Rapport d'information n° 149 (2021-2022) de M. Stéphane ARTANO , fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer, déposé le 15 novembre 2021

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N° 149

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 novembre 2021

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer (1) sur la rencontre avec les maires et élus d' outre-mer le 15 novembre 2021 au Sénat ,

Par M. Stéphane ARTANO,

Sénateur

(1) Cette délégation est composée de : Stéphane Artano, président ; Maurice Antiste, Éliane Assassi, Nassimah Dindar, Pierre Frogier, Guillaume Gontard, Micheline Jacques, Victoire Jasmin, Jean-Louis Lagourgue, Viviane Malet, Annick Petrus, Teva Rohfritsch, Dominique Théophile, vice-présidents ; Mathieu Darnaud, Vivette Lopez, Marie-Laure Phinera-Horth, Gérard Poadja, secrétaires ; Viviane Artigalas, Philippe Bas, Agnès Canayer, Guillaume Chevrollier, Catherine Conconne, Michel Dennemont, Jacqueline Eustache-Brinio, Philippe Folliot, Bernard Fournier, Daniel Gremillet, Jocelyne Guidez, Abdallah Hassani, Gisèle Jourda, Mikaele Kulimoetoke, Dominique De Legge, Jean-François Longeot, Victorin Lurel, Marie Mercier, Serge Mérillou, Thani Mohamed Soilihi, Georges Patient, Sophie Primas, Jean-François Rapin, Michel Savin, Lana Tetuanui.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Deux ans après une première édition organisée le 18 novembre 2019, plus de trois cents maires et élus ultramarins ont été accueillis, le 15 novembre 2021, au Sénat, pour une deuxième Rencontre dédiée aux outre-mer durant la semaine du Congrès des maires.

La Délégation sénatoriale aux outre-mer a ainsi réalisé le voeu exprimé par mon prédécesseur, le président Michel Magras, de renouveler cette expérience afin que « le mois de novembre compte chaque année une séquence de travail et de dialogue privilégié entre la délégation sénatoriale et les maires et élus d'outre-mer ».

Organisée sous le haut patronage du président du Sénat, Gérard Larcher, cette manifestation s'est articulée autour de plusieurs temps forts.

À l'occasion des dix ans de la délégation, l'ancien président du Sénat Jean-Pierre Bel (2011-2014), les deux premiers présidents de la délégation Serge Larcher (2011-2014) et Michel Magras (2014-2020) ainsi que le rapporteur de la Mission fondatrice de 2009 sur les départements d'outre-mer, Éric Doligé, sont revenus sur plusieurs travaux emblématiques de la délégation (adaptation des normes, différenciation territoriale, biodiversités ultramarines, politique du logement, urgence économique outre-mer), qui ont contribué à l'enracinement des outre-mer au sein de la Haute Assemblée.

Cette séquence a aussi donné lieu à la présentation de la nouvelle Chaire outre-mer de Sciences Po - issue d'un amendement sénatorial à la loi Égalité réelle de 2017 - par son actuel titulaire, Martial Foucault, ainsi qu'au lancement d'un sondage inédit auprès des maires ultramarins.

À la veille de la présidence française de l'Union européenne et à l'heure où l'axe indopacifique prend une nouvelle dimension, un débat interactif sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale, animé par les trois rapporteurs de l'étude menée par notre délégation - Philippe Folliot, Annick Petrus et Marie-Laure Phinera-Horth - a ensuite permis de mettre en avant les atouts et les défis à relever pour les outre-mer qui représentent 12 territoires sur trois océans, 97 % de l'espace maritime français, 2,6 millions d'habitants dont 1,2 million de jeunes.

Enfin, dans le cadre du cycle de commémorations initié par Georges Patient, vice-président du Sénat, pour le trentième anniversaire de la disparition de Gaston Monnerville, un hommage spécial a été rendu à ce dernier. Olivier Serva et moi-même, en nos qualités de présidents des délégations de l'Assemblée nationale et du Sénat, avons solennellement adressé à cette occasion un courrier commun au Président de la République en faveur de sa panthéonisation.

Cette démarche a reçu le soutien du président Gérard Larcher qui a clôturé la manifestation en réaffirmant sa volonté d'associer toujours mieux les élus d'outre-mer aux travaux du Sénat .

Au nom de la délégation, je tiens à remercier tous ceux qui par leur engagement, leur participation et leurs interventions, lui ont permis de mener à bien les missions qui lui ont été confiées.

À l'heure d'établir le bilan de ses dix années d'activités , la délégation, que j'ai l'honneur de présider depuis 2020, est fière d'avoir oeuvré à une meilleure prise en compte des outre-mer, au Sénat et au-delà de cette institution. Elle entend poursuivre et amplifier son action, riche de l'expérience acquise au fil de ses travaux et des liens qu'elle a progressivement tissés depuis sa création.

Stéphane ARTANO

OUVERTURE

Stéphane Artano
Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Monsieur le président Jean-Pierre Bel,

Messieurs les présidents Serge Larcher et Michel Magras,

Mesdames et messieurs les parlementaires, chers collègues,

Mesdames, messieurs les maires et les élus,

Mesdames et messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ici au Sénat, en mon nom et en celui des membres de la Délégation sénatoriale aux outre-mer que j'ai l'honneur de présider depuis décembre 2020.

Je vous souhaite à tous la bienvenue, dans « la Maison des collectivités territoriales » - c'est-à-dire la vôtre - pour cette deuxième Rencontre avec les maires et les élus d'outre-mer.

Après une première édition en 2019, la délégation sénatoriale aux outre-mer a en effet souhaité reprendre en 2021 cette heureuse initiative du président du Sénat, Gérard Larcher, après l'interruption de 2020 en raison de la situation sanitaire.

Ce temps d'échanges, avec des délégations venues de chacune des collectivités disposant de municipalités, nous importe au plus haut point.

D'abord, les municipalités sont le premier maillon de la démocratie, et leurs élus sont au plus près du quotidien de nos concitoyens et des réalités de proximité.

Surtout, et notre délégation le sait bien, les problématiques d'outre-mer sont particulières et méritent en tant que telles une attention tout aussi particulière.

Je tiens à rappeler également que la manifestation de ce jour est un engagement de mon prédécesseur, Michel Magras, qui avait dès le 18 novembre 2019 indiqué que ce rendez-vous aurait vocation à se pérenniser en prélude au Congrès des Maires. Promesse tenue cher Michel !

Vous n'avez pas hésité à quitter votre belle collectivité de Saint-Barthélemy pour partager ce temps d'échanges cet après-midi avec nous, de même que le premier président de notre délégation, cher Serge Larcher, qui se tient à mes côtés et qui nous a rejoints depuis la Martinique, lui qui a connu en quelque sorte « l'enfance » de notre délégation et conduit ses « premiers pas ».

Qu'ils en soient remerciés tous les deux du fond du coeur.

Si elle s'inscrit dans le prolongement de la rencontre de 2019, l'édition 2021 à laquelle nous vous remercions d'avoir répondu si nombreux, n'en est pas moins exceptionnelle, et ceci à plus d'un titre.

D'abord, il s'agit d'une date anniversaire, car la délégation a été créée par le Bureau du Sénat le 16 novembre 2011, ce qui fait donc tout juste dix ans. C'est bien sûr l'occasion, pour les membres de la délégation en particulier, de jeter un regard rétrospectif sur le chemin parcouru et celui qui reste encore à faire.

En 2019, le président Gérard Larcher avait déclaré vouloir aller plus loin dans l'appréhension et la visibilité des problématiques auxquelles les élus d'outre-mer sont confrontés. Il nous rejoindra un peu plus tard dans l'après-midi et clôturera notre manifestation, mais je confirme que nous avons toujours reçu de la part de la présidence du Sénat, et depuis l'origine, un soutien plein et entier.

C'est la raison pour laquelle je suis particulièrement heureux de la présence à la tribune du président Jean-Pierre Bel qui dirigea le Sénat de 2011 à 2014, et qui nous fait l'honneur d'ouvrir la première séquence de l'après-midi. Il a été le témoin privilégié de « l'acte de naissance » de cette institution, originale, qui a été par la suite consacrée par la loi « Égalité réelle » de 2017 et reproduite à l'Assemblée nationale. Un autre « grand témoin » interviendra ensuite : notre collègue Éric Doligé, qui fut rapporteur de la Mission commune d'information fondatrice sur la situation des départements d'outre-mer de 2009, mission présidée par Serge Larcher. Personne n'a oublié qu'il a siégé au Sénat pendant 16 années en tant que sénateur du Loiret et qu'il a animé de nombreux travaux de la délégation avec compétence et conviction tout comme au sein de la commission des finances ! Merci aussi de votre présence, cher Éric.

Notre délégation existe donc depuis novembre 2011 et a été dotée d'une triple mission : une mission d'information du Sénat sur les questions relatives aux outre-mer, une mission de veille pour la prise en compte des caractéristiques de leurs collectivités et une mission d'évaluation des politiques publiques les concernant.

Avec mes prédécesseurs Serge Larcher et Michel Magras, nous reviendrons sur les activités marquantes de cette décennie. Pour éviter les énumérations fastidieuses, un Livret a été spécialement édité pour l'occasion et est mis à votre disposition. La délégation a précisément 45 rapports à son actif, réalisés par principe en amont du processus législatif pour alimenter et orienter les instances compétentes, et 22 manifestations ayant donné lieu à publication d'Actes restitués dans leur intégralité. Je saisis l'occasion de saluer l'investissement et le travail de nos excellents rapporteurs dont tous les noms figurent dans ce livret. Je précise que tous ces travaux sont bien entendu disponibles en ligne sur le site du Sénat afin que vous puissiez mesurer l'étendue de leurs sujets d'intérêt. Une lettre d'information vous permet également de suivre notre actualité en vous y abonnant.

Pour cette première séquence, nous avons souhaité convier la jeune Chaire des outre-mer de Sciences Po, créée cette année même, représenté par Martial Foucault, son actuel titulaire qui est aussi le directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof). Il nous présentera un sondage en cours auprès des maires ultramarins, sondage qui est une autre façon de chercher à donner la parole aux élus. Notons que l'idée d'une formation d'excellence sur les outre-mer est issue d'un amendement sénatorial de 2017. C'est l'occasion de nous en souvenir.

La deuxième partie de notre après-midi sera axée sur les travaux de la délégation avec en mémoire le fameux diptyque du rapport de 2009 fondateur de la mission commune sur les départements d'outre-mer « défi pour la République, chance pour la France ».

Nous aurions pu retenir plusieurs rapports récents de la délégation qui se sont attachés à dépasser la vision ressassée des outre-mer cumulant les handicaps pour montrer que ce sont aussi des territoires de solutions. Nous savons que vous venez de plancher au cours de la matinée lors du séminaire organisé par l'Association des maires de France (AMF) à la maison de la Mutualité sur les conséquences de la crise sanitaire pour les collectivités locales d'outre-mer et les enjeux de la relance, sujet que nous nous sommes efforcés de défricher dès juillet 2020 avec mes collègues Viviane Artigalas et Nassimah Dindar dans notre rapport « Urgence économique outre-mer ».

La délégation a également achevé cette année un important travail sur la politique du logement outre-mer - dont les rapporteurs sont Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel - qui a commencé à faire bouger les lignes comme le prouvent les annonces récentes du ministre des outre-mer Sébastien Lecornu pour enfin mieux territorialiser cette politique. Il s'agissait d'un axe fort de ce rapport d'information.

Étant donné que nous avons une étude en cours, nous avons choisi de vous proposer de contribuer à élaborer nos recommandations, soit une forme de co-construction avec nos trois rapporteurs Philippe Folliot, Annick Pétrus et Marie-Laure Phinéra-Horth. Après un point d'étape de leurs auditions, nous aimerions que vous nous livriez vos propositions et remarques sur cette thématique transversale et d'actualité qui concerne vos collectivités au premier chef : la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale

Enfin, dans une troisième séquence, à l'initiative de notre vice-président Georges Patient, sénateur de la Guyane et président de la Société des amis du président Gaston Monnerville, nous rendrons hommage à un homme politique qui représente à lui seul la méritocratie républicaine et qui a présidé notre institution pendant vingt-deux ans.

Plusieurs événements ou médias sont revenus ces derniers jours sur « le destin d'exception » du président Gaston Monnerville, pour reprendre l'expression de l'historien Jean-Paul Brunet, à l'occasion du 30 ème anniversaire de sa disparition. Mais cet homme reste encore largement méconnu. Je remercie donc le vice-président Georges Patient de venir nous rappeler l'homme immense qu'il a été après les manifestations organisées au et par le Sénat. Il évoquera également la démarche de panthéonisation qu'il défend avec vigueur et constance.

Pour apporter notre contribution, la délégation a organisé le 7 octobre dernier une table ronde « Gaston Monnerville - L'Héritage », en hommage à celui qui fut, entre 1932 et 1983, tour à tour, député de Guyane, président du Conseil de la République, président du Sénat et membre du Conseil constitutionnel. Les Actes ont été rédigés pour être disponibles aujourd'hui et vous en donner la primeur.

Fidèle à sa mission, la délégation espère ainsi contribuer à faire sortir de l'oubli Gaston Monnerville, en particulier auprès des jeunes générations.

Par ailleurs, les nièces de Gaston Monnerville, Sylvie Derridj et Irène Trémolières, surmontant leur discrétion habituelle, ont accepté de venir nous parler de l'homme qu'elles ont bien connu et du legs important qu'elles ont fait aux archives du Sénat.

Telles sont les grandes lignes du programme dense de cet après-midi que nous avons aussi souhaité aussi interactif que possible en prévoyant sur chaque volet un temps d'échanges avec vous.

Au fond, en 2021 comme en 2019, notre objectif reste le même : associer toujours mieux les maires d'outre-mer aux travaux du Sénat et à chaque fois faire mieux quand cela est possible.

Avant de céder la parole au président Jean-Pierre Bel, je voudrais vous proposer de visionner une courte vidéo élaborée à l'occasion des dix ans de la délégation.

[Une vidéo est diffusée.]

Première séquence



Une délégation sénatoriale originale, dédiée aux outre-mer (2011-2021)

JEAN-PIERRE BEL

Président du Sénat de 2011 à 2014

Mesdames et Messieurs,

Cher Président Stéphane Artano,

Je veux saluer tous les amis, nombreux, qui sont présents aujourd'hui et, si vous me le permettez, mes amis parlementaires Thani Mohamed Soilihi, qui a apporté dans cette assemblée beaucoup de fraîcheur, la vice-présidente Éliane Assassi, Viviane Artigalas, Victorin Lurel et Georges Patient que je salue pour l'ensemble de son action.

Je veux aussi vous saluer tous, vous qui êtes venus de ce que nous appelions les outre-mer, même si nous avions dénommé initialement cette délégation « délégation de l'outre-mer ». Vous qui venez de ces territoires magnifiques qui, ici au Sénat, résonnent avec un écho tout particulier.

Vous le savez, sénateur à partir de 1998, j'ai été président du Sénat jusqu'en 2014 et j'ai décidé de le quitter par choix personnel et pour des raisons liées à ma vision de la politique. En effet, l'on n'est pas propriétaire de ses mandats ad vitam aeternam et il faut savoir céder sa place aux nouvelles générations. Mes interventions publiques au Sénat sont extrêmement rares. Je crois qu'il s'agit de la première ou la deuxième depuis cette date.

J'ai voulu le faire parce qu'il s'agissait des outre-mer. J'éprouve une fierté toute particulière d'avoir pris cette initiative, en 2011. Ce fut une longue histoire. Ce dont nous parlons aujourd'hui provient d'une période où tout n'était pas aussi évident.

Je me souviens, début 2009, des manifestations fortes et violentes, des revendications sociales liées au pouvoir d'achat qui, notamment en Guadeloupe, mais pas seulement, ont amené le Sénat à réfléchir à ce sujet. Le Sénat se sent toujours responsable de ses territoires. Une question nous était posée.

À l'époque, président du groupe socialiste, je me souviens d'avoir participé à la Conférence des présidents. Sous l'autorité du Président Gérard Larcher, nous avions décidé de lancer une mission d'information sur les questions posées par les revendications dans les outre-mer. Nous avons mis en place cette mission commune d'information qui a produit un rapport en juillet 2009, dont Serge Larcher et Éric Doligé étaient respectivement président et rapporteur. Ce rapport a été débattu en séance en octobre 2009. Il a fait l'objet de débats extrêmement longs. Nous avons abordé l'ensemble des questions pendant plus de cinq heures. À l'issue, l'idée d'un comité informel est née. En novembre 2009, nous avons décidé d'instituer un comité de suivi sur les conclusions de cette mission d'information.

Vous connaissez les sujets parfaitement bien. Ils tournaient autour de questions essentielles que j'avais eu à connaître, car j'ai eu le plaisir de parcourir tous nos outre-mer à l'exception de la Polynésie et de Saint-Pierre-et-Miquelon. De la Nouvelle-Calédonie à la Guyane, de la Guadeloupe à Mayotte, de La Réunion à la Martinique, des souvenirs restent gravés en moi. Au-delà des paysages, j'ai des souvenirs de femmes et d'hommes qui vivent la difficulté de ces territoires.

