II. TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : UNE HAUSSE DES CRÉDITS SANS PRÉCÉDENT AU BÉNÉFICE PRINCIPAL DU PASS CULTURE

A. ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE : LE GOUVERNEMENT MISE TOUT SUR LE PASS CULTURE

1. Le pass culture, devenu en cinq ans le principal outil de la démocratisation culturelle

Afin d'accompagner la généralisation du Pass culture à tous les jeunes de 18 ans et son extension aux lycéens, les crédits du Pass culture progressent de 140 millions d'euros (+ 237 %) en 2022 pour s'établir à 199 millions d'euros . Cet instrument devient ainsi l'axe principal de l'éducation artistique et culturelle (EAC), d'autant que le ministère de l'éducation nationale complète ces crédits à hauteur de 45 millions d'euros pour financer la mise en place du volet collectif du Pass culture à destination de tous les collégiens et lycéens à partir de la classe de 4 e .

Une telle augmentation s'explique par le succès rencontré par ce dispositif auprès des jeunes depuis sa généralisation en mai dernier : plus de 800 000 jeunes étaient inscrits début novembre, soit un taux d'enrôlement de plus de 80 %. Le nombre d'offreurs partenaires s'est considérablement accru depuis la généralisation pour atteindre 11 000 courant octobre. Le coût du Pass culture devrait s'élever à 107 millions d'euros en 2021 (dont plus de 80 % pour le remboursement des offreurs, près de 10 % pour le fonctionnement de la SAS, et 7 % pour l'investissement dans le développement de l'application), obligeant même le Gouvernement à ouvrir 27 millions d'euros de crédits supplémentaires dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative pour 2021 afin de couvrir l'intégralité des dépenses de la SAS.

Après une période de tâtonnements, qui laissait planer beaucoup de doutes sur le bien-fondé du dispositif, force est de reconnaître que la généralisation du Pass culture et son ouverture aux jeunes de moins de 18 ans rendent le Pass culture un peu plus cohérent avec la politique menée en matière de démocratisation culturelle . Ces évolutions se sont accompagnées d'un changement de président à la tête de la SAS Pass culture.

La rapporteure constate que plusieurs des réserves formulées par la commission de la culture depuis 2017 ont été levées :

- un continuum entre l'EAC et le Pass culture est désormais en place afin que ce dispositif devienne progressivement le point d'orgue du parcours d'EAC ;

- pour limiter les effets d'aubaine, les plateformes ne bénéficient pas du Pass culture dans la mesure où les offres numériques ne sont pas remboursées ;

- pour accompagner les jeunes dans leur parcours, des efforts ont été entrepris pour renforcer l'éditorialisation des offres et construire des offres dédiées qui permettent d'encourager les sorties culturelles et la diversification des pratiques ;

- pour toucher les publics les plus éloignés, un travail a enfin été engagé pour mieux faire connaitre le dispositif auprès des jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville et des territoires ruraux ;

- même si l'essentiel du financement est assuré par l'État, les offreurs y contribuent de manière indirecte, puisque les offres numériques ne sont pas remboursées et le remboursement des offres physiques est plafonné pour accompagner davantage les structures les plus fragiles.

Le financement du Pass culture occupe désormais une place prépondérante au sein des crédits de l'action 2, dont les autres crédits progressent dans des proportions infinitésimales par comparaison.

Les crédits de l'EAC, hors Pass culture , se stabilisent aux alentours de 100 millions d'euros , soit pratiquement le double de leur niveau de 2017, dont 1,5 million d'euros de mesures nouvelles pour la poursuite du développement des contrats territoire-lecture.

S'agissant du soutien à la participation de tous à la vie culturelle, la rapporteure salue le lancement d'un appel à projet national de 5 millions d'euros pour accompagner les structures et acteurs culturels dans leurs actions en faveur des territoires, des publics et de l'innovation , qui donnera aux DRAC plus de latitude pour repérer de nouveaux projets.

2. Les points de vigilance de la rapporteure

Même si le Pass culture parait s'orienter dans une meilleure direction, l'année 2022 sera déterminante pour pouvoir en dresser un bilan véritablement qualitatif et déterminer dans quelle mesure cette politique centrée sur la demande répond effectivement aux attentes en termes de démocratisation de la culture, de diversification des pratiques culturelles des jeunes, de promotion de la diversité culturelle et de soutien aux acteurs culturels les plus fragiles. Compte tenu du volume de crédits engagés, le Pass culture doit apporter la preuve de son efficacité. Les efforts pour toucher les jeunes les plus éloignés de la culture et pour développer des dispositifs de médiation doivent être poursuivis et intensifiés.

