EXAMENS EN COMMISSION
Examen
en commission
(Mercredi 17 novembre 2021)
Réunie le mercredi 17 novembre 2021, la commission a examiné le rapport d'information de Mme Viviane Artigalas sur les crédits « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2022.
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous débutons notre réunion par l'examen du rapport pour avis de Mme Viviane Artigalas sur les crédits du programme 147 « Politique de la Ville » de la mission « Cohésion des territoires. Madame la rapporteure, vous avez la parole.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis . - Madame la Présidente, mes chers collègues, l'an passé, nous examinions le budget de la politique de la Ville dans la foulée de l'appel des maires du 14 novembre 2020. C'était la seconde fois du quinquennat que les maires des quartiers prioritaires de la politique de la Ville, les QPV, signaient un appel au Président de la République pour ne pas être oubliés et laissés à leurs difficultés. L'an passé, ces maires faisaient le constat de la grande détresse de leur population après la crise sanitaire et d'un décrochage de la communauté nationale. Ils demandaient à bénéficier d'au moins 1 % du plan de relance, soit 1 milliard d'euros.
Le Sénat et notre commission en particulier avaient voulu être à l'écoute de ces élus de terrain. Le Président Larcher avait reçu les porte-paroles du mouvement avec les sénateurs plus particulièrement investis sur ces questions et nous avions fait adopter un certain nombre d'amendements pour transcrire leurs demandes financières dans le budget de la mission Relance et de la mission Cohésion des territoires.
À défaut que nos amendements aient été au final retenus par le Gouvernement, la mobilisation a été fructueuse puisque lors du Comité interministériel des villes du 29 janvier 2021, le Premier ministre a non seulement pris l'engagement de consacrer au moins 1 % du plan de relance aux quartiers prioritaires et d'abonder de 2 milliards d'euros le Nouveau programme national de renouvellement urbain, le NPNRU, mais aussi de piloter lui-même son application en réunissant régulièrement cette instance pour s'assurer de sa déclinaison territoriale.
C'est la raison pour laquelle, au-delà de l'examen des crédits du programme 147 pour 2022, j'ai eu à coeur de retourner à la rencontre de ces maires pour faire un point de situation. Je voulais voir si la relance était bien arrivée jusqu'à eux. Dans une époque où le zapping est roi et où ces quartiers servent le plus souvent de décor à des annonces ministérielles, ces visites sans caméra - comme nous en faisons tous - et cette méthode sénatoriale, faite d'écoute et de travail dans la durée au plus près des réalités, a été très appréciée.
Je vais donc, ce matin, commencer par vous présenter les crédits du programme puis vous rendre compte des sondages que j'ai réalisés sur l'application du plan de relance.
Je commence donc par l'examen des crédits.
Il faut tout d'abord avoir conscience que les crédits du programme 147, qui s'élèvent cette année à 558 millions d'euros et qui sont détaillés dans le « bleu » budgétaire, ne représentent qu'une toute petite partie de ce que l'État identifie comme relevant de la politique de la ville et qui est regroupé dans un document transversal dit « orange » et qui totalise, en 2022, 7 milliards d'euros. Encore, à ma surprise, ce document ne retranscrit pas la part du plan de relance dévolu aux QPV. Ainsi, les crédits du programme, spécifiques ou de pilotage, ne représentent que 6 à 7 % de l'ensemble des moyens identifiés.
En 2022, ces crédits augmentent de 45 millions d'euros, soit + 8,8 % en crédits de paiement comme en autorisation d'engagement.
Sur l'ensemble du quinquennat et par rapport à 2017, où ils s'élevaient à 429 millions d'euros, ces crédits ont quasiment été en hausse constante. Au final, il y a 129 millions d'euros de plus soit + 30 %.
Même si le rejet du rapport Borloo en 2018 est certainement l'une des graves erreurs politiques du quinquennat, on ne peut pas nier que, sur ce strict volet financier, le Gouvernement fasse preuve d'une certaine constance.