La Délégation aux outre-mer a trouvé ici, au Sénat, un enracinement naturel. Tout d'abord parce que la mission constitutionnelle du Sénat consiste à représenter les territoires et des territoires comme les vôtres sont particulièrement bienvenus ici. Parce que le Sénat, c'est aussi Gaston Monnerville, sénateur du Lot, qui fut un parfait représentant des outre-mer. Il a, je pense, laissé une trace indélébile, nous amenant à être toujours attentifs.

Je veux saluer la qualité du travail mené pendant cette période sur les questions ultramarines autour de ce que vous êtes et des grandes figures de notre histoire. J'ai eu à coeur de rendre hommage en octobre 2013 à Aimé Césaire. Nous avions ouvert un colloque aux salons de Boffrand avec Serge Larcher. Deux personnages historiques ont inspiré mon parcours politique : Jean Jaurès et Aimé Césaire. Pour nous, Aimé Césaire a toujours été un exemple. Pour vous, je crois qu'il a été un porte-parole de tout ce que vous représentez. La poésie d'Aimé Césaire, son engagement, étaient ancrés dans la terre de Martinique, mais ils étaient aussi tournés vers un idéal, celui de l'égalité républicaine. Il fut un militant inlassable de tous les combats de la liberté. Cet hommage rendu à Aimé Césaire fait partie de ces moments forts qui ont émaillé ma présidence.

Dans la vidéo qui vient d'être diffusée vous avez entendu que Viviane Artigalas n'a pas tout à fait l'accent que nous entendons la plupart du temps dans les médias. Nous aussi, nous sommes attachés à un certain nombre de particularismes, ne serait-ce qu'à notre accent qui fait partie de notre patrimoine. Nous y sommes attachés, parce que nous sommes aussi liés à ce que vous représentez, aux revendications sociales que vous avez exprimées, à votre souci de voir plus d'initiatives locales prises en compte dans notre système national. En bref, nous sommes attachés à l'égalité des chances et au fait que vous puissiez bénéficier de cette égalité pour pouvoir vous exprimer vous aussi en tant que citoyens de notre République.

Je veux donc rendre hommage à cette délégation aux outre-mer qui a si bien rempli son rôle. Soyez fiers de ce que vous êtes. Soyez fiers des territoires que vous représentez. Et sachez que vous pourrez toujours vous appuyer sur le Sénat de la République.

Je vous remercie de votre attention.

Éric Doligé
Rapporteur de la Mission d'information sur la situation
des départements d'outre-mer (avril-juillet 2009)

Mesdames et messieurs,

Je remercie le président Artano de cette invitation.

Les outre-mer représentent un vrai sujet, qui a été laissé de côté pendant des décennies et qu'il a bien fallu, à un moment donné, réveiller. Je remercie Serge Larcher pour la mission, puis le Président Jean-Pierre Bel qui a transformé cette mission en ce que nous connaissons et fêtons aujourd'hui. Dix ans après, nous vivons donc un moment important.

Je formulerai un certain nombre de remarques, sans tabou ni langue de bois. Je vous préciserai ce que je pense et la façon dont j'ai vu les choses.

Au départ, je n'étais pas du tout familier des outre-mer. J'étais un bon Français du Loiret qui s'intéressait à son territoire, qui ne voyait pas très bien ce qui se passait en dehors de l'Hexagone et qui s'y intéressait peu, comme beaucoup malheureusement. Pour un certain nombre de raisons, je suis tombé dedans à travers la mission, puis à travers la délégation, et j'ai pu devenir un véritable adepte et ceux qui m'ont connu ont pu constater que j'étais même devenu un vrai défenseur, un vrai passionné des outre-mer.

Avant la période de la mission, pour avoir participé à un certain nombre de débats au Sénat et à l'Assemblée nationale, j'ai pu constater que lorsque ces débats étaient organisés sur l'outre-mer, ou le budget de l'outre-mer, seuls siégeaient les parlementaires de l'outre-mer. Le sujet restait dans un environnement confidentiel. Le débat entre le ministre et les représentants des différents territoires d'outre-mer aboutissait bien souvent à obtenir quelques satisfactions pour répondre à quelques besoins particuliers, mais ne réglait en réalité pas véritablement les problèmes. Je me souviens d'ailleurs d'un Président de la République qui m'avait indiqué à l'époque qu'il plaçait des ministres à l'outre-mer pour les « rôder », leur apprendre en quelque sorte le métier.

Peu à peu, la mission et la délégation ont amené une prise de conscience. Le Président Jean-Pierre Bel a souhaité la parité, la délégation devant compter autant de sénatrices et sénateurs de l'outre-mer que de l'Hexagone. Cet aspect a été marquant dans la mise en place de cette délégation. Nous avons pu véritablement prendre conscience, nous intéresser, échanger et défendre les mêmes sujets.

Un mot sur le rapport « Défi pour la République, chance pour la France ». Parmi les 45 rapports élaborés, celui-ci a été cité parce qu'il était une référence ! J'en étais le rapporteur ! Dans les territoires, beaucoup s'en souviennent encore et ont pu me dire qu'il était toujours utile, douze ans plus tard. Effectivement, en le relisant rapidement, je m'aperçois qu'il est toujours d'actualité et qu'il faut continuer de travailler sur un certain nombre de ses propositions. Tous les rapports qui ont suivi sur des sujets spécifiques complètent, amènent des éléments différents, mais supplémentaires pour enrichir toute la réflexion du Sénat sur ce sujet.

Je ne comprends toujours pas comment la France a pu négliger autant ses territoires d'outre-mer. Je me souviens d'un échange avec Bernard Pons, pendant une heure, à l'Anse d'Arlet. Bernard Pons m'a alors inculqué la passion des outre-mer. À l'époque, il m'a rappelé que les départements d'outre-mer sont situés dans des régions tropicales, qu'ils représentent 2,7 millions d'habitants, mais qu'ils partagent des expériences qui concernent deux milliards de personnes dans les tropiques, à commencer par le logement, l'énergie, les cultures ! Nous avons le potentiel, les richesses, le niveau de recherche sur nos territoires pour avancer sur ces sujets, mais la France s'avère incapable de mettre en avant ses connaissances, ce qui constituerait une source de croissance économique.

En Nouvelle-Calédonie, je me suis interrogé sur les raisons pour lesquelles la France n'adoptait pas une vraie politique minière. Nous sommes confrontés à des problèmes identiques en Guyane. Or, nous n'avons jamais mis en place une telle politique malgré toutes les réflexions engagées. Je me suis aussi posé des questions sur les normes en visitant un certain nombre de territoires et en voyant des exemples sur le terrain, dans le domaine de la construction en Guyane par exemple. Comment pouvons-nous obliger à acheter des matériaux et réaliser des constructions conformes aux normes européennes sur des territoires qui n'ont aucun rapport avec la géographie et le climat européens ? Nous sommes toujours emprisonnés dans nos règles européennes et nous n'avons pas été capables de les surmonter. Parmi les pays européens, nous sommes peu nombreux à compter des territoires hors d'Europe. Le Président Sarkozy m'avait demandé à l'époque de réaliser un rapport sur les normes. Le même problème se pose pour tous les élus, sur tous les territoires, et nous ne parvenons toujours pas à avancer sur ces sujets.

Avec tout le travail effectué, les 45 rapports réalisés, ceux qui sont en cours d'élaboration avec l'ensemble des élus des territoires, je ne comprends toujours pas que nous n'établissions pas un grand plan pour les outre-mer. Je vous proposerais, Monsieur le Président, de faire en sorte que de l'ensemble de ces rapports se dégage un grand plan de mise en valeur et de développement des outre-mer.

Dans la période récente, l'État a su trouver 150 milliards d'euros pour régler un certain nombre de problèmes. Les territoires des outre-mer présentent un grand intérêt tant pour eux-mêmes que pour l'Hexagone, que ce soit en matière halieutique, minière, agricole, etc. Ces territoires ont une formidable possibilité d'enrichissement de l'Hexagone et de l'ensemble de la République française. Je ne comprends donc pas que nous ne puissions pas mettre en place un grand plan.

À mes amis des outre-mer, je dis toujours : vous êtes 21 sénateurs et 27 députés. Si vous vous entendez, vous êtes capables de changer les majorités. Sur de vrais sujets comme ceux-là, si vous voulez mener à terme un grand plan d'investissement pour les outre-mer, avec la puissance que vous détenez, vous êtes en mesure de le faire. Le jour où vous quitterez le Sénat ou l'Assemblée nationale, vous regretterez de ne pas l'avoir fait. Je vous incite donc à agir. Le sujet est important.

Je terminerai mon propos avec quelques anecdotes.

Serge Larcher m'a beaucoup surpris. J'ai découvert ses talents d'oenologue s'agissant du rhum. Lorsque nous avons rédigé ce rapport, nous avons parcouru les cinq départements, effectuant une dégustation de rhum à chaque fois. Serge nous a épatés. Il était capable d'indiquer l'année du rhum, le type de canne, etc.

Je me souviens aussi de la sénatrice Lucienne Malovry qui était venue avec nous. Nous avions une réunion avec Élie Domota. Il est arrivé avec son équipe. À une remarque de Serge Larcher, il s'est un peu énervé. Notre collègue lui a alors dit doucement : « jeune homme, faites attention à votre coeur. Vous allez vous trouver mal. Il faut vous calmer ».

Je me souviens enfin de Paul Vergès, un homme passionnant, mais grand bavard. Après le déjeuner, ses discours étaient longs et difficiles à suivre !

Grâce à vous, j'ai passé de bons moments au Sénat. Je compte sur vous pour vous lancer tous ensemble dans une grande vision des outre-mer. Vous représentez une véritable force. Vous pouvez valoriser vos territoires et imposer à la métropole de reconnaître vos territoires. Je vous remercie.

Serge Larcher
Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer
de 2011 à 2014

Monsieur le président, cher Jean-Pierre,

Monsieur le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, cher Stéphane,

Monsieur le président Patient, cher Georges,

Chers anciens collègues, cher Éric, cher Michel,

Mesdames et messieurs les élus qui honorez aujourd'hui la Haute assemblée de votre présence,

C'est avec une intense émotion que je m'exprime ici aujourd'hui devant vous, tant sont encore vifs à mon esprit les souvenirs liés à la naissance de la Délégation sénatoriale aux outre-mer et au lancement de ses travaux.

Effectivement, la décision du Bureau portait la création d'une délégation à l'outre-mer, mais de nombreux intervenants guyanais nous ont fait remarquer que la Guyane n'avait rien de commun avec les Antilles, les îles du Pacifique, que ce département était beaucoup plus grand que la Martinique ou la Guadeloupe et qu'il n'était donc pas convenable d'appeler l'outre-mer cet ensemble diverse et complexe. Prenant en compte cette remarque pertinente, le Sénat, comme la République qui a institué un ministère des outre-mer, a choisi de créer la délégation aux outre-mer.

En pleine adéquation avec la mission spécifique confiée au Sénat par notre Constitution - la représentation des collectivités territoriales - l'émergence d'une structure dédiée aux questions propres à nos outre-mer ne doit rien au hasard : elle procède à la fois d'une prise de conscience et d'une volonté politique.

La création de la délégation constitue la concrétisation institutionnelle de ce que Jean-Pierre Bel, fraîchement élu Président du Sénat à l'automne 2011, affirmait dès sa première allocution à la tribune : « les outre-mer sont une des grandes richesses de notre République, ils seront un enjeu fort pour le Sénat et leur prise en compte sera une exigence absolue ».

Encore fallait-il, pour rendre cette prise en compte effective, qu'une structure dédiée fasse avancer la connaissance et la reconnaissance des spécificités, des atouts et des contraintes propres de nos territoires : ce fut fait avec la création de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, instance paritaire constituée de 21 sénateurs ultramarins et de 21 sénateurs de l'Hexagone. Cette instance de réflexion et d'impulsion était chargée d'éclairer la Haute assemblée pour intégrer les réalités ultramarines dans les travaux législatifs et de contrôle et pour s'emparer des problématiques propres aux outre-mer. Quelques mois plus tard, cette initiative devait d'ailleurs inspirer l'Assemblée nationale qui créait à son tour une délégation aux outre-mer.

Mais au Sénat, cette innovation résulte d'une profonde prise de conscience, d'un véritable processus de maturation qui trouve sa source dans une mission d'information de 2009 initiée par le Président du Sénat de l'époque, un certain Gérard Larcher, auquel je me dois de rendre hommage également.

Explosait alors dans les quatre départements d'outre-mer - la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique et La Réunion, puisque Mayotte n'était pas encore un département - une crise profonde que le pouvoir politique avait du mal à comprendre et expliquer. Sous l'impulsion de son président, le Sénat décidait la mise en place d'une mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer, que j'ai eu l'honneur de présider grâce au soutien de mon groupe parlementaire et de son président Jean-Pierre Bel.

Éric Doligé en était le rapporteur. Il vous a parlé de mes connaissances en matière de rhum. La Guadeloupe s'est spécialisée dans le sucre, la Martinique dans le rhum. Il appartient à tout défenseur du rhum de savoir de quoi il parle. Nous avons donc quelques avancées par rapport à nos collègues de Guyane et de La Réunion. Dans ces territoires, je peux apparaître comme un grand clerc, mais je ne suis qu'un Martiniquais qui connaît bien son pays et les produits de son pays. Bien sûr, chacun défend son rhum. J'ai eu de nombreuses discussions avec mes collègues de Guadeloupe sur le sujet. Tous les rhums sont bons, dans les Antilles. En tout cas, tout le monde progresse, mais il n'en demeure pas moins que le meilleur rhum vient de Martinique ! Sur le rhum blanc, je peux concéder que nous éprouvons quelques difficultés. Sur le rhum vieux, en revanche, ne cherchez pas ! La Guadeloupe a connu un accident dans son histoire. Les experts qui savaient faire le rhum sont partis dans toute la Caraïbe et ailleurs. En Martinique, nous avons continué de progresser pour atteindre l'excellence. Concrètement, aujourd'hui, notre rhum vieux est excellent.

Quand Éric Doligé est arrivé à la délégation, il n'était pas tellement convaincu. Chemin faisant, il a vu les réalités sur le terrain, puis je l'ai mis en relation avec Bernard Pons, une personne qui faisait autorité en matière de connaissance des outre-mer. En peu de temps, le « nouveau Éric » est devenu un fervent défenseur des outre-mer. Je tiens à l'en féliciter. Être convaincu est important, mais dire aux autres qu'ils ont des idées préconçues ou des images d'Épinal sur les outre-mer l'est encore plus. En cela, il a rendu un grand service à la cause outre-mer au Sénat.

Ayant rendu ses conclusions dès juillet alors que le Comité interministériel des outre-mer, le premier CIOM, ne devait aboutir qu'à l'automne, la mission sénatoriale d'information sur la situation des départements d'outre-mer a produit une analyse approfondie et formulé 100 propositions, si bien que les membres de la mission ont souhaité poursuivre ce travail et ne pas en rester à la production d'un rapport.

Le président Gérard Larcher a ainsi accepté, par dérogation aux usages, qu'une structure soit installée à cet effet. Un Comité de suivi des conclusions et propositions de la mission fut alors mis en place, constitué du président et du rapporteur de la mission, Éric Doligé et moi-même, ainsi que de l'ensemble des présidents des groupes politiques du Sénat... une composition lourde de sens donc ! Telle fut la préfiguration de la délégation aux outre-mer.

Voici donc la genèse de la délégation dont nous célébrons ce jour la première décennie d'existence. Vous constaterez que c'est une construction collective mûrement réfléchie, placée sous le signe de l'équilibre et du consensus. Et ces principes sont restés les maîtres mots de l'organisation et du fonctionnement de la délégation.

Ma première initiative, en tant que président de la délégation, a consisté à rencontrer tous les présidents des commissions permanentes pour leur expliquer l'esprit dans lequel nous travaillions pour qu'ils ne pensent pas que nous voulions marcher sur leurs plates-bandes. Nous venions en complément. C'est donc en bonne intelligence que nous avons oeuvré.

J'ai eu l'honneur et le plaisir d'être le premier président de cette délégation de 2011 à 2014, et j'ai eu à coeur, avec l'ensemble de mes collègues qui en étaient membres, issus ou non des outre-mer et toutes tendances politiques confondues, d'en faire un lieu d'écoute, d'échanges, de partage, de regards croisés, de réflexion approfondie, mais aussi d'impulsion en direction du Gouvernement ou, en interne, des commissions permanentes en charge du processus législatif.

Nous avons ainsi travaillé sur de nombreux sujets pour mieux porter à la connaissance de tous la situation de nos territoires, pour identifier les décalages appelant des politiques publiques volontaristes et pour valoriser les atouts de nos outre-mer, par trop méconnus.

