B. LES AUDITIONS ET ÉCHANGES DE L'APCE AVEC PLUSIEURS PERSONNALITÉS
1. L'intervention en séance plénière de personnalités politiques
a) Les échanges de l'Assemblée parlementaire avec Mme Stella Kyriakidès, commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire
En ouverture de ses séances du mardi 28 septembre, l'Assemblée parlementaire a tenu un échange de vues avec Mme Stella Kyriakides, commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire, ancienne Présidente de l'APCE. Lors de son propos liminaire, cette dernière a notamment présenté le programme de la Commission visant à rendre l'Union européenne plus saine, plus inclusive, plus résiliente et plus durable. Elle a notamment souligné que la collaboration et la solidarité étaient les clés pour relever les défis futurs.
Se remémorant son appartenance à l'APCE et sa présidence de cette dernière, elle a évoqué les discussions importantes à l'ordre du jour de la session d'automne, et notamment celle sur le droit à un environnement sûr, sain et durable, y voyant le reflet de l'action à mener ensemble, aujourd'hui. La santé de la planète et de ses habitants forment un tout car la santé végétale, la santé animale et la santé humaine sont indissociables.
La commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a passé en revue l'action de l'Union visant à fournir des vaccins à tous les Européens et ses plans pour la résilience sanitaire future. Relevant que personne n'est en sécurité tant que nous ne le sommes pas tous, elle a appelé à un accès universel et équitable aux vaccins et aux traitements contre le SARS-CoV-2, qui est à la fois une priorité absolue et un impératif moral. À cet égard, elle a plus particulièrement vanté les efforts de l'Union européenne pour travailler avec les pays partenaires, exporter des vaccins à l'étranger et être le fer de lance du déploiement mondial des vaccins via l'initiative COVAX ( Covid-19 Vaccines Global Access ).
Mme Stella Kyriakides a salué le travail du Conseil de l'Europe et de son Assemblée parlementaire pour répondre immédiatement aux immenses défis de la pandémie et elle lui a demandé instamment de mettre son autorité morale au service de l'effort renouvelé pour créer une architecture sanitaire mondiale solide. Elle a également préconisé la réforme et le renforcement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), afin qu'elle puisse jouer son rôle essentiel de chef de file pour rendre le monde plus sûr contre les futures pandémies.
Pour faire face aux futures pandémies, l'Union européenne souhaite faire avancer quatre propositions clés, notamment un projet de nouvelle Autorité européenne de préparation et de réaction aux urgences sanitaires (HERA), ainsi que des mesures visant à renforcer les organes sanitaires existants de l'Union et à faire face aux graves menaces sanitaires transfrontalières.
La commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a également souligné le travail de son équipe sur le plan européen de lutte contre le cancer, qui s'articule autour de la coordination avec les États membres de l'Union européenne et d'autres partenariats, afin de combler le retard accumulé en matière de traitements, de soins et de prévention lié à la Covid-19. Elle s'est montrée optimiste sur le fait que, grâce à ces efforts, les réalités du cancer allaient changer.
En conclusion, elle a affirmé avoir conscience d'une convergence de visions et de déterminations pour travailler à la construction d'un avenir meilleur, qui ne laisse personne de côté.
Au cours des échanges qui s'en sont suivis, M. Alain Milon (Vaucluse - Les Républicains), premier vice-président de la délégation française , a souhaité savoir si le nombre de doses de vaccin contre la Covid-19 fournies par l'Union européenne au mécanisme COVAX venait en complément des doses fournies par les pays membres et quels sont les pays tiers. Il a aussi demandé si les États recevant gratuitement des vaccins par le biais de ce mécanisme endossaient les mêmes responsabilités que les États membres de l'Union, notamment en matière d'indemnisation des personnes qui subiraient un dommage à la suite de la vaccination.
La commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a rappelé que l'Union européenne, l'un des principaux bailleurs de COVAX, voulait contribuer à ce que les vaccins atteignent toute la planète. Elle a précisé que 130 pays avaient bénéficié de vaccins par ce biais et que l'objectif de vaccination du monde entier était plutôt une course de longue haleine, non un sprint. Le système COVAX, qui n'a que quelques mois d'existence, a déjà permis de sécuriser des millions de doses. En ce qui concerne les questions de responsabilité, la Commission a négocié et respecté les responsabilités de l'Union en matière de protection des citoyens, de sorte qu'il n'existe pas de problème à ce sujet pour le moment.
Après avoir indiqué qu'elle avait été l'initiatrice d'un rapport en France sur le parcours de soins pour les patients atteints de la borréliose de Lyme, sujet qui concerne plus d'un million d'Européens actuellement, et que le Parlement européen avait souhaité, dans une résolution du 15 novembre 2018, mettre en place un plan communautaire de lutte contre cette maladie avec, entre autres, des programmes de recherche clinique et fondamentale, Mme Nicole Trisse (Moselle - La République en Marche), présidente de la délégation française, a demandé à la Commissaire européenne quelles suites elle entend donner aux demandes du Parlement européen et s'il était envisagé par la Commission, qui finance des projets de recherche tels DualDur et ID-Lyme dans le cadre du Programme Horizon 2020, de mettre en place un budget fléché pour une recherche dédiée aux maladies vectorielles à tiques, en particulier la borréliose de Lyme.
En réponse, la commissaire européenne à la santé et à la sécurité sanitaire a reconnu que la maladie de Lyme suscite un grand intérêt au sein du Parlement européen. Si peu de gens la connaissent, elle n'en reste pas moins une maladie très grave. Dans le cadre du programme européen de santé et du programme Horizon, la Commission européenne va essayer de mieux coordonner les efforts, en particulier la recherche autour de ce type de maladie.
b) L'allocution de M. Nikola Dimitrov, Vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord
Le dernier jour de sa session d'automne, l'APCE a écouté une allocution de M. Nikola Dimitrov, vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord. Ce dernier est symboliquement resté silencieux dans l'hémicycle pendant seize secondes, avant d'entamer son propos, afin d'illustrer les seize années d'attente, jusqu'à aujourd'hui, pour un lancement formel du processus d'adhésion à l'Union européenne. Il a regretté que cette attente perdure toujours.
Même si au cours de son déplacement dans la région, la Présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a martelé le message « ne perdez pas la foi, votre avenir est européen », la Macédoine du Nord est probablement l'exemple le plus criant de certains aspects négatifs de la procédure d'élargissement de l'Union européenne. Le pays s'est lancé dans ce parcours après la Slovénie et avant la Croatie. La Croatie est membre de l'Union européenne depuis huit ans maintenant et la Macédoine du Nord n'est toujours pas dans la phase de pré-adhésion.
La raison profonde de ce retard est liée, non pas au manque de réformes, aux conflits yougoslaves, mais aux problèmes qui ont longtemps concerné le pays et un État voisin, la Grèce. Ces problèmes ont été résolus en 2018, avec l'Accord de Prespa. Il s'agit sans doute de l'un des plus grands efforts en matière de résolution des conflits après les accords de Dayton dans la région. Cet Accord de Prespa a été en outre précédé d'un important accord d'amitié et de coopération avec un autre voisin, la Bulgarie.
Les difficultés actuelles avec la Bulgarie ne portent pas sur des territoires. Il s'agit de questions d'histoire, d'identité et de langue. La situation nuit profondément à l'amitié entre les deux nations et perturbe les politiques européennes dans la région. La position des autorités de Bulgarie est d'autant moins compréhensible qu'elle entre en contradiction avec l'article 2 du traité d'amitié, stipulant que la Bulgarie assistera les efforts de la Macédoine du Nord sur le chemin de l'Union européenne ; au lieu de cela, elle a bloqué à deux reprises l'ouverture de négociations en vue d'une adhésion à l'Union.
La Macédoine du Nord fait partie d'une région qui commerce avec le marché commun depuis plus de trois décennies, où tous les investissements proviennent d'entreprises européennes depuis plus de trois décennies également. Elle appartient à une zone d'une importance capitale pour la propre stabilité de l'Union européenne, qu'il s'agisse du crime organisé ou de la lutte contre le terrorisme ou encore de la crise migratoire de 2015-2016.