L'évolution positive en 2022 s'explique par deux mesures nouvelles :
- 31,5 millions d'euros viennent financer l'ouverture de 74 nouvelles cités éducatives pour atteindre l'objectif de 200 annoncé par le Premier ministre en janvier ;
- et 16 millions d'euros pour financer en année pleine les « Bataillons de la prévention ». Il s'agit en réalité de 300 binômes constitués d'un éducateur spécialisé et d'un adulte-relais formé à la médiation, qui sont déployés dans 45 « Quartiers de reconquête républicaine ».
Ces deux ouvertures de crédits de 47,5 millions d'euros sont légèrement minorées par l'extinction progressive du dispositif des zones franches urbaines, soit une économie de 2,5 millions d'euros cette année.
Ce panorama financier positif doit cependant faire l'objet de quatre tempéraments concernant la contribution de l'État à l'ANRU, le financement des opérations « Quartiers d'été/Quartiers d'automne », la reconnaissance de la surcharge scolaire et les difficultés de déploiement des « Bataillons de la prévention ».
Mon premier regret est que l'État se dispense toujours de payer son écot au NPNRU. Au début du quinquennat, le Président de la République avait pris l'engagement de porter la part de l'État à 1 milliard et d'en payer 200 millions sur cinq ans. Preuve de cet engagement irrévocable, 185 millions d'autorisations d'engagement avaient même été inscrites au budget 2019 ! Mais à peine la première marche franchie, c'est-à-dire de porter les crédits de paiement de 15 à 25 millions, la détermination a manqué et ce sont désormais 15 millions d'euros qui sont versés chaque année. Au total, sur cinq ans, moins de 80 millions d'euros ont été versés par rapport aux 200 millions annoncés ! Les optimistes disent que c'est déjà très bien que l'État finance le NPNRU, d'autres que cela n'est pas nécessaire maintenant puisque l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, ne les dépenserait pas dans l'immédiat. Vous me permettrez de penser, dans la continuité de la position de notre commission depuis cinq ans, qu'il est bien peu probable que l'État verse 1 milliard demain alors qu'il n'a pas versé 200 millions hier et aujourd'hui. Nous le savons ce sont Action Logement et les bailleurs sociaux qui payeront in fine et c'est pour cela que je veux le dénoncer une nouvelle fois !
Mon deuxième regret porte sur la non-garantie du financement, en 2022, des programmes « Quartiers d'été/Quartiers d'automne ». Vous vous en souvenez, ces programmes ont été lancés après le confinement en complément des dispositifs de l'Éducation nationale visant à rattraper ou consolider les acquis pédagogiques pendant les congés d'été. Il s'agissait aussi d'ouvrir ces quartiers et ces jeunes sur l'extérieur et de lutter contre la relégation et l'oisiveté « mère de tous les vices » et de toutes les dérives. Les retours en sont extrêmement positifs. En 2021, près d'un million de jeunes et familles (un jeune sur deux, un habitant sur quatre) a été touché. Selon le ministère de la Ville, cela fait près de 20 ans que l'État n'a pas touché un tel nombre de bénéficiaires. Ce sont également 500 communes et 3 000 associations qui se sont mobilisées. Malgré cela, ces programmes rencontreraient une vraie résistance du ministère des Finances de telle sorte que les crédits ont été délégués très tard en 2021, en mai-juin pour juillet-août. Selon les informations qui m'ont été transmises, si le principe de la reconduction est normalement acquis, les moyens ne sont pas fléchés. Qu'en sera-t-il l'année prochaine avec les élections, quelle sera la visibilité des communes et des associations ? Oui, ce programme coûte cher, mais combien coûtent les dégradations ? Une compagnie de CRS dans un quartier c'est 40 000 euros par jour. Quelle société voulons-nous ?