Les travaux effectués ont couvert un large éventail, mais ont aussi commencé par un enracinement dans la mémoire : plusieurs rencontres ont ainsi été organisées sur les mémoires de l'esclavage et des abolitions, sur la part prise par les ultramarins sur les champs de bataille lors des grands conflits mondiaux du XX e siècle. Une autre rencontre a célébré le centenaire de la naissance d'Aimé Césaire.

Les travaux réalisés au cours de la première période triennale ont également abordé des sujets aussi divers que les niveaux de vie dans les outre-mer, le développement humain et la cohésion sociale, l'aide fiscale à l'investissement comme levier incontournable du développement, ou encore les enjeux des zones économiques exclusives alors que les outre-mer hissent la France au 2 ème rang mondial des puissances maritimes derrière les États-Unis. Quand on sait que l'avenir de l'humanité est lié directement aux océans, ce n'est pas rien ! Nous avons épuisé les terres émergées, mais il reste les terres immergées. Or tout est là. Je vous invite à lire notre rapport sur ces zones économiques exclusives et vous constaterez que les richesses de l'humanité se trouvent dans les océans et je suis heureux, Monsieur le Président, que vous vous saisissiez également de ce sujet.

Les sujets européens ont également été investis avec pas moins de quatre résolutions, toutes votées à l'unanimité en plénière, traitant respectivement de sujets cruciaux pour nos outre-mer : la politique commerciale, la pêche, le régime fiscal pour le rhum traditionnel, mais aussi la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques.

Ainsi, selon un des axes fixés par le rapport de la mission d'information fondatrice de 2009, la délégation s'est attelée dès sa création à une meilleure prise en compte des spécificités et de la diversité de nos outre-mer.

La mission de 2009 s'était fixé comme ambition de « combattre les idées fausses et les clichés dévastateurs, de réduire les incompréhensions mutuelles par la connaissance et d'avancer les pistes d'une refondation des relations entre les départements d'outre-mer et l'Hexagone par des propositions concrètes, inspirées par les témoignages recueillis sur le terrain » : nous pouvons dire que la délégation en est la digne héritière et a fait sienne cette feuille de route pour l'ensemble des outre-mer.

Je ne peux terminer mon propos sans rendre hommage à la cheville ouvrière de notre délégation, ce personnel qui s'est donné sans compter, qui a fait preuve de dévouement, d'implication et de talent, et qui nous a accompagnés pendant toute la durée de notre mandat. Je salue en particulier la marraine de cette délégation, Agnès Moulin, responsable administrative de celle-ci pendant toutes ces années.

Je vous remercie de votre attention.

Michel Magras
Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer
de 2014 à 2020

Monsieur le président, cher Jean-Pierre,

Monsieur le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, cher Stéphane,

Monsieur le président Patient, cher Georges,

Chers anciens collègues, cher Serge, cher Éric,

Mesdames et messieurs les élus qui nous faites l'honneur de votre présence en ce jour d'ouverture du Congrès des maires et de célébration du 10 ème anniversaire de la Délégation sénatoriale aux outre-mer,

J'ai eu l'insigne honneur et l'immense plaisir d'être le deuxième président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer pendant six années ; j'en ai éprouvé et en éprouve toujours une fierté non dissimulée.

Ayant quitté le Sénat il y a une année, j'avoue retrouver cette tribune avec joie et une profonde émotion.

La délégation avait déjà un beau palmarès à son actif lorsque j'en ai repris la présidence, mais la tâche était encore, et reste d'ailleurs toujours, à amplifier et renouveler.

Nous avons conservé un mode de fonctionnement fondé sur le double équilibre entre outre-mer et Hexagone et entre majorité et opposition, avec des équipes de rapporteurs généralement constituées à parité d'hommes et de femmes, ce qui a systématiquement permis des analyses et des conclusions consensuelles : la totalité des travaux réalisés dans un cadre collégial a été adoptée à l'unanimité, un atout, bien sûr, en termes de crédibilité, mais aussi pour faire prospérer nos propositions, notamment lors des débats dans l'hémicycle.

La délégation est indéniablement une structure entièrement dédiée à la recherche de l'intérêt des outre-mer, transversale par ses thématiques, apartisane dans ses orientations.

En ma qualité de président, j'ai du reste prolongé cet état d'esprit jusque dans l'hémicycle, votant les amendements qui me semblaient répondre aux besoins, qu'ils viennent de gauche, de droite ou du centre et même avec l'appui du président Bruno Retailleau. Qu'il soit ici remercié de m'avoir aidé à préserver cette cohérence, de même que le rapporteur général du budget autour duquel nous nous sommes réunis plusieurs fois par an pour évoquer les sujets budgétaires majeurs.

Le travail de la délégation est ainsi monté en puissance en conjuguant continuité et innovation.

Nous avons structuré notre démarche en conduisant des études au long cours sur la base d'une programmation annuelle et parfois pluriannuelle, afin d'approfondir des thématiques transversales intéressant l'ensemble des outre-mer, ou une grande partie d'entre eux. Il s'agissait de dégager des solutions concrètes à des problématiques bloquantes pour le développement des territoires.

Ainsi, une étude en trois volets a été menée pour dénouer l'imbroglio foncier résultant tantôt de régimes juridiques inaboutis ou impraticables, comme dans la zone des cinquante pas géométriques aux Antilles, tantôt de situations d'indivisions transgénérationnelles et tentaculaires eu égard au nombre de personnes concernées, comme en Polynésie française, ou résultant encore du choc de la confrontation entre le droit civil et les systèmes juridiques locaux, le droit musulman à Mayotte ou le droit coutumier en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna. Nous devons l'initiative de cette thématique transversale sur le foncier à Thani Mohamed Soilihi.

Nous nous sommes ainsi attaqués à des sujets éminemment complexes, complexité liée à leur technicité, mais aussi à la diversité des approches nécessaires pour prendre en compte les spécificités de chaque territoire.

La question des normes dans l'agriculture et le BTP a également été explorée afin de desserrer le carcan bridant ces activités dans les outre-mer et de les rendre plus compétitives, mieux en adéquation avec leur environnement. Comment imaginer que des traitements phytosanitaires autorisés pour l'Hexagone puissent être efficients sous des climats tropicaux ou équatoriaux ? Comment penser que des normes de prise au vent valables dans l'Hexagone puissent être adaptées aux bourrasques redoutables de Saint-Pierre-et-Miquelon ?

Une étude pluriannuelle sur les risques naturels majeurs s'est imposée à nous comme une évidence à la suite du cyclone Irma sur Saint-Martin et Saint-Barthélemy, tant il est vrai que nos outre-mer y sont prioritairement exposés, notamment comme sentinelles du dérèglement climatique.

Parallèlement à ces travaux de longue haleine développés en plusieurs volets, de nombreuses études plus ponctuelles ont été réalisées sur des thèmes très divers et au gré, notamment, des sujets d'actualité à forts enjeux pour nos outre-mer : ainsi, la jeunesse ultramarine et le sport dans la perspective des Jeux olympiques en France, les outre-mer dans l'audiovisuel public lors de l'annonce de la suppression de France Ô, ou encore l'urgence économique outre-mer en lien avec la crise sanitaire.

Acclimatation, adaptation, déghettoïsation des outre-mer ont été le fil conducteur de nos travaux.

J'ajouterai là un sujet qui me tient particulièrement à coeur tant il est indissociable du respect des individualités territoriales et conditionne la refondation de la relation entre l'État et les territoires : la différenciation territoriale outre-mer. Clôturer le dernier triennat et mon mandat avec un rapport sur la différenciation a constitué le point d'orgue de cette réflexion et je sais gré à mes collègues de m'avoir confié ce travail.

J'ai présidé la délégation, motivé par la volonté de trouver les leviers du développement et de l'épanouissement de nos territoires dans la République. Je suis en effet profondément persuadé que la pertinence du cadre normatif est un levier vital pour nos outre-mer. Les travaux de la délégation l'ont montré, défendant des politiques publiques plus efficientes, surtout dans un contexte où l'État n'a pas une véritable culture des outre-mer, disons-le franchement.

Si l'idée du réflexe outre-mer qui a pu être développé part d'une bonne intention, il reste qu'un réflexe est une réponse involontaire à un stimulus extérieur. Sans stimulus, pas de réaction. Le principe de subsidiarité doit donc présider à la relation entre l'État et les outre-mer. En outre, partout, l'État doit accompagner les collectivités territoriales pour nourrir leur capacité propre d'expertise et leur garantir une véritable autonomie qu'elles peuvent mettre au service de leur développement endogène, comme le relevait le rapport de la délégation sur les normes dans le BTP.

J'ai aussi la certitude que les outre-mer sont des laboratoires en matière de biodiversité, mais aussi en matière institutionnelle. Je suis reconnaissant au Président Gérard Larcher de l'avoir rappelé en observant notamment que l'expérience des outre-mer sur l'octroi de mer pourrait nourrir la réflexion sur la fiscalité de l'ensemble des collectivités de la République.

Autre axe fort des travaux de la délégation : l'exercice d'une vigilance étroite sur les dossiers européens, en particulier l'impact de la politique commerciale européenne sur les économies des régions ultrapériphériques. Plusieurs résolutions ont été adoptées par le Sénat à l'initiative de notre délégation, dont une qui a pesé très directement dans les négociations d'un accord entre l'Union européenne et le Vietnam en 2016 afin de préserver la filière canne-sucre-rhum. À l'époque, l'Union européenne avait presque signé un accord de libre-échange et les Vietnamiens s'apprêtaient à envahir le marché européen en y déversant 20 000 tonnes de sucre roux par an, soit un cinquième de la production réunionnaise. La délégation sénatoriale a pris en charge ce dossier, amenant le Sénat à un débat public, puis à une résolution portée à Bruxelles qui a accepté de rouvrir le sujet. Les 20 000 tonnes de sucre roux sont devenues 20 000 tonnes de sucre, dont 400 tonnes de sucre roux, le reste étant du sucre raffiné dont la France est le premier producteur européen. Cette résolution n'a eu de poids que parce qu'elle avait été adoptée par l'ensemble du Sénat. La délégation n'a constitué qu'une étape, le poids du Sénat venant multiplier ses résultats de manière exponentielle.

Enfin, la délégation s'est attachée à servir de vitrine à nos outre-mer, à mettre en exergue leurs atouts et leur capacité d'innovation, au travers d'une série de colloques et de manifestations qui se sont tous tenus dans cette belle salle. Contribuer à une meilleure visibilité est un gage de meilleure prise en compte. La parole a ainsi été donnée à de très nombreux acteurs des outre-mer pour présenter les spécificités économiques des différents bassins océaniques, les initiatives prises outre-mer en matière de lutte contre le changement climatique ou en matière de tourisme vertueux, mais aussi pour illustrer le rôle joué par les femmes dans le développement de nos outre-mer, ou encore pour mettre en exergue les trésors de nos territoires en matière de biodiversité. Les comptes rendus annexés à chaque rapport constituent une source d'information d'une richesse rare, recueillant la parole de la quasi-totalité des acteurs du secteur objet de nos travaux.

C'est donc une activité foisonnante qui est celle de la délégation sénatoriale aux outre-mer, avec l'objectif de faire progresser la connaissance de ces territoires afin que leurs spécificités soient mieux prises en compte et leurs intérêts mieux défendus.

Mais une telle démarche ne peut être mise en oeuvre efficacement qu'avec la participation des acteurs locaux, au premier rang desquels figurent bien sûr les élus que vous êtes, et en unissant nos forces avec celles de partenaires également soucieux de valoriser nos outre-mer, tels que les relais de nos territoires à Paris, la Fédération des entreprises des outre-mer (Fedom) ou encore l'Office français de la biodiversité (OFB).

La délégation a été et doit rester un point de confluence. Permettez-moi de rappeler l'une des préconisations du rapport sur la différenciation encourageant les collectivités à mutualiser les problématiques juridiques et à échanger leurs bonnes pratiques. Les outre-mer doivent aussi mieux se connaître entre eux. En ce sens, la délégation a joué un rôle formidable. Au sein de la délégation, nous avons appris à nous connaître entre ultramarins, mais j'ai aussi été agréablement surpris et impressionné par l'engouement apparu progressivement chez nos collègues hexagonaux. Au début, les réunions sur les sujets ultramarins se limitaient dans l'hémicycle aux outre-mer parlant aux outre-mer. Lors du renouvellement des membres, l'engouement des hexagonaux pour faire partie de la délégation, la présence de nombreux sénateurs de tous bords dans l'hémicycle et les votes à l'unanimité des dispositions issues de nos rapports que nous avons pu faire passer démontrent que notre délégation a bien travaillé.

À ce titre, je me félicite de la création d'une chaire des outre-mer à l'Institut d'études politiques de Paris, qui sera à même de mener des actions complémentaires de celles de la délégation pour une meilleure connaissance et reconnaissance de nos territoires. J'avais en effet porté en ce sens un amendement devenu l'article 51 de la loi « Égalité réelle outre-mer » qui s'inscrivait dans la nécessité de construire une culture des outre-mer dans cette grande école dont la place de pépinière de hauts fonctionnaires et de talents n'est plus à démontrer.

Je ne saurais conclure sans adresser mes remerciements émus et amicaux au Président du Sénat Gérard Larcher, à mes anciens collègues sénateurs pour la confiance qu'ils m'ont témoignée tout au long de mes deux mandats et mon dernier mot sera pour le secrétariat de la délégation qui réalise un travail titanesque aux côtés des sénateurs ultramarins et de l'Hexagone. Qu'ils soient tous chaleureusement remerciés et félicités.

Stéphane Artano
Président de la délégation sénatoriale aux outre-mer
depuis 2020

Mesdames, messieurs,

Après les brillants témoignages que nous venons d'entendre, il est difficile pour le « jeune président » que je suis, depuis un an, d'apporter des compléments à tout ce qui vient d'être dit concernant cet héritage éloquent qu'il revient aux 42 membres de la délégation de faire fructifier.

La délégation mène principalement deux types d'activités : des études de fond et l'organisation de manifestations.

Nos travaux ont ainsi donné lieu cette année à un rapport approfondi sur la politique du logement mené par nos trois collègues Guillaume Gontard, Micheline Jacques et Victorin Lurel, avec plus de quarante heures d'auditions et une centaine de personnes entendues, et à un grand colloque sur les biodiversités dans l'océan Indien qui est venu parachever le cycle que Michel Magras avait initié, en partenariat avec l'Office français de la biodiversité.

À cet égard, je voudrais simplement insister sur quelques orientations de notre délégation pour m'efforcer de mettre en avant le travail mené depuis un an dans la lignée de mes prédécesseurs : l'importance de développer des partenariats, la diversification de nos moyens d'action et la volonté d'assurer un meilleur suivi de nos recommandations.

Je commencerai par le suivi de nos recommandations. Pour ce suivi, nous savons que nous avons du chemin à faire. C'est d'ailleurs le mandat que j'ai reçu lors de mon investiture, l'an dernier. Sous l'égide de Gérard Larcher, le Sénat a mis en place un groupe de travail présidé par notre collègue Pascale Gruny afin de renforcer ce volet de nos activités sénatoriales. Notre délégation a, en quelque sorte, anticipé cette démarche en organisant plusieurs opérations dans ce but. S'agissant de l'étude sur l'urgence économique par exemple, avec la FEDOM et le CESE, nous avons le souci de renforcer l'impact législatif des amendements portant sur les outre-mer. Sur les enjeux financiers et fiscaux européens, je dois souligner également la forte mobilisation de nos rapporteurs Vivette Lopez, Gilbert Roger et Dominique Théophile, notamment lors des menaces de suppression du régime dérogatoire de l'octroi de mer qui finalement sera prolongé, et c'est une victoire, jusqu'au 31 décembre 2027.

Dans le même esprit et pour faire suite au rapport sur la représentation des outre-mer dans l'audiovisuel public de nos collègues Maurice Antiste et Jocelyne Guidez, nous avons fait un état des lieux avec les représentants de France Télévisions et le Délégué interministériel pour l'égalité des chances des Français d'outre-mer et la visibilité des outre-mer.

Les activités se sont aussi diversifiées et vous en trouverez des exemples dans le Livret qui a été préparé spécialement à l'occasion des 10 ans de la délégation. Des débats en séance publique sont régulièrement organisés dans le cadre de nos activités de contrôle. Le dernier portait sur l'urgence sanitaire en outre-mer. Ont ainsi eu lieu des débats sur les risques naturels majeurs outre-mer, le 18 février 2020 ou la situation sanitaire le 3 octobre dernier.

La dimension européenne fait également depuis l'origine l'objet d'une attention particulière, d'autant que le Président Emmanuel Macron prendra la présidence du Conseil d l'Union européenne à compter de janvier 2022. La question se pose clairement de savoir comment les outre-mer peuvent être intégrés à cette prise en considération. Nous avons là une « fenêtre de tir » politique assez intéressante à valoriser.