Il est vraiment temps, désormais, d'aller de l'avant. Chacun doit assumer ses responsabilités. Le moment est venu de montrer à la région que l'Union européenne prend au sérieux sa promesse faite lors du Sommet de Thessalonique, dont l'absence de réalisation fait des ravages. Le statu quo affaiblit les forces pro-européennes et rend d'autres forces, plus nationalistes, plus solides.
Si l'Europe perd la confiance des peuples des Balkans, qu'elle doute que leur avenir soit avec elle, elle risque de perdre la région. Or, une perte de la vision européenne de la région ouvrirait la voie à d'autres visions, plus sinistres. Pour conjurer cette perspective, les dirigeants européens doivent adresser un signal politique fort, lors du Sommet d'octobre entre l'Union européenne et les Balkans, en Slovénie, confirmant que l'avenir de cette région s'inscrit dans l'Union européenne.
À l'occasion des échanges du vice-Premier ministre avec les membres de l'Assemblée parlementaire, M. Jacques Maire (Hauts-de-Seine - La République en Marche) s'est déclaré heureux d'apporter tout le soutien du groupe ADLE aux efforts de la Macédoine du Nord, notamment à travers les Accords de Prespa et d'Ohrid, qui ont permis d'éviter une nouvelle guerre dans les Balkans. Considérant que la Macédoine du Nord affirme des valeurs démocratiques profondes, une volonté de changement, une volonté d'intégration et de convergence, il a demandé à M. Nikola Dimitrov quel est le projet européen que son pays défend pour se rapprocher et s'intégrer à l'Union européenne, perspective que le groupe ADLE soutient.
En réponse, le vice-Premier ministre chargé des affaires européennes de la Macédoine du Nord a considéré qu'il n'y a pas d'alternative à devenir européen. Cette perspective sera plus accessible avec une réforme du processus d'adhésion mais, en tout état de cause, les autorités de la Macédoine du Nord s'en tiendront au plan consistant à faire du pays une démocratie européenne fonctionnelle, régie par l'État de droit. M. Nikola Dimitrov a néanmoins mis en garde : lorsque l'Europe ne tient pas ses promesses, elle perd la confiance, voire l'influence qu'elle a dans cette région, qui se trouve pourtant géographiquement en son sein.
2. L'audition des deux principaux responsables du Conseil de l'Europe
a) La séance de questions à Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, Secrétaire générale du Conseil de l'Europe
Dans le cadre de son dialogue régulier avec l'APCE, la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe, Mme Marija Pejèinoviæ-Buriæ, a répondu à plusieurs questions orales de membres de l'Assemblée parlementaire lors d'une séance spécifique sur le sujet, le 28 septembre. À la différence des autres personnalités, elle n'a pas prononcé de propos liminaire.
Au cours de ses échanges avec les membres de l'APCE, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a notamment souligné que la pleine exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme par les États membres revêt une importance capitale. Il s'agit là d'une obligation non négociable, essentielle au maintien du système de la convention européenne des droits de l'Homme. Elle a appelé les États membres à continuer d'appliquer et de respecter le principe de subsidiarité, en vertu duquel la convention est mise en oeuvre par les juges nationaux, en s'inspirant de la jurisprudence de la Cour, ce qui entraîne une diminution du nombre de requêtes introduites à Strasbourg.
S'agissant de l'éventuelle participation du Conseil de l'Europe au dialogue sur les zones de conflits non réglés, la Secrétaire générale a mis l'accent sur le rôle joué par l'Organisation dans la sauvegarde de la sécurité démocratique et elle a rappelé à quel point il importe que ses organes de suivi puissent accéder sans entrave à ces zones.