Mon troisième regret, qui est également celui des maires des QPV, c'est la non-reconnaissance de la nécessité d'une dotation pour surcharge scolaire qui a été évaluée à 40 millions d'euros par an. La plupart des villes abritant des QPV sont des villes jeunes à la démographie dynamique. Elles ont beaucoup plus d'écoles que les autres. Grigny en est peut-être l'archétype. 45 % des habitants sont en dessous du seuil de pauvreté, 45 % ont moins de 25 ans. La natalité est celle d'une ville deux fois plus importante. 10 % de la population est sans titre de séjour. De ce fait, dans certains quartiers, le taux de scolarisation est supérieur à 100 % ! Sans être confrontée à une situation aussi difficile, la maire de Chanteloup-les-Vignes dont toutes les écoles et tous les collèges sont classés en Réseau d'éducation prioritaire, REP ou REP +, demande également que les charges spécifiques de ces communes soient reconnues. Je souhaite que ce dossier puisse avancer.
Enfin, ma dernière réserve porte sur le déploiement des « Bataillons de la prévention ». L'État semble s'être aperçu un peu tardivement que la prévention spécialisée était de la compétence des départements et que la médiation était assumée par les communes. Dans les Yvelines par exemple, 16 binômes ont été attribués à Trappes et aux Mureaux par l'État quelques jours après que le département avait déjà pris la même décision. De ce fait, il faut maintenant négocier avec l'État pour que les moyens puissent être déployés ailleurs. « Ce n'est pas de la communication que nous demandons, c'est de travailler sur les territoires ! » m'a dit Catherine Arenou. Réaction assez similaire à Grigny dont la ville est déjà dotée, même si un complément est bienvenu, et dont le maire Philippe Rio s'est étonné que les effectifs n'aient pas été attribués à des secteurs complètement dépourvus, pointant un manque de dialogue avec les territoires. « Entre les annonces et les réalisations, ce sont pourtant les maires qui assurent le dernier kilomètre » m'a-t-il indiqué. Par ailleurs, l'État finance des CDD de 18 mois. Comment organiser une action dans la durée dans ces conditions ? Le sujet est renvoyé aux prochains contrats de villes qui s'appliqueront en 2023...
Après vous avoir donné une vision générale des crédits du programme 147, je voudrais vous rendre compte de la mise en oeuvre du plan de relance.
Globalement, le Gouvernement affirme avoir tenu ses engagements et même être allé au-delà, 1,2 milliard d'euros étant d'ores et déjà fléchés vers les QPV. Dans les grandes masses, ce sont 436 millions d'euros pour la transition écologique, 393 millions pour la compétitivité et l'attractivité économique et 389 millions d'euros pour la cohésion sociale.
Ces grands chiffres ne disent finalement rien de la réalité sur les territoires. Dès l'an passé, certains d'entre nous avaient dénoncé le piège du 1 % dont l'État démontrerait nécessairement qu'il serait atteint. « Pourquoi vous plaignez-vous, vous l'avez déjà ! » entendait-on d'ailleurs après l'appel des maires !
C'est la raison pour laquelle, j'ai tenu à « soulever le capot » et à interroger les acteurs terrain. J'ai fait trois sondages l'un auprès des QPV de Tarbes et Lourdes dans mon département, les deux autres en me rendant chez Philippe Rio à Grigny et chez Catherine Arenou à Chanteloup-les-Vignes.
Même s'il y a quelques points d'attention, les retours sont très positifs.
Sur Tarbes et Lourdes où un inventaire complet m'a été présenté, ce sont par exemple 990 000 euros qui ont été mobilisés pour deux écoles, un collège et la rénovation d'un terrain de sport synthétique. Le remplacement du système de chauffage d'un collège représente à lui seul plus de 420 000 euros.
Sur ces mêmes quartiers, 1,2 million d'euros du fonds friches a été débloqué au profit de deux opérations pour créer des logements.
À Grigny, l'État a accepté de prendre en charge la rénovation TTC de Grigny 2, la plus grande copropriété dégradée de France, pour 24,5 millions d'euros. Les habitants dont le revenu moyen est inférieur à 9 000 euros par an ne pouvaient pas même prendre en charge la TVA. 2 millions d'euros ont également été débloqués pour réhabiliter une école maternelle.
À Chanteloup-les-Vignes, c'est le projet de construction de la cité éducative qui a pu décoller grâce à une enveloppe supplémentaire de 800 000 euros.
Ainsi, sans vous noyer sous les chiffres et les exemples, on peut constater que le plan de relance a apporté un vrai plus pour les communes concernées permettant de financer des projets en attente ou d'en faire émerger d'autres.
Par ailleurs, comme je l'ai indiqué, le Premier ministre a ouvert, le 29 janvier dernier, une seconde enveloppe de 2 milliards d'euros correspondant à une rallonge du NPNRU. Elle est financée par Action Logement à hauteur de 1,4 milliard, par les bailleurs sociaux (368 millions d'euros), par l'État (200 millions d'euros) et par des économies constatées lors de la clôture d'opérations du PNRU (32 millions d'euros).
Il ne s'agissait pas de faire un nouveau programme mais bien de donner des moyens supplémentaires pour enrichir les projets du NPNRU. Au 1 er juillet, 38 QPV auraient déjà pu valider des compléments.
Sur ce volet aussi, l'avis des maires est très positif.
Catherine Arenou avec sa double casquette de maire et de conseillère départementale, a estimé que cela avait été « spectaculaire » et qu'elle avait « vu très vite la différence ». Des rénovations dans le quartier du Val-Fourré à Mantes-la-Jolie ont ainsi été validées en septembre. De même à La Verrière, il a été possible de valider un programme en un an. Elle a d'ailleurs rappelé qu'à Chanteloup-les-Vignes, l'essentiel de la cité de la Noé était déjà réhabilité et que cela avait été absolument décisif pour faire passer son taux de logement social de 82 % à 46 % et pour créer de la mixité et des parcours résidentiels pour les habitants qui le peuvent.
Même son de cloche à Grigny, 400 démolitions supplémentaires ont pu être validées à la Grande Borne, un quartier déjà à moitié rénové grâce au PNRU.
Sur ces deux sujets, le déploiement du plan de relance et du supplément du NPNRU, je voudrais formuler avec les équipes rencontrées, trois tempéraments sur le mécanisme des appels à projets, la pérennité des financements et sur l'impact sur la trajectoire des quartiers.
Ma première réserve porte sur le mécanisme des appels à projets. Ce mode de fonctionnement a deux défauts bien connus : la précarité des financements et l'inégalité des territoires. La précarité tout d'abord car rien n'est jamais acquis. Il faut sans cesse redemander pour telle ou telle opération. C'est également chronophage, sur Tarbes et Lourdes, on me donnait l'exemple où quatre associations avaient candidatées pour 9 000 € dans le cadre des « Jardins partagés ». De même, des associations locales n'avaient pas été retenues dans le cadre d'un appel à projet sur la culture, l'État semblant avoir favorisé des associations de plus grande dimension. Cette insécurité financière provoque une forme d'épuisement et empêche de se projeter dans l'avenir et il revient aux collectivités d'apporter de la stabilité et de garantir les projets structurants. À Grigny, où l'on est rodé à ce fonctionnement, la mairie s'organise pour répondre systématiquement et envisage de manière assez fataliste un système où « tous les gagnants ont tenté leur chance »... Il faut également que les territoires fassent preuve d'une grande réactivité, les appels à projets ne sont pas ouverts très longtemps, parfois très tardivement comme pour les Quartiers d'été dont les moyens ont été délégués en mai et juin mais bien évidemment par appels à projets !
Cela introduit une grande inégalité entre les territoires au bénéfice des mieux organisés, des plus mobilisés et des plus visibles dans une logique « 1 er arrivé, 1 er servi ». À Tarbes et Lourdes, c'est l'organisation sous la forme d'un groupement d'intérêt public, un GIP, qui permet au territoire d'attirer à lui des moyens. Selon les estimations de sa direction, cela aurait permis d'obtenir environ deux fois plus que si les attributions avaient été arithmétiques... Dans les Yvelines, c'est le rôle de la préfecture qui semble être déterminant. Très mobilisée et réactive, elle a multiplié les réunions d'information et de suivi et s'assure que les communes puissent répondre à tous les appels à projets dans tous les domaines. À Grigny, c'est plutôt la visibilité de la commune et des équipes très professionnelles qui permettent de tirer le meilleur parti du plan de relance.