Sur les partenariats enfin, la délégation tient à développer les auditions en commun, avec d'autres délégations, commissions ou dans le cadre de missions d'information du Sénat. La délégation aux outre-mer a été associée en 2020 aux travaux de la Mission commune d'information sur les conditions de la vie étudiante en France, avec un focus sur la situation de nos étudiants ultramarins, et récemment encore à la Mission commune d'information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d'activités, pilotée par Bernard Jomier qui rendra ses conclusions cette semaine. Un focus est réalisé systématiquement pour tenir compte de nos réalités, qui sont bien différentes de celles de l'Hexagone ou même d'un outre-mer à l'autre.

Nous pouvons encore élargir notre champ d'action avec les organismes impliqués dans le développement des outre-mer dont les représentants sont nombreux aujourd'hui et je les en remercie chaleureusement.

Je crois également qu'un travail en commun avec la délégation homologue de l'Assemblée nationale peut aider à rapprocher les positions : par exemple concernant le suivi du rapport Différenciation territoriale outre-mer du président Michel Magras, réflexion sur les outre-mer au coeur du processus institutionnel. Nous avons effectué un travail commun avec le président Olivier Serva dont je salue la présence parmi nous aujourd'hui.

Et bien sûr, l'annonce de la création de la Chaire outre-mer de Sciences Po cette année a ouvert d'autres perspectives prometteuses, en proposant une formation d'excellence sur les outre-mer. Je n'en dirai pas plus, car je vous propose à présent d'entendre Martial Foucault nous la présenter, ainsi que le sondage en cours.

Martial Foucault
Titulaire de la Chaire outre-mer de Sciences Po et
Directeur du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)

Présentation d'un sondage auprès des maires ultramarins

Monsieur le président de la délégation,

Monsieur le vice-président du Sénat,

Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs,

Merci de me donner ce temps de présentation de la Chaire outre-mer et du premier dispositif sur lequel nous avons souhaité nous engager, qui concerne les maires d'outre-mer. Ce matin, à la Mutualité, nous avons pu entendre un certain nombre de travaux autour de la manière dont la crise sanitaire a induit une réflexion, un travail, voire une accélération de la compréhension du rôle des maires, pas simplement dans un rôle de représentant politique, mais un rôle de « prêt à tout faire » face à l'urgence.

La Chaire outre-mer est née dans le cadre de la loi « Égalité réelle » de février 2017. L'article 51 précise que l'État et les collectivités territoriales s'engagent à soutenir la création d'une chaire dans une grande école. Plusieurs acteurs ont contribué à ce que ce magnifique projet voie le jour. Je tiens à saluer Ferdinand Mélin-Soucramanien, professeur de droit public à l'Université de Bordeaux qui, en rencontrant l'ancien directeur de Sciences Po, Frédéric Mion, démissionnaire depuis, a contribué à faire en sorte que Sciences Po soit cette grande école en mesure de préfigurer la création de cette chaire. L'accueil réservé à Ferdinand a été très positif et nous avons pu très rapidement, avec le concours de quelques personnes qui croyaient dans ce projet, constituer cette chaire qui a été inaugurée officiellement le 8 juillet.

Nous avons dû jouer avec le contexte sanitaire pour organiser l'événement en présentiel et nous avons été agréablement surpris de l'accueil et des attentes suscitées par cette Chaire. Aujourd'hui, cette chaire repose sur deux personnes, le secrétaire général de la chaire, Mikaa Mered, et moi-même, mais aussi sur l'ensemble de nos étudiants venant des territoires d'outre-mer. 60 à 80 étudiants intègrent Sciences Po chaque année venant de l'ensemble de ces territoires. Nous avons conventionné plus de 27 lycées avec lesquels nous mettons en place une facilitation de préparation pour intégrer Sciences Po.

Aujourd'hui, la Chaire outre-mer poursuit deux objectifs. Elle mène d'abord un objectif pédagogique. Cette chaire doit contribuer à la visibilité des outre-mer. Cette ambition semble d'une grande banalité. Des personnes bien plus brillantes ont pu le dire par le passé. Pour autant, cette visibilité n'est pas toujours au rendez-vous au moment où on le souhaite. Très modestement, conformément à l'engagement moral que j'ai pris devant les différentes instances de l'établissement, la chaire va contribuer à faire en sorte que plus aucun étudiant ne sorte diplômé de Sciences Po avant 2025 sans avoir suivi au minimum un cursus de 24 heures sur les outre-mer.

Cet engagement est fondamental pour la formation de nos étudiants. Aujourd'hui, 55 % de nos étudiants sont étrangers. La France n'est pas le seul pays à avoir des outre-mer. Outre le Portugal, l'Espagne, le Danemark, les Pays-Bas et le Royaume-Uni sont également concernés. Pour nos étudiants étrangers, il est d'une importance vitale de comprendre les outre-mer français en comparaison des outre-mer d'autres pays. Cette connaissance s'inscrit dans un schéma gagnant-gagnant. Les étudiants français connaîtront les outre-mer français, tout comme les étudiants étrangers, ce qui s'avère important sur un certain nombre d'enjeux géopolitiques. Comprendre la situation dans la zone indopacifique, par exemple, implique de porter un regard qui embrasse l'ensemble des pays de la zone.

La chaire doit aussi être un terrain d'accueil pour les étudiants ultramarins qui arrivent à Sciences Po, leur permettant de travailler avec nous sur un certain nombre d'objets. Nous voulons aussi faire en sorte que la Chaire outre-mer soit également très présente dans les missions d'information auprès des 27 lycées conventionnés dans l'ensemble des territoires ultramarins. Depuis quelques années, nous avons assisté à un éloignement de la maison Sciences Po vis-à-vis de ces lycées dans plusieurs territoires. Enfin, nous instituerons un cours obligatoire d'ici 2025.

Sur les aspects de recherche, nous portons un grand nombre d'ambitions. Nous bénéficions d'un soutien financier très fort du ministère des outre-mer que nous remercions. Au-delà de l'État, l'article 51 de la loi de 2017 indique que les collectivités territoriales doivent être aussi, d'une manière ou d'une autre, impliquées et nous nous employons aujourd'hui à essayer de les convaincre de participer à cet effort indispensable. Cette chaire doit, à sa manière, s'émanciper d'un seul financeur. À défaut, notre crédibilité scientifique pourrait être écornée. Il pourrait nous être reproché d'établir un agenda de recherche trop proche de celui du ministère des outre-mer. En outre, les demandes que nous recevons depuis le 8 juillet viennent d'horizons tellement différents (public, parapublic, privé, éducatif) que nous devons démultiplier nos ressources pour que notre modèle soit pérenne et le plus autonome possible. Je crois que cette chaire doit, à sa manière, disposer de son autonomie financière. C'est un sujet sur lequel nous allons travailler.

En tant que directeur du Cevipof, je mène un travail avec l'Association des maires de France depuis 2018 afin de mieux comprendre la place et le rôle des maires dans l'organisation du territoire et sa capacité à faire face à un certain nombre de crises, pour instruire la question de l'existence d'une culture politique de la décentralisation. Dans ce cadre, depuis 2018, j'ai été amené à interroger l'ensemble des 35 800 maires de France.

Je souhaite aujourd'hui que la Chaire outre-mer de Sciences Po mène le même travail. J'avais été alerté par le fait que peu de maires ultramarins avaient répondu à cette enquête administrée en ligne. Nous avons décidé de changer totalement de méthode. Nous avons recruté une quinzaine d'étudiants de Sciences Po, dont 80 % venant de territoires ultramarins. Nous les avons formés aux méthodes d'enquête par téléphone. Ils sont mobilisés depuis maintenant trois semaines. Vous avez dû recevoir une ou deux invitations à prendre rendez-vous pour un entretien téléphonique. Cette enquête prendra du temps. Nous devons en effet interroger 212 maires ultramarins. Les premiers rendez-vous ont montré que 30 minutes n'étaient pas suffisantes, car vous aviez beaucoup de choses à nous dire. Nous poursuivrons l'exercice jusqu'à fin novembre ou début décembre.

Je vous lance ce défi : faisons ensemble beaucoup mieux que les maires de l'Hexagone, où le taux de réponse était de 15 %. J'espère que nous pourrons, début janvier, revendiquer un taux de réponse proche de 100 % à cette enquête. Ce pari ne demande qu'à être réalisé. Vous êtes responsables de l'intérêt porté à cette enquête. Comptez sur moi pour rendre ce travail aussi visible que possible. L'actualité permettra de montrer que le rôle des élus locaux ultramarins face à cette crise mérite une attention tout aussi grande que celle qui a été accordée ce matin à la Mutualité, dans le cadre du Congrès de l'Association des maires de France (AMF).

La Chaire outre-mer à Sciences Po est votre maison, celle des étudiants ultramarins et de tous ceux qui souhaitent partager cette ambition de rendre plus visibles les enjeux qui se déroulent actuellement sur les territoires ultramarins.

Merci beaucoup.

Stéphane Artano . - Je tiens à saluer l'arrivée du Président du Sénat qui nous fait l'honneur de participer à nos travaux cet après-midi.

Nous disons souvent que nous ne sommes pas écoutés. Vous avez là l'occasion de contribuer à la réflexion d'alimenter la Chaire outre-mer de Sciences Po dont les travaux vont éclairer vos choix et ceux du Gouvernement. Je vous invite vraiment à répondre au sondage. Je sais que votre temps est précieux, mais il est vital de soutenir ceux qui s'intéressent aux questions ultramarines. Nous ne construirons pas une culture sans nourrir celle-ci. Vous êtes les premiers à pouvoir le faire.

Nous menons actuellement une étude sur la place que peuvent occuper les outre-mer dans la stratégie maritime nationale française. Un ministère de la mer a été institué et une politique nationale est en cours d'élaboration. Il nous paraissait donc intéressant de pouvoir nous pencher sur la place que les outre-mer peuvent occuper, dans la mesure où ils représentent 97 % de l'espace maritime français, soit plus de 10 millions de km 2 .

Pour cette seconde partie de l'après-midi, je vais appeler les trois co-rapporteurs de ce rapport d'information en cours : Annick Petrus, sénatrice de Saint-Martin, Philippe Folliot, sénateur du Tarn et Marie-Laure Phinéra-Horth, sénatrice de Guyane. Après un point d'étape de leurs auditions, nous aimerions engager un échange pour recueillir vos impressions sur ce sujet qui impacte potentiellement vos communes.

MAIRES DES OUTRE-MER 2021 : 1 ÈRE ÉTUDE DE LA CHAIRE

Maires des Outre-mer 2021 1 ère étude qualitative directement menée auprès des 212 maires ultramarins.

Interroger les maires est un préalable indispensable à l'évaluation des politiques publiques en Outre-mer, avant d'étudier le rôle des autres maillons des chaînes de décision et d'action publique territoriale comme nationale.

Maires des Outre-mer 2021 : 4 sous-thèmes

1) Votre parcours en tant que maire en Outre-mer

Objectif : mieux comprendre les trajectoires de vie, idées, défis et valeurs qui ont amené les maires à s'engager en politique locale et faire campagne, et les différences entre maires ultramarins et hexagonaux.

2) Vous et votre commune - le rôle de maire en Outre-mer

Objectif : mieux comprendre la manière dont les maires ultramarins pensent et cadrent leur action au quotidien, ainsi que le degré de respect et de reconnaissance de la part de leurs interlocuteurs.

3) Gouvernance territoriale - votre vision en tant que maire ultramarin

Objectif : mieux comprendre le positionnement et la vision des maires ultramarins dans le cadre de la gouvernance locale - relations à l'État, aux institutions territoriales, coopération intercommunale,...

4) Maire ultramarin au temps de la crise Covid

Objectif : mieux comprendre la vision et les défis particuliers des maires ultramarins durant la crise Covid en matière de relations aux administrations territoriales, aux acteurs sanitaires, aux besoins d'équipement ou encore vis-à-vis du respect des consignes sanitaires par les administrés.

Objectifs principaux de l'étude

• Mieux comprendre la trajectoire personnelle, les aspirations, les craintes et les défis, anciens et nouveaux, des maires en Outre-mer ;

• Mettre en valeur l'importance du rôle de maire dans la construction et la déclinaison des politiques publiques pour les Outre-mer ;

• Pouvoir qualifier les ressentis, positifs et négatifs, des maires ultramarins en les interrogeant directement et personnellement ;

• Faire que la vision des maires ultramarins soit mieux comprise et prise en compte aux niveaux local et national, notamment dans les sphères de décision parisiennes ;

• Cartographier les spécificités de besoins et les différences de situations d'un territoire à l'autre, d'un bassin océanique à l'autre, et d'un type de commune à l'autre.

Source : Étude « Maires des Outre-mer 2021 » - PPT de Sciences Po - Chaire Outre-mer (extrait)

Deuxième séquence



Les outre-mer, atout et défi pour la France : Échanges sur les travaux de la délégation

Annick Petrus
Sénatrice de Saint-Martin
Co-rapporteure de l'étude sur la place des outre-mer
dans la stratégie maritime nationale

Monsieur le président,

Mesdames, messieurs les élus,

Mes chers collègues,

Comme l'a rappelé le président Stéphane Artano, nous avons entamé depuis octobre dernier une étude sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale. Quatre grandes auditions ont été conduites, qui nous ont déjà permis d'éclairer utilement nos travaux. Nous souhaitons, mes collègues rapporteurs et moi-même, vous présenter d'ores et déjà nos pistes de travail et échanger avec vous sur ces enjeux.

Avant Philippe Folliot qui abordera les enjeux de souveraineté et Marie-Laure Phinera-Horth qui développera les aspects économiques et commerciaux, je souhaiterais rappeler les raisons qui nous ont conduits à choisir ce thème.

Vous le savez tous, 97 % de l'espace maritime français provient des outre-mer. C'est une chance pour nos territoires, tant les ressources de la mer sont nombreuses et tant elles sont appelées à devenir stratégiques pour le monde de demain. La production de médicaments, le développement technologique, la cosmétique même, reposent et reposeront de plus en plus sur l'exploitation des minéraux, de la faune et de la flore marines. Il y a dans l'espace maritime ultramarin de formidables opportunités économiques à saisir. La situation de nos ports ultramarins, à proximité des grandes routes maritimes, offre également de nombreuses perspectives pour nos territoires.

Or, face à ces atouts indéniables, des freins persistent, empêchant la pleine valorisation de ces richesses. Une explication culturelle est souvent avancée : nos outre-mer, à l'exception de la Polynésie française et de Saint-Pierre-et-Miquelon, ont historiquement plutôt tourné le dos à la mer. Mais au-delà de ce facteur, nous avons pu déjà identifier trois freins.

Le premier concerne la formation aux métiers maritimes. Il s'agit là d'un véritable échec. Le développement des formations maritimes outre-mer était une des priorités des comités interministériels de la mer (CIMER) depuis 2017, avec notamment l'objectif d'ouvrir un lycée maritime dans chaque territoire ultramarin. Cet objectif n'a pas été tenu. Il nous faudra déterminer les raisons de cet échec et, plus largement, trouver les moyens pour convaincre les familles de l'avenir du secteur maritime pour leurs enfants.

Une deuxième limite que nous avons identifiée a trait à l'insuffisance de capitaux pour financer les projets maritimes outre-mer. Il existe un paradoxe : nous disposons de très importantes ressources ainsi que d'acteurs économiques de premier plan dans le secteur maritime. Mais ces grandes entreprises ne se sont pas encore implantées dans nos territoires ; les groupes privés ne prennent pas le relais des instituts publics de recherche.

Enfin, et c'est le dernier point, les outre-mer ne sont pas suffisamment pris en compte dans les stratégies établies par l'État en matière de politique maritime. Vous le savez, malgré la création en 2020 d'un ministère de la mer de plein exercice, cette politique reste essentiellement interministérielle. Les décisions sont prises lors des Comités interministériels de la mer (CIMer), qui établissent les stratégies nationales maritimes. Or, la nouvelle stratégie portuaire adoptée en 2021 n'a pas fait l'objet de déclinaison pour les outre-mer, comme cela avait pourtant été le cas en 2016. Du retard a par ailleurs été pris dans l'adoption des mesures fixées dans la stratégie maritime 2017-2022, notamment s'agissant des stratégies de bassin.

À cet égard, une nouveauté est à noter avec la création au 1 er janvier 2022 d'une Direction générale de la mer, rattachée au ministère de la mer, lui permettant ainsi d'avoir une administration en propre. Les contours de cette nouvelle administration ne sont pas encore précisément connus. Il reste à savoir dans quelle mesure cette création participera au renforcement de la politique maritime française et de la valorisation des atouts maritimes de nos territoires ultramarins.

Vous le voyez avec ce rapide tour d'horizon, notre étude a comme premier objectif de susciter une prise de conscience des potentialités de la mer parmi les citoyens, dans les entreprises et au niveau de l'État. Il nous faut former nos concitoyens aux métiers de la mer, permettre l'implantation d'entreprises leaders sur nos territoires et intégrer véritablement les outre-mer dans les stratégies nationales.