La rapporteure identifie trois défis pour permettre au Pass culture de ne pas se réduire à une simple approche consumériste de la culture, mais de se révéler comme une véritable politique publique .

? Comment assurer la bonne articulation du Pass culture avec la politique d'EAC ?

En principe, la mise en place du volet collectif du Pass culture aux collèges constituera une source de financement complémentaire pour permettre aux établissements de développer des actions d'EAC. 25 euros seront alloués par élève, soit approximativement 500 euros par classe. Il reste néanmoins à éviter deux écueils :

- d'une part, celui de voir les établissements réduire à due proportion leur budgets EAC : il sera important d'évaluer, à la fin de l'année scolaire 2021-2022, si le fait que l'argent ne transite pas par les établissements, mais leur ouvre une simple dotation virtuelle consommable auprès des offreurs de l'application Pass culture, est suffisant pour éviter ce risque ;

- d'autre part, celui que les actions financées par le Pass culture au collège ne s'inscrivent pas dans un véritable projet d'établissement en matière d'EAC . La réussite de la politique en matière d'EAC ne repose pas uniquement sur le nombre de sorties culturelles effectuées par un élève dans l'année. L'EAC suppose la mise en place d'un véritable parcours permettant aux jeunes pendant leur scolarité de se familiariser avec l'ensemble des trois piliers de l'EAC (fréquenter, pratiquer, s'approprier des connaissances). D'où l'enjeu de doter chaque établissement d'un référent EAC pour inscrire cette dimension dans le projet de l'établissement et dans la durée, mais aussi de former les enseignants et les artistes aux spécificités de l'EAC et de sensibiliser davantage les collectivités territoriales à son importance. La rapporteure estime que le volet collectif du Pass culture est bienvenu pour lever les obstacles financiers au développement de la politique d'EAC, mais qu'il doit être complété par une véritable réflexion pour faire progresser qualitativement la mise en oeuvre de cette politique.

? Comment faire en sorte que le Pass culture garantisse à tous les jeunes une égalité d'accès à la culture sur le territoire ?

Le Pass culture reposant sur les propositions des offreurs existants, il n'abolit pas les inégalités territoriales d'accès à la culture . Deux problématiques principales se posent :

- celle de l'offre dans certains territoires, même si le ministère indique qu'il n'existe aucune zone blanche sur l'application ;

- celle du transport pour les territoires les plus reculés, dans la mesure où il parait difficile de permettre aux jeunes de financer leurs frais de déplacement avec leurs crédits sans créer une inéquité entre les bénéficiaires.

Les stratégies territorialisées que la SAS envisage de mettre en place avec les collectivités territoriales se révéleront donc déterminantes pour permettre de lever ces différents obstacles.

? Comment le Pass culture peut-il contribuer à la relance de l'ensemble du secteur culturel ?

Ce dernier défi renvoie à la capacité du Pass culture à parvenir à diversifier les pratiques culturelles des jeunes . Une étude devrait être menée par un laboratoire de recherches de l'École normale supérieure pour comprendre le degré de diversification des parcours et identifier les modalités par lesquelles la SAS pourrait le faire progresser. L'essentiel des réservations se concentre aujourd'hui sur les livres, la musique et le cinéma.

Lors de son audition devant la commission de la culture le 9 novembre dernier, la ministre de la culture s'est opposée à la possibilité de sanctuariser des crédits au profit de certaines catégories d'offres au motif, d'une part, de son caractère contradictoire avec l'esprit du Pass culture, qui se veut être un outil d'autonomisation, et d'autre part, de la difficulté à satisfaire tous les acteurs. Si la rapporteure comprend ces arguments, elle estime que des efforts rapides doivent être entrepris pour mieux valoriser les offres dans le domaine du spectacle vivant, des musées et des centres d'art , qui paraissent aujourd'hui manquer d'attractivité. Elle sera attentive à l'évolution de la part des réservations de ces différentes catégories afin de déterminer s'il convient de procéder à des ajustements.

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