Ma seconde observation est une inquiétude. Elle porte sur la pérennité des financements. Je l'ai déjà évoqué à propos des bataillons de la prévention, c'est particulièrement flagrant pour les conseillers numérique déployés dans les Maisons France services. Le plan de relance finance, pour 24,5 millions d'euros, 477 postes de conseillers numériques. À Tarbes et Lourdes, 470 000 € ont été attribués pour une dizaine de postes sur deux ans. L'action ne s'inscrit pas dans la durée. Il n'y a ni pilotage ni mise en réseau. Le constat des équipes du GIP, c'est que tout peut retomber s'il n'y a pas au final une prise en charge par les collectivités et les associations déjà implantées sur le territoire. À Chanteloup-les-Vignes, l'équipe municipale explique que, particulièrement dans le domaine sportif, les associations sont échaudées par la précédente suppression des contrats aidés. Elles hésitent à s'engager alors que, de petite taille, constituées essentiellement de bénévoles et fragilisées par la baisse des pratiquants en raison de la crise sanitaire, elles ne peuvent assumer un salarié si l'aide venait à se tarir. C'est donc la commune qui doit s'engager et apporter les garanties.
Enfin, se pose naturellement la question de l'impact du plan de relance sur la trajectoire des quartiers.
Le sentiment des équipes du GIP de Tarbes et Lourdes, c'est que le plan de relance est un outil technique utile qui vient consolider le travail de terrain mais il reste largement invisible des habitants qui ne perçoivent pas un changement net entre avant et après. En matière de développement économique et d'emplois, de nombreux jeunes intègrent les dispositifs proposés mais il n'y a aujourd'hui aucun recul sur leur impact.
À Grigny, le retour est un peu plus positif. Le mouvement impulsé est visible des habitants qui voient que « les choses avancent » même si là aussi toute une partie est invisible compte tenu des délais de mise en oeuvre par exemple à Grigny 2 ou les relogements avant démolition progressent à toute petite vitesse.
A contrario, ce sont les programmes « Quartiers d'été » et « Vacances apprenantes » qui ont provoqué l'effet le plus sensible, « des moments de retrouvailles extraordinaires » et un vrai progrès scolaire avec un nombre d'enfants en stages de remise à niveau multiplié par cinq ou la distribution de cahiers de vacances du CP à la 5e vécue par beaucoup comme une vraie chance !
À Chanteloup-les-Vignes, malgré les moyens du plan de relance qui devraient permettre de bâtir la cité éducative et de démolir un immeuble où se concentrent les trafics, le risque est permanent de voir se défaire ce qui a été construit avec beaucoup d'effort : la coopération avec la mosquée menacée de radicalisation, le suivi des jeunes qui quittent la commune pour le lycée, le maintien en bon état des biens publics face aux dégradations et à la volonté des trafiquants de reprendre le contrôle du territoire, ou encore l'attribution des logements à des ménages toujours plus en difficulté à la place de ceux qui ont été accompagnés par le Centre communal d'action sociale (CCAS) vers un parcours résidentiel ascendant.
On touche là une des difficultés fondamentales de la politique de la Ville qui doit empêcher que ces quartiers soient des ghettos fermés pour en faire des sas vers la République tout en ne parvenant pas à les normaliser et à les intégrer pleinement dans leurs villes de rattachement.
Pour conclure, malgré des limites et ses difficultés de mise en oeuvre que je vous ai détaillés, je constate un réel effort budgétaire sur le programme 147 et les retours de terrain sur la déclinaison locale du plan de relance et de l'enrichissement du NPNRU sont tout à fait encourageants.