Cette prise de conscience est une première et indispensable étape. Mais d'autres enjeux sont également cruciaux et je laisse désormais la parole à mes collègues sur les questions de souveraineté puis sur les aspects économiques et commerciaux.

Philippe Folliot
Sénateur du Tarn
Co-rapporteur de l'étude sur la place des outre-mer
dans la stratégie maritime nationale

Mesdames, messieurs les élus,

Mes chers collègues,

« Les larmes de nos souverains ont le goût salé de la mer qu'ils ont négligée », écrivait déjà Richelieu il y a 400 ans. Cette phrase reste éminemment d'actualité, au regard des enjeux. Quand l'État faillit aux enjeux de défense de la souveraineté, cela signifie qu'il va faillir sur de nombreux autres points.

Vous avez tous en tête des sujets qui vous touchent particulièrement, comme les sujets de pêche illégale, en particulier autour de la Guyane, le trafic de drogue dans l'arc des Caraïbes, les aires marines protégées qui ne le sont pas à certains égards, notamment l'aire marine protégée de l'île de la Passion-Clipperton que l'État a totalement abandonnée.

Ces enjeux de souveraineté se jouent aussi au travers des Îles Éparses avec Madagascar, mais aussi au travers des moyens de la Marine nationale pour faire respecter notre souveraineté. Force est de constater que nous serons confrontés, dans les années 2020, à un trou capacitaire assez important et inquiétant à certains égards. Cela fait partie des points que nous envisageons de mettre en avant dans notre rapport. Même s'il nous est dit que la surveillance satellitaire peut permettre de voir un certain nombre de choses d'en haut, elle ne remplacera pas les moyens que la Marine nationale doit déployer dans nos outre-mer. 97,5 % de notre zone économique exclusive est liée aux outre-mer. 90 % des moyens de la Marine nationale sont basés dans l'Hexagone. Ceci pose en filigrane la question des forces de souveraineté et certainement du redéploiement de nos moyens. La stratégie Indopacifique n'est qu'un ensemble de mots qu'il nous appartiendra de traduire en actes. L'un des premiers actes consistera très certainement dans ce redéploiement des forces de la Marine nationale. Aucune de nos frégates de premier rang n'est basée dans nos outre-mer.

La France prendra la présidence du Conseil de l'Union européenne en 2022 et nous espérons qu'elle saura la rendre utile pour que les enjeux des régions ultrapériphériques soient mieux pris en compte à l'échelle de l'Europe.

Avec Annick Petrus et Marie-Laure Phinera-Horth, nous allons poursuivre notre réflexion. Nous sommes curieux de vos remarques, suggestions et propositions. Il s'agit d'un enjeu majeur. La France se croit continentale et européenne, mais de fait elle est mondiale et maritime. Nos outre-mer constituent une chance et un atout qu'il est important de développer et de valoriser.

Marie-Laure Phinéra-Horth
Sénatrice de Guyane
Co-rapporteure de l'étude sur la place des outre-mer
dans la stratégie maritime nationale

Monsieur le président du Sénat,

Monsieur le président de la délégation,

Mesdames, messieurs les élus

Mes chers collègues,

Pêche, aquaculture, activité portuaire, transport maritime, tourisme maritime, exploration des fonds marins : le champ de l'économie bleue en outre-mer est presque infini. Pourtant, malgré ces nombreuses potentialités, les activités maritimes ne représenteraient en outre-mer qu'un peu plus de 2 % de l'emploi marchand et un peu moins de 4 % du tissu entrepreneurial marchand. Face à ce paradoxe, il nous faut apporter des réponses. Sans viser l'exhaustivité, je me concentrerai sur trois points : la situation du secteur portuaire et du transport maritime ; celle de la pêche et de l'aquaculture ; et enfin les enjeux d'exploration et d'exploitation des fonds marins.

Le commerce maritime représente aujourd'hui près de 90 % du commerce mondial. Avec leur situation privilégiée, qui les met à proximité des grandes routes maritimes, les ports ultramarins peuvent jouer un rôle essentiel et en tirer des opportunités pour l'emploi et le développement des territoires. Dans la diversité de leur statut (grands ports maritimes, ports autonomes, port d'intérêt national...), ces ports restent cependant encore trop tournés vers le seul trafic Hexagone - outre-mer, au détriment du réseau régional et international. L'enjeu pour nos ports ultramarins est d'en faire de véritables hubs régionaux.

Un exemple à suivre en la matière est celui de Port Réunion, qui a su investir pour devenir le hub du sud de l'océan Indien. Notre étude devra s'attacher à analyser ce succès et à en comprendre les ressorts pour s'en inspirer pour les autres bassins maritimes. Une des clés de cette réussite est probablement à trouver dans la modernisation des infrastructures portuaires, qui doivent s'adapter à l'explosion du trafic par conteneurs, appelé à tripler d'ici 2035. Le port de demain ne sera probablement plus seulement un site logistique, mais gagnera à mobiliser son foncier pour regrouper une pépinière d'entreprises maritimes.

Notre étude devra par ailleurs veiller à la déclinaison concrète pour les outre-mer des objectifs de numérisation et de verdissement des ports, fixés par la stratégie nationale portuaire de 2021. Je n'oublie pas non plus un sujet brûlant d'actualité : celui de l'explosion du coût du fret maritime, sur lequel il nous faudra apporter des solutions.

J'en viens maintenant aux enjeux de l'aquaculture et de la pêche. Notre production aquacole est encore trop limitée outre-mer : elle s'établit autour de 2 000 tonnes, constituée à 80 % par l'élevage de crevettes en Nouvelle-Calédonie. Ce secteur attire peu de nouveaux producteurs et manque de structuration, tout particulièrement en matière de formation. S'agissant de la pêche, vous le savez, un des enjeux majeurs concerne les aides européennes à la modernisation et au renouvellement de la flotte. En principe, l'Union européenne interdit les subventions à l'augmentation des capacités de pêche. Mais une exception a été prévue pour les régions ultrapériphériques (RUP). Les conditions sont cependant telles que ces fonds n'ont pas pu être mis en oeuvre. Il y a là un chantier à poursuivre, qui avait déjà été mis en avant par l'étude de la délégation sur les enjeux européens pour les outre-mer en 2020.

Au-delà de la préservation de nos activités traditionnelles, il nous faut également préparer les filières de demain et encourager la diversification des activités et les innovations. La tenue des premières Assises économiques des outre-mer, début décembre, devrait participer à ce travail prospectif.

J'en termine avec le défi de l'exploration des fonds marins. Grâce au programme Extraplac, la France a étendu depuis 2015 son domaine maritime de plus de 700 000 km² supplémentaires. Que faire de cette extension et, plus particulièrement, que faire des ressources des fonds marins dont nous disposons dans les eaux ultramarines ? À quelles conditions et à quelle échéance pourra-t-on passer de l'exploration à l'exploitation ?

Avec le Plan France 2030, les ambitions sur l'exploration des fonds marins ont été réaffirmées et des investissements sont prévus pour une meilleure compréhension du vivant dans ces zones. Comme l'a rappelé Annick Petrus, les innovations pouvant être tirées des fonds marins sont nombreuses, en termes de recherche médicale ou d'application technologique. Je pense notamment aux nodules métalliques, aux encroûtements cobaltifères, aux amas sulfurés qui sont des ressources riches en minéraux, qui peuvent pallier l'épuisement des terres rares. La France a la chance de disposer d'opérateurs historiques en la matière, que peu de pays détiennent, le premier d'entre eux étant l'Ifremer.

Il faudra nécessairement rester prudent et attendre la fin des campagnes de recherche qui doivent mesurer les impacts des programmes d'exploration sur les possibles déstabilisations du milieu marin. Nous ne pouvons cependant pas faire l'impasse sur ces ressources et il nous faut anticiper en préparant l'écosystème économique de nos outre-mer à ces potentialités, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Voilà, monsieur le Président, mesdames, messieurs, de nombreux sujets de réflexion, dessinés en quelques rapides perspectives de notre étude en cours et que nous souhaitions partager avec vous.

Échanges sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale

Stéphane Artano, président . - Merci mes chers collègues. Vous aurez compris que le sujet qui nous intéresse est très large et embrasse de très nombreuses activités. Il sera évidemment difficile de tout couvrir dans cette étude. Je vais maintenant donner la parole à la salle pour recueillir vos retours et votre sentiment sur l'intérêt que peut représenter ce sujet, ainsi que votre perspective en tant qu'élu local.

Claude Plenet, maire de Rémire-Montjoly (Guyane) . - Je suis maire d'une commune de Guyane, Rémire-Montjoly. Je sais très bien que vous ne pouviez pas aborder tous les sujets. Cependant, je suis étonné que vous n'ayez pas évoqué la problématique de la pêche illégale.

Stéphane Artano, président . - Je vous rassure, ce sujet est pleinement abordé dans le rapport d'information. Si nous avions voulu en faire une présentation exhaustive, il nous aurait fallu plus du quart d'heure que nous venons de lui consacrer.

Claude Plenet . - Il s'agit quand même d'un point clé quand on parle de la pêche sur nos territoires, surtout sur le territoire de la Guyane. Évoquer la formation, les perspectives sans évoquer la pêche illégale est difficile à entendre.

Philippe Folliot sénateur du Tarn . - Je ne me suis peut-être pas montré assez clair dans mes propos. Je pense l'avoir au moins mentionné. Il s'agit effectivement d'un enjeu qui concerne la Guyane au premier chef, mais aussi d'autres territoires ultramarins. Des progrès ont été accomplis dans les Terres australes françaises. Autour de la Guyane, en revanche, l'enjeu reste important.

Marie Garon, adjointe au maire de Schoelcher (Martinique) . - Je souhaitais renforcer le propos de Madame Phinéra-Horth concernant les subventions européennes. Actuellement, nous réalisons un aménagement portuaire d'intérêt territorial (APIT) au niveau de notre commune. Pour développer un peu la pêche, nous avons sollicité des fonds européens et notre demande de subventions a été rejetée. Je voudrais insister sur le fait que la pêche dans les outre-mer n'a rien à voir avec la pêche au niveau de l'Europe. Les enjeux sont tout à fait différents. Il faudrait vraiment que l'Europe puisse entendre que nous avons des besoins spécifiques. Nous ne sommes pas autosuffisants en poisson et il importe de développer de petites zones de pêche et de petits aménagements pour faciliter la vie des pêcheurs. Je vous demande une attention particulière sur les relations vis-à-vis des fonds européens pour le développement de ces secteurs.

Stéphane Artano, président . - Il n'y a pas de petits aménagements. Dans certains territoires, nous parlons de micro-activités, micro-économie sur des filières spécifiques, voire à haute valeur ajoutée. À l'échelle de nos territoires, chaque aménagement, même petit, reste un maillon essentiel à nos économies ultramarines et présente un intérêt majeur pour le territoire dans lequel il s'inscrit. Je n'ai aucun doute sur le fait que nos rapporteurs l'ont également à l'esprit.

André Atallah, maire de Basse-Terre (Guadeloupe) . - Le sujet dépend peut-être du plan Chlordécone en cours. Il faut savoir qu'une grande partie des zones de pêche de Capesterre à Vieux-Fort est totalement interdite pour la pêche, ce qui soulève une problématique de reconversion des pêcheurs. Dans d'autres zones, seules certaines espèces peuvent être pêchées. Le sujet interfère peut-être avec le dossier de la chlordécone qui concerne plus les bananeraies. Néanmoins, cette zone compte de nombreux pêcheurs.

Ahmed Selemani, directeur général des services, Bouéni (Mayotte) . - Je viens de Bouéni, petite commune de 6 200 habitants, à Mayotte. Comme vous le savez, les problématiques environnementales de Mayotte n'ont pas trouvé de solution, notamment s'agissant du diméthoate, un puissant insecticide qui, à certains taux, peut s'avérer très dangereux et s'attaquer au système nerveux. Aujourd'hui, à Mayotte, la filière agricole n'est pas suffisamment structurée et ce produit, qui n'est pas interdit dans les îles voisines, est importé de manière massive compte tenu de la porosité des frontières, ce qui pose une vraie question de santé publique. Une solution peut-elle être trouvée pour la santé des Mahorais ? Pour l'instant, aucune étude sérieuse n'est menée sur cette problématique identifiée depuis deux ou trois ans.

Philippe Folliot . - Le sujet que vous abordez n'entre pas dans le périmètre de notre rapport. L'importation illégale par le biais de la mer qui frappe Mayotte fera partie des points que nous essaierons d'aborder.

Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte . - Je remercie le directeur général des services (DGS) de Bouéni d'avoir posé cette question. Même si le rapporteur émet des réserves sur le périmètre, il a précisé qu'un endroit pouvait être trouvé pour insérer ce sujet. Il était important, devant cette assemblée, de poser cette problématique très particulière à Mayotte. Le fait de l'avoir annoncé ici constitue un début de solution. Je ne doute pas que le rapport à venir en parlera et émettra des préconisations.

Nous entendons souvent dans nos territoires : encore un rapport ! C'est le travail des parlementaires. Nous rédigeons des rapports, nous formulons des propositions. Nous profitons du moindre véhicule législatif pour proposer des amendements, mais nous ne sommes pas les seuls concernés. Le Gouvernement a lui aussi son mot à dire. Pour connaître la qualité des travaux menés ici depuis toujours, le sujet que vous venez d'évoquer fera certainement partie du prochain rapport.

Victoire Jasmin, sénatrice de Guadeloupe . - La problématique du chlordécone présente d'autres conséquences. Les pêcheurs qui continuent leur activité sont obligés d'aller de plus en plus loin pour dépasser les zones d'interdiction, se retrouvant dans des zones territoriales qui ne sont plus les nôtres. Des pêcheurs ont vu se dégrader les relations avec les autres îles de la Caraïbe. Leur matériel a été séquestré et il leur a été demandé des sommes colossales pour le restituer, engendrant des surcoûts et des médiations à faire par la France. Tout ceci constitue des freins au développement de la pêche. À cela s'ajoute la situation sanitaire qui a entraîné un arrêt de l'activité. Les conséquences sont graves.

Alors que nous pourrions former et développer ces activités, ces freins conduisent les jeunes à ne pas s'engager dans cette voie. Il existe pourtant un projet de formation avec le lycée de la mer pour permettre à nos jeunes de travailler davantage dans ce secteur. Annick Petrus a évoqué ce volet dans son intervention. Je pense que nous devons y travailler davantage en termes de perspectives.

Stéphane Artano, président . - Je vous propose de clôturer cette séquence en remerciant les co-rapporteurs. Je ne doute pas de leur motivation et de leur perspicacité dans la poursuite de leurs travaux afin que nous adoptions ce rapport avant la suspension des travaux parlementaires, début 2022.

Il est vrai que le travail parlementaire est fait de rapports d'information. Ces rapports d'information ont vocation à déboucher sur des véhicules législatifs proposés à l'initiative du Parlement ou du Gouvernement. Lorsque ces rapports n'ont pas de traduction législative, nous effectuons un travail de suivi et nous interpellons régulièrement le Gouvernement sur les suites qui leur sont données. Nous l'avons fait sur l'audiovisuel public dans les outre-mer et d'autres thématiques ultramarines. Ces rapports ne servent pas seulement à nourrir une réflexion ; ils impulsent une dynamique quand les parlementaires s'en emparent.

Nous allons passer à la dernière séquence de cet après-midi, consacrée au 30 ème anniversaire de la disparition du président Gaston Monnerville qui a présidé cette belle institution pendant 22 ans. Il est décédé le 7 novembre 1991 à Paris. Les actes de la table ronde que nous avons organisée ensemble le 7 octobre dernier, avec la participation d'une douzaine d'intervenants, sont publiés à l'occasion de l'hommage d'aujourd'hui. Nous espérons ainsi mieux faire connaître ce grand homme qui mérite, comme l'a dit le Président du Sénat lors de cette conférence, de rejoindre au Panthéon Victor Schoelcher et Félix Eboué.

Pour cette dernière séquence vont se succéder à mes côtés le vice-président du Sénat, Georges Patient, en sa qualité de président de la Société des amis de Gaston Monnerville, puis Madame Sylvie Derridj, nièce du président Gaston Monnerville qui, avec sa soeur Irène Trémolières que je salue également dans la salle, ont contribué par leur don à alimenter le Fonds Monnerville du Sénat. Je me retournerai ensuite vers mon collègue Olivier Serva, président de la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale qui nous fera part d'une initiative concernant la mémoire de Gaston Monnerville. Enfin, je donnerai la parole à Madame Derridj qui nous lira un extrait de « L'appel à la jeunesse », un discours prononcé par le président Gaston Monnerville à l'occasion d'une réunion de la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, ancêtre de la LICRA, le 30 octobre 1960.

Troisième séquence



30ème anniversaire de la disparition
du président Gaston Monnerville

Georges Patient
Sénateur de la Guyane
Vice-président du Sénat
Président de la Société des amis du président Gaston Monnerville

Monsieur le président du Sénat,

Monsieur le président de la Délégation aux outre-mer du Sénat, cher Stéphane Artano,

Monsieur le président de la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale, cher Olivier Serva,

Chers collègues parlementaires,

Mesdames et messieurs les maires,

Mesdames et messieurs,

Cher Stéphane, vous faites un grand honneur à tous les amis de Gaston Monnerville en lui consacrant du temps dans cette rencontre avec les maires et les élus d'outre-mer. Vous le savez, je préside la Société des Amis du président Gaston Monnerville qui s'est donné pour mission de le remettre à sa juste place dans la mémoire nationale et de lui exprimer de la façon la plus officielle cette reconnaissance nationale qui conduit au Panthéon.

Aussi, pouvoir évoquer ici, en ce lieu, qu'il déclarait se confondre avec sa propre vie me comble d'émotion. Gaston Monnerville est partout présent ici, que ce soit dans l'hémicycle, dans les salons de Boffrand, dans la galerie sud, en haut et en bas de l'escalier d'honneur. Dans quelque lieu que ce soit, on trouve Gaston Monnerville. Il a passé 28 années au Sénat, dont 22 en tant que Président. Plus qu'un record, un véritable attachement !

Oui, cher Stéphane Artano, Gaston Monnerville méritait d'être avec nous en ce jour consacré aux outre-mer. Je tenais à vous en remercier tout comme je voudrais saluer Jean-Pierre Bel, président du Sénat de 2011 à 2014, les anciens présidents Serge Larcher et Michel Magras, Éric Doligé, rapporteur de la mission commune d'information. Ils sont tous à l'origine de la création de notre délégation, de sa montée en puissance. Ils en ont fait un véritable outil pour nous permettre, nous ultramarins, de bien faire appréhender nos problématiques ultramarines trop souvent survolées dans les commissions permanentes.

Chers collègues, chers amis des outre-mer, de Gaston Monnerville on met le plus souvent en avant sa longue carrière au Sénat et ses différends avec le Général de Gaulle. Tout le monde connaît la formule « forfaiture » qu'on lui impute à tort, mais beaucoup ignorent encore Monnerville. Pourtant, ce dernier ne manquait pas d'ancrage territorial ultramarin : deux mandats de député de Guyane, un mandat de maire de Cayenne. Guyanais, Gaston Monnerville n'a jamais oublié qu'il l'était. Né à Cayenne, il a eu à coeur d'y faire supprimer en 1938 le bagne ouvert en 1854, qui constituait à ses yeux un obstacle majeur à l'intégration dans la République du territoire guyanais.

Dès 1937, comme sous-secrétaire d'État aux colonies, il défendra dans la même optique l'assimilation des « quatre vieilles » colonies et sera ensuite l'un des principaux artisans de la départementalisation de 1946 avec Aimé Césaire, député de la Martinique, Raymond Vergès, député de La Réunion et Léopold Bissol, député de la Guadeloupe. Son projet était alors de conférer à ces anciennes colonies, un siècle après l'abolition de 1848, une dignité définitive dans le cadre institutionnel et législatif d'un pays où régnait la liberté, l'égalité, la justice et la solidarité. Anciennes colonies, nouveaux départements, société assainie dont les membres sans considération de leur origine ethnique, de leur généalogie, de leur position sociale, devenaient définitivement des citoyens à part entière.

Dans la même foulée, il déposa une proposition de loi portant fondation d'un fonds d'investissement pour le développement économique et social des pays d'outre-mer qui, souligne-t-il, « a pour but de permettre que les richesses naturelles de ces territoires d'outre-mer soient enfin mises en valeur dans l'intérêt commun des membres de l'Union française, car ils ne sont pas faits uniquement par et pour la métropole comme l'avait voulu le Pacte colonial ». C'est ce FIDES qui est devenu peu après le FIDOM, fonds d'investissement pour le développement des outre-mer.

Et pourtant, 75 ans plus tard, nous nous heurtons encore à des problématiques qui montrent que si la dignité et la liberté sont acquises en droit, l'égalité, la justice et la solidarité ne le sont pas encore dans la réalité. Que l'on veuille bien se souvenir de l'intitulé de la loi de février 2017 relative à l'égalité réelle outre-mer. Il reste encore beaucoup à accomplir dans les esprits et dans les faits. Les valeurs défendues par Gaston Monnerville et la reconnaissance solennelle que nous voulons leur rendre à travers sa personne peuvent nous y aider. J'en suis persuadé.

On a un jour qualifié les outre-mer de confetti. Je préfère les voir comme les pièces d'un puzzle complexe dont il s'agit maintenant de rassembler les morceaux naguère dispersés, devrais-je dire discriminés. L'honneur que nous souhaitons rendre à la mémoire de Gaston Monnerville vise cet objectif : compléter notre puzzle national avec une pièce maîtresse qui symbolise tout à la fois les valeurs fondatrices de la République, une vie au service de l'intérêt général, le positionnement des outre-mer français au sein des problématiques politiques et sociales et la réalité incontournable d'une société française multiculturelle. Cette pièce maîtresse, c'est Gaston Monnerville.

Il faut voir Gaston Monnerville non comme un symbole désincarné, non comme le faire valoir d'une quelconque idéologie, mais comme un symbole qui peut, à côté de bien d'autres, nous faire vivre une histoire globale intégrant toutes ses composantes, en particulier celles que l'on a trop longtemps passées sous silence et qu'il est largement temps d'assumer de la façon la plus officielle, la plus monumentale, la plus auguste qui soit.

En tant que sénateur, en tant que président de la Société des amis du président Gaston Monnerville, je demande symboliquement que Gaston Monnerville soit transféré au Panthéon. Incinéré et ses cendres dispersées en mer, c'est son esprit à défaut de son corps, ce sont ses combats pour la France et ses engagements républicains que je souhaite voir célébrés au Panthéon. Cet homme a mérité la reconnaissance nationale. Il a incarné et porté haut les idéaux de la République française. Cet homme a travaillé inlassablement, parfois au péril de sa vie, à défendre une France grande, diverse et fière. Son destin exceptionnel a été injustement gommé de la mémoire collective à côté de tant d'autres, mais il a largement fait honneur à ce pays.

Stéphane Artano, président . - Merci cher Président. Cette séquence aurait été incomplète sans y associer sa famille, ceux qui l'ont côtoyé au plus près.

Sylvie Derridj
Nièce de Gaston Monnerville

Monsieur le président du Sénat,

Mesdames et messieurs,

Je suis très sensible à l'invitation du Sénat pour évoquer, à l'occasion du trentenaire de la disparition de mon oncle, le président Monnerville, certains aspects de sa vie privée et je vous en remercie.

Il fallait des qualités exceptionnelles pour accéder au sommet de l'État français lorsque vous êtes né 50 ans après la suppression de l'esclavage de vos ancêtres. Mon oncle a dû cette ascension à ses talents et aux valeurs républicaines de la France qu'il a appliquées et dont il se sentait redevable. Ce fut un homme d'action au service de l'humanité et de la démocratie.

D'une manière un peu plus inédite, je me propose de partager avec vous « quelques briques » qui constituent pour moi des souvenirs de jeunesse. Depuis l'âge de 5 ans, ma soeur et moi nous nous rendions toutes les semaines au Petit Luxembourg et aux petites vacances, dans les résidences de l'Oise ou de Corse de mon oncle. À cette occasion, il nous a insufflé sa chaleur humaine, sa vitalité, sa joie de vivre. Il nous communiquait aussi son sens de l'effort et du travail, sa droiture et son honnêteté. Il nous rappelait souvent avec émotion les douleurs indélébiles vécues dans sa jeunesse, en particulier le licenciement de son père, modeste fonctionnaire à Cayenne, au motif qu'il avait revendiqué le droit de voter librement, une décision de l'administration coloniale injuste qui s'abattait brutalement sur la famille ; la perte de deux frères lorsqu'il était encore très jeune, l'un brûlé dans son berceau et l'autre qui, avant de mourir, l'a prié de ne pas alerter leur mère ; la misère humaine profonde représentée par les bagnards blancs, libérés sans ressources, assignés à Cayenne, déambulant et dormant dans les rues, atteints de maladies tropicales ; son éloignement à 14 ans, à l'époque à un mois de bateau de sa terre natale pour faire, selon ce que sa tendre mère avait demandé, « ce que tu dois ». Toute sa vie, ses souvenirs l'ont poursuivi et l'ont guidé pour lutter contre l'injustice et les inégalités.

De son enfance, il avait aussi gardé l'amour de la nature. Il aimait les grands horizons. Quel que soit l'endroit où il habitait, il admirait les couchers du soleil pour lesquels il nous prenait à témoin. Il nous décrivait dans la nuit claire les différentes constellations et leur utilité dans la marine. En dehors des promenades à pied, qu'il pleuve ou non, il passait de longs moments à l'entretien de ses jardins. Bien souvent, il nous demandait de commencer à dîner sans lui à cause d'une dernière plante à remettre en place ou d'un feu d'automne de mauvaises herbes à surveiller avant que la nuit ne tombe. À la pelouse bien tondue, il préférait une prairie verte qu'il fauchait lui-même en aiguisant la longue lame recourbée de la vieille faux inusable. Ses soins pour faire repartir un rosier abandonné pendant plusieurs mois avaient pour terme l'éclosion d'une rose qui était d'autant plus appréciée qu'attendue.

Au travers du jardinage, il montrait son amour de la terre et de l'importance de semer pour récolter. Dans le même esprit, notre oncle s'employait à semer les graines du savoir chez les enfants en rendant cela attrayant. L'enseignement était selon lui une liberté fondamentale et il avait la volonté d'apprendre aux autres avec clarté et en fonction de leur appétence. Par exemple, en promenade à la campagne, il en profitait pour nous sensibiliser à l'utilité du remembrement. C'était un homme simple. Il ne fréquentait pas les diners en ville. Il connaissait la nature humaine, ses richesses, sa complexité et ses limites.

Fidèle à ses proches et ses amis, il savait faire apprécier à ses invités, dans la jovialité, le punch martiniquais en apéritif et le vin du Lot à table. Il avait une hygiène de vie régulière. Il savait associer effort et détente. Il pratiquait régulièrement gymnastique, exercices respiratoires, natation, marche, ski et la sieste. La nuit, il dormait sans chauffage, fenêtre ouverte. Concernant les arts, il pratiquait la flûte traversière et parfois le soir, au Petit Luxembourg, il jouait du Mozart. Néanmoins, Beethoven était son compositeur préféré. Il retrouvait certainement dans son oeuvre les valeurs que lui-même défendait : la construction d'une humanité meilleure, l'amour de l'homme, de sa liberté, de la justice, sans rompre avec la communauté sociale, la réconciliation de l'homme avec la nature. Il aimait fredonner sous sa douche aussi bien des airs d'opéra que des airs pierrotins issus de l'âme populaire martiniquaise ressuscitée par Stellio et Léardée.

Une valeur essentielle et libératrice qu'il transmettait était le travail. Celui-ci, quel que soit son domaine, devait être fait avec sérieux et goût. La précision dans ses démarches et ses actions laissait peu de marge à l'à-peu-près, et tous ceux qui ont travaillé avec lui en ont acquis et conservé une rigueur particulière. Tous les membres de son cabinet vous le diront. Son don de narrateur, avec souvent des notes d'humour, s'exprimait en famille lors du déjeuner. Le soir lorsque nous étions à la campagne, nous aimions l'écouter nous conter des histoires issues de son imagination et d'événements probablement vécus.

Pour finir, je vous conterai à mon tour une histoire vraie, pleine de coïncidences émouvantes entre un homme et un voilier.

Lorsqu'il était un jeune garçon, enjoué, gai et turbulent, il aimait observer du haut du promontoire de Cayenne où il était né, un magnifique trois-mâts nommé le Belem. Ce voilier le faisait rêver à la métropole vers laquelle il voguait. Or, le Belem a été fabriqué en 1896, un an avant la naissance du jeune Monnerville, à Nantes, un port négrier et une ville dans laquelle Monnerville, devenu avocat, s'est illustré en s'élevant contre la politique coloniale de la France, ce, en défendant des insurgés de Cayenne et le respect de leurs droits. De Nantes, Monnerville est né à la vie politique comme le voilier.

En 1902, le Belem a échappé au désastre de l'éruption de la montagne Pelée à la grâce d'un bateau qui avait pris sa place dans la rade de Saint-Pierre-de-la-Martinique. Malveillance aux dires de mon oncle qui, de la même manière, lui a permis de devenir Président du Conseil de la République au lieu d'une réélection qui eut été légitime en tant que député de la Guyane, et ce, pour 22 ans. Quel destin ! Enfin, en 1981, la rencontre entre l'homme et le voilier. Alors qu'il se rendait à pied de l'avenue Raymond Poincaré où il habitait au Conseil constitutionnel dont il était membre, le président Monnerville tombe sur le Belem, amarré sur les bords de la Seine. Bonheur personnel qu'il a rapidement souhaité partager avec ses proches, et d'abord avec les plus jeunes. Le Belem a été classé monument historique en 1984. Il est devenu l'un des plus grands voiliers-écoles civils au monde à accueillir du public en navigation en haute mer, lieu où les cendres de mon oncle ont été répandues. Quelle coïncidence !

De passage sur cette terre parmi les hommes, il a « fait ce que doit » et sa volonté était que soient poursuivies certaines de ses actions pour les jeunes générations : défendre la démocratie, respecter un équilibre entre les pouvoirs, notamment un bicamérisme représentant l'individu et le collectif, un Sénat ayant des pouvoirs législatif, politique et social, veiller à la représentation des citoyens des « quatre vieilles » à égalité avec ceux de la métropole, respecter l'homme et sa diversité, respecter la Constitution qui protège et libère le peuple. Pour cela, il nous avait offert en 1961, à ma soeur et moi, son discours intitulé : « Cette puissante flamme, l'espérance ». En dédicace, il avait ajouté de sa plume à l'encre violette ses souhaits de bonheur dans une société où doivent triompher la fraternité et la compréhension humaines. C'est aujourd'hui ce que nous vous souhaitons à tous.

Notre oncle, le président Gaston Monnerville, appliquait les mêmes principes sans distinction entre sphère publique et sphère privée et sans compromission.

Je vous remercie de votre attention.

Stéphane Artano, président . - Merci pour ce témoignage inédit, sensible et personnel. Avant de vous redonner la parole pour la lecture d'un extrait de ce discours, j'invite mon collègue Olivier Serva à la tribune pour nous faire part d'une initiative commune concernant la mémoire de Gaston Monnerville.

Olivier Serva
Président de la Délégation aux outre-mer de l'Assemblée nationale

Monsieur le président du Sénat, monsieur Gérard Larcher,

Monsieur le président de la Délégation aux outre-mer du Sénat, cher Stéphane Artano,

Monsieur le président Georges Patient, président de la Société des amis de Gaston Monnerville,

Mesdames et messieurs les sénateurs et députés,

Chers amis, collègues des outre-mer, élus, maires, conseillers municipaux et intercommunautaires des outre-mer ;

Mesdames, Messieurs,

Tout d'abord, à propos de rhum puisqu'il en a été question, j'aimerais moi aussi raconter une anecdote. Voilà vingt ans, mon beau-frère martiniquais et moi, guadeloupéen, fêtions Noël. Bien évidemment le Guadeloupéen que je suis pense que le meilleur rhum vieux vient de Guadeloupe, mon beau-frère pensant quant à lui que le meilleur rhum vieux du monde vient de Martinique. Au bout de quelques verres, nos amis, embarrassés par nos échanges, nous proposèrent un test à l'aveugle. Figurez-vous qu'à l'issue de ce test à l'aveugle, j'ai préféré le rhum vieux martiniquais et lui le rhum vieux guadeloupéen. Je peux vous dire qu'après cela nous avons bu sans jamais trop évoquer ce sujet !

Chers amis, nous sommes réunis aujourd'hui pour honorer la mémoire d'un des personnages les plus importants de la vie politique française du XX e siècle, une figure politique majeure qui aura traversé trois Républiques. Élu député en 1932 sous la III e République, il fut Président du Conseil de la République sous la IV e République, puis Président du Sénat sous la V e République.

Mais nous ne sommes pas réunis aujourd'hui seulement pour honorer sa mémoire. Nous avons aussi l'objectif commun d'obtenir l'entrée de Gaston Monnerville dans ce temple laïc de la République qu'est le Panthéon. Il s'agit tout simplement de réparer une injustice. Oui, s'il a été fasciné par le Général de Gaulle au point d'entrer dans la Résistance, Gaston Monnerville a aussi osé s'opposer au fondateur de la V e République lors du référendum de 1969 qui avait menacé de remettre en cause le rôle et l'existence même du Sénat. C'est cet acte que les Gaullistes ne lui pardonnèrent pas, oeuvrant à rejeter dans l'oubli cet homme qui avait aussi le défaut d'avoir la peau noire et d'être originaire de Cayenne en Guyane, c'est-à-dire des outre-mer comme nous disons aujourd'hui, des colonies comme nous disions naguère.

C'est au nom de ces préjugés raciaux, bien que ce fut non dit, que les parlementaires allèrent jusqu'au 13 ème tour de scrutin pour élire un Président de la République, René Coty qui, au départ, n'avait pas fait acte de candidature, dans le but d'empêcher ce petit-fils d'esclaves d'accéder à la magistrature suprême. Mais 30 ans après sa mort, nous sommes nombreux à plaider pour que Gaston Monnerville soit accueilli au Panthéon.

Comme vous l'avez si bien dit, Monsieur le Président Gérard Larcher, celui qui présida à l'entrée au Panthéon de Victor Schoelcher et de Félix Éboué mérite de les rejoindre aujourd'hui. Comme vous, cher sénateur Georges Patient, je considère qu'il est temps d'ouvrir à Gaston Monnerville les portes du Panthéon et qu'il est nécessaire que la République soit moins timide pour intégrer à sa légende des siècles sa diversité native, sa France équinoxiale comme dirait Gaston Monnerville.

La France doit rendre à Gaston Monnerville ce qu'il a donné à la République, ce qui relève d'une obligation morale. Gaston Monnerville aurait pu devenir le premier président noir de la République française. Sa couleur de peau, puis son opposition au Général de Gaulle lui valurent un long et injuste ostracisme. Bien qu'il ait occupé les plus hautes fonctions de l'État et qu'il se fut illustré par un engagement sans faille au nom de l'idéal républicain pour la justice et l'égalité, un autre trait de son caractère tenait à son « allégeance quasi religieuse au droit et à la loi », écrivait le sociologue André Passeron à l'occasion de sa disparition en 1991.

Il est temps désormais de rendre justice à ce grand homme en lui reconnaissant la digne place qu'il doit occuper parmi nos compatriotes les plus illustres, sa place au Panthéon. C'est la raison pour laquelle je serai fier et honoré de cosigner avec vous, Monsieur le président de la Délégation aux outre-mer du Sénat, la lettre au Président de la République pour demander la panthéonisation de Gaston Monnerville.

Je vous remercie pour votre attention.

Stéphane Artano, président . - Bien évidemment, cher Olivier, à la suite du président Gérard Larcher, la Délégation sénatoriale aux outre-mer soutient cette action pour faire en sorte que Gaston Monnerville fasse son entrée au Panthéon. Il s'agit là d'un exemple supplémentaire des collaborations possibles entre nos délégations. Celle-ci est éminemment symbolique au sens des valeurs de la République.

Madame Derridj, je vous donne la parole pour la lecture d'un extrait de « L'appel à la jeunesse ».

Sylvie Derridj . - J'avoue que je suis un peu émue de relire ce discours difficile, qui a été prononcé comme un appel à la jeunesse à l'occasion d'une réunion à la LICA, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, en 1960. C'est un appel important et émouvant. J'espère que vous serez imprégnés de ce message d'action.

« Ne désespérez pas ! Ne désespérez jamais !

L'homme d'action est celui qui sait faire face à toutes les difficultés. L'homme d'action est celui qui sait que le service de la vérité, le service de la justice est le plus dur service. C'est celui qui sait qu'il trouvera souvent dressés devant lui les obstacles et incompréhensions, mais dont l'énergie, la volonté sont sans cesse revigorés par ces obstacles eux-mêmes. L'homme d'action, c'est celui qui n'accepte jamais d'être vaincu.

J'ajoute encore : la France n'a jamais désespéré aux heures les plus lourdes de son histoire. Sa jeunesse n'a jamais permis qu'on altérât son visage auréolé de sereine humanité.

Nous comptons sur vous pour être, avons-nous le droit de vous le dire, puisqu'en des jours difficiles nous avons combattu et nous continuons à combattre pour la sauvegarde de son renom et de son patrimoine humain, les peuples libres en charge d'âme.

Notre mission est simple, elle est de maintenir et de sauvegarder liberté, égalité dans le monde. Notre mission est claire, c'est de faire en sorte que les frères restent unis pour la sauvegarde de leur commun foyer de civilisation. Si nous hésitons, si nous renonçons, craignons que les pierres du foyer ne puissent plus s'assembler que pour un mausolée.

Mais notre réunion d'aujourd'hui témoigne de notre volonté de maintenir. Volonté, confiance doivent constituer le moteur essentiel de notre action constamment constructive, vertus qui permettent aux peuples libres de faire face aux plus dures épreuves, de ressurgir plus résolus que jamais à l'instant même où on les croyait disparus, de s'élever jusqu'aux plus hauts sommets et de réanimer les volontés défaillantes à cette puissance flamme qui est l'espérance ».

COURRIER ADRESSÉ AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Clôture

Gérard Larcher
Président du Sénat

Monsieur le vice-président du Sénat, cher Georges Patient,

Monsieur le président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer, cher Stéphane Artano,

Mes chers collègues députés et sénateurs, anciens sénateurs,

Mes chers collègues maires, présidents d'associations départementales d'outre-mer, maires adjoints, conseillers municipaux,

Mesdames et messieurs,

Chère madame Derridj,

Chers amis,

Il me revient de vous souhaiter à nouveau la bienvenue au Sénat.

Je veux tout d'abord remercier le président Stéphane Artano et mes collègues membres de la Délégation sénatoriale aux outre-mer pour leur initiative qui permet à la fois de montrer l'importance et la place des outre-mer dans nos travaux au Sénat, ainsi que la nécessité permanente de construire la loi avec vous, élus des collectivités ultramarines. Les échanges que vous venez d'avoir, notamment sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale, illustrent cette volonté de travail en commun.

Cette initiative a également le mérite de mettre en évidence l'engagement de nos collègues membres de la délégation et de l'équipe administrative qui l'entoure. Qu'ils soient élus ultramarins ou élus de l'Hexagone, tous s'attachent depuis la création de la délégation à éclairer et enrichir, souvent sur des sujets complexes, la réflexion de notre Haute assemblée. Ils ont su privilégier les intérêts très divers de vos territoires sur les logiques partisanes et ainsi contribuer à la solidité de nos travaux.

C'est sous la présidence de Jean-Pierre Bel qu'a été créée la délégation qui faisait suite au Comité de suivi des conclusions d'une mission commune d'information sur la situation des départements d'outre-mer en 2009. Je me réjouis de retrouver aujourd'hui parmi nous les présidents Serge Larcher, que j'appelais affectueusement mon cousin, ancien sénateur de la Martinique et Michel Magras, ancien sénateur de Saint-Barthélemy. Tous deux avec leur sensibilité propre, avec leur savoir-faire, ont su tracer pour notre délégation sénatoriale de nouvelles perspectives, lancer des études de fond sur des sujets divers, mais importants pour vos collectivités, formuler de nombreuses propositions dont certaines ont inspiré des dispositions législatives et faciliter l'ouverture du Sénat à vos territoires en organisant des événements thématiques réunissant des acteurs de terrain venus des trois bassins océaniques. Au fond, je crois réellement que ces événements ont contribué à une meilleure visibilité des outre-mer.

L'action que mène actuellement Stéphane Artano à la présidence de notre délégation, en raison de sa connaissance des enjeux de chacun de vos territoires, m'apparaît bien s'inscrire dans les pas de ses prédécesseurs. C'est donc pour moi un vrai plaisir de conclure cette réunion. Vous qui formez en tant qu'élus locaux le premier maillon de la démocratie, vous êtes par là même les acteurs essentiels de la République.

D'après les études d'opinion, en particulier celle d'Odoxa-CGI, 68 % des Français considèrent en effet, qu'ils soient dans l'Hexagone ou les outre-mer, que le maire est l'élu qui comprend le mieux leurs préoccupations. C'est donc naturellement vers vous qu'ils se tournent lors des crises sociales ou des crises sanitaires comme celle que nous venons de connaître alors que dans le même temps votre action est souvent entravée par la situation financière de vos collectivités.

Ces crises nous rappellent que vos territoires sont particulièrement vulnérables en raison de fragilités structurelles. L'épidémie de Covid-19 a mis en évidence des retards flagrants par rapport à la réalité hexagonale, notamment en matière d'équipements sanitaires ou d'équipements médico-sociaux. C'est l'ancien président de la Fédération hospitalière de France que j'ai été jadis qui vous le dit et le confirme.

Notre assemblée ne pouvait rester insensible face à une telle situation au moment du pic pandémique. Elle se devait de porter vos préoccupations dans le débat national. La mission commune d'information destinée à évaluer les effets des mesures prises ou envisagées en matière de confinement ou de restrictions d'activité, mais aussi des suites à tirer du phénomène de pandémie, y contribuera, j'en suis certain, par ses préconisations. Elle devra dégager des propositions concrètes pour éviter la réitération de situations dramatiques comme celle que nous avons connue en Polynésie ou en Guyane, et en particulier en Martinique et en Guadeloupe. En l'espace d'un mois, ces collectivités ont dû faire face à une crise que l'Hexagone a subie sur 18 mois.

Il est par ailleurs essentiel, comme le suggère le rapport de notre délégation sur l'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du Covid-19, d'aller vers plus d'autonomie sanitaire. Celle-ci ne pourra s'obtenir que par une approche stratégique régionale, notamment par le biais d'incitations fiscales à l'investissement destinées à faciliter la structuration de filières de production localisée. Je pense aux masques. Je pense aux réactifs. Je pense à l'oxygène. Par ailleurs, en plus des aides à l'installation de nouveaux praticiens, il est nécessaire de veiller au développement de la télémédecine dans les territoires sous-équipés. Je pense notamment à Mayotte.

Le Sénat propose de donner plus de responsabilités aux collectivités dans la déclinaison des politiques de santé. Il a ainsi modifié le projet de loi « 3DS » que nous transmettons à nos collègues députés à partir du 6 décembre, pour confier une co-présidence de l'agence régionale de santé au président de région de collectivité et pour réaffirmer la nécessité d'une tutelle unique des établissements sociaux et médico-sociaux, attribuée aux départements. Nous serons particulièrement vigilants sur ce dossier.

Cette crise sanitaire a aussi montré la nécessité de mener une réflexion sur l'exercice des compétences propres aux collectivités autonomes de Polynésie française ou de Nouvelle-Calédonie. Ces dernières considèrent que l'exercice de leurs compétences s'est trouvé limité par l'exercice par l'État de ses propres compétences. Une clarification ou à tout le moins une meilleure coordination pourrait éviter cette perception négative qui peut être source inutile de tension.

Cette crise a mis en lumière le poids prépondérant de certains secteurs économiques. Je pense en particulier au tourisme qui a fait l'objet de plusieurs colloques organisés par votre délégation. Fer de lance de l'activité économique de nombre de vos collectivités, ce secteur pourvoyeur d'emploi et de lien social représente en moyenne 10 % du produit intérieur brut. Il se trouve aujourd'hui dans une grande difficulté. Sans minimiser le rôle de l'État ou les moyens importants débloqués pour affronter cette crise, celle-ci ne pourra être surmontée sans tenir compte des besoins spécifiques à chaque territoire, de la structure de son économie et de son statut juridique.

L'État ne peut pas tout à lui seul. Il doit faire confiance aux collectivités qui, je le rappelle, ne sont pas des opérateurs des politiques de l'État ni des agents de l'État sur le territoire, mais des acteurs majeurs promoteurs de leurs propres actions en réponse aux besoins des territoires.

Le Sénat, sous l'impulsion du président Michel Magras, a beaucoup réfléchi au concept de différenciation territoriale. Je sais que cela a pu déranger certains. Ce concept représente une manière de concevoir la démocratie locale pour mieux l'adapter aux territoires. Cela vaut dans les outre-mer, mais aussi en métropole. La différenciation constitue à mes yeux le moyen de mettre en adéquation l'environnement normatif de vos collectivités avec l'objectif de leur développement. Les travaux préparatoires au volet outre-mer des 50 propositions du Sénat pour une nouvelle génération de la décentralisation ont montré l'urgence d'une refondation de la relation entre l'État et les outre-mer. Nous les avons d'ailleurs transmis au Président de la République en juillet 2020, comme contribution au Plan de relance après pandémie.

Cette relation doit passer par une réforme de l'exercice des libertés locales. Je suis convaincu qu'un État fort est aussi un État qui fait confiance à ses territoires. Corriger les excès d'une gouvernance de l'État qui apparaît aujourd'hui verticale contribuerait à terme à conforter l'État lui-même. Je plaide comme président du Sénat, depuis longtemps, pour inverser le logiciel et changer en profondeur le modèle d'organisation des pouvoirs locaux. Le Sénat porte avec constance une vision exigeante de la décentralisation. Il s'est prononcé à de nombreuses reprises en faveur d'une autonomie accrue, d'une subsidiarité renforcée et d'une différenciation mieux reconnue pour l'exercice des libertés locales.

Cette vision de la décentralisation ne peut se concevoir sans une réelle autonomie financière des collectivités. Absent du projet de loi « 3DS », ce sujet essentiel pour vos collectivités en dit long encore sur une absence de culture décentralisée au sommet de l'État. L'autonomie financière et fiscale est pourtant le premier des principes de libre administration des collectivités territoriales. Vous qui connaissez au quotidien les difficultés financières de vos communes et les besoins insatisfaits de vos populations, comprenez la nécessité de vous redonner la capacité financière de remplir les missions qui vous sont dévolues.

Si l'on ne peut que se réjouir de la dynamique de rattrapage des dotations engagée par l'État en 2020 à la suite du rapport de notre collègue Georges Patient, il est important que ce rattrapage se poursuive, ainsi que les mesures d'accompagnement de vos collectivités dans une logique à la fois de soutien et de responsabilisation.

Cette évolution de l'organisation des pouvoirs locaux doit également passer par une plus large diffusion d'une culture des outre-mer. Nos délégations parlementaires, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, y concourent, mais cela doit être renforcé. La proposition du Président Magras en 2017, adoptée par notre assemblée lors de l'examen de la loi « Égalité réelle » encourageait la création d'une chaire d'excellence sur les outre-mer. Nous avons vu sa concrétisation cet après-midi avec Martial Foucault. Lorsqu'il aura ajouté Saint-Martin et Saint-Barthélemy à son sondage, nous pourrons faire un point général sur l'ensemble des outre-mer.

Vous me permettrez de souligner qu'il faut également inculquer une meilleure connaissance des outre-mer aux ultramarins eux-mêmes qui souvent méconnaissent les autres territoires, leur statut, leurs compétences respectives. Cette meilleure connaissance constituerait un atout non négligeable pour leur propre territoire. Je voudrais profiter de la présence d'Éric Doligé pour le remercier, parce qu'il est le métropolitain du Loiret qui a fait, le premier, prendre conscience de l'importance pour les métropolitains d'acquérir cette culture des outre-mer.

Comme vous avez pu le constater cet après-midi au travers des orateurs qui se sont exprimés, le Sénat est attentif aux problématiques de vos collectivités. Afin de faciliter ce dialogue permanent avec les élus locaux et pour la préparation des projets de loi, le Sénat s'est doté d'une plateforme interactive de consultation des élus. Cet outil recueille à chaque consultation plusieurs milliers de réponses. Il constitue une ligne directe avec vous. Emparez-vous de cet outil ! Exprimez-vous ! Je peux vous assurer que cet outil est tout à fait essentiel dans le dialogue avec vos sénateurs, avec les outre-mer, avec les travaux que nous conduisons ici au Sénat.

Avant de conclure, évoquons quelques défis que vous devez relever. Premier défi, la conciliation de l'objectif de développement et de l'impératif de préservation des biodiversités. Défi encore plus fort, me semble-t-il, en outre-mer en raison de surfaces terrestres réduites et de la présence de 80 % de la biodiversité nationale. C'est dire les enjeux, les défis à relever, les risques encourus. Aucune politique locale n'est neutre en matière de biodiversité. D'ailleurs, dans la réunion de l'Union interparlementaire à Glasgow, ce point a été rappelé : nous ne pouvons pas évoquer ces sujets sans évoquer l'importance, le rôle et la place des collectivités territoriales dans le traitement des sujets environnementaux, climatiques et de biodiversité, qu'il s'agisse de l'urbanisme, de l'agriculture, du tourisme, de la gestion de l'eau, du transport public, des déchets, mais aussi de l'air. C'est pourquoi nous avons proposé l'examen par le Parlement d'une loi annuelle d'actualisation du droit des outre-mer pour adapter au fil du temps la législation à vos contraintes spécifiques.

Second sujet, les questions de sécurité et d'immigration que ne manquent pas de relayer vos sénateurs et sénatrices. Des attentes fortes sont exprimées par nos compatriotes des outre-mer. Sur ces questions, notre commission des lois est mobilisée. Ainsi, à la demande des élus mahorais, elle a créé une mission sur l'insécurité dans ce département qui a posé un diagnostic objectif et adressé des propositions claires et concrètes pour faire face à des problèmes récurrents dont souffrent au quotidien nos compatriotes de Mayotte et qui ne cessent d'ailleurs de s'aggraver. Notre Assemblée est là encore, restée fidèle à sa mission constitutionnelle de représentation des territoires, comme elle l'a été en répondant aux demandes exprimées par les élus polynésiens de mener une réflexion sur les problèmes spécifiques rencontrés par leurs communes, que ce soit des charges de personnel très lourdes, des ressources fiscales insuffisantes et surtout des intercommunalités restant à bâtir dans l'objectif d'actions publiques plus efficientes par la mutualisation des moyens.