Enfin, à l'approche du 60 e anniversaire de la Charte sociale européenne, Mme Marija Pejèinoviæ Buriæ a souligné qu'un regain d'efficacité du système de la Charte s'impose et qu'elle avait présenté des propositions à cet effet au Comité des Ministres.
b) La communication du président du Comité des Ministres, M. Péter Szijjártó, ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie
Deuxième session du semestre de présidence hongroise du Comité des Ministres, la session plénière d'automne a été l'occasion, pour M. Péter Szijjártó, ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie, de dresser un bilan de l'action de son pays en faveur du Conseil de l'Europe au cours des six mois écoulés. Il est intervenu à cet effet devant l'ensemble des membres de l'Assemblée parlementaire juste après la Secrétaire générale de l'Organisation, le 28 septembre, et a répondu à leurs questions.
Au cours de son propos liminaire, le ministre des affaires étrangères et du commerce de la Hongrie a indiqué que la protection des droits des minorités nationales a été au centre d'une conférence de haut niveau organisée à Strasbourg, à la fin du mois de juin. Au début du mois de septembre, une autre conférence s'est tenue au Centre européen de la jeunesse, à Budapest, sur le rôle des organisations civiques et des instituts de recherche dans la promotion des normes et standards du Conseil de l'Europe sur les droits des minorités nationales. Deux conférences supplémentaires auront lieu en octobre : l'une à Strasbourg et l'autre à Budapest, portant respectivement sur les meilleures pratiques dans le domaine des droits des minorités nationales et sur les identités des minorités nationales. L'idée est de donner un élan à cette question en coopération avec le Représentant spécial du Secrétaire général sur l'antisémitisme, l'antimusulmans et les autres formes d'intolérance religieuse et de crimes de haine.
Vantant le dialogue interreligieux et la réconciliation, M. Péter Szijjártó a plaidé pour que l'Europe, qu'il a jugé fondée sur des valeurs chrétiennes, parle en faveur des communautés chrétiennes dans le monde, qui sont dans le besoin et persécutées. Il a illustré son propos par le programme « La Hongrie aide », qui a permis à 250 000 chrétiens de retourner chez eux ou de reconstruire leurs maisons, leurs églises, leurs hôpitaux, leurs écoles.
Afin de promouvoir la défense des enfants, la conférence « Droits, opportunités et bien-être des enfants et des jeunes à l'ère numérique » à Budapest, en octobre, accordera une attention particulière aux changements, aux dangers et aux opportunités apparus à la suite des mesures spécifiques mises en place pour lutter contre la pandémie depuis un an et demi, ainsi qu'aux défis quotidiens de l'éducation numérique et de l'apprentissage en ligne. Elle se concentrera particulièrement sur les droits des enfants et des étudiants, leur bien-être, ainsi que sur les valeurs familiales et la situation des familles.
Le président du Comité des Ministres a aussi insisté sur les dilemmes posés par l'intelligence artificielle, la révolution du secteur informatique, ainsi que le développement des plateformes de médias sociaux. Trop souvent, les dirigeants non élus des entreprises de haute technologie qui contrôlent ces plateformes ont une influence presque illimitée sur la liberté d'expression dans le cyberespace. Il apparaît donc nécessaire de réglementer cet espace afin que la liberté d'expression soit garantie. À cet égard, l'adoption par l'APCE d'un avis sur le 2 e protocole à la convention de Budapest sur le cybercrime, sur le renforcement de la coopération et la divulgation des preuves électroniques, constituera une première étape.
Se projetant enfin sur la fin de son semestre de présidence, M. Péter Szijjártó a évoqué la tenue d'une conférence ministérielle à Budapest, le 5 octobre 2021, sur la promotion de la numérisation de la justice et l'exploitation sûre de tout le potentiel de l'intelligence artificielle, la promotion de la lutte contre le changement climatique, la Hongrie ayant été le premier pays d'Europe à ratifier l'Accord de Paris et faisant partie des vingt-et-un pays du monde qui ont augmenté leur produit intérieur brut parallèlement à la réduction de leurs émissions, ainsi que la perspective des 60 e anniversaire de la Charte sociale européenne et 50 e anniversaire du Groupe Pompidou, célébrés à Strasbourg et Paris en octobre.