Enfin, je crois, madame la présidente, que notre commission aura l'occasion l'année prochaine de réfléchir en profondeur à ces questions et au bilan de la politique de la ville dans la perspective des nouveaux contrats de ville.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - J'approuve complètement le rapport qui vient d'être présenté mais je voudrais insister sur l'importance de la présence humaine sur le terrain à côté des programmes d'investissement comme le NPNRU, qui, je le regrette, est financé par Action Logement et non par l'État. La prévention, la médiation et l'éducation populaire sont essentielles. On ne peut pas tout demander à l'école publique. Il faut aider les familles qui ne peuvent pas mais parfois aussi ne veulent pas réaliser l'accompagnement scolaire de leurs enfants. Il faut aussi assumer une mission d'intégration républicaine. L'éducation populaire a disparu faute de moyens financiers. Aujourd'hui les centres de loisirs sont animés par des équipes originaires des quartiers. Il y a un risque d'entrisme et d'entre-soi. Les équipes de rue, formées et dotées de moyens pour agir avaient un véritable impact et ouvraient les jeunes sur l'extérieur. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il faudrait les rétablir.
Mme Dominique Estrosi Sassone . - Je m'interroge sur les raisons du différentiel entre les annonces de crédits, en termes d'autorisations d'engagement, et la réalité des crédits consommés. Il me semble que ce décalage est encore plus important en ce qui concerne les projets d'intérêt régionaux. On manque de visibilité même si, bien entendu, ces programmes s'inscrivent dans le temps long.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis . - Je suis d'accord avec l'observation de Marie-Noëlle Lienemann et le besoin de moyens humains. Que faire avec des contrats de 18 mois ? Ce sont les communes qui devront au final les prendre en charge. C'est pourquoi je crois qu'il nous faudra être très attentifs aux futurs contrats de ville. Il nous faut aussi chercher les solutions dans et en dehors de l'école. Nous avons besoin de l'engagement d'associations laïques.
Concernant la mise en oeuvre du NPNRU, je crois que la RLS a fait beaucoup de dégâts. À Lourdes, dans mon département, ni le bailleur social ni la ville n'ont plus les moyens de mener à bien le projet de rénovation urbaine. La rallonge du NPNRU a été bénéfique mais au profit des plus pro-actifs. Il y a des inégalités entre les territoires, par exemple entre les Yvelines et la Sarthe comme me l'a indiqué Catherine Arenou.
M. Michel Bonnus . - Dans ces quartiers, l'école n'est pas la seule solution. Il faut impliquer tous les acteurs et notamment la police et la justice. Il faut une vraie aide à la parentalité. La continuité de l'action publique et l'engagement humain sont nécessaires si on ne veut pas que la mixité recule.
Mme Sophie Primas , présidente . - Effectivement, l'implication de tous est la clé. Les conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) fonctionnaient bien et permettaient de fédérer tous les acteurs.
Mme Viviane Artigalas , rapporteure pour avis . - Il faut saluer les élus qui sont les fédérateurs de ces actions sans avoir toujours le soutien de l'État ou les aides. L'exemple des commerces est significatif. À Grigny, le maire a fait tout le nécessaire pour l'implantation d'une grande surface alimentaire car il n'y en a pas. La situation a été particulièrement difficile pendant le confinement. Et pourtant, aujourd'hui, il fait face à un recours en justice sur ce projet par un concurrent.
Mme Sophie Primas , présidente . - Je souhaite aussi souligner les problèmes posés par les attributions de logement. Dans bien des cas, ces communes ne peuvent éviter que le communautarisme et la pauvreté se renforcent par l'arrivée de nouveaux locataires.
Je rappelle que nous voterons sur ces crédits après avoir examiné l'ensemble des missions.
Examen en commission
(Mercredi 24 novembre 2021)
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, à la suite du rejet de la première partie du projet de loi de finances pour 2022, les avis budgétaires portant sur les missions de la seconde partie du PLF sont devenus sans objet et ne seront pas discutés en séance publique.
Notre commission avait décidé de réserver son vote et de surseoir à se prononcer lors de la présentation des rapports pour avis successifs. Afin de tirer les conséquences de ce choix, il nous revient désormais d'autoriser formellement la publication sous forme de rapports d'information des différents tomes correspondant aux missions budgétaires relevant de notre commission.
Il n'y a pas d'opposition ?
Je vous remercie.
La commission des affaires économiques autorise la publication de ces rapports d'information.