Parmi les travaux récents de la délégation, je souhaite revenir sur un sujet important concernant la politique du logement outre-mer, qui me paraît un sujet majeur. La question du logement est au centre des attentes de vos populations, au centre de vos préoccupations. Les rapporteurs de notre Délégation ont cherché à éclairer les causes de l'écart abyssal entre besoins et réalisations : 80 % d'habitants éligibles à un logement social pour seulement 15 % de bénéficiaires. Par leurs propositions, ils ont souhaité replacer vos territoires au coeur des dispositifs concernés et faire de l'habitat ultramarin un modèle d'adaptation et d'innovation.

Replacer la politique du logement au plus près des territoires comme le suggère notre délégation nous paraît indispensable, car les besoins varient d'un territoire à l'autre en raison notamment des évolutions démographiques et des habitudes locales. L'État a annoncé voilà quelques semaines des mesures reprenant plusieurs propositions du Sénat permettant d'ajuster les dispositifs aux réalités locales et de rompre avec la méthode descendante qui a prévalu ailleurs. Ce qui est bon pour Rambouillet n'est pas automatiquement bon pour la Guadeloupe, la Martinique ou ailleurs.

À quelques semaines de la présidence française de l'Union européenne, je ne peux passer sous silence la vigilante attention exercée par notre délégation et par moi-même dans le cadre des conférences parlementaires que nous allons mener sur les dossiers européens ayant un impact sur les économies et le développement des régions ultrapériphériques. Cette vigilance s'est ainsi portée sur les négociations du cadre financier pluriannuel 2021-2027, ainsi que sur la nécessaire reconduction de dispositifs fiscaux dérogatoires autorisés par l'Union européenne, tels l'octroi de mer ou l'aide fiscale au rhum. Ces sujets ont été fortement poussés par nos collègues et soutenus par l'ensemble du Sénat.

Ce travail aux côtés des parlementaires et du gouvernement a été fructueux. Le Sénat est bien la maison des territoires. L'élection à la présidence du Conseil de la République, puis du Sénat pendant plus de vingt ans de Gaston Monnerville, un élu originaire de la Guyane, en est une illustration. Originaire de Guyane, sénateur du Lot, il fallait le faire ! Par son histoire, Gaston Monnerville a incarné la diversité, l'engagement, l'audace, l'indépendance et le courage au service de l'idéal républicain. Homme de combat, il a lutté pour la justice et la liberté, aussi bien pendant la guerre face à l'ennemi, face au nazisme, au sein de la Résistance, tout comme il a lutté pour la justice et la liberté dans les prétoires en qualité d'avocat, de défenseur des droits de l'homme.

Homme d'État, il a atteint de hautes fonctions politiques sans jamais renier ses origines ni ses convictions. Il a su dépasser les frontières invisibles des préjugés, qu'ils soient sociaux, raciaux, politiques ou culturels. Je n'oublie pas, comme président du Sénat, qu'il fut un apôtre inlassable du bicamérisme et de ce qu'il représente. Reconnaître l'engagement de Gaston Monnerville, c'est reconnaître au fond, au-delà même de cette personnalité exceptionnelle, la grandeur et la dignité de la vocation politique.

Pour cet ensemble de raisons, j'ai apporté mon soutien à tous ceux qui désirent qu'il soit porté au Panthéon. Il est vrai qu'il a veillé à l'entrée au Panthéon de Félix Éboué et Victor Schoelcher. Ce symbole, outre la juste reconnaissance de la Nation, me paraîtrait un message à des jeunes issus notamment de vos différents territoires pour leur montrer que la République peut offrir à chacune et chacun d'entre eux la promesse de développer ses talents et de croire qu'être promu dans la République a un sens.

Le Sénat ne consacre pas seulement une journée par an aux outre-mer ; il s'y consacre tous les jours. Depuis quatre ans, j'ai un déficit absolu de visites en outre-mer que je vais m'efforcer de combler pour retrouver l'équilibre des choses. À chaque fois, ce voyage m'enrichit. Vivent les outre-mer, vive la République et vive la France !

ANNEXES



LISTE DES RAPPORTS DE LA DÉLÉGATION
DE 2011 À 2021

2011-2012

Mémoires croisées : rencontre du 9 mai 2012

Rapport d'information n° 609 du 22 juin 2012 , par M. Serge LARCHER

2012-2013

Outre-mer, une mémoire audiovisuelle à partager : Rencontre du 12 novembre 2012

Rapport d'information n° 121 du 12 novembre 2012 , par M. Serge LARCHER

Le développement humain et la cohésion sociale dans les outre-mer : Conférence-débat du 23 novembre 2012

Rapport d'information n° 159 du 23 novembre 2012 , par M. Serge LARCHER

La France dans le Pacifique : Quelle vision pour le 21 e siècle ? Colloque du 17 janvier 2013

Rapport d'information n° 293 du 25 janvier 2013 , par M. Serge LARCHER

L'aide fiscale à l'investissement outre-mer : Levier incontournable du développement. 10 propositions pour en optimiser l'impact

Rapport d'information n° 628 du 5 juin 2013 , par MM. Éric DOLIGÉ et Serge LARCHER

L'audace ultramarine en hexagone : Comment s'exprime-t-elle ? Comment s'incarne-t-elle ?

Rapport d'information n° 862 (2012-2013) du 25 septembre 2013, par M. Serge LARCHER

2013-2014

Le Sénat rend hommage à Aimé Césaire

Rapport d'information n° 98 (2013-2014) du 24 octobre 2013, par M. Serge LARCHER

Histoires Mémoires croisées : Des chapitres oubliés de l'Histoire de la France

Rapport d'information n° 149 (2013-2014) du 14 novembre 2013, par M. Serge LARCHER

Les zones économiques exclusives ultramarines : Le moment de vérité

Rapport d'information n° 430 (2013-2014) du 9 avril 2014, par MM. Jean-Étienne ANTOINETTE , Joël GUERRIAU et Richard TUHEIAVA

Un kaléidoscope de l'autonomie locale : Théorie, pratique institutionnelle et déclinaisons ultramarines

Rapport d'information n° 452 (2013-2014) du 11 avril 2014, par M. Serge LARCHER

Trois clés pour l'avenir universitaire aux Antilles et en Guyane : Territorialité, attractivité, solidarité

Rapport d'information n° 470 (2013-2014) du 17 avril 2014 au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer, par Mme Dominique GILLOT et M. Michel MAGRAS

Histoires Mémoires croisées : Des champs de bataille aux réécritures de l'Histoire coloniale

Rapport d'information  n° 705 (2013-2014) du 9 juillet 2014, par M. Serge LARCHER

Les niveaux de vie dans les outre-mer : Un rattrapage en panne ?

Rapport d'information n° 710 (2013-2014) du 9 juillet 2014, par MM. Éric DOLIGÉ et Michel VERGOZ

2014-2015

Domaines public et privé de l'État outre-mer : 30 propositions pour mettre fin à une gestion jalouse et stérile

Rapport d'information n° 538 (2014-2015) du 18 juin 2015, par MM. Thani MOHAMED SOILIHI , Joël GUERRIAU , Serge LARCHER et Georges PATIENT

Entreprises et dynamiques sectorielles du Pacifique

Rapport d'information n° 567 (2014-2015) du 26 juin 2015, par M. Michel MAGRAS

Biodiversités des outre-mer et changement climatique

Rapport d'information n° 698 (2014-2015) du 18 septembre 2015 au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement du territoire et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, par MM. Jérôme BIGNON et Jacques CORNANO

2015-2016

Une bannière verte et bleue pour un renouveau du tourisme dans les outre-mer

Rapport d'information n° 1 (2015-2016) du 1 er octobre 2015, par M. Michel MAGRAS

Les outre-mer français face au défi du changement climatique : Une contribution concrète à l'agenda des solutions

Rapport d'information n° 131 (2015-2016) du 3 novembre 2015 au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement du territoire et de la délégation sénatoriale à l'outre-mer, en conclusion des travaux du groupe de travail commun, par MM. Jérôme BIGNON et Jacques CORNANO

Sucre des régions ultrapériphériques en danger

Rapport d'information n° 247 (2015-2016) du 10 décembre 2015, par Mme Gisèle JOURDA et M. Michel MAGRAS

Défis et opportunités des collectivités françaises des Amériques

Rapport d'information n° 621 (2015-2016) du 23 mai 2016, par M. Michel MAGRAS

La sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer

Rapport d'information n° 721 (2015-2016) du 23 juin 2016, par MM. Thani MOHAMED SOILIHI , rapporteur coordonnateur, Mathieu DARNAUD et Robert LAUFOAULU , rapporteurs

Agricultures des outre-mer : Pas d'avenir sans acclimatation du cadre normatif

Rapport d'information n° 775 (2015-2016) du 7 juillet 2016, par M. Éric DOLIGÉ , rapporteur coordonnateur, M. Jacques GILLOT et Mme Catherine PROCACCIA , rapporteurs

2016-2017

Innover dans le tourisme outre-mer, la clé du succès

Rapport d'information n° 232 (2016-2017) du 15 décembre 2016, par M. Michel MAGRAS

Mutations et perspectives pour les économies des territoires français de l'océan Indien

Rapport d'information n° 571 (2016-2017) du 2 juin 2017, par M. Michel MAGRAS

Le BTP outre-mer au pied du mur normatif : Faire d'un obstacle un atout

Rapport d'information n° 601 (2016-2017) du 29 juin 2017, par M. Éric DOLIGÉ , rapporteur coordonnateur, Mmes Karine CLAIREAUX et Vivette LOPEZ , rapporteurs

Conflits d'usage en outre-mer : Un foncier disponible rare et sous tension

Rapport d'information n° 616 (2016-2017) du 6 juillet 2017, par MM. Thani MOHAMED SOILIHI , rapporteur coordonnateur, Daniel GREMILLET et Antoine KARAM , rapporteurs

Bilan triennal d'activité

Rapport d'information n° 617 (2016-2017) du 6 juillet 2017, par M. Michel MAGRAS

2017-2018

Biodiversités ultramarines : Laboratoires face au changement climatique

Rapport d'information n° 426 (2017-2018) du 13 avril 2018, par M. Michel MAGRAS

Biodiversités du vaste Pacifique : Quelle valorisation d'un endémisme exceptionnel ?

Rapport d'information n° 533 (2017-2018) du 1er juin 2018, par M. Michel MAGRAS

Révéler l'ancrage local des économies ultramarines : Outils et bonnes pratiques

Rapport d'information n° 597 (2017-2018) du 22 juin 2018, par M. Michel MAGRAS

Risques naturels majeurs : Urgence déclarée outre-mer

Rapport d'information n° 688 (2017-2018) Tome 1 et Tome 2 du 24 juillet 2018, par MM. Guillaume ARNELL , rapporteur coordonnateur, Mathieu DARNAUD et Mme Victoire JASMIN , rapporteurs

2018-2019

Cohésion, performance, rayonnement : Quels tremplins pour le sport en outre-mer ?

Rapport d'information n° 140 (2018-2019) Tome 1 (rapport) et Tome 2 (auditions) du 20 novembre 2018, par Mmes Catherine CONCONNE , Gisèle JOURDA , Viviane MALET et Lana TETUANUI

L'engagement des femmes outre-mer : Un levier clé du dynamisme économique

Rapport d'information n° 348 (2018-2019), par Mme Annick BILLON et M. Michel MAGRAS

Les outre-mer dans l'audiovisuel public : Face au risque d'invisibilité totale, le défi du média global

Rapport d'information n° 439 (2018-2019) Tome 1 (rapport et annexes) Tome 2 (auditions), du 9 avril 2019, par M. Maurice ANTISTE et Mme Jocelyne GUIDEZ

Biodiversité du bassin Atlantique : Un gradient latitudinal source d'une richesse exceptionnelle mais vulnérable

Rapport d'information n°557 (2018-2019), par M. Michel MAGRAS

2019-2020

Risques naturels majeurs : Reconstruction et résilience des territoires et des populations

Rapport d'information n° 122 Tome 1 (rapport) et n° 122 Tome 2 (auditions) du 14 novembre 2019, par MM. Guillaume ARNELL , rapporteur coordonnateur, Abdallah HASSANI et Jean-François RAPIN , rapporteurs

Rencontre avec les maires et élus d'outre-mer le 18 novembre 2019

Rapport d'information n° 211 (2019-2020) du 18 décembre 2019 par M. Michel MAGRAS , président

Violences faites aux femmes dans les outre-mer

Rapport d'information n° 362 (2019-2020) du 3 mars 2020, par Mme Annick BILLON et M. Michel MAGRAS , fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

L'urgence économique outre-mer à la suite de la crise du Covid-19

Rapport d'information n° 620 (2019-2020) du 9 juillet 2020, par M. Stéphane ARTANO , Mmes Viviane ARTIGALAS et Nassimah DINDAR , fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Enjeux financiers et fiscaux européens pour les outre-mer en 2020

Rapport d'information n° 651 du 16 juillet 2020, par Mme Vivette LOPEZ , M. Gilbert ROGER et Dominique THÉOPHILE , fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer

Rapport triennal (2017-2020) d'activité de la délégation

Rapport d'information n° 652 du 16 juillet 2020, par M. Michel MAGRAS

Différenciation territoriale outre-mer : quel cadre pour le sur-mesure ?

Rapport d'information n° 713 du 21 septembre 2020, par M. Michel MAGRAS

2020-2021

Les biodiversités de l'océan Indien, au coeur d'un nouveau modèle de développement - Actes du colloque du 20 mai 2021

Rapport d'information n° 624 (2020-2021) du 21 mai 2021 - par M. Stéphane ARTANO

La politique du logement dans les outre-mer

Rapport d'information n° 728 (2020-2021) du 1 er juillet 2021 Tome 1 (rapport) et Tome 2 (auditions) par M. Guillaume GONTARD , Mme Micheline JACQUES et M. Victorin LUREL , fait au nom de la délégation sénatoriale aux outre-mer

2021-2022

Gaston Monnerville - L'héritage"

Rapport d'information n° 100 (2021-2022) du 25 octobre 2021 - par M. Stéphane ARTANO

Rencontre avec les maires et élus d'outre-mer

Rapport d'information n° 149 (2021-2022 ) du 15 novembre 2021 - par M. Stéphane ARTANO

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Enracinement, atouts maritimes et panthéonisation pour la
2 ème Rencontre avec les maires et élus des outre-mer au Sénat

À l'invitation de la Délégation sénatoriale aux outre-mer , cette rencontre a réuni le 15 novembre au Sénat plus de 300 maires et élus ultramarins. Trois temps forts ont rythmé l'évènement :

• À l'occasion des dix ans de la délégation , en présence de l'ancien président du Sénat Jean-Pierre Bel (2011-2014), des deux premiers présidents de la délégation Serge Larcher (2011-2014) et Michel Magras (2014-2020) et du rapporteur de la Mission fondatrice de 2009 sur les DOM Éric Doligé, les intervenants sont revenus sur plusieurs travaux emblématiques (adaptation des normes, différenciation territoriale, biodiversités ultramarines, politique du logement, urgence économique outre-mer), qui ont consolidé l'enracinement des outre-mer au Sénat.

• À la veille de la présidence française de l'Union européenne et à l'heure où l'axe Indo-Pacifique prend une nouvelle dimension, un débat interactif sur les atouts maritimes, animé par les trois rapporteurs de l'étude - Philippe Folliot (Union centriste - Tarn), Annick Petrus (Les Républicains - Saint-Martin) et Marie-Laure Phinera-Horth (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants - Guyane) a permis de mettre en avant les atouts et les défis à relever pour les outre-mer (12 territoires sur trois océans, 97 % de l'espace maritime français, 2,6 millions d'habitants dont 1,2 million de jeunes).

• Les présidents des délégations aux outre-mer du Sénat et de l'Assemblée nationale, Stéphane Artano (Rassemblent démocratique et social européen - Saint-Pierre-et-Miquelon) et Olivier Serva (La  République en Marche - Guadeloupe) ont signé un courrier au Président de la République demandant la panthéonisation du président Gaston Monnerville à l'occasion du trentième anniversaire de sa disparition et dans le cadre du cycle de commémorations initié par Georges Patient (Rassemblement des démocrates, progressistes indépendants - Guyane), vice-président du Sénat et président de la Société des Amis du président Gaston Monnerville.

Cette démarche a reçu le soutien du président Gérard Larcher qui a clôturé la manifestation en soulignant sa volonté d'associer toujours mieux les maires ultramarins aux travaux du Sénat.

INFOGRAPHIE

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