfin, les grandes plateformes participeront à la création française à hauteur de 20 à 25 % de leur chiffre d'affaires grâce à la publication du décret sur les services de médias audiovisuels à la demande (SMAD). C'est une première étape historique et la contrepartie de ces obligations nouvelles est l'accès à des aides du CNC. Les services du CNC ont travaillé à l'ouverture progressive des soutiens, en concertation avec les producteurs audiovisuels et les plateformes. Le conseil d'administration du CNC a voté vendredi dernier la création d'un fonds de soutien sélectif pour les producteurs qui travaillent avec les plateformes. Cette avancée est conditionnée à l'acception du décret SMAD dans toutes ses composantes.
Mme Laure Darcos . - Sur le spectacle vivant, les jauges sont revenues à 75 %. La crise sanitaire a amplifié la règle selon laquelle les producteurs doivent rembourser les places des spectacles annulés ce qui a considérablement fragilisé le secteur, étranglé par le remboursement de la billetterie. Quelles seraient les pistes pour améliorer la situation ?
Vous n'avez pas abordé les problèmes de harcèlement rencontrés dans certaines écoles d'architecture.
Enfin, dans le cadre de la recherche, j'ai réalisé un focus sur la culture scientifique. J'ai constaté qu'à Universcience ou au Muséum d'histoire naturelle, les particuliers reviennent mais pas les groupes scolaires. Je vous demande de nous appuyer auprès du ministère de l'éducation nationale pour que les groupes scolaires retournent dans les musées et dans les salles de spectacle. Nous n'amènerons pas nos jeunes à aimer la science si nous ne les envoyons pas à Universcience.
M. David Assouline . - En 2018, les ressources de l'audiovisuel public ont diminué de 39 millions d'euros, de 35 millions en 2019, de 70 millions en 2020 et en 2021 et le budget 2022 prévoit une nouvelle diminution de 18 millions. Sur le quinquennat, la dotation à l'audiovisuel aura baissé de 240 millions d'euros.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - La baisse est de 5 %.
M. David Assouline . - Les ministres successifs ont tous assuré que l'audiovisuel public était absolument nécessaire pour la démocratie, l'information, pour les investissements dans la création. Or, je constate que ces baisses vont à l'encontre de ces déclarations. Pendant plusieurs années, l'État nous a expliqué que l'offre publique était pléthorique et que France 4 pouvait être supprimée. Aujourd'hui France 4 est maintenue, avec une offre un peu différente, mais sans accompagnement budgétaire. Soit cette chaîne ne coûtait pas très cher, soit il manque 30 millions dans le budget pour la financer. Comment justifiez-vous le maintien de France 4 tout en diminuant le budget de France Télévisions ?
Sur la redevance, je suis très inquiet. Je pense que le ministère de la culture sous-estime l'action de Bercy, qui semble freiner toute réforme. Or, en l'absence de réforme, la suppression de la taxe d'habitation va plonger l'audiovisuel dans un gouffre puisqu'il n'y aura plus de recettes. Dans ces conditions, la proposition de certains candidats à l'élection présidentielle de privatiser l'audiovisuel public prendra corps. Si aucune décision n'est prise, l'audiovisuel public sera fragilisé. Ce n'est pas une accusation, c'est un avertissement. Je prends date et malheureusement la réalité ne m'a jamais donné tort sur ce type de prévision.
J'aimerais en savoir plus sur la mission que vous avez confiée à l'IGAC et à l'IGF. À quel moment ses travaux débuteront-ils ? Qui la compose ? Quand les parlementaires seront-ils sollicités ?
Plusieurs ministères ont nommé une mission pour travailler sur la question des concentrations. J'ai le sentiment que nos réflexions ne vont pas dans le même sens et nous allons créer une commission d'enquête. Nous pouvons considérer que les hyperconcentrations présentent un danger et qu'il faut les évaluer ou estimer que la réglementation est caduque car il est nécessaire de permettre plus de concentrations, pour que les acteurs soient mieux positionnés par rapport aux plateformes. Certains pensent que c'est la meilleure manière de répondre aux géants. Comme nous ne disposerons jamais de géants à la hauteur d'Amazon, je suis convaincu que nous devons mettre en avant d'autres atouts, comme la pluralité et la diversité de l'offre.
Quel est l'objectif du gouvernement ? Adapter la législation pour permettre plus de concentrations ou conserver la loi de 1986 ?
Mme Monique de Marco . - Je vous remercie, madame la ministre, pour cette annonce sur l'offre numérique locale. Sera-t-elle gérée au niveau local ? En effet, je me souviens de la suppression de certaines stations locales de FIP qui assuraient une information de proximité.
Par ailleurs, quel sera le budget consacré à cette nouvelle offre ? Bénéficiera-t-elle de nouveaux moyens ou d'une nouvelle répartition de moyens déjà alloués ? Les syndicats de France Télévisions nous ont en effet alertés sur un manque de moyens financiers et humains.
Mme Roselyne Bachelot, ministre de la culture . - Je considère que le service public de l'audiovisuel bénéficie de moyens puissants. La trajectoire de diminution a été modérée, 5 % sur ensemble du quinquennat et elle a tenu compte de la capacité de réorganisation et de réforme de ce secteur. Il a également bénéficié de 73 millions d'euros pour compenser les effets de la crise sanitaire.
Grâce à une réorganisation modérée, il remplit l'intégralité de ses missions, taille des croupières à l'audiovisuel privé et a conservé la même capacité de création.
La mission conjointe de l'IGAC et de l'IGF sur la CAP a été lancée fin octobre. Nous les réunirons prochainement pour examiner la manière dont elles vont s'emparer de ce sujet et associer les parlementaires à leurs travaux.
Sur la concentration des médias, nous pouvons effectivement nous interroger sur l'efficacité des textes dont nous disposons. La loi du 30 septembre 1986 ne traite que de la diffusion hertzienne et de la presse papier et ne concerne que les concentrations horizontales, comme celle de TF1 et de M6, mais pas les concentrations verticales entre la production, la distribution et la diffusion. Nous devons réfléchir à de nouveaux textes, sur un terrain vierge, ce qui demande un très gros travail.
J'ai rappelé à l'Assemblée nationale le calendrier de l'étude du projet de rapprochement entre TF1 et M6, qui aboutira ou non fin 2022. Les instances représentatives du personnel ont voté à l'unanimité pour cette fusion. Le conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) mène des auditions et rendra son avis dans le courant du premier semestre 2022. Enfin, l'Autorité de la concurrence, qui étudie l'impact de cette fusion sur le marché publicitaire, se prononcera à l'été 2022. Si elle est créée, la nouvelle entité devra vendre trois de ses dix chaînes et je serai très attentive au respect des différentes échéances.
La gestion de l'offre numérique locale sera de la responsabilité de France Télévisions et de Radio France.
Des mécanismes permettent de transformer les remboursements de billetterie en avoirs sur des spectacles à venir.
Sur les ENSA, les questions de harcèlement font l'objet d'une action spécifique du ministère. Nous avons lancé une mission de l'IGAC et de l'inspection de l'enseignement supérieur pour évaluer les techniques de charrette, extrêmement violentes pour les étudiants.
Enfin, vous avez raison, les Français manquent singulièrement de culture scientifique. Les grands établissements comme Universcience sont bien adaptés pour répondre à cet enjeu et je suis favorable à ce que les écoles retournent dans les établissements culturels. Pour autant, vous avez souligné l'effet contre-productif de certaines déclarations ministérielles que je me garderais bien de prononcer.
M. Laurent Lafon , président . - Je vous remercie pour vos réponses.
* 1 Ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés.